JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 octobre 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La trente-quatrième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous examinons ce soir le projet de loi C-15B, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu.
Avant de présenter nos témoins, j'aimerais leur présenter nos excuses pour notre retard. Le comité plénier a tenu des audiences jusqu'à 17 h 30, à l'étage du dessus, et, comme vous pourrez peut-être le constater, les débats durent parfois plus longtemps que prévu. Je suis sûr que nous le constaterons ce soir aussi.
Les témoins d'aujourd'hui comprennent l'Association canadienne des éleveurs de bovins, l'Institut de la fourrure du Canada, le Fonds international pour la protection des animaux et la Coalition pour la protection de la volaille. S'il y a quelqu'un que je n'ai pas mentionné, veuillez le signaler.
Pour ne pas perdre de temps, je vais donner la parole aux témoins dans l'ordre où je viens de les mentionner, c'est-à-dire que nous commencerons avec l'Association canadienne des éleveurs de bovins, représentée par Jim Caldwell, directeur des Affaires gouvernementales, et Bob Dobson, ex-président, Comité de l'environnement et de la protection des animaux.
Monsieur Caldwell ou monsieur Dobson, vous avez la parole.
M. Bob Dobson (ex-président, Comité de l'environnement et de la protection des animaux, Association canadienne des éleveurs de bovins): Je vais faire notre déclaration liminaire. Je précise que je suis un éleveur de boeuf de l'est de l'Ontario.
Au nom de l'Association canadienne des éleveurs de bovins (CCA), je vous remercie de nous offrir la possibilité d'exprimer les préoccupations des producteurs de bovins au sujet du projet de loi C-15B. Comme vous le savez, la CCA a déjà adressé ces préoccupations au ministre, au ministère et aux députés.
Les arguments juridiques à l'origine des inquiétudes des éleveurs de bovins sont exposés dans les mémoires que nous vous avons présentés dans le passé et dont j'espère que vous avez reçu des exemplaires.
Comme je ne suis pas un juriste, je vais me concentrer sur mon expérience personnelle et sur l'incidence que pourraient avoir ces modifications au Code criminel. Comme mon père et mon grand-père, je suis propriétaire de bétail. En fait, ma famille exploite une ferme d'élevage en Ontario depuis 1830. Les choses dont je vais vous parler aujourd'hui n'ont donc rien de théorique dans mon cas. Certaines des modifications que vous envisagez pourraient un jour m'amener ou amener l'un de mes voisins devant un juge, pas nécessairement parce que j'aurais commis une infraction mais plutôt parce que quelqu'un n'aurait tout simplement pas approuvé mes méthodes d'élevage ou n'aurait pas interprété correctement la loi.
Cela arrive déjà aujourd'hui, avec la loi actuelle. Bien que personne ne puisse prédire comment ces modifications proposées pourraient affecter notre situation à l'avenir, la CCA, et moi- même en tant qu'éleveur, craignons qu'elle ne suscite des problèmes inutiles.
En plus d'être propriétaire et éleveur de bétail, je suis conseiller auprès d'un service de soins aux animaux de ferme, créé en Ontario il y a une décennie. Ce service s'occupe des plaintes relatives aux soins inadéquats dispensés aux animaux de ferme. À l'instar des enquêteurs de la Société canadienne de protection des animaux de l'Ontario, avec qui nous collaborons parfois, il nous est arrivé aussi d'éprouver des frustrations face aux peines inadéquates qui sont imposées, en particulier aux récidivistes chroniques. À cet égard, je peux affirmer que la communauté des éleveurs approuve les peines proposées.
En revanche, il y a aussi des cas où de fausses accusations ont été portées, ce qui a entraîné des pertes financières et des problèmes personnels pour les agriculteurs visés. En agriculture, la marge bénéficiaire est très mince. Les honoraires juridiques qu'exige la préparation d'une défense d'actions ou de méthodes de gestion légitimes peuvent dépasser largement les moyens de nombreux agriculteurs ou éleveurs. Retirer les dispositions de la partie XI, touchant les actes volontaires et prohibés concernant certains biens, et élargir explicitement la définition du mot «animal» augmente le risque que cette situation n'arrive plus souvent.
• 1750
Je considère mon bétail comme ma propriété. En fait, ma
banque aussi, je peux vous le garantir. Quoi qu'il en soit, je
pense que cela me donne certains droits. Je peux acheter mes
animaux et les vendre. Mais cela me donne aussi des devoirs. En
tant que propriétaire, je dois en prendre soin. Je suis sûr que
la plupart des Canadiens raisonnables, qu'ils possèdent du bétail
ou des chats, partagent cette opinion.
Des représentants du ministère et la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux ont déclaré que les agriculteurs sont protégés contre les modifications proposées parce qu'il existe dans le secteur agricole des codes de pratique, des règlements et un système de permis, mais cette affirmation est trompeuse. À titre d'exemple, prenons le code de pratique actuellement recommandé.
La connaissance pratique que nous avons de l'élevage nous dit que ces codes ne constitueront pas un filet de sécurité adéquat pour protéger les producteurs contre les accusations sans fondement que ces propositions semblent inviter. Je parle ici d'accusations émanant de voisins rancuniers, des groupes ayant des objectifs autres que le bien-être animal, ou de l'appareil judiciaire lui-même. Les codes ne sont pas destinés à être des guides de production, ce qu'ils disent clairement. On n'y trouve pas de détails précis sur bon nombre de pratiques de gestion. Par exemple, le code relatif à l'élevage du boeuf ne me dit pas—et ne dit pas non plus au procureur de la Couronne—comment procéder pour châtrer un boeuf, il dit seulement que cela doit se faire de manière acceptable et sans cruauté.
Par ailleurs, il n'existe pas de codes pour tous les animaux d'élevage. De fait, je suis relativement plus protégé contre des accusations frivoles qu'un éleveur de bisons, par exemple, ou un éleveur de chèvres. De même, les règlements existants ne portent même pas sur la production et le traitement des animaux destinés à l'alimentation. Par exemple, l'abattage pour consommation personnelle, qu'il s'agisse de bétail ou de homard, n'est pas réglementé en Ontario.
Le code relatif au boeuf n'a pas été créé par voie réglementaire et il n'est pas contraignant. Son respect est volontaire. Certes, cela ne le rend pas totalement inutile et, contrairement à ce que d'aucuns diront, il est encore possible de faire ce qu'il faut au bon moment et pour les bonnes raisons sans la menace d'une loi rigoureuse et punitive. C'est précisément le cas en agriculture.
Nous continuons de produire des aliments bon marché et de contribuer au produit national brut grâce à nos exportations parce que nous excellons dans ce que nous faisons. Pour ce qui est de l'élevage du bétail, cela veut dire que nous prenons bien soin de nos animaux. Cela veut dire aussi que nous sommes capables d'utiliser les nouvelles recherches et la technologie pour réduire nos coûts de production, assurer la salubrité des aliments, rehausser la qualité de l'environnement et tirer parti de la commercialisation.
Avoir les mains liées parce que nous ne savons pas si une modification de nos méthodes de gestion risque de nous attirer par inadvertance les foudres de nos critiques, ou parce que ces méthodes sont avant-gardistes, ou parce qu'elles dépassent l'entendement des avocats, ne nous permettra pas de continuer à produire des aliments bon marché et salubres pour la population canadienne. Et cela ne sera peut-être même pas dans le meilleur intérêt des animaux que nous élevons. Voilà le risque que pose le retrait de cette partie XI de la loi et l'élimination des mesures de protection explicites et directes qui s'y trouvent.
La définition que l'on propose du mot «animal» est également une source d'inquiétude. Bien que je possède du bétail, lequel est actuellement défini, je m'occupe parfois aussi d'animaux sauvages et d'animaux nuisibles. Considérant la manière dont les animaux seraient définis avec les modifications, le système judiciaire obtiendrait une sorte de permis permanent de porter des accusations que l'on n'aurait jamais envisagées autrefois.
En théorie, la proposition vise à restreindre la définition. En pratique, elle l'élargit.
Pourrais-je ainsi être accusé d'avoir causé des souffrances à des grenouilles ou à des poissons? Je n'en sais rien. Est-ce que je cours un plus grand risque d'être accusé? Je pense que oui.
Certains groupes affirment qu'on a placé la barre trop haut dans la loi actuelle et qu'il leur est impossible d'obtenir des condamnations dans un nombre suffisant de cas. Hélas, nous n'avons reçu aucune preuve à l'appui de cette affirmation. Il y a peut-être d'autres facteurs en jeu.
Si l'on examine les accusations qui ont pu être portées contre des éleveurs de bétail, on constate qu'il y a eu également des condamnations. Ce qui est particulièrement triste—et l'SCPAO dirait la même chose—c'est que, bien souvent, les accusations sont motivées par des difficultés émotionnelles conjuguées à des difficultés économiques.
• 1755
Les éleveurs de bétail ne s'opposent pas à l'alourdissement
des peines dans les cas d'abus ou de négligence chronique mais,
puisque ces cas semblent souvent révéler un certain déséquilibre
mental, voire la simple croyance qu'une telle action est
acceptable, nous nous demandons si l'alourdissement des peines
sera vraiment dissuasif. Nous ne pouvons que présumer que les
fonctionnaires du ministère de la Justice ont des données
justifiant leur proposition.
Au nom des quelque 100 000 éleveurs de bétail du Canada, je vous demande d'examiner attentivement les conséquences réelles et à long terme de ces modifications proposées au Code criminel. Personne ne conteste que la violence faite aux animaux soit répréhensible. Ce qui est en jeu ici, c'est la question de savoir si ces modifications radicales et de vaste portée amélioreront la situation ou ne feront qu'accroître les problèmes et l'incertitude pour les propriétaires d'animaux.
L'Association canadienne des éleveurs de bovins demande en conséquence que deux modifications importantes soient apportées au projet de loi. Premièrement, ne pas modifier les dispositions de la partie XI concernant la cruauté envers les animaux; deuxièmement, retirer la définition du mot «animal».
Merci de votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à Douglas Pollock, de l'Institut de la fourrure du Canada.
M. Douglas K. Pollock (vice-président exécutif, Institut de la fourrure du Canada): Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à m'adresser au comité pour exposer les préoccupations de l'Institut de la fourrure du Canada au sujet du projet de loi C-15B.
Je tiens à préciser tout de suite que l'Institut de la fourrure ne souhaite aucunement critiquer les objectifs louables de ce projet de loi. Nous respectons les animaux et nous favorisons l'amélioration de leur bien-être dans toutes nos activités.
L'Institut a été mis sur pied en 1983 par les ministres de la Faune fédéral-provinciaux-territoriaux du Canada. Notre mission générale consiste à faire la promotion d'une utilisation durable et sage des ressources de la fourrure du Canada. Nous sommes un organisme national à but non lucratif dont les membres représentent tous les secteurs de l'industrie de la fourrure tels que les trappeurs, les éleveurs, les vendeurs aux enchères, les fabricants de vêtements et les détaillants. Nous avons de plus beaucoup de membres autochtones et de membres représentant les organisations de protection des animaux, et chaque province et territoire fait partie de l'Institut.
L'industrie de la fourrure emploie environ 60 000 personnes, en majorité des trappeurs. Le piégeage des animaux à fourrure est une activité extrêmement réglementée par les gouvernements provinciaux et territoriaux. Il est par exemple interdit de piéger les espèces menacées. Agriculture Canada réglemente l'élevage des animaux à fourrure, et les éleveurs sont tenus de respecter des codes de pratique exhaustifs.
Le programme de recherche et d'essais de l'IFC sur le piégeage est le plus exhaustif au monde, intégrant à la fois le savoir traditionnel, des données scientifiques et les nouvelles technologies pour faire en sorte que les pièges soient conformes à des normes nationales et internationales de piégeage sans cruauté. Le but du programme est de veiller à ce que les appareils utilisés par les trappeurs soient efficients, sûrs et sans cruauté.
Nos recherches sur les animaux respectent les directives de CCAC, sont approuvées par les comités agréés de protection des animaux et reposent sur des principes d'éthique, de responsabilité et d'acceptabilité.
Le problème que pose le projet de loi C-15B, sous sa forme actuelle, est que les trappeurs, les éleveurs et tous ceux qui s'occupent d'animaux risquent de faire l'objet d'accusations portées par ceux dont l'objectif est d'interdire l'utilisation des animaux. En conséquence, nous souhaitons que l'on indique clairement dans le projet de loi que cela n'arrivera pas.
À première vue, le projet de loi semble avoir pour but de faire avancer la cause du mouvement de protection des droits des animaux plutôt que d'essayer simplement d'éliminer la cruauté envers les animaux. Aucune industrie n'a été plus délibérément et vicieusement attaquée par les extrémistes de ce secteur, y compris par mon ami le représentant du FIPA, que l'industrie de la fourrure.
Pour l'industrie canadienne de la fourrure, l'une des dates clés dans cette bataille a été le règlement européen de 1995 interdisant l'importation de tout produit de la fourrure en Europe. Ce règlement européen était le résultat des campagnes incessantes menées par les organisations de droits des animaux qui s'opposaient au commerce de la fourrure, sous l'égide du FIPA. Il s'agissait là d'une tentative flagrante d'imposition de restrictions à l'utilisation des animaux et, dans ce cas, des animaux à fourrure. La protection des espèces et le bien-être des animaux n'avaient rien à voir à l'affaire.
Après de longues négociations avec le gouvernement canadien, l'Union européenne, la Russie et le Canada ont signé en 1997 l'Accord sur les normes internationales de piégeage sans cruauté. Or, les résultats des recherches effectuées par l'Institut de la fourrure furent un élément important de l'établissement de cet accord qui fixe des normes rigoureuses en matière de piégeage, pour protéger les animaux.
J'ajoute que le succès de ces négociations devait beaucoup à l'intervention directe du premier ministre. Il y a quelques années, ici même, sur la colline parlementaire, tous les partis politiques s'étaient entendus pour appuyer l'industrie de la fourrure contre l'interdiction imposée par l'UE. Jusqu'à présent, l'Union européenne a fait peu de progrès, voire aucun, pour appliquer l'accord dans les pays qui la composent.
Pourquoi l'accord était-il donc si important en Europe? C'était parce que le mouvement des droits des animaux, notamment le FIPA, avait réussi à convaincre l'électorat que le port de vêtements en fourrure était répréhensible et que le commerce de la fourrure devait être aboli, tout comme il avait réussi à faire abolir le commerce des produits du phoque.
• 1800
Cette approche sanctimonieuse de l'Union européenne vaut
encore aujourd'hui, même si l'on tue en Europe de 4 à 5 millions
d'animaux sauvages par an, dont on retrouve les cadavres dans les
décharges publiques.
Mon travail m'amène à passer beaucoup de temps dans le Grand Nord, avec des trappeurs autochtones qui me rappellent continuellement que ces extrémistes du mouvement des droits des animaux ont détruit l'industrie du phoque, qui faisait partie de leur patrimoine et de leur culture. Et la perte de ce marché important a causé de graves difficultés économiques et sociales aux communautés autochtones. Dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, les revenus tirés du phoque sont tombés de 1 million de dollars en 1980 à 55 000 $ en 1984, résultat direct des campagnes menées contre la chasse au phoque. Des statistiques montrent que le taux de suicide dans ces collectivités a brutalement augmenté peu après. Et tout permet de penser que la dévastation des communautés autochtones serait encore pire si l'industrie de la fourrure s'effondrait.
Aujourd'hui, les Autochtones des communautés du Nord craignent que le gouvernement ne capitule devant ces extrémistes, ce qui entraînerait la destruction de leur mode de vie. En effet, ces extrémistes, présents ici ce soir, veulent éliminer ce qui constitue dans certains cas la seule activité économique des habitants du Nord et détruire en même temps l'industrie de la fourrure.
Comme vous le savez, il existe un élément du mouvement de protection des droits des animaux que le SCRS et le FBI qualifient de terroriste. Nous prenons très au sérieux la menace que représentent ses activités et nous avons eu certains succès pour les contrer. Nous sommes cependant tout aussi préoccupés par l'approche pragmatique qu'on adopte plus souvent, dans le but ultime de mettre fin à l'utilisation des animaux. Dans cette approche, le mouvement agit au moyen de compromis et par étapes pour atteindre son but. Par cette approche gradualiste, bénéficiant de campagnes financées à coup de millions de dollars, l'opinion publique adopte peu à peu leurs thèses, notamment dans les grandes villes où résident la plupart des électeurs, qui n'ont qu'une connaissance limitée de la vie rurale ou de la gestion de la faune.
C'est cette approche qui a entraîné l'effondrement de l'industrie de la chasse au phoque. Le piégeage est aujourd'hui interdit dans plusieurs États américains. L'élevage des animaux à fourrure est interdit en Grande-Bretagne—et, coïncidence étrange, depuis que le gouvernement travailliste ait reçu un don de 1 million de livres.
L'organisation de conservation la plus prestigieuse au monde, l'UICN, Union mondiale pour la nature, a déjà rejeté à deux reprises la demande d'adhésion du FIPA. Je me demande bien pourquoi.
Grâce à ces manoeuvres, le mouvement réussit peu à peu à faire adopter ses thèses par les pouvoirs publics, et le projet de loi C-15B est une nouvelle étape en ce sens.
Lors du dépôt de l'ancien projet de loi Bill C-17, quelqu'un a déclaré que:
-
Cinquante ans après que les femmes aient été juridiquement
reconnues comme des «personnes», les animaux sont sur le point
d'obtenir leur propre émancipation en droit canadien.
Monsieur le président, le projet de loi C-15B nous préoccupe sérieusement. Tout d'abord, nous pensons que transférer les dispositions de la partie XI sur la cruauté envers les animaux dans la partie V.1 proposée modifiera toute la notion de propriété reliée à l'utilisation des animaux, ce qui a toujours été très important dans la loi réprimant la cruauté envers les animaux.
De même, les modifications abolissent la protection juridique sans aucune raison. En transférant les dispositions relatives à la cruauté de la partie XI à la partie V.1 proposée, la protection juridique immédiate qui est actuellement assurée par la notion d'excuse légale du paragraphe 429(2) n'existe plus.
Les représentants du ministère de la Justice nous disent que la nouvelle définition du mot «animal» est plus claire. Nous n'avons cependant aucune preuve qu'elle soit nécessaire. En outre, la définition proposée est insatisfaisante car elle ouvre la porte à des poursuites qui n'auraient jamais été intentées autrefois, concernant par exemple la pêche, la chasse, le piégeage, etc.
Certaines parties du projet de loi C-15B ne sont pas claires. Les notions de douleur, souffrance ou blessure inutile et d'action sauvage ou cruelle sont subjectives. Ce qui peut être «inutile» mais adéquat pour certains, comme les défenseurs des droits des animaux, sera complètement différent aux yeux de ceux qui font de la recherche, du piégeage, de la chasse ou de l'agriculture—ou, en fait, du grand public.
Nous nous interrogeons sur l'alinéa 182.2(1)a) qui est proposé. Quand le trappeur devient-il propriétaire d'un animal sauvage, ou le pêcheur, d'un poisson? S'il y a eu douleur, souffrance ou blessure, ont-ils commis une infraction? Ce n'est pas clair.
L'alinéa 182.2(1)d) parle de l'administration «d'une drogue ou substance nocive» à un animal. Il peut arriver qu'un chercheur utilise un tranquillisant pour mener des études sur les ours. Supposons qu'il ait surestimé le poids de l'animal et que celui- ci meure. Est-il qu'il aura commis cet acte sans se soucier des conséquences? Est-ce qu'il aura commis une infraction?
• 1805
L'alinéa 182.2(1)e) contient l'expression «harcèlement
d'animaux», qui n'a certainement plus le même sens aujourd'hui
qu'il y a 50 ans. Pour la plupart des gens, utiliser un ver ou un
leurre pour attraper du poisson ne saurait constituer du
harcèlement. Autrefois, il pouvait s'agir d'utiliser un chien
pour attaquer et harceler un ours, par exemple, ou de persécuter
un animal par des attaques continues. Si l'on veut vraiment
moderniser la législation, il conviendrait peut-être de mieux
définir la notion de «harcèlement».
L'alinéa 182.3(1)b) oblige à nouveau à se demander quand le trappeur devient propriétaire. Est-ce lorsque l'animal entre dans le piège? Le trappeur exerce peut-être un contrôle indirect de l'animal mais il n'est pas là, sur place. Il ne peut donner les aliments, l'eau, le refuge qui sont indiqués dans le projet de loi. A-t-il alors commis une infraction?
En ce qui concerne le paragraphe 182.3(2), il faut dire que le Canada est devenu un État multiculturel avec des citoyens originaires de nombreux pays différents, où les normes de soin sont peut-être différentes que pour une personne née au Canada. Pourtant, toutes ces personnes peuvent être considérées comme des personnes raisonnables. Comment fait-on la différence?
Aujourd'hui, les citoyens canadiens ont le droit de protéger leurs biens contre les animaux sauvages. Les ramifications possibles des modifications proposées touchent une collectivité beaucoup plus large que la seule communauté qui utilise les animaux et elles devraient donc préoccuper le grand public. La plupart des gens utilisent du poison pour se débarrasser des rats et des souris. Je suis sûr qu'il arrive parfois qu'un chien ou un chat en soit infecté. Cela sera-t-il considéré comme un crime?
Le ministère de la Justice nous dit que nous n'avons rien à craindre de ces propositions. Si tel est le cas, monsieur le président, pourquoi tant d'utilisateurs différents des animaux expriment-ils des réserves? Je parle ici de chercheurs, du Conseil canadien de protection des animaux, de l'Association des éleveurs, de chasseurs et de pêcheurs, d'éleveurs de volaille et de trappeurs. Pourquoi les gouvernements provinciaux expriment- ils des réserves? Nous savons parfaitement qu'un certain nombre d'entre eux ont écrit au ministère de la Justice pour exprimer leurs préoccupations.
Finalement, monsieur le président, considérant les attaques déjà lancées contre notre industrie, nous craignons que les organisations de protection des droits des animaux ne profitent du manque de clarté des propositions pour s'opposer à l'utilisation légitime des animaux. Nous sommes d'accord pour que l'on utilise cette nouvelle législation pour améliorer le bien- être des animaux mais à condition que l'on s'assure que le simple citoyen dont la vie tourne autour des animaux puisse mener tranquillement ses activités.
Merci de votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à MM. Richard Smith et David Loan, du Fonds international pour la protection des animaux.
M. Richard Smith (directeur national, Fonds international pour la protection des animaux): Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité, monsieur le président.
[Français]
Merci de l'occasion qui m'est donnée de vous parler aujourd'hui.
[Traduction]
En tant que biologiste professionnel, je suis très heureux de pouvoir vous parler de cette question importante.
Le Fonds international pour la protection des animaux appuie sans réserve le projet de loi C-15B. Tout simplement, étant donné que l'architecture fondamentale des dispositions actuelles du Code criminel relatives à la cruauté envers les animaux est vieille de 109 ans, c'est-à-dire qu'elle remonte à l'époque de la reine Victoria, les amendements de modernisation figurant dans le projet de loi C-15B sont certainement opportuns.
Le ministre de la Justice, le ministère de la Justice et le gouvernement méritent d'être félicités pour le leadership dont ils font preuve en proposant ces amendements raisonnables. Ils indiquent ainsi qu'ils sont conscients que les crimes de cruauté constituent un problème grave dans ce pays, et que les Canadiens accordent une priorité croissante à la nécessité de sanctionner ce type de crimes avec fermeté et justice.
Comme vous, nous avons écouté les témoins de la semaine dernière et nous aimerions intervenir dans ce débat important en formulant cinq remarques simples.
Premièrement, les dispositions du projet de loi C-15B ne sont ni triviales ni excessives, mais elles sont tout à fait nécessaires parce que la loi actuelle n'est tout simplement pas efficace. Dans tout le pays, les agents d'exécution des lois ont besoin des outils figurant dans ces modifications au Code criminel pour intenter avec succès des poursuites contre les personnes qui infligent sans nécessité de la cruauté aux animaux.
Vous avez entendu parler la semaine dernière du lien prouvé qui existe entre la cruauté envers les animaux et la violence familiale, ou la violence envers les gens, de manière générale. Il est clair qu'agir rapidement dans le cas de la cruauté envers les animaux peut en fait constituer une mesure de prévention d'autres crimes graves et violents à plus long terme.
On vous a dit aussi que moins d'un tiers de 1 p. 100 de toutes les plaintes de cruauté envers les animaux débouchent actuellement sur des poursuites pénales. Et, de ce nombre minuscule, moins de la moitié des poursuites aboutissent à une condamnation.
L'un des documents que nous avons apportés aujourd'hui fait le point sur les articles de journaux publiés depuis le dépôt du projet de loi C-15B, il y a sept mois. Après une analyse attentive, nous avons trouvé des articles sur 80 cas différents de cruauté envers les animaux, concernant plus de 1 100 animaux.
• 1810
Dans au moins 33 p. 100 des cas, aucune accusation n'a été
portée. Plus de 87 p. 100 des cas—et nous parlons ici de cas
rapportés dans la presse, c'est-à-dire intéressant manifestement
le grand public—ne concernaient que des chats et des chiens.
Hélas, cette étude est déjà dépassée. Ce matin encore, on pouvait lire dans le Chronicle-Herald de Halifax que quelqu'un avait trouvé en bordure de route un sac de chatons morts et mourants. Ces quatre chatons souffraient de blessures graves à la tête, d'os brisés et de colonne vertébrale brisée. Des exemples semblables de cruauté envers des animaux ont été rapportés dans la presse la semaine dernière, alors que votre comité entamait son étude de ce projet de loi. Il est donc évident que de nombreux actes de cruauté continuent d'être commis envers les animaux.
J'aimerais maintenant donner la parole à Dave qui va poursuivre notre déclaration.
M. David Loan (directeur des Campagnes et des affaires publiques, Fonds international pour la protection des animaux): Merci.
Notre deuxième remarque est que le regroupement des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux dans un seul article du projet de loi et le retrait de ces dispositions de l'article relatif aux crimes contre les biens, conjugué à l'alourdissement des peines, est absolument crucial pour donner aux agents d'exécution des lois les outils juridiques dont ils ont besoin, et pour mettre en relief la gravité des infractions reliées à la cruauté envers les animaux.
Le problème n'est pas seulement que les peines actuelles sont insuffisantes, c'est aussi que l'on n'a encore jamais, à notre connaissance, infligé la peine de détention maximale qu'ordonne la loi actuelle. Or, comme nous venons de le dire, nous ne manquons pas de crimes terribles. Toutefois, comme les lois actuelles ne sont pas claires et ne sont pas prises en compte par un appareil de justice de plus en plus débordé, les crimes commis envers les animaux sont laissés de côté parce qu'on les juge relativement peu importants.
Les faits sont clairs. Un exemple parfait de lacune fondamentale de la loi actuelle nous est fourni par une affaire de cruauté envers les animaux qui s'est produite plus tôt cette année près de Wakefield, au Québec, là où j'habite. Un propriétaire d'appartements a battu à mort le petit chien de son locataire, ce qu'il a reconnu devant la police. Toutefois, dans la précipitation du moment, et peu après la perpétration de ce crime, la police a recommandé au locataire d'accepter une compensation financière du propriétaire. C'est seulement après que le locataire a constaté que la police n'intenterait pas de poursuites pour motif de cruauté, parce que le locataire avait été indemnisé pour la perte de son bien.
Ce cas, qui n'est pas isolé, montre le problème que pose la définition d'un crime contre un animal comme étant simplement un crime contre les biens. En retirant ce type de crime de l'article réprimant les crimes contre les biens, dans le Code criminel, on clarifie aussi la situation des animaux sans propriétaire, comme les chats égarés et les animaux sauvages. Dans une affaire dont on a beaucoup parlé, un homme de Winnipeg avait écrasé la tête d'un chat sous son talon. Comme le procureur ne pouvait pas prouver que le chat appartenait à quelqu'un, l'auteur de ce crime fut innocenté.
Troisièmement, toute analyse objective montre que les industries animalières n'ont rien à craindre de ces modifications au Code criminel. Toute suggestion que cette législation débouchera sur une avalanche d'accusations sans fondement est ridicule et injustifiée. Il y a dans le Code criminel du Canada divers mécanismes protégeant les citoyens respectueux des lois contre des poursuites pénales illégitimes. Par exemple, pour intenter des poursuites en vertu du Code criminel, il faut l'appui actif d'un procureur de la Couronne. Or, nous n'avons trouvé aucun exemple, dans quelque juridiction du Canada que ce soit, de poursuite sans fondement qui ait été intentée contre le propriétaire d'un animal
À ceux d'entre vous qui disent que nous devons accepter un compromis, je tiens à dire que nous l'avons déjà fait. Lorsque le gouvernement avait proposé le projet de loi C-17, qui était le prédécesseur du projet actuel, l'industrie avait réclamé des concessions. Bon nombre de ces concessions se trouvent dans le projet de loi C-15B—par exemple, l'adverbe «volontairement» qui qualifie l'article 182.2 proposé. De même, l'expression «par négligence» qui qualifie l'article 182.3.
Nous appuyons ces modifications mais, aujourd'hui, certains lobbyistes de l'industrie viennent réclamer d'autres concessions. Il semble qu'ils considèrent le projet de loi C-15B comme une cible mouvante et qu'ils ne seront en fait satisfaits que par l'éviscération totale du texte.
Pour votre information, notre appui à cet excellent projet de loi ne procède pas d'un complot pour mettre fin à l'élevage au Canada. Nous ne souhaitons aucunement que ce projet de loi soit invoqué de manière frivole contre des pratiques industrielles acceptées, et nous ne voulons aucunement que cela soit une possibilité même distante. Certes, il y a certaines pratiques auxquelles nous espérons que ce projet de loi s'appliquera, par exemple pour faire disparaître les usines à chiots et les combats de chiens. En effet, ces pratiques sont inacceptables pour les Canadiens, et c'est pourquoi nous vous demandons d'adopter le projet de loi.
M. Richard Smith: Nous avons deux dernières remarques à formuler.
Notre quatrième argument est que le Canada n'est certainement pas le premier pays au monde à envisager de regrouper ses dispositions de répression de la cruauté envers les animaux dans un article distinct de son code pénal ou d'une loi similaire, loin de là. Certes, il est relativement difficile de comparer les lois de juridiction différentes, étant donné que les régimes juridiques peuvent être différents, mais il est clair que bon nombre d'États américains ont adopté des dispositions réprimant la cruauté envers les animaux en les intégrant à des articles particuliers de leur code pénal ou d'autres lois. La Grande-Bretagne a adopté une loi spécifique sur la protection des animaux, la Nouvelle-Zélande a adopté une nouvelle loi fédérale de protection des animaux, et l'Union européenne a son protocole sur la protection et le bien-être des animaux. Donc, l'initiative canadienne ne fait aucunement précédent.
• 1815
Notre cinquième et dernier argument est que le projet de loi
C-15B jouit de l'appui le plus large possible des particuliers et
des organisations oeuvrant au Canada. Selon un sondage national
effectué par l'Institut Pollara pour notre organisme, la majorité
des Canadiens exprimant une opinion, soit 62 p. 100 d'entre eux,
appuient des peines plus sévères en cas de cruauté envers les
animaux. Seulement 11 p. 100 des Canadiens sont en désaccord.
Contrairement à ce que d'autres témoins ont pu vous dire, il n'existe aucune différence d'attitude notable, d'après les sondages de Pollara, entre les régions urbaines et rurales. Pollara a constaté que 58 p. 100 des Canadiens des collectivités rurales et des petites villes et 61 p. 100 des Canadiens de milieu urbain sont d'accord pour des peines plus lourdes.
La création dans le Code criminel d'un chapitre distinct pour les animaux est appuyée par l'ancienne Commission de réforme du droit du Canada. Elle est également appuyée par plus de 400 000 membres des sociétés de protection des animaux du pays. Notre bureau d'Ottawa reçoit plus d'appels téléphoniques de ses 60 000 membres sur des questions de cruauté infligée à des chats ou à des chiens que sur toutes les autres questions prises ensemble.
Juste avant le dépôt de ce projet de loi, l'industrie canadienne des animaux domestiques, qui représente 3 milliards de dollars par an, a publiquement pris position en faveur de modifications au Code criminel qui réduiraient ou élimineraient la cruauté infligée aux animaux.
Le projet de loi C-15B a également reçu l'appui de représentants provinciaux qui ont été confrontés à des problèmes de cruauté envers les animaux sur leur territoire et qui jugent la loi actuelle inadéquate. Je pense qu'il importe de souligner que cet appui provincial n'est politiquement pas partisan. Par exemple, le projet de loi est appuyé totalement et sans réserve par le gouvernement Harris de l'Ontario, et nous vous avons distribué des exemplaires de la lettre de M. Harris.
Le projet de loi C-15B reçoit également l'appui de gens comme Frank Faveri, procureur de la Couronne qui a tenté de poursuivre un homme qui était accusé d'organiser des combats de chiens et d'utiliser des chatons vivants comme appâts, à Bradford, en Ontario, en juin de cette année. Malgré tous ses efforts, la poursuite n'a pas réussi. Ce procureur a attribué son échec aux carences actuelles du Code.
Le projet de loi a également reçu l'appui de Canadiens comme Steve Bradley et Teresa Barroso, le couple de Wakefield qui possédait le chien qui a été battu à mort et dont Dave parlait tout à l'heure.
Finalement, le projet de loi a reçu l'appui du détective John Margetson, de la Police métropolitaine de Toronto, qui fait actuellement son possible pour mener une enquête sur cette affaire terrible dont vous avez peut-être entendu parler où deux hommes ont torturé un chat à mort en enregistrant leurs actes sur bande vidéo. Il a beaucoup de mal à faire avancer son enquête.
Voilà donc d'excellentes personnes qui savent, de par leur expérience personnelle, que la loi actuelle est inadéquate. Et ces personnes espèrent toutes que le Parlement va régler le problème. Les agents d'exécution des lois du Canada ont besoin des outils nécessaires pour mettre la main au collet des auteurs de cruauté envers les animaux, et c'est ce que leur donnera ce projet de loi, ni plus, ni moins.
Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos questions et aussi pour corriger certaines des déclarations les plus alarmistes qui ont pu être faites ce soir. Peut-être pourrais-je le faire pendant la période des questions.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à John Slot et Bill Uruski, de la Coalition pour la protection de la volaille.
M. John Slot (vice-président, Les Producteurs de poulets du Canada; représentant, Coalition pour la protection de la volaille): Bonsoir. Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous au nom de la Coalition pour la protection de la volaille, qui se joint à l'Office canadien de commercialisation des oeufs, à l'Office canadien de commercialisation du dindon, aux Producteurs de poulets du Canada et à l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair sur la question de la cruauté envers les animaux. La Coalition représente 4 800 éleveurs de tout le pays, pour l'ensemble des quatre groupements spécialisés.
Nous aimerions vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'exposer notre opinion sur les modifications proposées au sujet de la cruauté envers les animaux. Dès le départ, nous tenons à souligner que le Canada devrait avoir des lois rigoureuses au sujet de la cruauté envers les animaux. Nous croyons que l'alourdissement des peines proposé pour les actes de cruauté constitue l'un des principaux avantages du projet de loi.
Notre industrie applique des méthodes d'élevage sans cruauté pour offrir aux Canadiens des aliments sains et abordables. Selon nous, le projet de loi ne vise pas les méthodes d'élevage normales. Il s'agit plutôt de viser les pratiques qui tombent complètement en dehors des normes, objectif que nous partageons.
• 1820
Vous avez sans doute entendu parler, tout comme nous,
d'exemples absolument déplorables de cruauté envers les animaux.
C'est cette cruauté que le projet de loi est destiné à réprimer.
Malheureusement, les auteurs du projet ont jeté le filet trop
loin car le projet de loi va s'appliquer à l'utilisation normale
des animaux et aura même pour effet de changer le statut des
animaux.
Nous sommes tout à fait prêts à admettre que tel n'était pas l'objectif du législateur. Toutefois, c'est la loi elle-même, pas l'intention du législateur, qui compte au tribunal.
Si vous nous le permettez, nous voudrions exposer les principaux problèmes que pose ce projet de loi et vous proposer des solutions.
Je vais donc laisser la parole à mon collègue.
M. Bill Uruski (membre, Conseil de direction, Office canadien de commercialisation du dindon; représentant, Coalition pour la protection de la volaille): Merci, monsieur le président.
Notre premier problème concerne le transfert des dispositions de la partie XI à la partie V.1 du projet de loi C-15B. Dans la partie XI, les animaux sont définis comme étant des biens. On nous dit que le législateur n'a pas pour objectif de changer le statut des animaux en tant que biens et, si tel est le cas, il faudrait le dire explicitement. Nous recommandons que la partie V.1 proposée soit réintégrée à la partie XI, ou alors que l'on modifie le titre de la partie V.1 proposée pour indiquer clairement qu'elle porte sur les biens privés et publics.
Le retrait des dispositions réprimant la cruauté envers les animaux de la partie XI débouche obligatoirement sur l'élimination des mesures admissibles en raison de «justification légale ou d'excuse légitime et d'apparence de droit», qui sont actuellement prévues à l'article 429. Du fait de ce retrait, les éleveurs risquent de faire l'objet d'accusations sans fondement, ce qui n'est pas le but du législateur. Notre proposition porte sur les infractions énumérées aux alinéas 182.2(1)a) à d). Pour ce qui est des alinéas 182.3(1)a) à c), il importe de préciser clairement quelles actions sont visées par le législateur, et lesquelles ne le sont pas.
Bien que nous préférions clairement que la partie V.1 proposée soit réintégrée à la partie XI, concernant les biens, et où s'appliquerait l'article 429, nous pensons qu'il existe d'autres solutions réalistes. L'une d'elles consisterait à identifier les actions ciblées, comme celles des alinéas 182.2(1)a) à d), qui sont commises volontairement et sans souci des conséquences, ainsi que sans justification légale, excuse légitime ou apparence de droit et, en outre, les actions proposées aux alinéas 182.3(1)a) à c), commises avec négligence et sans justification légale, excuse légitime ou apparence de droit.
Nous ne croyons pas que les infractions figurant aux alinéas proposés 182.2(1)e) à h) exigent ce genre de précision, sous réserve des remarques que nous allons formuler ci-après. L'alinéa 182.2(1)e) pourrait transformer en infraction le fait de recruter du personnel de dératisation pour harceler des rongeurs. Or, la dératisation est essentielle pour prévenir les maladies. Elle est essentielle à la protection de la volaille, de la santé humaine et de la production alimentaire. En conséquence, nous recommandons qu'on élimine le harcèlement des animaux de l'alinéa 182.2(1)e) proposé.
L'article des définitions, c'est-à-dire l'article 182.1, définit un «animal» de cette manière: «tout vertébré, à l'exception de l'être humain, et tout autre animal pouvant ressentir de la douleur». Nous pensons que cette définition est trop large. Il est très difficile, voire impossible, de mesurer la douleur. Nous croyons et recommandons qu'il convient de définir un animal comme étant «tout vertébré, à l'exception de l'être humain».
En ce qui concerne la négligence sans justification, l'alinéa 182.3(1)b) fixe la barre que doit franchir la poursuite à un niveau plus bas que les alinéas a) ou c). Nous recommandons d'inclure l'expression «avec négligence» à l'alinéa 182.3(1)b).
Finalement, étant donné les carences notables de ce projet de loi, nous pensons que l'agriculture risque de faire l'objet de nombreuses accusations sans fondement de la part de ceux dont le but est de mettre fin à quelque utilisation que ce soit des animaux.
Monsieur le président, nous savons bien que ces préoccupations peuvent paraître mineures au législateur mais, pour les éleveurs, ce sont des préoccupations quotidiennes. Or, il existe au Canada de nombreux groupes comme ceux que je viens de mentionner et il importe que le législateur leur indique tout à fait clairement que tel n'est pas son objectif. Nous vous recommandons en conséquence d'ajouter à cette partie de la loi un article précisant que c'est le procureur de la Couronne qui assumera la charge d'intenter des poursuites.
• 1825
Monsieur le président, nous avons remis nos recommandations
aux membres du comité de façon à ce qu'ils comprennent clairement
nos objectifs.
Je vous remercie de votre attention.
M. John Slot: En conclusion, les éleveurs ne sont pas différents des autres Canadiens. Nous voulons éliminer la cruauté infligée aux animaux. Nos méthodes d'élevage sont destinées à protéger la santé et le bien-être des animaux dont nous avons la charge. Nous croyons que les sanctions devraient être conçues pour prévenir la cruauté et sanctionner les auteurs d'actes cruels, mais en veillant bien à ce qu'elles n'entravent pas les méthodes d'élevage normales et légitimes.
Nous appuyons l'idée d'infliger des peines plus lourdes aux auteurs de cruauté envers les animaux. Nous approuvons l'idée d'infliger des peines plus sévères et nous sommes d'accord pour que les juges soient en mesure d'interdire la propriété d'animaux pendant des périodes plus longues.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Je vous remercie tous de vos interventions.
Je vais maintenant donner la parole à M. Toews, pour sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie beaucoup les remarques et commentaires que nous avons entendus ce soir.
Comme je l'ai déjà indiqué clairement, monsieur le président, il ne fait aucun doute dans mon esprit que ce projet de loi va détruire le gagne-pain de bon nombre de citoyens de ma circonscription, directement ou indirectement.
Je représente une circonscription rurale et ce projet de loi m'inquiète beaucoup. Je précise par ailleurs que j'ai déjà été procureur de la Couronne, probablement dans le gouvernement dont M. Uruski faisait partie autrefois. Je connais donc bien la situation dont on parle. J'ai intenté des poursuites dans des collectivités rurales, comme à Brandon, au Manitoba.
S'il y a une chose que je sais au sujet des poursuites judiciaires, c'est que, quel que soit leur résultat, la personne poursuivie fait face à un processus très onéreux, très dispendieux et psychologiquement épuisant. Nous devons donc nous assurer, chaque fois que nous modifions un texte de loi, surtout dans un domaine aussi controversé que celui-ci, de tenir compte de la situation des gens risquant de faire l'objet de poursuites.
Les modifications proposées par le gouvernement ne constituent manifestement pas une consolidation législative. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit plutôt de transférer les infractions d'une partie du Code à une autre et de laisser les défenses là où elles sont. Ce n'est pas une consolidation, c'est une création de nouvelles dispositions qui vont priver les personnes accusées de lignes de défense légitimes et parfaitement admises en droit pénal. C'est cela qui exposera mes concitoyens aux poursuites. On a transféré les infractions dans un nouvel article, mais pas les moyens de défense.
Comme je viens d'une région rurale, je peux vous dire que tout le monde, chez nous, a horreur de la cruauté envers les animaux. Tout le monde est favorable à des peines plus lourdes. Par contre, ce que nous a dit aujourd'hui le Fonds international pour la protection des animaux, ce n'est pas que nous avons besoin de peines plus sévères, étant donné que les juges n'imposent pas les peines maximales qui existent déjà. La seule chose que j'ai entendue aujourd'hui qui me fasse un peu changer d'avis, c'est que nous n'avons peut-être pas besoin de peines plus sévères, mais je peux vous dire que mes concitoyens veulent des peines plus sévères et une application plus rigoureuse par les juges des dispositions existantes.
Je pense que les recommandations de la Coalition pour la protection de la volaille, généralement appuyées par l'Association canadienne des éleveurs de bovins et par l'Institut de la fourrure, sont tout à fait réalistes et raisonnables, et qu'elles règlent en fait l'une de mes propres préoccupations. En effet, elles offrent le moyen de défense que je souhaite. La ministre de la Justice nous a dit qu'il n'y a aucun changement de fond dans ce projet de loi.
Si l'on adoptait les recommandations qui ont été formulées ce soir, je pense que cela m'apaiserait l'esprit et confirmerait qu'aucun changement de fond ne résulte du projet de loi. Au fond, cela confirmerait que c'est une vraie consolidation, comme le propose la Coalition pour la protection de la volaille.
• 1830
La dernière partie, concernant le rôle du procureur de la
Couronne, me paraît excellente. De manière générale, sur les
questions controversées—par exemple, les enlèvements d'enfants
dans le cadre de conflits familiaux—on exige le consentement du
procureur général de la province. J'aimerais une disposition
similaire ici. Je pense que c'était certainement le but visé par
les auteurs du texte et j'estime qu'il faudrait l'exprimer
clairement.
Une telle modification libérerait mes concitoyens de toute crainte inutile que des poursuites seront intentées par des groupes extrémistes et confirmerait que, si des poursuites doivent être intentées, elles le seront par le procureur général.
Après avoir entendu les représentants de la Coalition pour la protection de la volaille, je tiens à les féliciter car ils ont fait un travail exceptionnel. Que disent l'Association canadienne des éleveurs de bovins, l'Institut de la fourrure et le FIPA des propositions de la Coalition pour la protection de la volaille?
Le président: Une question vient d'être posée à l'Association des éleveurs, à l'Institut de la fourrure et au Fonds international pour la protection des animaux.
M. Vic Toews: Dans cet ordre.
M. Bob Dobson: Dans le mémoire que vous avez reçu aujourd'hui, vous constaterez que nos positions vont dans le même sens que celles de la Coalition pour la protection de la volaille. Notre mémoire a été rédigé après mûre réflexion, et après avoir consulté nos membres de tout le pays, de façon à produire une analyse juridique du texte de loi. C'est un mémoire très complet.
Je dois donc dire que nous n'avons aucun problème avec la proposition dont vous parlez. Nous l'appuyons. Notre position est foncièrement la même.
Le président: Monsieur Pollock.
M. Douglas Pollock: J'ai entendu ce soir pour la première fois, monsieur le président, les commentaires et recommandations de la Coalition de la volaille et je puis vous dire que l'industrie de la fourrure les appuie totalement.
Le président: Monsieur Smith ou monsieur Loan.
M. Richard Smith: Nous appuyons certainement en partie les propositions que nous avons été très heureux d'entendre de la Coalition pour la protection de la volaille.
Je voudrais revenir sur l'affirmation de M. Toews concernant la raison pour laquelle la peine de détention maximum prévue par la loi actuelle n'a jamais été infligée. Je ne pense pas que la raison en soit que les juges ne sont pas assez sévères. Par contre, si l'on en croit les procureurs qui se sont exprimés dans la presse, il semble vraiment que le problème vienne du caractère confus et désuet de cette partie du Code. En vous donnant ce soir des exemples concrets et réels de cas évidents où la police avait obtenu des confessions et possédait des preuves écrasantes... Le fait est que la criminalité contre les animaux est prise à peu près aussi sérieusement que la criminalité contre les objets. Voilà le problème.
J'attire votre attention sur ce que disait l'autre jour M. Jack Wilkinson, de la Fédération canadienne de l'agriculture, en réponse à M. Paradis, des Libéraux. Celui-ci lui avait demandé de donner un exemple concret de l'incidence négative que ce nouveau texte pourrait avoir sur son industrie.
M. Wilkinson a dit, et je cite:
-
Il est difficile de donner un exemple concret de ce qui pourrait
arriver, si ce n'est que [...] nous craignons que ces changements
n'augmentent le risque que des méthodes agricoles normales soient
interprétées par un juge comme étant du harcèlement.
Autrement dit, vous avez d'une part des exemples concrets de l'inefficacité de la loi actuelle et, d'autre part, aucun exemple concret de problème potentiel.
Le président: Merci.
Je précise aux témoins que, comme ils sont quatre à avoir la possibilité de répondre à chaque question, j'aimerais qu'ils répondent très précisément aux questions qui leur sont posées.
Monsieur Lanctôt, pour sept minutes.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.
Premièrement, je veux vous aviser que je fais maintenant partie de ce comité à titre de représentant du Bloc québécois au complet pour faire l'étude du projet de loi C-15B et pour la suite du dossier. D'ailleurs, j'ai été promu porte-parole adjoint à la Justice pour d'autres dossiers aussi.
• 1835
Bien entendu, j'ai été nommé aujourd'hui même et j'ai
commencé à étudier cela très, très à fond. J'ai
fait beaucoup de lecture. C'est un point qui
est important pour
le Bloc québécois. Je crois que les deux
groupements, les défenseurs des deux positions sont capables
de s'entendre et d'arriver à quelque chose d'intéressant. Par
le fait même, je pense qu'on a l'obligation de prévoir
des amendements pour améliorer ce projet de
loi.
Je pense qu'on ne peut pas être contre ce principe ni contre la vertu de protéger les animaux et, surtout, d'empêcher la cruauté envers les animaux. Comment y arriver? C'est là qu'on doit envisager des défenses possibles de façon claire et précise, sans nuire à la possibilité d'inclure dans un engrenage quelconque des agriculteurs, des chasseurs et des pêcheurs. Mais est-ce qu'on doit absolument tenir compte de points de vue aussi opposés?
Lorsqu'on regarde vos documents, on voit qu'il est évident qu'on essaie de voir des positions très claires d'un côté comme de l'autre. Mais pour que ces positions claires soient établies, on part toujours, d'une façon, de l'opposé. Ça ne veut pas dire, selon moi, qu'on n'est pas capable de faire des pas pour arriver à quelque chose de satisfaisant.
Pour ce qui est des principes fondamentaux qu'on voit dans les demandes d'un côté et de l'autre, il y en a qui voudraient que ça continue d'être considéré comme une propriété, avec la partie XI. Or, le projet de loi parle d'une nouvelle partie. Il parle d'abroger la partie XI du Code criminel et de faire une nouvelle partie V.I.
Il est évident que j'en prends connaissance aujourd'hui. Je pense que je me suis bien aligné sur les deux distinctions, surtout que l'une semble dire «les organisations», parlant surtout de la propriété, et qu'il y a un problème à donner plus de droits ou qu'on s'en va vers une étape où on nous donne plus de droits.
Je vous pose la question suivante. Si on fait une étape supplémentaire et qu'on accepte qu'il y ait une nouvelle partie V.I avec une définition—je sais bien qu'on demande d'enlever une définition—encore plus précise, en incluant peut-être des exclusions ou en mettant des protections pour les gens comme les agriculteurs, les pêcheurs et d'autres, dont je ne ferai pas toute la liste, y a-t-il une possibilité, avec un changement de cap...? J'ai bien compris que ce n'est plus le droit à la propriété pour ces animaux, mais un droit à cette douleur. Donc, on avance, on fait un pas quelconque
Je veux vous demander si c'est possible, avec l'avancement que nous donne la nouvelle partie V.I, d'arriver à une définition à laquelle on ajouterait des exclusions plutôt que de l'enlever. J'aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Le président: Cette question s'adresse-t-elle à un témoin particulier, monsieur Lanctôt?
[Français]
M. Robert Lanctôt: Non, j'aimerais entendre le panel au complet.
[Traduction]
Le président: Monsieur Smith.
M. Richard Smith: Merci beaucoup de cette question.
Je vous réponds en disant qu'il me semble tout à fait impossible d'affirmer que le but sous-jacent de ce projet de loi serait, d'une manière quelconque, d'étendre les droits des animaux.
Comme d'autres organisations de protection des animaux qui sont venues témoigner devant le comité, nous souhaitons tout simplement la même chose que la majorité des Canadiens, c'est-à- dire que les animaux soient traités correctement. Les associations de protection des animaux ne sont pas des associations qui recommandent l'alimentation végétarienne. Ce ne sont pas des organisations extrémistes, pour revenir sur une remarque faite plus tôt. Nous voulons tout simplement que les animaux soient traités sans cruauté. Et c'est précisément ce que propose ce projet de loi—en codifiant et en structurant correctement ce qui existe déjà dans la jurisprudence, soit l'idée qu'il y a une différence entre un crime commis envers un animal et un crime envers un objet inanimé, la différence étant que l'animal ressent la douleur.
• 1840
Comme toute autre organisation de protection des animaux,
nous serions totalement opposés au concept d'exemption
généralisée. Il n'y a pas de nuances dans la cruauté.
Certes, je suis heureux d'entendre des organisations de producteurs affirmer que les mauvais éléments devraient être sévèrement sanctionnés. Toutefois, l'idée que ces mauvais éléments puissent être exemptés grâce à une sorte d'exemption globale nous est tout à fait inacceptable.
Le président: Monsieur Slot.
M. John Slot: Nous tenons à dire très clairement que nous ne réclamons aucune exemption en matière de cruauté envers les animaux. Nous l'avons clairement affirmé dans notre déclaration.
Comme ce projet de loi est nouveau, il sera à l'évidence contesté. Dans l'ancien projet de loi, il y avait le paragraphe 429(2) qui nous rassurait en protégeant les méthodes d'élevage normales. Ce n'est plus le cas cette fois.
Parlons aussi du fait que le statut des animaux sera modifié. Nous avons toujours la très ferme conviction qu'il convient de séparer clairement, dans la définition, les animaux des êtres humains. En intégrant les deux, on ouvre la porte à toutes sortes de problèmes à l'avenir. Je suis sensible aux remarques qui...mais on vit dans le monde réel, monde dans lequel il y a des gens qui nous contestent. Il y a des gens qui essaieront de nous attaquer. Voilà notre problème.
Dire qu'il n'y a aucun exemple de gens qui ont voulu entraver les pratiques d'élevage normales... Il y a des gens qui sont entrés dans nos élevages pour libérer les animaux. C'est arrivé en Ontario et en Colombie-Britannique. On ne peut donc pas prétendre que ça n'arrive pas.
Je le répète, je suis d'accord avec vous quand vous dites que la justice devrait être appliquée sévèrement à ces personnes, mais notre crainte est que ce projet de loi nous expose à des poursuites tous azimuts.
Le président: Merci beaucoup.
Je passe maintenant à M. Blaikie, pour sept minutes.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.
Je reviens à la question de M. Toews.
Je veux demander au FIPA s'il y a quoi que ce soit qui lui convienne dans la position de repli—pas la position préférée mais la position de repli—de M. Uruski et de M. Slot? Y a-t-il quoi que ce soit dans les recommandations qu'ils ont formulées qui constitue un obstacle majeur à l'égard des objectifs du projet de loi?
Vous savez, je suis d'accord avec vous quand vous dites que les animaux ne devraient pas être placés dans la même catégorie que les chaises ou les autres objets inanimés. Cela constitue d'ailleurs à mon sens l'une des victoires conceptuelles de ce projet de loi et je n'appuierais certainement pas des amendements qui ramèneraient les animaux dans la catégorie précédente. Je me demande simplement si, pour essayer de répondre aux préoccupations...parce que tous les exemples que vous avez donnés concernaient des chats et des chiens. Aucun ne concernait l'élevage du bétail, l'agriculture, la pisciculture, la chasse ou le piégeage.
Donc, si je vous prends au mot, y aurait-il moyen pour vous de clarifier un peu plus le projet de loi de façon à ce qu'il soit absolument clair que cette victoire conceptuelle est protégée, que la possibilité de poursuivre et de sanctionner les coupables est protégée, comme vous le demandez, et que les craintes des éleveurs de volaille soient également apaisées? Je me demande si vous pourriez proposer quelque chose en ce sens.
Le président: Monsieur Smith.
M. Richard Smith: Je suis évidemment très heureux d'entendre les différents groupes qui s'adressent au comité et je constate qu'il semble y avoir un appui quasi unanime pour des sanctions plus lourdes. Écoutez, c'est déjà là un vrai pas en avant. Par contre, nous partageons l'opinion des sociétés de protection des animaux du Canada et de la Fédération canadienne des sociétés de protection des animaux, c'est-à-dire des gens qui sont sur le terrain. Les inspecteurs de la SCPA sont, dans la plupart des provinces, les gens qui oeuvrent sur le terrain, après avoir obtenu une formation de la GRC et en collaborant avec la GRC, et ce sont eux qui ont le devoir juridique de faire enquête sur les cas de cruauté.
Or, ce sont ces gens-là qui disent que la loi actuelle ne leur donne pas les outils dont ils ont besoin pour attraper les coupables. L'une des questions les plus importantes est cette notion que les crimes contre les animaux sont la même chose que les crimes contre les biens. Nous vous avons donné des exemples concrets à ce sujet.
• 1845
Il nous semble clair que tout le monde s'entend pour
alourdir les peines mais je pense que nous serions tout à fait
contre l'idée d'abandonner la séparation qui est proposée, comme
on l'a déjà fait dans d'autres pays, entre les crimes contre les
animaux et les crimes contre les biens.
M. Bill Blaikie: C'était votre réponse à la première question.
Je suppose que j'ai mal interprété votre recommandation. N'aviez-vous pas une sorte de position de repli qui ne changeait pas la catégorie mais qui offrait plus de protection?
C'était cela, ma question.
M. Richard Smith: Bien.
M. Bill Uruski: Nous voulons évidemment plus de protection, d'abord en retirant la question de la douleur de l'article des définitions. La douleur devrait être envisagée dans l'article des poursuites plutôt que dans la définition de l'animal. Nous tenons à ce que les éleveurs continuent de jouir du même type de protection qu'ils avaient jusqu'à présent avec l'article 429.
Au fait, cela n'a pas été retiré du Code criminel. C'est toujours dans l'article concernant les biens. Nous disons simplement que, si l'on ne veut pas modifier les circonstances dans le Code criminel, en intégrant cela à cette partie, pourquoi n'est-on pas prêt au moins à accorder aux éleveurs le même type de reconnaissance et le même type de protection, tout en augmentant les peines infligées aux mauvais éléments.
Le président: M. Dobson veut répondre.
M. Bob Dobson: Vous parlez de mauvais éléments mais nous ne savons pas s'il s'agit des gens qui ont des animaux domestiques, des chats et des chiens, ou s'il s'agit des éleveurs agricoles. J'ai dit dans mon exposé qu'il m'est arrivé de travailler pour le service d'urgence pour les soins aux animaux, en Ontario, depuis sa création il y a une dizaine d'années. Je me suis intéressé à plusieurs affaires dans ce contexte et je peux vous dire que, dans la très grande majorité des cas, les appels étaient reliés à un problème de troubles psychologiques résultant d'une rupture de couple, de vieillesse, de maladie ou de situations semblables. Il était très rare qu'il s'agisse d'abus ou de négligence délibérée envers des animaux. Il y avait toujours d'autres problèmes sous- jacents. Vous pouvez donc bien prévoir une peine de 25 000 $, ça n'aurait rien changé dans la grande majorité des cas dont j'ai eu à m'occuper.
Beaucoup de ces appels étaient réglés avec la SCPA de l'Ontario et d'autres, sans. Certains étaient renvoyés à la SCPAO après que je sois intervenu. Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples. En voulez-vous un? Je serai très rapide.
Le président: Certainement.
M. Bob Dobson: Pour ce qui est des plaintes sans fondement, il y en a vraiment beaucoup en Ontario. Il y a eu l'an dernier un cas dans la péninsule de Niagara, au sud de l'Ontario, c'est-à- dire la région de St. Catharines, où un agriculteur a été accusé de cruauté envers les animaux par la société locale de protection des animaux. Cet agriculteur faisait face à trois accusations pour avoir laissé ses émus dehors. Ils étaient simplement protégés par un toit en appentis et ils avaient une litière. C'était la pratique acceptée et ils étaient en très bonne santé.
Les accusations ont continué. La Couronne a accepté d'intenter des poursuites et le procès a commencé. Au deuxième jour du procès, lorsque le vétérinaire de l'éleveur fut autorisé à témoigner, le juge mit fin à toute la procédure et rejeta toutes les accusations. À ce moment-là, l'éleveur avait déjà dépensé 5 000 $ en honoraires juridiques.
Je laisse mon bétail dehors, l'hiver. Nous avons parfois jusqu'à 400 têtes de bétail, et je peux vous dire que tous ces animaux sont en parfaite santé. Par contre, il y a peut-être des gens qui considèrent que laisser du bétail dehors par -30 l'hiver est inacceptable.
Il y a donc beaucoup de plaintes sans fondement, et elles nous coûtent cher.
Le président: M. Pollock souhaite répondre, après quoi nous passerons de l'autre côté.
M. Douglas Pollock: Merci, monsieur le président. Je vais juste faire une brève remarque.
Tout d'abord, aucun membre de l'industrie de la fourrure ne s'oppose au bien-être des animaux sous quelque forme que ce soit. En ce qui concerne les mauvais éléments dont parle le FIPA, nous estimons qu'il est tout à fait inadmissible qu'ils puissent posséder quelque animal que ce soit. Toutefois, je pense qu'il est important de bien définir le bien-être des animaux et les droits des animaux.
Si je comprends bien, le bien-être des animaux vise à améliorer le traitement et le bien-être des animaux, alors que les droits des animaux visent plus que cela. Il y a beaucoup d'organisations de défense des droits des animaux qui ont adopté une terminologie différente à l'égard des droits des animaux, en finissant par dire qu'un rat est un rat...est un chien...est un enfant...etc. Nous ne pouvons certainement pas accepter cela. Par contre, nous pouvons certainement appuyer les recommandations qui ont été formulées par la Coalition pour la protection de la volaille.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Myers, pour sept minutes.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à vous remercier tous d'être venus témoigner ce soir. Je pense que vous avez formulé d'excellentes remarques. Je tiens à dire dès le départ que j'ai été élevé et que je vis toujours sur une ferme familiale. J'ai châtré des porcs. Je ne saurais vous dire à combien de poulets j'ai enlevé le bec—des dizaines de milliers. Et je me souviens certainement d'avoir abattu à plusieurs reprises un jeune boeuf pour avoir de la viande pendant l'hiver. Donc, ce que disent MM. Pollock, Dobson et Slot trouve un écho chez moi.
Je poserai dans un instant une question aux représentants du Fonds international pour la protection des animaux mais, avant cela, je vais m'adresser à M. Slot. En ce qui concerne les normes d'élevage et les méthodes des éleveurs de volaille, pouvez-vous me donner une idée de la manière dont la situation a évolué au cours des années et nous dire où on en est aujourd'hui? Ce que je voudrais vraiment comprendre, c'est l'interaction qu'il peut y avoir entre les instances de réglementation gouvernementale et les sociétés de protection des animaux—ce genre de chose.
M. John Slot: Je vous remercie de cette question. Les éleveurs de volaille collaborent étroitement avec les gouvernements et avec la SCPA dans le but constant d'améliorer les méthodes et codes de production. C'est cependant une situation qui évolue constamment, en collaboration. C'est une question importante parce que le bien-être des animaux est important, mais aussi parce qu'il y a un lien direct entre le bien-être des animaux et la qualité de notre alimentation. Je crois qu'il y a là un lien très important qu'il faut comprendre.
Nous améliorons constamment nos méthodes. Nous nous penchons constamment sur toutes nos procédures, de la naissance du poussin jusqu'à l'abattage.
Voilà pourquoi, par exemple, quand on examine le paragraphe 182.3(1) qui est proposé, on parle de négligence, on en parle clairement dans les alinéas a) et c) mais pas du tout dans b). Donc, à l'évidence, la barre est fixée plus bas dans b).
Évidemment, quand il y a un problème et qu'on nous conteste, c'est la Couronne qui doit faire la preuve des accusations. Voilà un exemple parfaitement clair de bonnes méthodes de production que nous concevons car, au Canada, nous devons relever le défi du climat et, considérant les événements naturels qui se sont produits, nous sommes très inquiets de l'affaiblissement de cette disposition.
Je vais vous donner un exemple concret. En hiver, on commande des grains de provende. Supposons que les grains doivent arriver un lundi matin mais qu'il y a une grosse tempête de neige le dimanche. À cause de cela, il se peut que nous n'ayons pas de grains dans nos poulaillers pendant une journée. Serons-nous alors passibles d'accusations, parce que cette disposition aura été tellement affaiblie? Ce genre de pratique est prévu dans nos codes de production de façon à pouvoir faire face à de telles situations.
Voilà pourquoi nous avons des craintes particulières et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de les préciser.
M. Lynn Myers: Monsieur Loan, vous avez dit tout à l'heure qu'il y a certaines méthodes dont vous souhaitez la disparition. Vous parliez des usines à chiots et des combats de chiens. Y en a-t-il d'autres?
J'ai une deuxième question à vous poser—vous pourrez répondre à la première tout à l'heure, ainsi que M. Smith—concernant votre réaction au fait que vous soyez assimilé aux extrémistes—parce que vous l'êtes, que ça vous plaise ou non. On vous a attribué certaines déclarations, à vous ou à vos associés, comme «Nous allons utiliser ce projet de loi comme levier pour les attaquer. Nous allons profiter de ce projet de loi pour traîner devant les tribunaux des gens comme les éleveurs qui appliquent des méthodes légitimes, et les gens de la fourrure». Que répondez-vous à cela? Est-ce que ça vous préoccupe? Voilà le sens de ma question.
M. David Loan: Il est certain que ça me préoccupe. Je vais répondre à votre première question et je demanderai au Dr Smith de répondre à la deuxième.
Les pratiques dont nous réclamons l'élimination ou l'interdiction comprennent par exemple l'utilisation de chatons ou de chiots pour entraîner des chiens de garde, ce qui se fait parfois. C'est une pratique que nous trouvons répugnante—donner un chaton à manger à un chien de garde pour le rendre encore plus féroce pendant son entraînement. Je pense que c'est une pratique horrible.
Je n'ai pas de liste d'autres pratiques mais les usines à chiots viennent certainement en premier. Il y a eu un cas récemment à Vaughan, en Ontario, où des centaines de chiens ont été sauvés et sont maintenant réhabilités par des gens qui les ont adoptés.
• 1855
On trouve de ces usines à chiots partout au Canada. Il y en
a littéralement des centaines au Québec, des douzaines en
Ontario, et il y en a dans toutes les provinces. À l'heure
actuelle, la loi n'est pas assez rigoureuse pour les poursuivre
toutes.
M. Lynn Myers: Je souhaite intervenir, monsieur le président.
Pouvez-vous affirmer catégoriquement ce soir, devant ce comité, que vous n'allez pas vous attaquer à des méthodes d'élevage légitimes, que vous n'allez pas vous attaquer à l'industrie de la fourrure? Pouvez-vous l'affirmer catégoriquement?
M. David Loan: Monsieur Myers, je vous dis catégoriquement que nous n'allons pas nous attaquer aux méthodes d'élevage légitimes ni aux autres...
M. Vic Toews: Ni à l'industrie de la fourrure?
M. David Loan: ...ni à l'industrie de la fourrure, au moyen de ce projet de loi. Absolument pas.
M. Lynn Myers: Et qu'en est-il de la catastrophe de relations publiques que vous avez maintenant sur le dos, monsieur Smith?
M. David Loan: Je vais laisser le Dr Smith vous répondre.
M. Richard Smith: Je ne vois pas très bien de quelle catastrophe de relations publiques vous voulez parler. Nos bureaux se trouvent à une rue de la colline parlementaire. Nous passons la majeure partie de notre temps à rencontrer des députés, à chercher des propositions constructives pour des initiatives législatives, et à collaborer le plus possible avec le gouvernement. L'an dernier, par exemple, nous avons été l'organisation du secteur privé qui a contribué le plus aux efforts de Parcs Canada dans le cadre de projets très importants de protection de l'habitat faunique.
M. Lynn Myers: Je ne parle pas de cela. Voici de quoi je vous parle: si je vais dans ma circonscription et que je demande aux gens ordinaires qui se trouvent être des éleveurs ce qu'ils pensent de votre organisation, leurs réponses ne seront certainement pas très gentilles. Ce qu'ils vont me dire, c'est que vous êtes sur le point d'avoir l'outil nécessaire pour les ruiner. Voilà la catastrophe de relations publiques dont je parle.
Que répondez-vous à cela, ou est-ce que vous vous en moquez?
M. Richard Smith: Il est évident que cela m'importe beaucoup. Hélas, je pense que l'un des problèmes que connaissent beaucoup d'organisations non gouvernementales, qu'elles s'occupent de bien-être des animaux, de conservation ou d'autres choses, c'est que beaucoup des sigles ou des noms de nos organisations sont similaires. Beaucoup d'entre nous ont le mot «animal» ou «faune» dans leur nom.
Je serais vraiment surpris que les éleveurs de votre région aient quoi que ce soit à nous reprocher car, très franchement, nous n'avons jamais mené de campagnes ou d'activités ayant quoi que ce soit à voir avec l'industrie de l'élevage au Canada—et notre bureau existe ici depuis cinq ans. Donc, je ne sais pas à qui ils en veulent mais ce n'est certainement pas à nous.
Pour revenir à ce que vous disiez plus tôt, je trouve intéressant que la plupart des éleveurs, comme ceux qui ont témoigné aujourd'hui, ont évoqué leurs relations étroites avec la SCPA de leur province. Cela me semble très important. Ces SCPA ont dans la plupart des provinces l'obligation légale de faire enquête dans les affaires de cruauté envers les animaux. Elles collaborent étroitement avec la GRC et, dans la plupart des cas, avec l'industrie.
Je ne vois donc pas d'où peut venir cette méfiance. Je suppose que les associations d'éleveurs craignent que les SCPA avec lesquelles elles travaillent puissent invoquer cette loi de manière frivole. Pour être tout à fait franc, je ne comprends pas.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Hilstrom pour trois minutes.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Trois minutes?
Le président: C'est ça.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Je vais donc me limiter à une déclaration d'une minute.
Notre rôle est d'évaluer la crédibilité de chaque témoignage. M. Uruski, par exemple, fut député provincial—et même ministre dans le gouvernement NPD du Manitoba—et sa crédibilité est donc une question importante.
Dans votre cas, monsieur Richard Smith, vous nous avez parlé d'un sac de chatons morts et mourants. Eh bien, cela pourrait déjà faire l'objet de poursuites aujourd'hui, avec la loi actuelle. Vous nous demandez de vous croire sur parole quand vous dites qu'il y a de mauvais éléments mais vous ne nous donnez aucune preuve. Pourtant, vous vous occupez de cette question depuis probablement 10 ou 15 ans. Vous avez parlé de poursuites devant les tribunaux mais vous ne nous avez remis aucun compte- rendu de délibérations judiciaires qui pourraient confirmer des cas réels.
Nous ne pouvons donc accepter votre type d'argumentation, ou nous ne devons lui accorder qu'une valeur limitée. Je n'attaque pas votre crédibilité personnelle, j'attaque la crédibilité de vos déclarations.
Parlons des amendements recommandés par la Coalition pour la protection de la volaille. Vous dites être d'accord avec la majeure partie de son mémoire mais vous n'allez pas plus loin et vous discutez ensuite avec mon collègue, M. Toews. Revenons pourtant sur ce mémoire et voyons les éléments avec lesquels vous êtes d'accord.
Premièrement: «Retrait de la partie XI»—vous n'êtes pas d'accord avec ça.
Deuxièmement: «Reconnaissance juridique»—vous n'êtes pas d'accord avec ça. Vous êtes venu dans mon bureau pour faire du lobbying et vous n'étiez pas d'accord avec ça.
Vous n'êtes pas d'accord non plus avec la proposition 2b), ni avec la solution consistant à retirer la disposition du harcèlement des animaux de l'article 182.2.
• 1900
Vous n'êtes pas d'accord avec la définition du mot «animal»
comme étant un vertébré. Vous n'êtes pas d'accord avec ce que
disent les éleveurs de volaille à ce sujet.
Vous n'êtes pas d'accord avec l'inclusion du mot «négligence» et, en ce qui concerne le fait que des poursuites ne puissent être intentées que par un procureur de la Couronne, vous dites que vous «pourriez» être d'accord.
Qu'avez-vous donc à dire au sujet de la crédibilité de votre témoignage quand vous prétendez être d'accord avec les représentants des éleveurs de volaille mais que vous vous échappez ensuite pour ne pas traiter de chacune des recommandations qu'ils ont proposées? J'aimerais que vous nous disiez clairement si vous êtes d'accord ou pas d'accord avec chacune de ces propositions.
Le président: Eh bien, vous avez pris un peu plus de deux minutes et donc...
Des voix: Oh!
M. Richard Smith: Je vous remercie de cette question, monsieur Hilstrom. Je pensais en fait que nous avions eu une rencontre très productive, l'autre jour, avec un honnête échange de vues.
Vous venez de me placer sur la sellette en m'imputant des paroles que je n'ai pas prononcées. Je n'ai pas le document sous les yeux. Je ne l'ai pas étudié. Vous savez, je ne sais pas.
M. Howard Hilstrom: Dans ce cas, pourquoi avez-vous dit...
M. Richard Smith: Non, je pense avoir dit très clairement que j'étais encouragé par le fait que j'avais perçu un accord quasi unanime avec la notion de sanctions plus sévères. Nous sommes d'accord avec ça et c'est l'une des choses que recommande l'association de la volaille.
Pour ce qui est des autres détails dont vous parlez, je ne sais pas. Je n'ai pas le texte sous les yeux. Je suis tout à fait prêt à vous envoyer une réponse plus tard.
Je suppose que mon argument est que...
M. Howard Hilstrom: Vous pouvez envoyer d'autres rapports au comité, si vous le voulez.
M. Richard Smith: Certainement, et nous le ferons.
Mon argument est que l'on intègre beaucoup d'autres questions à ce débat concernant des propositions législatives très précises et raisonnables.
Je n'ai aucune réticence à reconnaître que notre organisation, organisation de protection des animaux, s'intéresse au traitement sans cruauté des animaux, et s'intéresse à l'amélioration des normes dans le secteur de la chasse aux phoques, puisque quelqu'un en parlait plus tôt. Quand nous faisons cela, comme nous le faisons actuellement, nous engageons des discussions très longues et constructives avec le ministère des Pêches et Océans au sujet de la Loi sur les pêches. Quand nous avons un désaccord sur quelque chose d'autre... Comme vous le savez, la plupart des questions de piégeage de la faune sont traitées au palier provincial et, si nous avons des problèmes quelconques à ce sujet, ce n'est pas ici que nous en discutons, et ce projet de loi ne s'y applique pas.
Le président: Merci beaucoup.
Il y a beaucoup de monde ici ce soir. Je veux que tout le monde puisse poser ses questions.
Monsieur Wappel, pour trois minutes.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de ce soir. Je suis particulièrement impressionné par la Coalition pour la protection de la volaille et je tiens à la remercier car elle ne s'est pas contentée de critiquer, elle a aussi fait des propositions très intéressantes. J'encourage vivement le Fonds international pour la protection des animaux à examiner attentivement ces propositions et à nous faire savoir s'il les appuie ou non.
Je voudrais faire une remarque, après quoi je poserai une question à la fois au FIPA et à la Coalition pour la protection de la volaille.
En ce qui concerne la Coalition, l'un des principaux concepts qui préoccupent les défenseurs des animaux concerne le fait qu'il faille démontrer que la protection des animaux se justifie parce qu'ils sont sensibles à la douleur. Auriez-vous un problème quelconque à ajouter cet élément à vos recommandations? Par exemple, vous avez modifié la définition du mot «animal» en disant tout simplement que ce serait «tout vertébré, à l'exception de l'être humain». Que penseriez-vous d'ajouter ceci: «que l'on juge avoir besoin d'être protégé contre la cruauté parce qu'il est vivant et qu'il est sensible à la douleur»? Auriez-vous un problème avec ça? C'est manifestement la raison pour laquelle nous nous opposons à cruauté envers les animaux, n'est-ce pas? C'est parce qu'ils sont sensibles à la douleur. C'est parce qu'ils sont vivants et que ce ne sont pas des chaises, comme quelqu'un disait.
Réfléchissez à cela car cela ferait beaucoup pour apaiser les gens qui tiennent à conserver cette différenciation entre les objets inanimés et les objets—ou les biens, si je peux m'exprimer ainsi—qui sont sensibles à la douleur. Pour ceux qui s'opposent à cette disposition, les représentants de la volaille ont formulé leur propre proposition en indiquant explicitement dans le titre qu'il s'agit de biens privés et publics, renforçant ainsi le concept de propriété.
Je pense qu'il vous appartient, messieurs, de réfléchir attentivement à ces suggestions.
Monsieur le président, l'une des choses intéressantes que je retire de ce débat est une question de définition. Nous trouvons dans l'alinéa 182.2(1)e) proposé l'expression «harcèlement des animaux». Quelqu'un a déjà posé une question là-dessus. À mes yeux, c'est simplement une autre manière de dire qu'on les «énerve».
• 1905
Toutefois, et je m'adresse à nouveau aux gens de la
volaille, vous avez parlé dans votre exposé de poison à rats, et
cela ne correspond pas dans mon esprit à l'interprétation du mot
«harcèlement». Voilà pourquoi je pense qu'il serait sage de
définir au moins ce mot, c'est-à-dire de préciser qu'il s'agit
«d'énerver» les animaux et non pas «de mettre du poison à rats».
Je tenais simplement à apporter cette précision parce que je
pense qu'il y a là une possibilité de compromis.
Je voudrais poser une seule question au FIPA. Vous avez présenté ce soir cinq arguments dont l'un, à mes yeux, était tout à fait évident. Je ne comprends pas pourquoi vous avez consacré une partie de votre temps à énoncer l'évidence. Vous avez dit que, selon Pollara, le projet de loi jouit d'un large appui dans la population parce que 60 p. 100 sont en faveur de peines plus sévères dans les affaires de cruauté envers les animaux. En fait, je suis surpris que ce ne soit que 60 p. 100. Je n'ai encore entendu personne s'opposer à ce qu'on inflige des peines plus sévères à ceux qui sont cruels envers les animaux. Vous avez donc présenté là un argument qui me semblait tout à fait inutile, d'autant plus que votre temps de parole était très limité. Et je ne vois pas pourquoi vous l'avez présenté, si ce n'est pour susciter de la confusion.
Que répondez-vous à cette question?
M. Richard Smith: Merci.
Vous avez entendu beaucoup d'opposition au projet de loi, ce soir. Dans notre exposé, nous tenions à signaler le large appui dont bénéficie le projet de loi, en dehors de toute partisanerie politique.
M. Tom Wappel: Mais il s'agissait uniquement de l'alourdissement des peines. Il y a beaucoup plus que ça dans le projet de loi.
M. Richard Smith: Très respectueusement, je ne suis pas d'accord avec vous. Le gouvernement Harris, en Ontario, est confronté à une crise très réelle. Sa province est en effet l'une de celles où des poursuites ont été intentées contre les pires usines à chiots, plusieurs fois de suite, et où il a été impossible d'obtenir des condamnations à cause du laxisme et de la confusion de la loi actuelle. J'estime donc qu'il est extrêmement important de signaler que les gouvernements provinciaux appuient ce projet de loi en son entier—pas seulement les sanctions mais tout le reste aussi. Et vous trouverez ce degré d'appui dans d'autres régions du pays aussi. Voilà ce que nous voulions dire.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Lanctôt, trois minutes.
M. Robert Lanctôt: J'apprécie les amendements qui peuvent avoir été faits. Pour nous, c'est plus facile de visualiser les recommandations qui peuvent être faites. Les points critiques que j'avais vus avaient trait aux défenses.
Ma question s'adresse au FIPA. Le but du projet de loi est-il de préciser que les animaux ne font plus partie des propriétés ou si c'est d'augmenter les sanctions et, par le fait même, les accusations possibles, pour que la loi ait plus de mordant? Est-ce l'augmentation des sanctions et des accusations que vous recherchez, ou si c'est d'arriver à une entente afin qu'il y ait moins de cruauté envers les animaux, mais tout en respectant les amendements qui ont été proposés et qu'on a sous les yeux présentement?
[Traduction]
Le président: Monsieur Smith.
M. Richard Smith: Merci.
Étant donné le taux de succès lamentable des poursuites intentées en vertu de la loi actuelle, nous espérons que ces modifications rendront la loi plus efficace et que les mauvais éléments, les gens qui commettent constamment et sans raison de la cruauté envers les animaux, recevront les sanctions que tout le monde, je crois, estime qu'ils méritent. Tel est le but de la loi. Il s'agit à mon sens de donner aux agents d'exécution des lois les outils dont ils ont besoin et qu'ils réclament pour faire correctement leur travail.
Et j'ajoute qu'au Québec, en l'absence d'une loi provinciale sur la société de protection des animaux, la seule protection dont peuvent bénéficier les animaux, dans bien des cas, provient du Code criminel. Et bien sûr—vous l'avez peut-être constaté—il y a quelques mois, CBC a diffusé un documentaire très convaincant sur le nombre très élevé d'usines à chiots qui opèrent aujourd'hui au Québec, pratiquement en toute impunité.
M. Bill Uruski: Monsieur le président, on a parlé d'articles concernant la douleur. Nous sommes sensibles aux remarques qui ont été formulées mais nous savons aussi que la communauté scientifique a beaucoup de mal à déterminer lesquels des vertébrés sont en fait sensibles à la douleur. C'est pour cette raison que nous proposons de supprimer ce qualificatif, parce qu'il y a beaucoup de désaccord entre la communauté scientifique et la communauté juridique.
Par ailleurs, si M. Harris a un problème avec les usines à chiots, il devrait s'adresser à Vic Toews parce que c'est son gouvernement qui a déposé un projet de loi pour régler le problème des usines à chiots du Manitoba, et il l'a fait en vertu d'une loi provinciale.
Le président: M. Slot souhaite répondre.
M. John Slot: J'aimerais revenir sur la question du harcèlement des animaux. Voilà une autre disposition qui nous rend très nerveux car le nouveau projet de loi ne contient plus la disposition de protection que nous donnait le paragraphe 429(2). Donc, quand on entend des affirmations comme celle-là, on peut tout envisager. S'agit-il des rats et des souris? On n'en sait rien. Voilà notre problème.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Paradis, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous remercie tous de vos présentations. Je représente un comté rural du Québec, où il y a des agriculteurs, des vaches laitières, des élevages de porcs, de canards, etc. On a beaucoup parlé ce soir des problèmes reliés à la propriété et à la douleur, douleur qui se rapproche de la notion de cruauté.
Comme je le mentionnais l'autre soir, je pense qu'un animal est différent d'un deux par quatre, qui est un bien, une propriété et qui ne ressent pas de douleur même si j'enfonce un clou bien fort dans ce deux par quatre. Vous parlez de
[Traduction]
de bien-être de la volaille. Je n'ai jamais entendu parler de bien-être des deux par quatre.
[Français]
Donc, il y a des notions qui s'approchent davantage des animaux et je pense qu'il est important qu'on les reconnaisse.
Par contre, je pense que la notion de propriété va demeurer. Comme je le mentionnais aussi l'autre jour, le Code civil du Québec prévoit la propriété, l'appartenance d'un animal à quelqu'un. Il y a le nantissement qui est prévu dans la Loi sur les banques. On n'amendera pas la Loi sur les banques pour dire que l'animal n'est plus un objet de propriété. Donc, cette notion de propriété va demeurer.
Je comprends un peu la crainte générale des gens devant les changements. Il y a des gens qui se demandent ce que cela va donner. Ce sont des craintes générales de cette nature que les gens expriment. Dans mon comté de Brome—Missisquoi, il y a des agriculteurs et des chasseurs qui ont cette crainte générale et que je tente de rassurer en disant ce que je suis en train de vous dire ce soir.
On a donné des exemples plus tôt. J'avais demandé l'autre jour qu'on me donne des exemples concrets de craintes, et non de craintes générales.
M. Slot nous demandait s'il pourrait être poursuivi parce qu'il a tardé à nourrir ses animaux un soir de tempête de neige, alors qu'il n'avait plus de moulée. J'invite l'Association canadienne des éleveurs de bovins à nous donner des exemples concrets, s'il y en a.
Deuxièmement, j'ai une question pour M. Smith. J'ai des collègues qui s'inquiètent de ce projet de loi, mais pour une autre raison, celle de la recherche médicale. Monsieur Smith, quelle est votre position sur la recherche médicale par rapport aux animaux?
L'Association canadienne des éleveurs de bovins peut d'abord répondre à la question que je lui posais.
[Traduction]
Le président: Monsieur Dobson.
M. Bob Dobson: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question mais je peux évoquer un problème qui s'est posé l'an dernier, également en Ontario, en ce qui concerne le bétail. Il s'agissait d'animaux qui avaient traversé une barrière et l'un d'entre eux s'était retrouvé au fonds d'une mare de boue, et il avait fallu l'en sortir en le tirant par le cou. Tout s'est finalement bien passé mais quelqu'un observait la scène et ce qu'on avait fait allait à l'encontre de la loi. Pourtant, il s'agissait d'une situation d'urgence, l'animal s'enfonçait rapidement dans la boue et on n'avait aucun autre moyen de l'en sortir. La mare était profonde.
Voilà un autre exemple de situation d'urgence où il a fallu intervenir très rapidement pour sauver l'animal.
Le président: Monsieur Smith.
M. Richard Smith: En réponse à cette question, je dois dire que notre organisation n'a pas de politique s'opposant à l'utilisation des animaux pour la recherche médicale. Certes, en Europe, nous avons participé à certaines activités pour essayer d'établir des normes différentes, pas en ce qui concerne l'usage des animaux à des fins de recherche médicale mais pour tester des cosmétiques, par exemple. Par contre, nous n'avons aucune politique d'opposition à l'utilisation des animaux pour la recherche médicale.
Encore une fois, je pense que votre remarque est bonne car, dans la plupart des laboratoires de recherche médicale du Canada, publics ou privés, je crois savoir qu'il y a des comités de protection des animaux où participent des représentants des SCPA qui ont reçu une formation de la GRC. Personne, qu'il s'agisse de chercheurs médicaux ou d'autres groupes industriels, ne me semble donc avoir quoi que ce soit à craindre des amendements raisonnables qui sont proposés.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Blaikie, pendant trois minutes.
M. Bill Blaikie: Non, ça va.
Le président: Monsieur Grose, trois minutes.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme je suis quelqu'un d'assez simple, j'ai souvent des idées simples. En écoutant le débat de ce soir, cependant, j'ai constaté que les groupes s'opposent les uns aux autres. Les éleveurs et les représentants de la volaille disent que tel article peut s'appliquer à eux, mais les protecteurs des animaux disent que non, ça ne s'appliquerait pas à eux. Si tel est le cas, pourquoi diable n'indique-t-on pas clairement dans le projet de loi que telle ou telle disposition ne s'applique pas à tel ou tel groupe? Ça fait deux ou trois fois qu'on parle de rats et de souris, sans que ça donne quoi que ce soit. Pourquoi est-ce qu'on n'indique pas clairement: cet article ne s'applique pas aux rats et aux souris? Ce serait simple, non? Au lieu de se chamailler, dressons la liste de vos objections et voyons si des précisions de cette nature seraient acceptables aux représentants du bien- être des animaux et à ceux du gouvernement. Je sais que ça va me causer toutes sortes de difficultés mais j'en ai l'habitude.
Il me semble que nous pourrions participer à un exercice plus utile que celui-ci, qui est le sommet de la futilité.
Merci.
Le président: Monsieur Slot.
M. John Slot: Nous apprécions certainement vos remarques. Je pense qu'on pourrait régler ce problème en ajoutant simplement l'article 429. Nous serions beaucoup plus rassurés et il ne serait pas nécessaire de prévoir toutes sortes de détails ou d'exemptions. Mais nous vous remercions de vos remarques.
Le président: Monsieur Smith.
M. Richard Smith: C'est une déclaration qui est tout à fait sensée mais, ce que je tiens à souligner, c'est que le critère fondamental dont nous parlons ici est de faire confiance au système judiciaire. En dernière analyse, ce sont en effet les procureurs de la Couronne qui auront toute latitude pour intenter ou non des poursuites pénales.
Donc, si vous ne faites pas confiance aux procureurs de la Couronne, nous avons un problème plus grave.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Uruski.
M. Bill Uruski: La responsabilité n'appartient pas au procureur de la Couronne. Voilà pourquoi nous avons proposé certains amendements, parce que nous craignons d'arriver dans un environnement totalement neuf au sujet de ce qu'on pourra considérer comme étant des méthodes légitimes ou non, alors que ce sont des méthodes qui sont appliquées et qui ont évolué au cours des années, mais nous nous retrouverons dans un environnement totalement nouveau du fait des définitions, du fait des nouveaux articles du Code. Notre argument est le suivant: dans ce nouvel environnement, rétablissez une partie de la stabilité qui existait avant en plaçant tout cela sous la responsabilité du procureur de la Couronne. Au fond, nous préférons que les poursuites puissent être décidées par le procureur de la Couronne, après un examen attentif, plutôt que par des particuliers qui pourraient faire certaines choses qui pourraient nous causer énormément de problèmes.
N'oubliez pas que les revenus en agriculture sont extrêmement marginaux, dans le meilleur des cas. Vous connaissez certainement les chiffres sur le rendement des investissements. Ajoutez donc 10 000 $ ou 15 000 $ d'honoraires juridiques aux dépenses de l'éleveur moyen et c'en est fini de son exploitation.
Le président: Merci beaucoup.
Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. J'ai intenté des poursuites pour cruauté envers des animaux, en vertu du Code criminel, et le problème vient du fait que bon nombre des preuves disponibles sont des preuves empiriques.
L'autre problème est que les animaux ne parlent pas. Et vous avez souvent des agents de police qui s'adressent à vous après coup, après qu'un animal soit mort ou blessé. Comment peut-on monter un dossier d'accusation dans un tel contexte, et prouver que quelqu'un est responsable ou a agi délibérément? N'oubliez pas cet élément de disposition mentale.
• 1920
Il y a une chose que je tiens à corriger, monsieur Smith.
Vous avez parlé de l'appui complet du premier ministre de
l'Ontario envers ce projet de loi. Mon interprétation de sa
lettre est que le gouvernement conservateur nous demande
uniquement d'aller de l'avant en ce qui concerne l'alourdissement
des peines. Il ne dit nulle part qu'il appuie totalement le
projet de loi C-15.
L'alourdissement des peines est prévu dans le projet de loi. Celui-ci donnera plus de latitude. Toutefois, le problème que pose le retrait de ces dispositions de la partie du Code criminel qui concerne les crimes contre les biens, et les problèmes qui découleront de cela pour les éleveurs de bétail, les éleveurs de volaille, l'industrie de la fourrure, et pour tous ceux qui travaillent avec des animaux, de manière générale... Écoutez, oublions une fois pour toutes l'idée que quiconque travaille avec des animaux n'a pas foncièrement pour intérêt de les protéger.
Certaines méthodes—comme extraire un animal d'une mare en le tirant par le cou, ou constater qu'un animal qui est blessé ne pourra pas être acheminé dans un établissement vétérinaire et qu'il faudra donc juger... Je pense qu'on attribue beaucoup de mauvaises intentions aux éleveurs, en particulier de bétail. Après coup, dans le contexte plus aseptisé d'une salle de tribunal, on s'attend à pouvoir mesurer avec précision le degré de force qu'il aurait fallu utiliser dans une situation comme celle que décrivait M. Dobson, ou à pouvoir juger si l'on aurait pu aider un animal ou s'il fallait l'abattre pour lui éviter la souffrance.
Ne pourrait-on atteindre les objectifs de tout le monde ici en indiquant que les poursuites seront intentées avec plus de vigueur et qu'on donnera plus de formation aux procureurs de la Couronne et aux agents de police pour qu'ils puissent exercer leur discrétion en matière de poursuites? C'est peut-être certaines lois provinciales qu'il conviendrait de raffermir mais j'affirme quand même que tout cela pourrait sans doute être accompli en laissant les animaux dans cet article concernant les biens. On peut atteindre tous ces objectifs en gardant cela.
Êtes-vous d'accord avec ça?
M. Richard Smith: Je ne suis pas d'accord, et nous ne sommes pas les seuls à exprimer cette opinion. Encore une fois, nous parlons de gens qui sont sur le terrain, de ceux qui font vraiment le travail et qui disent qu'ils n'ont pas les outils pour s'attaquer aux mauvais éléments.
M. Peter MacKay: Mais ça n'a rien à voir avec le fait de retirer cette disposition de cet article.
M. Richard Smith: Non, mais cela fait partie de notre argumentation.
Pour ce qui est de votre autre remarque, concernant la position du gouvernement de l'Ontario, je vous invite à téléphoner à David Turnbull, demain, si vous voulez des précisions.
Je crois pouvoir dire que les partis conservateurs du Canada appuient généralement ce projet de loi et que celui-ci n'est donc pas appuyé uniquement par le Parti libéral, qui en est évidemment l'auteur. C'est un projet qui bénéficie d'un appui général, sans partisanerie politique. De fait, c'est généralement le cas quand on parle de normes de protection des animaux au Canada.
Il y a donc une chose que nous voulons demander ce soir. Si on a la preuve d'un problème avec la loi actuelle, nonobstant les remarques de M. Uruski, quel est ce problème? De quelle manière certaines organisations renégates de protection des animaux pourraient-elles utiliser le Code criminel du Canada pour persécuter l'industrie? Comment cela pourrait-il se faire?
Franchement, je pense que tout est clair à ce sujet.
M. Peter MacKay: Je réponds en vous disant que tout ce que vous espérez accomplir peut l'être en adoptant ce projet de loi et en laissant la partie V telle qu'elle est. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui affirment que vous voulez vilipender quiconque n'approuve pas ce projet de loi dans sa totalité parce que cela montrerait que c'est quelqu'un qui est en faveur de la cruauté envers les animaux. Je rejette totalement une telle prémisse. Je pense que vous...
M. Richard Smith: Je n'ai pas dit ça.
M. Peter MacKay: Mais vous laissez entendre que, si ce projet de loi n'est pas adopté tel quel, les membres de ce groupe et quiconque souhaite améliorer le texte, ou protéger ceux qui pourraient éventuellement en souffrir le plus, est d'une certaine manière complice des auteurs de cruauté envers les animaux.
M. Richard Smith: Non, je n'ai pas dit ça. Je pense certainement que la législation actuelle est raisonnable et claire. D'autres juridictions ont déjà adopté ce type de loi.
M. Peter MacKay: Nommez-en une! Nommez une juridiction qui a retiré ces dispositions de celles concernant les biens.
M. Richard Smith: Je ferai des recherches et je vous enverrai la réponse par courriel.
Le président: Je vous ai donné beaucoup de latitude, monsieur MacKay. Nous avons déjà largement dépassé l'heure.
Monsieur Myers.
M. Lynn Myers: Je voudrais poser une question à chacun d'entre vous.
En 1987 la Commission de réforme du droit du Canada, dans son rapport sur la recodification du droit pénal, envisageait des exemptions—et vous le savez probablement—au sujet de l'infraction qu'elle proposait sur la cruauté envers les animaux. Je voudrais prendre une minute pour vous lire le texte, après quoi vous pourrez répondre.
• 1925
La Commission recommandait, au paragraphe 20(2):
-
20(2) Exceptions: Mesures nécessaires. Dans le cadre du
paragraphe 20(1), aucune blessure ni aucune douleur physique
grave n'est causée inutilement si c'est un moyen raisonnablement
nécessaire pour atteindre l'un ou l'autre des objectifs ci-après:
-
a) identification, traitement médical, stérilisation ou
castration;
-
b) production d'aliments ou d'autres produits animaux;
-
c) chasse, piégeage, pêche ou autres activités sportives menés
conformément aux règles légales pertinentes;
-
d) contrôle des insectes, des prédateurs ou de la maladie;
-
e) protection des personnes ou des biens;
-
f) recherche scientifique, sauf si le risque de blessure ou de
douleur physique grave est disproportionné au bienfait attendu de
cette recherche; et
-
g) discipline ou entraînement d'un animal.
Puis-je avoir une réponse? Est-ce une bonne suggestion?
Le président: Commençons par M. Pollock. Je voudrais une réponse par groupe, s'il vous plaît.
M. Douglas Pollock: Je dois dire que l'industrie de la fourrure pourrait accepter cette définition. Je ne connais pas le document dont vous parlez mais, après vous avoir entendu, je n'y vois aucun problème.
Le président: Monsieur Slot.
M. Slot: Nous n'avons certainement aucun problème avec ça.
M. Jim Caldwell (directeur, Affaires gouvernementales, Association canadienne des éleveurs de bétail): Bob me demande d'intervenir. Les éleveurs de bétail n'ont aucun problème non plus avec ça.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Smith.
M. Richard Smith: Il y a un problème évident avec les exemptions, et c'est pourquoi les SCPA et les sociétés de protection... J'ai en fait entendu certains groupes industriels représentés ce soir prendre position contre les exemptions.
Il y a un problème évident avec les exemptions. Si vous commencez à prévoir des exemptions particulières pour des pans complets d'industries ou pour des catégories complètes d'activités, cela veut dire qu'on ne commet aucune cruauté envers un animal tant qu'on tombe dans l'exemption. Je pense que cela créerait un système à deux paliers ou à de nombreux paliers et ça ne nous paraît pas souhaitable.
Le président: Monsieur Fitzpatrick.
M. Richard Smith: Veuillez m'excuser, monsieur le président.
Je n'ai pas le document sous les yeux. Si j'ai mal compris votre question, je serais très heureux d'en parler avec vous après la séance.
Le président: Monsieur Fitzpatrick, vous avez trois minutes.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci.
Je voudrais utiliser un exemple car il y a ici quelques dispositions qui me semblent mauvaises. Comme vous avez demandé des exemples concrets, je vais vous en donner un.
Prenons le cas d'un agriculteur qui habite à 35 milles d'un hôpital, au fin fond de la Saskatchewan, et dont l'épouse est gravement malade. Il la conduit à l'hôpital et, une fois arrivé là-bas, un blizzard l'oblige à rester sur place, ainsi que ses voisins, pendant deux ou trois jours. Voici ma question: considérant l'alinéa 182.3(1)b), qui parle de quiconque «omet de lui fournir les aliments, l'eau, l'air, l'abri et les soins convenables et suffisants», que pensez-vous du comportement de cet éleveur à l'égard de ses chiens, chats, veaux, vaches, cochons et tutti quanti?
Convenez-vous d'abord, monsieur Smith, que ce n'est pas un mauvais élément?
M. Richard Smith: Absolument.
M. Brian Fitzpatrick: Pourtant, vous ne lui accordez pas la protection qu'offre la défense des soins raisonnables du paragraphe 182.3(2). À mon sens, sa conduite était parfaitement raisonnable. Il n'a pas fait preuve de négligence. Pouvez-vous donc me dire, au cas où cet éleveur se ferait harceler par une personne qui le traînerait devant les tribunaux, quel moyen de défense il pourrait invoquer? Il ne pourrait utiliser la négligence.
M. Richard Smith: Quel article avez-vous mentionné?
M. Brian Fitzpatrick: Le paragraphe 183.3(1) qui est proposé. Si vous examinez le paragraphe 182.3(2), on y parle de la négligence dans le contexte des alinéas proposés 1a) et b), dans le cas de «tout comportement s'écartant de façon marquée du comportement normal adopté par une personne prudente». L'alinéa b) est délibérément exclu. Je ne pense pas que cet homme ait commis un acte criminel mais je me creuse vraiment la tête pour savoir comment il pourrait se défendre.
M. Richard Smith: Je répète, monsieur, que je suis un biologiste, pas un juriste.
M. Brian Fitzpatrick: Eh bien, moi, j'en suis un.
M. Richard Smith: Ma réponse de bon sens serait que...
M. Brian Fitzpatrick: J'en suis un et je vous ai soumis un exemple concret. J'en ai assez des bonnes âmes qui harcèlent les gens qui ont déjà bien des difficultés à gagner leur vie dans ce pays.
M. Richard Smith: Ma réponse est que j'ai peine à imaginer un procureur ou un tribunal de ce pays...
M. Brian Fitzpatrick: Un procureur privé.
M. Richard Smith: Si je lis le bon article, est-ce qu'il n'y a pas le mot «prudente»?
M. Brian Fitzpatrick: En vertu du paragraphe 182.3(2), c'est exclu. C'est précisément le problème qu'on essaie de résoudre mais vous n'acceptez pas les propositions. Vous avez dit à M. Hilstrom que ce n'est pas acceptable. C'est pourtant la nature de l'amendement qui a été proposé.
Le président: Monsieur Smith, monsieur Fitzpatrick—nous sommes tous des amis, ici, et il est 19 h 30.
Si M. Smith souhaite répondre à la question...
M. Richard Smith: Si je lis le bon article, monsieur, j'y trouve précisément les mots «comportement normal adopté par une personne prudente» et je ne peux...
M. Brian Fitzpatrick: Pas à l'alinéa b). Aux alinéas 1a) et c). L'alinéa b) est exclu.
M. Richard Smith: Je m'y perds, dans ces articles.
M. Brian Fitzpatrick: Vous êtes un biologiste, c'est normal.
M. Richard Smith: Oui, je suis biologiste.
Mon argument est que j'ai peine à croire qu'un procureur autoriserait des poursuites dans une telle situation, pour la même raison que d'autres types de poursuites frivoles ou vexatoires ne sont pas autorisées par d'autres dispositions du Code criminel.
Le président: Je suis sûr que M. Toews souhaite que je vous informe qu'il vient de dire que certains de ses meilleurs amis sont des biologistes. Que puis-je ajouter?
Des voix: Oh!
M. Bob Dobson: Je voudrais faire une brève remarque. Il n'y a peut-être aucun procureur qui sera prêt à intenter de telles poursuites mais, comme je l'ai dit plus tôt, l'éleveur en question aura déjà dépensé 5 000 $ d'honoraires juridiques au moment où le procureur décidera de ne pas aller de l'avant. Autrement dit, ce sera bien trop tard pour l'éleveur.
M. Richard Smith: Puis-je apporter une précision? Il y a certainement une différence entre un agent de la SCPA, qui a obtenu une formation et qui collabore avec la police, lorsqu'il s'acquitte de ses obligations légales et porte une affaire devant le tribunal, et un procureur qui décide que la poursuite est légitime, et ensuite le tribunal qui décide contre la SCPA... Il y a certainement une différence entre ça et des poursuites frivoles et vexatoires qui, je le comprends, peuvent susciter une certaine inquiétude.
Le président: La dernière question viendra de M. MacKay.
M. Peter MacKay: Ce dont vous ne semblez pas tenir compte, monsieur Smith, c'est que vous êtes peut-être un biologiste mais que beaucoup d'éleveurs de bétail ou de volaille seront obligés de recruter un avocat pour se défendre. Je reviens donc à ce retrait des dispositions de l'article relatif aux biens qui permet actuellement aux individus qui sont accusés de se fonder sur ces dispositions raisonnables—ces dispositions d'apparence de droit. D'aucuns diront qu'elles figurent dans le Code criminel, qu'il s'agit de common law et que c'est donc accepté. Toutefois, omettre ces dispositions—retirer les animaux des articles sur les biens—engendre explicitement un vide juridique là où existait auparavant une défense de common law. En créant cette omission, les gens deviennent vulnérables sans raison valable, étant donné que tout peut quand même être accompli en laissant cette disposition là où elle est.
Le président: Monsieur Slot, puis monsieur Smith.
M. John Slot: Il y a une autre question importante à prendre en considération, c'est le bien-être général de l'industrie. Quand des gens sont accusés, c'est l'image de toute l'industrie qui est ternie. Il faut alors déployer des efforts considérables pour redorer son blason. Nous sommes une industrie qui vaut plusieurs milliards de dollars et qui occupe des milliers de gens dans les régions rurales—c'est l'assise de l'économie locale.
M. Peter MacKay: Comme l'a dit un ancien premier ministre, une fois que vous êtes accusé, qui peut vous rendre votre réputation?
M. John Slot: Merci.
C'est précisément cela qui est en jeu ici, et c'est pourquoi nous sommes nerveux. Je pense que vous devez le comprendre.
M. Richard Smith: Ce que je trouve étrange, ce soir, et que j'ai trouvé très étrange la semaine dernière, c'est que les associations d'éleveurs continuent d'utiliser la légitimation de tierces parties que leur offre la coopération avec les SCPA tout en prétendant qu'elles sont nerveuses au sujet de l'activité de ces organisations en vertu de ce nouveau régime juridique. Je trouve ça...
Le président: Écoutez, je pense que nous avons épuisé le sujet. Je vous remercie tous d'être venus.
Monsieur Uruski, je m'excuse d'avoir mal prononcé votre nom. Vous serez heureux d'apprendre que M. Toews m'a corrigé et que j'ai également souvent massacré le sien aussi.
À vous tous et à nos collègues, merci beaucoup de votre présence et à demain.
La séance est levée.