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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 octobre 2001

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Soyez les bienvenus à cette 29e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'invite les porteurs de caméras, à l'exception de celles qui sont fixes, à aller filmer d'autres parties de ce bâtiment.

Je vous remercie.

Nous sommes appelés à examiner aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

• 1535

Nous allons entendre aujourd'hui comme témoin l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice et l'honorable Lawrence MacAulay, solliciteur général du Canada. Au nom du comité, je remercie tout le monde d'être venu aujourd'hui—pratiquement sans préavis, dès que notre comité a su qu'on allait lui confier l'étude de ce projet de loi. Pour nous éviter à tous de perdre du temps, je vais vous demander de nous présenter vos collaborateurs et de faire votre exposé.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Merci.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je vais vous présenter mes collaborateurs et ceux du ministre MacAulay. Il s'agit de Richard Mosley, que nombre d'entre vous connaissez très bien, je pense, au sein de ce comité, de Don Piragoff, de Paul Kennedy et de Ian Blackie.

Je suis très heureuse de comparaître aujourd'hui, en compagnie du ministre MacAulay, devant votre comité, qui se prépare à exécuter une tâche très importante, soit l'étude détaillée du projet de loi C-36 contre le terrorisme.

[Français]

Monsieur le président, chers membres du comité, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir pris ce projet de loi en main.

[Traduction]

Avant d'entamer notre exposé cet après-midi, nous tenons à signaler tout de suite à votre comité que s'il veut nous rappeler une fois qu'il aura entendu tous les témoins dans les jours et les semaines qui viennent, nous nous ferons un plaisir, avec le ministre MacAulay, de revenir devant vous pour faire les observations et apporter tous les éclaircissements qui vous paraîtront utiles avant que vous apportiez vos recommandations définitives et que vous donniez vos derniers conseils au gouvernement sur une loi que nous jugeons tous d'une grande importance.

Les médias, les juristes et les parlementaires s'intéressent de près à ce projet de loi depuis son dépôt il y a quatre jours. La qualité des débats qui ont eu lieu à la Chambre sont le reflet des graves préoccupations que tout le monde éprouve face à la menace causée par le terrorisme.

[Français]

Avant de commenter sur les mesures particulières, j'aimerais souligner l'engagement de ce gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Nous ne devons pas perdre de vue la nature très importante de notre objectif.

[Traduction]

Certaines dispositions du projet de loi ont éveillé plus d'intérêt que d'autres. Certains éléments ont fait l'objet de critiques. Le ministre MacAulay et moi-même le reconnaissons. Il est évident que ce projet de loi vise à réagir à une menace à laquelle doit faire face notre société, et je vous dirais tout de suite que nous n'avons pas hésité à riposter.

Le projet de loi C-36 comprend de nombreux volets. Il y a un certain nombre de volets essentiels consistant par exemple à établir une liste de groupes terroristes, à définir l'activité des terroristes, à prévoir toute une nouvelle panoplie d'infractions en matière de terrorisme, à se doter de nouveaux moyens, tels que la garde à vue et la procédure d'instruction, et à adopter de nouvelles mesures contre la discrimination et la haine. De nombreuses autres dispositions sont par ailleurs prévues, notamment des modifications à la Loi sur les secrets officiels, à la Loi sur la preuve au Canada, à la Loi sur la Cour fédérale et à d'autres lois. Toutefois, je m'en tiendrai aujourd'hui dans mes commentaires aux volets essentiels du projet de loi C-36.

L'une des questions fondamentales que l'on s'est posée cette semaine est la suivante. À quoi doit nous servir le projet de loi C-36? Avons-nous besoin de nouveaux moyens de lutte contre le terrorisme? Effectivement, il y a déjà des infractions prévues dans le Code criminel en ce qui a trait aux détournements d'avions, au sabotage et aux meurtres. Elles restent à notre disposition. Il n'en reste pas moins que le terrorisme, mesdames et messieurs, menace tout particulièrement notre mode de vie. Lorsqu'on a affaire à des groupes qui sont prêts à se suicider pour détruire en masse des civils innocents, il est nécessaire de se demander si les outils législatifs existants sont à la hauteur des enjeux.

Ainsi que l'a déclaré le premier ministre à la Chambre des communes:

    On voit bien que la menace est sans précédent et qu'elle remet en cause notre mode de vie. En Amérique du Nord, nous avons eu la chance extraordinaire de vivre en paix, sans que l'on nous attaque. Ce n'est plus le cas.

C'est en ces termes que s'est exprimé le premier ministre.

Ces nouvelles mesures s'imposent du fait du caractère insidieux du terrorisme. Elles ont un rôle préventif, parce qu'il ne suffit pas de châtier les terroristes une fois qu'ils ont commis leurs crimes. Mesdames et messieurs, ce n'est pas compliqué, si nous ne réussissons pas à empêcher les terroristes de monter dans les avions, ce sera trop tard.

• 1540

Nous devons pouvoir neutraliser les organisations avant qu'elles puissent détourner des avions ou menacer notre sécurité, comme nous l'avons vu récemment avec les alertes à la maladie du charbon. Nous devons mettre en place des mécanismes pour nous attaquer aux organisations terroristes et les mettre hors d'état de nuire.

Par conséquent, mesdames et messieurs, que fait donc de ce point de vue le projet de loi C-36? Je vous le répète, nous n'avons pas fui nos responsabilités dans ce texte. Si nous l'avions fait, nous aurions fait preuve d'irresponsabilité. Dans un premier temps, pour neutraliser et démembrer les groupes terroristes, il faut les identifier. Le projet de loi C-36—et je me réfère au projet d'article 83.05—établit les procédures bien particulières devant permettre au gouverneur en conseil d'établir par voie réglementaire une liste d'entités s'étant livrées ou ayant tenté de se livrer à une activité terroriste, y ayant participé ou l'ayant facilitée, ou encore ayant agi au nom d'une telle entité, sous sa direction ou en collaboration avec elle.

Cette liste renforce l'application d'autres dispositions du projet de loi, notamment les nouvelles infractions contre le terrorisme, les nouvelles infractions liées au financement du terrorisme et les dispositions s'appliquant au blocage, à la saisie et à la confiscation des biens des terroristes. Je suis la première à reconnaître que cette procédure de constitution de listes doit être établie avec soin et mon collègue, le solliciteur général, vous dira quelques mots à ce sujet dans quelques minutes.

Je tiens aussi à souligner que le fait de figurer sur une liste ne constitue pas en soi une infraction criminelle. Une fois qu'une personne sera inculpée d'une infraction, il faudra encore que chacun des éléments de l'infraction soit prouvé hors de tout doute raisonnable.

La définition de l'activité terroriste est un autre élément essentiel du projet de loi. De nombreux autres volets du texte proposé renvoient directement à la notion d'activité terroriste, notamment en ce qui a trait à l'établissement de la liste des groupes terroristes et des nouvelles infractions liées au terrorisme. Des conséquences juridiques significatives découlent de l'activité terroriste et il est donc important que nous les établissions clairement pour que la population comprenne bien ce que nous entendons par ce qualificatif.

On s'est d'ailleurs demandé lors de la période des questions et devant d'autres instances si la définition de l'activité terroriste était suffisamment claire et précise. J'attends que votre comité me dise au cours de ses délibérations, pas seulement aujourd'hui, mais lorsque vous entendrez d'autres intervenants, si cette définition est suffisamment précise et éventuellement suffisamment large. D'aucuns diront qu'elle est trop large, d'autres qu'elle ne l'est pas assez, et j'estime que ce débat doit avoir lieu pour nous assurer en fin de compte que nous frappons au coeur d'une activité qui met en danger la vie d'innocents, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou dans d'autres parties du monde.

La définition donnée par ce projet de loi est détaillée. Nous avons directement relevé le défi de définir la cible de ce régime juridique. Je vous le répète, je suis conscient des préoccupations de certaines personnes, y compris autour de cette table, et par conséquent j'invite votre comité à étudier de près cette définition.

La définition renvoie tout d'abord aux infractions qui sont définies dans les 12 conventions internationales touchant le terrorisme. Il s'agit d'une des formes de l'activité terroriste. Néanmoins, nous donnons par ailleurs une définition générale. Elle s'applique aux actes commis «au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique» visant à intimider la population ou à obliger les gouvernements à agir et qui cherche à causer des dommages considérables. Ces dommages sont le fait de causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci par l'usage de la violence, le fait de mettre en danger la vie d'une personne, le fait de compromettre gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population ou le fait de causer des dommages matériels considérables risquant de causer un préjudice physique. Cette définition est donc clairement reliée aux actes de violence, notamment aux menaces visant la population.

L'intention de causer un préjudice peut aussi s'étendre aux actes visant à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels. Cependant, il convient de signaler ici que nous avons fait une importante réserve. Cette définition de l'activité terroriste n'englobe pas les activités licites de revendication, de protestation ou de manifestation d'un désaccord, ou encore un arrêt de travail licite, visant à provoquer d'autres types de préjudice impliquant une violence envers les personnes que je viens de décrire.

• 1545

Les exemples d'activités politiques dissidentes licites qui pourraient être réprimées selon ce que j'ai pu lire dans la presse me paraissent exclus par des critères qui ont été établis avec soin dans ce but. Je vous le répète, toutefois, je veux savoir—et je sais que c'est aussi le cas du ministre MacAulay—si vous pensez qu'il nous est possible ainsi d'atteindre nos objectifs. Nous devons toujours avoir cela à l'esprit, éventuellement en formulant plus précisément notre définition. Nous avons hâte de vous entendre mais n'oubliez pas, cependant, que l'important c'est de ne pas perdre de vue notre objectif.

Le projet de loi fixe ensuite toute une panoplie de nouvelles infractions liées au terrorisme en vertu du Code criminel. Il y a des infractions distinctes concernant le fait de participer, de faciliter, de donner des instructions et d'héberger des terroristes, ainsi que de nombreuses infractions liées au financement des groupes terroristes. Ainsi, pour ce qui est de la participation, commettra une infraction quiconque recrute une personne pour lui procurer une formation au sein d'un groupe terroriste.

J'aimerais faire observer par ailleurs que les différentes infractions, notamment celles qui ont trait au fait de faciliter les activités terroristes ou de donner des instructions à cet effet, sont spécifiquement définies comme des crimes, que les activités terroristes correspondantes aient été menées à bien ou non. J'en reviens ici à ce que j'ai dit tout à l'heure de l'importance de l'effet préventif de cette loi.

La garde à vue est l'un des volets de ce projet de loi qui a éveillé un intérêt considérable. En vertu de cette disposition, si un agent de police a des motifs raisonnables de croire qu'une grave menace terroriste se profile et a le sentiment, là encore avec des motifs raisonnables, que l'arrestation d'une personne donnée est en mesure d'éviter ce danger, il sera possible d'arrêter cette personne et de la traduire devant un juge.

Si on traduit cette personne devant le tribunal, c'est pour que celui-ci puisse se pencher sur les restrictions susceptibles d'être imposées aux déplacements et aux rencontres que fait cette personne. Il peut imposer certaines conditions à ce point de vue ou libérer l'intéressé sans condition. Si l'intéressé refuse les conditions imposées, le tribunal peut lui imposer 12 mois de prison.

Certaines personnes ont malheureusement, et à tort, rapproché ce pouvoir de ceux qui étaient prévus dans l'ancienne Loi sur les mesures de guerre. Je tiens à rassurer votre comité en lui disant que les mesures de garde à vue que nous proposons dans le cadre de ce projet de loi ne pourront être appliquées que dans des conditions bien précises et qu'elles s'accompagneront de nombreux garde-fous sur le plan de la procédure. Sauf dans les cas d'urgence, le consentement du procureur général sera expressément requis. La personne en cause devra être traduite devant un juge provincial dans les 24 heures ou dans les meilleurs délais et une nouvelle période de garde à vue de 48 heures sera accordée à la suite de la comparution devant le juge. Aux termes de la Loi sur les mesures de guerre, par contre, une personne pouvait être détenue pendant sept jours avant d'être traduite devant un juge et la détention pouvait se poursuivre pendant 21 jours.

Je rappelle à mes collègues qu'il y a des cas où dans d'autres sociétés libres et démocratiques, comme le Royaume-Uni et, selon toute vraisemblance, aux États-Unis lorsqu'ils auront adopté la nouvelle loi, où la détention est autorisée pendant une période pouvant aller jusqu'à sept jours.

Loin de pouvoir se comparer aux dispositions de la Loi sur les mesures de guerre, les dispositions de ce projet de loi s'apparentent plus exactement aux dispositions existantes du Code criminel touchant l'arrestation sans mandat d'une personne qui est sur le point de commettre une infraction et à la mise en liberté sous engagement. Nous reprenons ces principes dans le cadre de ce projet de loi et nous les étendons à l'objet précis de la prévention du terrorisme. Là encore, je rappelle bien aux députés que ce projet de loi vise les actes terroristes.

Les dispositions s'appliquant aux audiences d'instruction ont fait elles aussi l'objet d'un large débat. Les inquiétudes portent sur le pouvoir d'imposer la nécessité de témoigner lors de ces audiences. Je tiens là encore à rassurer le comité en lui précisant que nous avons pris beaucoup de précautions et imposé de nombreux garde-fous. Lorsqu'il sera ordonné à une personne de témoigner devant un juge, les privilèges et autres lois touchant la non-divulgation continueront à s'appliquer de même que le droit à disposer d'un avocat. Par ailleurs, ce témoignage ne pourra pas être opposé à l'intéressé lors d'une audience criminelle ultérieure.

Chers collègues, je pense qu'il est important de noter qu'il existe actuellement une procédure en vertu des dispositions de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle qui nous autorise déjà à procéder de cette manière au Canada, notamment en recueillant des témoignages en provenance d'autres pays. Les États-Unis ont des chambres de mises en accusation qui se chargent de recueillir les preuves. Le pouvoir que nous proposons n'est pas une chose nouvelle dans le droit canadien ou celui des États-Unis. Nous appliquons le droit canadien dans ce domaine pour les besoins particuliers des enquêtes sur le terrorisme et, je vous le répète, avec les garde-fous et les restrictions qui s'imposent.

• 1550

Des modifications seront par ailleurs apportées à la loi pour mieux lutter contre la discrimination et l'expression de la haine au Canada.

J'insiste sur l'argument avancé par le premier ministre à la Chambre l'autre jour. La discrimination à l'encontre des personnes, quelles que soient leur religion, leur race ou leur origine ethnique, ne sera pas tolérée. Le projet de loi C-36 prévoit de modifier le Code criminel de manière à autoriser les tribunaux à ordonner la suppression de la propagande haineuse transmise par des moyens informatiques, sur les sites Internet, par exemple.

La Loi canadienne sur les droits de la personne sera modifiée afin de préciser que la transmission de messages haineux au moyen de nouvelles technologies telles qu'Internet est une pratique discriminatoire, et des modifications apportées au Code criminel entraîneront la création d'une nouvelle infraction en cas d'agissements délictueux motivés par un préjugé, un parti pris ou la haine envers la religion, la race, la couleur, la nationalité ou l'origine ethnique et s'attaquant à un lieu de prière ou à un bien religieux qui y est associé.

Je vais rapidement évoquer un certain nombre d'autres questions. Certains ont avancé que les dispositions du projet de loi ne sont pas suffisamment strictes. On a proposé l'établissement d'une infraction liée à l'appartenance à un groupe terroriste. Nous n'envisageons pas de le faire.

Comme on l'a évoqué lors des débats sur le projet de loi C-24 traitant du crime organisé, il serait extrêmement difficile de définir l'appartenance à un tel groupe. Par ailleurs, la criminalisation de l'appartenance à un groupe risquerait fortement de se heurter à la Charte. De plus, nous contestons la nécessité d'établir une infraction liée à l'appartenance à un groupe étant donné le caractère général de l'infraction liée à la participation que nous avons établie dans ce projet de loi et qui s'apparente à celle du projet de loi C-24 sur le crime organisé.

Je veux maintenant aborder la question générale de l'application de la Charte des droits et libertés. Je tiens à rassurer les membres du comité ainsi que l'ensemble de la population canadienne en leur disant que ce projet de loi a fait l'objet d'un examen très approfondi pour s'assurer qu'il n'enfreignait pas la Charte et que toutes ses dispositions ont été conçues de façon à en respecter les principes. Ces mesures ont été mises en place en s'appuyant sur la notion de garanties humanitaires, notion que notre collègue, Irwin Cotler, a développée avec éloquence devant d'autres instances.

Nous avons adapté des mesures précises à l'objectif qui consiste à faire face au terrorisme et à améliorer la sécurité nationale. Nous avons tenu compte du droit international et des lois d'autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, et nous avons prévu des garde-fous pour chacune des mesures prises individuellement.

Enfin, j'attire votre attention sur une disposition qui figure à la fin de ce projet de loi et qui prévoit la révision de ces mesures. L'article 145 prévoit que dans les trois ans qui suivent la sanction de la présente loi, un examen approfondi de ses dispositions et de son application sera entrepris. Un comité de la Chambre ou du Sénat, ou éventuellement un comité mixte spécial, disposera d'un an pour procéder à cette révision.

Ce n'est qu'au bout d'un certain temps—trois ans, à notre avis—que nous pourrons avoir la preuve de l'efficacité de ces nouvelles dispositions législatives de grande importance. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le terrorisme disparaisse en trois ans, mais je suis convaincue qu'une révision approfondie effectuée à ce moment-là rendra service à tout le monde.

Je suis au courant, cependant, de la proposition selon laquelle pour certains articles, l'imposition d'une date butoir pourrait s'avérer une meilleure chose, et j'invite donc votre comité à examiner la question, non seulement sur ce point précis, mais pour l'ensemble du projet de loi. Ses dispositions méritent d'être étudiées de près et de faire l'objet d'un large débat.

Je suis aussi prête à considérer les améliorations éventuelles apportées sur des points précis de ce projet de loi. Nous devons faire en sorte qu'il soit le plus équilibré et le plus efficace possible.

Je vais maintenant donner la parole au solliciteur général, mon collègue Lawrence MacAulay, mais je suis toute disposée à écouter vos observations et à répondre à vos questions à la fin de nos exposés.

Thank you. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur MacAulay.

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada): Merci, monsieur le président. C'est pour moi un plaisir que d'être ici aujourd'hui en compagnie de ma collègue, la ministre de la Justice.

Nous nous rendons tous compte, nous ici présents ainsi que toute la population canadienne, de la grande importance de ce projet de loi. Son élaboration a demandé beaucoup de travail, mais il reste encore beaucoup à faire. Je sais que votre charge de travail est déjà lourde et je tiens à souligner à quel point nous sommes reconnaissants au comité d'agir avec diligence.

• 1555

Cette législation est particulièrement importante pour nos organismes d'application de la loi et de sécurité. Ils ont besoin de cette loi. Ils en ont besoin parce que nous devons empêcher les terroristes d'entrer au Canada et devons protéger les Canadiens contre le terrorisme. Comme pays, nous devons être prêts à assurer notre sécurité. Nous avons besoin d'outils sans cesse plus puissants pour identifier, poursuivre, condamner et punir les terroristes et ceux qui les aident. La loi antiterroriste proposée donnerait à nos tribunaux et à nos organismes d'application de la loi et de sécurité la capacité d'y voir. Et nos alliés ont besoin que nous adoptions ce projet de loi.

Si nous voulons jouer un rôle de chef de file dans les efforts qui sont faits à l'échelle internationale pour priver les terroristes de tout refuge et de tout financement afin de les laisser sans issue, nous devons adopter d'énergiques lois pour contrer le terrorisme. Cela s'applique tout particulièrement à notre frontière commune avec les États-Unis. La libre circulation des gens, des biens et des services entre le Canada et les États-Unis est absolument essentielle à nos deux pays. Il se fait 1,3 milliard de dollars d'échanges par jour à notre frontière et 200 millions de personnes la traversent chaque année. Nous devons empêcher les terroristes d'avoir la mainmise sur la frontière canado-américaine. Sinon, les terroristes auront gagné.

Le gouvernement du Canada a déjà pris des mesures importantes pour renforcer notre capacité de combattre le terrorisme et prendra toutes les mesures jugées nécessaires afin de continuer d'assurer la sécurité du Canada.

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé l'adoption d'un train de mesures destinées à améliorer la sécurité des aéroports, à accroître la capacité de la GRC de lutter contre le terrorisme, particulièrement lors d'opérations conjointes avec nos voisins du sud, à resserrer les modalités de l'immigration et de la surveillance frontalière, et à geler les avoirs des terroristes.

En tout, 280 millions de dollars de plus ont déjà été mobilisés. Déjà l'année dernière, nous avions attribué 1,5 milliard de dollars à la GRC, au SCRS, à CIC et à d'autres organismes de sécurité publique pour qu'ils continuent d'avoir les moyens nécessaires afin de bien faire leur travail.

Par ailleurs, au comité spécial présidé par le ministre des Affaires étrangères, nous poursuivons l'examen de nos lois, de nos politiques et de nos pratiques. Comme le premier ministre l'a indiqué, les changements qui s'imposent seront apportés.

Tout notre plan de lutte contre le terrorisme, qui comprend le projet de loi à l'étude, cherche à entraver l'action des terroristes et à les priver de leurs moyens. À cet égard, les efforts déployés par le Canada et les États-Unis seront complémentaires.

Permettez-moi de faire quelques observations sur trois points précis contenus dans le projet de loi et qui exigent mon intervention personnelle. La première concerne les listes de terroristes. Il appartiendra au solliciteur général de recommander au gouverneur en conseil d'inscrire une entité sur la liste, lorsqu'il y aura des motifs raisonnables de croire que cette entité se livre à des activités terroristes. Je tiens à préciser qu'il y aura un examen afin de garantir l'intégrité du processus d'inscription. En effet, je devrai examiner cette liste tous les deux ans et l'inscription pourra faire l'objet d'une révision effectuée par la Cour fédérale, ce qui assurera une protection contre toute inscription injustifiée.

Pour vaincre le terrorisme, nous devons juguler son financement. Ce projet de loi y contribuera grandement. Il nous permettra de désigner certains groupes comme étant des groupes terroristes. Il rendra plus facile de geler les avoirs des terroristes, de poursuivre leurs bailleurs de fonds et de retirer ou de refuser le statut d'organisme de bienfaisance aux organisations qui fournissent des fonds aux groupes terroristes. Il nous permettra aussi de priver les terroristes de leurs sources de financement en rendant illégales la collecte ou la distribution directes ou indirectes de fonds en vue de commettre des actes de terrorisme.

Vous remarquerez que nous avons l'intention de refuser le statut d'organismes de bienfaisance enregistrés aux organisations qui mettent des fonds à la disposition de terroristes ou de leur retirer ce statut s'ils en bénéficient déjà, ainsi que le prévoyait le projet de loi que j'ai déposé il y a quelques mois et qui se trouve maintenant incorporé au projet de loi C-36.

Là encore, nous avons prévu des freins et contrepoids et confié au solliciteur général la responsabilité de délivrer un certificat qui peut faire l'objet d'une révision par la Cour fédérale. Toute décision de désenregistrer un organisme doit être publiée dans la Gazette du Canada.

Ainsi, monsieur le président, pour aider à juguler le financement d'actes terroristes, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada sera autorisé à divulguer, à la GRC et au SCRS, des renseignements de nature financière touchant des activités terroristes. Il est essentiel que nous puissions recueillir le plus d'informations possible et que nous en fassions un usage optimal en les communiquant aux organismes compétents tant chez nous qu'à l'étranger.

• 1600

Et c'est le solliciteur général qui doit approuver les demandes de communication d'information présentées par le SCRS. Là encore, le processus peut être soumis à l'examen d'un juge de la Cour fédérale indépendant. Il ne fait pas de doute que certaines des mesures que nous proposons sont exceptionnelles. C'est pourquoi nous les accompagnons d'un ensemble rigoureux de vérifications et de contre-vérifications.

Les Canadiens réclament ces mesures, mais ils tiennent aussi à ce qu'elles soient assorties de garanties qu'elles cibleront uniquement les terroristes et ceux qui les aident. Oui, nous donnerons à la police plus de moyens pour enquêter et prévenir l'activité terroriste. Oui, nous allons faciliter l'écoute électronique des groupes terroristes et nous allons prendre des mesures pour protéger les renseignements de sécurité et détenir les terroristes. Oui, nous allons agir contre les groupes qui se servent de notre système d'enregistrement d'organismes de bienfaisance pour ramasser des fonds pour des terroristes. Car un État a le devoir de se protéger et d'assurer sa sécurité. Et c'est exactement ce que nous sommes en train de faire.

Les attentats meurtriers du 11 septembre ont montré au monde entier que les terroristes ne se soucient guère des conséquences de leurs actes. Ils n'ont que du mépris pour leurs victimes. Et ils sont prêts à mourir pour commettre leurs atrocités. Si nous allons prévenir le terrorisme, afin de sauver des vies, nous avons besoin des outils proposés dans la loi antiterroriste. Ces mesures cibleront directement les terroristes. Mais il importe également que soient respectés les principes de l'examen judiciaire et de l'application régulière de la loi. Et j'estime que la loi proposée permet cet équilibre. Il est conforme à la Charte des droits et libertés et permet de faire face à la situation que nous vivons depuis le 11 septembre.

J'espère que tous les membres appuieront ce projet de loi et donneront ainsi à notre système de justice et à la police les outils importants dont ils ont besoin pour s'acquitter de leurs obligations.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur MacAulay.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement car je m'aperçois que la carte portant le nom du chef de l'opposition officielle de Sa Majesté est totalement erronée. Étant donné que nos délibérations sont télévisées, je pense que nous pourrions faire bien mieux. J'espère que c'est possible.

Le président: Nous en prenons bonne note, monsieur Grose.

Comme les députés le savent, nous allons maintenant donner la parole pendant sept minutes, lors d'un premier tour, à chacun des partis.

Monsieur Day.

M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je dirai aux ministres, par votre intermédiaire, que nous reconnaissons tous que le monde a profondément changé depuis le 11 septembre. Nous en avons tous pris conscience, tous ceux d'entre nous qui ont pu se trouver sur place hier à Halifax, qui ont pu regarder les navires partir et qui ont pu constater l'émotion des familles en voyant s'éloigner ceux qui leur étaient chers. En ce qui me concerne, et pour bien d'autres personnes, je crois, notre résolution n'en est que plus forte—et je pense qu'il en est de même aussi pour vous, j'en suis bien persuadé—et nous voulons nous assurer, alors que nos fidèles combattants se dirigent vers des côtes et des mers étrangères pour défendre nos libertés, que nous faisons tout ce que nous pouvons sur notre territoire pour lutter contre le terrorisme.

C'est pourquoi l'Alliance canadienne a déposé le 18 septembre un certain nombre de dispositions législatives en ce sens. Je reconnais que pour des raisons qui lui sont propres, le gouvernement a voté contre ces dispositions, mais aujourd'hui vous faites un pas en avant. Un certain nombre des dispositions que nous proposions ont été prises en compte et figurent effectivement dans le projet de loi.

Ce qu'il faut éviter—et je fais cette observation en guise d'introduction—lorsqu'on confectionne un filet visant à attraper ceux qui abusent de nos libertés, lorsqu'on étend ce filet, c'est de laisser des trous béants. Dans un tel cas, tout ce qu'il y a de bon dans ce filet ne servira à rien étant donné qu'il y a des trous. Lorsque je pense que les propres services de sécurité et de contre-espionnage du gouvernement l'ont averti à maintes reprises que l'on avait besoin de dispositions plus rigoureuses et plus efficaces en matière d'immigration et de droits des réfugiés ainsi que de dispositions permettant de réprimer les infractions dans le Code criminel—il s'agit là des propres services de sécurité du gouvernement—je vois bien que l'on s'est fait l'écho de nos préoccupations.

C'est pourquoi je vous renvoie aux observations faites mardi dernier dans le cadre de la conférence internationale sur le recyclage de l'argent qui s'est tenue à Montréal. Le sergent Philippe Lapierre de la section des enquêtes de sécurité nationale à la GRC au sein de la direction de lutte contre le terrorisme a évoqué la question, la façon dont les terroristes agissaient en fait au Canada.

En voyant cette loi, je pense à ces observations. Je vais le citer très rapidement. Il ne parlait pas de tous ceux qui arrivent chez nous, et ce n'est pas non plus ce que nous faisons, mais il a déclaré, en ce qui concerne ceux qui cherchent à abuser de notre système: «Certains [d'entre eux] viennent ici avec une mission, d'autres arrivent pour leur propre compte et sont recrutés.» Il a précisé cependant que tous avaient la même façon d'opérer. Ils appliquent le mode opératoire suivant.

• 1605

Ils commencent par demander—frauduleusement—à bénéficier du statut de réfugié. Cela leur permet de rester chez nous. Puis ils demandent de bénéficier de l'assurance santé et des prestations du bien-être. Souvent, ils commettent des délits tels que fraudes ou vols simples—et là encore, il faut que nos dispositions soient très claires—et ils exploitent souvent un commerce légitime qui leur sert de façade pour recycler l'argent tiré de leurs activités clandestines. Je vous citerai pour mémoire—même s'ils sont tirés de vos propres dossiers—les noms d'un certain nombre de personnes qui ont procédé de cette manière, parmi lesquelles il ne faudrait pas oublier, bien évidemment, Al-Marabh, un prétendant au statut de réfugié dont la demande a été rejetée et qui n'a été ni détenu, ni expulsé. Il faisait l'objet à l'époque d'une inculpation pénale au Massachusetts et il est possible qu'il ait pris part aux atrocités qui ont eu lieu à New York. Je ne peux qu'imaginer ce qui aurait pu se passer ou ne pas se passer s'il avait été détenu.

À bon droit, lorsqu'on examine les dispositions de ce projet de loi—à bon droit mais c'est bien malheureux—on impose des limitations nécessaires mais regrettables aux libertés des citoyens et des demandeurs respectueux des lois.

Il m'apparaît qu'il y a un manque d'équilibre, qu'on s'attache en fait à renier les libertés, et c'est bien regrettable, de ceux qui respectent les lois et qui les appliquent. Il semble que l'on hésite, ce que je comprends mal, à arrêter et à expulser ceux qui sont venus chez nous sans papiers et éventuellement par des moyens douteux. Voilà le sens de ma question. Nous examinons la loi. Elle est très détaillée et elle comporte de nombreuses pages.

Est-ce que l'un des deux ministres, monsieur le président, peut nous indiquer précisément les nouvelles dispositions, les nouveaux articles, accordant aux pouvoirs publics des moyens dont ils ne disposaient pas auparavant—soit la possibilité en vertu des dispositions du Code criminel et d'autres lois de placer en détention et éventuellement d'expulser ceux qui constituent un danger pour nous? Pouvez-vous nous préciser la chose? Par ailleurs, est-ce que l'un ou l'autre des ministres peut nous expliquer à nouveau pour quelle raison il semble que l'on ait mis l'accent—c'est nécessaire jusqu'à un certain point—sur une présence accrue de la police chez nous, sur notre territoire, sans que l'on insiste autant sur les changements qui doivent s'appliquer aux gens qui viennent de l'extérieur, hors de notre territoire?

Donc, tout d'abord, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les dispositions précises? La ministre nous a parlé des moyens devant permettre d'identifier les intéressés et de les placer en détention. Commençons par les dispositions qui se trouvent ici et qui s'appuient, c'est indispensable, sur le Code criminel, de façon à permettre l'identification, la détention et l'expulsion si nécessaire. Pouvez-vous nous indiquer les clauses précises?

M. Lawrence MacAulay: Je vous remercie.

Nous pouvons vous citer des dispositions qui ne figurent pas dans ce projet de loi mais dont on pourra se prévaloir, comme celles qui ont trait aux renseignements précédant l'entrée. Elles se trouvent dans le projet de loi S-23 du Sénat. Elles exigeront que l'on recueille des renseignements avant que les personnes n'arrivent dans notre pays. Vous n'ignorez pas que l'on a installé dans les aéroports des détecteurs branchés sur les banques de données de la GRC et du FBI. Si les empreintes digitales d'une personne ayant commis une infraction criminelle se retrouvent dans les banques de données de la GRC ou du FBI, elles apparaîtront immédiatement sur les détecteurs situés à l'entrée de nos aéroports. C'est là l'une des dispositions mises en place le mois dernier pour améliorer nos systèmes.

M. Stockwell Day: Monsieur le président, le ministre fait référence, et je l'en félicite...

M. Lawrence MacAulay: Ce n'est pas dans ce projet de loi, mais vous nous avez demandé quelles étaient les dispositions mises en place par notre gouvernement, et cela en fait partie.

En outre, et vous le savez pertinemment, nous avons bien entendu affecté 280 millions de dollars à un certain nombre d'organismes. Nous accordons davantage de crédits à la GRC, ce qui lui permettra...

M. Stockwell Day: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'apprécie que l'on ait pris ces dispositions, qui fournissent des ressources supplémentaires. Nous les avons demandées, et j'en prends acte. À notre époque, le recours à la technologie est indispensable et je félicite le ministre d'agir avec détermination dans ces domaines, mais lorsque par l'intermédiaire du détecteur les pouvoirs publics sont informés grâce à une empreinte digitale ou par tout autre moyen qu'un individu peu recommandable se présente à notre porte, quelles sont les dispositions précises qui nous confèrent désormais des pouvoirs supplémentaires et qui s'appuient sur le Code criminel afin de nous permettre de placer cette personne en détention tout le temps qu'il faudra—deux semaines, trois semaines—et l'expulser si nécessaire plutôt que de la laisser en liberté?

• 1610

Le Sénat a fait savoir que ces dispositions ne figuraient peut-être pas dans le texte qui lui était soumis. Je vous demande si elles figurent dans ce texte.

Mme Anne McLellan: Tout d'abord, monsieur Day, n'oubliez pas que lorsque nous parlons d'expulsion, par exemple, la question relève d'une autre loi distincte. Il s'agit d'une procédure administrative qui relève des dispositions de la Loi canadienne sur l'immigration. Cela ne fait pas partie du droit pénal et l'on ne mentionne pas l'expulsion dans ce projet de loi. Nous n'avons jamais eu l'intention de faire figurer la question de l'expulsion dans une loi visant expressément les terroristes.

Bien évidemment, lorsque l'un d'entre eux se retrouve dans notre pays, notre loi nous autorise, par exemple, à l'arrêter préventivement. La garde à vue nous permet de prendre ses empreintes digitales. Elle nous permet de prendre sa photographie. Elle nous autorise, sous contrôle judiciaire, à le garder ou à le maintenir en détention pendant une période pouvant aller jusqu'à 72 heures, si un juge l'autorise. Dans l'intervalle, d'autres procédures peuvent être intentées contre cette personne, notamment des procédures en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration, y compris l'expulsion.

Vous avez évidemment raison de poser cette question. Elle nous préoccupe tous et nous voulons nous assurer que nous ne laissons pas entrer dans notre pays les terroristes et ceux qui les appuient. Une fois qu'ils sont chez nous, nous avons les moyens de contrer leurs agissements avant qu'ils portent préjudice à notre population ou à nos alliés dans le monde.

Nous estimons que ce texte nous donne des moyens de prévention. Il complète, sur des points très importants, les dispositions actuelles du Code criminel et les procédures telles que l'expulsion aux termes de la Loi sur l'immigration.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons donner la parole, pendant sept minutes, à M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup. Mes questions vont s'adresser à la ministre de la Justice.

Soyez assurée que nous, du Bloc québécois, allons étudier ce projet de loi très sérieusement, un peu comme nous le faisons régulièrement pour d'autres projets de loi. On va lui accorder tout le sérieux qu'il mérite. J'inviterais également les députés du gouvernement à en faire autant pour un projet de loi semblable.

Madame la ministre, au cours de cette semaine, on vous a posé régulièrement des questions relativement à deux points très précis. Le premier se situe au niveau de la révision annuelle de cette loi. Compte tenu des pouvoirs excessivement spéciaux inclus et étant donné que c'est un projet de loi exceptionnel qui mérite, je pense, un traitement exceptionnel, on devrait réviser la loi qui en découlera à tous les ans et non pas attendre trois ans. Si le motif qui justifie l'examen à tous les trois ans vise à permettre qu'elle soit appliquée et qu'il faille attendre trois ans pour voir si elle l'est, il y a un problème. On va se poser des questions sur la raison d'être de cette loi. S'il y a urgence à avoir une loi, ça veut dire qu'elle sera appliquée rapidement, et on pourra voir rapidement s'il y a des abus ou non. Un délai d'un an serait raisonnable.

L'autre point primordial pour nous, c'est celui de l'inclusion de clauses crépusculaires, de clauses de limitation temporelle, dans le temps—et on n'invente rien—, comme les États-Unis l'ont fait dans leur loi. Madame la ministre, vous avez cité les États-Unis à deux reprises. Vous avez pris deux exemples des États-Unis. Un des exemples que vous devriez retenir, c'est qu'aux États-Unis, ils ont mis un délai de trois ans dans la loi, renouvelable pour deux ans, mais pour un maximum cinq ans. Ils reviendront et recommenceront si jamais le terrorisme n'est pas terminé dans cinq ans.

La France, une autre alliée du Canada, vient tout juste d'adopter une loi pour la sécurité quotidienne. Elle est allée encore plus loin que les États-Unis; elle a mis une date butoir: le 31 décembre 2003. Et je peux vous dire que la loi en France va beaucoup moins loin, qu'elle est beaucoup moins exceptionnelle que le projet de loi du Canada.

Donc, oui, je vais faire un travail sérieux, madame la ministre, mais je voudrais que vous me répondiez sérieusement. Pourquoi refusez-vous catégoriquement ou, en tout cas, pourquoi laissez-vous planer un doute? Je ne veux pas qu'il y ait de doute. Je veux que vous donniez des directives précises, parce que j'ai une expérience du comité qui remonte à 1993. S'il n'y a pas de volonté politique, on aura beau échanger, on aura beau avoir une série de témoins qui viendront dire le contraire de ce que vous dites, si votre idée est faite, vous ne la changerez pas.

• 1615

Je peux nommer la Loi sur les jeunes contrevenants. Aucun témoin du Québec n'en voulait et vous l'avez adoptée quand même.

Sérieusement, madame la ministre, pourquoi n'acceptez-vous pas que le projet de loi contienne une disposition prévoyant sa révision dans un an? Pourquoi n'y a-t-il pas de clause crépusculaire pour certaines parties de la loi qui donnent des pouvoirs extraordinaires? Je ne parle pas des conventions internationales; elles, elles peuvent rester. Ça fait longtemps qu'elles auraient dû être adoptées au Canada, mais pourquoi n'y a-t-il pas de date butoir pour tous les pouvoirs extraordinaires? Je peux vous dire que si ça existait, cela pourrait rassurer une grande partie de la population qui s'inquiète de l'application de cette loi.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: J'ai bien précisé que le gouvernement avait étudié cette question de très près. On nous a dit que la meilleure solution était d'adopter le principe d'une révision, effectuée soit par la Chambre, soit par un comité mixte de la Chambre et du Sénat, au bout de trois ans. Nous considérons qu'un délai de trois ans est raisonnable pour évaluer dans quelle mesure le terrorisme reste menaçant. J'espère que personne n'est assez naïf autour de cette table pour penser que l'on va se débarrasser du terrorisme en trois ans. Ce sera un délai suffisant pour nous permettre d'examiner l'utilité, l'efficacité et l'application de la loi.

J'ai aussi indiqué, monsieur Bellehumeur, que c'était là l'une des questions sur lesquelles j'attendais avec le plus d'intérêt la participation de votre comité. Vous ne prétendez pas, j'espère, que les débats qui ont eu lieu aux États-Unis sur cette question de la date butoir aient été faciles. En fait, le Sénat et la Chambre des représentants ne se sont pas entendus sur la question. Le Sénat voulait qu'une date butoir soit fixée et la Chambre des représentants s'y opposait. Ils ont adopté deux textes législatifs différents. Vous n'ignorez pas que les deux Chambres se sont désormais réunies aux États-Unis afin d'essayer de concilier leurs positions.

Autant que l'on puisse en juger pour l'instant, il y aura un compromis et une date butoir sera prévue au bout d'un certain nombre d'années; je crois savoir que l'on a prévu pour l'instant un délai de quatre ans. Il ne s'applique, ce qui est intéressant, qu'aux dispositions traitant de la surveillance électronique.

Je ne veux donc laisser à personne l'illusion que ces discussions sont faciles. Elles sont importantes si nous voulons nous assurer que l'on n'abuse pas de certaines de ces mesures et que les droits et libertés des Canadiens ne sont pas limités ou restreints sans raison du fait de leur application.

Je prends acte de votre argumentation. C'est pourquoi j'ai bien envie de savoir si la révision est selon vous le meilleur mécanisme. Vous n'êtes pas de cet avis, monsieur Bellehumeur. Vous allez entendre de nombreux intervenants qui comprennent la procédure parlementaire et les différents mécanismes en jeu et j'ai besoin de vos conseils. Est-ce que la meilleure façon d'agir est de procéder à une révision au bout d'un certain temps? Est-ce qu'une date butoir est préférable? Dans l'affirmative, dans quel délai et à quelles dispositions doit-elle s'appliquer? Comme vous en convenez vous-même, monsieur Bellehumeur, nous n'allons pas imposer une date butoir à notre application des conventions de l'ONU.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame la ministre, si vous vous interrogez encore sur notre position relativement à la révision dans un an et à la clause butoir, il y a un problème, parce qu'on a a été extrêmement clairs à ce niveau-là. J'espère que les conseils que vous avez eus sont autres que ceux qu'on a entendus de vos sous-ministres lundi. À la question de savoir pourquoi il n'y avait pas de date butoir, on nous a répondu tout simplement que c'était parce que ça ne faisait pas partie de la tradition au Canada. Je pense que ça ne fait pas partie de la tradition d'avoir des lois exceptionnelles comme celle qui découlera de ce projet de loi non plus, et on en aura une. Dans un cas exceptionnel, ça prend des mesures exceptionnelles, et on devrait aller dans ce sens-là.

Je vais vous donner un cas pratique, et je finirai comme ça. Ce ne sera pas long, monsieur le président. J'aurais beaucoup de questions à poser, mais je vais prendre un cas pratique.

Prenons la définition d'«activité terroriste». Il y a un syndicat dont l'objectif politique est d'intimider un gouvernement pour qu'il accomplisse un acte: signer une convention ou bien régler un grief. Et cette grève illégale, cette mesure de pression illégale fait en sorte de perturber gravement ou de paralyser des services essentiels.

• 1620

Dans votre tête à vous, si on applique textuellement la définition que vous avez mise dans votre projet de loi, est-ce que ce syndicat est un terroriste? Est-ce qu'il pose des actes terroristes?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non, et je l'ai bien précisé.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Comment va-t-on faire pour le soustraire à l'application de cette définition-là?

Le président: Madame la ministre.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non. J'ai dit non. Je l'ai bien précisé. Je pense qu'il faut bien comprendre la motivation ici. Cette loi vise les activités terroristes et nous avons défini cette expression. Elle renvoie aux organisations ou aux individus qui cherchent à atteindre leurs objectifs en recourant à la terreur.

Si vous laissez entendre par là que les responsables de l'application des lois doivent faire preuve à la marge d'un certain pouvoir d'appréciation, je suis bien d'accord, même si je ne pense pas que ce soit le cas dans l'exemple que vous donnez. Le cas que vous citez, c'est clair à mes yeux, n'est pas visé par cette définition et ne constitue pas une activité terroriste.

N'oubliez pas, mesdames et messieurs, qu'à l'heure actuelle les organismes chargés de l'application des lois exercent quotidiennement ce pouvoir d'appréciation lorsqu'il s'agit de savoir s'il faut inculper ou non une personne. Nous devons être vigilants, j'en conviens, mais nous devons aussi comprendre dans quel cadre nous nous situons.

Je vous le répète, si votre comité peut apporter des ajustements qui répondent néanmoins à notre objectif, de façon à nous permettre de frapper au coeur de l'activité terroriste, et s'il est possible de formuler les choses de manière plus précise, nous sommes tout disposés, moi et mes collègues du gouvernement du Canada, à envisager la chose. Nous voulons nous aussi éviter d'englober sans le vouloir et par ricochet des protestations légitimes qui ne sortent pas de la légalité, et même des protestations susceptibles d'impliquer des actes de violence, qui doivent relever des dispositions actuelles du Code criminel.

Le président: Merci, madame la ministre. Vous pourrez constater que notre comité a lui aussi hâte de prendre part à cette opération.

Monsieur Blaikie, vous disposez de sept minutes.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

Je suis d'accord avec la ministre de la Justice pour dire que cette discussion n'est pas facile et que, par conséquent, nous ne devons pas entériner trop facilement le principe de la révision parlementaire. Je siège depuis assez longtemps en ces lieux pour avoir assisté à l'adoption d'un certain nombre de lois, et l'on m'a garanti à maintes reprises qu'une révision parlementaire de trois ans ou de cinq ans... J'ai vu des comités se réunir pour procéder à ce genre de révision, faire des recommandations à l'unanimité et constater que le gouvernement n'en tenait absolument aucun compte. J'ai pu constater que certaines révisions qui devaient avoir lieu étaient retardées de plusieurs mois ou de plusieurs années. J'ai donc du mal à accepter le principe selon lequel une révision parlementaire est suffisante.

L'une des difficultés de cette loi au sein du gouvernement, c'est qu'elle pose une question de confiance. Malheureusement, vous abordez cette loi dans un climat de méfiance. Il y a eu des incidents ces dernières années qui ont montré que la dissidence politique légitime—du moins aux yeux de certains—n'avait pas été traitée avec le respect qui lui était dû. Que vous le vouliez ou non, vous abordez cette question dans un climat de méfiance.

Il m'apparaît que l'imposition d'une date butoir est l'une des façons s'instaurer la confiance. C'est une façon de dire: «Voyez, nous sommes sincères. Nous ne cherchons pas simplement à vous apaiser avec une révision parlementaire. Nous cherchons vraiment à démontrer notre sincérité en la matière.»

Je pense que la ministre est déjà prête à accepter la chose et, si j'interprète bien ses propos, elle est disposée à s'en accommoder. De toute évidence, il semble que tous les partis au sein de notre comité soient prêts à faire preuve ici d'un esprit d'ouverture lorsqu'il s'agit de savoir quelles sont les dispositions de ce projet de loi auxquelles pourrait être appliquée une date butoir. J'en conviens avec vous, ce n'est pas possible dans tous les cas. Il n'est pas question d'imposer une date butoir pour ce qui est de notre application des conventions de l'ONU. J'exhorte donc la ministre à envisager d'imposer sagement une date butoir, non seulement parce que la chose est bonne en soi, mais aussi pour régler cette question de confiance.

En second lieu, il y a toute la question—et les deux choses sont liées—qui entoure la dissidence légitime. Ma question n'est peut-être pas très différente de celle que vous a posée M. Bellehumeur, mais je m'inquiète, comme d'autres, de voir qu'en parlant de ce projet de loi, vous évoquez les questions de dissidence, de protestation et de revendication légitime, ainsi que les grèves. Je pense que bien des gens aimeraient que l'on nous dise plus clairement que ce projet de loi ne vise pas des activités qui relèvent d'ores et déjà des dispositions actuelles du Code criminel. Si la violence ne découle pas seulement d'activités légales... Imaginons, par exemple, qu'il y ait une grève illégale, ou une grève sauvage, et qu'un événement se produise, ou que des gens bloquent une route pour protester contre des activités d'exploitation forestière: dans certaines circonstances, la chose pourrait être interprétée comme une menace pour le public ou comme l'interruption d'un service essentiel.

• 1625

Je pense que la population a besoin de savoir que ce type d'activité n'est aucunement visé par la loi. Il serait utile que vous nous expliquiez pour quelle raison, si c'est le cas, il n'en est pas ainsi, ou ce que l'on pourrait faire éventuellement pour que ce soit tout à fait clair, parce que c'est l'une des choses qui inquiètent vraiment la population.

Mme Anne McLellan: Comme je pense l'avoir dit en réponse à M. Bellehumeur, c'est une question que nous avons étudiée de très près, je peux vous le garantir, au sein du comité sur la sécurité nationale. Nous avons discuté en long et en large de cette définition et de la façon dont on pouvait cerner l'activité terroriste, parce que ces préoccupations sont aussi les nôtres. C'est pourquoi la définition apparaît sous cette forme. Ce n'est pas exclusif, de sorte que la personne visée doit répondre aux trois types de conditions, si vous voulez.

Je comprends cependant votre argument selon lequel, en dépit de tout ça, il est probable que l'on puisse trouver des exemples permettant de penser, lorsqu'on ne comprend pas bien l'intention de la disposition ou lorsqu'on l'interprète ou l'applique de manière superficielle, que ce genre d'activité peut être visé. Je vous le répète, cependant, on se réfère ici à ceux qui ont recours à la terreur. Le fait de bloquer un pont n'est pas une activité terroriste. La motivation n'est pas la terreur; on ne recourt pas à la terreur. Ce n'est pas non plus le cas lorsqu'on a recours à une grève illégale. Les gens qui descendent dans la rue, même en cas d'arrêt de travail illégal, ne sont pas motivés par le besoin d'imposer la terreur. Cette activité peut être préjudiciable pendant un certain temps et peut donner lieu à des inculpations, tant au pénal qu'au civil, en vertu des lois provinciales et éventuellement fédérales, mais elle ne relève pas de la présente définition.

Je pense qu'il faut toujours en revenir à l'imposition de la terreur. C'est à cela que nous avons affaire. Il s'agit du recours à la terreur pour atteindre ses propres objectifs, qu'il s'agisse d'intimider le public ou une partie de celui-ci, ou de miner, de menacer ou de remettre en cause la sécurité nationale ou la sécurité publique. Je pense que ce sont là les éléments importants. Même une grève illégale ne remet pas en cause la sécurité nationale ou la sécurité du public.

M. Bill Blaikie: Bien, monsieur le président, je dirai pour finir que j'invite particulièrement la ministre et ses collaborateurs à faire preuve d'un esprit d'ouverture si nous cherchons éventuellement à préciser bien clairement la chose dans la loi...

Mme Anne McLellan: Oh, bien évidemment, je suis tout à fait d'accord. Je pense que dans toute la mesure du possible, je vous ai bien précisé...

M. Bill Blaikie: Ce projet de loi est aussi clair que vous avez pu l'être.

Mme Anne McLellan: ... nos intentions. S'il y a toutefois une façon de formuler la chose qui vous paraît mieux rendre compte de notre objectif, je vous invite à nous en faire part, parce que nous cherchons à frapper au coeur de l'activité terroriste et à nous en prendre à ceux qui ont recours à la terreur en menaçant notre pays et la sécurité publique. S'il est possible de mieux formuler ces dispositions sans restreindre la définition de façon à ne pas nous empêcher de lutter efficacement pour garantir notre sécurité, nous sommes prêts à envisager la chose.

Le président: Merci, monsieur Blaikie et madame la ministre.

Peter MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les deux ministres et leurs collaborateurs de leur comparution.

[Français]

Nous sommes très heureux de votre présence.

[Traduction]

J'ai une ou deux questions à poser. Tout d'abord, pour ce qui est des nouveaux moyens qui s'imposent, je ne doute pas un instant que cette législation soit nécessaire. Je m'inquiète, comme bien des gens, de savoir comment, dans la pratique, on va pouvoir effectivement appliquer ces nouveaux articles pour notre plus grand profit. J'ai déjà été procureur dans une petite ville et, si j'avais le choix d'inculper quelqu'un d'une infraction, notamment si elle s'était traduite par un meurtre, par exemple, je me demanderais s'il est bien utile de procéder au titre des dispositions de ces nouveaux articles. Il incomberait au procureur de prouver l'intention coupable nécessaire en ce qui a trait au motif idéologique, religieux ou politique ayant amené à commettre l'infraction. J'ai l'impression que, dans la pratique, cette motivation, ce nouvel élément lié à l'intention coupable, serait très difficile à prouver dans certains cas.

• 1630

On peut en dire autant des infractions moins graves: le fait de déposer une bombe, d'administrer une substance nocive ou de commettre un délit quelconque. Il y a là une nouvelle exigence, le ministère public ayant de toute évidence la charge de prouver la chose hors de tout doute raisonnable. C'est ma première question.

En ce qui a trait à deux des éléments les plus controversés que vous avez avancés—les gardes à vue et les audiences d'investigation—est-ce que les deux choses sont liées? Est-ce que les gardes à vue donnent lieu à des audiences d'investigation? Je me pose la question des restrictions qui sont imposées au titre des dispositions liées à ce genre de garde à vue.

Ce qui est peut-être encore plus important au sujet des dispositions s'appliquant aux audiences d'investigation—et je les ai relues plusieurs fois—vous avez dit de façon assez juste que l'intéressé conservait ses droits en vertu de la charte. Il conserve ses droits en matière de divulgation et de recours à un avocat. Je vous fais remarquer qu'il ne conserve pas le droit de garder le silence. La personne placée en détention lors d'une audience d'investigation est tenue de témoigner. Ce témoignage ne peut lui être opposé. Selon mon interprétation de la loi, si la personne impliquée avoue ou fait une déclaration qui l'inculpe totalement, ce témoignage ne peut pas être utilisé à son encontre. Si elle avoue qu'elle a bien placé une bombe dans tel ou tel bâtiment, on ne peut pas venir par la suite utiliser cette déclaration à son détriment lors d'un procès.

On peut l'obliger à apporter des preuves matérielles lors de l'audience d'investigation. Par conséquent, est-ce que ces preuves matérielles, recueillies lors de l'audience, peuvent être utilisées dans un procès? On nous dit que les juges ne peuvent s'en servir que dans le but de contredire l'intéressé ou lors d'une inculpation de faux témoignage qui peut être prononcé par la suite. Je me pose la question de savoir comment on va procéder à ces audiences d'investigation. Si vous le pouvez, j'aimerais que vous nous en fassiez connaître le fonctionnement.

Vous avez évoqué les chambres d'accusation aux États-Unis. La chose se passe devant un juge. Je vous demande, à vous-même et au solliciteur général, étant donné le nombre d'affaires en retard qui sont aujourd'hui devant les tribunaux, si l'on va nommer de nouveaux juges du fait de la nouvelle procédure qui est mise en place?

Enfin, sur cette question de financement, le solliciteur général a évoqué dans son exposé le mandat qui consiste à rechercher les terroristes et la nécessité de recourir à de nouveaux moyens pour les retracer. Les besoins entraînés par cette nouvelle législation imposeront par ailleurs la nécessité de disposer de nouveaux équipements, de recourir à des systèmes de repérage par satellite, de faire travailler nos agents en heures supplémentaires et de former davantage d'agents en mesure d'utiliser ce matériel de communication complexe. L'utilisation de ce matériel perfectionné exige une bonne formation.

Le solliciteur général nous a lancé toutes sortes de chiffres concernant de nouveaux crédits, mais qu'allons-nous faire désormais en ce qui a trait au SCRS? Il va être chargé ici d'une grande partie de l'application de la loi ou du travail effectué sur le terrain, si vous préférez, afin de traquer le terrorisme, et pourtant ses budgets ont été largement réduits, soit de 74 millions de dollars depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Plus de 700 membres du personnel de ce seul ministère ont été renvoyés, de sorte qu'il y a une certaine pénurie. Si vous mettez en place cette législation, cela doit s'accompagner de l'apport de certaines ressources.

Enfin, j'aimerais interroger la ministre de la Justice au sujet de l'extradition d'une personne appartenant éventuellement à l'organisation Al-Qaeda ou, mieux encore, de quelqu'un comme M. Ben Laden lui-même. Si une telle personne venait à entrer illégalement au Canada et que cela venait à la connaissance de nos services chargés de la répression ou de nos forces de sécurité et si on la plaçait en détention, elle ne pourrait pas être actuellement extradée vers un pays comme les États-Unis, qui applique la peine de mort, à moins que la ministre soit disposée à se décharger de sa compétence.

• 1635

Il y a eu récemment devant la Cour suprême du Canada un cas que connaît la ministre, soit l'affaire Burns et Rafay. La ministre serait-elle en mesure de renoncer à sa compétence dans un cas comme celui-ci pour qu'un individu comme M. Ben Laden puisse être extradé vers les États-Unis ou vers tout autre pays susceptible d'appliquer la peine de mort.

Le président: Merci, monsieur MacKay. Je voulais justement mentionner ce point pour que ce soit pris en compte...

Mme Anne McLellan: Oui, il y a de nombreux points soulevés ici et mon collègue, le solliciteur général, vous répondra sur le problème des ressources et sur les moyens techniques exigés par l'application de la loi et le recueil des renseignements.

Je commencerai par la question de l'extradition. Je veux que ce soit tout à fait clair pour que les gens comprennent bien ce qu'a dit effectivement la Cour suprême dans l'affaire Burns et Rafay. La Cour suprême a déclaré que le procureur général du Canada conservait le pouvoir discrétionnaire d'extrader sans garantie dans des circonstances exceptionnelles. Par «sans garantie» on entend le fait que rien ne garantit que la peine de mort ne sera pas demandée. La cour a reconnu que le procureur général disposait de ce pouvoir discrétionnaire et qu'il pouvait l'exercer dans des circonstances exceptionnelles pour extrader une personne sans garantie.

En ce qui me concerne, et ce sera aussi le cas de tout autre procureur général à l'avenir, je prends ces décisions au coup par coup. Je me prononce en fonction des faits et de la situation propre à la personne dont on demande l'extradition, et je détermine sur cette base si des circonstances exceptionnelles justifient que l'on extrade cette personne sans garantie. C'est ce que l'on fait dans chaque cas. On doit se prononcer d'après la situation de chacun.

Je ne veux pas que l'on se méprenne. La cour a conféré au procureur général un pouvoir discrétionnaire dans des circonstances exceptionnelles et c'est ce qui ressort de l'arrêt Burns et Rafay.

Pour ce qui est des audiences d'investigation et de la garde à vue, j'ai indiqué très brièvement dans mon exposé que l'audience d'investigation n'est pas une chose nouvelle dans notre droit. Elle l'est au regard de notre Code criminel, mais ce n'est pas nouveau dans notre droit. L'audience d'investigation existe dans notre Loi sur la concurrence et d'ailleurs, comme je l'ai déjà dit, nous procédons à des audiences d'investigation pour le compte d'autres pays dans le cadre de nos accords d'aide mutuelle en matière juridique. Nous ne faisons qu'étendre le mécanisme d'audiences d'investigation aux questions liées précisément au terrorisme—en mettant l'accent sur le terrorisme—dans le cadre de notre Code criminel.

L'audience d'investigation fait appel à un juge et d'ailleurs, comme l'a fait remarquer mon collaborateur, M. Mosley, elle exige aussi le consentement du procureur général du Canada, à titre de précaution supplémentaire. Elle implique toutefois l'intervention d'un juge et, effectivement, l'intéressé est tenu de témoigner.

Monsieur MacKay, je vous rappelle que notre droit, tel que je le comprends—mais M. Mosley pourra en parler bien mieux que je ne puis le faire—ne comporte en fait aucune règle nous empêchant d'imposer un témoignage aux termes de la loi ou de la Constitution. Notre Constitution interdit, par le biais de la Charte, qu'un accusé s'incrimine lui-même, mais il y a une nette différence entre notre pays et les États-Unis. On ne peut pas se prévaloir chez nous du cinquième amendement, mais on est effectivement protégé contre le fait de s'incriminer soi-même, c'est là la différence essentielle.

L'audience d'investigation peut jouer à notre avis un rôle important en matière de prévention, soit pour détecter et faire échouer au départ des menaces et des activités terroristes éventuelles afin d'empêcher que les terroristes ne montent dans l'avion. Une fois qu'ils sont dans l'avion, c'est trop tard.

Vous vouliez me parler de la garde à vue?

Le président: Oui, si vous pouviez le faire très rapidement, parce que nous avons une longue liste d'intervenants et parce que nous avons largement dépassé sept minutes.

Mme Anne McLellan: Bien. J'ai évoqué rapidement la chose dans mon exposé. La garde à vue, je le répète là encore, comporte d'importants garde-fous. C'est une question qui est soumise à un juge. On ne procède là encore qu'avec mon consentement, sauf dans les cas d'urgence. Dans les 24 heures, il faut être traduit devant un juge. Celui-ci vous libère, avec ou sans condition, dans les 72 heures, ou alors il vous inculpe.

• 1640

Est-ce qu'il faudra des ressources judiciaires supplémentaires? Nous ne savons pas pour l'instant combien d'affaires, combien d'enquêtes relèveront de ces nouvelles dispositions. Nous avons cependant prévu dans la loi d'augmenter éventuellement les effectifs de la Cour fédérale au cas où l'on déterminerait que la charge de travail est telle qu'il faut pouvoir disposer de juges supplémentaires. Nous sommes très sensibles au problème.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur DeVillers, vous disposez de sept minutes.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie les deux ministres d'être venus avec leurs collaborateurs. Il n'est pas dans mon intention de contre- interroger les ministres et je n'aime pas beaucoup non plus leur passer de la pommade, de sorte que je vais m'adresser à leurs collaborateurs, si vous me le permettez.

Mme Anne McLellan: Bien, avec Lawrence, nous pouvons maintenant partir.

M. Paul DeVillers: Même si sur la scène politique et si dans les médias on nous dit que rien n'a été fait depuis le 11 septembre, il est évident que les fonctionnaires n'ont pas manqué de s'activer et je les félicite de la tâche qu'ils ont réussi à accomplir pendant cette courte période.

Je tiens par ailleurs à lancer le dossier législatif en prévision des contestations judiciaires qui vont intervenir de la Charte, ce qui me paraît très plausible. C'est donc sur ce point que porte précisément ma question: dans les domaines que je peux envisager—la surveillance électronique, la garde à vue et les audiences d'investigation, par exemple—quel est le travail qui a été fait pour rédiger ces dispositions en tenant compte des droits reconnus par la Charte?

Mme Anne McLellan: Je vais demander à M. Mosley ou à M. Piragoff de répondre à cette question de façon détaillée mais je peux vous assurer, comme je l'ai déjà dit ailleurs publiquement, que la constitutionnalité de ce projet de loi a fait l'objet d'une analyse très, très rigoureuse. En fait, nous avons intégré notre équipe de la charte, notre unité de spécialistes, et c'est une façon de faire que nous adoptons de plus en plus fréquemment mais nous l'avons fait ici, au groupe chargé des politiques, à nos rédacteurs, de façon qu'il y ait un dialogue constant entre les spécialistes de la Charte, notre groupe d'élaborateurs de politiques et celui des rédacteurs pour que chaque disposition fasse l'objet d'une analyse approfondie. En fait, les constitutionnalistes ont envoyé à nos rédacteurs de politiques un certain nombre de suggestions utiles qui ont été incorporées à ce projet de loi, notamment les protections qui entourent les audiences d'investigation et la garde à vue.

Comme beaucoup le savez probablement, cette question va tourner autour de l'article 1 et il faudra montrer, le cas échéant, si l'on pense que certains droits ont été restreints, que ces limites sont raisonnables et qu'elles peuvent se justifier dans une société libre et démocratique. C'est ce que nous aurons à démontrer.

M. Paul DeVillers: Oui.

Mme Anne McLellan: J'ai déjà dit, et je le répète, que si nous voulons vivre dans une société libre et démocratique, il faut préserver un élément essentiel, à savoir la sécurité des citoyens.

La sécurité des citoyens est une partie intégrante d'une société libre et démocratique. Sans cette sécurité, je ne vois pas comment l'on pourrait avoir dit que nous vivons dans une société libre et démocratique.

Voilà donc mon point de départ. La sécurité ne porte pas atteinte aux droits des citoyens; la sécurité est un élément absolument fondamental à tout ce que nous voulons protéger avec la charte et à toutes les valeurs que nous partageons en tant que Canadiens. Il ne faudrait donc pas penser que ces aspects s'opposent. Il faut évidemment trouver un équilibre mais ces notions ne s'excluent pas. Mon collègue, Irwin Cotler, peut vous parler de cet aspect de façon beaucoup plus éloquente que moi mais je considère que la sécurité des citoyens est un aspect essentiel d'une société libre et démocratique et qu'il faut préserver cette sécurité.

• 1645

Rick ou Don, vous voulez peut-être ajouter quelque chose à ce qui vient de se dire.

M. Richard G. Mosley (sous-ministre adjoint, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Je serais heureux de le faire, madame la ministre, et je vous remercie de m'en fournir l'occasion.

Tout d'abord, le projet de loi ne traite pas beaucoup de la question de l'écoute électronique. Il reprend toutefois trois mesures qui ont été introduites dans notre Code criminel en 1997. Elles ont été utilisées dans le projet de loi C-24, que le Sénat est en train d'étudier, pour les nouvelles infractions relatives au crime organisé et elles sont utilisées dans ce projet de loi pour les nouvelles infractions en matière de terrorisme. Nous aurons l'occasion d'examiner à loisir sur cette question lorsque je reviendrai devant votre comité.

Je tiens toutefois à souligner que, dès le départ, le conseil des droits de la personne et le ministère de la Justice ont travaillé en étroite collaboration à la rédaction des propositions que contient le projet de loi, en particulier pour ce qui est de la garde à vue et de l'audience d'investigation, tout comme pour les autres dispositions. Lorsque nous avons rédigé les différentes options destinées à être présentées aux ministres et lorsque nous avons formulé le projet de loi, nous avons toujours tenu compte des aspects constitutionnels des différentes dispositions et nous les avons, le cas échéant, modifiées de façon à respecter les droits des citoyens.

Parallèlement, bien entendu, nous avons appliqué le critère de l'efficacité. Pour qu'une mesure soit incorporée dans le projet de loi, il fallait qu'elle soit efficace, qu'elle contribue à l'objectif recherché par cet ensemble de mesures législatives.

Mais je dirais pour ce qui est de la garde à vue, par exemple, qu'il existe de nombreuses garanties: il faut le consentement du procureur général pour déclencher le processus, il y a la surveillance judiciaire de l'utilisation des engagements, la présence de «motifs raisonnables de croire» qu'une activité terroriste sera mise à exécution, le fait que l'arrestation sans mandat ne peut s'effectuer que lorsqu'elle est nécessaire pour empêcher la mise à exécution d'une activité terroriste, l'obligation de présenter la personne arrêtée à un juge de la cour provinciale dans les 24 heures, la limitation à 48 heures de la prolongation de la détention, et le droit pour la personne concernée de demander au tribunal de modifier les conditions de son engagement.

L'audience d'investigation est également assortie de nombreuses protections. Là encore, il y a le consentement du procureur général. La condition exigée est qu'une infraction ait été commise, ce qui est différent de la condition exigeant qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'infraction va être commise. Il doit également y avoir des motifs raisonnables de croire que la personne que l'on veut obliger à témoigner possède des renseignements directs et essentiels relatifs à l'infraction ou qui sont susceptibles de révéler le lieu où se trouve l'individu que l'agent de la paix soupçonne d'être sur le point de commettre l'infraction en question. Avant d'invoquer ces dispositions, il faut avoir fait des efforts raisonnables pour obtenir les renseignements auprès de cette personne. Au cours de l'audience, le juge peut imposer des conditions dans le but de protéger l'intérêt du témoin ou des tiers. La personne concernée peut refuser de répondre à une question ou de produire quoi que ce soit lorsqu'est en jeu un privilège reconnu par le droit canadien, aspect différent de celui qu'a abordé la ministre lorsqu'elle a parlé du fait qu'il n'y avait pas en droit canadien de disposition comparable au cinquième amendement américain.

La principale protection visant l'audience d'investigation est l'interdiction d'utiliser les éléments de preuve obtenus dans d'autres instances, ainsi que les éléments de preuve obtenus grâce aux premiers. Contrairement à la suggestion qui, je crois, a été faite en réponse à une des questions de M. MacKay, le tribunal n'autorise l'arrestation que lorsqu'il a des motifs de croire que la personne en question tente d'échapper à la signification d'un acte de procédure l'invitant à se présenter devant le tribunal pour témoigner. Il ne s'agit donc pas d'autoriser un agent de la paix à arrêter directement quelqu'un et de l'amener devant le tribunal.

Le président: Merci beaucoup, monsieur DeVillers.

Je vais maintenant donner la parole à M. Toews pour trois minutes. Cela comprend la question et la réponse.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, je commence.

Je veux revenir sur l'explication qu'a fournie la ministre au sujet de l'arrêt Burns et Rafay. Elle a donné l'impression que sa décision au sujet de l'existence de ces circonstances exceptionnelles était définitive. En fait, elle sait très bien que ce sera à la Cour suprême du Canada d'examiner sa décision.

Elle ne possède donc pas un pouvoir discrétionnaire dans ce cas. Ce pouvoir appartient à la Cour suprême du Canada qui va décider en dernier ressort ce qui constitue ou non une circonstance exceptionnelle. Il me paraissait important d'apporter cette précision pour le compte rendu. Elle continue à répéter cette affirmation, alors qu'elle n'est pas exacte.

• 1650

Deuxièmement, pour ce qui est des dispositions auxquelles mon chef, M. Day, a fait référence, il a été mentionné qu'il existait d'autres dispositions qui traitaient de la question de l'expulsion. Je crois qu'on a parlé d'un projet de loi, le projet de loi S-23.

J'aimerais que la ministre prenne un engagement. Peut-être que la ministre ou le solliciteur général pourrait s'engager à ce que leurs collaborateurs me transmettent ces dispositions dès que cela leur sera possible, de façon à ce que je puisse les examiner. S'il existe des dispositions dans ce projet de loi, ou dans un autre projet de loi, j'aimerais les voir, de façon à savoir exactement quel est le contenu des dispositions dont ils parlent, parce que je trouve que la discussion sur ce point tourne en rond. Chaque fois que nous examinons un projet de loi, ils disent que cela se trouve dans un autre projet de loi. J'aimerais voir le projet de loi et je veux que la ministre prenne cet engagement. Je tiens pour acquis que cet engagement a été donné.

Enfin, je tiens à dire, pendant ces très brèves trois minutes qui me sont accordées, que la définition de «activité terroriste» me préoccupe beaucoup. Plus précisément, je fais référence à la disposition qui se trouve à la page 13, et qui fait partie intégrante de cette définition, elle énonce:

    b) acte-action ou omission, commise au Canada ou à l'étranger:

      (i) d'une part, commis, notamment:

        (A) au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

Cela me préoccupe gravement, pas seulement du point de vue du poursuivant, parce que qu'est-ce que fait le poursuivant? Va-t-il apporter des preuves pour démontrer qu'un certain groupe religieux pense que c'est une bonne chose de poser une bombe ou que c'est l'objectif qu'avait cette personne? N'est-il pas suffisant de montrer que la personne a déposé une bombe pour terroriser la population, quel que puisse être le motif religieux, philosophique ou autre qui l'a poussé à faire ce geste?

Je m'inquiète beaucoup de voir notre gouvernement, nos organismes gouvernementaux et nos tribunaux examiner les opinions personnelles des citoyens, leurs croyances religieuses, parce que je ne veux pas que nos tribunaux se lancent dans une chasse aux sorcières de nature religieuse ou idéologique.

Peu importe ce que croient les gens. Cela les regarde. Ce qui m'intéresse, c'est la façon dont les citoyens agissent en fonction de leurs croyances. S'ils décident de poser des bombes pour déstabiliser un pays démocratique, cela me paraît être une raison suffisante pour les poursuivre.

J'aimerais que l'on m'explique pourquoi cet article est nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Toews.

Madame McLellan.

Mme Anne McLellan: Au sujet de l'extradition, il est évident que ma décision, comme celle de la plupart des décisions que prennent les ministres, les autres représentants ou organismes gouvernementaux, peut faire l'objet d'un examen. Dans ce cas-ci, on peut penser qu'elle est susceptible d'être examinée, en dernier ressort, par la Cour suprême, parce que, si j'exerçais mon pouvoir discrétionnaire d'ordonner l'extradition d'une personne sans m'être assuré au préalable que celle-ci ne risque pas de se voir imposer la peine de mort, cette personne exercerait tous les recours juridiques possibles.

J'espère que vous n'affirmez pas que l'on empêcherait cette personne d'exercer ces recours. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de vous rappeler, monsieur Toews, qu'en fait, la Cour suprême n'irait pas jusqu'à substituer sa décision à la mienne. La Cour suprême aurait uniquement à déterminer si j'ai exercé de façon raisonnable mon pouvoir discrétionnaire et si elle concluait que c'est le cas, alors elle maintiendrait ma décision. La Cour suprême n'a pas pour rôle de substituer sa décision à la mienne, pourvu qu'elle estime que j'ai exercé mon jugement de façon raisonnable.

Je crois que vous aviez d'autres questions au sujet du projet de loi S-23.

M. Vic Toews: Je veux simplement la réponse...

Le président: Monsieur Toews, vous avez largement dépassé vos trois minutes.

Monsieur MacAulay.

M. Lawrence MacAulay: Je peux vous garantir, monsieur Toews, au sujet du projet de loi S-23, que nous allons obtenir par l'intermédiaire d'Immigration Canada l'information que vous souhaitez avoir au sujet de la communication à l'avance de renseignements concernant les passagers et que nous vous les transmettrons.

M. Vic Toews: Merci.

M. Lawrence MacAulay: Je veux dire, par Revenu Canada.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Myers, trois minutes.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais remercier la ministre de la Justice ainsi que le solliciteur général d'être venus ici aujourd'hui.

Madame la ministre, je crois que vous avez donné le ton qui convenait à cette rencontre lorsque vous avez déclaré que vous seriez prête, en fait, vous avez tous les deux affirmé cela, à revenir devant le comité, parce que cette attitude montre, d'après moi, toute la gravité de la situation qui est la nôtre. Elle souligne votre engagement de présenter un projet de loi bien conçu qui va, dans une large mesure, permettre d'éviter de se retrouver dans les circonstances qui sont les nôtres, à cause de cette activité terroriste.

• 1655

Lorsque j'examine ces mesures rigoureuses, c'est ainsi que vous les avez qualifiées, je pense à la garde à vue prévue à l'article 83.3 et à l'audience d'investigation prévue à l'article 83.28 et je crois que l'on peut dire, et n'hésitez pas à me corriger si je me trompe, que ce sont des mesures que le droit canadien ne connaît pas, sous certains aspects, et qu'elles sont tout à fait extraordinaires. Je pense toutefois que, compte tenu des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, il était nécessaire de prévoir de telles mesures et qu'elles reflètent ce que les Canadiens souhaitent avoir maintenant. Je vous félicite donc d'avoir présenté ce projet de loi. C'est une action très importante.

Je voulais tout de même vous poser la question suivante. Compte tenu des critiques qui ont été faites au gouvernement d'avoir quelque peu tardé à déposer ce projet de loi, c.-à-d. et de le présenter aujourd'hui au Comité de la justice, pouvez-vous me donner une idée de ce qui a alimenté la planification et la préparation de ce projet de loi pour en arriver jusqu'ici? Pouvez-vous également me donner une idée du genre de réflexion qui a permis de garantir que cette mesure résisterait aux contestations constitutionnelles, ce qui est, j'en suis convaincu, un aspect essentiel? Pouvez-vous aussi me dire comment vont évoluer les choses et à quel rythme?

Madame la ministre, j'aimerais beaucoup savoir cela, parce que je sais que les Canadiens le souhaitent également. Je peux dire que les gens à qui je parle s'intéressent à ce projet de loi. Je crois que l'on peut dire qu'ils veulent que nous ayons des objectifs clairs, que ce projet de loi soit soigneusement rédigé, que nous soyons clairs dans nos projets, mais je pense qu'ils veulent également que nous agissions rapidement. C'est pourquoi j'aimerais que vous me donniez une indication, une image de la façon dont ces mesures ont été préparées et de ce qui devrait suivre.

Mme Anne McLellan: Cela va prendre beaucoup plus de trois minutes mais je pense...

Le président: Vous n'avez qu'une minute.

Mme Anne McLellan: Je crois que M. Mosley a répondu en partie à cette question lorsqu'il a parlé de l'analyse constitutionnelle dont avait fait l'objet le projet de loi, à la suite de la question posée par M. DeVillers. En fait, et je l'ai déjà déclaré publiquement, certaines parties de ce projet de loi étaient déjà arrivées, non pas à l'étape de la planification, mais à celle de la rédaction. Par exemple, il y a la mise en oeuvre de la convention des Nations Unies sur les attentats terroristes. Ces dispositions étaient pratiquement prêtes à être déposées au Parlement, ce que nous avions l'intention de faire cet automne avant que ne surviennent les événements horribles du 11 septembre. Nous avions déjà décidé de prendre des mesures, cet automne, pour mettre fin au financement du terrorisme.

Les préparatifs étaient donc bien avancés dans ce domaine qui est relié, dans une certaine mesure, au travail qu'a fait le ministre MacAulay et d'autres au sujet du projet de loi C-16, la loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance. Une partie du travail avait donc déjà été effectuée.

Il y a aussi le fait que cela fait des années que les gouvernements du Canada parlent de réformer la Loi sur les secrets officiels ainsi que de modifier la Loi sur la preuve au Canada. En fait, je crois que le 11 septembre a donné un sentiment d'urgence qui nous a poussés non seulement à terminer ce qui déjà était en préparation, mais aussi à prendre des décisions importantes, comme celles de définir pour la première fois les expressions «activité terroriste» et «entité terroriste» et mettre en place, pour la première fois également, un processus qui nous permette d'établir des listes des groupes et des organisations terroristes.

En fait, les événements du 11 septembre nous ont non seulement donné un sentiment d'urgence mais ils nous ont montré, ce jour-là, qu'il y avait des gens prêts à faire des choses dont nous ne les pensions pas capables avant le 11 septembre. C'est ce qui explique la forme qu'a prise ce projet de loi, et les dispositions qu'il contient qui visent à empêcher les organismes terroristes de recruter des membres, de prendre pied au Canada, de recevoir du financement. Comme je l'ai dit, je pense que la façon la plus simple d'expliquer ce que nous essayons de faire sur le plan de la prévention est de dire que, lorsqu'ils sont dans les avions, il est trop tard pour agir.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

Monsieur Bellehumeur, vous avez trois minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame la ministre, avec l'exemple du syndicat que j'ai donné tout à l'heure, votre réponse a été toute centrée sur la terreur. C'est ce que vous avez en tête aujourd'hui, mais pas nécessairement ce qui ressort de la définition contenue dans le projet de loi.

• 1700

Je ne suis pas sûr, moi, que six mois après que le projet de loi aura été adopté, les policiers ou ceux qui vont appliquer la loi dans le feu de l'action auront la même compréhension que vous et seront habités par la même terreur, car ce n'est pas indiqué aussi clairement que ça.

À ce que je comprends, vous êtes ouverte à des propositions d'amendements. Nous allons donc vous en proposer.

Tout à l'heure, je parlais d'avoir une approche sérieuse. Je ne veux pas vous en faire le reproche, parce que je sais que durant la période de questions, on peut parfois répondre par des propos à saveur plus politique. Cependant, hier, Pierrette Venne, députée de Saint-Bruno—Saint-Hubert, vous a posé une question relativement au pouvoir que vous vous donnez dans la Loi sur l'accès à l'information. Vous avez répondu que, si vous vous accordiez ces pouvoirs au lieu de les confier au commissaire à l'information ou à un juge, comme c'est le cas dans la loi, c'était pour protéger des informations que des alliés pourraient vous donner.

Eh bien, le paragraphe 15(1) de la Loi sur l'accès à l'information, c'est exactement cela. Je vais vous lire le texte:

    15. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés...

Donc, c'est déjà prévu dans la loi. Pourquoi soutirez-vous cette loi-là, madame la ministre? Pourquoi vous donnez-vous des pouvoirs à vous? J'aimerais tout simplement que vous me répondiez sérieusement parce qu'hier, vous n'avez pas répondu sérieusement au Bloc québécois. Vous avez fait de la politique hier.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Monsieur Bellehumeur, la réponse que je vous ai donnée hier était sérieuse, à savoir que l'on doit lutter contre un terrorisme qui est mondial. Il n'est pas local, il est mondial.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Et le paragraphe 15(1)?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non, en fait l'article 15 laisse ouverte une possibilité de divulgation de l'information qui pourrait être fournie par nos alliés.

En réalité, nous savons...

M. Michel Bellehumeur: Non.

Mme Anne McLellan: ... que sur ces questions délicates, lorsque nous devons oeuvrer en collaboration avec nos alliés—on recueille des renseignements et on se les communique—cela met en jeu non seulement la sécurité nationale de notre pays, mais celle d'autres pays encore, ainsi que la vie même des informateurs et d'autres intervenants. Si nous ne pouvons pas garantir à nos alliés que ce type d'information limitée et particulièrement sensible ne fera pas l'objet d'une divulgation publique, nous ne pourrons pas l'obtenir et nous ne réussirons pas à lutter aussi efficacement que nous le devrions contre le terrorisme.

Monsieur le président, je considère que dans la loi actuelle de l'accès à l'information, on a créé une échappatoire étant donné que l'on autorise le commissaire à l'accès à l'information à faire certaines recommandations mais, en ce qui nous concerne, ce n'est pas suffisant pour nos alliés. Nous devons faire tout le nécessaire pour être sûrs d'obtenir la meilleure information et de protéger des renseignements exceptionnellement limités mais par ailleurs extrêmement sensibles.

Le président: Je vous remercie.

Madame Allard, vous disposez de trois minutes.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Madame la ministre, considérant que le terrorisme est une menace réelle pour la sécurité des Canadiens et considérant les événements du 11 septembre dernier, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de créer un tribunal spécialisé en terrorisme plutôt que de confier les juridictions à divers paliers? Je vois que le juge de la Cour du Québec va pouvoir remettre en liberté quelqu'un qui a été arrêté. Je vois que le juge de la Cour supérieure a aussi des pouvoirs d'investigation. Et, je ne sais pas si je me trompe, mais vous semblez élargir considérablement les pouvoirs de la Cour fédérale par cette loi-là. Est-ce que j'ai raison?

Je me demande pourquoi on fait tout ça au lieu de confier à un tribunal spécialisé en terrorisme—j'imagine que cela se fait ailleurs, ce qui a peut-être été vérifié—toute la responsabilité de statuer. En effet, je vois mal un juge de la Cour du Québec entendre une requête de remise en liberté d'un terroriste présumé. Je me dis que déjà les juges n'ont pas de positions très claires quant aux dispositions de la Charte des droits et libertés. Je me demande si on ne pourrait pas assurer une meilleure sécurité de la population en procédant à la création d'un tribunal spécialisé en la matière.

• 1705

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Je considère que le principe d'un tribunal spécialisé ou de sections spéciales au sein des tribunaux a probablement quelque mérite. Si vous prenez le crime organisé, par exemple, je pense que cela a quelque intérêt. Je sais que les cours supérieures de certaines provinces, par exemple, ont un groupe de juges ayant des compétences particulières dans ce domaine et qui sont en mesure de prendre en charge des procès complexes impliquant de nombreuses parties. Il n'est pas déraisonnable d'envisager le même genre de compétences spécialisées en ce qui a trait aux infractions commises par les terroristes et aux défis posés à la sécurité nationale.

Vous n'ignorez pas que cette loi pose essentiellement le principe d'une compétence simultanée entre les instances judiciaires supérieures des provinces et les instances fédérales même si la Cour fédérale du Canada sera saisie de certaines affaires.

Le principe de base, qui n'est pas du tout mauvais, veut que nous ayons besoin de juges très spécialisés pour aborder et comprendre les complexités et les implications modernes des questions liées à la sécurité nationale et au terrorisme en particulier. Je pense que nous pouvons nous doter de ces compétences. J'espère que les tribunaux seront disposés à les renforcer, qu'elles se rapportent au crime organisé ou au terrorisme. Il s'agit dans les deux cas de domaines complexes et spécialisés du droit pénal.

Le président: Merci, madame Allard.

Si je comprends bien, les ministres doivent nous quitter mais leurs collaborateurs peuvent rester. Nous poursuivons cette discussion jusqu'à 17 h 30 si les membres du comité le souhaitent. Je présume que c'est le cas. Les deux ministres nous ont proposé, il me semble, de revenir si nous en voyions la nécessité.

Mme Anne McLellan: Permettez-moi tout d'abord, en mon nom propre et au nom de M. MacAulay, de remercier votre comité. Vous êtes en train de prendre part à ce que le gouvernement considère véritablement comme l'un des examens législatifs les plus importants qui aient jamais été confiés au Parlement—du moins d'après ce que j'ai pu constater lors de mes huit années passées au sein du Parlement. Je sais que vous comprenez la gravité et l'urgence de cette opération.

Avec M. MacAulay, nous tenons à vous rappeler par ailleurs à quel point vos conseils dans certains de ces domaines sont importants. Nous estimons avoir trouvé le bon équilibre et avoir arrêté des dispositions à la fois efficaces et équitables. Il n'en reste pas moins que des personnes raisonnables peuvent de bonne foi être en désaccord sur certaines de ces questions. On n'atteint jamais un équilibre parfait. Par conséquent, vous aurez la tâche très importante de nous aider à faire en sorte que nous disposions de la loi la plus efficace et la plus équitable possible. Je sais que vous allez relever ce défi avec célérité et sérieux.

Je vous remercie de l'attention que vous nous avez accordée aujourd'hui.

Le président: Je peux garantir aux deux ministres que les membres du comité sont bien conscients de l'importance de cet exercice et qu'ils sont tout à fait prêts à faire connaître leur point de vue en fonction des témoignages reçus.

Je remercie les ministres qui, d'après ce qu'on me dit, doivent nous quitter.

Monsieur Fitzpatrick, vous disposez de trois minutes pour poser des questions aux collaborateurs des ministres.

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je tiens simplement à signaler que certains événements peuvent avoir des conséquences imprévues. Dans ma province de la Saskatchewan, il y a eu il y a trois ans environ une grève générale illégale dans le secteur de la santé. Bien des gens ont estimé en fait que leur santé et leur sécurité étaient en danger. Nous avons acheminé des gens vers le Dakota du Nord, le Dakota du Sud, l'Alberta et d'autres provinces pour remédier au problème.

Je tiens simplement à le signaler parce que je crois que la ministre a déclaré qu'une grève illégale ne pouvait pas véritablement remettre en cause la santé, la sécurité ou toute autre préoccupation de ce type, alors que j'estime que les gens placés dans cette situation se jugeaient effectivement en danger.

La ministre a déclaré qu'il était bien plus important de prévenir que de chercher après coup à guérir. Elle a aussi précisé qu'il s'agissait d'une menace mondiale, internationale. Je suis tout à fait d'accord avec elle.

• 1710

Il m'apparaît que la collaboration et la coordination entre les différents services gouvernementaux face à ce problème ont été extraordinaires. Je pense que les États-Unis l'ont reconnu. Ils ont créé un poste de responsable de la sécurité intérieure et la population attend de voir quels seront ses pouvoirs, la collaboration dont il pourra disposer, etc. Toutefois, je soulève uniquement la question en raison de la coupure de presse suivante... «Un homme recherché aux États-Unis en raison de ses liens avec les terroristes a été libéré aujourd'hui sous caution». Il entretenait des liens avec le Hezbollah et il était recherché en Caroline du Nord. Je dois vous avouer que je n'ai pas apprécié la réponse qu'ont nous a faite aujourd'hui en nous disant que cela relevait du ministère de l'Immigration.

Il nous faut faire tomber ces barrières entre les différents ministères et ne pas se renvoyer la balle. Le terrorisme constitue une menace à l'échelle mondiale et nous devons l'attaquer sur tous les fronts. C'est une question qui ne laisse pas de me préoccuper. Nous devons collaborer et nous attaquer au problème en coordonnant nos efforts. Il n'est pas légitime ici de renvoyer la balle au ministère de l'Immigration.

J'aimerais que l'application de cette loi s'étende à ces domaines de manière à coordonner nos réponses et à ne pas avoir à faire appel aux lois sur l'immigration pour régler ce genre de problème qui, je dois vous l'avouer, m'inquiète particulièrement. Nous voulons éviter que dans ce cas un véritable terroriste puisse être libéré sous caution. Nous n'avons pas besoin de cela à l'heure actuelle.

Je voulais aussi vous demander s'il y avait une disposition nous permettant de tirer parti des dossiers de renseignements de pays comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne, par exemple, et de les accepter à titre de preuve dans le cadre de ces procédures en passant outre à la règle du ouï-dire. J'estime que c'est très important. À partir du moment où nous disposons de bons renseignements sur ces personnes, il ne faut pas que nous ayons les mains liées par toutes les subtilités de la règle du ouï-dire lorsqu'on traduit ces personnes en justice.

Voilà quelles sont mes préoccupations.

M. Richard Mosley: Tout d'abord, je ne pense pas que la ministre ait voulu laisser croire qu'un incident comme la grève des travailleurs de la santé publique ne peut pas avoir des conséquences sérieuses. Elle tenait à préciser, cependant, qu'une action de ce type ne visait pas à causer un grave préjudice ou à faire courir un grand risque à la santé publique. Ce ne serait donc pas un acte terroriste selon la définition qui en est donnée.

Sur un deuxième point—vous avez mentionné une affaire et je vous prie de m'excuser de n'avoir pas bien saisi de quelle cause précise il s'agissait—il faut dire que nous sommes chargés au ministère de la Justice des questions d'extradition. Nous collaborons avec nos partenaires étrangers tels que les États-Unis. Nous avons au ministère une équipe qualifiée de Groupe d'entraide internationale, qui nous permet d'offrir de l'aide aux différents pays. Ils nous rendent la pareille lorsque nous voulons faire extrader ou lorsqu'ils veulent faire extrader une personne inculpée d'une infraction grave dans ces pays ou qui s'est échappée de prison. Ces dispositions sont donc bien établies. Le Parlement a remis à jour il y a quelques années la Loi sur l'extradition, qui donne de bons résultats d'après tout ce que nous avons entendu dire.

Cette situation est différente, bien entendu, de celle qui s'applique aux personnes dont on refuse l'admission au Canada et qui peuvent faire l'objet d'une expulsion. La ministre a signalé que dans ce cas-là la responsabilité en incombait au ministre de l'Immigration et que cela ne relevait pas des dispositions de ce projet de loi. La question fait évidemment l'objet d'un large débat à l'heure actuelle, mais ce projet de loi renvoie au terrorisme et se situe dans le cadre pénal.

Enfin, au sujet des dossiers de renseignements, je vous ferai simplement remarquer qu'effectivement il y a dans ce projet de loi une disposition touchant l'information procurée par les dossiers de renseignements, notamment étrangers, afin qu'elle puisse être utilisée dans certaines procédures. Dans certaines d'entre elles la cour pourra, par exemple, résumer l'information disponible à l'intention de la personne qui fait l'objet des poursuites plutôt que de lui communiquer l'intégralité du dossier. Il y a d'autres dispositions devant permettre de protéger la divulgation des renseignements susceptibles d'avoir des effets préjudiciables sur nos relations internationales.

M. Kennedy voudra peut-être ajouter quelques mots parce que cela s'applique aussi à l'enregistrement des organismes de bienfaisance.

• 1715

M. Paul Kennedy (sous-solliciteur général adjoint principal, Politique et sécurité, ministère du Solliciteur général du Canada): Oui, effectivement.

J'évoquerai simplement deux questions. La première est de savoir s'il existe ou non une collaboration harmonieuse entre les différents organismes fédéraux d'application de la loi.

La collaboration s'intensifie. Nous menons à bien un grand nombre d'opérations conjointes avec les douanes, l'immigration, nos collègues de la justice et les agents de police fédéraux, provinciaux et municipaux. C'est de plus en plus la méthode à laquelle nous recourons face au crime organisé et c'est de toute évidence la méthode que nous avons adoptée dans ce domaine. Nous avons donc renforcé cette coopération de même que les moyens devant nous permettre de régler le plus efficacement le problème, que ce soit par voie d'extradition ou d'expulsion. Ce dialogue est donc permanent.

Je préside, au niveau des sous-ministres adjoints au minimum, un comité regroupant les ministères chargés de la sécurité publique, au sein duquel on s'assure que ce dialogue a bien lieu et que nous adaptons efficacement nos comportements.

Sur le deuxième point, je ne citerai pas d'affaires particulières, mais il y a actuellement une disposition de la Loi sur l'immigration—je pense que le ministre de l'Immigration comparaîtra plus tard—qui nous permet de recourir par ouï-dire à des renseignements confidentiels de façon à pouvoir expulser du pays des personnes que l'on soupçonne d'être des terroristes. S'il est prouvé que cette personne est un terroriste, on peut alléguer ce motif pour justifier sa détention.

Je pense qu'il y a une telle disposition dans le projet de loi C-11, qui est actuellement devant le Sénat, afin de permettre à la commission chargée de la détermination du statut de réfugié de se servir des renseignements confidentiels dont elle peut disposer. Je pense donc que nous travaillons sur cette question.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bryden, vous disposez de trois minutes.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Merci.

Est-ce que les États-Unis et le Royaume-Uni disposent en vertu de la loi de la même dérogation illimitée en ce qui a trait aux relations internationales, à la défense et à la sécurité tel que le prévoient ici les articles 87, 103 et 104? Y a-t-il des dérogations à l'application de la Loi sur l'accès à l'information et des deux lois de protection de la vie privée. Est-ce que ces pays ont les mêmes dispositions prévoyant une dérogation illimitée?

M. Paul Kennedy: Je n'ai pas examiné leurs lois et je ne peux donc pas vous répondre. Je pense qu'il y a certaines dispositions en ce sens dans la loi américaine, mais il me faudrait le vérifier. Je n'ai pas la chose devant moi. Je ne sais pas si M. Mosley peut répondre à cette question.

M. Richard Mosley: Je pense que la loi des États-Unis comporte des dispositions du même genre. Il me faudra le vérifier et je me ferai un plaisir de vous communiquer la chose.

D'après ce que je sais du Royaume-Uni, aucun des renseignements que détiennent ses organismes de sécurité n'est soumis à l'application de dispositions semblables à celles de la Loi sur l'accès à l'information—cette question a été examinée récemment dans une autre affaire—la différence étant qu'il y a éventuellement des dispositions prévoyant une possibilité d'accès au bout de 20 ou 25 ans.

Sur le plan historique, certains universitaires ont avancé—et cette question a d'ailleurs été abordée récemment dans l'une des études ou l'un des rapports du professeur Wark—que l'inconvénient de notre système, c'était qu'il était raisonnablement bien adapté aux renseignements contemporains tout en ne donnant pas d'aussi bons résultats pour les renseignements historiques.

M. John Bryden: Oui, mais n'oubliez pas ce que nous faisons avec les articles 87, 103 et 104. Nous supprimons non seulement toute possibilité d'abus, mais encore tout délai de divulgation éventuelle. Je me demande si les autres pays agissent aussi radicalement.

Nous pouvons y revenir plus tard. Passons à autre chose.

Cet article dispose par ailleurs que le procureur général délivre un certificat pour ordonner que ces renseignements ne soient pas divulgués. Que signifie le fait de délivrer un certificat dans ce cadre? Que doit faire le ministre? Je ne vois pas comment interpréter la loi de ce point de vue.

M. Richard Mosley: Parlez-vous de la procédure officielle de délivrance d'un document?

M. John Bryden: Oui. Est-ce que la ministre doit consulter une personne quelconque ou est-ce qu'elle peut procéder de manière unilatérale?

M. Richard Mosley: Cela peut se faire de manière unilatérale, dans ce cadre.

La loi australienne prévoit la possibilité de délivrer des certificats liés à la sécurité nationale, à la défense ou aux relations internationales. S'ils sont délivrés par le ministre responsable—et à mon sens il ne s'agit pas simplement du procureur général—cela établit sans aucun doute possible que le document en question est exonéré de l'application de la loi de ce pays.

• 1720

M. John Bryden: Mais si je comprends—je ne veux pas gaspiller mon temps. Je n'avais pas l'intention d'interrompre le témoin, mais c'est que je suis préoccupé. Vous avez répondu à la question. Vous pouvez procéder de manière unilatérale aux termes de la loi.

M. Richard Mosley: Oui, de manière unilatérale.

M. John Bryden: Ma dernière question...

Le président: C'était là votre dernière question.

Monsieur Bellehumeur.

M. Richard Mosley: Permettez-moi de me référer à la loi des États-Unis sur la liberté de l'information. Normalement, les décisions prises par le gouvernement peuvent être contestées directement devant les tribunaux, par opposition à ce qui se passe chez nous, le commissaire à l'information étant chargé de revoir la décision. Toutefois, en vertu des dispositions de la loi, le Président peut par décret fixer des critères permettant de maintenir le secret sur des questions qui intéressent la défense nationale et la politique étrangère, et les documents classés en vertu d'un tel décret sont exemptés de l'obligation de divulgation imposée par cette loi. On applique donc un décret du Président.

Le président: Merci, monsieur Mosley.

Monsieur Bellehumeur, vous disposez de trois minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: À la lecture du projet de loi, je me dis qu'il a été écrit en anglais et traduit par la suite. J'imagine qu'au ministère de la Justice, on est en train de relire les deux. Je vous invite à lire le paragraphe 83.01(2) proposé à la page 15, où le texte anglais et le texte français, selon moi, sont différents.

Au paragraphe de la facilitation, on lit en français:

    (2) Pour l'application de la présente partie, il n'est pas nécessaire pour faciliter une activité terroriste:

On parle d'une activité terroriste de façon générale. En anglais, on parle de connaître en particulier l'activité terroriste.

Je vois une différence. Vous n'en voyez pas? Avec l'air que vous avez, vous n'en voyez sûrement pas.

[Traduction]

M. Richard Mosley: Il n'est pas surprenant de trouver dans la législation canadienne des différences entre la version anglaise et la version française puisqu'il ne s'agit justement pas de traductions. J'invite les membres du comité à prendre le temps éventuellement d'aller voir comment se fait cette opération en regardant ce que font certains de nos conseillers législatifs. Ils procèdent sur deux écrans d'ordinateur distincts de manière à ce que chacun puisse surveiller le travail de l'autre à mesure qu'il avance. Le conseiller chargé de la supervision—des personnes telles que mes collègues ou moi-même—est installé de l'autre côté de la table et nous avons nos propres écrans. Toutefois, les deux versions sont rédigées en même temps. Chacune des équipes a un rédacteur en français et un rédacteur en anglais. Par conséquent, il peut y avoir effectivement des différences. Elles découlent davantage du génie de chaque langue que d'un travail de traduction, contrairement à ce que laisse entendre M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Écoutez, je ne suis pas parfaitement bilingue, mais il y en a plusieurs, au Bloc, qui le sont et qui ont regardé les deux. Il y a une différence. Vous me dites que les deux textes sont faits en même temps. Je le conçois et je l'accepte, mais est-ce que vous voyez qu'il y a une différence, que la preuve n'est pas pareille dans les deux cas?

Si vous me dites que c'est pareil, on va faire venir des gens qui diront que ce n'est pas pareil. Vous dites que c'est la traduction qui n'est pas identique et que la beauté des langues française et anglaise fait cela, mais lors d'un procès, est-ce le texte anglais ou le texte français qui va prédominer dans ce beau et grand Canada?

[Traduction]

M. Richard Mosley: Je vous dirai que nous avons déjà déposé par le passé des motions visant à modifier le texte lorsque des divergences ont été constatées dans les projets de loi présentés au Parlement. Les services législatifs emploient des jurilinguistes chargés de comparer les deux versions afin de s'assurer qu'elles ont la même signification. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on ne va pas trouver à l'occasion des différences de sens.

Je ne manquerai pas de signaler ce point à mes collègues et nous nous assurerons que les deux versions ont le même sens.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Mes questions s'adressaient aux ministres et je laisserai donc la parole à quelqu'un d'autre.

Le président: Vous allez être très aimé, monsieur Grose.

Monsieur Fitzpatrick.

M. Brian Fitzpatrick: J'ai relevé avec intérêt les commentaires de la ministre, qui a déclaré que la sécurité était l'un des droits les plus fondamentaux dans une société démocratique. Je ne ferai qu'une seule réserve. Je pense que l'histoire nous a montré que certains régimes avaient échangé la sécurité contre la liberté. Le régime soviétique est parti du principe que l'on allait prendre soin de la population et qu'elle serait en sécurité. Certaines personnalités éminentes ont déclaré par le passé qu'en l'absence de liberté, la sécurité s'apparentait à la tyrannie et à l'esclavage. J'invite donc à une certaine prudence. Les deux choses ne sont pas toujours compatibles.

• 1725

Selon ma propre conception d'une société démocratique, effectivement, la sécurité est importante si nous voulons pouvoir vivre librement. Voilà pourquoi c'est important. Il faut qu'il y ait un équilibre entre les deux choses.

Que prévoit cette loi antiterroriste au sujet des ressources devant permettre de faire fonctionner ce régime. C'est très important ici.

On peut craindre par ailleurs que vous vous déchargiez de vos obligations sur les provinces une fois que tout sera terminé. Le terrorisme est bien particulier. Ce n'est pas une tâche que l'on peut confier au procureur général de la Colombie-Britannique ou à un responsable quelconque. Il faut que l'administration fédérale s'en occupe intégralement.

Le président: Monsieur Kennedy.

M. Paul Kennedy: Je pourrais peut-être vous répondre à ce sujet. Je sais que le ministre MacAulay avait prévu ici une réponse. Il devait répondre à la question posée par M. MacKay. Je vous la transmets donc comme si j'étais le ministre dans ce cas précis.

Le ministre devait vous préciser que l'on vient tout juste d'annoncer l'attribution de 280 millions de dollars de crédits s'appliquant à la lutte contre le terrorisme. Sur cette somme, 90 millions de dollars devaient permettre d'améliorer la sécurité dans les aéroports canadiens et 10 millions de dollars devaient être alloués à la GRC pour ce qui est des équipements de détection des empreintes digitales, par exemple.

Je m'arrête un instant pour vous dire à quel point ceci est important dans le domaine qui nous intéresse. L'une des grandes difficultés, lorsque quelqu'un se présente aux services des douanes de l'aéroport, c'est qu'il peut très bien avoir de faux papiers. Il y a des gens qui éveillent quelques soupçons mais qui vont par exemple vous donner une fausse identité et d'autres renseignements erronés de ce type. La seule façon de les identifier avec certitude dans un tel cas, c'est de prendre leurs empreintes digitales.

Les empreintes digitales présentaient jusqu'alors l'inconvénient de devoir être envoyées par la poste pour qu'on puisse les vérifier au CIPC. Nous voulons installer des détecteurs électroniques dans ces aéroports et dans les points d'entrée des 50 grands centres du Canada. Par conséquent, lorsque ces personnes arriveront, elles pourront être renvoyées devant le bureau des douanes du service d'accueil des immigrants. Les services d'immigration pourront alors relever à ce moment-là leurs empreintes digitales grâce à des appareils électroniques. Ces empreintes seront automatiquement comparées à celles du CIPC. Par conséquent, s'il y a des gens que l'on soupçonne au plan international, par exemple, on peut espérer pouvoir les repérer.

Nous envisageons aussi de recourir aux techniques de reconnaissance visuelle. Nous avons des photos qui doivent concorder. L'essentiel, ce n'est pas seulement de voir les papiers, la personne qui se présente et le nom que l'on vous donne—le tout étant souvent faux—mais il faut aussi pouvoir vérifier qu'en réalité il s'agit bien de la personne que l'on a devant soi. Dans la pratique, ce sera l'élément clé en ce qui nous concerne, et il faudra en outre garantir la compatibilité de nos systèmes techniques.

Cinquante-quatre millions de dollars de crédits ont par ailleurs été affectés à la GRC au titre de la nouvelle technologie et de la dotation en personnel. Quarante-neuf millions de dollars ont été alloués à la citoyenneté et à l'immigration. C'est important lorsqu'on revient sur la question de la coordination. Nous considérons que chacun des volets de la sécurité publique doit être renforcé de manière à pouvoir disposer d'un ensemble efficace qui soit à la hauteur de ce défi. Si nous renforçons nos capacités aux frontières, en matière d'immigration, ainsi qu'au SCRS et à la GRC, nous réussirons à fournir un effort global.

M. Rock a annoncé par ailleurs l'attribution de 12 millions de dollars de crédits pour améliorer nos capacités de réaction. Il s'agit de répondre aux risques d'attaques biologiques. J'étais hier à Washington, sur la colline du Capitol, et j'ai vu les effets sur cette institution de certaines difficultés rencontrées là-bas. Nous les avons éprouvées nous-mêmes. Cette somme vient s'ajouter aux 2 milliards de dollars qui ont déjà été pris en compte dans le budget de l'an 2000.

Je peux préciser au nom du ministre que d'autres annonces seront faites à l'avenir. Mais surtout, pour ce qui est du budget à long terme, le gouvernement se penche sur ce que devraient être les ressources à long terme. Ces chiffres doivent correspondre à l'exercice actuel. Nous devons envisager ce qu'il faut faire à long terme.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Owen, vous disposez de trois minutes.

• 1730

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à M. Kennedy ou à M. Blackie au sujet de l'enregistrement des organismes de bienfaisance prévu dans ce projet de loi et éventuellement dans d'autres textes de loi plus larges. J'imagine que le plus simple est de vous demander si, étant donné ce qui se trouve par ailleurs dans ce projet de loi, cet ensemble de dispositions était nécessaire pour faire appliquer la convention internationale pour la suppression du financement du terrorisme?

M. Paul Kennedy: J'en suis bien persuadé. Sinon, on en n'aurait pas fait la partie 6 de cette loi.

La Convention internationale nous oblige à régler tout un éventail de questions pour ce qui est du financement des terroristes et il est évident que si vous lisez son préambule, on y mentionne les organismes de bienfaisance comme étant l'une de ces sources de financement. La difficulté subsiste étant donné qu'un organisme de bienfaisance répertorié conserve une certaine légitimité. Le gouvernement a de toute évidence jugé bon de lui conférer ce statut. Il peut délivrer à des tiers des reçus leur permettant de bénéficier de déductions fiscales et les encourageant à faire des dons. Donc, effectivement, le problème reste d'actualité et il nous faudra nous pencher sur la question.

Nous envisageons tout un éventail de moyens que l'État a à sa disposition pour remédier à cette difficulté. Il y a les recours administratifs qui peuvent être intentés, il y a les poursuites civiles entraînant des confiscations de nature civile auxquelles on peut procéder, et il y a les poursuites pénales qui peuvent être entreprises. Chacun de ces régimes est bien adapté aux différentes réponses que l'on veut apporter à ce problème.

La législation sur les organismes de bienfaisance confère effectivement au gouvernement une marge de manoeuvre qui ne serait peut-être pas disponible si l'on se contentait d'examiner les dispositions de la partie 1 traitant de la saisie et de la confiscation de l'actif, qui peuvent se traduire par une confiscation intégrale.

Il peut très bien arriver qu'un organisme de bienfaisance ait été floué par ses administrateurs ou par d'autres responsables de ce type tout en continuant à avoir une fonction sociale utile au sein d'une collectivité donnée. La disposition de la partie 6 autorise l'État, en retirant le statut d'organisme de bienfaisance, à provoquer ensuite toute une série d'interventions déclenchées par la Loi de l'impôt sur le revenu. L'actif peut alors être redistribué ou transféré à un autre organisme de bienfaisance légitime. On peut très bien se trouver en présence d'une institution qui exerce une fonction religieuse ou sociale importante au sein du Canada. Cela permet de maintenir cette fonction tout en supprimant le mal, si l'on peut s'exprimer ainsi en se débarrassant des gens qui détournent ces fonds, éventuellement au détriment de la majorité des membres de la communauté en question.

On dispose donc de tout un éventail de possibilités sans avoir à aller jusqu'à dire: «Voilà, vous figurez sur la liste, l'État va se saisir de l'intégralité de vos biens». On peut ainsi apporter une réponse mesurée et je pense que c'est d'une série progressive de mesures dont a besoin notre pays. Bien évidemment, il peut y avoir d'autres organismes de bienfaisance fortement impliqués, en toute connaissance de cause et en la personne de tous leurs responsables, dans cette activité. La meilleure solution est dans ce cas d'intervenir et de saisir l'intégralité de l'actif. Je pense que toutes ces dispositions sont nécessaires.

En outre, ce genre de solution présente un autre intérêt pour certains organismes de bienfaisance—et il y a des gens qui nous ont fait part de leurs préoccupations—dont la réputation peut être ternie éventuellement par des personnes qui en abusent. Le moyen dont nous disposons alors, une fois que le certificat a été signé par les deux ministres, c'est de permettre à l'organisme de bienfaisance de convaincre un juge d'autoriser les poursuites à huis clos en attendant que l'on ait déterminé s'il a oui ou non pris part à cette activité. Il y a donc tout un éventail de possibilités.

M. Stephen Owen: Très bien. Si vous me permettez rapidement de poser une question supplémentaire, ce qui m'inquiète et ce qui fait l'objet de ma question, c'est qu'il me semble que c'est un acte s'apparentant par ailleurs à une infraction pénale qui va déclencher le désenregistrement d'un organisme de bienfaisance. J'ai peur—il me faut bien y réfléchir et j'espère que vous allez m'aider—que nous ayons recours là à une mesure administrative pour faire quelque chose qui relève davantage de la procédure pénale.

M. Paul Kennedy: La différence, c'est qu'un organisme de bienfaisance a des objectifs concernant l'affectation de l'argent qui sont bien précis—on peut presque parler de responsabilité stricte—et que si cet argent est affecté dans un autre but, il peut perdre son statut d'organisme de bienfaisance. Bien évidemment, le recours aux dispositions du Code criminel exige une intention «au-delà du doute raisonnable» parce qu'on stigmatise un comportement avec des conséquences pénales éventuelles. Ce n'est pas ce que l'on fait ici.

Nous disons ici: «Vous êtes un organisme de bienfaisance...» D'ailleurs, n'importe quel organisme de bienfaisance, si cette information pouvait être librement divulguée—risquerait automatiquement de perdre son statut si l'argent était affecté dans un autre but que celui que prévoit son mandat. L'intention ne joue pas. Il y a l'obligation absolue de s'assurer que cet argent est utilisé dans un but précis; il faut donc surveiller ce que l'on fait. En cas de négligence et s'il est affecté dans un autre but, l'organisme peut perdre son statut. Il n'y a donc pas le critère intentionnel que l'on retrouve dans la procédure pénale—il n'est pas question ici de se prononcer «hors de tout doute raisonnable».

• 1735

Les organismes de bienfaisance sont traités ici de la même manière que dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous avons cependant un régime visant à protéger la confidentialité de notre information de façon à pouvoir prendre des décisions.

Le président: Je vous remercie.

Nous manquons désormais de temps. Il nous reste trois questions à poser. J'aimerais qu'elles soient très brèves, avec l'accord des collaborateurs des ministres, et nous aurons donné alors satisfaction à tous les intervenants.

Monsieur Bellehumeur, vous pouvez poser trois questions.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Dans ce cas-là, je vais me limiter à un sujet dont j'ai déjà discuté. Je n'aborderai pas un autre sujet, puisqu'il faut faire ça rapidement.

À une question que j'ai posée relativement aux activités terroristes et à l'exemple que j'ai donné au niveau du syndicat, la ministre m'a dit à plusieurs reprises qu'il fallait que ce soit fait dans la terreur. J'ai beau lire l'article traitant de l'activité terroriste ou définissant ce qu'est une activité terroriste, je ne vois nulle part que l'acte doit être commis dans la terreur. Je ne vois absolument rien sur la terreur.

Pouvez-vous m'indiquer où, dans la loi, se trouve cette allusion à la terreur? Si ce n'est pas dans la loi, le ministère pourrait-il penser l'inclure dans la définition?

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Bien sûr. Pour comprendre ce que voulait dire la ministre, je pense qu'il vous faut vous reporter à la définition de «l'activité terroriste»—à l'alinéa b) sous la définition «d'activité terroriste» dans le projet de paragraphe 83.01(1) à la page 13—l'ensemble des motifs que l'on retrouve dans les dispositions des points b)(i)(A) et (B) ainsi qu'au sous-alinéa b)(ii) de cette définition constitue globalement ce que l'on entend couramment par le fait de «terroriser». Le motif figure au point b)(i)(A) de la définition, mais l'on rajoute au point b)(i)(B): «en vue d'intimider tout ou partie de la population».

[Français]

«en vue d'intimider tout ou partie de la population».

[Traduction]

Le mot n'y figure pas. Je ne dis pas qu'il y figure...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non, non.

[Traduction]

M. Richard Mosley: ... mais l'effet est le même.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Mais est-ce qu'on peut le mettre? Il y a une différence entre intimider et terroriser quelqu'un.

[Traduction]

M. Richard Mosley: Non. Excusez-moi, mais lorsqu'on considère pratiquement tous les pays qui se sont efforcés de définir la notion de terrorisme—qu'ils parlent de «terrorisme», de «terreur» ou «d'activité terroriste»—on constate qu'ils ont retenu ces éléments pour préciser en quoi consiste le terrorisme. C'est la même chose dans la Loi du Royaume-Uni. On le retrouve dans la loi des États-Unis. Ça figure dans les propositions qui... La difficulté est là, étant donné que cette notion est très large.

Prenez la définition donnée au Royaume-Uni, elle peut s'appliquer à de nombreux types de comportements. On entend dans ce pays par terrorisme:

    a) un acte ou une menace visant à influencer l'action du gouvernement ou à intimider le public ou une partie de celui-ci

    b) un acte ou une menace visant à promouvoir une cause politique, religieuse ou idéologique.

On y définit ensuite le terme «d'acte». En effet, on a commencé dans ce pays par définir de façon très large ce qu'est le «terrorisme» pour ensuite définir «l'acte». Nous nous sommes efforcés dans notre définition de tout regrouper, cela dans le but de limiter la portée de «l'activité terroriste».

Le président: Merci, monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: J'attire justement l'attention du comité sur la convention sur le financement du terrorisme, dans laquelle on précise à l'article 2 ce qui constitue en fait le «terrorisme». C'est «tout agissement visant à causer la mort ou une blessure grave à un civil...» On y ajoute: «... intimider une population ou obliger un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à s'abstenir de faire quelque chose.»

Selon l'interprétation courante, ce sont là les éléments qui constituent la terreur.

Le président: Merci, monsieur Mosley. Merci, monsieur Bellehumeur.

Je pense que nous abusons du temps des collaborateurs des ministres. Ils avaient convenu de rester jusqu'à 17 h 30. Il est maintenant 17 h 40. Il nous reste le temps de poser deux petites questions—M. Bryden, suivi de Mme Allard, puis je donnerai la parole à M. Paradis, qui veut faire un commentaire.

Monsieur Bryden, c'est à vous.

M. John Bryden: Le terme de «sécurité» est employé partout dans ce projet de loi, mais il n'est pas défini. Dois-je partir du principe que vous entendez par «sécurité» la sécurité financière et économique en plus de la sécurité physique?

• 1740

M. Richard Mosley: Il est fait expressément référence à la sécurité économique dans les modifications apportées à la Loi sur les secrets officiels.

M. John Bryden: Laissez-moi alors préciser ma question.

Le président: Ce sera votre dernier commentaire.

M. John Bryden: Je me réfère plus précisément à l'emploi du terme «sécurité» aux articles 87, 103 et 104, ainsi que dans le projet d'alinéa 273.65(2)d), qui porte sur l'interception des communications privées. Toutes ces dispositions ont recours à une formulation semblable sans être cependant identique.

Le président: Merci, monsieur Bryden.

M. Richard Mosley: Je vous renvoie à la définition qui est donnée de l'activité terroriste à la page 13. À la ligne 33, on indique «quant à sa sécurité»—en l'occurrence du public—et on ajoute «entre autres sur le plan économique». Je pense que l'intention est bien d'englober la sécurité économique.

Le président: Je vous remercie. Madame Allard, très rapidement.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Je ne sais pas à qui ma question s'adresse, mais en vertu du principe voulant qu'il faille créer le moins de bureaucratie possible pour nos entreprises, je vous dirai qu'à l'article 83.11 proposé, vous obligez les compagnies, les banques et tous les organismes énumérés de a) à g), à vérifier s'ils ont, parmi leurs clients, des personnes inscrites sur la liste des terroristes. Vous les obligez également à rendre compte chaque mois à l'autorité ou à l'organisme principal soit du fait qu'elles n'ont pas en leur possession...

Je me demande s'il n'y aurait pas moyen de se contenter de leur faire faire la vérification et de les obliger à faire rapport seulement lorsqu'ils ont de ces gens parmi leurs clients. Quand on les oblige à faire rapport à chaque mois, ça crée une bureaucratie, ce qui m'apparaît un peu trop lourd pour ces entreprises.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Il est certain que l'on va exiger que ces entreprises fassent l'objet d'une vérification; c'est indéniable. Cette disposition a été élaborée en grande partie avec le ministère des Finances et le Bureau du surintendant des institutions financières. Je pense que l'on a considéré que ces entreprises faisaient déjà vérifier régulièrement les opérations qu'elles transigeaient, mais il est certain qu'on va leur présenter d'autres exigences. Toutefois, je pense que cela fait partie du prix que la société canadienne doit payer pour pouvoir réagir efficacement.

Ces principes ont été établis non seulement pour veiller à l'application effective de la convention sur le financement, mais aussi pour mettre en oeuvre la dernière résolution du Conseil de sécurité sur la question, la résolution 1333 de 2001, il me semble. J'invite votre comité à considérer attentivement la formulation de cette résolution. Elle exige effectivement que les États membres des Nations Unies prennent des mesures efficaces pour bloquer les biens des terroristes. La seule façon de procéder efficacement et de prendre des mesures contre les biens des terroristes, c'est de savoir qu'ils sont possédés quelque part dans notre pays. C'est une lourde charge qui est confiée là au secteur privé, mais nous considérons que c'est indispensable dans les circonstances.

Le président: Monsieur Paradis, une question ou un dernier commentaire.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Dans un premier temps, j'aimerais féliciter tous ceux qui ont travaillé très fort pour nous produire ce projet de loi.

J'aimerais faire une remarque avant qu'on termine. Je reviens à l'exemple, à la page 13, que M. Mosley a donné tout à l'heure. En anglais, on dit à l'alinéa b) proposé:

[Traduction]

    an act or omission, in or outside Canada,

      (i) that is committed

        (A)in whole or in part for a political, religious

[Français]

En français, on n'a pas cette notion de

[Traduction]

Àin whole or in partä.

[Français]

Je voudrais encourager quelqu'un de chez vous à regarder rapidement les versions anglaise et française de façon à ce que tous les éléments se retrouvent autant en anglais qu'en français, puisqu'on est en droit criminel.

Le président: Merci, monsieur Paradis.

Au nom du comité, je souhaite un bon anniversaire à Hélène Regimbald, notre extraordinaire traductrice.

[Traduction]

La séance est levée. Nous nous retrouverons la semaine prochaine.

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