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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 16 avril 2002




Á 1110
V         La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax, Lib.))
V         
V         Mme Chloé Serradori (directrice générale, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec)

Á 1115
V         La présidente
V         M. Garry Malkowski (directeur, Société canadienne de l'ouïe (Interprétation))

Á 1120
V         M. Garry Malkowski

Á 1125
V         La présidente
V         Mme Elisabeth Ostiguy (directrice, Affaires publiques, Association canadienne pour la santé mentale)
V         Mme Wendy Steinberg ( analyste des politiques, Association canadienne pour la santé mentale)
V         Mme Elisabeth Ostiguy

Á 1130
V         Mme Wendy Steinberg
V         La présidente
V         Mme Myriam Girard (recherchiste et rédactrice, Relations gouvernementales et liaisons internationales, Institut national canadien pour les aveugles)

Á 1135

Á 1140
V         La présidente
V         M. Reed Elley (Nanaimo--Cowichan, Alliance canadienne)
V         Mme Myriam Girard
V         Fran Cutler (présidente, conseil national, Institut national canadien pour les aveugles)
V         M. Reed Elley

Á 1145
V         Mme Chloé Serradori
V         M. Reed Elley
V         La présidente
V         Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)
V         Mme Elisabeth Ostiguy

Á 1150
V         Mme Myriam Girard
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Myriam Girard
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Chloé Serradori
V         La présidente
V         Mme Wendy Steinberg

Á 1155
V         La présidente
V         M. Garry Malkowski (interprétation)
V         La présidente
V         Mme Monique Guay (Laurentides, BQ)

 1200
V         La présidente
V         Mme Myriam Girard
V         La présidente
V         Mme Fran Cutler
V         La présidente
V         Madame Wendy Steinberg
V         La présidente
V         Mme Chloé Serradori

 1205
V         La présidente
V         M. Garry Malkowski (interprétation)
V         La présidente
V         M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.)
V         Mme Chloé Serradori

 1210
V         M. Alan Tonks
V         M. Garry Malkowski (interprétation)

 1215
V         M. Alan Tonks
V         La présidente
V         M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.)
V         Mme Elisabeth Ostiguy
V         Mme Chloé Serradori

 1220
V         M. Gurbax Malhi
V         Mme Elisabeth Ostiguy
V         Mme Wendy Steinberg
V         La présidente
V         M. Garry Malkowski (Interprétation)

 1220
V         
V         Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)
V         Mme Chloé Serradori
V         La présidente
V         M. Garry Malkowski (interprétation)
V         La présidente
V         Mme Raymonde Folco

 1230
V         La présidente
V         Mme Raymonde Folco
V         M. Garry Malkowski (interprétation)
V         La présidente
V         Mme Myriam Girard
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)
V         M. Garry Malkowski (interprétation)

 1235
V         Mme Elisabeth Ostiguy
V         M. Garry Malkowski (interprétation)
V         Mme Carolyn Bennett
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Michael Bach (vice-président, Association canadienne pour l'intégration communautaire)
V         M. Jean-Claude Jalbert (membre du conseil, Association canadienne pour l'intégration communautaire)
V         
V         M. Parteepan Rasaratnam (défenseur des droits, Association canadienne pour l'intégration communautaire)
V         M. Michael Bach

 1250
V         

 1255
V         La présidente
V         M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences)

· 1300

· 1305
V         La présidente
V         M. Brian Payne (coprésident fondateur, National Institute of Disability Management and Research; président national, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)
V         M. Viateur Camire (directeur et vice-président, Ressources humaines, Abitibi-Consolidated Inc., National Institute of Disability Management and Research)

· 1310
V         M. Brian Payne
V         M. Viateur Camire

· 1315
V         La présidente
V         M. Gary Birch (directeur exécutif, Fondation Neil Squire)
V         

· 1320

· 1325
V         La présidente
V         M. Reed Elley
V         M. Michael Bach
V         La présidente
V         M. Laurie Beachell

· 1330
V         La présidente
V         M. Gary Birch
V         La présidente
V         M. Brian Payne

· 1335
V         La présidente
V         M. Alan Tonks
V         M. Michael Bach
V         M. Jean-Claude Jalbert

· 1340
V         M. Michael Bach
V         
V         M. Parteepan Rasaratnam
V         M. Laurie Beachell
V         M. Gary Birch
V         La présidente

· 1345
V         Mme Monique Guay
V         M. Viateur Camire
V         Mme Monique Guay
V         M. Viateur Camire

· 1350
V         La présidente
V         M. Brian Payne
V         La présidente
V         M. Laurie Beachell
V         La présidente
V         Mme Raymonde Folco

· 1355
V         M. Brian Payne
V         Mme Raymonde Folco
V         M. Brian Payne
V         La présidente
V         M. Gary Birch

¸ 1400
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 avril 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax, Lib.)): La séance est ouverte. Nous vous souhaitons la bienvenue à la 58e réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées. Nous poursuivons notre révision de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    Nous avons plusieurs témoins aujourd'hui. Nous allons partager la réunion en deux parties. La première, qui va commencer dans un instant et se poursuivra jusqu'à 12 h 30, nous permettra d'entendre quatre organisations. Je vais demander aux représentants de chacune de ces organisations de se présenter. Je sais que la greffière vous a informés que vous disposiez de cinq minutes pour faire vos remarques liminaires parce qu'ainsi nous aurons le temps de vous poser des questions et nous constatons souvent que les sujets les plus importants sont soulevés lors de cette période de questions.

    Sans plus attendre, je souhaite la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, représentée par Mercedes Benegbi et Chloé Serradori. Nous accueillons également Gary Malkowski de la Société canadienne de l'ouïe. De l'Association canadienne pour la santé mentale, Elizabeth Ostiguy et Wendy Steinberg et de l'Institut national canadien pour les aveugles, Myriam Girard et Fran Cutler.

+-

     Nous allons commencer avec les représentantes de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

[Français]

+-

    Mme Chloé Serradori (directrice générale, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec): Bonjour, madame la présidente. Nous vous remercions de nous recevoir pour que nous puissions vous faire part de nos commentaires concernant l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    Dans un premier temps, je veux vous parler de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. C'est un organisme à but non lucratif qui s'occupe de la promotion des intérêts et de la défense des droits de toutes les personnes vivant avec des limitations fonctionnelles.

    L'avis que nous allons proposer traitera essentiellement de la reconnaissance des besoins spéciaux et de la nécessité d'accommodements, indépendamment de l'employabilité de la personne. Dans les documents que vous allez recevoir, vous aurez un historique assez long ainsi que des statistiques. Je ne vous ferai pas la lecture des cinq ou six pages. Je vous dirai simplement qu'au niveau de l'historique, notre situation, la situation des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, n'a pas tellement avancé depuis 20 ans.

    Notre première recommandation porte sur les statistiques. Nous recommandons que les statistiques du recensement incluent toujours les personnes ayant des limitations fonctionnelles. De plus, il serait vraiment important que les personnes ayant des limitations fonctionnelles soient incluses dans les diverses statistiques sur la main-d'oeuvre.

    En ce qui concerne l'objet et le champ d'application de la loi, il est important de signaler que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles se retrouvent dans les quatre groupes visés et vivent souvent une double, quand ce n'est une triple discrimination. Donc, nous demandons que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles soient ciblées également dans les trois groupes désignés.

    L'article 3 précise les définitions qui sont contenues dans la loi, entre autres la définition des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Tout en étant d'accord sur cette définition, nous demandons qu'elle reflète à la fois la définition de la Classification internationale des handicaps: déficiences, incapacités et désavantages, et la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mercier/Troilo sur l'emploi et la discrimination fondée sur le handicap.

    L'article 4, lui, définit le champ d'application de la loi. La loi exclut certaines entreprises qui soumissionnent pour l'obtention de biens et services. En particulier, les entreprises qui emploient au moins 100 salariés et qui doivent engager des soumissions d'une valeur de 200 000 $ et plus doivent avoir un programme d'équité. Nous souhaitons que les entreprises et les organisations soumissionnant pour l'obtention de contrats de biens et de services ou faisant une demande d'octroi ou de subvention soient incluses dans la loi, quels que soient le montant de la soumission et le nombre d'employés.

    En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, les articles 5 à 16 décrivent les obligations de l'employeur. Pour nous, il faut absolument que la formation, l'accommodement et la reconnaissance du potentiel d'acquisition de compétences soient mis en application. C'est pour cela que nous demandons que l'obligation d'accommodement soit incluse comme un élément essentiel de l'alinéa 5b).

    Depuis des années, nous travaillons à la reconnaissance du droit à l'accommodement et à son application. C'est inclus dans la Charte canadienne des droits et libertés. De nombreuses décisions de la Cour suprême, que ce soit en 1990 ou en 1998, parlent de la reconnaissance de ce droit. Nous souhaitons que l'obligation d'accommodement soit incluse à l'alinéa 5b), mais qu'en plus, le besoin de formation et la reconnaissance du potentiel d'acquisition de compétences soient inscrits dans un nouvel alinéa 5c).

    Pour ce qui est de l'article 6, on demande que la portée de l'obligation de l'employeur décrive de façon plus subséquente le préjudice injustifié en lien avec le risque de sécurité, le coût excessif et la santé. Nous demandons également que soient ajoutés les mots: «et que l'employeur ait démontré que les personnes n'ont pas les aptitudes ou qualités requises par l'emploi».

    Concernant tout ce qui touche les conventions collectives, nous ne contestons pas le principe d'ancienneté, mais là encore, pour éliminer la discrimination systémique, il faudrait inclure, à l'intérieur d'un programme d'accès à l'égalité en emploi, des mesures négociées relatives à l'application de l'ancienneté afin de s'assurer d'une représentation équitable.

    Donc, nous demandons que le mot «ancienneté» soit remplacé par «des mesures négociées relatives à l'application de l'ancienneté» aux paragraphes 8(1), 8(2) et 8(3).

    Pour ce qui est de l'article 9, on a un léger commentaire à vous faire en ce qui a trait aux effectifs. Nous aimerions qu'à la suite du mot «effectifs», on ajoute «en incluant le personnel temporaire ou à temps partiel», d'une part parce que c'est souvent la porte d'entrée des personnes qui ont des limitations fonctionnelles et, d'autre part, parce qu'on s'est aperçu que certains employeurs profitaient du temps partiel ou du côté temporaire pour augmenter leur liste avant que le rapport ne soit fait.

    L'autre question qui nous touche beaucoup, c'est celle de l'autodéfinition. Cela pose encore des problèmes pour certaines personnes qui ont des limitations fonctionnelles, en particulier celles qui vivent un problème de santé mentale ou qui sont atteintes d'une maladie, mais de façon non continue. Il est très difficile pour ces personnes de se présenter comme ayant des limitations fonctionnelles. En plus, cela peut nuire tant au niveau de la sélection que de l'embauche ou de la promotion.

    Nous demandons donc que les attitudes des employeurs et des syndicats soient évaluées, que des programmes de sensibilisation et de formation soient réalisés auprès des employeurs, employés et syndicats et, enfin, que les personnes ayant des limitations fonctionnelles soient assurées qu'aucune discrimination ne sera exercée lors de la sélection, de l'embauche et de la promotion.

    Nous demandons également que la Commission canadienne des droits de la personne évalue les compétences et l'expérience véritablement requises par un emploi avant de se prononcer sur la sous-représentation des groupes désignés. Dans la définition du plan d'équité en matière d'emploi, certains éléments sont prioritaires pour nous. Mentionnons, entre autres, des objectifs de résultat par type ou regroupement de types d'emploi; des objectifs qualitatifs en matière d'élimination des obstacles par type ou regroupement de types d'emploi; des moyens de redressement permettant temporairement de réduire les écarts; des moyens de contrôle, également, permettant d'évaluer les résultats; et un mécanisme d'évaluation des résultats.

    C'est déjà dans la loi, mais nous souhaitons réellement qu'on se concentre là-dessus et que la Commission canadienne des droits de la personne vérifie de façon prioritaire la teneur de ces éléments.

    Nous demandons également que la notion de progrès raisonnable, qui est décrite à l'article 11, ainsi que la notion de mesures raisonnables décrite à l'article 12 soient mieux définies en tenant compte des décisions des tribunaux, dont l'arrêt Thwaites et suivants, et particulièrement les notions d'évaluation individuelle des capacités de la personne, de l'évaluation des mesures alternatives et de l'évaluation des risques encourus.

    Au niveau de l'application, et je vais terminer là-dessus, nous demandons que la Commission canadienne des droits de la personne puisse recevoir du gouvernement les ressources financières et humaines nécessaires afin qu'elle joue pleinement son rôle.

    Nous demandons également que la même chose soit faite en ce qui concerne Développement des ressources humaines Canada, en particulier au niveau des personnes qui sont responsables d'aider les employeurs à monter les programmes. Nous aimerions fortement qu'un mécanisme du type comité consultatif, regroupant la Commission canadienne des droits de la personne, le mouvement associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles, la Division du travail de Développement des ressources humaines Canada, les représentants des employeurs et syndicats, soit mis sur pied pour qu'on puisse aider la Commission canadienne des droits de la personne à s'assurer de l'équité en emploi des personnes qui ont des limitations fonctionnelles.

    Je vous remercie.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à M. Gary Malkowski.

+-

    M. Garry Malkowski (directeur, Société canadienne de l'ouïe (Interprétation)): Bonjour, madame la présidente. Merci beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole ici ce matin.

    Je m'appelle Gary Malkowski. Je suis le directeur des relations gouvernementales et des affaires des consommateurs à la Société canadienne de l'ouïe. Notre organisation a été établie en 1940 comme organisme sans but lucratif. Notre mandat est de fournir des services qui accroissent l'indépendance des personnes atteintes de surdité, devenues sourdes ou malentendantes et qui participent à la prévention de la perte de l'ouïe.

    Je voudrais aborder aujourd'hui les obstacles qui empêchent les sourds et les malentendants de s'intégrer à la population active canadienne. Il existe d'imposantes barrières, notamment les lacunes du programme d'aide à l'emploi des personnes handicapées (AEPH), la double imposition des locaux nécessaires aux étudiants et consommateurs sourds ou malentendants et il existe des obstacles suscités par DRHC et des problèmes dus à l'affaiblissement de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    Avant que l'initiative AEPH ne soit lancée en 1998, on pouvait compter sur un grand nombre de candidats compétents, professionnels et hautement qualifiés sourds ou malentendants, ce qui facilitait les choses pour les employeurs prêts à les recruter et à les embaucher. Malheureusement, après la création de l'AEPH, on ne trouvait plus autant de professionnels et de personnes très qualifiées, sourdes ou malentendantes, ce qui rendait les choses difficiles pour les employeurs qui voulaient les embaucher.

    Mon mémoire contient des détails supplémentaires sur les lacunes de l'AEPH—la double imposition des locaux nécessaires aux étudiants et consommateurs sourds et malentendants, les obstacles suscités par DRHC, et les éléments affaiblissant la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    J'exhorte les membres du comité à adopter les recommandations suivantes et à demander au ministre du Développement des ressources humaines et au ministre du Travail d'apporter une solution à ces problèmes graves qui ont trop duré, et ce, le plus tôt possible.

    Tout d'abord, proposer et adopter une loi sur les personnes handicapées forte, efficace et exécutable qui permet—trois choses—premièrement de consolider les programmes parrainés par le projet d'aide à l'emploi des personnes handicapées; deuxièmement, de garantir l'accès à l'enseignement postsecondaire au Canada en supprimant les impôts exigés à l'égard des prestations d'invalidité et des bourses d'études à l'étranger, en restaurant les subventions destinées aux étudiants handicapés et en supprimant les obstacles auxquels se heurtent les étudiants en fait d'accessibilité; et troisièmement, de faire respecter les normes d'accessibilité dans tous les bureaux fédéraux, notamment ceux de DRHC et de Travail Canada ainsi que dans les entreprises exploitées par les employeurs inscrits sur la liste fédérale de l'équité en matière d'emploi.

    Deuxièmement, inviter les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l'éducation et des services sociaux à régler l'ensemble des problèmes financiers et physiques qui entravent effectivement l'accès des étudiants sourds et malentendants à des occasions d'emploi.

    Troisièmement, modifier le règlement afférent à la Loi sur l'équité en matière d'emploi pour y ajouter les trois points suivants: exiger que les employeurs créent leur propre comité consultatif composé d'employés et de membres de la collectivité handicapée; exiger que les employeurs procèdent à des examens distincts pour les employés engagés lorsqu'ils étaient handicapés et pour les employés qui sont devenus handicapés après leur embauche pour les besoins de leurs rapports annuels sur l'équité en matière en matière d'emploi et aux fins de la vérification de la conformité; et troisièmement, exiger que DRHC et Travail Canada instaurent un programme d'orientation à l'intention des bureaux locaux et des employeurs pour l'élaboration de politiques et de procédures permettant d'accueillir les chercheurs d'emploi et les employés sourds et malentendants.

    En conclusion, ces recommandations vont consolider l'effet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. En outre, elles vont permettre aux personnes handicapées, notamment les sourds et les malentendants, de réintégrer la population active, ce qui permettrait d'épargner des deniers publics. Si vous acceptez ces recommandations, vous annoncerez clairement au public que vous vous souciez de nos besoins.

    La présidente: Merci beaucoup.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Garry Malkowski: Vous vous en souciez, n'est-ce pas?

Á  +-(1125)  

+-

    La présidente: Merci.

    Maintenant, nous allons entendre le point de vue de l'Association canadienne pour la santé mentale.

[Français]

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy (directrice, Affaires publiques, Association canadienne pour la santé mentale): Bonjour, madame la présidente. Je m'appelle Elisabeth Ostiguy et je suis directrice des affaires d'intérêt public à l'Association canadienne pour la santé mentale.

[Traduction]

    Nous accueillons Wendy Steinberg, analyste des politiques au bureau national de l'Association canadienne pour la santé mentale.

    Wendy.

+-

    Mme Wendy Steinberg ( analyste des politiques, Association canadienne pour la santé mentale): L'Association canadienne pour la santé mentale est une association bénévole nationale qui existe depuis plus de 80 ans et qui fait la promotion de la santé mentale dans toute la population. Nous comptons 12 divisions provinciales ou territoriales et environ 120 succursales locales et régionales qui réunissent les bénéficiaires de services de santé mentale, des proches, des soignants et des intéressés. Nous sommes donc très bien placés pour transmettre les préoccupations courantes et variées des Canadiens concernant la santé et la maladie mentale.

    L'Association canadienne pour la santé mentale désire témoigner publiquement de son appui aux mesures législatives qui aideront les personnes aux prises avec une déficience psychique, mentale ou affective à obtenir une chance égale de s'intégrer à la population active. Le gouvernement du Canada a manifesté sa détermination à faire en sorte que les Canadiens aient des chances d'emploi égales en adoptant et en appliquant la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    À l'heure actuelle, le bilan en matière d'équité pour les personnes ayant une déficience est loin d'être reluisant, et on ne parle pas des déficiences psychiques. Selon le rapport annuel de 2001 sur l'équité en matière d'emploi, les personnes handicapées représentent 2,4 p. 100 de la population active alors qu'elles comptent pour 6,5 p. 100 de la ddisponibilité sur le marché du travail. Leur représentation a diminué cette année, poursuivant ainsi un déclin qui amorcé en 1996. C'est ce groupe qui a le moins progressé depuis l'adoption de la loi. Les personnes handicapées quittent la populuation active à un taux alarmant. En 2000, ils ont été plus nombreux à perdre un emploi qu'à en trouver un.

    L'exhaustivité et l'exactitude des données d'emploi dépendent de la volonté de s'identifier. Pour les personnes souffrant d'une déficience psychique, cela pose un problème, que nous aborderons tout à l'heure. Le résultat, c'est que les chiffres qui concernent les personnes handicapées sont probablement plus valables pour les déficiences physiques.

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy: L'ACSM estime que la Loi sur l'équité en matière d'emploi continue d'avoir sa raison d'être. Cependant, la loi et son règlement ont peut-être besoin d'être plus clairs pour aider les employeurs à répondre à leurs obligations. Il faut peut-être également des mesures d'application plus fortes relativement à divers résultats attendus.

    La maladie mentale regroupe des maux très divers; de la dépression légère à la schizophrénie, il est difficile de dire si une maladie particulière influera sur la capacité de travail d'une personne, et comment. Les personnes atteintes d'une maladie mentale sont rarement malades en permanence: elles traversent plutôt des cycles où alternent des périodes où elles peuvent travailler et des périodes d'invalidité. Aujourd'hui, il existe de nombreux traitements efficaces pour ces états, mais pas de remède.

    Les personnes souffrant de maladie mentale ont généralement une intelligence moyenne ou supérieure à la moyenne. Leurs capacités varient comme celles de la population en général.

    Précisons une chose: les déficiences psychiques ne sont pas des déficiences intellectuelles ou du développement. Les pratiques et les politiques en ressources humaines doivent répondre à la nature exacte des déficiences. Les instructions visant à garantir un milieu de travail équitable ne doivent pas promouvoir l'ostracisme et la discrimination. Par exemple, le document Établir un milieu de travail accueillant pour les employés handicapés du Conseil du Trésor regroupe les déficiences psychiques et du développement à la rubrique où l'on explique comment accueillir ces personnes en milieu de travail. Les instructions indiquent qu'il ne faut pas donner de petites tapes sur la tête de la personne handicapée lorsqu'on l'accueille. Ces instructions sont condescendantes et ne font que promouvoir la discrimination.

    La question de l'auto-identification est sans doute une des plus complexes pour les personnes atteintes de troubles psychiques. Dans notre culture, l'opprobre entache fortement la maladie mentale. Elle se manifeste par des stéréotypes négatifs, incorrects et des comportements discriminatoires. Une personne souffrant de maladie psychiatrique est peu suceptible de le signaler par crainte d'être incomprise, sous-évaluée et étiquetée avec des stéréotypes négatifs, tels que ceux perpétués dans les médias par des expressions comme «le malade mental violent».

    Pourtant, afin de recevoir des aménagements du lieu de travail ou des mesures précisées dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi, une personne doit s'identifier comme handicapée qui se considère désavantagée dans l'emploi en raison de cette déficience.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Wendy Steinberg: L'ostracisme et la discrimination sont de grands obstacles au niveau des mentalités. Ces obstacles sont invisibles mais persistants dans l'emploi et agissent de façon subtile et destructive. La loi est entrée en vigueur pour changer les mentalités et créer davantage d'ouverture à l'embauche de certains groupes de personnes.

    Selon la Commission canadienne des droits de la personne, les employeurs ignorent souvent la question des mentalités lorsqu'ils conçoivent des plans et des mesures destinés au milieu de travail. Il est plus facile de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience physique.

    On peut rendre un immeuble accessible aux fauteuils roulants en construisant une rampe et en installant une porte automatique. Un malvoyant peut utiliser un ordinateur activé par la voix. Le téléscripteur facilite la communication verbale des personnes malentendantes. On peut faire de la place pour un chien guide. Construire des rampes d'accès semble bien plus facile que changer les mentalités.

    Étant donné le grave problème de l'auto-identification au sein de ce groupe, il est essentiel d'avoir une loi forte et efficace exigeant l'élimination et la prévention des obstacles systémiques et ne réclamant pas que les personnes souffrant de maladie mentale s'identifient publiquement, ce qui ne sert qu'à éliminer un obstacle à la fois.

    Les milieux de travail sans obstacle sont réalisables grâce à des politiques positives d'équité qui seraient jugées à l'avantage de tous les employés. Il s'agit d'élaborer des politiques de ressources humaines positives, constructives et souples.

    La maladie mentale n'empêche pas toujours une personne de travailler ni même de travailler tout le temps. Parmi les contraintes, il y a l'horaire structuré, les heures de travail ou la concentration en des tâches précises.

    La souplesse des politiques peut prendre plusieurs formes. Il peut être possible de traiter une forme de travail à son rythme, de prendre un congé de maladie pour des raisons affectives autant que physiques, de travailler à la maison, d'utiliser des heures supplémentaires mises en réserve, de partager des tâches et d'adopter un horaire souple pour les rendez-vous chez le médecin. Pour couvrir l'incertitude qui entoure l'hospitalisation, l'employeur peut avancer des congés payés ou non payés, et prévoir une relève tout en gardant le poste ouvert.

    Un milieu de travail équitable, juste et accueillant devrait disposer de politiques d'accueil écrites répondant aux besoins de tous les employés et respectant les exigences du service. Par exemple, l'horaire souple profite non seulement aux personnes ayant une déficience psychique qui ont des besoins personnels en matière de santé, mais également aux parents de jeunes enfants et aux personnes ayant à charge des parents âgés.

    Un milieu de travail plus humain répond aux besoins de chacun. Cela veut dire un horaire souple, le partage des tâches, la définition des tâches répondant aux aptitudes, les heures de travail raccourcies, des périodes de repos plus fréquentes, des programmes de mentorat, etc. Ce que cela fait réellement, c'est d'éliminer la nécessité des étiquettes.

    De nombreux employeurs progressistes réalisent de plus en plus l'importance d'un milieu de travail qui accueille la diversité et reconnaît le potentiel de productivité de toute la population.

    L'équité en matière d'emploi est bénéfique pour les entreprises et le chiffre d'affaires. Ce n'est pas seulement la bonne chose à faire, c'est également la chose sage à faire d'un point de vue financier. L'élimination des obstacles à l'emploi permet d'obtenir les meilleurs candidats, qui accroîtront la compétitivité des entreprises canadiennes sur le marché mondial. L'équité en matière d'emploi n'est pas seulement affaire de chiffres, mais également de politiques et de pratiques justes en matière d'emploi. La loi doit moins viser les résultats quantitatifs et davantage la responsabilité de l'employeur envers le progrès.

    Nous souhaitons remercier les membres du comité d'avoir offert à l'Association canadienne pour la santé mentale la possibilité de participer aux audiences publiques et d'exprimer ici nos préoccupations concernant le milieu de travail. Nous espérons sincèrement que l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi donnera lieu à un milieu de travail plus équitable, plus humain et plus attirant pour les Canadiens.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Le dernier exposé de cette partie sera fait par l'Institut national canadien pour les aveugles.

[Français]

+-

    Mme Myriam Girard (recherchiste et rédactrice, Relations gouvernementales et liaisons internationales, Institut national canadien pour les aveugles): Bonjour, madame la présidente. Je suis heureuse de faire la présentation au nom de l'INCA.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

    Je suis accompagnée ce matin de Mme Fran Cutler, présidente du conseil national de l'INCA. C'est peut-être à elle que certaines des questions devraient être adressées. Je fais circuler un petit simulateur de diverses déficiences visuelles. Mme Cutler souffre de dégénérescence maculaire, celle du haut. Elle a occupé le poste de directrice de l'équité en matière d'emploi à la SRC entre 1992 et 1996 et je suis donc convaincue qu'elle a beaucoup d'information à communiquer au comité.

    Tout d'abord, laissez-nous vous remercier de fournir l'occasion de comparaître devant le comité. L'Institut national canadien pour les aveugles accompagne plus de 105 000 Canadiennes et Canadiens aveugles, handicapés visuels ou sourds-aveugles dans les efforts pour être pleinement inclus à notre société. Ce nom-là est le nôtre depuis 1918. En vertu de loi actuelle, il n'est pas possible de disposer de chiffres distincts concernant la réalité de l'équité en matière d'emploi pour les aveugles, mais d'après nos chiffres, 70 p. 100 de ceux qui sont en âge de travailler sont actuellement sans emploi.

    Nous fournissons sept services essentiels, dont le développement de la carrière et l'emploi. L'INCA est heureux de constater que les personnes handicapées ont fait des progrès importants depuis l'adoption de la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi. Pourquoi? Parce que nous pensons que la Loi sur l'équité en matière d'emploi et celle qui l'a précédée ainsi que la législation dans ce domaine en général ont joué un rôle primordial dans le changement d'attitude à l'endroit des personnes handicapées que nous observons depuis dix ans.

    Il y a quelques années à peine, un employeur moyen au Canada pensait que seuls des postes très restreints pouvaient être comblés par une personne aveugle. Aujourd'hui, de nombreux employeurs sont prêts à embaucher une personne aveugle ou ayant une déficience visuelle. La question qu'ils se posent, et qui devrait aussi être celle que se pose le comité, est de savoir comment y arriver. Les mentalités ont donc considérablement évolué. Comment y parvenir dans la pratique?

    Tout comme le comité, nous avons pris connaissance des rapports de la Commission canadienne des droits de la personne qui font état de progrès insatisfaisants réalisés par les personnes handicapées depuis l'adoption de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous savons d'expérience que c'est le cas.

    Toutefois, nous savons que les personnes handicapées étaient confrontées à des barrières systémiques et d'attitude d'une telle ampleur au début qu'elles ne pouvaient être éliminées du jour au lendemain. Rome ne s'est pas bâtie en un jour. Il faut du temps pour passer du point A au point D. À notre avis, la Loi sur l'équité en matière d'emploi a joué un rôle catalyseur majeur. Nous pensons également que le comité a lui aussi accompli un excellent travail, comme on l'entend dire, mais ce résultat tient également à la surveillance étroite assurée par la Commission canadienne des droits de la personne. Apparemment, parfois—enfin, la plupart du temps—l'action des employeurs doit être suivie de près avant qu'ils s'aperçoivent qu'ils ont quelque chose à faire à propos de ces choses.

    Il y a plusieurs points que nous aimerions aborder aujourd'hui. Le premier, c'est que les résultats de la Loi sur l'équité en matière d'emploi sont bons. Il faudrait dire qu'ils sont très bons, mais il vaut mieux être prudent. La surveillance étroite des secteurs privé et public par la Commission canadienne des droits de la personne est toujours nécessaire pour combattre l'inertie systémique et s'assurer que le secteur public et privé vont se conformer à leurs obligations légales le plus tôt possible et continueront de le faire.

    Notre première recommandation est que le comité adopte toutes les recommandations de la Direction générale de l'équité en matière d'emploi de la Commission canadienne des droits de la personne dans son document de discussion intitulé «L'examen législatif de la Loi sur l'équité en matière d'emploi». Je ne vais pas en répéter les raisons, elle-même l'a fait.

    Notre deuxième recommandation est que le comité examine la Loi sur l'équité en matière d'emploi et son Règlement pour s'assurer qu'ils sont conformes à la jurisprudence établie depuis l'adoption de la loi en 1995. Je songe ici à trois arrêts de la Cour suprême du Canada—Eldrige, Meiorin et Grismer. Dans notre mémoire, nous expliquons de quoi il s'agit et donnons la référence. Nous avons aussi une citation du document intitulé «La volonté d'intégrer les personnes handicapées» concernant la création d'un marché du travail favorable à l'intégration. Dans nos recommandations, nous disons que la vision énoncée dans ce document a plus ou moins été admise et appliquée par la Cour suprême du Canada. Pourquoi dans ce cas ne pas actualiser la loi afin qu'elle soit le miroir du droit actuel, tel que l'a énoncé la Cour suprême?

Á  +-(1140)  

    Je vais maintenant discuter de certaines questions concernant l'application de la loi.

    Je ne vais pas parler des données censitaires. Tout le monde a fait la même recommandation. En effet, les données du recensement remontent à il y a 13 ans. Les données recueillies lors du dernier recensement corrigeront temporairement cette situation puisqu'elles deviendront vite périmées. Ce qu'il faut, c'est un mécanisme permanent de collecte périodique. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi le secteur public ne se sert pas du chiffre de 6,5 p. 100 au lieu de 4,8 p. 100--les chiffres sont déjà assez bas. Vu l'évolution des mentalités dans la société en général, nous pensons en outre qu'il y a beaucoup plus de personnes handicapées disponibles sur le marché aujourd'hui qu'il y a 13 ans.

    Enfin, nous invitons le comité à recommander que le gouvernement fédéral et ses orgnismes élaborent une stratégie globale destinée à accroître de façon notable et permanente la représentation des personnes handicapées dans la population active.

    Cela pourrait se faire de diverses façons. Peut-être, par exemple, grâce à une stratégie du milieu de travail de DRHC, qui a déjà fait passablement de choses dans ce domaine. C'est peut-être là que pourraient converger les efforts éparpillés un peu partout dans l'administration fédérale.

    Comme vous le savez, même si nous sommes censés faire des progrès, l'administration fédérale ne respecte pas encore ses obligations légales. Le Programme des mesures positives d'équité en emploi a été supprimé le 31 mars, tout comme le Centre des ressources pour les personnes handicapées.

    L'eau coule sous les ponts, oui, mais il faut quand même que ces fonctions soient conservées quelque part. Nous n'en sommes pas au point où la situation des personnes handicapées a progressé de telle sorte que nous pouvons nous en passer.

    Telles sont nos recommandations. Je vous remercie de nous avoir écoutés.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant tenir des tours de six minutes à commencer par M. Elley de l'Alliance canadienne.

+-

    M. Reed Elley (Nanaimo--Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Je suis très heureux que vous soyez tous venus aujourd'hui pour nous faire part de votre point de vue et de celui de vos organisations. J'aurais des questions à poser à tout le monde, mais ce ne sera évidemment pas possible.

    J'ai été particulièrement intéressé par le mémoire de l'Institut national canadien pour les aveugles. J'ai été renversé de vous entendre dire que 70 p. 100 des personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle du pays sont sans emploi et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi. Cela tient-il à leur âge ou au fait que la médecine a progressé au point où il n'y en a pas autant? Pourriez-vous m'aider à comprendre ce que vous avez dit?

+-

    Mme Myriam Girard: Mme Cutler va vous répondre.

+-

    Fran Cutler (présidente, conseil national, Institut national canadien pour les aveugles): Merci.

    On ne peut pas vraiment dire combien il y a de raisons ni ce qu'elles sont, mais nous parlons de ceux qui sont en âge de travailler, entre 18 et 65 ans quand nous donnons ce chiffre de 70 p. 100. Remarquez, c'est une amélioration. Avant, c'était plus de 75 p. 100.

    On dirait que c'est l'attitude des employeurs, ceux que l'on appelle parfois les «temporairement bien-portants». L'ordinateur, par exemple, a fait disparaître le «in» du mot invalidité. La révolution de la technologie de l'information permet à l'aveugle ou à la personne ayant une déficience visuelle de remplir n'importe quelle tâche de la société de l'information, mais les mentalités n'ont malheureusement pas encore tout à fait suivi.

    Il y a aussi le prix du matériel qui est un facteur. Mais quand vous le comparez aux avantages à long terme de l'emploi, c'est peu.

+-

    M. Reed Elley: Merci.

    J'ai une question à poser à nos amis de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec.

    Y a-t-il une différence entre les plans à long terme des grandes entreprises, par exemple, et ceux des petites sociétés en ce qui concerne leur désir ou leur capacité d'employer des personnes handicapées? Voyez-vous une différence pour les deux groupes et peut-on dire que l'embauche progresse réellement dans ce secteur?

Á  +-(1145)  

[Français]

+-

    Mme Chloé Serradori: Je n'ai pas toute l'information ici, mais il ressort des documents qu'on a lus, ainsi que du rapport de la Commission des droits de la personne qu'il y a eu un net recul au niveau de toutes les entreprises privées et qu'il y a eu une légère augmentation au niveau de la fonction publique fédérale. On explique cette légère augmentation de l'intégration des personnes en emploi par l'autodéfinition plutôt que par l'existence d'un système actif de recrutement.

    Si vous me le permettez, pour répondre à votre question précédente, je dirai que le principal problème est le suivant. On imagine toujours que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles arrivent, à l'âge de 18 ans, prêtes pour l'emploi, mais de l'âge de 4 ans à l'âge de 18 ans, elles doivent faire des études et suivre de la formation. Elles ont encore énormément de difficulté à avoir accès aux études et à obtenir une formation, car il y a aussi la question du droit à l'accommodement. Toutes les statistiques disent que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles font partie des personnes les moins scolarisées. Donc, on ne peut pas séparer l'emploi de la formation.

    Je crois qu'il reste beaucoup de sensibilisation à faire auprès des grosses entreprises, et c'est peut-être plus difficile à ce niveau qu'au niveau des petites et moyennes entreprises. Nos collègues parlaient aussi de changements d'attitude. Quand il n'y a pas vraiment de programmes de sensibilisation et de formation, et qu'il n'y a pas d'intégration et de participation des personnes qui ont des limitations fonctionnelles à des comités ou à des programmes de sensibilisation, eh bien, il faut beaucoup de temps pour changer les attitudes.

[Traduction]

+-

    M. Reed Elley: Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Madame St-Jacques.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Ma question porte sur l'identification volontaire. J'aimerais que les différents groupes me disent s'ils croient que des changements devraient être apportés à l'identification volontaire.

    J'aimerais aussi poser une question plus précise à l'Association canadienne pour la santé mentale. Vous mentionnez dans votre rapport que les personnes atteintes de troubles psychiatriques vivent un problème d'auto-identification et qu'en raison de cela, on devrait éliminer l'auto-identification. Si on l'élimine, comment va-t-on faire pour savoir, dans les statistiques, si ces personnes-là ont été embauchées ou pas? Donc, la question s'adresse en général à tout le monde et en particulier à l'Association canadienne pour la santé mentale.

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy: Présentement, on sait qu'il y a un stigmate qui est rattaché à la maladie mentale. Même une personne qui souffre d'une dépression légère n'oserait pas chercher un traitement ou même déclarer à son employeur qu'elle va voir un psychologue ou un psychiatre parce qu'elle a peur que cela soit inscrit à son dossier et affecte son avancement dans sa carrière. Dans le travail quotidien, on ne s'identifie pas même quand on a une petite dépression. Pour une personne qui souffre d'une maladie plus grave, c'est encore plus difficile de dire qu'elle souffre de schizophrénie, par exemple, qu'elle doit prendre des médicaments et qu'elle cherche quand même un emploi. 

    C'est la raison pour laquelle, dans nos commentaires au comité, on a voulu indiquer qu'il était nécessaire de changer les attitudes et de créer un milieu de travail qui recevrait toutes les personnes, avec toute la diversité qu'elles peuvent offrir. C'est très difficile de demander à une personne qui sait qu'elle pourrait être victime d'une attitude négative de révéler qu'elle a une certaine maladie. Peut-être est-il nécessaire de changer la façon de voir la situation.

    On n'a pas besoin de tout mesurer. Je sais que les mesures sont la façon la plus facile de dire qu'on réussit ou qu'on ne réussit pas. Dans les écoles aujourd'hui, on change toutes les façons de mesurer pour qu'il n'y ait pas trop de concurrence entre les élèves, mais en fin de compte, tout être humain aime toujours savoir s'il réussit ou non. Donc, on demande toujours qu'il y ait des mesures. Il faut changer le milieu du travail et les attitudes, et enlever des instructions les commentaires qui ne tiennent pas compte de la dignité humaine. C'est la seule façon d'atteindre les buts qui sont inscrits dans la loi présentement.

Á  +-(1150)  

+-

    Mme Myriam Girard: J'aimerais faire un commentaire. On est un petit peu inquiets par rapport à la question de l'auto-identification, parce que dans le cas de la population active vieillissante surtout, cela peut avoir un effet pervers. Selon le Rapport sur l'équité en matière d'emploi de 2001 de la Commission canadienne des droits de la personne, et je cite:

...les données autorisent à penser que l'augmentation du nombre de personnes handicapées dans la fonction publique fédérale est davantage attribuable à une auto-identification accrue qu'à un recrutement plus actif.

    On pourrait constamment augmenter les nombres simplement en comptant les gens qui sont déjà pleinement intégrés au marché du travail et qui développent différents problèmes attribuables à l'âge, sans chercher à intégrer des gens qui sont à l'extérieur du marché du travail. Cela correspond à notre expérience de la réalité, et cet aspect nous inquiète.

+-

    Mme Diane St-Jacques: Avez-vous des recommandations à faire à ce sujet?

+-

    Mme Myriam Girard: Il y a deux aspects à cela: il y a l'embauche, le maintien en emploi et les promotions, mais il y a également tous ceux qui sont dans la rue et qui ne sont pas encore entrés. Peut-être faudrait-il que la loi prévoie des divisions pour cela. Il y aura un système pour ceux qui sont plus avancés, mais il faudra une stratégie plus globale pour ceux qui ne sont pas encore là, une stratégie qui corresponde précisément à leurs besoins.

+-

    Mme Diane St-Jacques: Aviez-vous un commentaire à faire, madame Serradori?

+-

    Mme Chloé Serradori: On s'est rendu compte que l'un des principaux obstacles était les attitudes et les préjugés. Il y a encore beaucoup de préjugés. On trouvait important que soient vraiment évaluées les attitudes de l'employeur. Par exemple, un employeur peut diriger systématiquement les personnes qui ont des limitations fonctionnelles dans des emplois à temps partiel. Il peut prendre énormément de temps à mettre les accommodements nécessaires en place. Un employeur peut embaucher systématiquement des personnes ayant une forme particulière de limitation fonctionnelle, mais ignorer complètement les autres. Ce n'est pas en termes de punition. Il s'agit d'avoir un portrait réel de ces obstacles. Il est aussi très, très important de sensibiliser les employeurs, parce que dans un monde idéal, il ne devrait pas y avoir d'auto-identification.

    On parlait des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. C'est vraiment tragique, mais c'est aussi tragique pour des personnes qui, par exemple, sont atteintes de sclérose en plaques, des personnes qui ont le VIH et qui ont des limitations fonctionnelles, des gens qui vivent avec une déficience intellectuelle. Il y a vraiment une discrimination envers ces personnes.

    On parlait tout à l'heure des modes d'accommodement. Souvent, les employeurs sont satisfaits si tout ce qui concerne l'accommodement architectural est mis en place, mais ce n'est pas suffisant. On parlait aussi d'adaptation de conventions collectives et d'adaptation d'horaires de travail. Il faut mettre cela en place et aider les employeurs à le faire. On a instauré ce concept pour favoriser l'équité, mais en fait, cela crée une discrimination.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    Wendy

+-

    Mme Wendy Steinberg: Je voulais ajouter quelque chose à propos de l'objectif chiffré. Il ne fait pas de doute que c'est une façon d'évaluer l'application de la loi. Si l'on met en place des politiques positives de ressources humaines et si l'on parvient à changer les mentalités, le nombre de personnes qui s'identifient dans certaines catégories va augmenter du fait que les gens se sentent moins stigmatisés si l'on procède à des aménagements universels plutôt que pour des groupes particuliers. Il sera donc toujours possible de faire un dénombrement. Cela ne disparaîtra pas. Je pense même que le résultat sera plus juste si vous vous occupez d'abord des pratiques et des politiques avant de regarder les chiffres.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: M. Malkowski voulait ajouter quelque chose.

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Oui. Il y a deux choses que j'aimerais ajouter ici.

    Un des problèmes de la loi, c'est l'examen des statistiques. La loi se concentre sur les personnes qui sont handicapées et qui ou bien cherchent un emploi ou en ont déjà un. Mais elle est muette sur la question des personnes qui ont actuellement un emploi et qui deviennent handicapées après coup. Je m'élève donc contre cet écart.

    Nous recommandons un examen à deux volets des systèmes d'emploi. Le premier porterait pour les personnes actuellement handicapées qui sont à la recherche d'un emploi ou qui en ont un et l'autre pour celles qui ne sont pas handicapées mais le deviennent après avoir trouvé un emploi.

    L'autre chose que j'aimerais ajouter, c'est qu'une grande partie de nos préoccupations n'ont rien à voir avec la loi mais bien avec la façon dont DRHC l'applique. Dans mon exposé, j'ai parlé de la double imposition et je vais vous en donner un exemple.

    Le sourd qui reçoit des fonds d'AE ou du Fonds pour la création de possibilités économiques ou un prêt canadien d'aide financière aux étudiants se voit donner ces fonds pour se procurer des services pour son logement, des services d'interprétation ou comme mesure de soutien pour les personnes handicapées. Le sourd reçoit ces fonds et, aux yeux de DRHC, reçoit un avantage imposable et doit donc payer de l'impôt.

    Au même moment, lorsque le client sourd remet ces fonds à la personne qui lui fournit de l'aide, comme l'interprète, l'interprète paie lui aussi de l'impôt sur ce revenu. C'est de la double imposition. Dans les faits, c'est une punition; c'est une mesure punitive contre le sourd qui cherche un aménagement et au lieu d'éliminer les obstacles, cela en crée. Cela finit par empêcher le sourd ou le malentendant de faire des études postsecondaires. C'est pourquoi au lieu d'être un prêt, comme c'est le cas actuellement, nous voudrions que ce soit une subvention. Cela crée des problèmes qu'il s'agisse d'un prêt et qu'il y ait double imposition, à notre avis.

+-

    La présidente: Madame Guay.

[Français]

+-

    Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.

    J'aimerais vous remercier de vous être déplacés pour nous rencontrer aujourd'hui. Vous êtes un groupe très, très important, et je ne suis pas la seule à le dire. Mme Bradshaw a elle-même dit que c'est chez les personnes handicapées que la loi a apporté le moins d'améliorations. Donc, parmi les quatre groupes visés, les personnes handicapées sont celles qui ont le moins progressé grâce à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Donc, vos recommandations devront être fortement prises en considération par le comité. Vous pouvez compter sur mon appui pour faire avancer votre cause.

    Madame Serradori, plutôt que de parler de personnes handicapées, vous parlez de gens qui ont des limitations fonctionnelles. Je trouve cela intéressant. Je trouve que cela fait beaucoup plus moderne et qu'on arrête ainsi de mettre des barrières à ces personnes. Elles en ont déjà suffisamment quand il s'agit de trouver de l'emploi. Je pense que le comité va retenir le terme « limitations fonctionnelles ». Je trouve que c'est pas mal plus intéressant pour les personnes qui sont dans le besoin.

    Cela dit, vous nous avez dit que 70 p. 100 des aveugles étaient sans emploi. C'est grave, très grave. Il est très difficile de partir tout jeune avec des difficultés fonctionnelles et de se rendre jusqu'à l'âge adulte pour essayer de se trouver un emploi. Si vous me dites que 70 p. 100 des aveugles ne réussissent pas à se placer les pieds, on a un sérieux problème quelque part et il va falloir qu'on y remédie.

    On sait qu'on a fermé le Centre de ressources adaptées le 31 mars. Le comité a écrit à la ministre et j'ai demandé que la ministre vienne témoigner devant le comité. Le dossier n'est pas fermé, du moins pas en ce qui me concerne. On continue à exercer des pressions pour que ce centre continue d'exister parce que c'est une nécessité. Il existe depuis plus de 23 ans et je sais que c'est très utile pour certaines entreprises qui veulent intégrer des personnes handicapées. Vous pouvez être assurés que le comité a fait un bout de chemin à cet égard et que nous continuerons à pousser ce dossier-là.

    J'aimerais que chacun d'entre vous me dise s'il a une recommandation précise à laquelle il tient absolument et qu'il en fasse part aujourd'hui au comité pour qu'on puisse en tenir compte. Si vous en avez même deux qui vous semblent urgentes, que vous voudriez qu'on mette en oeuvre le plus rapidement possible, j'aimerais que vous nous en fassiez part. Merci.

  +-(1200)  

+-

    La présidente: Madame Girard.

+-

    Mme Myriam Girard: Je vais commencer, madame la présidente. Nous avons fait seulement quatre recommandations, mais s'il devait y en avoir une qui soit mise en place, ce serait une recommandation qui engloberait toute la situation. Pour que la situation des personnes ayant des limitations fonctionnelles change, il faudrait une stratégie globale du gouvernement fédéral. Cette stratégie pourrait être la responsabilité de Développement des ressources humaines Canada, au sein de la Direction générale du travail. Il s'agirait d'une stratégie globale dans le cadre de laquelle il y aurait un effort concerté de toutes les parties pour améliorer la situation des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Ce serait notre souhait.

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Cutler.

+-

    Mme Fran Cutler: J'ajouterai seulement que pour trouver une solution, le gouvernement et les comités pourraient encourager ceux qui ont réussi à le faire savoir. Dès les années 70, le ministère du Revenu, un de chefs de file de l'aménagement pour les personnes handicapées a embauché quatre répartiteurs de l'impôt aveugles dans son service. Qu'est-il arrivé à sa productivité globale? Elle a monté en flèche. Comment a été l'absentéisme global? Il a baissé considérablement. Les cas de l'effet qu'ont eu les personnes handicapées sur leurs collègues de travail sont légion de la fonction publique. Il me semble que c'est là un puissant outil de motivation.

+-

    La présidente: Madame Steinberg.

+-

    Madame Wendy Steinberg: Merci.

    Nous recommandons que la Loi sur l'équité en matière d'emploi exige des organisations et du gouvernement qu'ils créent des lieux de travail sans entrave. Cela continuera d'obliger l'organisation ou le gouvernement à faire des aménagements mais exigera aussi des mesures qui finiront par réduire la nécessité d'apporter des aménagements personnels. Pour nous, l'avantage de l'élimination des entraves c'est qu'il s'agit d'une méthode systémique et préventive qui ne force personne à révéler qu'il a une déficience.

[Français]

+-

    La présidente: Madame Serradori.

+-

    Mme Chloé Serradori: Personnellement, je trouve toujours très difficile d'avoir à choisir. On a participé à assez de commissions parlementaires pour savoir qu'il est toujours dangereux de proposer une seule recommandation. En effet, il est dangereux que seule cette recommandation soit retenue. Si vous me le permettez, je dirai que nous estimons que tout ce qui a été dit ici est prioritaire.

    Une autre chose est aussi très importante, et on en a tous parlé. C'est bien, l'équité en matière d'emploi, mais il y a plein de gens qui attendent et qui n'auront peut-être jamais un emploi. Donc, je voudrais que toutes les recommandations qui ont été présentées ici soient prises en considération. Si on reconnaît le droit à l'accommodement, on va reconnaître la classification des déficiences. Pourquoi parle-t-on de limitations fonctionnelles? Parce qu'il faut que toutes les limitations fonctionnelles soient reconnues. On va changer la définition. On ne se servira plus de l'auto-identification. Si on pense aussi à toute la formation qui doit être donnée au niveau de l'équité en matière d'emploi, on donnera peut-être une chance aux jeunes.

    Actuellement, on a un portrait des gens qui sont en emploi, mais n'oubliez pas les jeunes. M. Malkowski parlait de ce qui se passe chez les personnes sourdes. Le futur des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, comme notre futur à tous, c'est la jeunesse. La jeunesse vit encore des difficultés au niveau de l'accommodement et de la formation.

    Donc, j'espère que toutes les recommandations qu'on a faites vont être retenues. Merci.

  +-(1205)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Malkowski.

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Nous voyons deux recommandations très importantes en ce moment. Nous recommandons vigoureusement l'application ferme, efficace et contrôlable d'une loi pour les Canadiens handicapés. Deuxièmement, nous recommandons vigoureusement que le gouvernement fédéral ainsi que les ministres fédéral et provinciaux révisent l'aide à l'employabilité des personnes handicapées et transforment en subventions les prêts aux personnes handicapées à la recherche d'aménagements pour poursuivre leurs études postsecondaires et suppriment la double imposition.

    Il faut que le comité parle avec Paul Martin, le ministre des Finances, pour supprimer la double imposition de ces aménagements. Quand j'ai appris que c'était le cas--la double imposition--je n'en revenais pas de l'audace du gouvernement. Cela empêche les gens de se servir des fonds aux fins qui sont prévues. J'insiste donc sur mes deux recommandations.

    Je viens de discuter avec Carolyn Bennett, la présidente du sous-comité, et je lui ai rappelé que j'avais soulevé la chose à plusieurs reprises mais que je n'ai toujours pas reçu de réponse satisfaisante du gouvernement.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Tonks.

+-

    M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Merci, madame la présidente et merci à tous les témoins d'être venus ce matin.

    Je précise en passant que je suis très heureux de vous voir tous, mais en particulier Gary Malkowski que j'ai connu à l'époque où j'étais président de Metropolitan Toronto et lui député de l'Assemblée législative de l'Ontario. Il faisait des démarches auprès du conseil métropolitain sur les mêmes questions à l'époque.

    Gary, je suis heureux que l'un de nous deux ait réussi. Il occupe ses nouvelles fonctions et je suis très heureux de le voir.

    Madame Serradori, en ce qui concerne la charte des droits de la personne, dois-je comprendre que le libellé actuel est que l'employeur a le devoir d'offrir de la formation et la capacité de faire des aménagements? Est-ce que l'actuelle charte des droits de la personne dit que l'employeur a le devoir d'offrir de la formation et la capacité de faire des aménagements? Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit.

[Français]

+-

    Mme Chloé Serradori: Je ne pense pas que la Commission des droits de la personne aille si loin que ça. Selon la loi, il faut qu'il y ait des objectifs de résultat par type ou regroupement de types d'emplois; des objectifs qualitatifs en matière d'élimination des obstacles, toujours par type ou regroupement de types d'emplois; des moyens de redressement permettant de réduire temporairement les écarts; des moyens de contrôle permettant d'évaluer des résultats; et un mécanisme d'évaluation des résultats. On trouve cela à l'intérieur de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

    Pour nous, ces éléments doivent être prioritaires dans la vérification de conformité qu'on doit faire de 476 organismes, je crois. On sait qu'il y a vraiment un manque de ressources humaines et de ressources financières. Donc, il faut qu'il y ait un investissement de la part du gouvernement pour que la Commission canadienne des droits de la personne puisse faire ce travail.

    Pour ce qui est de l'acquisition de compétences et de la formation, ce n'est pas inclus. Si on veut vraiment que les personnes soient traitées de façon égalitaire, il faut que non seulement la compétence, mais aussi le potentiel d'acquisition des personnes soient reconnus par les employeurs. Autrement, il y a de la discrimination et des préjugés. Par exemple, on dit qu'une personne qui vit avec une déficience intellectuelle est capable de faire telle chose et on va la diriger vers ça.

    Or, si on se donne les moyens nécessaires, on peut développer cette personne qui a la capacité de développer sa compétence.

  +-(1210)  

[Traduction]

+-

    M. Alan Tonks: Merci de votre réponse.

    Ma question s'adresse à M. Malkowski. Je suis heureux qu'il ait clarifié la question de la double imposition. J'ai trouvé cela très intéressant. Je ne m'en rendais pas compte, mais je peux concevoir qu'il y ait iniquité ici. Et puis, pour ce qui est du même accès pour tous aux études postsecondaires, c'est quelque chose qu'il faudra bien noter.

    Il y a quelque chose qu'il a dit qui m'inquiète beaucoup. Nous parlions des entraves qui existent déjà. Il a parlé nommément de DRHC. Il a aussi parlé de Travail Canada, et du fait qu'il n'y a pas de lignes directrices pour les politiques destinées à faire des aménagements pour les sourds et les malentendants. Pourrait-il nous en dire davantage, en particulier en ce qui concerne le rôle de DRHC et des entraves qui existent là à son avis?

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Je crois que les bureaux de DRHC devraient eux-mêmes répondre à des normes minimales d'accessibilité. Imaginez une personne sourde ou malentendante qui entre dans un bureau local de DRHC pour y obtenir du financement du Fonds d'intégration. Qui sera responsable de trouver un interprète qui leur permettra d'échanger avec le personnel? Les bureaux disposeront souvent d'un téléscripteur dont la personne sourde pourra se servir, mais ils ne sont pas installés; alors il faut en faire la demande. On le fournit à la personne qui en fait la demande, mais il n'est pas branché et le personnel ne sait pas comment le faire.

    L'attitude du personnel de DRHC transparaît lorsqu'une personne sourde demande des renseignements sur des programmes de formation. On leur donne une excuse du genre «Nous sommes désolés, nous ne pouvons vous inscrire à ce programme parce que nous ne pouvons débourser les frais d'interprétation pour que vous suiviez les cours».

    À titre d'exemple, l'inscription à un cours d'un de ces programmes coûte environ 5 000 $. Eh bien, l'interprétation et le logement pourraient bien coûter au-delà de cela. Le coût total du cours se situerait entre 15 et 20 000 $. On comprend bien que la réponse de DRHC vient rapidement: «Nous sommes désolés, cela est au-dessus de nos moyens», parce qu'on leur impose un plafond d'environ 10 000 $. Qui couvrira les frais d'interprétation?

    Je crois que la Société canadienne de l'ouïe doit sensibiliser le personnel de DRHC du point de vue de leur politique sur les personnes malentendantes. Il est important que le personnel de DRHC se familiarise avec tout l'équipement nécessaire et disponible pour répondre aux besoins des personnes handicapées.

    J'ai vécu ce genre d'expérience. J'ai perdu mon numéro d'assurance sociale. Je me suis rendu à un bureau local de DRHC. J'ai tenté d'expliquer au personnel que je croyais devoir remplir un formulaire pour récupérer mon NAS. On m'a envoyé chez une autre personne qui m'a ensuite envoyé chez une autre personne et j'ai essentiellement dû faire tout le tour du bureau. En définitive, on m'a dit: «Savez-vous quoi monsieur Malkowski? Il faudra faire venir un interprète; donc il faudra compter deux mois». J'ai répondu: «Tout ce que je veux, c'est un formulaire. Je veux tout simplement remplir un formulaire pour obtenir mon numéro d'assurance sociale».

    Deuxièmement, j'ai dit: «Écoutez, serait-il possible que j'utilise un ATS?». On m'a indiqué où l'appareil se trouvait. On m'a fait porter le téléscripteur sur une table, mais il n'y avait pas d'adaptateur-secteur. Je ne pouvais pas l'utiliser. Il était impossible de le brancher, donc il était inutile. Il était évident que les employés ne savaient pas comment fonctionne un ATS. Imaginez-vous un instant ce que c'est qu'être un citoyen comme moi qui doit dépenser temps et argent pour se rendre à un bureau sans y recevoir les services demandés.

    Mais ce n'est que moi. Qu'en est-il des consommateurs sourds qui n'ont pas d'emploi? Imaginez-vous la course à obstacles qu'ils doivent franchir tous les jours? C'est de cela dont je parle.

    C'est de cela dont je parle lorsque je vous parle de normes d'accessibilité minimale. Cela peut prendre la forme d'un numéro sans frais, de vidéoconférence, d'accès à Internet, du recours à un organisme d'aide aux personnes handicapées qui puisse les aider à surmonter les obstacles d'accessibilité de base...

    DRHC a souvent recours à la sous-traitance et lorsque c'est le cas, la situation est souvent bien pire. Ces sous-traitants ne sont régis par aucune norme.

  +-(1215)  

+-

    M. Alan Tonks: J'ai quelques autres questions à poser, mais j'attendrai le second tour de table.

+-

    La présidente: Je ne crois pas que nous ayons un deuxième tour. Il ne nous reste plus que 15 minutes et trois personnes n'ont pas encore pris la parole. Il faudra peut-être qu'on s'arrête à un tour.

    M. Alan Tonks: Très bien. Merci.

    La présidente: Je vais donc encourager les trois personnes qui n'ont pas encore posé leurs questions à m'aider à respecter notre échéance.

    J'ai d'abord M. Malhi, suivi de Mme Folco et de Mme Bennett.

    Monsieur Malhi.

+-

    M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Ma question s'adresse à tous les groupes. Chaque semaine, ou presque, des personnes handicapées viennent me voir à mon bureau de circonscription et un grand nombre d'entre elles se plaignent de la difficulté qu'elles ont à être admissibles à l'assurance-emploi ou à un programme financé par DRHC. Quelle est votre expérience personnelle à ce titre?

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy: Je voudrais parler d'un programme qui était en place pour aider les personnes handicapées à se trouver un emploi. Ce programme relevait de DRHC et bien qu'il n'existe plus, son concept s'applique à toute situation qui met en cause des personnes handicapées.

    Un comptable a souffert d'une dépression et il n'a pu continuer d'assumer ses fonctions. Grâce à ce programme de DRHC, on lui a trouvé un poste de commis aux écritures pour qu'il puisse continuer à travailler. Il a pu mettre à profit toutes ses compétences de comptable sans avoir à composer avec la pression et les responsabilités de son ancien poste.

    Ce sont des programmes de ce genre qui aident les personnes handicapées à réintégrer le marché du travail, mais malheureusement ils disparaissent.

[Français]

+-

    Mme Chloé Serradori: Je tiens à m'excuser, mais je n'ai pas tout à fait compris la question. Vous demandez s'il existe des programmes qui faciliteraient l'employabilité des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Actuellement, il y a un programme qui s'appelle le Fonds d'intégration, ou Opportunities Fund en anglais, qui permet justement aux personnes ayant parfois des limitations fonctionnelles sérieuses et qui sont très loin du marché du travail d'intégrer le marché du travail.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    M. Gurbax Malhi: De plus, lorsque des personnes handicapées comparaissent devant nous, elles parlent souvent des changements de définition du terme handicapé selon les différentes catégories. Avez-vous des suggestions à faire à ce sujet?

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy: Un des problèmes inhérents à l'identification des déficiences--nous en avons tous parlé dans nos remarques liminaires--c'est que les formulaires employés par le gouvernement pour identifier les personnes handicapées comportent des catégories qui limitent franchement votre capacité de traiter précisément de votre déficience. Dans le cas des déficiences psychiques, il faut cocher la case «autre», puis remplir la section «veuillez préciser». Si je souffrais de troubles psychiques et je ne voulais pas que les gens le sachent, je ne le préciserais pas sur le formulaire. De plus, le formulaire ne comporte aucune directive précise ce qu'il est permis d'écrire ou pas dans cette catégorie.

    Lors d'un entretien avec le Conseil du Trésor, on nous a assurés qu'il n'était pas nécessaire de préciser, mais le formulaire ne le mentionne pas. Il y a déjà un problème de définition dans la formulation de la question.

    On nous a demandé de faire des recommandations. J'en ai une très pragmatique à vous proposer. Je voudrais bien que l'on révise les lignes directrices sur la façon de remplir ces formulaires parce qu'elles sont elles-mêmes problématiques.

    Les principes directeurs de la création d'un milieu de travail accueillant sont eux-mêmes excessivement condescendants. À leur lecture, j'avais l'impression qu'il s'agissait de directives destinées à un attardé plutôt qu'à une personne d'intelligence moyenne--et je suis une intervenante de l'industrie qui est repartie avec cette impression. Comment les gens qui ne connaissent pas le problème voient-ils ces directives? Si on les suit au pied de la lettre, elles créeront encore davantage de stigmatisation et d'attitudes indésirables.

+-

    Mme Wendy Steinberg: À notre avis, il est plus important d'identifier les limitations fonctionnelles de la déficience vis-à-vis de votre capacité de faire le travail que de décrire en détail la déficience. Pour nous, c'est secondaire. L'essentiel, c'est de se concentrer sur les désavantages vécus par la personne handicapée au travail et la façon de les corriger plutôt que sur un diagnostic précis et une évaluation.

+-

    La présidente: Ah pardon, je n'avais pas vu que vous leviez la main.

    Monsieur Garry Malkowski.

+-

    M. Garry Malkowski (Interprétation): Je veux répondre à votre première question. Je crois que nous devons parler des aspects positifs et négatifs de DRHC.

    DRHC a financé le projet de stratégies d'aide à l'emploi dont la Société canadienne de l'ouïe s'est servie pour financer la mise sur pied dans ses bureaux de services d'aide à la rédaction de CV, de recherche d'emploi, des ateliers, etc. Le problème, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds pour couvrir tous les frais liés aux aménagements, à l'accessibilté et aux programmes de formation. En fait, c'est sans doute l'obstacle le plus important.

    J'encouragerais DRHC à mettre au point une stratégie pour engager des gens plus compétents. Je crois que la ministre de DRHC, avec ses homologues provinciaux, devrait convoquer un sommet pour revoir toute la question de l'accès à l'emploi. L'obstacle est énorme pour les employeurs lorsqu'il est question d'engager des personnes handicapées ou sourdes si l'on doit tenir compte des aménagements et de l'employabilité.

  +-(1225)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Folco.

[Français]

+-

    Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Le premier élément est que je suis très contente de voir à quel point la communauté des personnes handicapées est bien organisée. Les communautés que vous représentez ici, autour de cette table, sont, il me semble, extrêmement bien servies par vous, même si, évidemment, il y a des différences d'opinion parmi vous, ce qui est tout à fait normal.

    Deuxièmement, tout à l'heure, ma collègue avait posé une question par rapport à la sensibilisation en milieu de travail. Ça me semble être un élément important, mais je voudrais aller de l'autre côté de la médaille, à la définition de la déficience.

    Croyez-vous que cette définition répond de façon satisfaisante aux besoins de vos membres ou de la clientèle que vous desservez? Je suppose que la réponse va être non, en partie. Sinon, quels éléments voudriez-vous voir ajouter à la définition, par rapport à la loi?

    La question est posée aux personnes qui souhaitent y répondre.

+-

    Mme Chloé Serradori: Nous trouvions que la définition n'était pas si mal, dans la mesure où elle ne reflète pas le stéréotype médical. Par contre, on pourrait améliorer la situation en utilisant la définition de la Classification internationale des handicaps: déficiences, incapacités et désavantages. Tout à l'heure, on parlait de limitations fonctionnelles. Cela ne vient pas du tout de moi ni du Québec. C'est une classification qui explique ce que sont la déficience et le handicap. En fait, le handicap est le résultat des obstacles qui sont donnés à la personne. Finalement, ça veut dire que si notre monde avait tous les accommodements nécessaires, il n'y aurait plus de handicaps. Les personnes resteraient avec leurs limitations ou leur déficience, mais il n'y aurait plus de handicaps. Donc, d'une part, il serait intéressant qu'on utilise aussi cette définition parce qu'elle donne des éléments et des critères pour toutes les sortes de limitations fonctionnelles.

    Également, il y a eu beaucoup d'arrêts de la Cour suprême. On disait tout à l'heure que ce serait important de tenir compte de Eldridge et de Mercier/Troilo, et de tout le côté positif que ces définitions ont amené.

[Traduction]

+-

    La présidente: Gary Malkowski.

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Avant que je ne réponde, peut-être pourriez-vous m'aider à comprendre le but de votre question, madame.

    Croyez-vous qu'il faille vraiment trouver une définition qui limite le nombre de personnes handicapées, ou qui élargisse la catégorie, ou qui établisse peut-être une distinction entre les personnes lourdement handicapées ou légèrement handicapées? Cherchez-vous une définition qui soit beaucoup plus englobante et qui soit équivalente pour toutes les personnes handicapées? Avant de répondre, j'aimerais que vous précisiez votre pensée.

+-

    La présidente: Pouvez-vous aussi adresser vos questions à la présidence?

[Français]

+-

    Mme Raymonde Folco: Est-ce que vous me permettez de continuer, madame la présidente?

  +-(1230)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Oui.

[Français]

+-

    Mme Raymonde Folco: Je vous pose la question parce que vous travaillez dans ce domaine. C'est vous qui devez me dire si la définition est trop restrictive ou si elle ne l'est pas assez. Moi, je viens de l'extérieur. Je vois les problèmes que vivent les personnes que vous desservez en voulant les aider par rapport à la loi, mais je n'ai pas de préacquis quant à la définition elle-même. C'est pourquoi je vous pose la question.

[Traduction]

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Je crois que la définition de personne handicapée devrait éviter de préciser qui a besoin d'aménagements. À titre d'exemple, une personne sourde peut avoir recours à un interprète gestuel, au sous-titrage en temps réel, ou à un téléscripteur. Ce sont quelques-uns des aménagements requis. Un sourd post-linguiste, une personne ayant perdu la majorité de ses capacités auditives après l'apprentissage du langage, pourrait avoir besoin d'un sous-titreur en temps réel, d'un haut-parleur ou d'un téléphone amplifié. Une personne malentendante pourrait avoir besoin d'un récepteur à modulation de fréquence pour participer à une réunion. Chacun a des besoins différents. S'il fallait définir la déficience selon l'aménagement requis, on limiterait le nombre de personnes comprises dans ce groupe et, en conséquence, les fonds accordés à cet aménagement seraient diminués aussi.

    Plutôt que de définir les gens, il faudrait se pencher sur le système lui-même. Comment le système fonctionne-t-il et comment procède-t-il à l'intégration de tous, en encourageant la participation de tout le monde, mais en particulier des personnes handicapées? Nous préférons nous concentrer sur les aménagements généraux et sur les deniers publics utilisés judicieusement plutôt que sur la définition.

[Français]

+-

    La présidente: Madame Girard.

+-

    Mme Myriam Girard: Je voudrais dire un mot en terminant. Je veux appuyer les propos de Mme Serradori. Puisqu'on veut faire une révision de la loi, ce serait une bonne idée de la mettre à jour en ce qui concerne la définition internationale, qui est également dans le schéma de la jurisprudence récente de la Cour suprême. Tout le monde va dans le même sens, je crois.

[Traduction]

+-

    La présidente: Notre réunion tire à sa fin, mais je veux permettre à Mme Bennett de poser quelques questions. Son sous-comité a travaillé très fort sur cette question et ce serait injuste de lui refuser cette dernière occasion.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je voudrais tout simplement enchaîner avec la question de Mme Folco sur les leçons que nous devons tirer de Eldridge; ce qu'il faut retenir des besoins en aménagement; ce qu'il faut retenir d'un système qui repose sur les plaintes; et comment nous pouvons amorcer des changements systémiques.

    Comment envisageons-nous une loi sur l'équité en matière d'emploi, une loi sur les Canadiens handicapés ou une commission des droits de la personne qui serait autorisée à faire des vérifications pour déterminer qui ne se conforme pas aux exigences d'aménagement et au respect des différences?

    Pour commencer avec M. Malkowski, je voudrais savoir comment il perçoit nos progrès dans le dossier Eldridge. Pouvons-nous tirer des leçons des difficultés impressionnantes, ou ce qui semblait être des difficultés, à mettre en oeuvre les éléments contenus dans cet important arrêté de la Cour suprême? Comment a-t-il changé la vie des Canadiens, ou l'a-t-il fait?

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Lorsque la Cour suprême du Canada a rendu son arrêt dans l'affaire Eldridge en 1997, DRHC ne semblait pas brûler d'impatience d'y donner suite. Le ministère a attendu d'autres précédents juridiques avant d'agir. C'est curieux. Je trouve étonnant qu'ils aient attendu alors qu'ils avaient déjà un précédent établi par la Cour suprême.

    Je pense que la solution à beaucoup de ces problèmes pourrait être que le Conseil du Trésor établisse des politiques relatives à l'aménagement qui prévoient globalement ce que le gouvernement doit faire pour respecter les paramètres de l'arrêt Eldridge.

    Actuellement, les personnes handicapées doivent payer leurs propres avocats, leurs propres aménagements si elles veulent faire une contestation judiciaire alors que l'État puise dans les poches du contribuable pour payer ses avocats. L'État et l'administration devraient prendre l'initiative. Nous encourageons tous les ministères fédéraux à prendre les devants.

    La Commission canadienne des droits de la personne, par exemple, semble avoir établi des lignes directrices pratiques pour les employeurs. À première vue, le document a l'air excellent, mais il n'a aucune force. Le gouvernement fédéral a beaucoup d'argent pour ses relations publiques et il s'en sert constamment pour dire aux gouvernements provinciaux qu'ils font trop peu.

    Nous ne voulons pas être aux côtés du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux quand ils se disputent sur ces questions. Nous voulons que le gouvernement fédéral prenne l'initiative. Que les autres lui emboîtent le pas. En ce qui concerne le programme d'infrastructure annoncé par le gouvernement fédéral, c'est un bon exemple de gouvernements qui collaborent ensemble. On peut améliorer la situation si les pouvoirs publics travaillent ensemble.

  +-(1235)  

+-

    Mme Elisabeth Ostiguy: J'aimerais dire une dernière chose au comité. Nous nous définissons en définitions et en mesures, combien nous avons, quel pourcentage de plus et quel pourcentage de moins. C'est une façon facile de savoir si nous faisons du bon travail pour rendre la société plus équitable.

    J'aimerais vous laisser cette pensée. Il faut penser hors cadre. Il faut commencer à nous engager vers une situation où nous n'avons pas à combattre la double imposition, la définition des déficiences et des limitations. Nous pourrions créer un environnement où tous les Canadiens auraient la même chance de contribuer à la société.

    Je vous lance le défi de penser hors cadre. Cessons de penser uniquement en définitions, en chiffres et en limitations.

    La présidente: Monsieur Malkowski, il nous reste à peine quelques secondes.

+-

    M. Garry Malkowski (interprétation): Je voudrais demander à Carolyn, par l'intermédiaire de la présidente, de s'engager à demander en Chambre à la ministre de DRHC et au ministre des Finances d'éliminer en premier lieu la double imposition. La question peut-elle être posée? Est-il aussi possible de déposer une loi forte et efficace pour les Canadiens handicapés? Si vous le faites, cela va créer une loi sur l'équité en matière d'emploi très forte.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Nous avons déjà eu cette conversation. Je pense que je vais employer les stratégies qui me conviennent. Poser des questions en Chambre, c'est parfois très bien pour certaines personnes. Je pense que le travail que le comité... C'est excellent pour l'opposition. Nous avons travaillé de manière tout à fait non partisane au comité des personnes handicapées et nous espérons continuer à le faire.

    Le comité est divisé sur une question d'une loi pour les Canadiens handicapés, comme vous le savez, Gary. Nous avons essayé, au comité, de déterminer quel est le meilleur cadre de responsabilisation pour s'assurer que nous allons de l'avant. Nous allons continuer à le faire, dès que nous aurons terminé l'étude sur les prestations d'invalidité du RPC. Nous avons beaucoup de pain sur la planche, mais je promets que lorsque Mme Robillard et les autres ministres vont comparaître devant le comité, nous allons soulever ces questions. Nous continuerons de travailler à ce dossier.

+-

    La présidente: Je voudrais maintenant remercier les quatre groupes qui ont comparu devant nous aujourd'hui. Tous vos témoignages seront soigneusement étudiés et toute l'information que vous nous avez communiquée aujourd'hui sera prise en compte au moment de formuler nos recommandations.

    Je vais lever la séance pendant quatre minutes environ pour permettre au groupe de témoins de quitter la table et au groupe suivant de s'installer.

    Merci.

  +-(1240)  


  +-(1246)  

+-

    La présidente: La séance reprend.

    Nous avons devant nous cinq associations qui feront des exposés. Chaque représentant nous présentera les membres de son groupe. Nous allons commencer par l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Nous entendrons ensuite l'Association canadienne des paraplégiques, le Conseil des Canadiens avec déficiences, le National Institute of Disability Management and Research ainsi que la Neil Squire Foundation. Nous commencerons par l'Association canadienne pour l'intégration communautaire.

    Monsieur Bach, peut-être pourriez-vous commencer par nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

+-

    M. Michael Bach (vice-président, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci.

    Je m'appelle Michael Bach et je suis vice-président exécutif de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Notre délégation est composée de trois personnes. Permettez-moi de présenter Parteepan Rasaratnam et Jean-Claude Jalbert qui feront chacun une courte déclaration. Je terminerai moi-même par une courte déclaration.

    Nous allons commencer par Jean-Claude.

+-

    M. Jean-Claude Jalbert (membre du conseil, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Je vais faire ma déclaration en français parce que c'est plus facile pour moi.

[Français]

+-

     L'emploi, c'est bien beau, mais il y a là des choses qui ce ne sont pas pour tout le monde. Ceux qui ont un handicap physique mais une bonne habileté n'ont pas de problèmes, mais ceux qui ont des problèmes et qui ont moins d'habileté ont plus de difficultés. C'est plus difficile pour les autres.

    Ceux qui ont été étiquetés comme ayant un handicap intellectuel ont beaucoup de difficultés à obtenir un emploi parce que les employés ont peur d'eux. Il faudrait que le gouvernement fasse quelque chose en matière de planification pour que les employés comprennent. Une personne ayant un handicap intellectuel mettra plus de temps à apprendre, oui, mais après qu'elle aura appris, soyez sûrs qu'elle n'oubliera pas. Et il est certain que cette personne, après deux ans, cinq ans, six ans n'ira pas travailler ailleurs, car elle sait qu'il n'y a pas de travail pour elle ailleurs. Donc, elle restera à la même place. L'employé fera beaucoup plus de progrès et sera toujours à la même place.

    Il faudrait plus d'argent pour que les employés puissent faire de la planification et comprendre ce que sont les personnes avec un handicap intellectuel, car elles ont des droits comme tout le monde et elles ont le droit de travailler comme tout le monde.

    Je trouve que les personnes avec un handicap physique, c'est bien beau, mais je trouve que ceux qui sont limités ont beaucoup de difficultés. Il faudrait que ça change un peu.

[Traduction]

+-

    M. Parteepan Rasaratnam (défenseur des droits, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Bonjour. Je m'appelle Parteepan Rasaratnam. Je veux vraiment un emploi. Je veux vraiment avoir une chance. Entraidons-nous. S'il vous plaît, donnez une chance à ceux qui ont une déficience. Ça ne fait rien si les gens ont une déficience, ils peuvent quand même travailler et être utiles. On peut tous travailler ensemble. S'il vous plaît, donnez-moi la possibilité de travailler et d'être un bon Canadien. Je vais peut-être vous apprendre quelque chose. J'ai besoin qu'on m'accepte et qu'on m'estime pour qui je suis. Je n'ai pas besoin de changer qui je suis, mais vous avez besoin de changer la façon dont vous traitez les personnes handicapées.

+-

    M. Michael Bach: Merci, Jean-Claude et Parteepan.

    Une de nos missions à l'ACIC est de découvrir pourquoi Jean-Claude et Parteepan n'ont pas d'emploi aujourd'hui, malgré leurs compétences, leur motivation et leur intérêt.

    Pendant les quelques minutes que je vais consacrer à mon exposé, je voudrais vous faire part des conclusions de notre analyse.

    Ces conclusions sont claires. La participation des personnes handicapées est largement inférieure à leur disponibilité sur le marché du travail. Leur participation a même régressé et dans la plupart des cas le lieu de travail n'a pas évolué. Une chose est sûre: la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'a pas été à la hauteur.

    Avant d'aller plus loin, j'aimerais parler des chiffres. Beaucoup d'entre eux désignent les personnes handicapées en général. Dans le cas de celles qui souffrent d'une déficience intellectuelle, l'exclusion saute aux yeux. En effet, moins de 40 p. 100 occupent un emploi rémunéré, 40 p. 100 des adultes en âge de travailler n'ont jamais occupé d'emploi, 40 p. 100 se situent sous le seuil de la pauvreté et 70 p. 100 ont besoin d'aide dans leurs activités quotidiennes. La réalité c'est qu'à peine 35 p. 100 ont effectivement besoin d'adaptation au travail. D'autres facteurs jouent également.

  +-(1250)  

+-

     La loi se concentre exclusivement sur les employeurs en milieu de travail. Or, ils ne sont pas en eux-mêmes la source de l'exclusion de la population active.

    La loi ne reconnaît pas les besoins en matière de soutien ni les rapports avec les personnes handicapées ou n'en tient tout simplement pas compte. Le seul paramètre concernant les besoins en matière d'aménagements est le préjudice injustifié.

    Les orgnisations bénévoles qui viennent en aide aux personnes handicapées ne sont pas considérées comme des partenaires. Il n'existe pas de partenariat effectif avec les employeurs, les syndicats, le gouvernement ou les organisations bénévoles aidant les personnes handicapées pour appliquer une stratégie d'inclusion au marché du travail au Canada. En fait, il nous manque deux éléments de la stratégie quand on examine la loi isolément: soit une stratégie du marché du travail qui repose sur l'équité ainsi qu'une stratégie pancanadienne de soutien aux personnes handicapées. Sans ces éléments en place, la loi ne pourra atteindre son objectif.

    Si vous le permettez, j'aimerais consacrer quelques instants à chacun de ces six facteurs. Je pense que nous devons reconnaître que les milieux de travail exclusifs sont le symptôme d'un problème, qui dénote une culture d'exclusion, un manque de soutien, une absence de responsabilité partagée en matière d'aménagements, et l'absence de partenariat viable concernant le marché du travail. Nous avons pris un problème structurel, l'égalité sur le marché du travail, et en avons fait le problème exclusif de l'employeur. Mon intention n'est pas de disculper les employeurs. Ils ont leurs responsabilités dans ce problème. Mais ils ne sont pas les seuls. Par conséquent, une stratégie d'équité en matière d'emploi qui ne se rattacherait pas à une stratégie coordonnée tenant compte de l'ensemble des besoins en matière de soutien et rejoignant d'autres partenaires est vouée à l'échec.

    Nous aimerions vraiment bien comprendre les besoins en soutien des adultes en âge de travailler qui ont une déficience. Sur 2,3 millions d'adultes en âge de travailler, 72 p. 100 ont besoin de mesures de soutien et au-delà de 50 p. 100 ont besoin de plus que ce qu'on leur procure maintenant. Un bon nombre des besoins en soutien des personnes handicapées dépassent les capacités des employeurs, notamment en matière de transport, de soutien moral et d'accès à l'éducation et à la formation avant emploi. Nous avons des données qui le montrent. Ce sont ces facteurs qui excluent les gens du marché du travail. En outre, la majorité doivent obtenir un soutien personnel surtout ou exclusivement des membres de leur famille--conjoint, parents, frères et soeurs--ce qui souvent compromet la situation de travail de ces personnes, comme la recherche le montre clairement.

    Pour ce qui est des aménagements, nous devrions élaborer des politiques plus explicites de l'employeur, mais nous ne serons pas en mesure d'intégrer ces personnes dans les lieux de travail si nous n'avons pas une approche de responsabilité partagée pour répondre aux besoins en soutien. Sinon, la défense du préjudice injustifié est constamment invoquée. En outre, l'adaptation raisonnable ne peut pas être la seule approche concernant la restructuration des lieux de travail pour favoriser l'inclusion. C'est miser sur une approche individualiste de ce qui constitue en réalité un problème structurel.

    Les organisations d'aide aux personnes handicapées ne sont pas reconnues pour les connaissances, le soutien, les liens et le savoir-faire qu'elles peuvent offrir pour que les choses fonctionnent. Il faut assurer des liens entre la communauté de la personne, les responsables de l'éducation et de la formation, le marché du travail et le lieu de travail, et les organisations bénévoles de soutien aux personnes handicapées peuvent assurer ces liens. Elles jouent un rôle en définissant des objectifs individuels et des besoins en matière de soutien; elles favorisent l'accès aux ressources de soutien et du marché du travail; elles assurent un soutien et une motivation, elles contribuent à la rééducation et à la sensibilisation des employeurs, elles s'occupent de la formation sur le tas et des adaptations; elles facilitent les relations entre les travailleurs; et elles aident les employeurs en rapprochant l'offre et la demande sur le marché du travail.

    Je vous raconterai que quand je travaillais pour l'Institut Roeher, nous avons travaillé pour l'Association des banquiers canadiens, et nous avons interrogé les responsables d'organisations bénévoles venant en aide aux personnes handicapées. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que les banques et d'autres grandes sociétés se tournent vers des centres d'appel pour répondre à leurs demandes. Vers qui se tournent les chasseurs de tête généreusement payés? Il s'adressent aux organisations d'aide aux personnes handicapées parce qu'ils savent qu'ils auront ainsi accès aux travailleurs ayant une déficience. Les organisations pour personnes handicapées établissent des liens. Elles ne se font pas payer pour cela. En fait, on s'attend à ce qu'elles travaillent gratuitement.

    Actuellement, on se concentre sur les employeurs. Le gouvernement joue un rôle de soutien et de financement, mais surtout dans la fonction publique, ce qui explique pourquoi on s'en tire mieux dans la fonction publique que dans le secteur privé qui est assujetti à la réglementation fédérale. Le Conseil du Trésor a des directives. La fonction publique a des ressources pour permettre l'accès aux travailleurs qui ont une déficience, et nous en constatons les avantages. La différence est visible si l'on compare les deux secteurs.

    Dans la loi, les syndicats sont considérés de manière à maintenir le statu quo, et ne sont pas reconnus comme des chefs de file potentiels. De plus, comme je vous l'ai dit, pour ce qui est des stratégies du marché du travail fondées sur l'équité et des stratégies de soutien aux personnes handicapées, nous n'avons pas de stratégie de marché du travail qui lie l'équité en matière d'emploi à une stratégie active du marché du travail, et il n'existe pas de stratégie pancanadienne fédérale, provinciale et territoriale pour soutenir les personnes handicapées, bien qu'on ait déployé différents efforts pour y arriver au cours des trois dernières années.

    En somme, il nous faut une stratégie en matière d'emploi qui reconnaisse ces six facteurs clés.

  +-(1255)  

    Nous avons trois recommandations bien simples. Le gouvernement fédéral pourrait faire oeuvre de pionnier en ce qui a trait au secteur relevant de sa compétence. Il pourrait prendre les devants avec le marché du travail pour créer et appliquer une stratégie d'équité en matière d'emploi qui soit proactive, un partenarait ralliant les programmes d'équité en matière d'emploi. Il pourrait investir des ressources pour le développement des milieux de travail, comme dans la fonction publique, et il pourrait financer des organisations bénévoles d'aide aux personnes handicapées pour qu'elles jouent un rôle de liaison. La stratégie du marché du travail est de compétence partagée entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, mais le marché du travail est réglementé par le fédéral et celui-ci peut faire preuve de leadership et proposer certains modèles.

    Deuxièmement, je le répète, il nous faut une approche du marché du travail qui soit coordonnée et où l'on conçoive l'équité en matière d'emploi comme un tout et qui ne compte pas sur cet élément pour réaliser un objectif inatteignable.

    Troisièmement, nous devons mettre de l'avant une stratégie fédérale, provinciale et territoriale de soutien aux personnes handicapées, comme on l'a déjà suggéré au comité dans le document intitulé Striking a New Balance.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci.

    Nous allons maintenant entendre le représentant du Conseil des Canadiens avec déficiences, Laurie Beachell.

+-

    M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci.

    Je souscris entièrement aux propositions et aux observations de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Voilà 14 ans qu'existe une loi sur l'équité en matière d'emploi. Les taux de participation des personnes handicapées n'ont pas vraiment augmenté, et même en fait nous constatons vraiment un recul. Il y a plus de personnes qui perdent leur emploi qu'il y en a qui en trouvent un.

    Franchement, nous estimons que la loi était déficiente quand elle a été mise en place, et les choses ne se sont pas vraiment améliorées. Dans le titre de notre exposé nous disons que les programmes d'équité en matière d'emploi ont laissé tomber les personnes handicapées au Canada, et c'est très clair d'après tous les éléments qui vous sont présentés dans le rapport annuel de la commission et ailleurs aussi.

    J'ai constaté ce matin que les membres du comité semblaient interloqués et se demandaient pourquoi notre communauté ne s'intéressait pas précisément à la loi. C'est parce qu'elle ne fonctionne pas et parce que, en toute franchise, nous ne pensons pas qu'elle pourra fonctionner sans une stratégie élargie, une stratégie, comme le mentionnait Michael, qui tient compte de la participation sur le marché du travail.

    Nous avons pris note d'un engagement donné dans le Discours du Trône à l'égard d'une stratégie du marché du travail élaborée à l'intention des personnes handicapées. Jusqu'à maintenant, nous n'avons vu aucun résultat.

    Les pourparlers entre le fédéral et les provinces ont porté essentiellement sur le recours à des mesures fiscales pour l'indemnisation des coûts liés à une déficience, et d'autres mesures du genre. Je vous dirai que l'abandon par le gouvernement fédéral du secteur de la formation sur le marché du travail et la cession de la responsabilité de la formation dans ce domaine aux provinces a effectivement exclu les personnes handicapées de toute formation professionnelle, parce que l'admissibilité au financement dépend de l'admissibilité à l'assurance-emploi. Si vous n'avez pas participé au marché du travail, si vous n'avez pas eu d'emploi, vous n'êtes pas admissible à la formation, parce que selon le mécanisme de reddition de comptes de ces ententes relatives au marché du travail, il est tenu compte du nombre de personnes auxquelles les gouvernements des provinces permettent de passer de l'assurance-emploi au marché du travail.

    Vraiment, non seulement la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'a pas été efficace pour notre communauté, mais le fait que le gouvernement fédéral ait cédé aux provinces sa responsabilté en matière d'ententes sur le développement du marché du travail, sans la moindre garantie que les besoins de ceux qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi seront aussi pris en compte, équivaut à un abandon de tout le secteur. Nous prévoyons que cela donnera lieu à tout un ensemble disparate de programmes provinciaux où l'équité ne sera pas assurée à l'échelle du pays.

    Pour les gens, cela signifie que l'on doit maintenant tâcher de voir où on pourrait obtenir les meilleures mesures de soutien à l'emploi, dans quelle province il vaudrait mieux vivre, où l'on pourra obtenir les meilleures mesures de soutien du revenu, où l'on pourra obtenir les meilleures mesures de soutien aux personnes handicapées. Cela revient presque à évaluer dans quelle province il vaut mieux s'établir pour qu'on réponde à vos besoins.

    Si vous misez sur un revenu, vous pourrez peut-être choisir l'Alberta. Si vous voulez des mesures de soutien à l'extérieur des grands centres urbains, vous voudrez probablement vivre au Québec. Si vous voulez des mesures comme l'aide à domicile, vous voudrez sans doute plutôt vivre au Manitoba. Mais le rôle du gouvernement fédéral dans tout cela est maintenant extrêmement réduit.

    Ce qui nous intéresse, ce sont les mesures que peut prendre le gouvernement fédéral pour remédier à la situation. Dans les 20 dernières années, c'est le rôle de pionnier du gouvernement fédéral qui a fait avancer la cause des personnes handicapées. Le fédéral ne joue plus ce rôle, et s'il ne réaffirme pas sa responsabilité et les mesures de reddition de comptes, nous ne croyons pas que ces réels progrès soient possibles.

    Cela dit, que peut-on faire à court terme? Vraiment, si l'on veut que l'équité en matière d'emploi donne des résultats, nous devons trouver un moyen de la rendre réalisable. Il faut trouver aux plus hauts échelons des employeurs qui y croient, des dirigeants qui rendent compte dans le cadre de leur examen du rendement du respect de certaines normes d'équité en emploi.

    L'autre point qu'a mentionné l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, c'est le lien qui existe entre les programmes d'emploi, les mesures de soutien aux personnes handicapées et les programmes de soutien du revenu. Il existe maintenant des programmes de soutien du revenu où des particuliers doivent se déclarer inaptes à l'emploi pour obtenir de l'aide, même s'ils pourraient travailler à temps partiel.

·  +-(1300)  

    Nos programmes de soutien du revenu entraînent toute une gamme d'effets dissuasifs. Il y a en fait une érosion de ces programmes à l'échelle du pays pour des choses aussi élémentaires que le transport, le maintien à domicile, le remboursement des médicaments, etc.

    Cette loi a été conçue au milieu des années 80 et le marché du travail a changé énormément depuis. Le marché du travail offre maintenant de l'emploi à contrat d'une courte durée sans avantages sociaux. Pour les personnes avec déficiences, pour qui les avantages sociaux sont essentiels, le risque que comporte le passage du soutien du revenu à l'emploi est substantiel s'il s'agit d'un emploi qui ne comporte pas d'avantages sociaux.

    Je pense qu'il y a toute une gamme d'enjeux ici. La Loi sur l'équité en matière d'emploi essaie de tenir compte des déficiences d'une certaine façon, mais à la vérité elle se révèle être un échec flagrant quand il s'agit des besoins de notre communauté.

    Je ne sais pas si le comité s'est penché particulièrement sur les personnes avec déficiences au sein de la communauté autochtone. Je ne prétends pas les représenter mais il y en a. Le taux de déficiences chez les Autochtones canadiens est effarant. Le groupe qui vient au deuxième rang dans tous les rapports quand il s'agit de déterminer qui n'a pas profité de l'équité en matière d'emploi est celui des Autochtones au Canada.

    De toute évidente, il faut des mesures spéciales, il faut des logements, il faut des initiatives gouvernementales pour tenir compte des coûts supplémentaires que représente une déficience.

    Nous avons été navrés de constater que nombre de programmes, notamment le programme des mesures positives d'équité en emploi du le Conseil du Trésor, le Service d'information sur les aménagements, etc., sont tous sur le point d'être abandonnés. Le contrôle de ces programmes au sein d'organismes centraux n'est peut-être pas l'idéal. Nous n'avons pas pu constater que le Conseil du Trésor ou la Commission de la Fonction publique avaient prévu une transition afin de céder ces programmes à d'autres ministères. C'est notre principale préoccupation.

    Si un programme ne donne pas de bons résultats quand il relève d'un organisme central, comment allons-nous veiller à ce que les ministères responsables aient dans leur budget l'argent nécessaire pour couvrir les coûts liés à l'embauche, au recrutement, à la conservation du personnel, etc.?

    Je vais m'en tenir à cela. En fin de compte, à moins d'avoir une stratégie plus générale visant à soulager le chômage massif que subissent les personnes handicapées, nous n'aboutirons à rien. Il est fort probable que nous reviendrons devant vous, comme cela fut le cas à de nombreuses reprises depuis 1988, pour répéter les mêmes choses.

    Merci.

·  +-(1305)  

+-

    La présidente: Merci.

    Nous passons maintenant au National Institute of Disability Management and Research, et M. Payne a la parole.

+-

    M. Brian Payne (coprésident fondateur, National Institute of Disability Management and Research; président national, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci, madame la présidente.

    Je m'appelle Brian Payne. Je suis le coprésident fondateur du National Institute of Disability Management and Research, et le président national du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

    Viateur Camire, qui est vice-président aux ressources humaines chez Abitibi-Consolidated Inc. m'accompagne et il est également membre de notre conseil d'administration à l'institut.

    Je vais faire une partie de l'exposé et M. Camire ajoutera quelque chose. J'espère que nous nous en tiendrons au temps imparti.

    Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de présenter notre opinion sur certaines questions qui touchent de près les Canadiens. Assurément, la question des personnes handicapées dans les lieux de travail au Canada et les résultats de notre initiative à l'Institut offrent un intérêt particulier et des débouchés pour les personnes handicapées en général. Nous en reparlerons.

    L'institut est le résultat d'une initiative conjointe de la part de syndicats et d'employeurs et d'un partenariat avec des groupes aux intérêts diversifiés. Il existe depuis le début des années 90. L'institut s'est donné pour mandat la réintégration des travailleurs handicapés dans le lieu de travail et l'élaboration de méthodes à l'avant-garde destinées à réduire les coûts socio-économiques liés à la déficience pour les travailleurs, les employeurs et la société.

    Notre mission et nos activités sont axées sur trois principes fondamentaux et sur les résultats escomptés: une collaboration entre employeurs et travailleurs sur différents aspects du travail; une contribution à la réduction des coûts liés à la déficience pour les employeurs et la société tout en maintenant l'employabilité des travailleurs; et la sensibilisation du public aux difficultés auxquelles les personnes handicapées doivent faire face dans le marché du travail pour que l'accent passe de l'incapacité à la capacité.

    Nous reconnaissons les défis énormes que doivent relever les personnes handicapées qui cherchent à entrer sur le marché du travail, mais nous avons choisi de mettre l'accent sur la réintégration des travailleurs devenus handicapés alors qu'ils occupaient un emploi. Nous en reparlerons davantage et nous expliquerons comment l'initiative profite plus particulièrement aux personnes handicapées qui cherchent du travail.

    Je vais maintenant donner la prole à M. Camire.

[Français]

+-

    M. Viateur Camire (directeur et vice-président, Ressources humaines, Abitibi-Consolidated Inc., National Institute of Disability Management and Research): Bonjour.

    J'ajouterai à ces commentaires en expliquant pourquoi il importe de mettre l'accent sur la réintégration au travail.

    Tout d'abord, je dirai qu'une entreprise comme d'Abitibi-Consolidated Inc. a pour objectif de réduire les coûts liés à l'incapacité due aux accidents de travail ou à d'autres motifs entraînant une incapacité de courte ou de longue durée. Le plan économique est certainement une préoccupation constante pour nos entreprises.

    Comme entreprise, on veut aussi rencontrer nos obligations liées aux droits de la personne et répondre, de façon très importante bien sûr, aux objectifs de nos employés qui veulent demeurer en poste et conserver cette dignité qui découle du fait d'être employé.

    Le rapport contient un certain nombre de statistiques et précise, entre autres, qu'en moyenne 5 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne reçoit des indemnités pour invalidité prolongée. Si on arrive à réduire ce nombre de 20 à 30 p. 100 par nos efforts de réintégration au travail, on réussira à hausser la représentativité des personnes atteintes d'incapacité, parcourant ainsi un chemin extrêmement important.

    Dans notre rapport, on mentionne également quelques faits sur la gestion de l'incapacité, et je veux en soulever quelques-uns.

    Les recherches menées un peu partout dans le monde confirment régulièrement que les organisations qui se sont dotées de programmes consacrés à la gestion de l'incapacité sont beaucoup plus ouvertes et ont généralement un taux beaucoup plus élevé d'embauche de personnes atteintes d'incapacité.

    Dans bon nombre d'organisations, à l'instar des programmes de santé et sécurité, un engagement conjoint pour aider les employés blessés ou atteints d'incapacité constitue souvent un terrain d'entente permettant de concilier les objectifs sociaux et administratifs tant des employeurs que des travailleurs.

    Les statistiques démontrent également que le taux global d'embauchage de personnes atteintes d'incapacité est en diminution. J'ai déjà entendu cela aujourd'hui. Si nos travailleurs perdent leur lien d'emploi avec leur employeur, leurs chances de retrouver un emploi sont de minces à nulles, car, en réalité, on dit qu'après six mois d'absence pour cause d'incapacité, les chances de travailler de nouveau sont de 50 p. 100. Elles baissent à 20 p. 100 après un an et à 10 p. 100 après une période de deux ans.

    Je reviens à l'aspect économique. On mentionne également dans notre rapport qu'en 1997, une somme de 11 milliards de dollars a été versée pour les retenues salariales. Cette somme est partagée à peu près équitablement entre les indemnités en raison des accidents de travail et les invalidités de courte ou de longue durée qui ne sont pas liées aux accidents de travail.

    Avant de passer de nouveau la parole à Brian, je veux également mentionner qu'à titre d'employeur, le vieillissement de notre population me préoccupe. On prévoit manquer de main-d'oeuvre qualifiée. Les employés atteints d'incapacité représentent un pool important de travailleurs qui ont énormément de potentiel et de qualifications. Il ne faut pas en douter.

    Brian va maintenant vous parler de certaines actions concrètes qui ont été initiées par notre institut.

·  +-(1310)  

[Traduction]

+-

    M. Brian Payne: Merci.

    Nous faisons valoir sans ambuïté dans notre mémoire que pour résoudre ce problèeme, il faut un consenus de la part du patronat, des syndicats et des travailleurs blessés pour que l'intérêt des travailleurs ait préséance. Nous avons des chiffres à l'appui et nous citons deux exemples.

    Le premier est celui d'une usine de pâte et papier sur l'île de Vancouver, une assez grosse installation, où en 1996, immédiatement après avoir mis en place une stratégie de gestion de l'incapacité au travail fondée sur un consensus, nous avons permis à 38 personnes de reprendre le travail alors qu'elles avaient été inactives pendant 16 mois. Réfléchissez un instant aux statistiques qu'on vient de donner sur les possibilités de se réintégrer un milieu de travail après une longue absence. Nombre de ces gens avaient été absents du travail pendant très longtemps. La première année, cela a permis à l'employeur d'économiser 1,5 million de dollars. C'est appréciable et ce n'est qu'un exemple. Il y a d'autres exemples que nous citons dans notre mémoire et auxquels je vous demanderais de vous reporter.

    Pour que l'initiative réussisse et pour continuer de faire valoir les intérêts des travailleurs et des employés atteints d'incapacité, notre institut a pris plusieurs initiatives importantes. Il s'est occupé notamment d'activités éducatives, comme la création d'un programme menant à un certificat pour les gestionnaires de l'incapacité, programme qui est offert dans plusieurs universités et collèges bien connus à l'échelle du pays, et que l'on offre maintenant sur Internet. Ce programme vise à donner aux futurs gestionnaires les moyens de gérer une stratégie de l'incapacité du travail fondée sur un consensus afin qu'elle soit couronnée de succès en milieu de travail.

    Nous avons tenu des ateliers, pour les principaux intervenants, les syndicats, les employeurs et le personnel soignant. L'institut a participé à l'élaboration des premières normes professionnelles pour la gestion de l'incapacité, et il a élaboré le premier code de pratiques de gestion de l'incapacité dans le monde. Il a également créé des outils de vérification de gestion pour les milieux de travail canadiens afin que les gestionnaires puissent mesurer le rendement sur le plan social et économique.

    Avant de donner la parole à M. Camire pour terminer, je voudrais ajouter que les travailleurs atteints d'incapacité sont souvent des travailleurs qualifiés, comme il l'a signalé. La perte de leurs compétences est inquiétante en elle-même mais nous nous inquiétons encore plus de la pénurie de travailleurs qualifiés.

    Je m'occupe de ce dossier depuis longtemps, non seulement dans le rôle que je joue à l'institut, mais aussi parce que je suis fermement convaincu que plus nous encouragerons la réintégration des travailleurs ayant une incapacité, plus les milieux de travail seront accueillants pour les autres.

    Monsieur Camire.

[Français]

+-

    M. Viateur Camire: Notre section sur les recommandations indique quatre ou cinq recommandations clés pour aider le milieu de travail à développer et mettre en place une pratique active de la gestion de l'incapacité au travail. J'aimerais, de façon spécifique, vous mentionner les deux premières.

    Le gouvernement fédéral, par l'entremise de Travail Canada, devrait promouvoir et appuyer l'adoption et la mise en oeuvre du Recueil de directives pratiques sur la gestion du handicap sur le lieu de travail de l'Organisation internationale du Travail.

    Il devrait également augmenter les ressources de Travail Canada pour lui permettre de faire des recherches sur la gestion de l'incapacité au travail et d'encourager la collaboration entre les travailleurs et les employeurs dans ce domaine.

    Les autres recommandations qui sont formulées vont également dans le sens de l'augmentation et de l'amélioration de la gestion de l'incapacité au travail.

    Brian et moi voudrions, en guise de clôture, souligner une croyance à laquelle nous adhérons fermement et que certaines recherches appuient. Il s'agit du fait que la gestion efficace du retour au travail de nos employés atteints d'incapacité va certainement offrir, à moyen et long termes, plus de place à toute personne atteinte d'incapacité. Le milieu du travail, croyons-nous, sera mieux adapté et davantage prêt à favoriser en général l'emploi des personnes atteintes d'incapacité.

    Je vous remercie.

·  +-(1315)  

[Traduction]

+-

    La présidente: La représentante de l'Association canadienne des paraplégiques n'est pas encore arrivée. Nous avons téléphoné au bureau de l'Assocation mais en vain. Nous allons poursuivre. Nous demanderons à l'Association de présenter un mémoire écrit.

    Nous accueillons maintenant M. Gary Birch, de la Fondation Neil Squire.

    Gary, la greffière me dit que vous deviez comparaître à 11 heures, mais comme il y avait un grand nombre de témoins prévus à cette heure-là, vous avez accepté de venir à 12 h 30. Je tiens à vous remercier. Cela signifie que avez dû remanier votre emploi du temps personnel et nous vous en sommes reconnaissants.

+-

    M. Gary Birch (directeur exécutif, Fondation Neil Squire): Merci beaucoup de me donner l'occasion de venir témoigner. Je suis impatient de le faire. Il est important pour moi de comparaître devant le comité.

+-

     Je suis directeur exécutif de la Fondation Neil Squire, qui est une société nationale à but non lucratif qui travaille directement avec les personnes handicapées sur le plan de l'éducation, de la technologie et de la promotion de la carrière.

    Je tiens à dire que j'abonde dans le sens de nombre de mes collègues qui ont pris la parole aujourd'hui concernant l'importance de placer notre discussion d'aujourd'hui dans un cadre plus vaste, à savoir le besoin essentiel d'une stratégie d'ensemble du marché du travail qui pourra répondre à toute la gamme des besoins des personnes handicapées, mais je vais m'en tenir aujourd'hui à des remarques sur la loi elle-même.

    Le principal message que je veux vous transmettre aujourd'hui est que pour fonctionner efficacement, la Loi sur l'équité en matière d'emploi doit comprendre des mécanismes intégrés afin qu'employeurs et employés handicapés puissent compter sur des soutiens réels et hautement spécialisés. En effet, selon l'article 2 de la loi, il faut appliquer le principe selon lequel l'équité en matière d'emploi va au-delà du traitement identique de tous, car elle exige des mesures spéciales et des aménagements adaptés aux différences. Je pense qu'il faut investir davantage dans ces mesures spéciales et ces aménagements.

    Donc, on se demande: dans quoi au juste devrions-nous investir en matière de mesures spéciales et d'aménagement? De toute évidence, ce qui existe actuellement ne fonctionne pas. La situation, comme je le dis dans mon mémoire, est sombre. D'autres ont abordé ce sujet, et je n'en parlerai pas davantage, me contentant de dire que nous convenons tous que la situation est inacceptable.

    Dans la majorité des cas, d'après mon expérience, les employeurs s'attendent à ce que les personnes handicapées se présentent au travail prêtes à s'intégrer à des catégories d'emploi rigides. En outre, malgré les programmes innovateurs de développement des aptitudes préalable à l'emploi, de nombreuses personnes handicapées ont été si marginalisées qu'il faut souvent investir encore sur les lieux de travail pour assurer la réussite à long terme de leur entrée en fonction.

    Je voudrais citer deux exemples récents qui à mon avis sont révélateurs--et les noms sont fictifs.

    Sam avait été interviewé et embauché par un employeur assujetti à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et cet employeur avait annoncé publiquement vouloir engager plusieurs personnes handicapées. Sam était au travail depuis une journée et demie quand il a été licencié parce qu'il n'était «pas assez rapide». Sam était atterré parce qu'il était convaincu qu'il pouvait répondre aux exigences de l'employeur si on lui donnait la chance de s'établir un système.

    Comme je connais cette personne et les exigences du travail, je sais qu'avec des accommodements simples et appropriés, des soutiens pour l'employeur et l'employé, cette situation aurait pu être décrite comme un succès.

    Un autre cas: Bob avait fait une demande d'emploi auprès d'un autre employeur, assujetti lui aussi à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Cet employeur avait créé un mécanisme très spécial visant à accélérer l'embauche de personnes handicapées. Bob a passé une entrevue mais, quelques jours plus tard, on lui a dit qu'il manquait d'expérience dans le service à la clientèle et, qu'à l'entrevue, on avait trouvé qu'il était lent à se lever de sa chaise.

    Nous connaissons très bien cette personne ainsi que les exigences de l'emploi postulé. Bob était un excellent candidat. L'employeur pouvait facilement lui faire acquérir l'expérience du service à la clientèle nécessaire et, dans le cadre de ses fonctions, Bob aurait de toute façon passé beaucoup de temps assis, de sorte que sa lenteur à se lever n'aurait pas été un obstacle.

    Manifestement, cet employeur n'est pas aussi décidé à embaucher des personnes handicapées que ne voudrait le laisser croire sa publicité. Je pense toutefois qu'il y a autre chose et je m'explique.

    Qu'est-ce qui manque? Sur le plan de la loi, et je l'ai déjà dit, des investissements dans des mesures sous la forme de programmes de soutien exhaustifs ciblant principalement les employeurs.

    Qu'est-ce qu'il nous faut? Je suis convaincu qu'il nous faut inclure des soutiens traditionnels--et quand je dis «traditionnels», je veux dire qu'ils sont traditionnels parce qu'ils sont mieux compris--comme par exemple l'adaptation au lieu de travail et la technologie d'aide. Mais je pense qu'il faut aller encore plus loin. Il faut nous attaquer aux préjugés et aux malaises. Je crois qu'une grande partie du problème est liée au fait que nous oublions que les employeurs sont des êtres humains et non de vagues sociétés ou organisations et qu'ils ne peuvent pas s'empêcher d'être profondément influencés par leur expérience qui peut leur avoir laissé des préjugés et des malaises à l'égard des personnes handicapées. Ces malaises sont compréhensibles étant donné les images et les messages implicites dont nous bombarde notre société en ce qui concerne les personnes handicapées.

·  +-(1320)  

    Personnellement, étant gravement handicapé, c'est quotidiennement que je suis confronté à ce genre de chose. Ces programmes doivent donc inclure un élément important consistant à découvrir les véritables obstacles systémiques, à aider les employeurs à comprendre leurs craintes et préoccupations réelles, à revenir sur les idées fausses et à découvrir ce que l'on peut faire avec un peu d'imagination et de compassion pour ces gens-là. Par exemple, j'ai lu avec intérêt que les vérificateurs de la Commission des droits de la personne se font souvent dire que les charges de travail sont trop lourdes pour les personnes handicapées. C'est une généralisation qui montre que les employeurs très souvent ne perçoivent pas les capacités réelles de ces personnes.

    Cela ne suffit pas en soit. Il faudrait également qu'il y ait des soutiens à long terme au travail, un tiers sur le lieu de travail qui veille à ce que tous les obstacles et problèmes soient convenablement réglés. Normalement, quand de part et d'autre on est plus à l'aise, ce soutien n'est plus aussi nécessaire. On a alors des employés productifs et dévoués pour le long terme.

    Ma recommandation serait donc de modifier la loi et d'adopter des règlements nécessaires pour qu'il soit clair qu'à la fois l'administration et les employeurs doivent poursuivre activement l'adoption de mesures spéciales et investir dans des aménagements spéciaux, du type mentionné tout à l'heure.

    Pour ce qui est des délais et de la mise en application, le détail de cette série de mesures spéciales devrait être précisé d'ici un an dans le cadre d'un partenariat dirigé par des organisations non gouvernementales et des représentants des employeurs assujettis à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Lorsque ls détails seront arrêtés, les mesures pourront être immédiatement transmises à un réseau d'ONG hautement qualifiées auxquelles on aura donné les ressources financières voulues.

    Pour l'entrée en vigueur, je dirais qu'il faudrait viser au plus tard le 1er janvier 2003. Il faut s'en tenir à cette date limite, sinon une année va encore passer. Les personnes handicapées ne peuvent attendre plus longtemps. Lorsque ce système sera en place, je crois que nous serons bien mieux placés pour obtenir que les employeurs se fixent des objectifs d'embauche courageux et s'y tiennent. Il n'aurait plus alors d'excuse. Le résultat de cette initiative devrait faire l'objet d'un rapport à ce comité avant deux ans.

    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous cet après-midi.

·  +-(1325)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Elley. Étant donné que nous avons quatre groupes ici, peut-être que nous pourrions prendre six minutes, ce qui donnerait à chacun le temps de répondre.

+-

    M. Reed Elley: Merci beaucoup, madame la présidente.

    Je voudrais remercier tous ceux qui sont venus aujourd'hui nous parler très franchement de certaines des préoccupations très réelles qu'ils ont quant à l'absence de progrès dans ce domaine au Canada. Nous avons une loi depuis longtemps. Il est très facile d'adopter des lois et de dire que le problème est réglé. Ce n'est pourtant pas ce que nous devons faire.

    Je vis depuis près de 30 ans avec des personnes handicapées physiques. Nous avons une fille de 11 ans dans un fauteuil roulant. Elle est très handicapée mais c'est elle qui me pousse toujours sur le plan intellectuel. Elle est beaucoup plus intelligente que moi. Nous discutons ainsi tous les jours.

    Un des problèmes, à mon avis, est que nous poussons les gens à trouver un emploi—et nous voulons évidemment le permettre—mais que très souvent on n'a pas préparé le terrain et on n'a pas obtenu les changements d'attitude nécessaires pour permettre l'application de la loi. On peut adopter toutes les lois possibles, tous les règlements que l'on veut, que l'on espère voir suivis sur le terrain, mais, malheureusement, si les Canadiens ne changent pas radicalement d'attitude, la situation ne va pas s'améliorer. On peut avoir tous les organes de surveillance que l'on veut, si les attitudes ne changent pas à la base, on ne parviendra à rien.

    Peut-être que vous pourriez partager avec nous certaines des solutions ou améliorations que vous avez constatées, s'il y a eu un changement d'attitude, comment cela s'est fait et quels obstacles existent toujours.

+-

    M. Michael Bach: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un problème culturel plus vaste et c'est la raison pour laquelle nous disons que la loi ne contient pas les outils nécessaires pour régler ce problème. Si l'on considère les recherches sur les attitudes, qu'est-ce qui permet de changer les attitudes? Le marketing social ne suffit pas. Il faut évidemment que le gouvernement fédéral finance des campagnes médiatiques qui valorisent les personnes handicapées aux yeux du grand public canadien. Mais ce qui change réellement les choses, d'après les recherches, c'est le contact personnel. C'est quand on connaît les gens. Quand on est en contact avec eux.

    Cela veut dire qu'en matière d'emploi, il faut que les gens se trouvent sur le lieu de travail. Il faut que les gens soient sur place, si l'on veut que les autres les connaissent et changent d'attitude. On ne va pas changer d'attitude parce qu'un employeur va essayer de sensibiliser son personnel aux responsabilités qu'il a en vertu de codes sur les droits de la personne. Ainsi, si nous ne faisons pas un certain nombre d'autres choses pour que les gens se trouvent en milieu de travail, rien ne va changer. Et comme beaucoup d'entre nous l'ont dit, les outils nécessaires pour que ces personnes handicapées pénètrent les milieux de travail n'existent pas dans la loi.

    Si nous ne montrons pas l'exemple, comme tout le monde l'a suggéré ici, en adoptant un certain nombre de mesures de soutien—des dispositions qui dépasseraient la portée de cette loi—soit dans le contexte de cette loi soit dans celui d'une stratégie coordonnée, nous n'atteindrons pas les milieux de travail et les attitudes ne changeront pas. Nous ne pouvons pas considérer cela comme un problème théorique. Il faut qu'il y ait un contact personnel.

+-

    La présidente: M. Beachell, M. Birch et M. Payne, l'un après l'autre.

+-

    M. Laurie Beachell: Très rapidement, la loi demande simplement aux employeurs de présenter un rapport sur la composition de leurs effectifs. Elle ne leur demande pas de faire quoi que ce soit. La commission ne dispose que de ressources limitées.

    Je suis d'accord avec Michael, c'est cette relation qui engendre le changement. Comment y parvenir... Il m'arrive d'imaginer ce qui pourrait faire avancer un peu les choses et j'ai songé aux champions qui ont défendu certaines causes et je me suis dit qu'il nous fallait des champions au niveau fédéral pour défendre cette cause.

    Le premier ministre a défendu des entreprises canadiennes à l'étranger. Il a emmené Équipe Canada dans le monde entier pour faire la promotion des entreprises canadiennes. Peut-être qu'il est temps que le premier ministre organise une Équipe Canada et demande à ces mêmes chefs d'entreprise de veiller à ce que leurs effectifs soient inclusifs et de s'engager publiquement dans ce sens, se faisant les champions de cette cause.

    Je ne pense pas que le cadre législatif que nous avons permettra d'y parvenir. Il y a également les questions de partage de compétence qui créent des problèmes, qu'il s'agisse du soutien aux personnes handicapées, du soutien de revenu, du soutien du marché du travail, etc., il faut que tout soit coordonné. Nous rêvons de beaucoup plus que d'une loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous rêvons d'une stratégie du marché du travail.

·  +-(1330)  

+-

    La présidente: Monsieur Birch.

+-

    M. Gary Birch: À propos du changement d'attitude, je crois qu'il faut que nous obtenions que les décideurs des organisations qui se chargent de la formation puissent confronter, peut-être à l'aide de personnes handicapées ou d'autres spécialistes de la question, leurs craintes et préjugés réels et essaient de s'en débarrasser. Parce que tant que cette question ne sera pas réglée, cela reviendra indéfiniment et cela bloquera leur jugement.

    Il est évident que lorsqu'on aura des personnes handicapées dans les milieux de travail, on commencera à voir leurs aptitudes, plutôt que le fait qu'elles sont handicapées. Il existe des modèles qui devraient permettre d'examiner ces questions. C'est à ce niveau qu'il faut commencer, au niveau le plus élevé, et cela se communiquera ensuite.

+-

    La présidente: Monsieur Payne.

+-

    M. Brian Payne: Merci, je vais essayer d'être bref.

    J'ai passé 25 ans de ma vie à titre de représentant et de dirigeant syndical, une bonne partie du temps à essayer de négocier une amélioration des prestations accordées aux personnes handicapées, en fait, pour les écarter des milieux de travail. Il y a un peu plus de dix ans, comprenant enfin que ce n'était pas la solution, j'ai utilisé cette expérience un peu différemment.

    Alors que nous mettions sur pied ce qui allait devenir l'Institut national, nous avions parlé d'une entreprise Équipe Canada. Nous avons en fait étudié les meilleures pratiques du monde. Avec certains représentants du gouvernement fédéral et d'autres, je suis allé voir les plus grandes puissances économiques du monde comme l'Allemagne où, depuis des décennies, ils traitent tout à fait différemment les personnes handicapées. J'ai examiné tout cela et j'ai vu ce que nous ne faisions pas. Il nous faut des gens pour surveiller le système. Cela ne fait aucun doute. Je ne pense pas que nous puissions continuer sans cela.

    Mais ce que nous avons découvert dans le contexte de cette initiative... On dit que c'est au fruit que l'on juge l'arbre. Nous avons montré continuellement que malgré les préjugés fermement entretenus et les entreprises qui essaient d'en faire toujours plus avec moins de gens, en réintégrant et accommodant des personnes handicapées, non seulement on peut le faire de façon pratique et efficace, mais on peut également économiser énormément d'argent.

    À propos d'argent, je dois dire que du point de vue du syndicat, c'est parfois la dernière chose que nous avons sur notre liste. Toutefois, nous en parlons à l'occasion parce que c'est énorme. Les entreprises canadiennes sont tellement myopes à cet égard que c'est incroyable. Ce sont des dizaines de milliards de dollars qui sont gaspillés parce que quelqu'un a peur de se mouiller et d'attaquer le problème en consacrant quelques heures pour apporter les modifications nécessaires.

    Je parle de papetières et de scieries et d'industrie lourde où travaillent beaucoup de nos membres. Nous avons examiné les pratiques dans la sidérurgie allemande ainsi qu'en Australie et ailleurs. Dans le monde entier, dans ce que j'appelle les économies robustes, ils font les choses très différemment et beaucoup mieux que nous. Nous n'existons même pas dans ce domaine. Nous avons des employeurs dans ce pays qui s'arrachent les cheveux à propos du coût des prestations d'un côté et qui de l'autre refusent d'examiner les coûts à court et à long terme. Nous disposons de technologies modernes mais les mentalités n'ont changé depuis l'après-guerre.

    Les taux de participation diminuent. Il y a quelque chose qui ne va pas du tout là-dedans. Ce n'est pas seulement la question sociale, qui est très importante. C'est une énorme question économique que l'on néglige totalement dans notre pays et sur laquelle il faudrait qu'on se décide à se pencher.

·  +-(1335)  

+-

    La présidente: Monsieur Tonks.

+-

    M. Alan Tonks: Merci, madame la présidente.

    Je vous prie de m'excuser d'avance parce que je dois aller à une autre réunion mais je vous remercie tous d'être venus. Les représentants que nous avons entendus, que ce soit vous ou ceux qui vous ont précédés, nous ont dit des choses extrêmement intéressantes et nous vous en remercions.

    Quand on parle de stratégie globale de développement des compétences et quand nous parlons de consensus et de concertation entre employeurs, employés, syndicats, patronat, etc., il est difficile d'obtenir que le modèle fonctionne sans aller regarder au-delà de la question des qualifications pour permettre à ceux qui ne font pas partie du marché du travail d'en faire partie. Je remarque que vous parlez tous d'une stratégie globale de perfectionnement des compétences. Les ingrédients sont tous connus et je pense que l'idée d'une Équipe Canada est en effet très intéressante.

    Je suppose que Michael, Jean-Claude et Parteepan en conviendront. Nous avons constaté que les programmes les plus originaux et les plus réussis sont les programmes communautaires. Nous avons un inventaire d'emplois de DRHC. Vous pouvez aller voir sur Internet comment il se présente. Nous sommes censés savoir comment inclure tout le monde.

    Y a-t-il vraiment un système novateur de base dont vous ayez fait l'expérience qui aiderait à faire correspondre les qualités des demandeurs d'emploi aux descriptions de fonctions et qui pourrait vraiment marcher? Est-ce que cela existe? Dans l'affirmative, parlez-en nous. Sinon, comment pourrait-on envisager cela dans le contexte de cette démarche d'Équipe Canada?

+-

    M. Michael Bach: Bien sûr que cela existe, cela existe un peu partout au pays, mais c'est une question de pratique, de pratique locale, et un des plus gros défis dans ce pays, c'est de passer de la pratique au principe. Un des autres défis est que les organisations qui faisaient cela sérieusement dans les années 80 et 90, du fait des changements au TCSPS, de la dévolution et des compressions, ont dû fermer boutique faute de moyens financiers.

    C'est donc possible. Il y a d'innombrables documents sur ces modèles et sur la façon dont cela marche en mettant en contact les employeurs, le secteur socio-culturel et les services gouvernementaux avec les bureaux locaux et régionaux de RHC. Mais nous ne sommes pas passés de la pratique au principe dans notre pays. Nous n'utilisons pas les connaissances à notre disposition pour soutenir ces organisations parce que nous pensons en fait qu'elles existent simplement pour défendre les droits de leurs membres. Nous pensons qu'elles sont un groupe d'intérêt spécial qui essaie d'obtenir un peu plus. La conséquence d'une telle attitude vis-à-vis de ces organisations est qu'elles disparaissent et que nous perdons ce bagage de connaissances.

    Ce ne sont pas les employeurs qui possèdent ce bagage. Il se trouve dans les collectivités. Mais il n'est ni financé, ni apprécié, ni reconnu.

+-

    M. Jean-Claude Jalbert: Je suis d'accord avec Michael.

    Je viens d'une petite localité, Grand Falls au Nouveau-Brunswick. Il y a 10 000 habitants. Je puis vous parler de certaines initiatives que nous avons prises. Par exemple, nous avons fait employer des gens qui travaillent peut-être 30 heures par semaine ou 20 heures. Cela a pris longtemps mais lorsque les employés ont eu fait connaissance avec ces personnes handicapées, j'ai pris contact avec elles et elles m'ont assuré que cela marchait. Nous avons trois personnes handicapées qui travaillent là. Chaque fois que nous nous voyons et nous disons bonjour, tout le monde semble content.

    Je vous donne un exemple. J'ai essayé de trouver du travail pendant des années. J'ai 45 ans. Je ne vais pas rester chez moi à ne rien faire. Je travaille à l'ACIC et avec cinq autres associations. Avant que je ne commence, ma tension était trop élevée. Je prenais 600 milligrammes de pilules par jour pour ma tension. Maintenant, je suis occupé, je travaille et la collectivité fait des économies parce que je ne prends plus que 20 milligrammes par jour. Quand on reste chez soi à ne rien faire, c'est comme cela qu'on tombe malade, et si l'on ne va pas bien, c'est parce qu'on se demande toujours ce que l'on va bien pouvoir faire. On ne peut pas regarder la télévision indéfiniment. Il est donc important que le gouvernement subventionne de telles initiatives et que les entreprises fassent travailler les personnes handicapées.

    On ne peut pas faire cela tout seul mais si l'on travaille tous ensemble, on peut faire des miracles.

    Une voix: Bravo!

·  +-(1340)  

+-

    M. Michael Bach: Parteepan, vouliez-vous ajouter quelque chose?

+-+-

    M. Parteepan Rasaratnam: On ne m'accepte pas parce que je suis handicapé et peu importe que je sois handicapé parce qu'il y a des tas de gens qui sont handicapés et que nous devons l'accepter.

    Les personnes handicapées doivent avoir la possibilité de travailler. Si on les rejette, elles ne pourront pas travailler. Et ce n'est pas bien parce qu'elles risquent finalement de penser qu'elles ne veulent plus travailler. Moi je veux avoir la possibilité de travailler. Je cherche et je n'aboutis à rien. Je veux vraiment travailler. Je veux qu'on me donne la possibilité de travailler.

    Merci.

+-

    M. Laurie Beachell: Michael a parlé du transfert canadien au titre de la santé et des programmes sociaux. Ce que les organisations communautaires et en particulier les services communautaires et d'assistance sociale avaient prévu lorsqu'on est passé au financement global sans normes ni conditions ou rapports, c'est que les coupures seraient les plus sévères au niveau des services communautaires, que les investissements continueraient peut-être dans les secteurs de la santé et de l'éducation, mais que ce qui serait le plus touché, ce serait les services communautaires. C'est assez évident.

    Ces organisations locales qui savent comment s'y prendre avec les employeurs et avec les syndicats en sont arrivées à un point où elles ne peuvent absolument plus faire face à la demande.

    Il y a d'autre part eu d'énormes compressions budgétaires fédérales. Pour ce qui est des personnes handicapées, on nous a dit en 1996 que le gouvernement fédéral ne nous financerait plus. Nous nous sommes battus. Le gouvernement a chargé le groupe de travail d'Andy Scott de parcourir le pays et on a mis sur pied un nouveau programme. Or le budget de ce programme n'a pas augmenté d'un cent depuis 1996. Toutes ces organisations continuent à opérer avec les mêmes ressources qu'en 1996, alors que les tarifs aériens sont passés de... Pour ces groupes, se réunir coûte beaucoup plus cher aujourd'hui.

    Le secteur bénévole connaît donc des difficultés énormes à l'heure actuelle et si l'on ne réinvestit pas dans ce secteur, on va perdre une des ressources les plus précieuses au palier local. C'est ce que l'on risque actuellement.

+-

    M. Gary Birch: Je voudrais simplement me faire l'écho de ces observations, du fait que les experts se trouvent en effet dans ces organisations non gouvermentales qui travaillent avec des personnes handicapées et qui sont composées de personnes handicapées.

    Pour revenir sur un élément précis de votre question, nous travaillons de façon très originale avec des personnes handicapées, en les aidant à savoir ce qu'elles doivent faire pour réintégrer la population active. Vous demandez comment on pouvait leur trouver des employeurs. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les préparer.

    Les deux exemples que je vous ai donnés sont excellents. Il s'agit de personnes qui auraient dû pouvoir réussir dans ces entreprises. Mais les employeurs n'étaient pas prêts à les prendre ni prêts à faire un petit effort. C'est pourquoi je pense qu'il nous faut éliminer ces obstacles. Nous devons faire ce que nous faisons, préparer les gens au mieux à réintégrer la population active. Mais si les employeurs ne sont pas disposés à faire le nécessaire pour que cela marche, il y a un gros problème.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Guay.

·  +-(1345)  

[Français]

+-

    Mme Monique Guay: Je veux vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui. C'est une journée que je trouve difficile. C'est sûr que quand on parle des handicapés et qu'on voit des histoires abracadabrantes... J'en ai vu partout et on a entendu toutes sortes de commentaires. Ce n'est pas facile, mais il y a aussi ce qu'on appelle des success stories.

    Dimanche dernier, j'allais inaugurer une boulangerie qui ouvrait ses portes dans mon comté. Il s'agissait d'un programme de création d'emploi. C'est une boulangerie qui appartient aux handicapés. Ce sont eux qui y travaillent, qui font la cuisine, qui font tout. Il y a une seule personne qui n'est pas handicapée dans l'équipe pour s'assurer que tout le monde fait un travail qui lui convient et qu'il n'y ait pas de dangers d'accident et tout ça, mais ça leur appartient. C'est à eux et c'est leur fierté. C'est tellement important pour eux d'être fiers de gagner leur vie, de pouvoir subvenir à leurs besoins, de pouvoir se payer un appartement. Ce sont des petites choses de la vie qui nous semblent souvent acquises, mais qui ne le sont pas pour eux.

    Il y a quand même des progrès intéressants qui sont déjà en place, mais on a tellement à faire. Même la ministre du Travail, Mme Bradshaw, disait que sur les quatre secteurs visés, celui des handicapés est celui où on n'a pas fait de progrès.

    Les syndicats sont venus nous rencontrer. Vous savez que la loi vise les entreprises de 100 employés et plus, donc des entreprises qui sont souvent syndiquées. Peut-être pourrez-vous nous donner votre opinion sur ce que les syndicats nous ont dit. Ils nous ont dit qu'on ne leur permettait pas de jouer un vrai rôle dans l'application de la loi et qu'ils seraient prêts à s'assurer que la loi soit appliquée dans les entreprises. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Ce ne serait pas coûteux. Dans bien des cas, les syndicats ont déjà des ressources en place, qu'il s'agisse de la FTQ ou de la CSN. Et si ça ne se fait pas déjà, ne pourrait-on pas les impliquer aussi à ce niveau-là?

    J'aime beaucoup votre idée d'un Team Canada, monsieur Beachell. Cela réveillerait beaucoup de monde.

    Allez-y, je vous laisse la parole.

+-

    M. Viateur Camire: J'aimerais faire un commentaire sur l'implication syndicale. La question est posée. On est certainement très ouverts, dans notre entreprise, à la participation syndicale. Déjà, dans le milieu de travail, les représentants syndicaux sont souvent impliqués dans ce qu'on appelle les comités des programmes d'aide aux employés qui visent les employés de l'unité, mais on sent qu'il y a une implication sociale des représentants syndicaux, non seulement dans ce qui est relié au travail, mais aussi dans ce qui est relié aux difficultés qu'un employé peut avoir à l'extérieur du travail. Par le biais des comités de santé et de sécurité, les représentants syndicaux sont continuellement impliqués avec les représentants de l'employeur dans le volet de la réinsertion au travail des employés qui ont été accidentés au travail.

    Dans sa portion de présentation de tout à l'heure, M. Payne nous a fait part des programmes que l'institut de recherche avait mis de l'avant. Ce sont en bonne partie des programmes de développement, tant des représentants d'employeurs que des représentants des employés, des représentants syndicaux. On vise à les former sur l'identification de pratiques de réinsertion au travail.

    Dans notre milieu, il y a énormément d'ouverture sur plusieurs facettes de la participation des représentants syndicaux.

+-

    Mme Monique Guay: Quand un handicapé arrive dans une entreprise comme Abitibi-Consolidated, qui n'est pas une petite boîte, ne se sent pas à l'aise ou a besoin de communiquer avec quelqu'un qui va le représenter, le syndicat est bien placé pour l'aider.

+-

    M. Viateur Camire: Absolument. Les représentants syndicaux ont une bonne connaissance du milieu de travail et sont donc bien en mesure d'identifier les occasions possibles pour les travailleurs qui ont une incapacité.

    Dans notre milieu, la principale contrainte qu'on a vécue au cours des six ou sept dernières années a été celle des réductions massives d'emplois, pour différentes raisons, entre autres l'introduction de nouvelles technologies, tant dans les opérations forestières que dans les scieries et les usines de pâtes et papier. On parle de réductions extrêmement importantes de la main-d'oeuvre.

    Lorsqu'on se retrouve avec des listes d'attente de 50, 75 ou 100 employés, il y a certainement une préoccupation chez l'employeur et le syndicat de favoriser d'abord le retour au travail des employés qui ont déjà été actifs dans le milieu de travail.

    J'aimerais ajouter un commentaire avant que d'autres interviennent là-dessus. J'ai beaucoup aimé l'aspect de la culture qui a été soulevé tout à l'heure. Ce qu'on vit, dans notre entreprise, c'est ceci: quand on peut vivre un exemple de quelqu'un qui revient au travail, alors qu'à peu près tout le monde ne pensait pas que cette personne pouvait revenir au travail, on voit l'impact de cela. Quand quelqu'un a cherché à s'adapter et que cela a finalement été possible, on voit combien l'employé est heureux de revenir au travail. Cela fait boule de neige à l'intérieur du milieu. Cela crée une atmosphère positive et montre ce qu'il est possible de faire. Cela incite d'autres employés non seulement à revenir, mais aussi à examiner des possibilités.

·  +-(1350)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Payne.

+-

    M. Brian Payne: Dans notre mémoire et dans mes observations, nous parlons de ce modèle qui repose sur le consensus. Il y a deux façons de traiter de la question en milieu de travail. Il y a le traitement des réclamations, par lequel les employeurs essaient de limiter les coûts. L'autre modèle est lorsque les parties collaborent en considérant tout d'abord l'intérêt de l'employé blessé ou handicapé. Si cela permet des économies, c'est tant mieux.

    Notre syndicat et moi nous occupons de toutes sortes d'industries et de toutes sortes de questions avec beaucoup d'employeurs, avec qui, pour certains, nous avons aussi d'excellents programmes de gestion des cas d'incapacité. Nous commençons par nous assurer que ces programmes destinés aux employés blessés ou handicapés sont considérés comme tout autre programme d'assistance aux employés et à leur famille de sorte que les intéressés n'aient pas l'impression qu'en déclarant leur handicap ou en revenant au travail et en participant à un programme, on leur supprimera leurs prestations. Ils doivent pouvoir penser qu'il s'agit de réintégration réussie et non pas de limiter leurs revendications. La confiance et la crédibilité sont extrêmement importantes.

    Avant de proposer réellement cela au milieu de travail, nous avons longuement discuté de ces questions et examiné les meilleures pratiques auxquelles je faisais allusion tout à l'heure. Partout où cela se fait, et c'est presque indiscutable dans tout le pays, un bon programme d'assistance aux employés, que l'on appelle aussi programme d'assistance aux familles, donne d'excellents résultats pour les employés et représente des économies énormes pour la plupart des employeurs. Ceux-ci sont d'ailleurs prêts à l'admettre. C'est donc dans ce sens qu'il nous faut travailler. Il faut considérer la personne qui souffre d'un handicap en premier. Le résultat sera toutefois des économies énormes dans les milieux de travail et, très franchement, à l'extérieur aussi.

    Je voulais juste ajouter cela.

+-

    La présidente: Monsieur Beachell.

+-

    M. Laurie Beachell: Un des problèmes des compressions imposées aux organisations bénévoles et aux organisations locales, est que les partenariats que nous avions établis avec les syndicats et les employeurs ainsi que d'autres groupes ne fonctionnent plus de la même façon. Quand je repense au début des discussions que nous avons eues à propos de l'équité en matière d'emploi, il existait un réel partenariat entre les organisations de personnes handicapées, les organisations s'occupant des femmes, les groupes de minorités visibles et les peuples autochtones. Ces échanges n'existent plus. Avec les compressions budgétaires, ces organisations sont devenues beaucoup plus isolées et se concentrent sur leurs problèmes et besoins particuliers. La discussion élargie entre les employeurs, le mouvement syndical, les groupes de défense de l'équité en matière d'emploi, etc., n'est plus ce qu'elle était à la fin des années 80. Si l'on ne redonne pas des ressources au secteur bénévole, je crois que cela ne sera pas possible.

+-

    La présidente: Madame Folco.

[Français]

+-

    Mme Raymonde Folco: [Note de la rédaction: Inaudible] ...un peu plus loin la question que Mme Guay vient de poser sur les syndicats, mais je vais peut-être aller dans une autre direction.

    Sur la question de l'équité, évidemment, pour nous tous, il y a un aspect moral, mais vous avez soulevé aussi l'aspect économique. Il me semble que l'aspect économique est un élément important dans la--j'hésite à utiliser le mot, mais je vais l'utiliser quand même--vente des programmes d'équité et dans l'amélioration des programmes d'équité envers les personnes handicapées.

    Avez-vous des statistiques? Je pense que c'est le groupe qui est venu avant vous qui disait tout à l'heure que 75 p. 100 des personnes handicapées ne travaillaient pas, n'avaient pas d'emploi. C'est évident qu'il y a des retombées sur l'économie. Ces personnes-là n'ayant pas d'emploi, elles ne deviennent pas non plus de véritables consommateurs. De plus, elles vivent «aux crochets de la société», comme dit la majorité de la population.

    J'aimerais voir s'il y a possibilité de recevoir quelque chose de vous sur l'aspect économique. Comment pourrait-on, nous, faire des recommandations à la ministre pour pousser cet aspect économique? Vous savez aussi bien que moi, sinon davantage, qu'on vit dans une société où money talks. Il me semble que cette orientation n'a pas été suffisamment travaillée, et j'inciterais certainement les personnes qui vont nous aider dans la rédaction du document à aller dans cette direction et à la travailler.

    Dans les quelques secondes qui restent, est-ce que vous avez des choses à dire par rapport à l'aspect économique lui-même de la perte d'emplois et de cette section de la population qui ne travaille pas?

·  +-(1355)  

[Traduction]

+-

    M. Brian Payne: C'est sans doute un autre témoin qui a parlé du chiffre de 75 p. 100. Ce n'est pas moi. Mais nous avons présenté des chiffres dans notre mémoire concernant les coûts, et comme je l'ai souligné, nous continuons de soulever ces chiffres, non seulement en raison de la grande priorité du syndicat mais parce qu'il s'agit d'un coût tellement énorme que nous pouvons mesurer directement dans certaines industries. Il s'agit de milliards et de milliards de dollars. Nous continuons de soulever cet aspect et d'attirer l'attention sur cette question parce que pour reprendre vos paroles, l'argent est roi.

    Cette situation comporte d'énormes coûts que les gens ne veulent pas voir. Je peux comprendre pourquoi. Par contre, certaines personnes, certaines entreprises considèrent que c'est une situation compliquée, donc à éviter. Mais parallèlement, les conséquences économiques sont très importantes, non seulement pour les entreprises, bien entendu, mais pour la société en général. Il y a l'aspect chômage, c'est-à-dire les personnes handicapées qui ne travaillent pas, mais il y a aussi les coûts supplémentaires et les répercussions de leur absence du milieu du travail sur la société. Cela représente des sommes énormes.

    Il existe toutes sortes de statistiques. Je ne les ai pas avec moi aujourd'hui mais notre organisation a accès à un grand nombre de ces statistiques non seulement pour notre économie au Canada mais pour d'autres pays également. Cela représente des sommes énormes. C'est pourquoi nous insistons là-dessus, pourquoi nous tâchons constamment de dire aux principaux employeurs et aux principaux gouvernements au pays qu'il faut être braves et s'attaquer à cette question, parce que cela représente d'énormes coûts pour le marché du travail; cela représente d'énormes coûts pour ceux qui en sont écartés à l'heure actuelle. Il existe beaucoup de statistiques là-dessus, madame la députée. Nous devrions nous en servir dans la mesure nécessaire pour faire valoir cet argument et prendre les mesures qui s'imposent car il s'agit d'une question très importante.

+-

    Mme Raymonde Folco: Si vous avez d'autres arguments de ce genre, vous voudrez bien les transmettre à la présidente.

+-

    M. Brian Payne: Nous pouvons certainement préparer de la documentation supplémentaire et vous la transmettre. Je ne manquerai pas de m'en assurer. Je vous remercie.

+-

    La présidente: Monsieur Birch.

+-

    M. Gary Birch: Nous avons de l'expérience en ce qui concerne la préparation à la vie professionnelle, c'est-à-dire aider des personnes à se préparer pour entrer sur le marché du travail et suivre leur intégration dans la population active. Nous avons suivi ces personnes pendant plus de dix ans. Simplement à l'aide d'une analyse économique très simple, nous avons réussi à montrer à quel point cela était énormément rentable pour le gouvernement. C'est pourquoi j'ai utilisé le terme «investissement» dans ma présentation aujourd'hui. Ils ont dû faire un investissement mais un investissement qui est extrêmement rentable. Je crois que l'une des difficultés, c'est que la rentabilité de cet investissement est à long terme, donc cela est plus difficile pour ceux qui s'attendent à ce que cet investissement soit rentable rapidement. Mais à long terme, cet investissement sera extrêmement rentable pour eux. Je crois que le rapport est de dix à un.

    Et c'est simplement pour ceux qui parviennent à accéder—je n'aime pas les mots que j'ai choisis—à un emploi à plein temps, à long terme. Ils se trouveront à eux seuls à rembourser plusieurs fois l'investissement fait par le gouvernement. C'est pourquoi cet investissement dans le secteur bénévole, dans les divers programmes d'aide et d'adaptation, et dans toutes les initiatives dont nous avons parlé aujourd'hui présente un énorme avantage sur le plan économique. Je pense que cela doit faire partie de l'argument en question.

    Je crois aussi qu'il faut faire plus de recherche. Je ne veux pas ralentir la prise de mesures, mais je crois qu'il serait également très utile d'avoir de meilleures études susceptibles d'établir les avantages économiques réels. Il existe un aspect en particulier que nous avons toujours sous-estimé à mon avis—et je crois que l'un des intervenants en a fait mention. Nous avons toujours constaté une incroyable amélioration de la santé et du bien-être des personnes qui font partie de la population active. Cela permet à notre système de soins de santé d'économiser énormément d'argent. Je crois que nous ne pouvons même pas commencer à en évaluer l'importance.

¸  -(1400)  

-

    La présidente: Très bien. Je tiens à remercier tous nos témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui. Ils nous ont fourni d'excellents renseignements.

    Monsieur Payne, nous attendrons avec plaisir de recevoir l'information que vous comptez nous transmettre. Parfait.

    Je tiens à remercier les membres du comité. Il est maintenant 14 h et comme nous sommes convoqués à la Chambre, je lève la séance.

    Je vous remercie.