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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 1536

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je souhaite la bienvenue à mes collègues et à nos invités. Je déclare ouverte la 41e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

Au cours de la première heure de cet après-midi, notre témoin sera le grand chef Matthew Coon Come, chef national de l'Assemblée des premières nations. Je laisserai le grand chef faire le reste des présentations.

Au nom du comité, je tiens à vous dire que nous sommes extrêmement heureux que vous ayez pu nous consacrer votre temps. Je sais que vous l'avez déjà fait, et vous ne serez pas étonné que nous attendions de votre part une déclaration liminaire d'une dizaine de minutes, après quoi nous entamerons le dialogue avec nos collègues.

Grand chef Matthew Coon Come (chef national, Assemblée des premières nations): Merci beaucoup.

Je suis accompagné aujourd'hui de Richard Powless, mon conseiller spécial auprès de l'Assemblée des premières nations et de Joanna Birenbaum. Je suis le chef national Matthew Coon Come.

Distingués membres du Parlement, je suis très heureux de pouvoir exprimer les profondes inquiétudes que suscite, chez les peuples des Premières nations le projet de loi du gouvernement contre le terrorisme.

Tout d'abord, je tiens à vous dire que les peuples des Premières nations prennent très au sérieux la tragédie du 11 septembre dernier. Notre territoire, que nos aînés appellent notre Mère la Terre, a été touché. Or, quiconque blesse notre Mère, que ce soit en détruisant l'environnement ou en raflant les vies qui s'y trouvent, s'attaque à nous. Nous ressentons de la sympathie pour les familles éprouvées aussi gratuitement, car nous aussi nous avons subi des pertes. Nous habitons ces terres depuis des générations et, bien que ce ne soit jamais à un tel point, nous avons été victimes de terreur chez nous. Des métallurgistes Mohawks chevronnés ont contribué à la construction des édifices qui se sont écroulés, et ils comptaient d'ailleurs parmi les premiers secouristes à se rendre sur les lieux. Nos membres circulent des deux côtés de la frontière car leur terre d'origine et leurs frères et soeurs se trouvent de part et d'autre. Nos ancêtres reposent au Nord comme au Sud, et plusieurs de nos amis habitent aux États- Unis. L'attaque effroyable a changé le monde; notre monde n'est plus le même et nous sommes prêts à faire notre part pour retrouver le sentiment de sécurité que nous avons perdu.

Les peuples des Premières nations croient dans des relations pacifiques, harmonieuses et non violentes. Nous soutenons les efforts d'États comme le Canada pour faire échec à la montée du terrorisme. Chaque fois qu'une crise humaine touche le Canada ou le reste du monde, les Premières nations sont promptes à réagir. Au cours des deux conflits mondiaux, nos gens se sont enrôlés volontairement et un nombre colossal d'entre eux y ont laissé leur vie.

Dans la mesure où le lui permettaient le peu de ressources et le délai serré dont elle disposait, l'APN a examiné le projet de loi contre le terrorisme. Aujourd'hui, je n'insisterai que sur les grandes préoccupations qu'engendre le projet de loi, et sur les amendements nécessaires en vue d'y remédier.

• 1540

Afin de bien comprendre les inquiétudes des Premières nations au sujet du projet de loi contre le terrorisme, il convient de faire un survol de notre situation, laquelle se caractérise malheureusement par une discrimination systémique continue et par des répercussions défavorables exagérées à toutes les étapes du système judiciaire canadien. Dans tout le Canada, de nombreuses histoires inédites font état d'arrestations illégales, de violence policière, de fusillades et de condamnations erronées. Encore récemment, la police a abandonné des hommes autochtones en plein hiver aux limites de la ville de Saskatoon pour qu'ils meurent de froid. Le crime qui leur avait valu une telle peine capitale était celui d'être Autochtones.

Nos membres forment une trop grande proportion de la population carcérale, ce qui avait même poussé le solliciteur général du Canada à dire que tous les Canadiens devraient être profondément troublés. Les unes après les autres, les études gouvernementales soulignent les indicateurs de discrimination systémique envers les Premières nations à même le système juridique, notamment le fait qu'ils ont beaucoup moins de chance de se faire libérer sous caution, ils ne sont pas représentés, ils passent plus de temps en détention avant le procès que les non- Autochtones, et ils plaident coupables simplement parce qu'ils sont intimidés ou marginalisés.

Voilà pourquoi les présentations de plusieurs organismes entourant le projet de loi contre le terrorisme, sans oublier celles de l'Association du Barreau canadien, ont soulevé des craintes bien précises parmi lesquelles figurent ces répercussions éventuelles sur les peuples des Premières nations. L'APN appuie ces marques d'inquiétude, surtout en ce qui a trait à la définition d'une «activité terroriste», aux pouvoirs étendus qu'on compte accorder aux policiers et aux mesures de sécurité. Nous connaissons trop bien la portée que pourrait avoir la mise en application et l'utilisation malavisée qu'impliquent ces pouvoirs étendus. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que les Premières nations seront inévitablement plus nombreuses à en souffrir.

En 1995, une poignée d'hommes, de femmes et d'enfants autochtones non armés ont revendiqué leurs droits territoriaux visant un cimetière ancestral. Pour ce faire, ils ont occupé une petite parcelle du parc provincial Ipperwash, en Ontario. Ils avaient informé le directeur du parc de leurs intentions, et procédé à l'occupation après la fermeture de la saison. Malgré cela, une impressionnante escouade tactique armée jusqu'aux dents a débarqué sur les lieux pour dissiper cette manifestation légale et pacifique. Il semble aujourd'hui que l'ordre de recourir à une force meurtrière soit venu des plus hautes sphères de l'administration provinciale de l'Ontario. En bout de ligne, la police a tiré sur trois manifestants autochtones dont l'un, Dudley George, n'a pas survécu.

Les gouvernements fédéral et provincial ont vite justifié le recours à une force meurtrière en donnant une dimension terroriste aux événements d'Ipperwash. Quelques heures après la fusillade, la Police de l'Ontario a annoncé que les manifestants portaient des armes, qu'ils avaient visé les policiers et que ceux-ci avaient riposté. Des semaines plus tard, à la fin de 1995, le gouvernement fédéral informait le rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires que des Autochtones armés avaient fait feu sur les policiers, lesquels s'étaient tout simplement défendus. Six années plus tard, et même après qu'une enquête judiciaire ait déterminé que les manifestants autochtones n'avaient pas d'armes, les gouvernements du Canada et de l'Ontario n'ont toujours pas rétabli les faits et ils refusent d'effacer la calomnie dont ont fait l'objet les manifestants des Premières nations qui ont été qualifiés d'insurgés.

Ipperwash n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des risques associés, pour les Premières nations, à une loi qui donne plus de pouvoirs aux policiers, réduit les droits civils de ceux qui participent à des manifestations ou à des rébellions légitimes, et limite ou retire temporairement les droits civils de ceux que le gouvernement croit engagés dans des activités «terroristes».

J'ai moi-même été qualifié de «guérilla» par des gouvernements parce que les miens ont emprunté la voie juridique. Par le passé, nous avons été maintes fois caractérisés comme révoltés, d'où nos vives appréhensions quant à la possibilité de voir la Loi contre le terroriste brimer nos droits les plus fondamentaux. Il s'en dégage le besoin de définir l'expression «activité terroriste» avec plus de prudence et de précision, de façon à ce que la portée des dispositions étendues ne soit jamais trop vaste. Même si le Canada est l'un des pays les plus démocratiques et les plus libres au monde, ses gouvernements et ses forces de l'ordre peuvent se tromper et, de l'avis de plusieurs de nos membres, leurs dirigeants nourrissent parfois des intentions malveillantes.

• 1545

Comme vous le savez fort bien, les peuples des Premières nations de tout le pays sont aux prises avec une pauvreté endémique, un chômage de masse, la maladie et des taux de suicide qui frisent l'épidémie. Dans son récent examen du dossier du Canada au plan des droits de la personne, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies faisait remarquer qu'il existe des écarts flagrants entre les Autochtones et la majorité des Canadiens. Laissées sans solution pour la plupart, ces conditions s'expliquent par notre dépossession et l'absence d'une assise territoriale bien à nous, ce qui va à l'encontre de nos droits ancestraux et issus de traités et de nos autres droits humains.

Comme l'indiquait la Commission royale sur les peuples autochtones, les membres des Premières nations continuent de vivre en marge de la société canadienne, et sont soit exclus ou relégués au dernier plan. En 1999, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies confirmait que la situation des peuples autochtones du Canada était «le problème le plus pressant auquel sont confrontés les Canadiens au chapitre des droits de la personne».

Dans ce cadre de marginalisation socio-économique et d'exclusion politique et sociale continues, les manifestations, les protestations et même la désobéissance civile auxquelles recourent les Premières nations demeurent bien souvent les seules mesures efficaces dont elles disposent pour défendre et revendiquer leurs droits ancestraux et issus de traités. La Commission royale sur les peuples autochtones se voulait une mesure directe et pacifique pour répondre à une manifestation du genre.

Malgré tout, quand nous mettons ces droits en pratique, par exemple à Burnt Church ou à Ipperwash, on se sert souvent de la loi pour nous punir ou nous mettre des bâtons dans les roues. La pratique consistant à accuser systématiquement des Autochtones exerçant leurs droits d'avoir commis des infractions réglementaires ou criminelles se veut une technique d'intimidation et une mesure pour faire taire les opinions divergentes. Cette technique par laquelle on met en accusation tout un groupe d'Autochtones revendiquant leurs droits a toujours cours, même si bien souvent la grande majorité des Autochtones accusés dans pareilles protestations sont acquittés. C'est ce qui est arrivé à Ipperwash et à Oka/Kanesatake, où la poursuite avait pris des airs de persécution.

La ministre de la Justice, Anne McLellan, a indiqué que les revendications des Autochtones ayant trait aux droits ancestraux et issus de traités n'entraient pas dans la définition d'une activité terroriste figurant dans le projet de loi. Nous ne sommes pas rassurés. Les mesures gouvernementales prises jusqu'à maintenant nous poussent à craindre que la loi ne soit inévitablement prise au pied de la lettre quand elle s'applique aux manifestants et aux dissidents issus des Premières nations. Et c'est sans compter—nous en avons bien peur—que la loi sur le terrorisme finira par être mal interprétée.

Si la loi ne s'applique pas aux revendications des droits ancestraux et issus de traités par les Premières nations, alors il faudrait le préciser explicitement. Il n'y a aucune raison de ne pas exprimer clairement l'intention de cette loi. Par conséquent, l'APN demande l'amendement du projet de loi afin que les revendications des Autochtones, au chapitre de leurs droits ancestraux et issus de traités, soient expressément exclues de la définition d'une «activité terroriste». L'APN se joint aux 37 000 juges et avocats membres de l'Association du Barreau canadien pour demander que soit entièrement biffée la division (E) de la définition du terrorisme, de sorte que les membres des Premières nations ou les autres personnes recourant à la désobéissance civile—une mesure de dissidence illégale mais légitime—ne puissent être qualifiés de terroristes.

Les terres de nos membres continuent de faire l'objet de mesures illégales et d'autres formes d'empiétement, on nous soutire nos ressources et on nous prive de nos moyens de subsistance. Nous devons pouvoir recourir à de vastes modes d'expression et de protestation afin que survive notre culture, et ce sans crainte de nous faire accoler l'étiquette de terroristes ou, comme tels, d'être mis en détention.

Par ailleurs, l'APN se montre en faveur des demandes visant à insérer une clause d'extinction dans la loi. La Loi américaine sur le patriotisme comporte une clause du genre. L'Association du Barreau canadien et le comité sénatorial y voient une mesure impérative. Nous abondons dans le même sens. Le retrait des libertés prévu dans le projet de loi contre le terrorisme, et l'abus potentiel des pouvoirs qu'il renferme, doit automatiquement prendre fin dans trois ans et ne reprendre vigueur que si le Parlement reçoit suffisamment de preuves justifiant le renouvellement de la loi comme mesure efficace pour contrer le terrorisme, et s'il est prouvé que la mesure législative est utilisée avec la plus grande modération. Nous croyons que l'expiration automatique de la loi serait dans l'intérêt de tous.

• 1550

Au fil de l'histoire, ce que les Premières nations ont retenu du système juridique canadien les pousse à croire que la clause d'extinction s'impose. Une étude menée par la Osgoode Society for Canadian Legal History a démontré que, au XIXe siècle, la Couronne avait ordonné l'exécution de jugements supposément fondés en loi contre nos membres afin de les coloniser. Au XXe siècle et aujourd'hui encore, les nôtres forment un pourcentage disproportionné de la population carcérale et font l'objet de poursuites sélectives. Le professeur Peter Russell, de l'Université de Toronto, a conclu que

    l'application du principe de la primauté du droit, un élément essentiel du «traitement libéral» réservé aux Indiens, peut servir d'outil puissant pour la dépossession et la subjugation des Autochtones.

Nous ne pouvons que craindre que cette loi pour contrer le terrorisme soit injustement appliquée à nous. Nous ne sommes pas seuls à soulever cette crainte. L'Association du Barreau canadien et d'autres entités du pays ont fait remarquer que le projet de loi semblait enrayer, voire interdire, les manifestations et autres formes d'expression que prennent les peuples des Premières nations pour revendiquer leurs droits.

En résumé, compte tenu de ces préoccupations raisonnées et, à mon avis, justifiées entourant le risque de mal utiliser la loi sur le terrorisme telle qu'elle est proposée, l'APN insiste pour que la définition d'une «activité terroriste» comporte un paragraphe qui exclut clairement les revendications des droits ancestraux et issus de traités par les Autochtones. Je vous soumets un texte à des fins d'étude. Deuxièmement, la division b)(ii)(E) doit être retirée de la définition du terrorisme. Troisièmement, la loi doit comporter une clause d'extinction, ce qui implique que pour être remise en vigueur elle devra subir une évaluation complète par la société et le Parlement d'ici trois ans tout au plus.

Par ailleurs, nous souhaitons être davantage consultés et participer pleinement à l'élaboration du texte de loi.

Sur ce, je vous remercie. Meegwetch. Thank you.

Le président: Merci.

Je vais donner les sept premières minutes à M. Sorenson.

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Grand chef Coon Come, je vous remercie ainsi que votre délégation d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage et de votre point de vue sur les répercussions que ce projet de loi risque d'avoir sur les Premières nations.

La plupart du temps, quand nous adoptons un projet de loi, nous examinons les divers groupes qui risquent d'être touchés au Canada, et nous sommes toujours très contents d'avoir le point de vue des Autochtones ou des Premières nations sur un projet de loi.

Nous apprécions à sa juste valeur l'histoire des Premières nations. Trop souvent, on oublie de le dire. Je pense qu'il est important de nous souvenir de l'époque où les Premières nations ont servi notre pays, et l'ont bien servi. Les habitants des Premières nations ont servi durant la Première Guerre mondiale et durant la Seconde. Même quand ils vivaient à une époque où la discrimination était peut-être encore plus profonde qu'aujourd'hui—je ne crois pas qu'ils avaient le droit de vote à l'époque de la Seconde Guerre mondiale—de nombreux Autochtones ont servi sous nos drapeaux. Nous comprenons bien que leur amour pour ce pays—ce que vous avez souligné—est plus qu'un simple amour de notre Mère la Terre, c'est un amour du sol lui-même, et nous respectons cela.

Nous vous sommes aussi reconnaissants de votre engagement à aider ceux d'entre nous qui, au Parlement, luttent contre la menace terroriste. On a dit à maintes reprises à ce comité que le 11 septembre avait bouleversé notre monde. Il a bouleversé notre pays. Il nous a obligés à réfléchir et à examiner le monde dans lequel nous vivons et les valeurs qui sont importantes pour nous, et il nous a amenés à présenter un projet de loi destiné à renforcer notre sécurité. Cela m'amène à ma question—et nous avons sept minutes pour votre réponse—qui est la suivante: Comment allons-nous faire? Comment allons-nous pouvoir tracer la ligne à chaque fois qu'un groupe va venir nous dire qu'il faudrait prévoir une exemption, qu'il faudrait inclure une disposition particulière dans la loi...?

• 1555

Vous demandez la suppression totale du point 83.01(1)b)(ii)(E), et vous mentionnez spécifiquement les Autochtones à cet égard. Pour commencer, comment pouvons-nous exempter certaines personnes des dispositions du Code criminel? Nous avons déjà vu cela. Par exemple, dans le projet de loi C-68, on a prévu des exemptions. Mais toute exemption visant un groupe particulier me pose un problème fondamental. J'ai l'impression que ce genre d'exemption risque en fait d'entraîner encore plus de discrimination à l'égard de ce groupe que s'il était simplement inclus au même titre que tous les autres. La question que je vous adresse, enfin l'une de mes questions, est de savoir où nous pouvons tracer la ligne et comment nous pouvons exempter certaines personnes.

Dans la définition d'«activité terroriste», dans le projet de loi, on parle d'actes commis «au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique». Quel élément de cette partie précise de la définition souhaiteriez-vous qu'on modifie?

Au point (E) de la même division, on peut lire:

    à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre d'activités licites de revendication.

Je me demande pourquoi il faudrait retirer ce point particulier du projet de loi.

Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.

L'Assemblée des premières nations appuie sans hésiter les efforts du Canada pour lutter contre le terrorisme. Nous comprenons parfaitement que l'intention du Parlement, en adoptant ce projet de loi, n'est pas de s'en prendre aux Premières nations qui affirment leurs droits constitutionnels. Nous savons bien qu'il est très difficile de définir le terrorisme. Il faut le faire avec soin et de façon très précise. Quand nous demandons qu'on exclue les peuples autochtones de la définition d'«activité terroriste», nous pensons que cela devrait aider le Parlement à redéfinir cette définition.

Vous savez vous-mêmes que la Constitution du Canada énonce une relation particulière. Les peuples autochtones ont des droits autochtones et issus des traités constitutionnellement reconnus au sein de la Constitution de notre pays. Le gouvernement a une responsabilité fiduciaire et un devoir envers les peuples autochtones du Canada. Je pense que vous pouvez comprendre nos préoccupations, qui résultent de l'exclusion sociale et politique continue dont nous avons fait l'objet et de notre marginalisation sociale et économique constante. La seule tribune que nous avons pour exercer et protéger nos droits, ce sont les manifestations et les protestations, et nous ne voulons pas qu'on puisse qualifier ce droit de terrorisme.

J'ai peur qu'on limite ou qu'on suspende notre droit à exercer nos droits civiques. Nous avons souvent été accusés de sédition. On m'a accusé de pratiquer une forme de guérilla parce que je me servais de la procédure judiciaire. Mes amis séparatistes du Québec m'ont qualifié de traître. On a essayé de m'accuser de trahison parce que je défends les droits des Autochtones et les droits issus des traités. Je pense donc que vous devez pouvoir comprendre pourquoi nous tenons tant à cette exclusion. La ministre de la Justice a beau avoir déclaré qu'il ne s'agissait pas de s'en prendre aux personnes qui bloquent des routes ou qui recourent à d'autres formes de protestation ou d'affirmation de leurs droits, je ne me sens nullement rassuré. Je vous demande de vous pencher sérieusement sur notre requête.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Venne, vous avez sept minutes.

• 1600

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): J'aimerais savoir, monsieur Coon Come, si vous avez comparu devant le Sénat au sujet du projet de loi C-36. Est-ce que vous avez comparu devant le Sénat au sujet du projet de loi C-36, avant de venir ici?

[Traduction]

Grand chef Matthew Coon Come: Non, c'est la première fois que nous comparaissons.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Est-ce parce que vous n'avez pas demandé au Sénat à être entendu ou simplement parce que vous avez refusé d'y aller?

[Traduction]

M. Richard Powless (conseiller politique principal, Assemblée des premières nations): Nous n'étions tout simplement pas au courant. Nous avons appris le dernier jour des audiences qu'il y avait des audiences simultanées. Nous n'avons pas été invités et nous n'étions pas au courant.

[Français]

Mme Pierrette Venne: D'accord. Je comprends.

Nous avons entre les mains le rapport du Sénat qu'on transmet à la presse en ce moment. La conférence de presse se tient à l'heure qu'il est. Parmi les recommandations qu'il contient, il y en a une qui devrait vous plaire puisqu'elle porte sur la disposition 83.01(1)b)(ii)(E) proposée, que vous voudriez voir supprimer.

Ce que le Sénat recommande, cependant, c'est plutôt d'éliminer le terme «licites», de sorte qu'on parlerait d'activités qui servent «à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre d'activités de revendication». Donc, le terme «licites» disparaîtrait, ce qui devrait vous satisfaire, je pense. L'article lui-même ne serait pas entièrement retiré, tel que vous le demandez dans une de vos deux recommandations. J'aimerais donc avoir votre opinion là-dessus, et savoir si le retranchement du terme «licites» vous conviendrait, comme le suggère le rapport du Sénat.

Quant à votre première proposition voulant qu'on ajoute un paragraphe pour dire que sont exclues les actions que vous pourriez commettre dans l'avenir pour revendiquer vos droits, pour ma part, je pense que ce serait tout à fait contre-indiqué, puisque cela reviendrait à vous permettre de dresser des barrages où que ce soit et même à les institutionnaliser en quelque sorte. Je ne crois pas qu'il soit approprié qu'un projet de loi comme celui-là entérine à l'avance tous les actes que vous pourriez commettre pour revendiquer vos droits, comme vous le mentionnez. C'est mon opinion.

C'est évident que vous n'êtes pas d'accord, car je vois bien ce que vous revendiquez. Cependant, je crois que prendre la population en otage, comme cela a été fait très souvent, n'est pas le meilleur moyen de se faire des amis en ce bas monde.

Je reviendrai donc à ma première question: est-ce que la modification apportée au point (E) serait suffisante pour répondre à votre recommandation?

[Traduction]

Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.

Je n'ai jamais eu le sentiment que nous, l'Assemblée des premières nations, avions pris la population de ce pays en otage. J'ai toujours été convaincu qu'on nous avait toujours refusé le droit de participer à l'économie de ce pays, et que c'était un déni de nos droits. Quand les tribunaux reconnaissent que nous avons des droits de pêche, le ministère des Pêches et Océans envoie ses agents éperonner nos bateaux. Même quand on reconnaît nos droits, on refuse constamment de nous les accorder alors que le gouvernement devrait au contraire les défendre. Le gouvernement devrait pouvoir discuter avec nous pour trouver une formule satisfaisante nous permettant de régler les problèmes grâce à des mandats appropriés, à des budgets corrects et à des calendriers satisfaisants.

Nous ne sommes absolument pas contre le développement. Quand nous avons érigé des barricades, c'était pour sensibiliser le public au fait que nous essayions d'affirmer nos droits. Mais en définitive, ce que nous voulons, c'est participer au développement forestier, participer à l'exploitation minière et participer à l'extraction des ressources naturelles de nos terres. Or, nous avons extrêmement peur que les gouvernements considèrent ces efforts que nous faisons pour affirmer nos droits comme des activités illicites.

Votre question était de nature très technique. Puis-je demander à notre conseillère juridique d'y répondre, monsieur le président?

Le président: Oui.

Mme Joanna Birenbaum (conseillère juridique, Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président.

• 1605

Pour aider le chef national, peut-être pourrais-je préciser votre question en vous posant moi-même une question. D'après ce que je crois comprendre, vous pensez qu'il ne faudrait pas inclure dans la définition d'«activité terroriste» une exclusion des peuples autochtones et l'affirmation de leurs droits autochtones et issus des traités. Si je vous comprends bien, vous dites qu'il ne faudrait pas le faire parce que cela reviendrait à institutionnaliser les barrages qui ont été érigés. Pour nous aider à répondre à votre question, pouvez-vous nous dire si d'après vous les barrages seraient couverts par ce projet de loi et relèveraient de la définition d'«activité terroriste»?

[Français]

Mme Pierrette Venne: Pas du tout. Je fais allusion à votre recommandation, que j'ai devant moi, qui dit que vous voulez ajouter un paragraphe dans lequel il serait mentionné que les omissions ou les actions commises par les autochtones pour revendiquer leurs droits seraient tout simplement exclues du projet de loi C-36.

Je trouve que cela aurait comme effet d'institutionnaliser une façon de procéder qui n'est certainement pas appréciée chez nous. C'est pourquoi je dis que, de toute façon, en enlevant le terme «licites», vos manifestations pourraient très bien se trouver incluses, de même que celles des gens qui veulent manifester, comme c'est déjà écrit dans l'article lui-même.

[Traduction]

Mme Joanna Birenbaum: Merci pour cette précision.

La raison pour laquelle la simple suppression du terme «licite» ne suffirait pas...disons pour présenter les choses d'une autre manière que la raison pour laquelle il est absolument impératif d'exempter les droits issus des traités des peuples autochtones de la définition d'«activité terroriste», est que ces activités ne sont pas considérées comme des activités terroristes dans ce projet de loi, tel que nous le percevons. En fait, nous pensons que le gouvernement du Canada estime que ce genre d'activités, y compris les barrages, ne constituent pas des activités terroristes. Ce n'est pas ce genre d'activités que le projet de loi vise à réprimer.

Ce projet de loi a été le résultat d'un événement tragique et inouï qui a entraîné la mort de milliers de personnes et qui était le fruit des actions d'un réseau terroriste international éminemment complexe et dangereux. Je crois—ou plutôt l'Assemblée des premières nations croit que c'est ce genre d'activités terroristes que le gouvernement veut réprimer avec ce projet de loi. Ce ne sont pas les barrages routiers et l'affirmation des droits qui sont visés ici. Si le gouvernement ou la police estime que certaines activités des gens des Premières nations sont illicites, il pourra toujours s'appuyer sur la législation pénale existante. Ce que nous vous disons aujourd'hui, c'est qu'il faudrait exempter les activités esquissées par l'APN de ce projet de loi antiterroriste.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Merci beaucoup, madame Venne.

[Traduction]

Monsieur Blaikie, vous avez sept minutes.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

Premièrement, je tiens à dire que le NPD partage les inquiétudes formulées par le grand chef Coon Come au sujet de cette définition d'«activité terroriste» et du risque que cette définition soit utilisée ou appliquée de façon abusive pour enrayer non seulement des activités légitimes ou une affirmation légitime des droits des Autochtones, mais aussi des formes de contestation parfaitement légitimes de la part de nombreux Canadiens. Vous nous donner un bon exemple des raisons pour lesquelles nous pouvons nous inquiéter de cette définition de «activité terroriste», mais peut- être faudrait-il essayer de trouver une modification de la définition de «activité terroriste» un peu différente de celle que vous recommandez. Autrement dit, plutôt que d'énumérer des exemptions particulières, nous pourrions essayer de formuler la définition de manière à exempter non seulement les activités des personnes des Premières nations qui cherchent à affirmer leurs droits, mais aussi les activités d'une foule d'autres personnes qui ne sauraient en aucune circonstance constituer des activités terroristes et ne l'ont jamais été dans le passé.

• 1610

Il nous appartiendra de juger si nous voulons modifier la définition d'«activité terroriste». La question n'est pas encore tranchée, mais je tiens à vous donner l'engagement, en ce qui me concerne en tout cas, que nous allons prendre votre recommandation en considération. Si nous nous entendons pour dire qu'il faut modifier la définition, votre suggestion sera parmi celles que nous examinerons.

Je tiens aussi à m'associer de tout coeur à ce que vous avez dit à propos d'Ipperwash. Les Autochtones ont de très bonnes raisons de se méfier des gouvernements quand on voit ce genre de chose. C'est un peu la toile de fond de ce projet de loi, si vous voulez. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer à la Chambre quand on l'a présenté initialement. Pour vous, c'est une question de confiance, et à l'arrière-plan, vous avez Ipperwash, Oka et d'autres événements de ce genre. Pour d'autres, c'est aussi une question de confiance, et dans leur cas le contexte, c'est Québec et le sommet de l'APEC.

Nous avons assisté ces dernières années à un certain nombre d'incidents à l'occasion desquels des gouvernements de tendances diverses n'ont pas manifesté le respect qu'ils auraient dû normalement avoir pour des contestations légitimes ou une affirmation légitime des droits. Je dois donc dire à cet égard que je partage vos inquiétudes. J'espère que nous tiendrons compte de cette préoccupation lorsque le comité se penchera sur la question de savoir s'il faut ou non modifier le projet de loi.

Le président: Grand chef, vous avez une réponse?

Grand chef Matthew Coon Come: Je vous remercie beaucoup de votre clairvoyance. Quand des individus décident d'utiliser une forme de protection de leurs droits qui est une forme acceptable d'expression, de manifestation ou de protestation, ces actes ne devraient pas être qualifiés d'actes terroristes. Il faut effectivement veiller à prendre en considération ce qui s'est passé à Québec et aux réunions de l'APEC ou aux sommets du G-8 dans le débat sur la définition qui sera finalement adoptée.

Je vous remercie de votre compréhension de notre situation et de la façon dont nous avons été caractérisés ainsi que de notre expérience passée et de notre crainte que ce projet de loi ne soit mal appliqué ou utilisé de façon erronée pour renforcer les pouvoirs de la police. Ce que nous craignons, c'est que vous ne reveniez pas sur cette définition d'«activité terroriste» et sur le sens de cette expression, et je vous remercie donc de nous avoir dit que vous pouviez envisager une éventuelle modification de cette définition.

Le président: Monsieur Blaikie, il vous reste environ une minute.

M. Bill Blaikie: Il y a un autre aspect de cette définition d'«activité terroriste» qui mérite d'être examiné, c'est l'évocation de tout ce qui menace la sécurité économique. Une bonne partie des différends qui opposent les Autochtones aux gouvernements—quelquefois en tout cas—concernent de vastes questions économiques. Dans votre cas, ce qui me vient spontanément à l'esprit, c'est la production hydroélectrique dans le nord du Québec, par exemple.

Il faut évidemment combiner cela avec de nombreux autres aspects de la définition—et il y en a beaucoup d'autres—mais nous avons entendu plusieurs témoins nous dire que cette idée d'insérer la notion de menace à la santé économique ou aux services essentiels, etc., dans la définition de «activité terroriste» devait être rejetée. J'imagine que c'est un aspect de la définition qui vous préoccupe aussi.

• 1615

Grand chef Matthew Coon Come: Absolument. Comme vous le savez, nous avons participé à une campagne d'opposition au projet de la Grande rivière de la baleine, mais ce n'est pas parce que nous sommes contre le développement. Ce qui nous inquiète, c'est la façon dont on le réalise. Nous nous sommes évidemment servis des États-Unis parce que ce sont eux qui achètent cette énergie. Nous pensions que nous avions le devoir de nous faire entendre, comme les compagnies de services publics l'ont fait, et de parler des répercussions que ce projet aurait sur nos droits et sur notre mode de vie. Je suis donc très inquiet, monsieur le président, à l'idée que certaines de nos activités risquent d'être qualifiées de terroristes alors que nous cherchons simplement à protéger nos droits.

Dans la décision Delgamuukw, on a reconnu nos droits économiques. De nombreux tribunaux ont reconnu nos droits de chasse et de pêche. J'espère que nous n'aurons pas à mener ce combat dans un autre pays ou à demander à des entreprises de ne pas acheter des produits provenant des terres des Premières nations. J'espère que nous pourrons régler ces problèmes ici, en nous asseyant ensemble à la table, pour éviter d'être marginalisés socialement et économiquement et pour ne pas être obligés de partir à l'étranger, de sorte que quand les tribunaux... Ne soyez pas sélectifs quand vous interprétez nos droits, venez discuter avec nous pour que nous puissions participer à l'économie et la stimuler. Nous ne sommes pas des terroristes. Nous ne sommes pas contre le développement. Nous voulons participer, nous voulons avoir accès à la terre et aux ressources et nous voulons pouvoir construire nos propres institutions.

J'en ai assez d'entendre parler—même dans mon propre peuple—de barrages routiers qui donnent de nous l'image de personnes hostiles. Je crois qu'il est grand temps que le gouvernement s'assoie avec nous pour discuter. Nous sommes prêts à régler nos problèmes. Un récent sondage du ministère des Affaires indiennes et du Nord a montré que 58 p. 100 des Canadiens estimaient que les Premières nations faisaient l'objet d'une forme de racisme. Et 54 p. 100 des personnes des Premières nations reconnaissent qu'il y a effectivement une forme de racisme. Il faut faire quelque chose pour effacer cela.

Qu'allons-nous faire? Il faut pratiquer l'inclusion. Faites- nous participer aux activités. N'appliquez pas la règle du droit et les décisions qui sont prises de manière sélective. Discutez avec nous. Je pense que nous pouvons très bien éviter de partir en campagne aux États-Unis ou ailleurs. Nous pouvons très bien régler ces questions ici chez nous, afin de pouvoir participer à l'économie de notre pays.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Keddy, vous avez sept minutes—et je plaisantais quand je parlais d'une minute supplémentaire pour les Maritimes, donc c'est sept minutes uniquement.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC/RD): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue au grand chef Coon Come et à sa délégation.

Grand chef, il est toujours très intéressant d'entendre votre point de vue. Vous le présentez toujours avec une force de conviction qui passe bien.

Comme l'a dit notre critique pour la justice de Pictou—Antigonish—Guysborough, le problème semble être une question de coexistence. Je ne parle pas nécessairement de coexistence des Premières nations et des Canadiens non autochtones, mais plutôt de la coexistence des droits humains fondamentaux et des questions de justice dans le contexte de la sécurité et des droits de la personne que nous prenons pour acquis.

Ces droits humains que nous prenons pour acquis incluent manifestement la possibilité de protester de façon pacifique, la garantie de ne pas être mis sur écoute téléphonique si l'on n'a pas d'activité illégale ou encore la garantie de ne pas être catégorisé comme appartenant à un groupe dont les membres vont être soudainement qualifiés par le gouvernement de terroristes dangereux ou potentiels. Les Premières nations ne sont pas les seules à avoir peur de cela. Je crois que c'est quelque chose qui inquiète tous les Canadiens qui examinent sérieusement ce projet de loi.

On a dit tout à l'heure que le Sénat avait publié son rapport et formulé un certain nombre de recommandations. Je pense que ce que l'on craint, c'est que ce projet de loi empiète de façon abusive sur les droits et libertés des individus. Les amendements que notre critique pour la justice a présentés visent précisément ce genre de questions, notamment les questions de responsabilités, de supervision et de clause d'extinction, de façon à ce que cette loi ne puisse pas se prolonger indéfiniment et que nous puissions voir la lumière au bout du tunnel, si je puis utiliser cette image.

• 1620

En dépit de la tragédie effroyable du 11 septembre, j'espère que nous allons pouvoir adopter un projet de loi qui ne sera pas une mesure rigoureusement totalitaire interdisant toute forme de protestation pacifique. Il faut que ce soit une loi que les Canadiens pourront accepter. Quand nous aurons surmonté cette période de l'histoire de l'humanité où les attentats terroristes font rage, non seulement aux États-Unis, d'ailleurs, mais dans le monde entier, il faudra que nous puissions continuer à jouir des libertés que nous avons déjà.

Ma question porte sur l'amendement que vous avez proposé. Pour que les choses soient bien claires, vous dites dans cet amendement que vous souhaitez insérer un nouvel alinéa c) qui se lirait comme suit:

    il est entendu que sont exclus de l'alinéa b) les actions ou les omissions commises par les Autochtones qui exercent ou revendiquent leurs droits ancestraux et issus de traités.

Je ne peux pas parler au nom du reste du comité, mais j'aimerais savoir si vous seriez intéressé par l'ajout de l'adjectif «licite». Vous auriez à ce moment-là le texte suivant pour cet alinéa c):

    il est entendu que sont exclus de l'alinéa b) les actions ou les omissions licites commises par les Autochtones qui exercent ou revendiquent leurs droits ancestraux et issus de traités.

Grand chef Matthew Coon Come: Je vais laisser les juristes répondre à cette question.

Mme Joanna Birenbaum: En premier lieu, l'Assemblée des premières nations vous est reconnaissante de vos commentaires et de cette suggestion. Nous pensons que c'est une bonne suggestion, mais c'est quelque chose qui nous dérangerait, et je vais vous expliquer pourquoi.

Notre réticence s'explique par des siècles de recours aux droits légitimes du Canada contre les peuples des Premières nations. Le problème, c'est que le racisme systémique signifie qu'on interprète les lois d'une façon qui n'est pas toujours bien pertinente et qu'on estime souvent que les actions et les activités des peuples des Premières nations sont illicites. Si l'on insère le terme «licite» dans le projet de loi, on risque d'obliger les peuples des Premières nations à démontrer que leurs activités sont licites. Par exemple, dans le cas d'Ipperwash, on a estimé que l'occupation du parc était illicite. Beaucoup des manifestants ont été accusés de violation de propriété. Après coup, évidemment, on a reconnu qu'ils étaient parfaitement en droit d'être là. La plupart, sinon tous, ont été acquittés.

Le problème, si l'on inclut cet adjectif «licite» dans le texte, c'est de savoir qui détermine le caractère licite ou non d'une action. Malheureusement, au cours de l'histoire du Canada, ce jugement a été exercé de façon discrétionnaire, injuste et raciste.

M. Gerald Keddy: Je ne sais pas si j'ai une question là- dessus, mais en tout cas j'ai un commentaire.

Étant donné ce que vous venez de dire, la loi demeure notre seul recours. Nous n'avons guère le choix. Je sais bien qu'elle est ouverte aux interprétations et aux abus; elle a mené à des abus à l'encontre de nombreux individus et groupes de ce pays, et pas seulement au sein des Premières nations. Mais sachant cela et sachant que c'est la loi que nous appliquons en vertu de la Constitution de notre pays, ce qui m'inquiète, c'est que si nous n'apportons pas cette précision, nous risquons en fait de légitimiser des protestations illicites. Or, je ne pense pas que ce soit cela que nous souhaitions.

Mme Joanna Birenbaum: Je suis d'accord. Ma réponse n'était peut-être pas assez complète.

Prenons par exemple le cas de la désobéissance civile. Si l'on ajoute l'adjectif «licite» dans la définition, la désobéissance civile des Premières nations pourra être considérée comme une activité terroriste. Ce que nous essayons de dire ici, c'est que des activités illicites, par exemple certaines formes de désobéissance civile, peuvent constituer des activités criminelles relevant du Code criminel, mais qu'il ne faut pas les catégoriser ou les punir en tant qu'infractions terroristes.

• 1625

Le président: Merci. Nous allons poursuivre. Vous aurez probablement l'occasion d'y revenir.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président et merci à nos témoins. Je voudrais poursuivre sur ce dernier point.

La ministre de la Justice et le gouvernement nous affirment que ce projet de loi ne vise en aucune façon les activités dont nous venons de parler, qu'elles soient licites ou illicites. Si quelqu'un, pour des raisons normales de contestation intérieure—qu'il s'agisse d'un débrayage ou d'une grève illégale contraire à la réglementation du travail, par exemple—commet certains actes, il n'est manifestement pas question que ces actes soient visés par ce projet de loi.

Je sais bien que, comme je suis membre du parti qui appuie le gouvernement, je lui fais peut-être plus confiance que vous. C'est pour cela que je vous suis reconnaissant de vos témoignages et de vos recommandations. Votre mémoire est très concis et très clair. Nous vous en sommes reconnaissants car cela aide beaucoup le comité.

J'aimerais vous poser une question à propos de la mention de trois amendements que vous faites dans votre mémoire—il y en a notamment un qui porte sur l'inclusion d'une clause d'extinction—car nous n'avons eu que deux amendements dans les documents qu'on nous a distribués. Est-ce que c'était délibéré? A- t-on délibérément omis la recommandation de clause d'extinction ou est-ce un simple oubli?

Mme Joanna Birenbaum: Nous n'avons pas proposé de texte particulier pour cette clause d'extinction car nous savons que d'autres l'ont déjà fait.

M. Paul DeVillers: Mais l'une de vos recommandations est qu'on inclue cette clause de temporarisation?

Mme Joanna Birenbaum: Oui.

M. Paul DeVillers: Actuellement, le projet de loi prévoit un réexamen au bout de trois ans. Il y a eu des propositions...le rapport du Sénat, d'après ce que je peux voir rapidement, propose une clause d'extinction au bout de cinq ans en plus de l'examen après trois ans. Seriez-vous d'accord avec cela?

Grand chef Matthew Coon Come: Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner les recommandations du Sénat. Toutefois, nous comprenons bien que le gouvernement du Canada doit combattre le terrorisme et nous comprenons bien aussi que l'idée n'est pas de s'en prendre à nos activités au sein de l'Assemblée des premières nations. Néanmoins, nous sommes entièrement favorables à l'idée d'une clause d'extinction. On avait recommandé trois ans, et je crois que l'Association du Barreau canadien a appuyé cette suggestion. Nous l'approuvons aussi. Mais je n'ai pas lu le rapport du Sénat, donc je ne sais pas.

M. Paul DeVillers: Madame, que pensez-vous de l'idée de conserver cet examen après trois ans en ajoutant une clause de temporarisation au bout de cinq ans?

Mme Joanna Birenbaum: Vous pourriez me donner un instant? Nous n'avons pas examiné cette proposition.

M. Paul DeVillers: Bon, c'est bien.

Le président: Si vous pensez que vous auriez besoin d'un peu plus de temps, nous sommes prêts à recevoir votre réponse plus tard. Ne vous sentez pas obligée de répondre tout de suite.

Grand chef Matthew Coon Come: Merci, monsieur le président. Je pense que nous sommes tous en faveur de la clause d'extinction, qui vaudrait mieux que rien, et ce le plus tôt possible. Mais si le comité fixe le délai à cinq ans avec un réexamen après deux ans, il y aura au moins une forme de clause d'extinction.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Fitzpatrick, vous avez trois minutes.

• 1630

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci beaucoup, grand chef, ainsi que vos collègues, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. C'est un privilège de pouvoir dialoguer avec vous.

Si je comprends bien le but de l'amendement que vous proposez—et vous pourrez me corriger si je me trompe—je connais vos antécédents et je sais que vous avez été un partisan des activités et des protestations pacifiques pour promouvoir votre cause et ce que vous considérez comme vos droits, etc. Je pense qu'on comprend bien ce genre de choses dans une démocratie libérale—je l'espère—ce genre de protestations et de désaccords, etc. Ce qui vous inquiète avec cette définition, c'est l'idée qu'en prenant la loi au pied de la lettre, on risque de vous accuser d'activité terroriste. Même si les députés de la majorité affirment que ce n'est pas ce qui est prévu, vous risquez tout de même d'être pris dans ce genre de définition.

Je tiens à être certain—et je suis sûr que vous allez être d'accord avec moi—qu'il ne saurait jamais être question de justifier des actes de destruction massive, des assassinats ou des enlèvements pour assurer la promotion d'une cause politique ou autre. Je suis absolument convaincu, connaissant votre histoire et vos antécédents, que vous êtes entièrement avec l'idée qu'il ne saurait en aucune façon être question de justifier ce genre de choses.

J'aimerais bien avoir votre réaction à mes questions initiales.

M. Richard Powless: Le terrorisme existe depuis longtemps en Amérique du Nord. Les gens choisissent la façon dont ils veulent faire évoluer les choses. Le terrorisme a toujours été une option pour les Premières nations. Mais nous n'avons pas choisi cette voie.

Dès le début, quand nous avons établi les premiers contacts, nous avons conclu des ententes négociées appelées des traités. Nous considérions que ces ententes étaient sacrées et nous espérions qu'elles seraient respectées et appliquées. C'est là que les problèmes ont commencé, car elles ne l'ont pas été. Tous les traités que nous avons signés ont été violés. Par conséquent, tout ce que nous avons fait au cours de toutes ces années, ça a été d'essayer de faire respecter ces traités.

Je vais prendre l'exemple du traité Two Row Wampum, un traité iroquois—je suis personnellement Mohawk. Nous l'appelons le Gus-wen-tah. Il s'agit de deux rangées sur une ceinture de wampum, deux lignes parallèles qui représentent nos deux peuples. De même que ces deux lignes ne se croisent jamais, nos nations n'ont jamais été censées se superposer l'une à l'autre ou se mêler de leurs affaires respectives. Or, on a violé cette disposition.

Aujourd'hui, on nous dit que tout ce que nous faisons, que tout ce que nous pensions être protégé par ces traités est illégal. Nous ne pouvons pas aller à la pêche, même si nous gagnons nos procès en Cour suprême. On nous dit que nous n'avons pas le droit d'aller chasser. On nous dit la même chose à propos d'à peu près tout ce que nous considérions comme protégé. Le véritable problème politique, c'est que nous n'avons pas de pouvoir politique. Plus de la moitié de notre population ne participe pas au système parce qu'elle estime que ce n'est pas son système politique.

Quand on nous impose des situations, comme c'est le cas—c'est le cas en ce moment précis où l'un de vos ministres nous impose de nouvelles modifications à la Loi sur les Indiens—la seule forme légitime de protestation, de contestation et d'affirmation de nos droits est souvent la protestation, même s'il peut s'agir de barrages. Nous avons tout simplement peur. Nous connaissons cela depuis longtemps.

On a dit ici que la règle de droit s'appliquait très vite et avec une extrême rigueur lorsque c'est nous qui faisons ce genre de choses. Nous sommes donc entièrement d'accord avec votre affirmation. Nous n'avons jamais fait cela. Nous sommes toujours allés... Nous sommes révoltés par ce qui s'est produit le 11 septembre, comme tout le monde. C'est quelque chose qui dépasse notre entendement, car nous négocions des ententes pacifiques pour pouvoir continuer à coexister.

M. Brian Fitzpatrick: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Maloney.

• 1635

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je pense que nous trouvons tous un peu problématique votre demande visant à exempter de la définition d'activité terroriste les affirmations des droits des Autochtones issus des traités, surtout compte tenu du fait que M. Powless vient de dire que le terrorisme a toujours été une option, même si vous n'avez pas voulu y recourir.

Dans vos réserves, vous appliquez certaines règles et politiques à l'égard de vos bandes. Admettez-vous, ou serait-il juste de dire qu'un certain individu, des individus ou des groupes de cette bande ou cette réserve doivent être exemptés de ces politiques?

Grand chef Matthew Coon Come: C'est une question très délicate.

Comme vous le savez il y a 80 nations différentes au Canada. Il y a les Mohawks et les Cris du nord du Québec. Il y a les Nisga'as, les Ojibway, etc. Nous avons tous nos valeurs, nos traditions, nos coutumes et croyances particulières.

Quand nous nous réunissons pour délibérer, nous savons comment apporter des changements à nos conditions de vie déplorables et comment assurer la promotion de nos droits, soit en invoquant la Constitution—ce n'est pas le cas actuellement—ou les lois, ou encore en faisant modifier les politiques. Nous savons nous servir de la procédure judiciaire. Quand nous prenons une décision, nous la prenons collectivement. Nous affirmons des droits collectifs par opposition à des droits individuels. Nous agissons donc dans l'intérêt de notre société.

Les seules exemptions que nous avons pratiquées venaient du fait qu'on nous avait imposé la Loi sur les Indiens sans notre participation ni notre accord. Vous pourriez peut-être nous laisser renforcer nos institutions et nos relations politiques pour que nous puissions coexister et participer aux activités d'ensemble. Peut-être pourrait-on nous donner l'assurance que nous allons pouvoir participer et avoir notre mot à dire dans ce qui nous arrive.

Nous sommes tout à fait favorables à un dialogue ouvert de ce genre. Je crois que nous sommes tous en faveur de protestations pacifiques. Aucun d'entre nous n'a jamais pris les armes. Je suis bien d'accord pour dire que rien ne justifie les massacres collectifs. Rien ne justifie qu'on prenne une arme pour abattre quelqu'un. Mais il faut tout de même établir des règles dans l'intérêt de la société. À cet égard, nous reconnaissons que c'est une bonne chose pour la nation. Ce qui est bon pour la nation est bon pour chacun des citoyens.

Dans ce pays, vous avez un rapport spécial avec les Autochtones. J'ai beau détester la Loi sur les Indiens, je constate que vous n'avez pas une loi pour les juifs ou pour les Français. Vous n'en avez pas pour les autres immigrants qui sont venus dans ce pays, mais vous avez la Loi sur les Indiens. Vous n'avez pas de traités avec les autres nations qui sont venues s'installer dans ce pays parce que leurs droits ont été violés. Leurs droits humains fondamentaux ont été violés. Ces personnes sont venues trouver refuge au Canada et y ont établi un lien.

Vous avez signé des traités. Des hommes honorables ont signé ces traités en s'attendant raisonnablement à ce que les gouvernements respectent leurs engagements. C'est vous qui avez établi ce lien. Vous avez enchâssé dans la Constitution la notion de peuple autochtone.

• 1640

Ce sont vos lois qui ont permis cela, et vous avez donc prévu une exemption. Nous cherchons simplement à protéger ce que nous avons dans vos lois, pour nous assurer qu'on ne va pas déroger à nos droits ou les abroger, pour avoir la garantie que, quand nous affirmerons nos droits, on ne va pas les suspendre ou entraver nos activités et qu'on ne va pas qualifier nos actes d'actes terroristes.

M. Richard Powless: J'aimerais simplement préciser ce que j'ai dit. Quand j'ai dit que le terrorisme a toujours été un choix, je veux dire qu'il a toujours été un choix pour tout le monde, pour tous les individus de cette planète depuis l'origine des temps. Certains ont opté pour ce choix, mais pas nous. C'est cela que je veux dire. Nos contacts mutuels remontent à plus de 400 ans. Nous n'avons pas choisi la voie du terrorisme. Nous ne sommes pas un peuple terroriste. C'est la seule chose que je voulais dire. Cette option a toujours été ouverte à n'importe qui.

Le président: Merci beaucoup, madame Birenbaum, monsieur Powless et grand chef. Meegwetch. Merci d'être venus ici.

Je vais lever brièvement la séance pour permettre à nos témoins de se retirer et aux témoins suivants de s'installer à la table.

• 1641




• 1643

Le président: Nous reprenons cette 41e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous examinons le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

Notre deuxième témoin cet après-midi est James Aldridge, qui comparaît à titre individuel. En général, nous essayons de nous en tenir à 10 minutes pour les déclarations d'ouverture, afin de laisser suffisamment de temps pour le dialogue avec les membres du comité.

Après ce bref rappel de nos règles, je vais donner la parole à M. Aldridge.

M. James R. Aldridge (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je souhaite exprimer mes sincères remerciements au comité pour m'avoir invité à comparaître aujourd'hui et à vous faire part de mes préoccupations concernant le projet de loi C-36.

• 1645

Je suis avocat à Vancouver. J'exerce en droit administratif constitutionnel et j'ai eu l'occasion de comparaître devant de nombreux comités parlementaires ici et dans ma province, la Colombie-Britannique.

Je dirais tout d'abord

[Français]

que je suis désolé de ne pas pouvoir faire ma présentation en français. Malheureusement, je ne parle pas bien français.

[Traduction]

J'ai un exposé écrit. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de le rédiger dans les deux langues officielles et il est seulement en anglais. Toutefois, si les membres du comité souhaitent en avoir une exemplaire ultérieurement, je me ferai un plaisir de le leur communiquer, et je crois savoir qu'on pourra le distribuer une fois qu'il sera traduit.

Mon exposé comporte trois parties: je ferai d'abord une introduction, puis je parlerai de deux articles particulièrement dignes d'attention dans le projet de loi, et enfin je parlerai de certains amendements qui sont proposés. Ces deux dernières parties de mon exposé sont relativement techniques. L'examen d'un projet de loi est un exercice technique, et je demanderai au comité son indulgence, puisque vous n'avez pas pu avoir le texte écrit de mes propositions, comme je l'aurais souhaité. Mais comme vous avez le texte du projet de loi sous les yeux, je pense que je serai en mesure de me faire comprendre très clairement. En tout cas, je vais essayer.

À titre d'introduction, je dirais que certaines de mes préoccupations ressemblent de très près à des préoccupations déjà mentionnées par d'autres témoins, notamment l'Association du Barreau canadien, dont j'ai pu lire ce matin pour la première fois le document qui m'avait été remis hier.

J'aimerais ajouter ma voix à celles de tous ceux qui ont recommandé la prudence et la modération, et qui ont soutenu que les événements du 11 septembre ne sauraient justifier l'érosion des libertés et des valeurs canadiennes que risquent d'entraîner certaines des parties de ce projet de loi.

Peut-être devrais-je commencer par évoquer une conversation que j'ai eue avec mes parents il y a des années lorsque j'ai appris pour la première fois comment on avait traité les Canadiens japonais durant la Deuxième Guerre mondiale. Je me souviens que j'ai demandé à mes parents comment une chose pareille avait bien pu se produire au Canada, comment on avait pu infliger un tel affront aux droits et libertés d'un groupe de Canadiens au moment même où le Canada s'était engagé dans une guerre visant à défendre nos idéaux de liberté et de démocratie.

Je me souviens très bien que mes parents m'ont expliqué que c'était parce qu'il y avait eu l'attaque japonaise sur Pearl Harbor et qu'on avait déclaré la guerre au Japon, que les Canadiens avaient peur et qu'ils étaient prêts à croire ce que leur disait le gouvernement fédéral quand il soutenait qu'il était indispensable de prendre des mesures extraordinaires contre les Canadiens d'origine japonaise.

Je me souviens aussi, comme nous tous, des événements d'octobre 1970 à l'occasion desquels le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures de guerre. Comment de tels événements, et les centaines d'arrestations qui les ont suivis, ont-ils pu se produire au Canada à une époque de reconnaissance des droits civiques et de la liberté de parole, à l'époque de l'émergence de la société juste? C'est arrivé parce qu'après les mois d'attentats et d'enlèvements du FLQ et l'assassinat de Pierre Laporte, les Canadiens ont eu peur et ont été prêts à croire le gouvernement fédéral quand il leur a dit qu'il fallait absolument prendre des mesures extraordinaires.

Depuis le 11 septembre, nous avons de nouveau peur, et à cause de cette peur les Canadiens envisagent maintenant d'adopter une loi qui supprimera certaines protections juridiques fondamentales, une loi qui aura des conséquences dramatiques pour la société civile canadienne, une loi qui, j'en suis absolument convaincu, donnera lieu à des dérapages en dépit des meilleures intentions de la procureure générale et des autres représentants du gouvernement.

Si nous n'avons rien appris de notre histoire, nous aurions dû au moins en retenir que la peur engendre des réactions excessives. Nous aurions dû apprendre que si ces réactions excessives se traduisent par la mise en place de pouvoirs de l'État qui peuvent être utilisés à mauvais escient, alors ces pouvoirs seront utilisés à mauvais escient. Nous aurions dû apprendre que les règles juridiques qui ont été élaborées progressivement ne sont pas des luxes dont on peut se départir à la moindre alerte. En fait, j'irais même jusqu'à dire que jamais nos règles juridiques et nos libertés ne sont plus importantes que lorsque nous avons peur.

J'aimerais souligner dès le départ, afin que les choses soient parfaitement claires, que je partage le point de vue de la majorité des Canadiens, à savoir que la tragédie du 11 septembre et ses conséquences ont mis en évidence la nécessité pour notre gouvernement, nos forces de police et nos forces de sécurité, de lutter efficacement contre le terrorisme et les terroristes au Canada. C'est absolument certain. Je suis aussi d'accord pour reconnaître que nous avons déjà de nombreuses lois qui peuvent et doivent être utilisées pour ce combat. Toutefois, si l'on peut démontrer que ces lois existantes sont insuffisantes et si de nouvelles lois peuvent être axées spécifiquement sur les lacunes démontrées, alors de telles lois peuvent et doivent être adoptées.

Néanmoins, comme d'autres témoins qui ont comparu devant vous, je crois que certaines dispositions de ce projet de loi vont tout simplement trop loin. D'autres vous ont déjà parlé de leurs craintes concernant les arrestations préventives, les dispositions visant à obliger des personnes à témoigner lors d'audiences d'enquête, et les dispositions qui limitent la vie privée et l'accès à l'information. Tout en partageant ces inquiétudes, j'aimerais me concentrer sur d'autres dispositions plus fondamentales du projet de loi.

• 1650

Comme le comité le comprend, et comme vous l'ont dit d'autres témoins, on ne peut pas comprendre les répercussions des dispositions de ce projet de loi si l'on ne commence pas par comprendre la signification des termes essentiels utilisés dans ce texte de loi. Les termes sur lesquels j'aimerais attirer tout particulièrement l'attention du comité, comme d'autres témoins, sont les termes «activité terroriste» et «groupe terroriste».

Il est clair que l'élément le plus important si l'on veut comprendre la portée de ce projet de loi est la définition d'«activité terroriste». Il est aussi parfaitement clair que le texte de la définition que vous avez examinée et dont vous ont parlé de nombreux témoins a, comme une bonne partie du projet de loi, un caractère éminemment légaliste et est assez alambiqué. Il est donc difficile de résumer cette notion, de la comprendre et d'en discuter. De nombreux intervenants qui en ont parlé ne comprennent pas exactement comment fonctionne cette définition. Or, tant qu'on n'aura pas une compréhension claire de cette définition, je soutiens qu'on ne pourra pas comprendre le reste du projet de loi.

Dans la première partie de la définition, on désigne comme activité terroriste un certain nombre d'infractions mettant en oeuvre diverses conventions internationales. Les problèmes que j'ai signalés concernent la deuxième partie de la définition, à l'alinéa 83.01(1)b). Nous avons examiné ce point, et vous en avez déjà entendu parler, je le sais bien. Ce que j'ai essayé de faire dans mon document, c'est de découper cet article en essayant de séparer certains des alinéas des opérateurs, car comme vous le savez, les divers alinéas sont reliés par tout un réseau de «et» et de «ou». J'estime respectueusement que c'est parce qu'on n'a pas compris comme fonctionnaient ces conjonctions dans tout l'article qu'il y a eu confusion et que cet article a été compris dans un sens différent de celui qu'envisageaient la procureure générale et d'autres personnes.

En particulier, et je sais bien que le temps est limité, monsieur le président, j'aimerais inviter les membres du comité à se reporter, sous la définition de «activité terroriste», à la page 13 du projet de loi, du moins dans la version que j'ai, au sous- alinéa proposé 83.01(1)b)(i). Au point 83.01(1)b)(i)(A), comme nous le savons, on parle «d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique», mais au point 83.01(1)b)(i)(B), j'aimerais attirer l'attention du comité sur la conjonction «ou» qui figure à la quatrième ligne de ce point. Dans mon document, j'ai découpé l'article, mais la bonne façon de lire ce point 83.01(1)b)(i)(B), où l'on définit un acte terroriste, est la suivante:

    b) acte - action ou omission, commise au Canada ou à l'étranger,

      (i) d'une part, commis, notamment:

        (B) en vue d'intimider toute ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, [...]

C'est la première partie. Ensuite, on a la conjonction «ou»: «ou de contraindre une personne, un gouvernement», etc., à accomplir un acte ou à s'en abstenir.

Donc, la première notion, la notion d'intimidation, ne se retrouve plus dans cette deuxième partie de l'article, alors que c'était apparemment l'intention d'après ce qu'ont dit les personnes qui ont comparu devant votre comité.

Donc, qu'est-ce que tout cela signifie? D'autres ont déjà parlé du point 38.01(1)b)(ii)(E) qui est maintenant abondamment connu. Je l'ai souligné, et je pourrai y revenir au cours des questions, si vous le souhaitez. Mais si vous lisez l'ensemble de l'article, à mon avis, ce que cela signifie, c'est qu'un acte ou une omission commis en tout ou en partie au nom d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique, commis en tout ou en partie en vue de contraindre une personne à accomplir un acte ou à s'en abstenir, qui vise à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, peut être une activité terroriste—et c'est cela qui est important—même si cet acte ne vise pas à entraîner la mort, à causer des blessures graves, à menacer la vie d'une personne, ou à compromettre gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population—je parle des points 83.01(1)b)(ii)(A), 83.01(1)b)(ii)(B) et 83.01(1)b)(ii)(C).

Il est vrai que des termes clés tels que «perturber gravement», «paralyser» ou «service essentiel» ne sont pas définis dans le projet de loi. Il est exact aussi que le point 83.01(1)b)(ii)(E) prévoit une exception pour le cas des «activités licites de revendication, de protestation ou de manifestation d'un désaccord, ou d'un arrêt de travail licite». Mais je soutiens que quelle que soit la façon dont on interprète ces termes, la définition de «activité terroriste» englobera presque certainement, en dépit des intentions des rédacteurs, les grèves illégales lancées par un syndicat, comme d'autres l'ont dit, à l'encontre d'un hôpital ou d'une école, les barrages érigés sur un pont ou sur une route par une Première nation ou une organisation écologiste, ou le franchissement d'une barrière de sécurité par des manifestants antimondialisation. Le simple fait de passer outre à une injonction ou d'occuper une route sans autorisation risque de transformer une grève illégale en activité terroriste.

La procureure générale—et j'ai soigneusement lu le compte rendu de son témoignage à ce comité—a écarté ces suggestions, de même que le commissaire de la GRC. Ce n'est pas leur intention. Ils disent que, d'après la définition, il doit y avoir un élément de terreur dans les activités et que le projet de loi ne sera pas utilisé pour étouffer une contestation politique.

• 1655

Malheureusement, le texte même du projet de loi ne confirme absolument pas leurs affirmations. La notion de terreur n'est pas clairement formulée et la notion d'intimidation du public, comme je viens de l'expliquer, ne s'applique pas à la dernière partie de l'alinéa 83.01.(1)a), l'idée de contraindre une personne à accomplir un acte ou à s'en abstenir.

Or, il ne serait pas difficile de formuler des amendements qui permettraient d'accorder la définition d'«activité terroriste» avec les déclarations de la procureure générale, de ses hauts fonctionnaires et du commissaire de la GRC à propos des intentions de ce projet de loi. Et je serai très heureux si un député me pose cette question. Je lui donnerai la réponse à ce moment-là.

D'une manière générale, j'appuie la position de l'Association du Barreau canadien qui estime que la meilleure solution, pour le point 83.01.(1)b)(ii)(E) est de le supprimer purement et simplement. Je pourrai revenir plus tard sur ce point aussi.

Monsieur le président, l'autre expression sur laquelle on s'est moins attardé que sur la notion d'«activité terroriste», c'est l'expression «groupe terroriste». Comme vous le constatez, le «groupe terroriste» se définit comme suit:

    a) entité dont l'un des objets ou l'une des activités est de se livrer à des activités terroristes ou de les faciliter;

    b) entité inscrite.

Et c'est de cette deuxième partie que j'aimerais vous parler. La première partie comporte tous les problèmes liés à la notion d'«activité terroriste» dont je vous ai déjà parlé.

Ce qui est plus inquiétant, c'est l'idée qu'une entité inscrite est tout simplement une entité figurant sur la liste terroriste établie en vertu de l'article 83.05 et des suivants. En vertu de ces articles, une entité, qui peut être une personne ou une organisation quelconque, sera inscrite sur la liste des terroristes si le gouverneur en conseil est convaincu, sur recommandation du solliciteur général, qu'il existe des motifs raisonnables de croire:

    qu'elle s'est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée.

On n'a pas besoin d'inculpation ni de procès. On inscrit tout simplement l'individu ou le groupe sur la liste en vertu du règlement.

En plus, on n'est pas obligé de prévenir la personne avant de l'inscrire sur la liste. La seule façon de se faire retirer de cette liste, c'est de présenter une demande à la Section de première instance de la Cour fédérale. Après avoir examiné les rapports fournis par le solliciteur général, y compris des rapports secrets qui ne sont pas nécessairement communiqués à l'individu ou au groupe en question, la Cour doit simplement donner au demandeur un résumé de l'information dont dispose le juge, et non la totalité de cette information. La personne n'aura pas nécessairement le droit de voir ou de contre-interroger les témoins. On lui donne la possibilité d'être entendue sans nécessairement savoir à propos de quoi.

C'est cela le point crucial, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Après avoir entendu la personne répondre au résumé qui lui a été communiqué, le juge doit déterminer non pas si cette personne a eu une activité terroriste, mais simplement si la décision du gouverneur en conseil est ou non raisonnable. Il n'est pas juste de qualifier cette procédure d'appel, comme le voudraient certains; il s'agit en fait d'un simple examen très étroit non pas de la culpabilité de l'individu, mais simplement de la pertinence de la décision du gouverneur en conseil. On ne saurait suffisamment insister sur ce point.

Pour inclure quelqu'un sur la liste des terroristes, on n'a pas besoin d'avoir une preuve au-delà de tout doute raisonnable. On n'a même pas besoin de preuves sur la prépondérance des probabilités. Il suffit que quelqu'un juge qu'il y a des motifs raisonnables, motifs qu'on n'est même pas obligé de communiquer à la malheureuse personne qui se retrouve inscrite sur la liste des terroristes.

Tous ceux d'entre nous qui sont des conseillers juridiques, et bien d'autres aussi, comprennent bien la portée d'une telle disposition. Un juge peut même conclure, sur la prépondérance des probabilités, que la personne n'a probablement pas commis l'activité en question, mais être néanmoins obligé de conclure que la décision du gouverneur en conseil était malgré tout raisonnable. Dans ce cas, l'individu demeurera inscrit sur la liste et continuera d'être considéré comme appartenant à un groupe terroriste.

Le critère des motifs raisonnables est bien connu en droit. Nous le connaissons bien. On l'utilise souvent, par exemple, pour autoriser une inculpation après émission d'un mandat de perquisition. C'est le début de la procédure. Toutefois, les motifs raisonnables suffisent rarement à fonder une décision finale. En revanche, le fait de se retrouver inscrit sur la liste des terroristes a des conséquences profondes et définitives, sous réserve de l'examen que j'ai mentionné.

Par exemple, à l'article 83.08, intitulé «Blocage des biens», il sera interdit à toute personne d'effectuer sciemment, directement ou non, une opération portant sur des biens qui appartiennent à un groupe terroriste, ou qui sont à sa disposition, directement ou non. Il sera interdit de conclure sciemment, directement ou non, une opération relativement à des biens visés à l'alinéa précédent ou d'en faciliter sciemment la conclusion. L'individu ou le groupe inscrit sur la liste sera paralysé sur le plan économique.

Toutes les autres conséquences du projet de loi découlent du fait que la personne est ou non inscrite sur la liste. Là encore, j'ai des modifications à proposer pour cette disposition. Je suis entièrement d'accord avec toutes les personnes qui disent qu'il faudrait prévoir une disposition de temporarisation pour la totalité ou au moins une partie de ce projet de loi. D'autres en ont déjà parlé, et je pourrais répondre aux questions à ce sujet si vous voulez m'en poser.

• 1700

Je conclurai en disant simplement que, dans le souci de lutter légitimement contre les maux du terrorisme, le gouvernement a, à mon avis, présenté un projet de loi qui, en dépit des meilleures intentions des rédacteurs, risque d'entraîner la prise de mesures draconiennes à l'encontre des dissidents politiques du Canada. À tout le moins, il exposera les Canadiens à des conséquences dramatiques, en l'absence de toute norme de procédure élémentaire.

J'exhorte votre comité à recommander qu'on modifie ce projet de loi. Comme d'autres, j'ai proposé des amendements, non pas pour détourner le projet de loi de ses objectifs légitimes, mais simplement pour protéger nos valeurs fondamentales.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Aldridge.

Monsieur Fitzpatrick.

M. Brian Fitzpatrick: Merci beaucoup, monsieur Aldridge, de participer à notre réunion.

Pour m'aider un peu, pourriez-vous me parler un peu de votre bagage? Vous êtes avocat, ou quelle est votre spécialité?

M. James Aldridge: J'ai une formation de juriste. Je pensais le signaler à M. DeVillers qui, je crois, vient d'Orillia. En fait, je viens de Collingwood, c'est-à-dire que je suis du comté de Simcoe à l'origine.

Je vis en Colombie-Britannique depuis 25 ans. J'ai une maîtrise de droit de l'Université de la Colombie-Britannique. Je pratique dans le privé. Je m'occupe de droit constitutionnel et administratif. J'ai comparu devant divers comités à titre de défenseur de la nation Nisga'a et de son traité. J'ai aussi comparu sur des questions générales de droit constitutionnel.

J'espère que ces informations vous sont utiles.

M. Brian Fitzpatrick: Oui, en effet.

Certains membres du comité ont été dérangés par les autres éléments de la définition, notamment la motivation politique, religieuse et idéologique d'un terroriste. Nous avons essayé d'avoir une explication satisfaisante de la nécessité d'apporter cette décision dans la définition. Ce qui s'en rapproche le plus, c'est la réponse de la procureure générale qui nous a expliqué qu'il s'agissait de protéger les personnes susceptibles de participer à des grèves illégales ou à des barrages routiers, etc.

Nous avons accueilli ici tout à l'heure un grand chef. J'imagine que ce grand chef doit avoir un programme politique.

L'argumentation de la procureure générale était que cela permettrait de lever tout doute sur ce genre d'actions. Je n'en suis pas vraiment certain, et d'ailleurs il y a la difficulté de prouver ce qui motive véritablement les personnes.

Si vous avez des terroristes sous la main et qu'il y a eu un attentat meurtrier, mais que ces terroristes ne veulent pas parler, qu'ils ne veulent pas vous dire pourquoi ils ont fait cela, j'imagine que vous vous en tenez à de pures conjectures. On peut se fonder sur des soupçons pour essayer d'expliquer l'attentat, mais si ces personnes ne veulent pas parler ou donner d'indices, on n'a pas de boule de cristal pour pénétrer au coeur de leur cerveau et avoir une certitude. Or, au tribunal, il faut prouver les faits au- delà de tout doute raisonnable...à moins que les choses aient changé avec ce projet de loi, ce qui ne me semble pas être le cas.

Quand je regarde cette définition, je me dis que si nous mettons la main sur un vrai terroriste dans ce pays, il faudra probablement l'inculper en vertu d'autres dispositions du Code criminel, pour meurtre, par exemple, car la définition que nous avons ici me semble éminemment floue. Elle est très vague et manque de clarté. Je n'aimerais pas être à la place du procureur qui aurait la tâche d'essayer de prouver toutes ces accusations au-delà de tout doute raisonnable.

Il y a deux choses ici: le caractère très vague de tout cet article, et l'absence de clarté et la question de savoir si cette notion de conviction politique, religieuse ou idéologique ne peut pas être considérée comme un moyen de permettre à des personnes de participer à des grèves ou à des protestations illégales sans avoir à craindre d'être catégorisées comme terroristes. Ces personnes font peut-être quelque chose d'illégal, mais à mon avis il ne s'agit pas de destruction massive, d'assassinat ou d'enlèvement commis dans le but d'intimider le public, ce qui dans mon esprit correspond à la notion de terrorisme.

J'aimerais avoir vos commentaires à cet égard.

• 1705

M. James Aldridge: Je vais essayer de répondre à chacun de ces points.

Premièrement, pour ce qui est du texte d'ensemble de la définition, je reconnais qu'il est très difficile de rédiger... Comment dire? Dans mon document, je dis que c'est un texte à caractère profondément légaliste et assez alambiqué. À mon avis, cette observation s'applique à l'ensemble du projet de loi. En fait, et sans aucunement dénigrer les spécialistes qui ont travaillé très fort, on a l'impression par la même que le texte a été rédigé très vite. D'ailleurs, nous savons que c'est le cas.

Pour ce qui est du second point, je ne crois pas que ce point 83.01(1)b)(i)(A) où il est question de motif politique, idéologique ou religieux ait quoi que ce soit à voir avec l'idée d'exclure de la portée de la loi les grèves illégales, barrages et protestations. Par définition, toutes ces activités sont menées, au moins en partie, au nom de buts, d'objectifs ou de causes politiques. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce qu'on entend par objectif ou cause de nature idéologique. En revanche, je crois que je comprends ce qu'on entend par religieux dans ce contexte.

Disons ceci: À propos de cet article, j'ai constaté en passant que l'Association professionnelle à laquelle j'appartiens, l'Association du Barreau canadien, a recommandé sa suppression. J'y ai réfléchi quand je l'ai lu ce matin dans le journal et que j'ai lu le mémoire de cette association. Je me suis dit que c'était un aspect crucial de la définition compte tenu de la valeur qu'exprime l'ensemble du projet de loi. Ce que l'on semble dire, ce que l'on vous invite, vous les parlementaires, à considérer, c'est une action est pire si elle est commise pour ces motifs que si elle est commise dans un pur souci d'avarice, de vengeance, de colère, d'appât de l'argent ou autre. Autrement dit, le même acte, s'il est commis pour de bons vieux motifs traditionnels, ne déclenche pas l'intervention de ces mécanismes et de tous ces châtiments sévères.

Cela semble être la valeur fondamentale ou l'une des valeurs fondamentales exprimées dans tout ce projet de loi. Que ce soit une bonne idée ou non, je n'ai rien d'autre à ajouter. C'est la valeur sur laquelle vous devrez vous pencher lorsque vous allez discuter de ce projet de loi. Le même acte est pire s'il est commis pour ces motifs que s'il est commis pour de bons vieux motifs traditionnels.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy, vous avez sept minutes.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Monsieur Aldridge, c'est toujours un plaisir de vous revoir au comité.

Je pense qu'on a déjà soulevé de nombreux problèmes et exprimé de nombreuses inquiétudes. En tant que profane exprimant le point de vue de profanes de partout au Canada, sur le plan juridique... Vous nous avez dit que ce projet de loi inquiétait le Commissaire à l'information et le Commissaire à la protection de la vie privée ainsi que le secteur juridique. Il a effectivement été rédigé à la hâte pour répondre à une série d'exigences qui se sont imposées brutalement à nous. Je crois qu'aucun député ou sénateur ne se sent vraiment à l'aise avec ce projet de loi. Il va falloir y apporter un certain nombre de modifications.

Mais j'aimerais m'écarter un moment de la définition. Et je dois dire que la Coalition PC/RD a de sérieuses objections à cette définition. Nous ne sommes pas d'accord avec elle. Nous pensons qu'elle est trop vaste et qu'on ratisse beaucoup trop large.

L'autre question, sur laquelle vous ne vous êtes peut-être pas tellement concentré, mais qui m'intéresse, est la suivante. Que va- t-il advenir de tout le principe de l'ouverture et de la transparence du gouvernement et du droit des Canadiens, y compris les sénateurs et députés d'ailleurs, à l'information, puisqu'on va autoriser le gouvernement—et les ministres en particulier—à ne pas divulguer ces informations aux membres du Parlement? Je crois que c'est une question grave. Il s'agit d'un projet de loi pour lequel on n'a pas encore prévu pour l'instant de clause d'extinction. Il est question d'en prévoir une qui interviendrait au bout de trois ans.

Il y a les militants sociaux, les défenseurs des libertés civiles et l'Association du Barreau canadien; il y a des chroniqueurs qui disent: «Écoutez, nous avons déjà le Code criminel. On retrouve dans ce projet de loi un certain nombre de choses qui sont déjà couvertes par le Code criminel et qui ne sont pas des activités terroristes». Des chroniqueurs comme Barbara Amiel, qu'on ne peut manifestement pas accuser d'être de gauche, sont venus demander pourquoi on faisait une chose pareille. Pourquoi met-on en place des mesures aussi draconiennes?

• 1710

Ce qui m'intéresse dans les délibérations du comité aujourd'hui, c'est toute la question de la responsabilité et de la transparence. Je ne prétends pas être un expert sur ce projet de loi. Je pense d'ailleurs qu'à ce stade préliminaire, il n'y a pas encore beaucoup d'experts. Mais que pensez-vous des articles où l'on parle de la transparence et de l'ouverture et où l'on délimite les possibilités d'accès à l'information des membres du Parlement?

M. James Aldridge: Je vous remercie de ces questions, monsieur Keddy.

En me préparant pour cette comparution, j'ai eu la chance de pouvoir lire plusieurs des procès-verbaux des délibérations du comité jusqu'à présent. J'ai notamment lu le témoignage de M. Radwanski et de M. Reid à propos des questions que vient de poser M. Keddy. Ces personnes sont manifestement beaucoup plus expertes en la matière que moi, et mes opinions sur ces sujets sont fort influencées par la lecture des témoignages de ces deux personnes.

Le point sur lequel je me suis concentré, et qui rejoint votre question, monsieur Keddy, c'est le rôle du solliciteur général et du gouverneur en conseil lorsqu'ils déterminent s'il y a ou non des motifs raisonnables d'inscrire quelqu'un sur la liste des terroristes. Les fondements sur lesquels s'appuie cette décision et la responsabilité à son égard sont extrêmement limités. Encore une fois, on commence par inscrire quelqu'un sur la liste. Il n'est pas question de préavis ou d'audience ou de droit à être entendu avant d'être inscrit sur la liste. Le solliciteur général se fondera sur les informations qui lui seront transmises par ses fonctionnaires, sans doute, et les informations provenant de sources étrangères. Il ou elle déterminera non pas si la personne a commis effectivement un acte terroriste, mais simplement s'il y a des motifs raisonnables de le croire. Ensuite, un juge décidera si ces motifs sont raisonnables.

On ne rendra pas d'autres comptes que cela, excepté qu'au bout de deux ans, le solliciteur général devra revoir la liste pour déterminer s'il faut ou non maintenir la personne sur cette liste. Le gouverneur en conseil et le solliciteur général vont donc avoir un rôle quasi judiciaire—je ne suis pas certain qu'ils aient cette fonction sur le plan technique, et il faudra peut-être une proclamation des tribunaux—puisqu'ils prendront une décision qui influera sur les droits des particuliers. Normalement, il s'agit là de décision judiciaire ou quasi judiciaire, dans la mesure où elle touche les droits des particuliers.

La procureure générale a dit, quand elle est venue ici, qu'il n'y avait pas de constat de culpabilité parce qu'on ne poursuit pas une personne simplement parce qu'elle est inscrite sur la liste des terroristes. Si on poursuivait un individu pour avoir commis un acte terroriste, évidemment dans ce cas-là il y aurait les garanties normales—il faudrait présenter une preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Mais j'ai aussi essayé de montrer qu'il y avait des retombées économiques—indépendamment du fait que des accusations soient portées ou non—qui sont vraiment sidérantes, puisque la personne se trouve économiquement paralysée. S'il s'agit d'un groupe terroriste—et c'est en partie le problème de ce projet de loi et c'est pour cela que la définition d'activité terroriste est si importante... Je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur ce que je dis. S'il s'agit d'un groupe terroriste comme celui qui a organisé les attentats du 11 septembre ou d'autres actions du même genre, alors oui, qu'on aille au coeur de ce terrorisme et qu'on gèle les actifs de ce groupe. Je n'ai aucune objection à cela. Mais qu'on fasse la preuve de la responsabilité de ce groupe. Avant d'imposer ce genre de conséquences à des Canadiens, je pense qu'il faudrait au moins montrer au-delà de tout doute raisonnable qu'ils ont commis l'activité en question.

Le président: Merci beaucoup.

Merci, monsieur Keddy.

Nous allons maintenant passer au député de Simcoe County. Je dois dire qu'en tant que personne venant des Maritimes, j'aime bien l'idée de devoir évoquer ces liens. Je croyais que nous étions les seuls à devoir le faire.

M. Paul DeVillers: Non seulement j'ai le privilège de représenter Orillia, dans le comté de Simcoe, mais je viens de la ville de Penetanguishene, juste de l'autre côté de la baie de Nottawasaga, en face de Collingwood, donc le lien est encore plus étroit.

J'ai dû sortir un moment, et si personne ne vous a posé la question que vous nous invitiez à vous poser, je le ferais volontiers, mais j'ai oublié ce que c'était.

M. James Aldridge: La proposition que je souhaite soumettre au comité à propos de la définition d'activité terroriste comporte deux volets. Il s'agit tout d'abord de prendre la procureure générale au mot—comme nous devons et nous le faisons tous, j'en suis sûr—lorsqu'elle affirme au comité que la définition vise des actes motivés par la terreur, et que cette notion de terreur est sous-jacente dans toute la définition. C'est sur la base de cet argument qu'elle-même et le commissaire de la GRC—car j'ai lu son témoignage aussi—ont écarté l'idée que des grèves ou des contestations illégales, etc., pourraient être englobées par cette définition, car il n'y a pas de notion de terreur dans ce cas-là.

• 1715

Ce que j'ai souligné à propos du point 83.01(1)b)(i)(B) de la définition, c'est qu'il y a la conjonction «ou» entre la notion d'intimider et la notion de contraindre une personne. Par conséquent, pour que cet élément de la définition corresponde à l'intention exprimée par la procureure générale, je vous suggère d'envisager d'insérer dans ce point 83.01(1)b)(i)(B) deux petites formules.

À la première ligne, à la place de «en vue d'intimider tout ou partie», il faudrait écrire «pour provoquer une peur extrême et ainsi intimider», et la phrase continuerait. J'ai vérifié le mot «terreur» dans le dictionnaire Oxford. Le dictionnaire Oxford parle de «peur extrême». Par conséquent, dans le cas où l'on se demanderait si le mot «intimider» est suffisant, il suffirait de parler de «peur extrême». Si l'on écrit «en vue de provoquer une peur extrême et par conséquent d'intimider le public», on inclut la notion de terreur.

Ensuite, pour s'assurer que cette notion continue après la conjonction «ou» et qu'elle s'applique aussi à la notion de contraindre, il faudrait insérer les mots suivants immédiatement après «ou»: «de contraindre au moyen de cette peur extrême et de cette intimidation», etc.

Ce n'était pas suffisant. Ma première tentative—je n'ai pas peur de le dire—visait à remplacer simplement «ou» par «et». Ç'aurait été la solution la plus simple. Le problème, c'est que dans ce cas-là il aurait été nécessaire d'avoir une contrainte dans tous les cas. Disons, sans vouloir banaliser la notion de terreur, qu'une simple terreur indistincte ne serait pas visée par cette disposition. Il faudrait nécessairement qu'il y ait la volonté de contraindre quelqu'un. La définition n'engloberait pas l'attentat commis—Dieu sait comment fonctionne l'esprit de ces gens-là—de façon parfaitement gratuite. Donc, si l'on ne veut pas changer le sens de l'article—et pour englober la notion de terreur indistincte—il faut en revenir à la notion de peur et à la notion d'intimidation.

Tel est donc le premier amendement que je vous recommanderais d'adopter: insérer les mots «causer une peur extrême et ainsi» avant le mot «intimider». Et ajouter les mots «au moyen de cette peur extrême et de cette intimidation» avant «contraindre».

Quant au point 83.01(1)b)(i)(B), la meilleure solution, c'est de le supprimer purement et simplement.

J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi, dans un projet de loi qui vise manifestement des activités entraînant la mort, des blessures graves, la mise en danger de la vie de personnes ou de graves risques pour la santé ou la sécurité de la population—les points 83.01(1)b)(ii)(A), (B) et (C), on prend la peine d'avoir les points (D) et (E). À quoi peut donc bien servir tout ce débat? Enfin, je peux comprendre plus ou moins le point (D) «causer des dommages matériels considérables», et encore simplement si cette action risque d'avoir pour conséquence (A), (B) ou (C). C'est ce que dit le point (D). Dans ces conditions, je pense qu'on peut se demander s'il est vraiment nécessaire d'avoir ce point (D). Si de toute façon il doit entraîner (A), (B) et (C), il est là de toute façon.

Quand on en arrive finalement au point 83.01(1)b)(ii)(E), où il est question de «perturber» les services ou systèmes essentiels sans que cela entraîne (A), (B) et (C), on se demande ce que vient faire cette disposition ici. Les plus simple est de la supprimer, c'est la meilleure solution.

Toutefois, il arrive parfois qu'on s'attache à certaines choses pour des raisons difficiles à comprendre. Si l'on veut vraiment conserver cette idée de «perturber gravement des services essentiels»—encore une fois, ceci serait vraiment au bas de la liste des options souhaitables—à ce moment-là, je suggère qu'on conserve le point(E) mais qu'on arrête la phrase après l'adjectif «privés». On aurait donc: «à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés». On supprimerait le reste de la phrase et on le remplacerait par la fin du texte du point (D): «dans des circonstances telles qu'il est probable que l'une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera». C'est exactement la même technique de rédaction que celle qui avait été utilisée pour le point (D).

De cette façon, si par exemple quelqu'un essayait d'empoisonner une source d'approvisionnement en eau ou d'interrompre un service en provoquant de graves dégâts humains, on conserverait la notion de base car l'activité serait couverte par l'intention du projet de loi, comme la procureure générale a dit qu'elle le souhaitait.

Le premier choix est donc de supprimer complètement le point (E). Le deuxième choix, c'est de le relier à (A), (B) et (C). Si vous le faites, vous n'aurez pas besoin de prévoir d'exceptions pour les manifestations, les grèves et les autres activités—car à ce moment-là, vous allez être obligé de prévoir des exceptions aux exceptions, sauf dans les cas où l'action entraînerait (A), (B) et (C).

• 1720

Même si personne ne me l'a demandé, permettez-moi de continuer sur ma lancée. Vous avez le même problème si vous retirez l'adjectif «licite». Je respecte le fait que le Sénat ait présenté cette recommandation—la procureure générale s'est laissée aller à quelques réflexions publiques à ce sujet.

Ensuite, il y a cette rédaction assez spéciale du texte qui dit que les dommages matériels doivent probablement entraîner l'une des situations mentionnées aux points (A) à (C), alors qu'après «perturber gravement des services essentiels» au point (E), on a: «sauf dans le cadre» d'activité, de grèves, de protestation: «sauf»—vous avez donc une exception à l'exception.

Nous savons tous que les juges vont chercher une différence de sens s'il y a une différence de structure. Pourquoi n'a-t-on pas la même chose au point (E) qu'au point (D)? La suppression de l'adjectif «licite» serait probablement la moins bonne des trois solutions; la meilleure serait de s'en débarrasser; la deuxième, de prendre le texte que j'ai suggéré; et la troisième de supprimer «licite».

Le président: Merci.

Je dois dire que c'est probablement la meilleure question que vous ayez jamais posée, monsieur DeVillers.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul DeVillers: Il ne me restait plus de temps pour la meilleure après celle-ci, et c'est pour cela que j'ai voulu y revenir.

Le président: Vous avez une minute.

M. Paul DeVillers: Oh, il me reste une minute? Bon, ma meilleure question après celle-là... Non, je m'en souviens.

Ce qui vous préoccupait au sujet de l'inscription sur la liste, c'était le seuil ou la norme de motif raisonnable. Mais cette procédure est sujette à un examen judiciaire, encore une fois, comme... Il faut que le juge...

M. James Aldridge: C'est le caractère raisonnable.

M. Paul DeVillers: Le caractère raisonnable. Le fait qu'il y ait cet examen judiciaire n'apaise-t-il pas votre crainte que la norme ne soit pas suffisante pour ce qui est des motifs raisonnables?

M. James Aldridge: Pas du tout, à cause des conséquences que cela entraîne. Quand j'essaie de déterminer quel doit être le bon fardeau de la preuve dans un contexte juridique, j'essaie de voir les conséquences de la décision. Plus les conséquences sont graves, en règle générale, plus le fardeau de la preuve doit être élevé.

Je me suis dit que je pourrais soutenir—et je pense que ce serait une bonne argumentation—que compte tenu des conséquences qu'entraîne le fait d'être inscrit sur la liste des terroristes, conséquences très graves puisqu'il s'agit de paralysie économique et de la saisie éventuelle des biens, et aussi de la criminalisation de toutes les autres personnes qui ont des rapports avec vous si vous êtes inscrit sur la liste, le critère à appliquer devrait peut-être être celui du «doute raisonnable», comme dans les affaires criminelles. Mais en l'occurrence, et compte tenu de l'urgence de la situation, surtout s'il y a une clause d'extinction, c'est peut-être aller trop loin.

Ce que je suggère dans ce contexte, c'est que le critère que le juge appliquera soit d'être convaincu—le fardeau étant à la charge de la Couronne—selon la prépondérance des probabilités, que la personne décrite au paragraphe... L'amendement se trouverait à—oh, on se croirait dans les chiffres de la Loi de l'impôt sur le revenu—le paragraphe 83.05(6), alinéa d). Il faudrait que le juge détermine si la personne correspond à la description du paragraphe 83.05(1) selon la prépondérance des probabilités; il faudrait ensuite apporter les modifications consécutives aux autres articles.

Le président: Merci beaucoup.

M. Cadman a la parole pour trois minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Puisque c'est dans l'air du temps, il faut que j'établisse le lien avec la Colombie-Britannique aussi, puisque je viens de cette province et j'ai un lien avec l'UBC. Bien que je n'y ai pas suivi de cours, j'ai travaillé sur l'accélérateur TRIUMF pendant quatre ans et demi à la centrale nucléaire. C'est donc là mon lien.

M. James Aldridge: Et vous vivez à quelques pâtés de maisons de moi, monsieur.

M. Chuck Cadman: Bon, c'est bon à savoir.

Pour en revenir à la disposition de temporarisation, les responsables de la police sont venus nous parler ce matin de leurs inquiétudes à ce sujet. Je pense que la plupart des gens sont d'accord pour qu'il y ait une forme de réexamen quelconque à une certaine échéance.

Toutefois, ce qu'ils m'ont dit en privé, c'est que ces enquêtes duraient souvent très longtemps, qu'elles pouvaient s'étaler sur des années quand elles portaient sur les personnes que nous essayons de cibler ici. Ils craignaient que, si l'on insérait une clause d'extinction dans le projet de loi et que tout le projet de loi prenait fin brutalement alors qu'ils seraient au milieu d'une enquête, ils perdraient du jour au lendemain tous leurs pouvoirs d'enquête.

Pouvez-vous nous suggérer une formule quelconque, que ce soit un crépuscule ou un lever de soleil—on a entendu toutes sortes de formules pour désigner cette disposition—pour calmer les inquiétudes des policiers qui craignent que du jour au lendemain, on les paralyse complètement alors qu'ils sont au milieu d'une enquête?

M. James Aldridge: Je pense que c'est une bonne question et que c'est un problème qui a été soulevé aussi bien par le premier ministre que par le procureur général avec les journalistes et à la Chambre.

Franchement, j'ai du mal à comprendre la logique de ce raisonnement. Premièrement—enfin, je ne devrais peut-être pas dire premièrement, c'est peut-être une simple parenthèse—cela voudrait dire que la conclusion de l'examen est connue d'avance. Si on ne peut pas arrêter ce projet de loi maintenant par anticipation, en y insérant une clause de temporarisation, on laisse entendre ici que la révision ne changera rien de toute façon, parce que les policiers seront au milieu d'une enquête.

Toutefois, qu'il y ait des recommandations formulées par un comité comme celui-ci—peut-être celui-ci, je ne sais pas—dans le cadre de la procédure de révision envisagée, ou que cela se fasse un an avant la date d'extinction, quelle qu'elle soit, l'une des questions que devront se poser les députés sera de savoir ce qu'il en est de ces enquêtes en cours.

• 1725

Vous pourriez envisager toutes sortes de choses. La plus évidente, c'est une simple question de rédaction: qu'on trouve une formule quelconque de maintien de l'acquis pour les enquêtes en cours. Il y a une myriade de détails dans le projet de loi et dans la loi. Qu'on trouve le bon endroit et qu'on précise que les enquêtes en cours à ce stade seront poursuivies jusqu'à leur terme. On pourrait le faire. C'est juste une question de rédaction.

Ou encore, dans le contexte du débat qui se déroulerait à ce moment-là, selon ce qui se serait passé au cours des deux années précédentes—j'imagine une extinction au bout de trois ans, avec un débat qui commencerait un an avant—vous pourriez voir ce qu'il en est. Vous pourriez voir combien de ces dispositions sont vraiment indispensables pour la poursuite des enquêtes. Vous pourriez consulter la police et les services de sécurité, et leur demander s'ils ont toujours besoin de tout cela, pour compléter les enquêtes en cours.

Mais soyons francs, s'il faut que ce projet de loi perdure jusqu'à ce que le terrorisme ait complètement disparu de la planète, alors ce projet de loi ne disparaîtra jamais. On ne peut pas poser la question: «Quand ce projet de loi au Canada permettra- t-il de faire disparaître complètement le terrorisme dans toute la planète?», car la réponse est: «C'est désormais un élément permanent de notre monde juridique». La question devrait plutôt être posée en ces termes: «À quel moment la situation nouvelle à laquelle nous sommes confrontés en matière de terrorisme sera-t-elle suffisamment maîtrisée pour qu'il ne soit plus nécessaire d'utiliser ces mesures extraordinaires?»

Je suis d'accord avec tous ceux, que ce soit les sénateurs ou l'Association du Barreau, qui ont dit: «Prenons une date», dans trois ans ou dans cinq ans. Disons: «J'estime que trois ans devraient suffire». Si le monde est toujours confronté—Dieu nous en garde—à la même situation qu'aujourd'hui, vous pourrez être amenés à décider de prolonger le projet de loi. Si la situation s'est améliorée, comme nous l'espérons tous, vous pourrez peut-être laisser de côté une bonne partie de ces mesures et revenir à la normale. J'espère sincèrement que ce cadre juridique ne va pas devenir le cadre juridique normal dans lequel nous vivrons ainsi que nos enfants.

Le président: Merci.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Vous avez dit dans vos remarques: «si le terrorisme se poursuit». Les témoins sont à peu près unanimes à déclarer que nous vivons dans un monde nouveau où le terrorisme va se maintenir sous une forme ou sous une autre. Il semble qu'il y ait une escalade de la violence terroriste. Le 11 septembre en a été la manifestation la plus effroyable que nous ayons connue jusqu'à présent. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas maintenir indéfiniment cette loi?

M. James Aldridge: Peut-être. C'est la question que vous vous poserez tous, s'il y a une disposition de temporarisation, dans deux ans, si l'on envisage l'extinction dans trois ans. Vous aurez largement le temps d'y réfléchir dans deux ans. C'est peut-être à cette conclusion que vous parviendrez.

Le Code criminel a-t-il fait disparaître la criminalité au Canada? Bien sûr que non. Personne ne le pensait. On n'adopte pas une loi en se disant qu'elle va éliminer le mal. On adopte une loi dans l'espoir qu'elle l'atténuera, qu'elle permettra de le contrôler, de l'enrayer, qu'elle nous permettra d'exprimer notre répugnance envers de tels actes et de punir leurs auteurs.

Il s'agit ici de mesures extraordinaires qui s'écartent de nos valeurs juridiques fondamentales. Tout le monde le reconnaît, ce sont des mesures extraordinaires en réponse à des circonstances extraordinaires. La question est donc de savoir de quel côté on fait pencher la balance. Faut-il partir du principe qu'on va maintenir la loi, ou partir du principe qu'on ne va pas la maintenir, en sachant bien naturellement qu'on pourra la prolonger si c'est toujours nécessaire?

Je me joins à ceux qui disent que la prudence dans notre contexte démocratique nous dicte de partir du principe qu'on n'aura plus besoin de cette loi et que, si on en a encore besoin, on pourra la réadopter ou l'adapter: on aura tiré des leçons, on entendra des témoignages, on pourra raffiner la loi, on pourra séparer le bon grain de l'ivraie.

M. John Maloney: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Maloney.

Monsieur Sorenson.

M. Kevin Sorenson: Une toute petite question.

Au début, je n'étais pas favorable à la clause de temporarisation. Ensuite, je me suis dit que c'était peut-être une bonne idée. Vous savez, après avoir entendu les représentants de la police aujourd'hui, j'en suis revenu à me poser des questions sur l'utilité d'une clause de temporarisation dans ce projet de loi.

Certains estiment qu'il faudrait prévoir l'extinction du projet de loi tout entier. D'autres pensent qu'il faudrait faire une révision ou imposer une clause de temporarisation seulement pour certaines parties du projet de loi, par exemple les cas d'arrestation préventive ou d'utilisation des certificats ministériels. Si l'on inclut une clause de ce genre, quelles sont à votre avis les dispositions du projet de loi qui devraient être visées par cette mesure de temporarisation?

M. James Aldridge: C'est une excellente question. Vu la façon dont tous les éléments du projet de loi sont imbriqués ensemble, dès l'instant où vous commencez à retirer quelque chose, c'est toute la superstructure qui commence à vaciller, si je peux utiliser cette métaphore. Il y a tellement d'éléments de ce projet de loi qui sont essentiels pour d'autres éléments que si l'on commence à y toucher, on provoque toutes sortes de problèmes.

• 1730

Voici ce que je recommanderais. Je crois—et je ne suis pas le seul à le dire—qu'il faudrait limiter tout le projet de loi. C'est possible, car le Parlement conserve un certain nombre d'instruments. Au bout de deux ans, vous pourrez très bien dire: «Attendez une minute, il y a des choses qu'il faut conserver». Vous pourriez remanier les parties que vous jugeriez nécessaires sans détruire la structure. Vous comprenez ce que je veux dire? Vous pourriez très bien faire cela, au lieu de sélectionner dès maintenant et d'entourer de rouge certaines parties.

Il y a deux exceptions possibles à cela. Premièrement... Je n'ai pas les compétences voulues pour me prononcer dans le débat sur l'argument selon lequel il ne faudrait pas retirer les dispositions concernant nos obligations internationales. J'ai lu les commentaires de certaines personnes, notamment, je crois, ceux de la procureure générale, qui disent que ce serait parfaitement malencontreux; qu'on ne peut pas limiter le projet de loi, qu'on ne peut pas dire aux autres pays avec lesquels nous avons conclu des ententes que l'entente n'est valable que pour deux ans et qu'ensuite on verra. J'ai entendu dire cela. J'ai aussi lu l'argumentation de personnes expertes en la matière—ce qui n'est pas mon cas—d'après lesquelles c'est au Parlement de décider de temps à autre de la façon dont nous nous acquittons de nos obligations. Nous avons une obligation qui se poursuivra. Nous nous en acquittons d'une manière particulière actuellement, mais nous pourrions très bien nous en acquitter d'une autre façon plus tard, mais ne vous inquiétez pas, nous la respecterons. Je trouve que ces deux argumentations sont l'une et l'autre très convaincantes.

C'est le premier domaine dans lequel je ne suis pas sûr de savoir s'il faut ou non prévoir une disposition de temporarisation, ce domaine des obligations internationales. Le deuxième, ce sont les dispositions concernant les crimes haineux. Les dispositions criminalisant le crime haineux me semblent être des aspects relevant de notre Code criminel qui n'ont pas particulièrement de lien avec la crise actuelle. En fait, je dirais respectueusement que ces dispositions n'ont pas leur place dans ce projet de loi. Ce sont de bonnes idées que j'approuve, mais je ne comprends pas très bien pourquoi on les formule dans un projet de loi antiterroriste, sauf si c'est pour atténuer plus ou moins le choc d'ensemble. C'est peut-être pour des raisons politiques, pour atténuer le choc d'ensemble de cette loi en y incluant des éléments salutaires. Je ne cherche nullement à faire du cynisme. C'est quelque chose qu'on peut envisager, mais il ne serait probablement pas judicieux là non plus de prévoir une clause d'extinction.

En dehors de cela, le conseil législatif ne devrait pas rédiger un projet de loi à la hâte en six semaines, en avalant des plats-minute tard dans la nuit, comme on l'a dit dans le Globe and Mail, pour répondre à une urgence. Qu'on lui donne plutôt un an. Qu'on lui laisse vraiment le temps de réfléchir à l'organisation de toute cette structure pour qu'il puisse vraiment conserver les éléments essentiels.

Le président: Merci.

Je voudrais vous remercier, monsieur Aldridge, de votre comparution.

Je suis tout à fait prêt à revenir à la question avec laquelle M. DeVillers a entamé son intervention si vous avez quelque chose d'autre à y répondre.

M. James Aldridge: Je vous en suis reconnaissant, monsieur le président. Je vous en remercie, et j'aimerais conclure sur ces mots. C'est dans la conclusion de mon document, mais j'aimerais le dire de vive voix.

Depuis un an environ, on voit apparaître une espèce de schéma dans la façon dont notre pays réagit aux maux auxquels il est confronté. Pour lutter contre le mal, par exemple le blanchiment d'argent, le Parlement a adopté une loi qui a été contestée par les ordres des avocats, parce qu'elle allait trop loin et qu'elle empiétait sur le privilège avocat-client. Je crois savoir que les tribunaux vont être saisis de cette question de la portée excessive du projet de loi sur le blanchiment d'argent: l'opposition entre un mal reconnu et une réaction excessive.

Au printemps dernier, la Chambre a adopté le projet de loi C-24 sur le crime organisé, dont le Sénat est maintenant saisi. On y reconnaissait le mal que constitue le crime organisé et la nécessité d'adopter des lois pour lutter contre le crime organisé, mais on a inclus dans cette loi des dispositions permettant à certains policiers de commettre des actes ou des omissions qui dans d'autres circonstances représenteraient des crimes. À mon avis, comme de l'avis de bien d'autres personnes, on exagère le pouvoir nécessaire pour lutter contre le mal. Pour mener la lutte légitime contre les maux du terrorisme, le gouvernement a maintenant présenté un projet de loi qui, en dépit des meilleures intentions des rédacteurs, risque d'aller trop loin, car on pourra prendre des mesures draconiennes à l'encontre de contestataires politiques légitimes et on risquera de soumettre les Canadiens à des conséquences dramatiques en l'absence de normes de procédure élémentaires.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait que les députés et sénateurs essaient de se concentrer—et je le dis avec le plus grand respect—très précisément sur le mal auquel nous voulons nous attaquer et limitent strictement les lois à ce mal. Je crois que cela nous permettra de faire évoluer notre système juridique de façon plus saine.

Le président: Je crois que M. DeVillers voudrait avoir le dernier mot, et je vais le lui donner.

• 1735

M. Paul DeVillers: Grâce à votre question pleine de clairvoyance, je peux poser une question supplémentaire.

Un témoin nous a dit hier que l'inclusion d'une disposition de temporarisation permettrait de mieux mettre le projet de loi à l'abri des contestations en vertu de la Charte. En cas de contestation, le tribunal qui chercherait à voir si la loi est conforme à la Charte aurait probablement un préjugé favorable s'il y avait une clause de temporarisation.

Êtes-vous d'accord avec cet argument? Qu'en pensez-vous?

M. James Aldridge: C'est intéressant. Oui, ce serait certainement le cas, en un mot. Je suis sûr que le tribunal qui soupèserait la question s'appuierait sur le critère de l'article 1 de la Charte. À supposer que le tribunal ait déjà constaté qu'il y avait prima facie empiétement sur un droit, il se demanderait si cet acte peut être justifié dans une société libre et démocratique. En vertu de l'article 1, l'un des éléments sur lequel se penche le tribunal, c'est la proportionnalité, c'est là que l'article de temporarisation interviendrait. Donc, si vous voulez que je vous donne une réponse strictement juridique au débotté, je dirais que oui, ce serait le cas.

J'ai hésité pour la raison suivante. Pour la pauvre victime dont les droits en vertu de la Charte ont été violés, savoir que quelqu'un d'autre qui fera la même chose dans trois ans ne sera pas poursuivi est une maigre consolation. Si le tribunal s'interroge sur le caractère justifié de l'empiétement sur les droits de l'individu, par exemple le cas d'une personne inscrite sur la liste des terroristes qui ne peut plus effectuer de transactions immobilières, je ne sais pas combien cet argument pourra peser en l'occurrence.

Je pense que la question n'est pas de savoir dans quelle mesure on met le projet de loi à l'abri des contestations en vertu de la Charte en donnant aux juges des arguments juridiques pour confirmer son bien-fondé en dépit de la Charte. Je crois que la véritable question est de savoir s'il est conforme aux valeurs juridiques qui nous ont permis d'avoir la Charte en premier lieu. Je considère la Charte non pas tellement comme quelque chose de mécanique, mais plutôt comme une expression des valeurs de notre nation. À cet égard, avec ou sans clause de temporarisation, je trouve que les dispositions dont j'ai parlé, comme d'autres personnes, font singulièrement défaut ici.

Le président: Je ne veux pas vous garder trop longtemps, ni vous ni les autres, mais il y a une chose qui m'intrigue. Ce n'est pas un de vos domaines d'expertise mais c'est un problème que je me suis posé en écoutant les témoins jusqu'ici... Je pense que c'était l'Association du Barreau de Colombie-Britannique qui avait fait valoir que l'on ne pouvait justifier de limiter les droits que s'il s'agissait de les protéger contre un risque quelconque. Par conséquent, l'ampleur des limites imposées correspondrait à l'évaluation que nous faisons—nous ou la personne qui adopte la loi—des probabilités de risque et de la gravité des conséquences. Autrement dit, il devrait y avoir une proportionnalité entre les limites imposées aux droits et la protection de ces droits contre ce qui peut les menacer.

Comment pouvons-nous, nous parlementaires, faire cette évaluation? D'une façon générale, bien sûr, nous allons faire appel aux services de renseignement, à la GRC, à la police, et à d'autres qui viennent témoigner ici. Ils viennent nous expliquer combien ces outils leur sont nécessaires, et ils nous donnent des avis sur la façon d'évaluer la menace. Ceux qui soutiennent que l'on entrave les libertés ne parlent pas nécessairement de la menace, ou s'ils le font, ils s'empressent de dire qu'ils ne sont pas experts. Je me pose la question. Comment pouvons-nous évaluer cela? Si c'est ainsi qu'il faut mesurer la chose—et je présume que vous vous souvenez de l'Association du Barreau de Colombie-Britannique; je n'ai pensé à la question qu'après le départ des témoins—comment les parlementaires peuvent-ils évaluer la menace lorsqu'ils doivent répondre à une question très compliquée et très grave?

M. James Aldridge: Je n'avais pas pensé à cette question en ces termes avant. Je vais essayer de vous répondre le mieux possible.

Vous parlez d'une menace de quoi? Nous parlons de la menace des éléments mentionnés aux divisions 83.01(1)b)(ii)(A), (B) et (C)—la mort, une grande peur dans le public, et des assassinats collectifs—et c'est ainsi que le débat a été présenté au Parlement. Nous avons tous la date du 11 septembre gravée dans la tête, et pour toujours. Donc est-ce cette menace? Pour éviter que cela se reproduise, peut-être qu'en tant que parlementaires, vous qui nous représentez, vous direz que vous êtes disposés à réduire un peu certaines libertés pour assurer une protection contre cet horrible risque.

• 1740

Regardez la division 83.01(1)b)(ii)(E): perturber gravement ou paralyser des services et installations. Peut-être que cette menace est beaucoup moins grande. Ce peut être grave et ce peut être illicite, mais les conséquences sont nettement moins importantes que ce que l'on décrit aux points (A), (B) et (C), donc il ne serait pas nécessaire de réduire autant les libertés pour répondre à cette menace-là.

Il me semble, si j'ose dire, que c'est cet exercice d'évaluation que vous allez devoir faire. Dans la mesure où ce projet de loi se limite à ce que j'appelle le véritable terrorisme, vous aurez une plus grande latitude pour adopter des mécanismes extraordinaires limités dans le temps. Dans la mesure où ce projet de loi va au-delà de ce que je considère comme le terrorisme proprement dit, vous devrez être d'autant plus prudents avant de réduire les droits et libertés individuels pour atteindre ces objectifs.

Le président: Merci beaucoup. Tous les membres du comité vous remercient du sérieux avec lequel vous avez abordé la question et de l'esprit constructif dont vous avez fait preuve aujourd'hui. Merci.

La séance est levée.

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