HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
Témoignages du comité
TABLE DE MATIÈRE
Le mardi 19 février 2002
Á | 1105 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax, Lib.)) |
M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada) |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Harminder Singh Magon (coordonnateur antiracisme, Syndicat canadien de la fonction publique) |
Á | 1115 |
La présidente |
Mme Johanne Labine (agente des programmes, Alliance de la Fonction publique du Canada) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
La présidente |
M. Johnston |
La présidente |
M. Hassan Yussuff |
Á | 1130 |
La présidente |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
M. Johnston |
La présidente |
M. Hassan Yussuff |
La présidente |
M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.) |
M. Hassan Yussuff |
Á | 1135 |
La présidente |
Mme Penni Richmond (directrice nationale, Département de la condition féminine et des droits de la personne, Congrès du travail du Canada) |
La présidente |
M. Gurbax Malhi |
M. Hassan Yussuff |
Á | 1140 |
La présidente |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
M. Hassan Yussuff |
Á | 1145 |
La présidente |
M. Harminder Singh Magon |
Mme Johanne Labine |
Á | 1150 |
La présidente |
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.) |
M. Hassan Yussuff |
Á | 1155 |
La présidente |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
 | 1200 |
La présidente |
Mme Johanne Labine |
M. Hassan Yussuff |
 | 1205 |
La présidente |
M. Alan Tonks (York Sud--Weston, Lib.) |
M. Hassan Yussuff |
 | 1210 |
M. Alan Tonks |
M. Hassan Yussuff |
M. Alan Tonks |
La présidente |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne) |
M. Hassan Yussuff |
Mme Johanne Labine |
Mme Carol Skelton |
M. Hassan Yussuff |
Mme Carol Skelton |
La présidente |
 | 1215 |
M. Harminder Singh Magon |
Mme Carol Skelton |
M. Harminder Singh Magon |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa--Orléans, Lib.) |
Mme Johanne Labine |
M. Eugène Bellemare |
Mme Johanne Labine |
M. Eugène Bellemare |
Mme Johanne Labine |
M. Eugène Bellemare |
Mme Johanne Labine |
M. Bellemare |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
M. Martin (Winnipeg Centre) |
 | 1220 |
Mme Johanne Labine |
M. Pat Martin |
Mme Johanne Labine |
M. Martin (Winnipeg Centre) |
M. David Onyalo (directeur national, Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, Congrès du travail du Canada) |
 | 1225 |
La présidente |
M. Hassan Yussuff |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
 | 1230 |
M. Hassan Yussuff |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
M. Johnston |
Mme Johanne Labine |
La présidente |
Mme Alexa McDonough |
La présidente |
La présidente |
Mme Monique Guay |
La présidente |
Mme Claudette Carbonneau (vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux) |
 | 1250 |
 | 1255 |
La présidente |
M. Raj Dhaliwal (directeur, Département des droits de la personne, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile) |
· | 1300 |
La présidente |
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne) |
M. Raj Dhaliwal |
· | 1305 |
M. Werner Schmidt |
Mme Claudette Carbonneau |
M. Werner Schmidt |
Mme Claudette Carbonneau |
M. Werner Schmidt |
La présidente |
M. Serge Marcil (Beauharnois--Salaberry, Lib.) |
Mme Claudette Carbonneau |
· | 1310 |
M. Serge Marcil |
Mme Claudette Carbonneau |
M. Marcil |
Mme Claudette Carbonneau |
M. Serge Marcil |
Mme Claudette Carbonneau |
· | 1315 |
M. Serge Marcil |
La présidente |
Mme Monique Guay |
M. Marcil |
Mme Guay |
Mme Claudette Carbonneau |
Mme Monique Guay |
· | 1320 |
Mme Claudette Carbonneau |
Mme Monique Guay |
Mme Claudette Carbonneau |
La présidente |
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.) |
Mme Claudette Carbonneau |
· | 1325 |
M. Joe McGuire |
M. Raj Dhaliwal |
M. Joe McGuire |
M. Raj Dhaliwal |
M. Joe McGuire |
M. Raj Dhaliwal |
· | 1330 |
La présidente |
Mme Claudette Carbonneau |
La présidente |
M. Martin (Winnipeg Centre) |
M. Raj Dhaliwal |
· | 1335 |
Mme Claudette Carbonneau |
M. Martin (Winnipeg Centre) |
M. Raj Dhaliwal |
Mme Claudette Carbonneau |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
· | 1340 |
Mme Claudette Carbonneau |
· | 1345 |
M. Eugène Bellemare |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
La présidente |
M. Bellemare |
La présidente |
M. Johnston |
La présidente |
M. Raj Dhaliwal |
Mme Claudette Carbonneau |
La présidente |
Mme Carol Skelton |
M. Raj Dhaliwal |
· | 1350 |
Mme Claudette Carbonneau |
Mme Carol Skelton |
M. Raj Dhaliwal |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
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l |
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Témoignages du comité
Le mardi 19 février 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées. Vous participez aujourd'hui à notre quarante-neuvième séance; nous poursuivons notre examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.
Nous avons une longue séance devant nous. Elle se divisera en deux parties. La première s’étendra de 11 heures à 12 h 30. Nous y accueillerons des témoins du Congrès du travail du Canada, du Syndicat canadien de la fonction publique et de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Nous prendrons une courte pause-repas à 12 h 30, puis passerons à la deuxième partie.
La greffière a déjà avisé les témoins qu’ils devront probablement limiter leurs commentaires à cinq minutes environ, afin de permettre le plus d’interactions possible avec les députés, qui, je le sais, sont impatients de leur poser des questions très précises. Par conséquent, si vous pouvez être bref, ce sera certainement à la plus grande joie des députés qui ont des questions pour vous.
J’invite d’abord le Congrès du travail du Canada à nous faire sa déclaration. Nous accueillons Hassan Yussuff, David Onylao et Penni Richmond.
M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada): Madame la présidente, au nom du Congrès du travail du Canada, je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir permis de m'adresser à lui aujourd'hui. Je vais faire quelques remarques en me reportant à nos notes; notre mémoire a déjà été envoyé au comité.
Les circonstances qui nous réunissent représentent pour nos 2,5 millions de membres, une occasion inespérée. Pour nous, à vrai dire, l'examen de la loi s'inscrit dans un cadre plus vaste destiné à créer une véritable égalité pour tous les Canadiens. L'équité en matière d'emploi n'est pas un phénomène isolé. Elle fait partie d'un cadre législatif plus vaste, conçu pour créer une véritable égalité, et ce cadre comprend les lois relatives aux droits de la personne, la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Loi sur le multiculturalisme, et celles portant sur les relations de travail, la lutte contre le racisme, la lutte contre les crimes haineux ainsi que sur les questions relatives à l'immigration et aux réfugiés. Toutes ces mesures font partie de ce cadre, et on ne peut donc considérer l'équité en matière d'emploi en vase clos. Il importe également de reconnaître que les possibilités d'emploi et les mesures législatives qui permettent de les valoriser et de les promouvoir sont d'une importance primordiale. Or, la Loi sur l'équité en matière d'emploi joue un rôle non négligeable à cet égard.
Il faut envisager votre tâche dans cette perspective plus vaste et pas uniquement dans l'étroit contexte de la loi qui n'est en fait qu'un des éléments d'un vaste systèmes visant à assurer l'égalité dans notre pays. La Charte canadienne des droits et libertés, inscrite dans notre Constitution, donne davantage de possibilités aux Canadiens, mais en dépit de cela, pour bon nombre de Canadiens, il demeure difficile de trouver de bons emplois bien rémunérés, et ce projet de loi pourra vraiment leur venir en aide.
Le Congrès du travail du Canada se réjouit de comparaître devant le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées pour discuter de l'examen de la loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi. Nous estimons qu'un examen complet de la loi s'impose, car elle n'a pas donné les résultats escomptés pour bon nombre de syndicats et de travailleurs qu'elle devait protéger. Nous sommes fermement convaincus qu'il faut incorporer dans la loi un certain nombre de propositions que nous avons faites en 1995 pour en renforcer les dispositions.
Nous notons avec satisfaction les importants liens établis entre les problèmes sociaux et économiques et l'équité en matière d'emploi dans le document Examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi: Rapport présenté au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.Le document comporte une analyse de la mondialisation et du milieu de travail, de l'économie du savoir, de la pénurie des compétences, des liens avec la pauvreté, et du coût du chômage, entre autres choses. La loi sur l'équité en matière d'emploi devrait effectivement être considérée comme faisant partie d'un vaste cadre législatif qui favorise l'intégration sociale et économique de tous les habitants de notre pays.
Certains jugements des tribunaux ont eu des répercussions directes sur la loi actuelle. Par exemple la décision prise par le Tribunal des droits de la personne en 1997, dans la cause Alliance de la capitale nationale sur les relations inter-raciales c. le Canada (Santé et bien-être), où il a emboîté le pas à Action Travail et à imposer à Santé Canada un vaste programme correctif d'équité en matière d'emploi. Les tribunaux ont également reconnu les obligations découlant de l'équité en matière d'emploi en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. En 1998, dans la cause Perera c. le Canadala Cour d'appel fédérale a confirmé le droit pour une personne de couleur d'intenter une poursuite civile contre son ancien employeur, l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. De même, la Cour suprême, en 1999, dans la cause Meiorin, a établi d'importants nouveaux principes en traitant des normes relatives à la discrimination en milieu de travail et de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. L'approche de la Cour suprême souligne le besoin pour le système de réagir aux structures qui empêchent des particuliers et des groupes de participer ou de participer pleinement au milieu de travail.
Nous aimerions maintenant souligner quelques unes des recommandations figurant dans le mémoire du Congrès du travail du Canada.
La conférence annuelle des Nations Unies contre le racisme a eu lieu en septembre dernier en Afrique du Sud. Elle a débouché sur une déclaration et un plan d'action, et nous aimerions nous reporter aux deux dans nos recommandations.
Certains éléments de la déclaration et du plan d'action d'application nationale de la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme ont des effets directs sur la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il importe d'abord de commencer par les recommandations visant l'adoption de cadres législatifs nationaux de lutte contre le racisme et de mesures relatives à l'emploi, la discrimination en milieu de travail et la collecte de données, comme les alinéas 66, 68 à 70, 78, 90, 92, 104a, 104c, 106, 107 et 108. Nous aimerions également relever le fait que l'alinéa 107 mentionne explicitement le rôle des syndicats ouvriers dans l'adoption de mesures non discriminatoires en milieu de travail.
Á (1110)
En dépit des pressions exercées par les syndicats pour obtenir une autorité partagée sur les moyens à prendre pour atteindre l'équité en matière d'emploi, la loi donne toute l'autorité juridique aux seuls employeurs. Or les syndicats doivent participer à toutes les étapes de l'analyse systématique et de l'examen des systèmes déjà en place en milieu de travail. Fréquemment, ces systèmes sont régis par des dispositions de la convention collective. Il est également logique de faire participer les représentants des syndicats à l'analyse de tels systèmes et à la conception des programmes d'équité en matière d'emploi en milieu de travail.
Nous demandons l'établissement d'une commission permanente sur l'équité en matière d'emploi afin d'éviter un mélange de responsibilités pour le ministère du Développement des ressources humaines et la Commission canadienne des droits de la personne, afin de fournir les connaissances spécialisées pour venir en aide aux employeurs et aux syndicats dans la mise en oeuvre de plans, et pour mener des campagnes d'information du public. Bien entendu, une commission sur l'équité en matière d'emploi aura besoin de crédits suffisants pour bien s'acquitter de son mandat.
Dans le cas où le gouvernement adopterait des mesures législatives qui tiendraient compte des recommandations du comité, quelles qu'elles soient, nous prierons encore instamment votre comité de recommander qu'on tienne de véritables consultations avec le mouvement syndical à cet égard. Nous estimons pouvoir jouer un rôle important et apporter des connaissances spécialisées au gouvernement, et en ce qui a trait à la rédaction de la loi. Ainsi, nous pourrons nous reporter utilement à ce texte lors des négociations collectives, sur lesquelles comptent quotidiennement la majorité des Canadiens représentés par le Congrès du travail du Canada, et concevoir un programme susceptible de faire vraiment avancer l'équité en matière d'emploi en milieu de travail. En l'absence d'un mandat législatif clair, nous comptons sur la loi pour atteindre un tel objectif. Nous pensons qu'on peut apporter des modifications nécessaires pour renforcer la participation des syndicats en milieu de travail.
Je vous remercie beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Yussuff.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Harminder Singh Magon, qui représente le Syndicat canadien des employés de la fonction publique. Monsieur Magon, vous avez cinq minutes pour éclairer notre lanterne.
M. Harminder Singh Magon (coordonnateur antiracisme, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci, madame la présidente.
Le Syndicat canadien de la fonction publique est d'heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées afin de s'entretenir de l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous n'avons cependant pas préparé de mémoire. Nous sommes ici pour appuyer le mémoire qui a été présenté par le Congrès du travail du Canada. Nous sommes ici pour travailler avec le CTC. J'aimerais cependant mentionner quelques points qui se trouvent dans le mémoire du CTC.
Tout d'abord, des comités mixtes en milieu de travail devraient être créés afin de faciliter la participation des représentants des employés et des syndicats à toutes les étapes de la mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi. Selon notre expérience, lorsque ces comités existent,ils aident à faire comprendre et accepter les objectifs et les avantages de l'équité en matière d'emploi par toute la main-d'oeuvre.
Le CTC demande encore une fois que soient établis des objectifs numériques et des échéanciers obligatoires qui tiendraient compte des objectifs spécifiques et des caractéristiques démographiques. Ces objectifs devraient devenir progressivement plus exigeants, plutôt que de demeurer les mêmes, ou, dans certains cas, devenir nettement moins exigeants. Des politiques devraient être mises en place afin d'établir des lignes directrices et des objectifs clairs dont on ne peut pas aussi facilement ne pas tenir compte et qui sont facilement inscrites dans la loi. La loi devrait rendre obligatoire la surveillance de ces objectifs et de ces échéanciers.
La loi n'oblige pas précisément les employeurs à offrir une formation sur l'équité en matière d'emploi sur les lieux de travail. Le succès de tout programme d'équité en matière d'emploi dépend de ce genre d'initiatives de formation pour appuyer ces programmes. Ce projet de loi devrait obliger les employeurs à informer les employés et les gestionnaires au sujet de la discrimination, des politiques antiharcèlement et de l'élaboration et de la mise en oeuvre des plans d'équité en matière d'emploi. Lorsqu'il y a un syndicat, cette obligation devrait être conjointe. Les employeurs devraient élaborer des méthodes efficaces de communiquer les programmes et les politiques d'équité en matière d'emploi et élaborer du matériel didactique.
En ce qui concerne l'information du public, nous sommes extrêmement déçus que le gouvernement fédéral n'ait pas fourni les ressources nécessaires à des programmes d'information afin d'encourager le public à comprendre cette loi et à en reconnaître l'objectif, tel que prévu dans la loi. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'un rôle indispensable que le gouvernement doit jouer. Le gouvernement devrait par ailleurs entreprendre régulièrement des campagnes d'information et de sensibilisation pour contrer les réactions négatives du public relativement à l'équité en matière d'emploi.
Il y a des gens qui, en raison de leurs responsabilités au travail, devraient recevoir une formation sur l'équité en matière d'emploi, en plus des séances d'information et de sensibilisation, qui devraient être offertes aux employés à tous les niveaux dans les milieux de travail visés par la loi. Ce type de formation devrait porter sur tous les aspects des relations en milieu de travail et être incorporé à tous les programmes de formation, pour donner une information efficace afin de contrer les réactions défavorables. On devrait également prévoir une formation spécifique sur les politiques et les programmes concernant le racisme, le sexisme, la discrimination fondée sur la capacité physique et l'homophobie.
Je vous remercie.
Á (1115)
La présidente: Le dernier exposé pour ce groupe sera présenté par Johanne Labine de l'Alliance de la fonction publique du Canada.
[Français]
Mme Johanne Labine (agente des programmes, Alliance de la Fonction publique du Canada): Merci, madame la présidente. Bonjour.
Il me faudrait évidemment plus de cinq minutes pour lire notre mémoire. J'ai donc des notes d'allocution que je vais présenter en espérant que le comité acceptera le texte complet de nos recommandations. Merci.
L'Alliance de la Fonction publique est heureuse de présenter ses commentaires et ses recommandations aux membres du comité. Il nous est apparent qu'une loi sur l'équité en matière d'emploi est toujours requise. Nous croyons aussi qu'il est important d'apporter des améliorations à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, particulièrement sur les questions qui suivent.
D'abord, la Loi sur l'équité en matière d'emploi devrait assurer la création de conseils régionaux sur l'équité en matière d'emploi qui serviraient à combler les expériences des milieux de travail assujettis à cette loi. Nous sommes d'avis que la direction de Développement des ressources humaines Canada devrait obtenir les ressources suffisantes et le mandat nécessaire pour remplir cette fonction.
Au moment de son adoption, la loi a été décrite comme un moyen important de mettre fin à la discrimination systémique au travail. La loi présente toutefois des difficultés majeures qui nuisent à son efficacité. Nos recommandations tentent de répondre aux besoins de recours approprié pour les plaintes de discrimination systémique.
En ce qui concerne la fonction publique fédérale, les membres du comité devraient comprendre les contradictions qui existent entre la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui interdit, d'une part, la négociation de la dotation et de la classification et les exigences de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, qui demande une consultation et une collaboration pour l'examen des systèmes de recrutement, de sélection, de promotion et d'autres systèmes d'emploi.
L'alliance recommande encore une fois que dans le lieu de travail syndiqué, la Loi sur l'équité en matière d'emploi fasse mention d'un plan d'équité en matière d'emploi négocié.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi mentionne la nécessité de faire en sorte que les exigences du Programme de contrats fédéraux soient équivalentes à celles qui touchent la mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi. Nous recommandons que le Programme de contrats fédéraux soit assujetti à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et aux vérifications de conformité par la Commission canadienne des droits de la personne.
En ce qui a trait à l'obligation de déposer un rapport, nous sommes d'avis que le rôle important d'examen par le public pour favoriser une bonne reddition des comptes pourrait être mieux accompli. Nous évoquons un commentaire fait dans le rapport de décembre 2001 du Comité sénatorial permanent des droits de la personne qui suggérait la nécessité de créer un comité parlementaire sur les droits de la personne. Nous croyons qu'un tel comité, selon son mandat, pourrait améliorer et la politique publique portant sur l'équité en matière d'emploi et celle sur les droits de la personne.
Pour ce faire, un comité parlementaire sur les droits de la personne, au lieu d'évaluer les gains ou les tendances uniquement dans le cours d'une révision législative, pourrait avoir le mandat de recueillir annuellement les rapports d'équité de la direction de Développement des ressources humaines Canada, de la Commission canadienne des droits de la personne, du Secrétariat du Conseil du Trésor et des employeurs distincts afin de consolider les tendances démographiques et d'identifier les questions nécessitant un examen plus approfondi.
Le Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique soulève également des points importants. Nous sommes d'avis, étant donné la délégation constante de la gestion des ressources humaines aux ministères et aux organismes, qu'il est difficile d'assurer l'application uniforme et efficace de l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale. Il s'agirait donc d'une erreur que de faire en sorte que le secteur public fédéral devienne une série d'entités distinctes qui peuvent rapidement faire fi du droit à l'égalité des travailleurs et travailleuses du secteur public. Nous sommes d'autant plus inquiets que nous entendons parler de coupes au Conseil du Trésor et possiblement à la Commission de la fonction publique du Canada en ce qui a trait aux ressources liées à l'équité en matière d'emploi.
Á (1120)
[Traduction]
Nous avons aussi des commentaires plus précis à présenter sur le principe du mérite. Le concept du mérite s'est vu ternir au fil des ans en raison de l'élément subjectif qu'on appelle qualités personnelles. Nos membres sont nombreux à croire fermement que ce facteur permet aux gestionnaires de choisir qui ils ou elles veulent. Cette possibilité de partialité a été relevée dans de nombreuses études et enquêtes gouvernementales. Nous sommes d'avis que la LEME et son règlement exigent que la fonction publique fédérale cherche à évaluer le mérite, abstraction faite des obstacles. C'est ainsi qu'a été soulevée la question de la primauté de la législation. Il est clair que la Loi sur l'équité en matière d'emploi devrait être prépondérante.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi devrait clairement assurer l'utilisation de taux de disponibilité sur le marché de travail exempts d'obstacles. À notre avis, la décision du Conseil du Trésor d'exclure les citoyens non canadiens du taux de disponibilité établi pour les minorités visibles a un effet négatif sur les minorités visibles. Par ailleurs, la Loi devrait prévoir la tenue du recensement et d'une enquête sur la santé et les limitations d'activités à intervalles plus courts et réguliers, afin d'assurer la disponibilité de données précises à un moment opportun pour établir des estimations de disponibilité sans obstacles.
Nous rappelons qu'un examen des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne au sujet de l'équité salariale est actuellement en cours. En outre, le ministre de la Justice a indiqué qu'une réponse du gouvernement au groupe d'examen de la LCDP devrait être publiée cet été. Il est impossible d'entreprendre séparément les processus et les examens susmentionnés sans faire l'évaluation des problèmes de discrimination systémique autre que salariale dans les régimes de classification et de faire une analyse pour établir s'il faut, oui ou non, un modèle d'équité salariale compte tenu de la race et de l'invalidité.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi ne précise rien sur la reconnaissance du besoin pour les employeurs d'équilibrer les occasions pour leurs employés membres des groupes d'équité, avec la nécessité d'accroître le recrutement externe des groupes d'équité dans des domaines où ils sont sous-représentés.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi doit servir à résoudre les questions liées à la fois au sexe, à la race et aux handicaps. Il existe de sérieuses lacune dans le cadre législatif actuel concernant les cas de discrimination fondée sur des motifs multiples. Cependant, malgré les obligations pour l'employeur et la conformité, cette loi ne traite pas les cas de discrimination fondée sur le sexe à l'intérieur des trois autres groupes d'équité. Les causes à motifs multiples ne sont pas abordées en fonction du niveau de représentation, des barrières à l'embauche ou des mesures devant faire partie du plan d'équité en emploi de l'employeur.
Je m'arrête ici, mais je voudrais souligner que le texte complet de notre mémoire inclut quelques recommandations supplémentaires.
Merci.
Á (1125)
La présidente: Merci.
Je voudrais dire aux témoins que je sais que cinq minutes vous limite terriblement alors que vous avez tellement à nous dire. Nous vous remercions de nous avoir fourni des documents écrits. Ils feront tous partie de la documentation que nous examinerons lorsque nous préparerons nos recommandations finales.
Nous allons donc passer à la période de questions, cinq minutes par intervenant, en commençant par M. Johnston, qui sera suivi de M. Malhi et de Mme Guay.
Monsieur Johnston.
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente, et merci aux témoins pour leurs exposés.
Vous avez parlé d'objectifs numériques obligatoires dans les groupes désignés. Je serais curieux de savoir comment, à votre avis, les employeurs pourraient atteindre ces objectifs si, après avoir fait de la publicité, personne de ces groupes en particulier ne posait sa candidature, ou tout au moins aucun membre du groupe qui est sous-représenté n'a posé sa candidature. À votre avis, comment peut-on corriger cette situation? Disons qu'un employeur a atteint ses objectifs numériques, comme vous le dites, ou ses quotas pour ce qui est des personnes handicapées et des minorités visibles. Après avoir passé une annonce, personne dans les groupes autochtones ou de femmes n'a posé sa candidature pour l'emploi affiché. Voyez-vous une solution à ce problème? La question s'adresse à n'importe lequel des témoins.
La présidente: Monsieur Yussuff.
M. Hassan Yussuff: Je pense qu'il est important de reconnaître, lorsque des employeurs tentent de recruter des gens, que c'est toujours un défi que de tenter de trouver les compétences spécifiques dans un groupe particulier. Encore une fois, en l'absence d'un objectif précis, je pense que nous continuons de ne pas remplir les obligations aux termes de la loi. Si nous reconnaissons par exemple, comme vous l'avez dit, que l'employeur devrait embaucher des membres d'un groupe autochtone, et qu'il y a pénurie de travailleurs qualifiés pour remplir ces emplois, je pense que cela ferait ressortir d'autres problèmes qu'il faudrait régler. S'il y a pénurie de travailleurs qualifiés et que nous ne formons pas suffisamment d'autochtones, peut-être que l'employeur pourrait mettre sur un pied un programme d'action directe. Il n'est peut-être pas suffisant de dire tout simplement qu'on cherche des Autochtones qui sont mécaniciens, et s'attendre à ce qu'ils posent leur candidature en grand nombre. Il est important de reconnaître que s'il y a une lacune, on peut le dire, et d'autres mesures peuvent être mises en place pour régler le problème.
Très souvent, un employeur peut décider qu'il veut employer un certain groupe dans une classification particulière, et naturellement, il ne ferait rien de plus que de faire passer une annonce. Je pense que les employeurs ont l'obligation de se rendre dans les écoles publiques, dans les écoles secondaires, les collèges et les universités, pour expliquer aux jeunes qui étudient à l'heure actuelle quel genre de personnes ils cherchent et pour tenter de s'assurer qu'il y ait un certain bassin de candidats, ou tout au moins qu'on les encourage à travailler dans ce genre de domaine. Souvent ce n'est pas le cas. Nous nous attendons tout simplement à ce qu'il y ait des travailleurs qualifiés lorsque les employeurs en cherchent.
Je pense qu'il est possible de prendre des mesures pour corriger ce problème. Encore une fois, les Canadiens sont prêts à se déplacer, si les employeurs sont prêts à chercher au-delà de leurs petite région géographique. Trop souvent, je pense que les employeurs s'en tirent trop facilement en disant qu'ils ont essayé, mais qu'ils n'ont pas réussi à trouver des gens.
Je veux vous raconter une histoire. Je travaillais auparavant pour General Motors. Je travaillais au sein d'une unité de négociation qui existait depuis 75 ans. Au cours de cette période, pas une seule femme n'avait travaillé dans l'unité de négociation. Ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de femmes qui voulaient gagner 17 $ de l'heure, mais c'est parce que l'employeur n'a jamais pensé qu'il pouvait employer des femmes dans cette unité. Naturellement, l'employeur devait faire certaines choses pour que des femmes viennent y travailler. Nous avons finalement décidé de mettre sur pied un programme mixte et un programme d'action directe et de créer une atmosphère, un lieu de travail qui ne serait pas sexiste, qui ne serait pas discriminatoire, afin que les femmes qui viendraient y travailler puissent se sentir les bienvenues, mais il a fallu travailler très fort pour que ce lieu de travail puisse accueillir des femmes. L'employeur, lorsque nous lui en avons parlé, a dit qu'il ne pouvait pas trouver de personnes qualifiées. Je lui ai demandé de nous dire de combien de personnes il avait besoin, et que nous irions les trouver le lendemain matin. Il faut un peu plus d'engagement et, naturellement, lorsqu'il y a un syndicat, les employeurs peuvent travailler avec ces derniers afin de surmonter ces obstacles.
Á (1130)
La présidente: Johanne, voulez-vous répondre?
Mme Johanne Labine: Je voudrais simplement signaler aux membres du comité qu'en ce qui concerne le bassin de personnes disponibles pour travailler, il y a deux ans la Commission de la fonction publique a fait une étude pour examiner le recrutement En fait, dans certains groupes d'équité, le taux de candidatures était de 20 p. 100 pour des emplois dans la fonction publique, mais le taux d'embauche n'était que de 4 p. 100. Certains d'entre nous nous demandons donc si ce n'est pas un mythe lorsqu'on dit que les gens ne sont pas disponibles pour des emplois, alors qu'il y a des gens disponibles pour des emplois dans les groupes d'équité.
La présidente: C'est à vous, monsieur Johnston.
M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente.
Cela m'amène à la deuxième partie de ma question, qui porte sur la formation. Bien évidemment, la loi porte que le recrutement doit se faire au mérite, principe auquel je souscris sans réserve. Étant donné que les employeurs ne sont pas tenus d'engager des travailleurs non qualifiés, quel rôle le gouvernement devrait-il jouer, à votre avis, pour perfectionner les compétences ou aider les employés à suivre la formation qu'exige l'employeur?
La présidente: Monsieur Yussuff.
M. Hassan Yussuff: Toute la question du mérite est un peu fallacieuse, à mon avis, et je parle en tant que personne ayant travaillé dans l'industrie et dans un milieu où on utilisait trop souvent ce principe pour justifier le favoritisme et maintenir en place des personnes pistonnées. Je viens du secteur automobile et je peux donc en parler en pleine connaissance de cause. Les employeurs ont pris des mesures pour s'assurer que tous les travailleurs dans le secteur de l'automobile avaient un niveau d'études de douzième année. Nous savons parfaitement, bien avant que la douzième année ne soit obligatoire pour travailler dans l'industrie automobile, les employés de ce secteur n'avaient terminé qu'une huitième année, parfois moins. Que leur demandait-on de faire dans le cadre de leur travail et quel niveau d'instruction celui-ci exigeait-il? La question du mérite, bien souvent, sert à disqualifier certains groupes, et trop souvent les gens de couleur et les femmes, ainsi que d'autres groupes défavorisés de notre société, car on a l'impression qu'ils sont moins instruits et n'ont pas la compétence pour faire ce travail.
Vous soulevez une question très pertinente, mais il faut tenir compte de la façon dont les employeurs utilisent en fait le système d'emploi pour évaluer véritablement si ce système n'est pas discriminatoire en soi. Bien souvent, les obstacles font partie intégrante du système de recrutement, ce qui a pour effet que ce sont toujours les mêmes personnes qui finissent par obtenir les mêmes emplois. Il est essentiel, lorsqu'on parle de mérite, d'essayer de comprendre ce que c'est véritablement et comment on utilise ce principe de façon systématique pour empêcher certains groupes d'obtenir un emploi, car dans certains milieux, seules certaines personnes réussissent à obtenir les emplois en question, puisque les obstacles sont toujours fixés à un certain niveau. Je pense que le système est parfois fondamentalement injuste et discriminatoire.
La présidente: Merci.
La parole est à M. Malhi, suivi de Mme Guay.
M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.
Pouvez-vous nous citer des exemples de mesures visant à mettre en oeuvre l'équité en matière d'emploi? Que faut-il faire, selon vous, pour améliorer les possibilités d'emploi des personnes âgées et de celles qui sont handicapées?
M. Hassan Yussuff: Je vais laisser mes collègues répondre à votre question, mais auparavant revenons-en à la question de l'invalidité. Si vous examinez les études qui ont été faites et les statistiques qui existent, les personnes handicapées continuent de constituer l'un des groupes les plus défavorisés, en matière d'accès à l'emploi, dans notre pays. On peut dire sans exagérer qu'un grand nombre de personnes atteintes de handicaps sont réemployées dans le même milieu de travail, car les employeurs ont l'obligation de leur faire une place et que bien souvent, ce n'est pas pris en compte. Toutefois, pour ce qui est des personnes de l'extérieur recrutées grâce aux pratiques d'emploi, il faudra que l'employeur parfois adapte le lieu de travail pour le rendre plus accessible à ces personnes. Il faut parfois reconcevoir le milieu de travail, ou encore la façon dont le travail s'effectue, et beaucoup trop souvent, les employeurs ne sont pas disposés à consacrer les ressources nécessaires au recrutement et aux mesures d'adaptation requises pour engager des personnes handicapées, de façon à ce qu'elles puissent travailler dans ces endroits précis. Cela constitue un enjeu important.
Avec le vieillissement de la population active, comme vous le savez, le mouvement syndical appuie depuis toujours le principe de la retraite à 65 ans. Loin de nous l'idée que les gens ne peuvent pas continuer à travailler après l'âge de 65 ans, mais nous disons simplement que la décision de la Cour suprême représente un compromis raisonnable pour la société. Il arrive un moment où l'on dispose d'un régime de pension, et où il faut partir et faire de la place aux autres. Nous admettons qu'un grand nombre de travailleurs qui perdent leur emploi bien avant d'avoir 65 ans, c'est-à-dire à 50 ou 55 ans, ont beaucoup de mal à trouver un autre emploi. Là encore, la loi ne stipule aucune mesure précise dans ces cas-là, mais c'est une chose dont le gouvernement va devoir se préoccuper davantage à l'avenir, car si l'on considère les facteurs démographiques de la société canadienne, il y aura de plus en plus de gens dans cette catégorie qui sont prêts à travailler mais qui n'ont pas accès à des possibilités d'emploi, comme par le passé.
Á (1135)
La présidente: Madame Richmond, vous vouliez répondre.
Mme Penni Richmond (directrice nationale, Département de la condition féminine et des droits de la personne, Congrès du travail du Canada): Certaines des personnes qui nous accompagnent aujourd'hui ont des exemples très concrets de mesures prises par les syndicats pour essayer de négocier l'équité en matière d'emploi, mais je voulais parler de la question plus générale dont nous faisons état au début de notre mémoire et de l'exposé de Hassan.
Nous savons que les progrès réalisés par les personnes handicapées ont été absolument déplorables, tout le monde l'admet volontiers, mais je tenais à dire que même dans les cas où les employeurs ont recruté ces personnes et fait des efforts, peut-être en raison des obligations qui leur incombent en tant qu'employeurs fédéraux, il est extrêmement difficile aux personnes handicapées de travailler faute de services de soutien suffisants. Nous avons constaté que certaines personnes ne peuvent même pas se rendre au travail en raison des coupures imposées dans le domaine des transports. Ce n'en est qu'un exemple. Il y a ceux qui ne peuvent pas continuer à travailler car ils n'ont pas les moyens de faire face à leurs autres besoins d'ordre médical. Le problème est très sérieux.
Nous voulions vous faire bien comprendre que c'est là le problème général et que le gouvernement a un rôle à jouer pour s'assurer que le milieu de travail sera pleinement accessible aux personnes handicapées. Loin de moi l'idée que les employeurs ont fait des pieds et des mains et ont obtenu d'excellents résultats en matière de recrutement, mais nous savons que même lorsque certaines personnes ont été engagées, il leur est vraiment difficile de continuer à travailler, en raison de l'absence de services de soutien et aussi des systèmes d'indemnisation qui sont durement mis à l'épreuve lorsque des personnes sont blessées au travail.
La présidente: Merci, madame Richmond.
Monsieur Malhi, il vous reste une minute.
M. Gurbax Malhi: Ce que je veux savoir, c'est ce qu'il faut faire, selon vous, pour améliorer les possibilités d'emploi des personnes âgées. Dans certains cas, comme on l'a dit, leur perte d'emploi est due à une fermeture d'usine. Ces personnes, âgées de 50 ou 51 ans, ne peuvent pas trouver un autre emploi. Quelles suggestions pouvez-vous faire dans ces cas-là?
M. Hassan Yussuff: Je n'irai pas par quatre chemins. À moins que nous ne fassions quelque chose pour créer le plein emploi dans notre pays, il y aura toujours des travailleurs qui se font concurrence pour les mêmes emplois. Je prends toutefois au sérieux votre argument. Le taux de chômage s'établit officiellement à 8 p. 100, mais nous savons qu'il est en fait un peu plus élevé que cela. En réalité, certains travailleurs se font concurrence pour les mêmes emplois, et si les employeurs ont le choix, ils opteront pour les travailleurs plus jeunes. C'est la réalité actuelle.
Bien sûr, en cas de pénurie de compétences, on verra de plus en plus d'employeurs s'efforcer de redonner du travail à des travailleurs âgés, car dans notre pays, cette question va bientôt prendre des proportions de crise. Dans ce domaine, à mon avis, les employeurs rechercheront tous les travailleurs possibles. Mais vu sous notre angle, la plupart du temps, nous essayons de défendre les emplois de nos membres lors de mises à pied, de fermetures et d'autres situations problématiques, et je ne dirais pas que c'est une simple question de formation, car, comme nous le savons, la plupart des travailleurs âgés qui perdent leur emploi ont des compétences incroyables. Nous sommes témoins d'une tendance discriminatoire dans le domaine du recrutement et, parfois, l'employeur n'accorde pas la préférence aux travailleurs âgés. Il préfère recruter des personnes plus jeunes, à moins que celles-ci n'aient pas les compétences voulues pour l'emploi.
Je ne peux pas vous fournir de réponse plus précise, à moins que nous ne fassions quelque chose pour réduire le taux de chômage. Les travailleurs âgés devront livrer concurrence aux jeunes pour les mêmes emplois disponibles. C'est aussi simple que cela.
Á (1140)
La présidente: Merci.
Mme Guay, suivie de Mme Folco et de Mme McDonough.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.
J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'être parmi nous. Je pense que vos recommandations, spécialement celles contenues dans le rapport sur l'Alliance de la Fonction publique, ont exigé un travail absolument gigantesque, extraordinaire. Nous devrons tenir compte d'au-delà de 21 recommandations lorsque nous proposerons des amendements à la loi. Je vous remercie beaucoup pour ce travail extraordinaire.
Tout à l'heure, monsieur Yussuff, vous avez parlé de GM, où vous avez travaillé pendant des années. GM se trouve tout près de ma circonscription, celle de Laurentides au Québec, dans les Basses-Laurentides. Nous avons aussi vécu certains problèmes d'équité en matière d'emploi. Je pense que, de toute façon, il faut très souvent donner une formation particulière pour tous les postes spécialisés. Donc, qu'on accorde un emploi spécialisé à un homme, à une femme, à une personne appartenant à une minorité visible ou à une personne handicapée, il faut donner une telle formation. Il est donc facile, en toute logique, d'ouvrir la porte à tout le monde dans ces secteurs-là.
Quant à vous, monsieur Magon, vous avez parlé d'un comité conjoint. J'aimerais que vous élaboriez davantage sur ce sujet. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais vous pourriez au moins nous dire de quelle façon vous entrevoyez cette collaboration entre le parti patronal et le parti des travailleurs.
Il faudrait aussi nous parler des coûts qui y seraient reliés parce qu'il y a des gens que cela inquiète. Je sais que le budget de la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'est que de 1,4 million de dollars. Je pense que ce n'est pas suffisant pour la mise en application de la loi dans l'ensemble du pays. Au Québec, où il existe une loi semblable, le budget est à peu près le même. On ne peut comparer le territoire d'une province et celui d'un pays. Il y a tout cet aspect à ne pas oublier.
J'aurais aussi une question pour vous, madame Labine. Nous avons déjà rencontré ici les représentants de la Commission de la fonction publique et du Secrétariat du Conseil du Trésor et nous savons que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique fait mention du principe du mérite, mais que celui-ci n'est pas défini précisément dans cette loi. Vous dites qu'il y a une possibilité de conflit entre, d'une part, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et, d'autre part, la Loi sur l'équité en matière d'emploi en ce qui a trait au principe du mérite. Pourriez-vous nous expliquer la nature du conflit que vous entrevoyez?
Je vous laisse là-dessus. La parole est à vous.
[Traduction]
M. Hassan Yussuff: En ce qui touche la formation spécialisée, j'aimerais insister sur le fait que tout dépend du lieu de travail et du type d'emploi dont on parle. Il est vrai que la majorité des emplois sont dans une certaine mesure spécialisés, mais je suis d'avis que les Canadiens de tous les milieux et appartenant à toutes les cultures et les groupes ethniques possèdent souvent les connaissances et les compétences de base pour remplir ces emplois.
Dans le contexte de l'équité en matière d'emploi, pour que les employeurs s'acquittent de leurs responsabilités et adoptent des pratiques de recrutement non discriminatoires, il s'impose que les gestionnaires, les surveillants et tous ceux qui travaillent dans le domaine des ressources humaines dans les entreprises changent leurs attitudes. Si l'on n'impose pas aux entreprises l'objectif de faire en sorte que leur effectif reflète la collectivité et la société, cela ne se produira jamais.
À mon sens, la loi impose une obligation passive aux entreprises. Je crois que cette obligation devrait être active afin que les employeurs s'emploient continuellement, pas seulement dans leurs discussions avec les syndicats auxquels appartiennent leurs employés, mais aussi dans leurs discussions avec les représentants de la collectivité, à faire en sorte que leur effectif soit représentatif de la collectivité. Si ce n'est pas le cas, il faudrait trouver des moyens pour remédier à la situation. Comme la représentativité de l'effectif est vue comme une obligation passive, on affecte trop rarement les ressources voulues à l'atteinte de cet objectif. Tout est laissé au bon vouloir de l'employeur. Force nous est de constater que la situation varie d'un bout à l'autre du pays.
Le ministère a le mandat de promouvoir la mise en oeuvre de la loi, mais je crois que les Canadiens ne comprennent encore pas très bien le concept de l'équité en matière d'emploi. Ce principe est encore vu comme de la discrimination à l'envers. Je crois que nous devons faire davantage au point de vue politique dans ce pays si nous voulons vraiment que l'égalité et l'équité en matière d'emploi deviennent des réalités dans notre société. Le principe demeure encore un principe théorique auquel ne souscrit toujours qu'un petit nombre de personnes éclairées. Il importe que nous fassions face à cette situation étant donné qu'on peut s'attendre à ce que la société continue d'évoluer comme elle évolue à l'heure actuelle.
Je suis donc d'accord avec ce que vous dites au sujet de la formation spécialisée, mais je pense qu'il faut encore une fois replacer les choses dans leur contexte, et il faut que les employeurs... Le ministère doit jouer un rôle plus actif dans la promotion de la loi et doit y affecter les ressources voulues. Le ministère ne peut pas offrir des services à des groupes d'employeurs si on ne lui donne pas les ressources voulues à cette fin.
Á (1145)
La présidente: Monsieur Magon.
M. Harminder Singh Magon: Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de notre expérience en Saskatchewan. Je faisais partie de la Section 59 du Syndicat canadien de la fonction publique. Nous avons mis en oeuvre notre programme d'équité en matière d'emploi en 1981. Cette initiative a suscité à l'époque une tempête de protestations parce que tout le monde croyait que cela donnerait lieu à une arrivée massive d'Autochtones, de gens de couleur et de personnes handicapées et qu'il n'y aurait plus de place pour les personnes de race blanche non handicapées. Nous avons dû travailler d'arrache-pied pour expliquer à nos membres la raison d'être de l'équité en matière d'emploi qui est de corriger les injustices passées. Nous avons constaté qu'après avoir créé des comités mixtes pour en discuter, des comités au sein desquels les syndicats et le patronat étaient représentés à parts égales, le programme est devenu un programme qui ne nous était plus imposé par la direction, mais auquel nous souscrivions volontairement. On a ainsi créé un climat propice à des discussions sur l'équité en matière d'emploi. Les résultats obtenus ont été étonnants.
Je n'ai pas vraiment de reproches à adresser au gouvernement quant aux ressources qui sont affectées au programme. Au début, tout ce que le gouvernement a fait c'est de confier aux représentants du ministère la tâche de nous donner de la formation sur l'équité en matière d'emploi. Je crois que l'un de nos premiers formateurs est ici. La formation qu'il nous a dispensée a constitué un bon point de départ. Il a créé un climat de camaraderie entre la gestion et les syndicats qui a permis de faire en sorte que nous concertions nos efforts pour mettre en oeuvre un programme qui est avantageux pour les deux parties.
J'attache beaucoup d'importance au rôle des comités mixtes. Ce n'est que lorsque les syndicats et le patronat participent à la mise en oeuvre d'un programme que celui-ci peut connaître du succès. Si une partie ne souscrit pas aux objectifs du programme, celui-ci est voué à l'échec.
[Français]
Mme Johanne Labine: En ce qui a trait au principe du mérite, pour nous, dans la fonction publique fédérale, c'est une question très pertinente.
Vous savez que le principe du mérite n'est pas défini précisément dans la Loi sur l'emploi dans la fonction. Depuis des années et des années, les gens ont l'impression que le principe du mérite est un principe absolu et neutre. Plusieurs événements nous ont démontré que, finalement, l'évaluation selon le principe du mérite n'est pas toujours faite de façon neutre dans la fonction publique fédérale: la plainte qui a été déposée contre Santé Canada; la décision du tribunal dans le cas de Santé Canada; le Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale, qui a produit le rapport Embracing Change in the Federal Public Service / Faire place au changement dans la fonction publique fédérale.
Nous savons très bien que la mise en oeuvre du principe du mérite par le biais des outils de sélection... Je vous ai donné plus tôt des statistiques. Le taux de demande d'emploi des personnes de minorités visibles dans la fonction publique est de 20 à 22 p. 100 dans certains secteurs, mais le taux d'embauche n'est que de 4 p. 100. Il y a un énorme écart qui existe dans la fonction publique fédérale pour ce groupe-là.
Il y a aussi eu une étude des tests de sélection qui a démontré que sur les 10 tests, certains avaient un impact négatif sur les communautés des groupes d'équité. Évidemment, dans nos discussions avec les agences centrales, c'est-à-dire le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, nous disons que la Loi sur l'équité en matière d'emploi a préséance sur les autres textes de loi. Nous avons des débats sur cette question de reconnaître que le principe du mérite ne peut pas être vu comme un outil neutre, un outil qui n'est pas entaché par une certaine culture de travail qui s'est instaurée dans la fonction publique fédérale.
C'est souvent en regardant les outils de sélection, la composition des comités de sélection, les questions posées aux candidats et aux candidates, les critères d'évaluations, etc., que nous voyons que le principe du mérite est souvent entaché d'obstacles à l'emploi.
C'est le conflit qui existe entre les deux textes de loi actuels.
Á (1150)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Tout d'abord, je voudrais féliciter les témoins qui comparaissent devant le comité aujourd'hui. C'est la première fois que je vois un groupe représenter aussi bien les groupes qu'il est censé représenter.
On parle des groupes désignés, qui sont les minorités visibles, les femmes, les gens des premières nations et les personnes handicapées. Je vois devant nous aujourd'hui des personnes qui représentent certains de ces groupes désignés, pas tous peut-être mais un grand nombre d'entre eux. Je vous félicite parce que cela me prouve qu'il y a un genre d'empowerment, comme on dit en anglais. Ce sont les groupes qui se prennent eux-mêmes en main, et je m'en réjouis. C'est le premier commentaire que je voulais faire.
J'ai des questions à poser, la première portant sur la question de l'immigration, qui touche ou qui a touché certains d'entre vous, j'en suis sûre. Certains immigrants qui arrivent ici, au Canada, avec des diplômes, que ce soit des diplômes universitaires ou des diplômes d'institutions d'arts et métiers, ne peuvent se trouver du travail ici parce que leurs diplômes ne sont pas reconnus.
Au Québec, au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, on a un processus qui tient compte de ce fait et qui permet aux immigrants de présenter leurs diplômes et de recevoir des équivalences au moins québécoises, sinon canadiennes.
J'aimerais, d'une part, vous entendre sur la pression que vous devriez exercer sur le gouvernement par rapport à cela, puisqu'on sait que des personnes qui arrivent ici avec des doctorats se retrouvent chauffeurs de taxi un an ou deux plus tard. D'autre part, vous vous occupez surtout des enfants de ces immigrants, mais je pense qu'il faudrait voir aussi ceux qui arrivent et comment ils peuvent s'insérer dans le marché du travail. C'est ma première question et je l'adresse à qui voudra y répondre.
Ma deuxième porte sur une chose que M. Yussuff a dite, à savoir que le gouvernement ne consacrait pas suffisamment de ressources à l'information du public quant aux bienfaits de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Je me rends compte moi aussi, dans les discussions que nous avons à ce comité et avec les gens du public, que le public est mal informé. J'aimerais avoir un peu plus d'information de votre part quant au type d'activités que le gouvernement et le ministère en particulier pourraient faire par rapport à cela.
[Traduction]
M. Hassan Yussuff: Ce que vous dites sur l'immigration est tout à fait juste. Il me semble que nous recrutons partout dans le monde les meilleurs sujets pour notre pays, et lorsqu'ils arrivent chez nous, nous leur demandons de conduire des taxis ou nettoyer des toilettes. C'est ahurissant. Nous avons toujours appuyé le système des équivalences. Il y a un peu plus de deux ans, j'ai participé avec la ministre Jane Stewart à une conférence où l'on demandait justement la création d'un organe national. Comme vous le savez, au Canada, chacune des provinces est responsable de ces questions d'équivalence. C'est un véritable fouillis: dans certains endroits, avec un peu de chance, vous obtiendrez une équivalence, alors que dans d'autres, vous aurez beaucoup de mal.
Je crois que le gouvernement fédéral a commis une grave erreur lorsqu'il a signé les ententes de responsabilité commune avec les provinces en matière d'immigration. Les ententes ne comportaient aucune disposition qui aurait exigé que les provinces mettent en place un système de reconnaissance des titres de compétence afin d'obtenir leur juste proportion d'immigrants. Je crois que nous devrions changer ces ententes afin d'y inclure des dispositions claires voulant que les provinces doivent faire bon usage des compétences des immigrants si elles veulent les accueillir. Ceci n'a pas encore été fait. Nous avons pourtant réclamé. C'est une mesure nécessaire qui devrait être en place depuis bien longtemps. Je crois que la SRC a réalisé une étude—je ne sais pas à quel point elle était empirique—dans laquelle on constatait que nos chauffeurs de taxi sont les plus instruits du monde entier. Il ne me semble pas qu'il y ait de quoi être fier. C'est plutôt l'illustration d'un phénomène assez décourageant ici au Canada. Nous faisons venir des gens brillants de partout dans le monde et nous ne leur permettons pas de travailler dans leur domaine de compétence. Je crois que cela en dit long sur la discrimination systémique à laquelle certains groupes culturels font face.
Pour ce qui est de la deuxième question sur les ressources affectées à la promotion de l'équité en matière d'emploi, je crois sincèrement que le gouvernement fédéral a une obligation fondamentale, s'il est sérieux, d'accorder au ministère ou à un autre organisme les ressources nécessaires. Nous ne parviendrons pas à faire la promotion de l'équité en matière d'emploi sans les outils et les ressources nécessaires pour le faire. Je crois que bien des employeurs sont prêts à discuter des façons de régler cette question et de faire du progrès, si toutefois les ressources sont disponibles. Mon collègue Harminder a parlé plus précisément des comités mixtes. Vous savez, en milieu de travail, en dépit de ce que le mouvement ouvrier puisse en penser, la plupart du temps on essaie de résoudre les problèmes, non pas de les créer.
Dans ce domaine, soit la responsabilité de l'équité en matière d'emploi, nous sommes prêts à travailler avec les employeurs qui désirent faire la promotion de cette équité parce que nous savons bien que nous vivons dans une société bien diversifiée et que si nous n'offrons pas des possibilités d'emploi à tout le monde, nous en subirons les conséquences en définitive. Je crois donc qu'il est essentiel que le comité recommande fermement que des ressources suffisantes soient accordées au ministère pour lui permettre de faire la promotion de l'équité en matière d'emploi,ou sinon, que l'on crée un organisme, comme nous l'avons recommandé, une commission fédérale sur l'équité d'emploi, qui disposerait des ressources nécessaires, de sorte que tout soit regroupé sous le même organisme cadre, pour faire la promotion de l'équité en matière d'emploi dans les provinces. À part le Québec, seule la fonction publique fédérale est soumise à la loi en matière d'équité d'emploi. Comme vous le savez, lorsque Mike Harris a été élu, une de ses premières décisions a été l'élimination de l'équité en matière d'emploi en Ontario. Bien sûr, l'Ontario en subit maintenant les conséquences. J'estime donc essentiel que vous recommandiez que de nouvelles ressources soient affectées au ministère pour qu'il puisse accomplir son travail.
Á (1155)
La présidente: Très brièvement, madame Labine.
[Français]
Mme Johanne Labine: Nous sommes également d'avis qu'il serait très important d'avoir des ressources additionnelles pour faciliter le travail. Notre première recommandation visait la création de conseils régionaux dirigés par la direction de Développement des ressources humaines Canada, qui auraient les ressources et les mandats nécessaires. Cela permettrait aux employeurs, aux syndicats et aux groupes d'équité de trouver des solutions et de se donner des outils de travail pour améliorer la mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi. Donc, nous sommes d'accord là-dessus.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame McDonough, vous êtes la suivante. Bienvenue à notre comité. Nous nous réjouissons que vous vous joigniez à nous.
[Français]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup.
Soyez les bienvenus. Je vous remercie beaucoup de vos présentations très concrètes et très positives. J'apprécie beaucoup l'esprit avec lequel vous avez fait vos présentations ce matin.
[Traduction]
Il doit être très tentant de critiquer les résultats consternants, surtout en ce qui concerne les groupes autochtones et des personnes handicapées. Les statistiques cependant se passent de commentaires. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui nous présenter des recommandations qui sont très claires et très précises.
Vos exposés ont un commun dénominateur, c'est-à-dire l'équité en matière d'emploi comme si vous aviez vraiment l'intention que ce soit un succès. Je pense que conformément à votre recommandation, il est essentiel d'avoir des objectifs et des échéanciers, appuyés d'une surveillance obligatoire et des éléments structurels permettant d'aller de l'avant si nous voulons vraiment faire des progrès à cet égard. Je suis sûre que tout cela est très frustrant, car je sais que vous avez fait énormément de travail et que vous avez beaucoup d'expérience dans ce domaine. C'est pourquoi il est si important de mettre en place la commission permanente d'équité en matière d'emploi comme vous le recommandez, les comités régionaux, les comités mixtes en milieu de travail. La création, comme vous l'avez proposé, d'un comité parlementaire parallèle est excellente. Cela permet alors d'aller au-delà des discours creux et des faux espoirs pour mettre en place une structure qui nous permettra de progresser.
J'aimerais poser quelques questions, peut-être à la représentante de l'Alliance de la fonction publique, au sujet de la rationalisation, des ressources et des possibilités d'emploi qui diminuent, et du fait qu'en réalité cela empêche d'atteindre une plus grande équité en matière d'emploi. Je sais que c'est une question très précise, mais j'ai remarqué que vous vous demandez vraiment si le Conseil du Trésor prend au sérieux ce qu'il est nécessaire de faire, surtout dans le contexte de toute la réforme des ressources humaines. Je me demande si je peux vous demander d'en parler.
J'aurais ensuite deux questions précises à poser au CTC. Il semble être très évident que si, d'une part, les quatre groupes cibles sont sous-représentés dans la main-d'oeuvre, d'autre part ces mêmes groupes sont surreprésentés dans la population pauvre du pays. Donc, je vous demanderais de parler de la question de l'équité en matière d'emploi dans le contexte d'un engagement sérieux en vue d'éliminer la pauvreté.
Deuxièmement, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire en ce qui a trait au secteur privé concernant le respect des clauses antidiscriminatoires comme outil pour tenter de faire réellement des progrès.
 (1200)
La présidente: Madame Labine.
Mme Johanne Labine: En ce qui concerne le niveau des ressources pour l'équité en matière d'emploi, c'est une question qui nous préoccupe. L'exercice de renouvellement des ressources humaines qui est en cours à l'heure actuelle n'a pas examiné, à ma connaissance, les exigences de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et de la LCDP. On a examiné d'autres exigences législatives. Les organismes centraux n'embauchent pas dans le secteur public fédéral. Dans la majorité des cas, l'embauchage est fait par chaque ministère et chaque organisme. Les responsabilités des ressources humaines sont de plus en plus déléguées à chaque ministère et à chaque organisme, et les organismes centraux jouent un rôle très limité sur le plan de l'équité en matière d'emploi. Ils ont une responsabilité limitée et un rôle de surveillance limité, et leur reddition de comptes publics consistera à faire un amalgame de tous les rapports ministériels pour les présenter à la Chambre.
Les coupures spécifiques qui ont été confirmées concernent le Programme des mesures positives. Le gouvernement dit qu'il s'agit d'un programme dont le financement est temporarisé, mais ce fonds existe depuis 1983. On l'a désigné de divers autres noms. Il représente environ 9 millions d'outils d'équité en matière d'emploi qui ont été temporarisés. On pourrait peut-être espérer que les ministères et les organismes prennent cette responsabilité à même leurs budgets ministériels spécifiques. Mais si l'on considère le rendement pitoyable—je dis bien pitoyable—du secteur public fédéral, le principal employeur au pays, il dénote un écart énorme pour les groupes des minorités visibles et des personnes handicapées.
À l'heure actuelle, il n'est absolument pas question de protéger les ressources d'équité en matière d'emploi. En fait, on nous parle plutôt de coupures additionnelles au Conseil du Trésor et à la Commission de la fonction publique, et nous en connaîtrons les détails demain lorsque nous comparaîtrons devant le Comité du Conseil national mixte. Nous avons précisément posé cette question.
Il y a donc une délégation aux ministères et organismes, et l'absence d'un processus redditionnel crédible pour l'équité en matière d'emploi et les droits de la personne est assez troublante. Vous devriez par ailleurs savoir que nous sommes les seuls travailleurs syndiqués qui n'ont pas automatiquement droit à présenter des griefs relativement aux droits de la personne. Donc, lorsque Mme Robillard dit que les agents de négociation participent au processus redditionnel, car nous jouons le rôle que nous jouons au niveau des négociations et de la représentation, c'est en quelque sorte incomplet, car nos membres doivent obtenir la permission de la Commission des droits de la personne pour que la Commission des relations de travail dans la fonction publique entende nos griefs à cet égard. C'est donc une question qui nous préoccupe beaucoup.
M. Hassan Yussuff: Relativement aux deux questions concernant la sous-présentation des quatre groupes cibles et le lien direct avec la pauvreté, je pense qu'il va sans dire qu'il y a un lien direct entre les niveaux de pauvreté dans les groupes cibles et la sous-représentation dans certains secteurs. Si on ne peut pas trouver un bon emploi au pays, et ainsi gagner de l'argent pour se sortir de la misère, les choses ne vont pas changer. Malgré les meilleures intentions au monde, en fin de compte, nous devons créer un climat où les gens peuvent trouver un emploi décent. Aussi longtemps qu'il y aura des pratiques discriminatoires, nous savons que cette réalité ne va pas changer et qu'il continue à y avoir un écart considérable. Par exemple, la sous-représentation des personnes handicapées est consternante, et ce n'est pas seulement dans le secteur fédéral, c'est le cas également dans le secteur provincial partout au Canada. Nous ne semblons pas avoir le courage de mettre en place une stratégie nationale pour résoudre ce problème.
Un autre groupe où la situation est également consternante est celui des Autochtones. Dans les Prairies, nous avons beaucoup d'Autochtones qui sont prêts à travailler, mais ils ne peuvent pas trouver d'emploi intéressant. Il faut donc faire quelque chose à ce sujet. Je pense que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral doivent élaborer une stratégie concrète. Il y a beaucoup trop de jeunes Autochtones qui grandissent aujourd'hui avec un sentiment de désespoir car il leur est im possible d'intégrer le marché du travail. Cela signifie en partie que nous devons changer l'état d'esprit quant à la façon dont nous allons faire en sorte qu'ils intègrent le marché du travail. Nous ne pouvons utiliser le même modèle que par le passé. Nous devons avoir des programmes de mentorat et d'autres pour leur venir en aide lorsqu'ils arriveront en fait sur le marché du travail, et si nous devons accorder aux employeurs une aide précise pour leur donner du travail, alors faison-le, mais il faut le faire en mettant en place une structure dans le milieu de travail.
Je reconnais avec vous qu'il y a un lien direct. Comme je l'a dit précédemment, nous devons considérer l'équité en matière d'emploi dans le contexte plus large des autres mesures législatives,pas simplement en ce qui a trait à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Pour ce qui est du Programme d'obligations contractuelles fédérales et du secteur privé, le ministère a effectué une étude dont les conclusions ont été clandestinement révélées aux journaux. Je pense que le programme des contrats fédéraux constitue un outil important pour assurer que le secteur privé fait sa part pour promouvoir de façon constructive l'équité en matière d'emploi. Il n'est pas possible qu'il suffise simplement de faire rapport sur la situation. Pour obtenir des contrats avec le gouvernement, il faudrait montrer que l'on a fait certains progrès, et il faut le dire aux employeurs dès le départ. Je pense que certains de ces employeurs font de bonnes choses, et que d'autres n'ont rien changé à leurs méthodes d'embauche. Donc, je pense qu'il faut faire davantage que de se contenter de leur dire que s'ils ne présentent pas leur rapport en temps voulu, ils risquent d'avoir des ennuis. Il faut leur demander s'ils ont apporté des changements, s'ils sont fait des progrès. S'ils n'en ont pas fait, pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il continuer à leur accorder des contrats?
Je pense qu'il est possible de faire des recommandations spécifiques quant aux changements qui pourraient être apportés à la loi afin de s'assurer que le programme de contrats fédéraux joue en fait le rôle qu'il doit jouer. Ce programme n'a pas été mis en place pour dire tout simplement que nous avons ces autres secteurs à influencer. Je pense que certains de ces secteurs ont la capacité d'employer des groupes, beaucoup plus que le gouvernement fédéral, en raison du volume. Ils sont parfois situés dans des collectivités ou ils ont beaucoup plus de possibilités de cibler des groupes qu'ils pourraient employer dans certains domaines spécifiques.
 (1205)
La présidente: Merci.
Nous allons maintenant faire un deuxième tour de table, et je voudrais encourager les députés à être brefs lorsqu'ils poseront leurs questions et les témoins à être tout aussi brefs lorsqu'ils donneront leurs réponses, afin que l'on puisse poser le plus de questions possible.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks (York Sud--Weston, Lib.): J'aimerais approfondir quelque peu la possibilité de réaliser plus facilement les objectifs de l'équité en matière d'emploi grâce à la négociation collective. Nous avons parlé de l'émergence et de l'importance des comités mixtes. Nous avons parlé aussi de l'absence de méthode consacrée en matière de griefs sur les droits de la personne. J'aimerais que vous approfondissiez ce thème, de façon à éclairer quelque peu le comité.
M. Hassan Yussuff: En l'absence de mandat législatif précis, les syndicats ont négocié avec les employeurs pour obtenir des comités mixtes sur l'équité en matière d'emplo, ainsi qu'un programme à ce sujet. Ils ont établi une comité mixte auquel ils ont confié un mandat définissant ce qu'il devait faire dans le contexte de cette relation.
La législation pourrait préciser explicitement qu'en présence de négociation collective, lorsque les travailleurs sont représentés par des syndicats, un comité mixte doté d'un mandat précis doit obligatoirement être constitué. L'employeur devrait consulter les syndicats et élaborer un programme d'équité en emploi. Nous savons par expérience que le plus souvent, l'employeur ne s'estime pas obligé de le faire, ou bien il nous dit qu'en définitive, compte tenu de sa situation, c'est à nous d'intervenir. Vu l'importance du principe de l'équité en emploi, j'estime qu'il faudrait indiquer dans la loi que lorsqu'un syndicat existe, il doit élaborer un plan conjointement avec l'employeur. Les comités mixtes doivent promouvoir et mettre en oeuvre l'équité en matière d'emploi en milieu de travail. C'est à eux de la définir, dans la mesure où on leur fournit la structure nécessaire. En l'absence de toute obligation législative précise, rien ne se fera. Actuellement, la loi n'est pas explicite à ce sujet, et les problèmes perdurent.
Nos collègues vous présenteront cet après-midi des exemples précis de stratégies qui ont été élaborées; Harminder a évoqué celle de Saskatoon, en Saskatchewan, où on a défini une stratégie en dehors de toute obligation législative.
 (1210)
M. Alan Tonks: On pourrait la considerer comme une meilleure pratique.
M. Hassan Yussuff: Nous pourrions vous communiquer le texte des conventions collectives, qui indique le mandat de ces comités.
M. Alan Tonks: Ce serait très utile. Merci.
La présidente: Si vous voulez bien les remettre au greffier, nous veillerons à en faire parvenir un exemplaire à chaque membre du comité.
Madame Labine, voulez-vous intervenir?
Mme Johanne Labine: Je voulais simplement signaler que nous avons essayé d'intégrer le coût d'une étude des systèmes d'emploi dans la convention collective de l'AFPC. Nous avons épluché le texte de notre convention collective pour y déceler d'éventuels obstacles à l'emploi. N'oublions pas que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne nous permet pas de négocier la dotation en personnel; il s'agit là d'un domaine qui nécessite une action conjointe de notre part, car nous pourrions négocier une structure ou un protocole de dotation en personnel qui respecterait l'équité et tenterait de combler les lacunes de la représentation.
Lorsqu'on essaie de négocier l'équité en matière d'emploi, le processus de négociation est fortement teinté d'antagonisme, et c'est là le principal problème. C'est pourquoi nous recommandons de séparer les opérations de négociation de façon que tous les négociateurs soient parfaitement au courant de leurs obligations en matière de droits de la personne. Les syndicats sont tout à fait explicites dans ce domaine. Lorsque nous avons essayé d'isoler les obstacles à l'emploi ou de mentionner de tels obstacles et le processus de révision par une tierce partie, nous avons rarement obtenu gain de cause.
La présidente: Merci.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Skelton, puis à M. Bellemare et à M. Martin s'il veut poser une question.
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne): Monsieur Yussuff, vous avez dit qu'un certain nombre de syndicats n'avaient pas réussi à obtenir l'équité en emploi. Est-ce que tous les syndicats que vous représentez sont couverts par l'équité en emploi?
M. Hassan Yussuff: Seuls ceux du secteur fédéral y sont soumis. J'ai dit que l'équité en emploi avait mal fonctionné dans le contexte. Nous n'avons pas véritablement participé à l'élaboration d'un plan dans le contexte de la loi, car celle-ci ne le prévoit pas.
Mme Johanne Labine: Autrefois, nous étions assujettis à la Loi sur l'équité en matière d'emploi de l'Ontario et nous nous sommes dotés d'un régime interne d'équité en emploi, si c'est bien là le sens de votre question. Nous essayons de mettre à profit la consultation, malgré la faiblesse des dispositions législatives actuelles à ce sujet, pour promouvoir les actions paritaires, pour déceler les obstacles et pour les éliminer. Nous ne sommes pas soumis aux exigences de la Loi sur l'équité en matière d'emploi en tant qu'organisation représentative des employés ou en tant qu'employeur, mais nous avons un régime interne d'équité en emploi.
Mme Carol Skelton: Est-ce que la plupart des syndicats ont un régime semblable?
M. Hassan Yussuff: Le CTC a effectivement un régime interne d'équité en emploi pour son propre personnel, où il est question des conditions de recrutement et de promotion à l'interne. Je voulais simplement dire que nous ne sommes pas ici par hasard. Il s'agit d'une volonté déterminée de mettre en pratique ce que nous préconisons.
Mme Carol Skelton: Oui, j'en suis bien consciente. Je vous remercie de cette remarque.
La présidente: Monsieur Magon, c'est à vous.
 (1215)
M. Harminder Singh Magon: Au SCFP, nous avons un programme conjoint d'équité en emploi pour le personnel. La majorité de nos permanents sont à l'extérieur du secteur fédéral. La majorité de nos membres travaille pour des municipalités, dont la plupart ont adopté des programmes conjoints d'équité en emploi.
À part ces programmes, Hassan a parlé tout à l'heure de sous-représentation, et je voudrais parler particulièrement de la sous-représentation des autochtones dans les Prairies. Pour favoriser la représentation de la main-d'oeuvre autochtone, nous avons conclu des accords de partenariat avec le gouvernement provincial et le secteur de la santé en Saskatchewan, où le SCFP est représenté, et nous avons obtenu des résultats étonnants. Le premier accord de partenariat a été signé en novembre 2000 et je crois que jusqu'à maintenant, il nous a permis de recruter 1 200 Autochtones dans le secteur de la santé où le SCFP est présent. Voilà une autre façon de favoriser la représentation.
Mme Carol Skelton: Je suis originaire de Saskatchewan et je représente la circonscription de Saskatoon; j'aimerais avoir les chiffres que vous évoquez, si vous les avez, car d'après les chiffres dont je dispose pour l'Alliance de la fonction publique du Canada, le recrutement parmi les Premières nations est notoirement insuffisant.
M. Harminder Singh Magon: En tant qu'ancien habitant de Saskatoon, je me ferai un plaisir de vous communiquer ces chiffres.
[Français]
La présidente: Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare (Ottawa--Orléans, Lib.): Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse à Johanne Labine, de l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
Avez-vous bien dit que les fonctionnaires n'avaient pas accès à la Commission canadienne des droits de la personne? Lorsqu'il y a un conflit, est-ce qu'ils peuvent aller seulement à la Commission des relations de travail dans la fonction publique?
Mme Johanne Labine: Nos membres ont accès à la Commission canadienne des droits de la personne. Le problème est d'avoir accès au mécanisme de grief. Avant que le grief puisse être entendu par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, la Commission canadienne des droits de la personne doit demander que la plainte soit soumise à la Commission des relations de travail.
S'il y a une référence à un cas qui a été entendu à la Cour fédérale et qui a donné lieu à une jurisprudence, nous allons sans doute essayer de faire apporter des modifications à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Actuellement, nos membres ne peuvent, comme tous les autres employés syndiqués, avoir recours à un grief portant sur des questions de droits de la personne.
M. Eugène Bellemare: Je veux revenir à une question qui a été posée par ma collègue de l'Alliance canadienne.
À l'Alliance de la Fonction publique du Canada, vous avez un plan d'action qui reflète les effectifs, n'est-ce pas?
Mme Johanne Labine: En tant qu'employeur?
M. Eugène Bellemare: Oui, en tant qu'employeur.
Mme Johanne Labine: En tant qu'employeur, nous avons un plan d'équité en matière d'emploi qui a été signé en 1995. Dans le cadre du plan, nous procédons à de l'embauche réservée aux personnes des groupes d'équité.
Nous avons fait des gains dans certaines catégories, mais je dois vous dire qu'il y a encore des lacunes en matière de représentation dans certaines catégories. Nous avons actuellement un objectif d'embauche de 20,6 p. 100 pour le groupe des minorités visibles et un objectif d'embauche de 6 p. 100 pour la communauté autochtone.
M. Eugène Bellemare: Qu'est-ce qui vous empêche présentement d'avoir de tels effectifs dans les quatre secteurs désignés?
Mme Johanne Labine: J'étais membre du comité mixte syndical-patronal. En tant que représentante de mon syndicat, je sais qu'habituellement, à l'Alliance de la Fonction publique, l'embauche se faisait d'abord chez les employés qui étaient déjà en poste. Ce sont ces employés qui avaient le premier choix puisqu'il y avait surtout des concours internes. Il y avait rarement des concours externes.
Nous avons donc entamé un processus pour désigner un concours réservé aux groupes sous-représentés. Cela nous permet d'aller à l'extérieur pour combler les lacunes au niveau de la représentativité.
Nous avons fait beaucoup de progrès avec la mise en oeuvre de ce plan, en utilisant cette méthode de dotation.
M. Eugène Bellemare: Le progrès que vous avez accompli est-il inférieur ou supérieur au progrès accompli dans la fonction publique elle-même?
Mme Johanne Labine: Je vais vous dire qu'on n'a pas de sous-représentation des personnes handicapées. Les personnes handicapées sont très bien représentées à l'Alliance. Il faudrait que je regarde les données, mais je peux dire que nous avons fait plus de progrès pour la communauté autochtone et les personnes de minorités visibles. Je pourrai vous fournir les détails de notre plan.
[Traduction]
La présidente: Le comité serait très heureux de recevoir ces chiffres. Vous pourrez les adresser à la greffière.
Merci, monsieur Bellemare.
Monsieur Martin, nous vous confions la dernière question.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NDP): Je vous remercie, madame la présidente, de me donner la parole malgré mon retard. Je remercie également nos invités et témoins.
En tant que député néo-démocrate, je voudrais dire tout d'abord que tout le monde sait que nous n'avons pas suffisamment de députés néo-démocrates, si bien que chacun d'entre nous doit cumuler les fonctions de porte-parole du parti. Je suis donc le porte-parole en matière de main-d'oeuvre, d'affaires autochtones et pour le Conseil du Trésor. Comme ces trois sujets se rejoignent sur la question qui nous occupe, je l'ai suivi avec grand intérêt depuis le dépôt du rapport.
D'après les exposés que j'ai entendus, vous montrez tous une civilité et une politesse excessives à ce qui constitue, d'après ce que j'ai pu voir, un refus manifeste de remédier à la sous-représentation de certains groupes dans la fonction publique. Dans le cas particulier des Autochtones, nous avons à Winnipeg un énorme problème de sous-emploi des jeunes Autochtones de 18 à 30 ans, avec 70 ou 80 p. 100 de chômeurs dans les limites de la ville de Winnipeg. Nous avons le plus faible taux de chômage de la province, mais dans la ville de Winnipeg, on compte 70 à 80 p. 100 de chômeurs chez les Autochtones, et on ne parvient pas à résoudre le problème.
Tout d'abord, pensez-vous que les lignes directrices du Conseil du Trésor en matière d'embauche dans la fonction publique, qui prévoient l'affichage des emplois vacants dans un rayon de 500 kilomètres autour d'Ottawa, constituent un obstacle dans ce domaine?
Deuxièmement, d'après le rapport le plus récent, sur les 111 vérifications effectuées, quatre employeurs seulement se conformaient à la loi. Après des mesures correctives, huit autres employeurs s'y sont ajoutés. Ainsi, sur 111 organismes et employeurs de l'administration fédérale, 12 seulement se conforment à la loi. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Évidemment, les mesures correctives que vous proposez figurent dans vos recommandations, mais j'aimerais avoir votre avis sur ce que je considère comme un échec flagrant et un manque de détermination à agir de façon décisive sur cette question.
 (1220)
Mme Johanne Labine: En ce qui concerne les zones de recrutement, les études que nous avons vues indiquent que dans le secteur public fédéral, le recrutement se fait essentiellement à l'échelle locale. Si vous regardez la répartition géographique des femmes et des personnes handicapées, elle est régulière dans l'ensemble du pays; par conséquent, une telle règle n'a pas nécessairement d'effet négatif, mais pour la communauté autochtone et les minorités visibles, c'est bien différent. Les syndicats sont actuellement en pourparlers avec la fonction publique fédérale pour modifier les zones de recrutement à l'échelle nationale.
M. Pat Martin: Oui.
Mme Johanne Labine: Il y a aussi la question des zones géographiques économiquement désavantagées, où habitent certains de nos syndiqués, et lorsque des emplois dans la fonction publique s'ouvrent dans ces régions, les habitants de l'endroit veulent les obtenir. Nous essayons donc d'étudier la question de plusieurs angles, mais il est certain que le recrutement local a un effet négatif de ce point de vue. C'est pourquoi nous parlons, dans nos recommandations, de la nécessité d'un marché du travail sans obstacles.
M. Pat Martin: Merci.
L'autre question concerne les vérifications.
M. David Onyalo (directeur national, Service des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, Congrès du travail du Canada): Nous en revenons au propos initial de Hassan. Autrefois, nous considérions séparément les différentes lois alors qu'aujourd'hui, plus que jamais, nous devons avoir une perspective beaucoup plus vaste et beaucoup plus globale. Nous comptons du reste sur votre sens de l'initiative politique. Prenez les questions qui ont été posées ici aujourd'hui. On a beaucoup parlé des pénuries de main-d'oeuvre spécialisée. Notre population vieillit. Les travailleurs sont divisés par les contre-coups de l'équité en matière d'emploi. La population autochtone augmente dans l'Ouest. Je ne pense pas que le gouvernement puisse désormais se contenter de considérer séparément une loi comme l'équité en matière d'emploi, à cause des retombées politiques qui en découleraient. Il est consternant de voir que le gouvernement fait la sourde oreille et ne prend pas ce comité au sérieux lorsqu'il fait des recommandations sur les possibilités d'accès au marché du travail pour les populations autochtones. Il est consternant de voir qu'on continue à ignorer que des immigrants qualifiés se retrouvent chauffeurs de taxi alors qu'on continue à recruter à l'étranger des groupes de travailleurs qualifiés.
Pour en revenir à la question des Autochtones et de l'échec de cette loi, nous sommes formels. Pour nous, c'est un phénomène à deux volets. Nous voulons vous donner aujourd'hui une idée de ce que nous aurons à vous dire lorsque vous entreprendrez votre étude, une fois que le texte législatif sera disponible. Nous ne manquerons pas d'y trouver des faiblesses. Il ne faut pas que le gouvernement y voit simplement une mesure législative traitant de problèmes de droits de la personne. Cette loi va au coeur même de la création de ressources dans notre pays. Elle va au coeur même de l'amélioration de la situation économique des Canadiens et des questions de droit à l'égalité.
Mais je voudrais revenir rapidement sur un argument formulé par l'un de mes collègues. Lorsque le comité de révision des droits de la personne a fait ses consultations dans l'ensemble du pays, nous avons demandé notamment que les syndicats et les employeurs travaillent conjointement en milieu de travail au sein de commissions paritaires. Nous avons de nombreux exemples du succès remporté par cette formule, mais j'en parle de nouveau car dans vos recommandations au Parlement, vous devriez également évoquer d'autres démarches actuellement entreprises au Canada.
Je suis heureux que vous me donniez l'occasion d'en parler. Vous avez un rôle essentiel à jouer pour que cette loi ne soit pas considérée comme une mesure fragmentaire. Nous avons l'intention de vous présenter des recommandations précises pour l'améliorer, car elle ne nous satisfait guère. Nous y avons trouvé des échappatoires et nous allons poursuivre notre analyse.
 (1225)
La présidente: Monsieur Yussuff, c'est à vous.
M. Hassan Yussuff: Faute de temps, je ne répondrai pas directement à la question de Pat, mais je voudrais m'adresser au comité.
Je suppose qu'en tant que députés, vous êtes souvent appelés à siéger en comité. Il ne s'agit pas là d'une tâche futile. Vous devez assumer votre responsabilité, mais en tant que parlementaires, je ne sais pas si vous comprenez véritablement ce que vivent actuellement les Canadiens. J'habite à Toronto et à Ottawa. Il y a 25 ans, Toronto ressemblait à n'importe quelle autre ville. C'était une grosse ville, mais elle a connu depuis 20 ans des changements spectaculaires. Aujourd'hui, c'est une mosaïque de toutes sortes de groupes aux origines et aux activités diverses. Quand je considère Toronto et l'ensemble de ce pays, je me pose de graves questions. Ne sommes-nous pas en train de créer au Canada un régime d'apartheid? Je le dis sans ambages car on laisse perdurer dans cette ville de nombreux problèmes. La loi ne peut pas tous les résoudre, mais elle devrait au moins nous donner l'autorité morale pour obliger certaines personnes à prendre des mesures qui s'imposent.
Dans le cadre de votre étude, vous avez posé d'excellentes questions; je pense qu'en tant que parlementaires, il est essentiel que vous vous demandiez comment aborder la question de l'équité en emploi dans un contexte plus vaste. Il y aura toujours des changements dans ce pays, mais il reste trop de Canadiens qui sont tenus à l'écart et qui ne peuvent gagner leur vie en travaillant, à cause des obstacles systémiques qui persistent en milieu de travail et, surtout, à cause de la discrimination qui existe encore, même si la loi l'interdit. Voilà ce qu'il faut absolument reconnaître. S'il n'y a pas de discrimination, comment se fait-il que le monde du travail soit différent de ce qu'il devrait être? Pourquoi n'évolue-t-il pas au rythme où il devrait évoluer?
Si le comité recommande des changements, il est essentiel qu'il reconnaisse la nécessité d'améliorer le projet de loi de façon que nous puissions y trouver les outils dont nous avons besoin. En tant que syndicat, nous sommes prêts à travailler avec les employeurs et avec le gouvernement pour que la situation s'améliore, mais nous ne pourrons pas le faire sans outils ni sans ressources. Pour que le ministère fasse le travail qu'on attend de lui, il faut lui donner les ressources nécessaires.
Je voudrais revenir sur l'argument de Pat. Le gouvernement affirme que les questions autochtones sont au centre de ses préoccupations. Pour nous, il est essentiel de les aborder efficacement. En l'absence de toute obligation précise, pour l'employeur, de se servir de l'équité en matière d'emploi pour garantir de l'emploi aux Autochtones, on ne doit attendre aucun changement. On ne peut miser passivement sur un examen quinquennal qui ne débouchera sur aucun changement. Il est essentiel que vous preniez conscience de votre responsabilité à notre égard. Tout cela figure dans les documents que nous vous avons remis.
Encore une fois, je tiens à remercier tous les membres du comité pour leurs excellentes questions. Et surtout, nous attendons vos recommandations, car nous sommes convaincus qu'elles peuvent avoir un effet déterminant sur le type de société que nous voulons construire.
La présidente: Soyons justes, M. Bellemare agitait la main frénétiquement, et c'est lui qui a eu le moins de temps, nous allons donc lui accorder une minute, c'est-à-dire 30 secondes pour lui et 30 secondes pour le témoin.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Madame la présidente,
[Traduction]
J'aimerais que les dirigeants syndicaux réconcilient le principe de l'équité en matière d'emploi, et ils ont parfaitement raison de vouloir le mettre en oeuvre, avec l'une de leurs principales raisons d'être, à savoir la protection des travailleurs syndiqués, et l'on fait en sorte que cette protection s'appuie sur l'ancienneté. Si vous avez un grand nombre de travailleurs qui sont protégés par l'ancienneté, comment l'employeur peut-il mettre en oeuvre l'équité en matière d'emploi?
 (1230)
M. Hassan Yussuff: L'ancienneté n'est pas un obstacle à l'équité en matière d'emploi, disons-le franchement et sans ambages. Ce n'est pas l'ancienneté qui a créé le problème d'entrée de jeu, ce sont plutôt les mauvaises pratiques de recrutement des employeurs et du gouvernement qui ont créé le problème, et ils n'ont pas le droit d'imposer à ceux qui travaillent et qui ont acquis de l'ancienneté la responsabilité de le régler.
Mme Johanne Labine: Il n'y a pas de dispositions relatives à l'ancienneté dans la fonction publique fédérale. Si l'on compare l'application de la disposition relative à l'ancienneté dans le secteur réglementé par le gouvernement fédéral et l'application du principe du mérite dans le secteur public fédéral, il faut se pencher sur les décisions relatives au recrutement et non sur les règles relatives à l'ancienneté.
La présidente: Monsieur Johnston, vous avez 30 secondes.
M. Dale Johnston: Dans le mémoire de l'Alliance, on propose l'adjonction de nouveaux groupes désignés afin d'inclure les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transgenderistes étant donné que la Commission canadienne des droits de la personne interdit toute question au sujet de la sexualité ou des pratiques sexuelles, comment allons-nous identifier ces groupes et imposer des quotas pour eux?
Mme Johanne Labine: Toutes les dispositions relatives aux droits de la personne permettent de poser de telles questions lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des programmes spéciaux, et l'équité en matière d'emploi est un programme spécial qui prévoit un processus d'auto-identification pour quatre groupes. Si nous proposons d'inclure les lesbiennes et les gais, c'est parce que le recensement ne recueille pas d'information sur ce groupe, nous n'avons pas de portrait global pour ce qui est de leur sous-représentation ou de leur situation économique, comme c'était le cas lorsque Abella a présidé sa commission royale sur l'équité en matière d'emploi.
Nous savons cependant, d'après les informations que nos membres de ces groupes nous fournissent et du fait que nous les représentons, que ce groupe souffre beaucoup de discrimination systémique au travail. Nous disons dans notre recommandation qu'il faut faire plus d'analyses et tenir un débat sérieux afin de déterminer la meilleure manière d'inclure ce groupe dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Chose certaine, il sera essentiel de modifier les questions du recensement, afin que nous ayons une meilleure idée de la représentation des lesbiennes, des gais, des bisexuels, et des transgenderistes dans l'ensemble de la société.
La présidente: D'accord, il faudra discuter de cela un autre jour. Soyons justes—je n'aurais pas dû ouvrir la porte, mais je l'ai fait, je suis donc la seule à blâmer—vous avez 30 secondes, madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Très rapidement, je tiens à remercier les députés ministériels d'avoir posé cette question parce qu'on a donné ainsi à nos invités l'occasion de dissiper ce mythe. C'est propager la haine que de donner l'impression que les syndicats et les règles relatives à l'ancienneté sont des obstacles à la mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi. C'est justement ce que disait le mémoire. Aucun autre groupe dans notre société n'a été plus actif, n'a travaillé autant en solidarité avec les groupes qui recherchent l'égalité pour combattre le racisme, supprimer les obstacles et faire avancer l'équité en matière d'emploi, et ce groupe, ce sont les syndicats de notre pays.
La présidente: Au nom du comité, je tiens à remercier nos amis du CTC, du SCFP et de l'AFPC. Vos mémoires et vos témoignages étaient riches d'information, et nous voulons vous remercier pour les efforts que vous déployez sans cesse pour le compte de vos membres et pour votre contribution à nos délibérations sur l'équité en matière d'emploi.
Je vais maintenant suspendre la séance pour 15 minutes. Chers collègues, des rafraîchissements vous attendent à l'arrière. Vous êtes ici depuis fort longtemps, et vous allez rester ici jusqu'à la période des questions, donc profitez de l'occasion pour prendre une bouchée. Nous allons reprendre à 12 h 45.
 (1234)
 (1246)
La présidente: Nous reprenons nos travaux.
Nous recevons maintenant Claudette Carbonneau et Raymonde Leblanc, de la Confédération des syndicats nationaux, et Raj Dhaliwal, qui représente le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.
Madame Guay, vous aviez une question?
[Français]
Mme Monique Guay: Est-ce qu'on a des documents?
[Traduction]
La présidente: Nous n'avons rien. Les textes nous sont parvenus dans une seule langue. Nous ne pouvons pas les distribuer lorsqu'ils sont seulement dans une langue. Leurs textes nous sont parvenus en français, et les autres en anglais.
Madame Carbonneau, vous pouvez commencer.
[Français]
Mme Claudette Carbonneau (vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux): Bonjour et merci de votre invitation. Je souhaite vous présenter Raymonde Leblanc, qui m'accompagne. Raymonde est conseillère syndicale au service des relations du travail chez nous et est impliquée dans les dossiers de femmes, les dossiers pour contrer la discrimination, depuis de nombreuses années.
Je vous dirai que la CSN est particulièrement interpellée. Elle a mené des luttes pendant des années et des années pour contrer la discrimination. Nous représentons, en bonne partie sur le territoire québécois, des salariés qui sont visés par le Code fédéral du travail dans le secteur des télécommunications, du transport, des meuneries et, à l'échelle de l'ensemble du Canada, les agents correctionnels de la fonction publique fédérale.
Cette consultation tombe particulièrement à point. Dans un contexte de mondialisation, les questions d'équité en emploi se posent avec une acuité tout à fait renouvelée. Dans les milieux de travail, on fait face à des changements rapides, à l'introduction de nouvelles technologies de l'information et des communications, et ça rend en quelque sorte plus complexe l'atteinte de l'objectif de l'équité en emploi. Bref, ça nous force plus que jamais à poser ce dossier non seulement dans la dimension de l'accès à l'emploi, mais aussi dans celle du maintien en emploi des personnes qu'on veut retrouver en toute égalité dans les milieux de travail.
Je centrerai mon intervention sur quatre volets, et chacun sera assorti de recommandations précises.
Dans un premier temps, je souhaite indiquer que la CSN considère que la loi fédérale devrait être amendée pour inclure les entreprises de 20 salariés et plus. Vous savez que la norme de 100 employés fait en sorte que dans nombre d'entreprises plus petites, il existe encore des situations assez troublantes de discrimination en emploi. De ce côté-là, les mesures volontaires s'avèrent nettement insatisfaisantes pour faire face à la situation. Donc, nous croyons vraiment que la loi doit être élargie dans sa portée. Bien sûr, nous entendons souvent les remarques des employeurs, qui disent qu'il s'agit d'un mécanisme trop lourd au plan administratif. Par exemple, on exige la production de rapports réguliers. De ce côté-là, nous suggérons, particulièrement pour la plus petite entreprise, un assouplissement des tracasseries administratives, mais malgré tout, un encadrement législatif qui dépasse les mesures volontaires.
Une autre recommandation que nous formulons concerne les groupes désignés. Bien sûr, la CSN ne remet pas en question la pertinence des groupes visés par la présente loi. Cependant, nous voudrions attirer votre attention sur la notion des communautés culturelles. Il faut constater qu'au-delà des minorités visibles, les personnes des communautés culturelles se retrouvent très souvent dans des ghettos d'emploi en milieu de travail. Souvent, leur accès à la formation, au recyclage, à des promotions se trouve bloqué sans qu'elles puissent s'appuyer sur des mesures législatives pour atteindre une situation d'égalité.
De ce côté-là, nous souhaitons vraiment que la commission qui encadre l'application de la loi fasse un suivi étroit de l'évolution de la présence et de la situation concrète que vivent les communautés culturelles en milieu de travail et qu'à la suite de cette analyse, des actions soient possibles en vertu de la loi quand on décèle des situations problématiques.
Notre troisième recommandation, quant à nous, est probablement la plus importante. Malgré l'existence d'une loi, on se doit de constater que les progrès sont bien minces, qu'il reste beaucoup à faire pour atteindre les objectifs visés par la loi. À notre point de vue, un des éléments qui font le plus cruellement défaut est une reconnaissance plus complète de la nécessaire participation des syndicats dans les milieux de travail pour atteindre les objectifs d'équité. De nombreuses études démontrent qu'une implication plus réelle des syndicats est un facteur de réussite dans l'atteinte des objectifs visés. À cet égard, la loi nous apparaît un peu molle. On parle de consultation, mais on exclut tout mécanisme de cogestion.
 (1250)
Soyons clairs à cet égard. Dans un milieu de travail, la responsabilité incombera toujours à l'employeur d'avoir un système d'emploi qui soit exempt de discrimination. Cependant, il y a un acteur actif en milieu de travail: ce sont les syndicats. Il y a aussi la présence de la commission qui pourrait effectivement s'appuyer sur l'acteur syndical. Elle pourrait entendre son point de vue et ses critiques pour faire valider les portraits que les employeurs peuvent faire de l'état de la situation à l'intérieur de l'entreprise. Je pense qu'on ne doit pas non plus, quand on veut intervenir avec efficacité en milieu de travail, faire abstraction des règles importantes qui régulent ce milieu. Parmi ces règles, il y a l'existence de conventions collectives.
Nous souhaitons avec beaucoup d'insistance que le rôle du syndicat soit revu à l'intérieur de la présente loi pour en faire un acteur égal aux employeurs, afin de permettre d'atteindre avec plus d'efficacité des objectifs d'équité en emploi.
Le quatrième volet a trait aux recours. Nous constatons plusieurs failles dans la loi actuelle. Bien sûr, les syndicats sont informés, mais ils n'ont pas de recours, pas plus que les salariés, pour faire entendre leur point de vue. Il n'y a pas d'audiences possibles. Tout se passe entre l'employeur et la Commission des droits de la personne.
À cet égard, nous pensons qu'on doit reconnaître, à l'intérieur de la loi, un recours explicite pour les syndicats et pour les salariés parce que, en quelque sorte, c'est du droit à l'égalité des salariés qu'on dispose. Si on a senti le besoin de se donner une loi proactive qui permette de faire vivre les dispositions de la Charte, eh bien, cette loi-là doit permettre d'atteindre des objectifs d'égalité. Ne pas permettre aux salariés et aux syndicats qui les représentent de porter plainte et de jouer un rôle actif à l'occasion d'audiences nous apparaît être une contradiction extrêmement importante.
À l'égard des recours aussi, nous souhaiterions une extension des pouvoirs de la commission de façon à ce qu'elle ait un réel pouvoir d'initiative d'enquête, de son propre chef.
En terminant, je souhaite que le gouvernement continue d'effectuer un suivi extrêmement rigoureux des dispositions de la loi et que la présente commission soit l'occasion d'en améliorer le contenu pour atteindre plus d'efficacité. À mon sens, le suivi rigoureux et l'amélioration de la loi sont les seuls moyens dont nous disposons pour éviter de tomber dans le laxisme et de faire en sorte que perdurent, au Canada, des situations de discrimination. Merci.
 (1255)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Dhaliwal.
M. Raj Dhaliwal (directeur, Département des droits de la personne, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je vous prie de nous excuser, nous n'avons pas pu produire notre texte dans les deux langues. Vous le recevrez bientôt.
Je représente le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. Je remercie le comité d'avoir accepté de nous entendre.
Étant donné que notre syndicat est le plus grand du secteur privé dans le pays, une grande partie de nos membres sont visés par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Des milliers de nos membres travaillent également pour des employeurs qui sont contraints de se conformer au Programme de contrats fédéraux, c'est-à-dire les employeurs de l'aérospatiale et de l'industrie de montage d'automobiles. Je tiens également à dire ici que nous avons travaillé en étroite collaboration avec le CTC et d'autres groupes à la facture de son mémoire, et que nous sommes parfaitement d'accord avec le contenu du mémoire du CTC et les propos qu'il a tenus ce matin.
J'aimerais faire quelques observations. D'abord, il faut resserrer la loi. Nous sommes vivement préoccupés par le fait que les personnes handicapées et les Autochtones n'ont pas fait les progrès voulus en vertu de la loi, chose que nous comprenons tous. Jusqu'à présent, on constate l'échec. Nous devons trouver un moyen d'y remédier. Nous n'avons pas de solutions faciles à proposer, mais le gouvernement doit se pencher sérieusement sur cette question.
J'aimerais maintenant parler de responsabilité. Comme l'ont mentionné les autres plus tôt, l'article 15 de la Loi oblige les employeurs à consulter les représentants des salariés dans l'élaboration, la mise en oeuvre et la révision du plan d'équité en matière d'emploi, et à faciliter de manière générale la réalisation de l'équité en matière d'emploi au travail. Les employeurs ont compris que ce devoir de consulter ne les oblige à rien de plus qu'à solliciter des informations du représentant des salariés. Je crois qu'il y a vraiment nécessité de mieux définir cette collaboration.
Nous sommes d'avis que les syndicats doivent collaborer dès le départ avec les employeurs dans l'examen des divers aspects du lieu de travail qui ont une incidence sur le recrutement, l'avancement, la formation, l'affichage des emplois et les qualifications, en vue de cerner et de supprimer les obstacles systémiques qui existent, étant donné qu'un bon nombre de ces activités sont visées par la convention collective. Il n'est donc que logique de tenir ces discussions et de collaborer.
Nous recommandons la création de comités mixtes syndicaux-patronaux. Nous y croyons très fermement. Nous pensons que ces comités devraient être semblables aux comités chargés de la santé et de la sécurité. Les TCA ont l'expérience des comités de travail. Nous avons négocié la création de tels comités avec les grands employeurs. Étant donné que nous manquons de temps, je n'entrerai pas dans les détails.
La réalisation de l'équité en matière d'emploi ne suffit pas. La sensibilisation du grand public et de la main-d'oeuvre à la nécessité de l'équité en matière d'emploi est tout aussi importante que sa mise en oeuvre. La sensibilisation permet de dissiper les mythes et les fausses conceptions qui sont rattachés à l'équité en matière d'emploi.
Il faut rendre davantage de comptes. La loi doit prévoir des mécanismes qui permettent d'exiger plus de comptes des employeurs. Il faut s'attendre à ce que les employeurs allouent les ressources voulues pour faciliter la mise en oeuvre du plan, et il faut entre autres former ici les gestionnaires de première ligne et les travailleurs à la pédagogie des problèmes relatifs à l'équité en matière d'emploi, afin qu'ils en aient une meilleure compréhension. Nous avons de l'expérience de ce côté. D'ailleurs, dans un certain nombre de milieux de travail, nous participons à leur formation, nous discutons des problèmes avec les membres, et une fois qu'ils ont compris les problèmes, ils se sentent tout à fait à l'aise.
La loi ne peut donner des résultats que s'il y a des objectifs clairs et mesurables, ainsi que des conséquences si on ne les atteint pas. Comme on l'a dit plus tôt, les employeurs ne se conforment pas vraiment à la loi. La loi ne prévoit aucune véritable sanction, et il faudrait y voir.
· (1300)
Puisque les tierces parties ne peuvent pas déposer de plaintes, les employés et les syndicats ne peuvent pas vraiment demander aux employeurs de rendre des comptes. Nous croyons que les employés et les syndicats devraient être en mesure de formuler des plaintes. Nous sommes d'avis que la meilleure façon de procéder serait de constituer une commission permanente de l'équité en matière d'emploi. Le travail est actuellement partagé entre la Commission canadienne des droits de la personne et DRHC. Il vaudrait mieux confier cette responsabilité à un seul organisme.
Nous nous intéressons tout particulièrement au Programme de contrats fédéraux. Ce programme devrait être assujetti aux mêmes règles en matière d'équité en matière d'emploi que les secteurs sous réglementation fédérale. Il n'existe actuellement aucun processus de vérification. La Commission canadienne des droits de la personne ne peut s'en charger.
Bref, une loi sur l'équité en matière d'emploi est un premier pas très important qui nous permettra d'assurer l'équité pour tous les travailleurs. Les dispositions clés, comme l'élaboration conjointe d'un processus d'équité par les syndicats et les employeurs, des programmes de communication et d'éducation, des échéanciers et des objectifs mesurables, des mécanismes efficaces d'observation doivent être inclus si l'on veut que cette mesure législative soit efficace. Nous exhortons le comité à agir de façon juste et équitable.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Nous passerons maintenant à la période des questions. J'aimerais rappeler aux députés qu'il s'agit d'une ronde de cinq minutes; cette période est réservée à la question et à la réponse. J'aimerais signaler aux témoins que s'ils prennent trop de temps pour répondre à une question, moins de questions seront posées—c'est à vous de décider comment procéder.
Nous commencerons par M. Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Je tiens à remercier les représentants des Travailleurs canadiens de l'automobile et de la Confédération des syndicats nationaux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Monsieur Dhaliwal, vous avez signalé qu'il existait certains obstacles systémiques qu'il faudrait faire disparaître. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par obstacle systémique?
M. Raj Dhaliwal: Les obstacles systémiques sont ceux auxquels se heurtent les groupes désignés. Ils n'ont pas les mêmes perspectives d'emploi, et c'est bien connu. En fait, nombre d'études ont été effectuées sur ce problème. S'il n'y avait aucun obstacle, les lieux de travail refléteraient mieux les collectivités; ce n'est sûrement pas le cas en ce moment. Ceux qui occupent des emplois bien rémunérés sont très différents de ceux qui ont des emplois mal rémunérés ou même parfois pas d'emploi.
Si l'on parle d'obstacles systémiques, on peut commencer par présenter l'exemple des personnes handicapées. Même si elles sont embauchées, il leur est très difficile de s'acquitter des responsabilités associées à leur emploi, et j'entends par là le transport, venir au travail, et puis il y a les installations pour les personnes handicapées, comme l'emplacement du milieu de travail, du poste de travail, le travail des collègues.
Quant aux Autochtones et aux membres des minorités visibles, nombreux sont ceux qui pensent qu'ils n'ont pas les compétences ou les qualifications nécessaires; tout cela se fonde sur des notions absolument fausses. Par exemple, une personne venant du Royaume-Uni—et j'ai eu le privilège de vivre et de travailler là-bas—a beaucoup plus facilement accès à des emplois qu'une personne qui a les mêmes antécédents mais qui vient d'Afrique ou d'Asie, même si cette personne fait exactement le même travail. Il faut absolument se pencher sur ce genre de problème.
· (1305)
M. Werner Schmidt: Ma deuxième question s'adresse à Mme Carbonneau. Vous avez dit qu'il faudrait affecter des ressources à la gestion de l'équité dans le domaine de l'emploi. Qu'entendez-vous par là? S'agit-il de ressources financières, de ressources humaines, de ressources physiques? Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur ces ressources que vous voudriez voir affecter à ce secteur? Comment pourriez-vous déterminer si les ressources ainsi affectées sont adéquates?
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Je pense que certains transparaissent quelque peu à travers les recommandations qu'on fait. Quand on parle, par exemple, d'avoir des recours, de tenir des audiences, cela suppose évidemment des ajouts de personnel. Je pense que s'attaquer efficacement à des questions d'équité en matière d'emploi, c'est aussi travailler à des changements d'approche, des changements de mentalité. De ce côté-là, une commission plus proactive, disposant de ressources pour faire des campagnes de promotion de la loi, par exemple, pourrait aussi s'avérer une initiative intéressante.
Quand on suggère, ailleurs dans notre mémoire, que la commission responsable de l'application de la loi puisse disposer d'un véritable pouvoir d'initiative pour mener elle-même des enquêtes, pour vérifier sur le terrain comment les choses se passent, cela ne peut se faire par magie. Cela doit s'appuyer sur des ressources humaines plus nombreuses pour que puisse s'exercer ce pouvoir qu'on souhaite voir introduit dans la loi.
Ce sont là quelques exemples.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: Très bien. Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais poser une autre question. Vous proposez que ces ressources proviennent du gouvernement plutôt que de l'employeur n'est-ce pas?
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Je pense que si on veut améliorer les choses, notamment quand on suggère une participation plus active de la part des syndicats dans les entreprises à travers des comités conjoints, l'application efficace de la loi suppose des mécanismes de formation. L'employeur a la responsabilité de contribuer à ce type de formation.
Je pense à certaines dispositions législatives connues au Québec, qui s'appliquent non pas spécifiquement par rapport à l'équité en matière d'emploi, mais en matière d'équité salariale. Toute la logique de la loi est basée sur l'existence de comités conjoints. Là, la loi prévoit que l'employeur a la responsabilité de voir à la formation des membres du comité qui doit la mettre en application.
Oui, le gouvernement s'attend à devoir affecter des ressources plus nombreuses à cette opération, mais je pense qu'il pourrait y avoir aussi des obligations légales qui soient faites à l'employeur pour assurer une application plus efficace de la loi.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: Combien de temps me reste-t-il?
La présidente: Il ne vous reste plus de temps.
Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois--Salaberry, Lib.): Les comités conjoints mentionnés dans la loi du Québec sur l'équité salariale sont-ils vraiment des comités de cogestion où les parties...?
Mme Claudette Carbonneau: Ce sont tout à fait des comités de cogestion et la commission, parce qu'il y a une commission spécifique qui est celle de l'équité salariale, peut être interpellée quand les parties, qui disposent chacune d'une voix, ne trouvent pas une solution au problème. À ce moment-là, on a recours à la commission, et la commission a le pouvoir de trancher le litige.
Ce type d'approche législative ne retire pas pour autant à l'employeur sa responsabilité; c'est lui qui doit verser un salaire qui ne comporte pas d'aspect discriminatoire, donc offrir un système d'emploi qui soit, lui aussi, non discriminatoire puisqu'on parle d'équité en matière d'emploi.
· (1310)
M. Serge Marcil: Je comprends que rien n'est jamais facile lorsqu'on parle de négociations en milieu de travail; il y a tellement de mécanismes aujourd'hui qui sont régis par des lois qui réglementent un peu le fonctionnement d'une entreprise et les relations de travail dans les entreprises. Mais faisons l'hypothèse qu'on retienne votre proposition d'introduire dans la loi la notion de comité conjoint pour faciliter l'application de la Loi sur l'équité en matière emploi. Est-ce qu'on pourrait alors faire face à des difficultés plus nombreuses rattachées au fonctionnement du comité conjoint par rapport à la loi sur l'équité salariale?
Mme Claudette Carbonneau: Non, je ne le crois pas. Je crois, au contraire, que cela faciliterait extrêmement les choses. Vous avez raison de souligner qu'il y a une dynamique propre à chacun des milieux de travail. Il y a des approches qui sont particulières en ce qui concerne les relations de travail, et je pense qu'il faut avoir une loi qui mette les parties en position de responsabilité par rapport à cela.
Il ne s'agit pas que la loi définisse dans le détail les solutions qui sont appropriées dans tel ou tel milieu de travail. Remettons aux parties, patronat et syndicat, le soin de faire cette analyse, d'avancer un certain nombre de solutions. En cas de litige, on pourra faire appel à l'expertise d'une commission pour faciliter les choses. Cependant, plutôt que d'adopter une approche complètement uniforme, qui risque de ne pas s'appliquer dans les milieux de travail, responsabilisons les parties, formons-les et laissons-leur le soin de faire l'analyse de leur milieu et d'élaborer leurs propres recommandations. En cas de litige, remettons-nous-en à l'existence d'une commission et d'un encadrement législatif pour baliser les choses.
M. Serge Marcil: Quel a été le facteur déterminant pour restreindre un certain nombre d'entreprises dans l'application de cette loi? Vous proposez d'assujettir à la loi les entreprises de 20 employés et plus au lieu d'y assujettir seulement les entreprises de 100 employés et plus. Il doit y avoir derrière ça une logique qui a peut-être amené le législateur à se limiter à un certain nombre d'entreprises.
À l'époque, on avait vécu au Québec la francisation et on avait établi des genres de quotas au niveau des entreprises. Quand on assujettit à la loi les entreprises de 20 employés et plus, on parle d'une entreprise de 21 ou de 22 employés avec un comité conjoint parce qu'il faut penser aussi à l'application de la loi comme telle. Dans une région comme la mienne, à titre d'exemple, où il n'y a pas beaucoup d'autochtones... J'essaie de voir...
Mme Claudette Carbonneau: Mais il doit y avoir au moins 50 p. 100 de femmes dans votre région, n'est-ce pas?
M. Serge Marcil: Il n'y a pas beaucoup de femmes qui travaillent chez Expro, chez nous, et vous le savez.
Mme Claudette Carbonneau: Quant à ce qui nous amène à recommander que les entreprises de 20 employés et plus soient assujetties à la loi, je pense que vous êtes peut-être davantage en mesure de faire l'histoire de la loi et de dire pourquoi le choix a été arrêté à 100.
Ce qui pousse la CSN à envisager un élargissement de la loi aux entreprises de 20 salariés et plus, c'est essentiellement la lecture qu'on fait de la structure industrielle. On a quand même une structure industrielle où la petite entreprise est très présente. Malheureusement, on doit constater que, malgré l'existence des chartes qui sont là depuis un bon moment, les dispositions très larges des chartes n'ont pas été suffisantes à elles seules pour éliminer les problèmes de discrimination. Donc, il faut des approches plus soutenues, plus proactives.
Vous me posez spécifiquement la question des comités conjoints. Peut-être que la forme de participation d'un syndicat avec l'employeur peut varier selon la taille des entreprises. C'est une question d'approche ou de modalités. Mais il me semble que le principe directeur, c'est de reconnaître, quelle qu'en soit la forme, un pouvoir égal au syndicat et à l'employeur et une responsabilité égale pour faire l'analyse de leur milieu et apporter les correctifs les plus pertinents. Dans une entreprise de plus grande taille, peut-être pouvons-nous envisager la présence d'un comité conjoint. Mais dans une petite entreprise, même s'il devait ne pas y avoir de comité conjoint, je trouve que le fait de donner déjà aux syndicats et aux salariés un droit explicite de porter plainte, un droit explicite d'être entendus en audience change considérablement la dynamique.
· (1315)
M. Serge Marcil: Merci.
[Traduction]
La présidente: Mme Guay, M. McGuire puis M. Martin.
[Français]
Mme Monique Guay: Je suis contente de voir que mon collègue est d'accord sur ça. C'est intéressant.
Je suis sûre, monsieur Marcil, que vous avez 50 p. 100 de femmes dans votre comté. Ça, c'est officiel.
M. Serge Marcil: Je ne l'avais pas remarqué.
Mme Monique Guay: Non, c'était gentil. J'ai dit que j'étais certaine qu'il y a 50 p. 100 de femmes dans votre comté, comme c'est le cas pour la plupart d'entre nous. Chez moi, il y en a 52 p. 100.
Je veux simplement vous souhaiter la bienvenue. Ça me fait plaisir que vous soyez parmi nous.
Je sais que la CSN s'est toujours fait un devoir de tenir des négociations intenses avec les employeurs et d'obtenir de bonnes ententes entre employeurs et employés. Je suis sûre que, de votre côté, monsieur Dhaliwal, c'est la même chose.
Ce matin, avant vous, d'autres syndicats sont venus nous voir, dont l'Alliance de la Fonction publique, et nous ont soumis à peu près les mêmes amendements à la loi que vous. Vous allez un peu plus loin pour ce qui est des entreprises de 20 employés et plus. C'est fort intéressant, mais ça m'inquiète un petit peu, parce que je ne sais pas comment on va faire pour appliquer la loi. Encore là, on pourra voir quand on récrira la loi comment on pourrait faire cela sans qu'il y ait des coûts faramineux autour de ça.
Est-ce que les syndicats seront prêts, eux aussi, à faire leur bout de chemin là-dedans sans que cela entraîne des coûts si on décide d'amender la loi et de créer des commissions de syndicats et d'employeurs? Si jamais il y avait des gens qui s'y opposaient, ce serait parce que c'est très coûteux. Pensez-vous que l'on est capables de faire ça à des coûts quand même minimes? Pensez-vous que les syndicats seront prêts à s'embarquer là-dedans et à faire leur part, eux aussi?
Mme Claudette Carbonneau: Je suis absolument convaincue qu'il y aurait une volonté très grande de la part des syndicats de s'impliquer dans ces questions-là. Déjà, avec l'encadrement législatif qu'on connaît actuellement, il y a cette obligation de consultation des syndicats.
Ce qu'on leur demande, c'est de faire un pas de plus en jouant un rôle davantage proactif auprès de l'employeur dans la détermination des mesures. On sait que quand les syndicats se présentent à des consultations sans pouvoir se faire entendre par la commission parce qu'ils ne partagent pas le diagnostic de l'entreprise, malgré tout, ils le font. Donnons-leur vraiment un rôle plus substantiel, plus de responsabilités à l'intérieur de l'entreprise. C'est, à mon sens, garant d'une meilleure participation et d'une meilleure implication.
Pour ce qui est de la question des coûts, je rappelle une des recommandations qu'on a faites dans notre mémoire qui disait qu'on était prêts à regarder des allégements en termes d'administration de la loi. On peut débureaucratiser les approches. Il n'y a pas qu'un modèle qui convienne à l'ensemble des réalités, à l'ensemble des entreprises. Ce serait une très mauvaise approche que de faire cela. Je prends encore exemple sur la loi québécoise en matière d'équité salariale. Les comités ne sont pas présents dans la petite entreprise, mais les salariés et les syndicats ont néanmoins un droit de critique, d'interpellation, de recours devant la commission. On a peut-être trouvé là un modèle adapté à différentes réalités tout en valorisant tout autant la participation des syndicats.
Mme Monique Guay: Il y a aussi toute la question, madame Carbonneau, des femmes dans la fonction publique. Statistique Canada a publié un document où l'on voit que, dans la fonction publique canadienne, les femmes ont en effet fait du progrès. Il y a plus de femmes dans la fonction publique, mais il y a plus de femmes dans des postes de petits salariés. Dès qu'il s'agit de salaires de 45 000 $ et plus, ce ne sont que des hommes qui occupent ces postes. Je serais curieuse de voir combien il y a d'autochtones, de minorités visibles et de personnes handicapées là-dedans. Il y a toute cette question qui est un peu nébuleuse dans la loi. Oui, il y a plus de femmes, mais quelque part, on doit clarifier cela. On a de gros devoirs à faire ici.
Je termine en parlant un peu du marketing, de la publicité.
Il y a eu dernièrement au Québec, par le biais des médias, une grande campagne de publicité pour que les minorités visibles, les autochtones, les femmes et les personnes handicapées aient accès à l'emploi. Cela a quand même fait boule de neige. On l'entendait partout à la radio et à la télévision. Au niveau fédéral, ça n'existe pas. On n'a pas encore vu ça. Ça ne s'est pas fait. Pensez-vous qu'il y a un gros manque à ce niveau-là?
· (1320)
Mme Claudette Carbonneau: Je me permettrai deux courtes remarques. La première, c'est que, pour agir avec efficacité, il faut d'abord travailler au niveau des mentalités et être en mesure de faire la promotion d'une autre vision des choses. De ce côté-là, on ne peut pas contester l'efficacité d'un certain nombre de campagnes grand public pour changer les choses, pour changer les mentalités. Ça m'apparaît primordial.
On peut faire des campagnes de publicité, mais aussi prendre d'autres initiatives. Je vous cite un exemple québécois. Conjointement avec le ministère de l'Éducation, patronat et syndicat, le concours Chapeau, les filles! a été mis en place il y a cinq ans déjà. Oui, on fait la promotion des femmes qui font des études pour aller travailler dans des milieux non traditionnels. Ce genre de promotion est très efficace et ne coûte pas autant qu'une campagne de publicité radio ou télé, mais ce sont des initiatives qui sont appréciées.
De telles initiatives existent. La CSN y participe activement pour donner, par exemple, des bourses d'accès aux études à des personnes handicapées. Au moyen de cela, on fait la promotion de valeurs d'équité en emploi. Je pense que ce sont des initiatives qui sont absolument essentielles si on veut atteindre les objectifs.
Mme Monique Guay: Je pense qu'on est capables de faire cela sans que ce soit trop coûteux. On le vit présentement avec la pièce de théâtre qui circule dans les régions, chez nous. Elle circule dans les Laurentides. Ça coûte 100 000 $, mais on la présente dans toutes les écoles secondaires. C'est pour inciter les jeunes filles à faire des demandes d'emplois non traditionnels. C'est une petite pièce de 20 minutes qui compte trois acteurs. Ils vont faire le tour du Québec. C'est une initiative qui n'est pas très coûteuse, mais qui fonctionne. Ils vont voir les jeunes là où l'éducation se fait vraiment, là où les décisions vont se prendre.
Mme Claudette Carbonneau: Je vous ai annoncé plus tôt que je ferais deux remarques. Ainsi, quand vous soulignez les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes dans la fonction publique fédérale, vous avez foncièrement raison. C'est pourquoi notre mémoire insiste sur le fait que le premier objectif à atteindre quant à l'équité en emploi est d'abord d'assurer un accès équitable à l'emploi. Mais il faut aller plus loin et assurer l'accès à la formation professionnelle, l'accès à des promotions. Bref, c'est aussi tout cela, la réalité de l'équité en emploi.
Dans un contexte où, dans les milieux de travail, on ne fait plus carrière dès la première journée de travail jusqu'à la retraite à l'intérieur d'une même entreprise, toutes les questions de formation professionnelle deviennent absolument centrales. Si on n'examine pas nos approches dans la perspective d'assurer une réelle équité en emploi, je pense que l'on passe à côté d'une grande partie des objectifs qu'on poursuit.
[Traduction]
La présidente: Merci.
M. McGuire suivi de M. Martin.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je me demande si la proposition de la CSN, visant la constitution de comités mixtes, ne minerait pas son habilité à formuler, comme syndicat, des plaintes. S'il y avait un comité mixte composé de représentants de la gestion et du syndicat responsable de la mise en oeuvre de la loi, est-ce que cela n'empêcherait pas la CSN de jouer le rôle qu'elle joue actuellement. Vous ne pourrez pas vraiment vous plaindre si vous faites partie du groupe qui met en oeuvre les suggestions ou recommandations formulées sur la loi.
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Je ne vois pas là nécessairement de contradiction dans le sens où, si l'on parle d'un véritable comité conjoint, le premier motif de litige peut être de ne pas partager le point de vue de l'employeur quant à sa lecture de la situation et aux solutions qu'il veut appliquer pour corriger le problème. C'est à ce moment-là que le recours pourrait s'appliquer. Il faut qu'en cas de désaccord des parties, on puisse en saisir un tiers, éventuellement la commission, pour nous aider à régler ce litige. Bien sûr, dans le cas où employeurs et syndicats partagent une même vision des choses, s'entendent sur des solutions, on règle la question à la source et il n'y a plus de litige puisque tout le monde s'accorde.
· (1325)
[Traduction]
M. Joe McGuire: Quel rôle jouez-vous actuellement? Je sais que les personnes handicapées et les Autochtones ne sont pas aussi avantagés par la loi que d'aucuns le voudraient. Pouvez-vous nous dire, par exemple, quel est le pourcentage des membres de votre syndicat qui sont des Autochtones? Est-ce que le syndicat a fait des efforts pour accroître la représentation des Autochtones? Les représentants des Travailleurs canadiens de l'automobile peuvent également répondre à cette question s'ils le désirent.
M. Raj Dhaliwal: Vous voulez savoir quels efforts ont été faits par le syndicat au nom des Autochtones, combien d'Autochtones font partie de l'organisation?
M. Joe McGuire: C'est exact, combien d'Autochtones travaillent chez-vous? Je sais que ce chiffre est très bas.
M. Raj Dhaliwal: En fait, il y a très peu de gens qui travaillent pour l'organisation. Nous comptons quelque 150 employés, des personnes qui n'ont pas été élues à leur poste. La majorité de ceux qui travaillent pour les Travailleurs canadiens de l'automobile sont élus. Il y a des Autochtones et des représentants des minorités visibles qui travaillent pour le syndicat. Je crois que ces deux groupes représentent, en tout, environ 10 p. 100 des employés.
M. Joe McGuire: Votre syndicat a-t-il fait des efforts pour encourager l'employeur à embaucher plus d'Autochtones et à assurer plus de formation pour ces derniers?
M. Raj Dhaliwal: Oui. Le comité mixte est la seule occasion où nous pouvons avoir une vraie influence directe. À notre avis, nous avons des comités mixtes qui sont fort efficaces. En fait, nous avons des comités mixtes à quatre entreprises très connues, et ils connaissent plus ou moins de succès. Daimler-Chrysler est notre meilleur exemple. Une des raisons est qu'il s'agit de notre plus vieux comité mixte; il a été constitué au milieu des années 80. Puis il y a General Motors, Ford et CP Rail. Le succès varie. Dans chaque cas nous prenons un exemple bien simple. Le nombre de femmes travaillant dans le secteur de l'automobile était très faible, et les efforts déployés par ces comités ont eu un impact marqué. Nous mettons sur pied des programmes mixtes, les deux parties participent à la surveillance, tout est fait en collaboration.
Au point de vue politique, il vaudrait peut-être mieux que nous ne soyons pas associés au comité, si nous voulions simplement avoir le rôle de plaignant. Cependant, nous prenons nos responsabilités au sérieux, et il devient parfois difficile de régler les problèmes. Là où il n'existe aucun mécanisme visant à assurer la collaboration avec la gestion, le nombre de plaintes est beaucoup plus élevé que là où ces mécanismes existent.
Les gens ont le droit d'avoir recours à la Commission des droits de la personne, mais c'est rare, parce que la plupart des problèmes sont réglés dans le cadre du processus de règlement des différends. L'élaboration d'un plan d'embauche est fait en collaboration avec l'employeur. CP Rail a été le dernier cas, et le processus est quelque peu nouveau, mais nous avons pu collaborer, en dépit de certains problèmes. Il y a un engagement très clair de la haute direction, par exemple, à CP, mais cela n'a pas été transmis aux cadres de terrain, parce qu'ils n'ont aucun avantage à nous écouter. Même lorsqu'il n'existe pas de système, nous encourageons la collaboration. Cela dépend des collectivités. Nombre de nos membres vivent dans des villes plus grandes, où la structure est différente, par rapport à des employés éparpillés un peu partout au pays. À Winnipeg, il y a Bristol Aerospace, mais nous collaborons là avec l'employeur sur une base non officielle car il n'existe pas de comité officiel. Nous avons d'ailleurs eu très peu de succès là où l'employeur n'est pas vraiment prêt à consulter, comme c'est le cas avec Air Canada ou le CN.
Il y a donc deux situations possibles. Il nous est parfois difficile d'adopter une position, mais quand même cette façon de procéder est à l'avantage de nos membres. Nous croyons que comme syndicat nous devrions adopter une position lorsque c'est juste et équitable.
· (1330)
La présidente: Madame Carbonneau, voulez-vous répondre brièvement à la question?
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Par rapport à votre question sur la participation des autochtones au membership de la CSN, je n'ai malheureusement pas de chiffres. Mais il y a des secteurs où ils sont relativement bien représentés. Je pense entre autres à tous les hôpitaux syndiqués chez nous, dans le Grand Nord québécois, sur la Basse-Côte-Nord, dans le secteur de la construction.
Évidemment, là où le problème est probablement plus difficile et où des efforts devraient être appliqués plus intensément par rapport à la présence des autochtones, c'est particulièrement dans les milieux très fortement urbanisés. Je pense que dans toutes les grandes villes du pays, c'est une des difficultés auxquelles nous avons à faire face. Cependant, de ce côté-là, la CSN a consacré des efforts particuliers à l'implantation de syndicats en milieux autochtones et le fait dans le respect des valeurs dont on fait la promotion, celles de l'équité en emploi.
Une attention particulière va être portée dans ces milieux à l'application de la loi, à la formation professionnelle où, en plus de s'assurer que l'employeur fait de la formation pour l'équivalent de 1 p. 100 de son budget, on se soucie de faire en sorte que cette formation professionnelle soit accessible à l'ensemble des catégories de salariés et ne soit pas teintée par de la discrimination.
Je rappelle aussi, à cet égard, les nombreuses collaborations que la CSN a eues avec l'Association des femmes autochtones.
[Traduction]
La présidente: Merci.
M. Martin, puis M. Bellemare et enfin Mme Skelton.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente, chers témoins.
Je désire, d'entrée de jeu, signaler l'importante contribution du mouvement syndical au débat sur l'équité en matière d'emploi au fil des ans. Certains thèmes semblent revenir dans vos exposés et dans ceux des témoins qui vous ont précédés. Le premier est le désir d'élargir le rôle des syndicats dans le dossier de l'équité en matière d'emploi, que ce soit par la création de comités mixtes en milieu de travail ou par d'autres mesures. L'autre thème est, je crois—et vous pourrez me reprendre si je me trompe—la reconnaissance du fait que l'observation volontaire ne fonctionne pas. J'aimerais le confirmer en vous parlant de certaines études que nous avons effectuées.
La Commission canadienne des droits de la personne procède à des vérifications de la conformité à l'équité en matière d'emploi. La première année d'activités, à la suite de la mise en oeuvre de la nouvelle loi, les résultats ont démontré que seuls deux des organismes gouvernementaux et employeurs sous réglementation fédérale observaient les dispositions, soit Condition féminine Canada et AJ Bus Lines Ltd. Ainsi, dans le pays tout entier, dans toute la fonction publique, seules deux entreprises ou intervenants observaient les dispositions. Lors de la deuxième année d'activités, des 111 entités ayant fait l'objet d'une vérification, seulement quatre observaient les dispositions. Même après que l'on eut pris des mesures de redressement, seulement huit autres entités observaient les dispositions. En d'autres termes, le système se solde par un échec retentissant et on ne tient absolument pas compte des dispositions de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Appuieriez-vous une proposition visant à ce que l'on apporte des modifications au libellé actuel de la loi, à cette étape de l'examen quinquennal, de sorte que cette mesure législative soit assortie de vraies mesures de mise en application et d'amendes et de sanctions concrètes pour ceux qui n'en observent pas les dispositions? Seriez-vous d'accord avec de telles propositions?
M. Raj Dhaliwal: Pour ce qui est de l'application et de l'observation, nous avons déjà fait état de nos préoccupations car les chiffres sont très révélateurs. Les choses sont encore pires quand on parle de ceux qui passent des contrats avec le gouvernement fédéral, car même la Commission canadienne des droits de la personne ne peut pas procéder à une vérification de ce secteur. La conformité et l'application sont jugées fort importantes car sans ces facteurs, la loi ne sera pas aussi efficace qu'elle devrait l'être. À notre avis, il faut absolument assurer la conformité. C'est pourquoi nous proposons diverses autres choses, comme les comités, des choses qui pourraient rendre le système plus efficace. Les ressources pourraient s'accompagner d'autres choses, mais s'il n'y a pas vraiment vérification de la conformité, tout cela ne fonctionnera pas. Il y a certains endroits où le syndicat joue un rôle très important, mais dans l'ensemble, si cet engagement n'existe pas, tout devient très difficile.
· (1335)
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Bien sûr, on n'exclut pas qu'il y ait des dispositions plus contraignantes. Je pense que le portrait que vous faites de l'application de la loi parle de soi. Il y a plus que de la place pour l'amélioration.
Cependant, si je devais ordonner les choses selon leur importance, la mesure que la CSN placerait en tête de liste serait le rôle actif des syndicats dans les milieux de travail pour faire appliquer la loi dans une première étape, sans exclure, bien sûr, un certain nombre de pénalités qui forceraient l'exécution.
Mais je ne crois pas, au nombre d'entreprises qui existent dans l'ensemble du pays, qu'on puisse tout fonder sur une vérification à caractère plus judiciaire. Il faut aussi compter sur les forces vives qu'on trouve dans les milieux de travail et sur les acteurs progressistes qui peuvent ouvrir des portes et pousser davantage.
[Traduction]
M. Pat Martin: Le Canada a la fonction publique la plus centralisée de tous les pays industrialisés; aucun autre pays n'a autant de fonctionnaires qui travaillent dans une seule localité. Croyez-vous que la pratique actuelle de la fonction publique et les lignes directrices du Conseil du Trésor à l'égard de l'affichage des emplois—on signale qu'il ne sert à rien de postuler un emploi si l'on vit à plus de 500 km d'Ottawa--créent un obstacle à une plus grande représentativité au sein de la fonction publique des groupes désignés? Par exemple, un grand nombre des Autochtones sous-employés au Canada vivent au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, et ne peuvent même pas postuler un emploi à Ottawa, même s'ils étaient disposés à déménager pour venir à Ottawa. Croyez-vous que le recrutement sur une base géographique en fait empêche le gouvernement s'atteindre ses objectifs au chapitre de l'équité en matière d'emploi?
M. Raj Dhaliwal: Nous ne nous y connaissons pas vraiment dans ce secteur parce que dans l'ensemble, nos membres ne sont pas visés par les dispositions du Conseil du Trésor. Sans pour autant connaître tous les détails, notre syndicat est d'avis qu'il vaut mieux que les offres d'emploi soient affichées dans le pays tout entier. C'est là notre opinion sur cette question et sur nombre d'autres.
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Je vous dirai que la CSN donne un peu le même type de réponse. Nous avons très peu de membres dans la fonction publique fédérale. C'est tout nouveau. Nous avons maintenant les agents correctionnels, mais cela date de quelques mois seulement.
Par ailleurs, je considère que des éléments fort intéressants se dissimulent derrière votre question. Selon moi, l'accès à l'emploi et le maintien de l'emploi sont un droit du citoyen. Or, un droit de citoyenneté est difficilement restreint à un territoire donné ou à des balises géographiques.
[Traduction]
La présidente: Merci.
M. Bellemare, puis M. Johnston. Je pense que cela nous amènera à la fin de la réunion.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente. J'ai bien aimé le dernier commentaire de Mme Carbonneau, qui dit que le droit à l'emploi est vraiment un droit de citoyenneté. Cela me fait vraiment chaud au coeur. C'est bon, ça.
Madame Carbonneau, vous avez parlé tout à l'heure de communautés culturelles en milieu de travail. Vous avez aussi mentionné, à un autre moment, ce qui est une autre question, que vous aimeriez voir un changement dans la loi là où il est question du nombre d'employés, de ramener le nombre d'employés à une vingtaine environ. Pourquoi faites-vous cette recommandation?
Je vais ajouter une question corollaire. Que feriez-vous dans les cas de communautés culturelles qui ont une vingtaine d'employés et qui, parce qu'elles veulent se développer, se maintiennent en groupe comme communauté culturelle? Vous auriez alors des gens venant d'un pays donné qui se tiendraient ensemble pour évoluer, travailler, gagner leur pain, s'avancer dans la vie. Ils s'encourageraient entre eux, un peu comme l'ont fait les caisses populaires.
Vous avez aussi le cas, au Québec, de familles canadiennes-françaises nombreuses, qui ont une petite entreprise et comptent une vingtaine d'employés. Est-ce qu'en abaissant le nombre à une vingtaine d'employés, vous n'affecteriez pas indûment certaines communautés culturelles ou entreprises familiales?
· (1340)
Mme Claudette Carbonneau: Vous demandez, en premier lieu, pourquoi préconiser un élargissement de la loi aux entreprises de 20 salariés et plus. Essentiellement, voici le raisonnement sur lequel on s'appuie. L'interdiction de pratiquer la discrimination est stipulée dans les chartes tant canadienne que québécoise et ce, depuis de nombreuses années. Pourtant, l'existence des chartes n'est pas venue à bout du problème de la discrimination. La discrimination perdure.
Les mécanismes prévus à la Charte sont des mécanismes de plaintes extrêmement coûteux, particulièrement pour une petite entreprise où la présence syndicale est moins importante. Il y a relativement peu de salariés qui ont recours à ces mécanismes pour tenter de faire valoir leurs droits. Donc, le devoir de protection est peut-être plus important dans la petite entreprise que partout ailleurs à cause du plus faible taux de présence syndicale.
D'autre part, je pense que, malgré l'importance que revêt l'existence de la Charte, il faut avoir une loi pour fournir en quelque sorte le mode d'emploi, le moyen de rendre vivants les grands principes qui sont contenus dans la Charte. Autrement, tout repose sur le bon vouloir des employeurs, qui peut exister ou non. C'est là le deuxième intérêt que nous voyons à assujettir un plus grand nombre d'entreprises aux dispositions de la loi; c'est qu'il y ait un mode d'emploi, un mécanisme dont on doive tenir compte.
En ce qui a trait à notre recommandation à l'égard des communautés culturelles, je rappelle que pour la CSN, atteindre des objectifs d'équité en emploi ne consiste pas seulement à régler les questions d'accès à l'emploi. Par exemple, quand il y a une forte concentration de femmes de communautés culturelles dans une petite entreprise, elles occupent très souvent les jobs d'entrée, les emplois les moins bien payés. Là aussi, bien qu'elles soient présentes dans le milieu de travail, il y a un pas de plus à faire pour assurer qu'elles aient accès au recyclage, à la promotion, qu'elles puissent améliorer leur sort à l'intérieur de cette entreprise-là. Or, c'est un peu pour ça que nous disons que...
Bien sûr, on ne conteste pas la pertinence de mettre l'accent sur les minorités visibles. On est très conscients des problèmes que rencontre ce groupe-là en tant que groupe désigné. Mais nous souhaitons que la loi puisse être l'occasion de créer un mécanisme de suivi en ce qui concerne les communautés culturelles, pour détecter s'il n'y a pas le genre de problèmes que l'on connaît dans les milieux de travail, à savoir des ghettos d'emploi concentrés dans les emplois de première ligne, dans les emplois réservés aux premiers arrivants et dans lesquels, par la suite, tous les mécanismes de promotion de l'entreprise sont bloqués. Dans ces cas, nous souhaiterions que la loi puisse contenir des dispositions pour que, bien que faisant partie de groupes désignés, ces personnes puissent avoir elles aussi la possibilité de s'appuyer sur la loi.
C'est dans cet esprit-là que nous avons formulé notre recommandation.
· (1345)
M. Eugène Bellemare: Est-ce qu'il me reste du temps?
[Traduction]
La présidente: Je crois que votre témoin a pris tout le temps dont vous disposiez.
[Français]
M. Eugène Bellemare: On sait très bien que dans les ententes collectives...
[Traduction]
La présidente: Je crois qu'il ne restait plus de temps.
M. Eugène Bellemare: Oh, je n'ai pas entendu l'interprétation.
La présidente: Très bien.
Monsieur Johnston.
M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente. J'aimerais partager le temps dont je dispose avec ma collègue, Mme Skelton.
J'aimerais demander à nos témoins si les quatre groupes désignés sont représentés au sein du personnel d'administration de leur syndicat respectif. Vous avez dit que vous n'êtes qu'un petit syndicat, et que vous n'êtes pas touché par ces dispositions. Si le nombre d'employés prévu dans la loi devait être ramené à 20 ou plus, respecteriez-vous les dispositions visant l'inclusion des quatre groupes désignés. Dans la négative, pourquoi pas? Que feriez-vous pour vous adapter à la nouvelle situation?
La présidente: Vous pouvez tous deux répondre à la question.
M. Raj Dhaliwal: Tout d'abord, notre syndicat n'est pas vraiment touché par les lois fédérales, parce que nous sommes plutôt assujettis aux lois provinciales. De plus, pour ce qui est des 20 employés, la CSN est la mieux placée pour répondre à cette question.
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: La CSN est une confédération de syndicats qui regroupe 2 600 syndicats. La CSN est aussi un employeur, comme le sont ses fédérations professionnelles. À la CSN et dans ses fédérations, il y a quelque 600 salariés qui sont syndiqués, qui sont régis par une convention collective, laquelle contient des dispositions d'équité en emploi. Il y a un programme d'accès à l'égalité pour les femmes. Il y a aussi un tel programme pour les communautés culturelles. Pour ce qui est des personnes handicapées, la loi québécoise les couvre au moyen de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Parmi les salariés de la CSN, il y a quelques personnes provenant de ce groupe désigné. C'est une préoccupation qui est assumée chez nous, indépendamment du fait que la loi ne crée pas à la CSN l'obligation d'agir ainsi.
On a aussi des mécanismes de cogestion avec le syndicat des salariés de la CSN. C'est une préoccupation commune qui a fait en sorte que depuis au moins 10 ans, de tels mécanismes sont prévus dans la convention collective qui régit nos salariés.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Carbonneau.
Madame Skelton.
Mme Carol Skelton: Merci, madame la présidente.
La semaine dernière le gouvernement fédéral a déposé un document sur l'innovation. Croyez-vous que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient multiplier leurs efforts pour faciliter la reconnaissance des diplômes obtenus à l'étranger par ceux qui immigrent au Canada? Vos syndicats feront-ils des efforts particuliers pour appuyer les gouvernements?
M. Raj Dhaliwal: Nous croyons sincèrement que les gouvernements devraient oeuvrer dans ce dossier, mais j'aimerais apporter une petite correction si vous me le permettez. Il ne s'agit pas simplement de reconnaître les diplômes reçus à l'étranger. On a toujours reconnu au Canada des diplômes de certains pays étrangers. Il faut simplement qu'on s'assure que le système est juste pour tous les immigrants. Comme je l'ai signalé un peu plus tôt, j'ai reçu ma formation de travailleur qualifié en Angleterre et je n'ai pas eu de problème. Cependant, la formation de celui qui vient d'un pays comme celui où j'ai vécu quand j'étais tout petit ne serait pas reconnue. De plus, là où je travaillais, j'étais chargé de vérifier en collaboration avec l'employeur les titres de compétences des employés. Il y a toutes sortes de lacunes. Si quelqu'un vient d'une région particulière du monde, tout est accepté.
Nous croyons sincèrement qu'en toute justice nous devons faire ces efforts; nous appuyons le gouvernement à cet égard. En fait, nous demandons déjà depuis un bon moment au gouvernement d'agir dans ce dossier. Nous présentons des requêtes en ce sens également aux autorités provinciales.
· (1350)
[Français]
Mme Claudette Carbonneau: Je pense que derrière votre question, il y a un réel problème. Oui, la reconnaissance des diplômés étrangers et la reconnaissance des acquis sont des questions sur lesquelles la CSN est très active.
Par ailleurs, quand vous faites allusion à la politique d'innovation pour ce faire, je vous dis que nous croyons que l'éducation et la main-d'oeuvre sont des champs de compétence provinciale. À mon sens, la meilleure contribution que pourrait faire le gouvernement fédéral serait de revoir les règles de péréquation et de transfert aux provinces de manière à leur permettre d'aller plus loin dans l'exercice de leurs prérogatives constitutionnelles à cet égard.
[Traduction]
Mme Carol Skelton: Merci.
Je sais qu'il existe des différences dans diverses régions du pays, même avec les certificats d'ouvriers spécialisés des provinces. Collaborerez-vous également avec les provinces dans ce dossier?
M. Raj Dhaliwal: Oui, nous collaborons avec les provinces. Il s'agit là d'une question qui préoccupe sincèrement ceux qui viennent des collectivités qui ne sont pas reconnues. Notre syndicat a d'abord présenté une demande aux organismes provinciaux, lorsque nous avions les membres nécessaires, pour que des changements soient apportés. Nous appuyons cette initiative. Nous croyons sincèrement, par principe, qu'il devrait y avoir des règles du jeu uniformes pour tous. Chaque organisme provincial a un rôle particulier à jouer; dans chaque province, en fait, on assure le même niveau d'acceptation de ces certificats. On accepte les certificats de certaines régions, mais pas d'autres. C'est un problème qui existe d'ailleurs depuis très longtemps. Le temps est venu d'agir dans ce dossier.
La présidente: Merci.
En terminant, je vais exercer ma prérogative de présidente pour formuler un dernier commentaire au sujet de l'accréditation des titres de compétences des étrangers, qui me préoccupe depuis quelque temps. On pourrait dire que si c'est le gouvernement fédéral qui fixe les critères et qui donne des points au sujet de l'immigration, il devrait peut-être aussi avoir un plus grand rôle lorsqu'il s'agit d'accepter les compétences et de veiller à ce que les procédures soient les mêmes partout dans les provinces. C'est mon petit grain de sel.
Là-dessus, je remercie les représentants de la CSN et des TCA. Merci. Vous nous avez fourni beaucoup d'information que nous examinerons dans le cadre de nos délibérations et de la préparation de notre rapport final.
La séance est levée.