JUST Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 6 novembre 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 44e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.
Nous avons un groupe de témoins qui représente Amnistie Internationale Canada, et des témoins à titre personnel, les professeurs Errol Mendes, Jamie Cameron et Bryan Schwartz.
Nous devons respecter certaines contraintes, notamment pour ce qui est de l'horaire des vols, aspect que les députés connaissent très bien. C'est pourquoi nous allons passer rapidement aux exposés, en commençant, par Jamie Cameron.
Mme Jamie Cameron (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup.
Je m'appelle Jamie Cameron et je crois savoir que le comité a un horaire très chargé. Je remercie les membres du comité de me permettre de présenter ce bref exposé.
J'ai déposé un mémoire, mais je crois qu'il n'a pas encore été traduit. Au cours des dix minutes dont je dispose cet après-midi, je vais aborder les trois principales parties de mon mémoire. La première est la définition d'«activité terroriste» du projet de loi, la seconde, les conséquences de cette définition pour les groupes terroristes et la troisième, la clause d'extinction.
Premièrement, pour ce qui est de la définition d'«activité terroriste», je vais limiter mes commentaires à l'alinéa 83.01(1)b), la partie de la définition d'activité terroriste qui ne touche pas la mise en oeuvre de conventions internationales.
Mon premier point constitue davantage une observation. La définition d'«activité terroriste» est l'élément de base des dispositions de la loi relatives à l'établissement de la liste, à la levée de fonds et au blocage des biens, de sorte que ses lacunes se répercutent sur les autres parties du projet de loi et en compromettent l'application.
Mon deuxième point est que l'élément essentiel de cette définition vise à criminaliser les causes, les buts et les objectifs de nature politique, religieuse et idéologique lorsqu'ils inspirent certains actes. Cette formulation est un drapeau rouge constitutionnel parce qu'elle réprime des activités qui sont protégées par la Constitution et qui sont au coeur de l'alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés, la disposition qui garantit la liberté d'expression. À ce titre, ces activités protégées par la Charte ne peuvent être restreintes que s'il y a perpétration d'un acte violent. À mon avis, il existe dans ce projet de loi et dans le Code criminel suffisamment de munitions pour réprimer les activités criminelles; cette partie de la définition me paraît donc constituer une atteinte inutile et gratuite à des droits constitutionnels.
Quelle est donc l'utilité de cette disposition? Cela m'amène à soulever un autre point à propos de la définition d'«activité terroriste». Cette partie de la définition déclenche l'application d'autres dispositions. Elle indique aux autorités les personnes et les groupes qui peuvent être ciblés et la formulation utilisée vise les personnes et les groupes qui appuient certaines causes et croyances politiques, religieuses et idéologiques. Le projet de loi ne définit toutefois pas ces termes; par conséquent, les services de police disposent d'une grande latitude pour décider qui est un terroriste au terme de ce projet de loi et qui ne l'est pas. Cette formulation législative constitue une forme de catégorisation non raciale mais néanmoins, une forme de catégorisation. J'utilise l'expression «catégorisation idéologique». Cette formulation risque donc, d'après moi, d'entraîner une application sélective de ces dispositions contre ceux qui expriment publiquement des opinions controversées.
La deuxième partie de mes remarques concerne les conséquences que cette formulation entraîne pour les groupes terroristes par le biais des dispositions relatives à l'établissement de la liste, à la levée de fonds et au blocage des biens. Ces dispositions portent gravement atteintes à la liberté d'association, qui est également protégée par la Charte des droits et libertés, à l'alinéa 2d). Le processus prévu par le projet de loi C-36 pour l'établissement de la liste des organismes terroristes, l'interdiction de lever des fonds et le blocage des biens, est injuste et inéquitable. Il est peu transparent et ne fait pratiquement l'objet d'aucun contrôle. Il s'appuie sur la définition d'«activité terroriste» et il est centré sur les causes et les objets qui ont été déclarés illégaux, c'est-à-dire sur une catégorisation idéologique.
Cela me pose deux problèmes. Le premier est que l'on risque fort de commettre des erreurs et d'inscrire sur ces listes des organismes tout à fait légitimes. Une fois que ces organismes figureront sur ces listes, ils seront stigmatisés en tant que groupe terroriste, et une fois déclarés hors la loi, ces organismes vont nécessairement disparaître. Je considère que cela est une conséquence grave de ce projet de loi.
• 1540
Deuxièmement, ces dispositions risquent également de réduire
au silence certaines personnes et organismes et de les inciter à ne
pas exercer leurs droits constitutionnels. En fait, le SCRS a déjà
informé le comité que les pouvoirs antiterroristes proposés par
Ottawa ont déjà eu un effet dissuasif sur les partisans des groupes
terroristes au Canada et les ont forcés à démanteler leurs
activités.
Les communautés d'immigrants et de réfugiés ont besoin de leurs organisations pour obtenir certains services: formation linguistique, préparation à l'emploi, services d'établissement, et ils sont particulièrement vulnérables à ces mesures. Je pense que le projet de loi C-36 menace leur liberté et leur égalité politiques. La plupart des personnes qui sont membres de ces organismes appartiennent à des minorités visibles. Elles ont peur de parler entre elles et de fréquenter les membres de leur communauté. Je crains qu'après l'adoption du projet de loi C-36, les personnes qui sont membres de minorités visibles vont devenir politiquement invisibles et je considère que c'est là un problème très grave.
La troisième partie de mon allocution porte sur la clause d'extinction. Comme bien d'autres, je ne suis pas particulièrement favorable à l'inclusion d'une clause d'extinction dans ce projet de loi. La raison est que, pour moi, on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Si ce projet de loi est constitutionnel, il est inutile de prévoir une clause d'extinction. En ajoutant une telle clause au projet de loi C-36, on reconnaît que certaines parties au moins de ce projet ne sont pas constitutionnelles. Si cela est vrai, il faut choisir une des deux voies suivantes.
Premièrement, le projet de loi C-36 devrait être mis à l'épreuve devant les tribunaux de la façon habituelle ou bien le Parlement devrait être tenu d'invoquer la disposition de dérogation, de façon à respecter l'obligation de rendre des comptes à la population. La clause d'extinction masque le fait qu'une date d'expiration attachée au projet de loi C-36 constitue une forme de dérogation déguisée.
Voilà les observations que je voulais vous présenter. Je crois que je n'ai pas complètement utilisé mes dix minutes. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Cela est très inhabituel. C'est sans doute ce qui arrive lorsque l'on sait que l'on doit prendre l'avion.
Monsieur Mendes.
M. Errol Mendes (témoignage à titre personnel): Je crois que je vais utiliser les minutes que Jamie n'a pas...
Le président: Désolé, ces minutes ne sont pas transférables.
[Français]
M. Errol Mendes: Merci, monsieur le président. Je vais présenter mes idées en anglais, mais une traduction en français est à votre disposition.
[Traduction]
Comme d'autres l'ont dit, l'horrible action terroriste commise aux États-Unis le 11 septembre 2001 était une attaque contre la liberté mais c'était aussi une attaque fondée sur la liberté. Les individus qui se sont rendus coupables de ces actes affreux n'ont réussi leur coup que parce qu'ils se trouvaient dans une société libre. J'explique dans mon mémoire comment ces personnes ont utilisé pour réaliser leurs objectifs différents aspects de la liberté qu'accorde notre société.
Si les sociétés libres ont le droit de se protéger contre des actes de terreur qui peuvent détruire des milliers de vies innocentes, quelles sont les limites de ce droit? Comme cela a été dit, accepter de vivre dans une société libre et démocratique ne veut pas dire que l'on accepte de se suicider ou de se laisser tuer. Par contre, une société ne peut pas demeurer libre et démocratique si elle porte gravement atteinte aux valeurs constitutionnelles et aux droits de la personne qui la distinguent des dictatures.
Je suggère au Parlement du Canada d'examiner les dispositions du projet de loi C-36 en s'inspirant d'un principe directeur que j'appellerais «la proportionnalité de la règle de droit et de la justice». J'ai parlé de «règle de droit», parce que les dispositions du projet de loi feront presque inévitablement l'objet de contestations et devront être conformes aux critères énoncés dans l'article 1 de la Charte. La Cour suprême du Canada a interprété cet article à plusieurs reprises; elle a énoncé pour la première fois le critère applicable dans l'arrêt Oakes, dans lequel elle explique la façon d'interpréter l'article 1.
Comme nous le savons tous, conformément au critère de l'arrêt Oakes, l'article 1 énonce d'abord que les droits fondamentaux ne peuvent être restreints que par une règle de droit. Ces restrictions doivent découler d'une règle de droit et non pas d'une décision arbitraire du gouvernement ou des forces de sécurité. Deuxièmement, l'atteinte portée aux droits fondamentaux doit être justifiée par le caractère urgent et important de l'objet recherché par la loi contestée. Troisièmement, cette loi doit être conforme au critère de la proportionnalité qui comprend trois volets: premièrement, les moyens choisis pour restreindre ces droits doivent avoir un lien logique avec l'objet urgent et important de la loi; deuxièmement, les moyens choisis doivent restreindre le moins possible les droits dont il s'agit et troisièmement, il doit exister une certaine proportionnalité entre les conséquences des restrictions apportées à ces droits et les avantages qu'elles procurent.
• 1545
La jurisprudence de la Cour suprême a parfois assoupli
certains de ces critères mais à une occasion au moins, elle a
déclaré que dans un contexte de droit pénal, lorsque l'État est «le
seul adversaire» de l'accusé, ces critères doivent être appliqués
strictement.
Le gouvernement du Canada a sagement choisi de ne pas recourir à la disposition d'exemption de l'article 33 pour renforcer la constitutionnalité de ce projet de loi. Je l'approuve tout à fait, puisque je suis moi-même partisan de laisser tomber en désuétude l'article 33. Il ne faut toutefois pas oublier que la constitutionnalité de ce projet de loi dépendra de l'application de l'article 1 de la Charte.
Je n'ai que quelques minutes pour traiter des aspects les plus controversés, et j'ai donc choisi de ne traiter que des dispositions les plus critiquables. Je dois toutefois dire que, dans l'ensemble, le projet de loi C-36 concilie assez bien la sécurité et les droits de la personne et respecte les divers droits en jeu. Ce projet de loi n'est pas parfait, mais nous sommes tous ici pour l'améliorer.
Ma conclusion au sujet de l'équilibre atteint avec ce projet de loi est renforcée si l'on tient compte du fait que cet équilibre ne fait pas uniquement intervenir la sécurité et les droits de la personne, mais également divers ensembles de droit. Il est évident que le droit à la vie est en jeu ici, non pas seulement le droit des Canadiens de ne pas subir des attentats terroristes, mais aussi le droit de ne pas être menacés par de tels actes. Il faut toutefois concilier ces droits avec les droits fondamentaux que sont l'égalité, la régularité procédurale et la liberté d'expression.
Nous devrons également tenir compte du fait que, si des terroristes utilisent le Canada comme une base de départ pour commettre des attentats contre les Américains de l'autre côté de la frontière, nous devrons également tout faire pour assurer la sécurité de nos voisins, en particulier si nous voulons faciliter la libre circulation des marchandises, des personnes et des idées entre nos deux pays, aspect dont notre économie et notre société dépendent énormément.
J'en arrive aux aspects les plus controversés du projet de loi C-36, la définition d'«activité terroriste». La partie de la définition qui fait référence aux 12 conventions de l'ONU contre le terrorisme ne suscite guère de controverse mais, comme ma collègue l'a signalé, ce n'est pas le cas de la seconde partie de la définition d'«activité terroriste». Je ne vais pas revenir en détail sur cet aspect parce que Mme Cameron a déjà précisé le sens de ces dispositions.
On a soutenu que cette définition pouvait s'appliquer aux manifestations violentes des opposants à la mondialisation, des grévistes et d'autres qui utilisent la désobéissance civile pour perturber les services, les installations ou les systèmes essentiels. Vous avez entendu le commissaire Zaccardelli déclarer qu'il ne souhaitait pas que ce genre d'action soit visé par le projet de loi. Si tel est bien le cas, il faudrait avoir recours à une formulation plus claire pour indiquer que les actes de désobéissance civile ne sont pas visés par le projet de loi C-36 et je serais très favorable à ce que l'on reformule en ce sens cette disposition.
Je suis également d'accord avec d'autres témoins lorsqu'ils disent qu'il faudrait supprimer le mot «licite» qui qualifie les revendications, les protestations, la manifestation d'un désaccord et les arrêts de travail. Cela est d'autant plus justifié que le mot «licite» soulève des problèmes dans certains contextes, notamment lorsqu'il s'agit d'actes commis à l'extérieur du Canada—et je pense que mon ami Alex Neve abordera cet aspect. Les exclusions fondées sur le droit international coutumier ou conventionnel peuvent également ouvrir la porte à de longs débats ou à beaucoup de confusion. Il faudrait donc s'efforcer de préciser cette définition.
Je dois cependant noter que la définition actuelle ne semble viser les actes de désobéissance civile que s'ils visent à causer des blessures graves ou la mort, à mettre en danger la vie d'autrui ou à «compromettre gravement la santé ou la sécurité de la population». Si tel est bien le cas, il faudrait alors peut-être indiquer clairement que l'élément moral est exigé non pas seulement pour cette définition mais toutes les infractions créées par cette loi, comme l'Association du Barreau canadien l'a également recommandé. Il devrait être clairement indiqué que l'élément moral ou l'intention criminelle est exigé, et que personne ne peut, par hasard ou sans le vouloir, «faciliter» une activité terroriste ou y participer.
Pour ce qui est de la garde à vue, les dispositions de cet article donnent aux agents de police les moyens d'empêcher qu'une activité terroriste soit mise à exécution. Je ne vais pas passer en revue les garanties qui sont prévues par cet article, comme le consentement du procureur général et l'intervention des tribunaux. Avant le 11 septembre, la validité de cette disposition aurait été douteuse si on lui avait appliqué la notion de proportionnalité de la règle de droit et de la justice.
Qu'est-ce qui a donc changé depuis le 11 septembre? Eh bien, la justice n'est pas statique. La Constitution et les tribunaux n'existent pas en vase clos. Cet article vise un objectif urgent et important mais il faut tout de même se demander si tel que formulé, il respecte la notion de proportionnalité.
Je mentionne dans mon mémoire que l'on s'intéresse, la plupart du temps, aux deux premiers volets du critère de la proportionnalité; cependant, pour ce qui est des dispositions pénales qui se trouvent au paragraphe 83.3(9), je crois qu'il conviendrait de se demander si l'infliction d'une peine d'emprisonnement de 12 mois aux personnes gardées à vue est conforme au principe de la proportionnalité.
• 1550
Pour ce qui est de la notion de proportionnalité, de la
question des examens et des clauses d'extinction, tout comme ma
collègue, Mme Cameron, je dirais que ce ne sont pas tant les
clauses d'extinction que les examens qui me préoccupent. Il me
paraît absolument essentiel de prévoir des examens annuels—et non
pas uniquement un examen après trois ans—si nous voulons
satisfaire au troisième volet du critère de la proportionnalité,
qui concerne le rapport qui doit exister entre les objectifs de la
disposition et les effets—aussi bien bénéfiques que
préjudiciables—de ces objectifs. Pour être en mesure de faire
cette évaluation, il faut avoir une idée claire de ce qui se passe,
sur une base au moins annuelle, de façon à fournir au législateur
suffisamment de renseignements pour qu'il puisse éventuellement
envisager l'adoption d'une clause d'extinction. Je proposerai donc
un mécanisme d'examen annuel qui serait complété, au bout de trois
ans, par un examen plus approfondi qui porterait sur l'opportunité
d'adopter une clause d'extinction.
Compte tenu du peu de temps qu'il me reste, je dirais que mon analyse des audiences d'investigation est très semblable; il faudrait également procéder à des examens annuels pour évaluer s'il existe une proportionnalité entre les objectifs de cette disposition et ses effets potentiels.
J'en arrive à la liste des groupes terroristes et je reconnais, avec d'autres témoins, que cette disposition risque fort de cibler certains secteurs de notre population. Cela justifierait là encore des examens annuels. Beaucoup de choses peuvent arriver en six mois ou un an. Il faudrait donc examiner attentivement si l'application de cette disposition ne donne pas lieu à une certaine catégorisation raciale. C'est une autre raison pour laquelle je recommande que ces dispositions fassent l'objet d'un examen annuel et je vous invite à retenir cette recommandation.
Enfin, pour ce qui est des modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l'accès à l'information, je crois que les témoignages que vous ont fournis les deux commissaires, John Reid et George Radwanski, indiquent clairement comment s'effectuerait l'évaluation de la proportionnalité. Leurs témoignages indiquent qu'ils souscrivent aux objectifs de la loi et qu'ils en reconnaissent le caractère urgent mais ils ne pensent pas que le législateur ait utilisé des moyens qui portent le moins possible atteinte aux droits en question. Je suis donc tout à fait d'accord avec eux lorsqu'ils affirment que les dispositions actuelles de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont très suffisantes. Si l'on se fie à leurs témoignages, on doit penser que ces dispositions ne répondent probablement pas aux critères de la proportionnalité qu'exige l'article 1.
Pour ces motifs, je dirais qu'il faut évidemment tenir compte de notre histoire et de ce que nous ont appris les événements de la crise d'octobre et le traitement des Canadiens-Japonais au cours de la Seconde Guerre mondiale, mais nous nous trouvons dans une situation nouvelle dans laquelle nous allons connaître une longue période de terrorisme sans fin prévisible. C'est pourquoi nous devrions appliquer, de façon permanente, la notion de proportionnalité de la règle de droit et de la justice, pas seulement devant les tribunaux mais également devant le Parlement. C'est pourquoi je vous invite vivement à recommander que l'on procède à des examens annuels.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mendes.
Nous allons maintenant donner la parole à Amnistie Internationale, et je crois que c'est M. Bossin qui prendra la parole.
M. Michael Bossin (président de la Section canadienne, Amnistie Internationale (Canada)): Merci.
Je m'appelle Michael Bossin. Merci de nous avoir invités. Je suis le président de la section anglophone d'Amnistie Canada. Je suis accompagné de mes collègues Alex Neve et Hilary Homes. Je vais vous présenter une introduction générale et ensuite, Alex et Hilary aborderont certains problèmes de fond que pose le projet de loi.
[Français]
Malheureusement, nos collègues de la section francophone d'Amnistie Internationale (Canada) n'étaient pas disponibles cet après-midi. Cependant, si on nous pose une question en français, nous répondrons aussi en français.
[Traduction]
Je commencerai par dire que la sécurité est une des principales préoccupations d'Amnistie Internationale. La sécurité de la personne est bien sûr un droit fondamental, tout comme le droit à la vie. Il est évident que les gouvernements ont à la fois le droit et l'obligation d'assurer la sécurité de leurs citoyens. La question qui se pose est, bien sûr, de savoir quelle est la meilleure façon d'y parvenir?
Amnistie invite les gouvernements à adopter ce que nous appellerions une approche axée sur les droits de la personne pour les questions de sécurité. Tout cela figure dans notre mémoire, que nous vous avons remis. Il n'a pas encore été traduit mais il est là.
• 1555
Un des éléments essentiels de la méthode axée sur les droits
de la personne est le souci de traduire devant les tribunaux les
auteurs d'actes qui portent atteinte aux droits de la personne. Sur
ce point, le projet de loi permet d'intenter des poursuites
judiciaires contre les personnes qui se trouvent au Canada, même
lorsqu'elles ont commis des crimes à l'extérieur de nos frontières,
et nous sommes en faveur de cette mesure. Nous pensons qu'il est de
loin préférable de juger les auteurs d'actes de ce genre que de les
expulser, ce qui était la méthode utilisée traditionnellement au
Canada. Comme cela est expliqué dans notre mémoire, l'expulsion
soulève également des problèmes; elle entraîne souvent d'autres
violations des droits de la personne, ou, ce qui est tout aussi
critiquable, elle empêche que justice soit faite.
Les deux autres intervenants ont parlé de la clause d'extinction; nous allons donc en parler également mais très brièvement.
En droit international, lorsque les gouvernements adoptent des lois pour répondre à une situation de crise ou d'urgence, ils invoquent souvent cette situation pour justifier les restrictions apportées à certains droits, mais ils limitent la durée d'application de ces lois. D'après nous, une clause d'extinction ne saurait justifier la suppression de certains droits. Cette clause tient simplement compte du fait que, lorsqu'on adopte une loi rapidement dans une situation de crise, il faut que cette loi soit examinée par la suite. C'est aussi simple que cela.
Enfin, l'approche à la sécurité axée sur les droits de la personne veut dire que, lorsque les gouvernements veulent traduire devant les tribunaux les auteurs d'actes attentatoires aux droits de la personne, ils doivent veiller à ne pas porter eux-mêmes atteinte à d'autres droits fondamentaux—le droit à l'expression pacifique de ses idées, le droit d'association, la liberté d'association, le droit à un procès équitable. Comme je l'ai dit, ce n'est que dans des cas très rares que les gouvernements ont le droit de supprimer certains droits. Sauf situation exceptionnelle, il n'est pas acceptable qu'un gouvernement viole un droit pour en protéger un autre.
L'approche axée sur les droits de la personne que nous proposons veut donc dire que les gouvernements qui adoptent des mesures de sécurité doivent respecter les normes internationales en matière de droits de la personne. Après tout, c'est le respect des droits de la personne qui nous distingue des gens qui sont visés par ce projet de loi. C'est ce qui fait la différence entre eux et nous, après tout.
Je vais passer le microphone à Alex.
M. Alex Neve (secrétaire général, Section anglophone, Amnistie Internationale (Canada)): Bon après-midi, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vais présenter mon exposé en anglais, mais j'aimerais commencer par dire quelques mots en français.
[Français]
Vous avez sans doute entendu plusieurs témoins qui ont expliqué comment tenter d'arriver à une définition du terrorisme peut s'avérer un exercice difficile et frustrant. C'est en grande partie parce que les actions se rapportent généralement au contexte politique, religieux ou idéologique.
Quand des concepts tellement vastes sont au coeur d'une définition, le problème est évident. Comment établir les distinctions entre l'activisme qui est terroriste, l'activisme qui est, d'une certaine façon, criminel sans être terroriste, l'activisme légal mais peut-être un peu énervé et agressif, et l'activisme qui est simplement pacifique?
Certainement, presque tout le monde s'accorde pour reconnaître que les attaques du 11 septembre étaient des gestes terroristes. Cependant, quand le cercle des exemples s'élargit, le jugement qu'on établit devient de plus en plus controversé et conduit, finalement, à des décisions potentiellement répressives.
[Traduction]
C'est une question qui est loin d'être simplement théorique. Lorsque l'on qualifie de «terroriste» une forme de contestation, cela entraîne évidemment des répercussions juridiques. Cette qualification déclenche l'application des restrictions que prévoit le projet de loi en matière de procès équitable. Cela peut compromettre le statut d'un organisme de bienfaisance. Les tribunaux peuvent imposer des peines d'emprisonnement plus longues. En outre, ceux qui aident, appuient ou conseillent les auteurs de ces actes peuvent également être visés par ce projet de loi.
Au-delà des conséquences juridiques, il y a le stigmate dramatique qu'apporte avec elle l'étiquette de «terroriste». Le terrorisme est un terme chargé d'émotions, et a de fortes connotations. Il doit être utilisé et appliqué de façon appropriée, responsable et judicieuse. Le projet de loi doit l'utiliser de façon appropriée.
• 1600
Il est évident que la simple possibilité qu'une manifestation
licite soit qualifiée de terroriste aura presque certainement un
effet paralysant et portera gravement atteinte à un certain nombre
de droits fondamentaux de la personne. Il est donc essentiel que
cette définition soit formulée de façon à faire disparaître ce
risque.
Nous pensons toutefois que la définition proposée crée manifestement un tel risque. Plus particulièrement, cela vient de la division 83.01(1)b)(ii)(E) qui qualifie d'activité terroriste et incrimine à ce titre une action ou une omission qui aurait pour effet de perturber gravement des services, installations ou systèmes essentiels. Il y a lieu de noter que, bien entendu, ces termes ne sont pas définis dans le projet de loi.
Cette définition risque de viser l'activisme d'un nombre incalculable de groupes et de personnes qui, dans le monde entier et au Canada, s'efforcent de défendre et de protéger les droits fondamentaux, de favoriser le changement social, de protéger l'environnement ou d'affirmer les droits des Autochtones. Ce sont les groupes et les personnes qu'Amnistie Internationale se charge de défendre, lorsque ces personnes sont arbitrairement arrêtées, détenues, torturées et même tuées. Cet activisme cherche bien souvent à perturber ou à paralyser des systèmes, des services et des installations que certains qualifieraient d'essentiels.
Nous avons bien sûr noté que cette définition tente de protéger certaines activités en excluant de la portée de cette définition les activités licites de revendication, de protestation ou de manifestation d'un désaccord ou les arrêts de travail licites, pourvu qu'elles n'aient pas pour effet de causer des blessures graves, la mort ou un des autres préjudices énumérés dans la définition.
D'après nous, cette exception est insuffisante. Que veut dire exactement le mot licite lorsqu'il est appliqué à une protestation? Les protestations ont souvent pour but de contester le droit en vigueur, et, dans cette mesure, elles sont souvent illicites, et plus un État est répressif, plus cela risque de se produire. N'oublions pas que c'est une définition qui sera appliquée à des activités quel que soit l'endroit au monde où elles sont exercées.
Au Mexique, Rodolfo Montiel et Teodoro Cabrera ont été félicités à l'extérieur de leur pays pour les efforts qu'ils ont déployés en vue d'empêcher des pratiques d'exploitation forestière qui détruisaient l'environnement, mais cette action a été qualifiée d'illégale au Mexique, et ils ont été torturés et sont maintenant détenus depuis plus de deux ans.
En Inde, les autorités gouvernementales ont réprimé les manifestations pacifiques organisées par des opposants au projet de barrage Maheshwar, parce que, d'après les autorités, la construction du barrage est essentielle à l'économie du pays.
Au Myanmar, l'ancienne Birmanie, Paw U Tun, le président de la All Burma Federation of Student Unions, est en prison depuis 12 ans pour avoir pris la tête du mouvement des étudiants qui s'opposait pacifiquement à un régime militaire à parti unique.
L'action de ces personnes pourrait facilement être visée par la division 83.01(1)b)(ii)(E), et donc, être qualifiée de terroriste.
Cette définition va également s'appliquer au Canada à des activités canadiennes. Les manifestations qui se sont déroulées à Québec étaient pour la plupart licites, mais certaines ne l'étaient pas. Peut-on dire que la partie illicite de ces manifestations représentait véritablement des activités terroristes ou simplement des activités de nature pénale? Que se passerait-il si des écologistes ou des défenseurs des droits des Autochtones avaient recours à ce que l'on pourrait qualifier de désobéissance civile illégale, pour sauver une forêt ou faire respecter une revendication foncière.
Amnistie Internationale a étudié diverses façons de modifier cette disposition de façon à mieux protéger les protestations et les manifestations. L'adjectif qualificatif «licite» pourrait être remplacé par «pacifique» ou être simplement supprimé de la définition. Nous pensons en fin de compte qu'il est trop complexe et dangereux d'essayer de définir une catégorie de protestation qui serait autorisée.
Nous recommandons de supprimer carrément cette exception et de centrer davantage la définition sur les comportements à incriminer. Nous pensons que l'on veut en fait réprimer la violence.
Nous recommandons donc que la division 83.01(1)b)(ii)(E) soit reformulée de façon suivante:
-
à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou
systèmes essentiels, publics ou privés lorsqu'il est probable que
cette activité entraîne un comportement ou un préjudice énuméré aux
divisions (A) à (D).
• 1605
Nous pensons qu'une telle disposition protégerait la
dissidence, favoriserait les actions concrètes visant à défendre
les droits de la personne et réprimerait de façon plus efficace ce
que l'on pourrait appeler l'aspect terroriste des activités de ce
genre.
Ma collègue voulait prendre deux minutes pour ajouter quelques commentaires, si vous le permettez.
Le président: Allez-y. Je voulais être sûr qu'elle puisse prendre la parole.
M. Alex Neve: Merci.
Mme Hilary Homes (coordinatrice du Programme des jeunes et des étudiants, Section anglophone, Amnistie Internationale (Canada)): Merci.
Même avec une définition d'activité terroriste resserrée et précisée, le mécanisme prévu pour l'inscription sur une liste des entités exerçant des activités terroristes nous inquiète. La décision d'inscrire une entité sur cette liste entraîne des conséquences graves, tant pour ce qui est de l'application du droit pénal que pour le statut d'organisme de bienfaisance de l'entité, sans parler de l'effet que cela peut avoir sur la réputation de l'organisation ou des personnes visées.
Certes, le projet de loi C-36 contient une disposition qui permet de contester après-coup l'inscription sur cette liste, mais même si cette décision était infirmée, elle aurait déjà causé un préjudice irréparable à l'entité en question. Nous recommandons de donner à l'entité visée un délai pour répondre aux allégations la concernant, avant qu'une décision définitive soit prise à son sujet.
Pour ce qui est du respect du caractère public et équitable des procès, ce sont principalement les articles du projet de loi qui écartent toute protection contre l'auto-incrimination au cours de ce qu'on appelle les audiences d'investigation qui nous inquiètent, tout comme les articles qui accordent à un juge de la Cour fédérale, au procureur général du Canada, au ministre de la Défense nationale, le pouvoir d'interdire la divulgation de certains renseignements au cours d'une instance.
Nos craintes découlent du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, que le Canada a ratifié et dont il assume, par conséquent, les obligations. Il semble que le projet de loi est incompatible avec ce pacte. L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît le droit de l'accusé à ne pas s'incriminer. Il convient également de noter que le statut de Rome portant création du tribunal pénal international garantit également ce droit.
Le projet de loi C-36 mentionne que les restrictions apportées à certaines garanties procédurales sont justifiées parce qu'elles ont pour but d'empêcher que soient compromises les relations, la défense ou la sécurité nationales ou de protéger ces éléments. La référence à la défense et à la sécurité nationales est conforme au Pacte international relatif aux droits civils et politiques puisque celui-ci reconnaît que ces motifs peuvent justifier la tenue d'un procès à huis clos, mais la référence à l'expression «relations internationales» est non seulement assez vague, mais va au-delà de ce qu'autorise le droit international. Nous invitons donc le gouvernement à supprimer l'article 34 du projet de loi C-36.
Les dispositions de l'article 43 du projet de loi C-36 concernant la non-divulgation de certains renseignements risquent de porter atteinte au droit de l'accusé de disposer des moyens dont il a besoin pour présenter sa défense. Les principes fondamentaux applicables ici sont également énumérés dans le même article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que j'ai mentionné auparavant, et comprennent le droit d'être informé, de façon détaillée, de la nature de l'accusation ainsi que le droit d'interroger ou de faire interroger des témoins.
Nous recommandons que les dispositions autorisant la non-divulgation, en tout ou en partie, de certains renseignements, soient supprimées du projet de loi C-36 et qu'elles ne soient introduites que si elles sont conformes à l'exception juridique prévue à l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cet article prévoit qu'il est possible de déroger à ces droits «dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation»; nous pensons que cette condition n'a pas encore été remplie.
Vous trouverez d'autres informations concernant cet argument dans notre mémoire, qui devrait vous être distribué bientôt.
Voilà qui termine notre exposé. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz (témoignage à titre personnel): Bon après-midi. C'est un honneur d'avoir été invité ici.
J'ai remis au comité un mémoire qui, à cause des retards de la traduction, n'a pu encore être distribué. Je dirai en ma faveur que j'ai essayé de le faire aussi court, simple et clair que possible, et j'apprécierais que les membres du comité y jettent un coup d'oeil.
Je vais formuler quelques observations générales, pour aborder ensuite trois problèmes que soulève ce projet de loi et proposer enfin trois solutions.
D'une façon générale, je dirais que le projet de loi est le fruit d'un effort bien intentionné de concilier la sécurité publique et les libertés civiles. Il a été rédigé très rapidement à cause des événements et il aborde des problèmes très complexes. Je pense que certaines parties du projet de loi doivent être immédiatement modifiées. Je n'ai pas abordé la question de la cause d'extinction dans mon mémoire parce qu'elle représente, dans une certaine mesure, une façon de détourner le problème. Il me semble que ce qu'il faut faire immédiatement, c'est améliorer ce qu'il est possible d'améliorer. Néanmoins, puisque tout le monde parle de cette clause d'extinction, j'en dirai quelques mots.
La Loi américaine sur les patriotes, l'équivalent américain du projet de loi C-36, contient une clause d'extinction. La Loi sur les banques du Canada comporte une clause d'extinction. Nous sommes habitués à ce genre de clause, nous savons comment les rédiger. Je serais en faveur d'une telle clause, et aussi d'examens annuels périodiques.
Je vais aborder trois problèmes, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps et parce qu'il est urgent que le Parlement puisse réagir à ces commentaires.
• 1610
Il faut regretter que ce projet de loi, comme le Code
criminel, ressemble de plus en plus à la Loi de l'impôt sur le
revenu. Auparavant, le Code criminel avait une certaine simplicité
biblique, il contenait au départ une série d'interdictions simples
et il est devenu extrêmement compliqué. Ce projet de loi comporte
des parties que j'ai eu du mal à comprendre à première lecture,
notamment la clause de renversement du fardeau de la preuve en
matière de cautionnement, qui me paraît soulever des problèmes. Je
vais toutefois me limiter à quelques points essentiels.
Je ne veux pas consacrer beaucoup de temps au premier point parce qu'il a été abordé par plusieurs témoins. Je dirai simplement que j'ai été un des premiers à m'y intéresser, lorsque j'ai participé à une émission radiophonique de la CBC pour commenter dès le lendemain la présentation du projet de loi C-36.
Je dirai très simplement que la désobéissance civile qui n'est pas accompagnées d'actes de violence graves ne devrait pas être visée par la définition. De nombreux intervenants ont exprimé cette position, et j'y souscris entièrement. La désobéissance civile peut s'accompagner de la perpétration d'actes illégaux qui ne constituent pas des actes de terroriste. Ce sont des actes criminels qui doivent être réprimés mais pas en les qualifiant d'actes de terroriste.
Ma deuxième observation concerne l'article 83.02 du projet de loi et la référence qu'on y trouve au droit international coutumier et conventionnel. Je pense que cette définition va, sans le vouloir, susciter des difficultés, et que cela se produira certainement. Je ne parle pas de difficulté du point de vue des libertés civiles, qui est une de mes préoccupations, mais des difficultés du point de vue de l'application du projet de loi. Je ne m'intéresse pas uniquement aux libertés civiles—même si c'est un sujet auquel je m'intéresse depuis longtemps—mais je veux également que ce projet de loi puisse être appliqué de façon efficace.
La notion de droit international coutumier et conventionnel est vague, incertaine, difficile à interpréter et à appliquer à des situations concrètes. Cette notion est particulièrement difficile à manier lorsqu'on l'applique à des pays étrangers.
Cette définition risque de permettre à une personne accusée de terrorisme de prétendre que ce qu'elle a fait est conforme au droit international coutumier et conventionnel tel qu'il s'applique à une situation politique donnée. Il y a des gens qui vont vouloir montrer au cours de leurs procès comment la Turquie traite les Turques, comment les Russes traitent les Tchétchènes, par exemple. Cela n'est pas souhaitable.
La définition du terrorisme doit partir du principe qu'aucun groupe non gouvernemental ne doit utiliser la violence contre des civils. Quels que soient les griefs politiques que l'on puisse avoir, il devrait être possible d'en arriver à un consensus international, ou au moins à une définition claire dans notre droit, énonçant que personne, que son but soit angélique ou infernal, n'a le droit d'utiliser la violence contre des cibles civiles, en vue de réaliser une fin politique.
Il faudrait, je crois, préciser l'article 83.02 pour ne pas utiliser la notion de droit international coutumier et conventionnel. C'est une notion vague, d'application difficile et qui invite les accusés à utiliser leur procès comme une tribune politique. Je pense qu'il faudrait plutôt veiller à ce que cette définition ne cible que les actes commis contre les non-combattants.
Ma troisième observation est que la définition de la loi actuelle n'indique pas clairement si elle s'applique à un gouvernement. Elle ne devrait pas le faire, d'après moi. Les gouvernements font des choses horribles, mais les gouvernements souverains assument également des responsabilités spéciales. Les gouvernements souverains sont régulièrement appelés à utiliser la violence. Le gouvernement du Canada a le devoir d'utiliser la violence pour faire respecter le Code criminel. Le gouvernement du Canada utilise la violence pour mener des guerres justes. L'OTAN a utilisé la violence dans la guerre contre la Yougoslavie et les États-Unis utilisent la violence en ce moment.
Les problèmes auxquels font face les États souverains, même s'ils sont démocratiques et libéraux, ne sont pas de même nature que ceux auxquels font face d'autres entités. Voilà la situation dans laquelle nous risquons de nous retrouver si cette définition s'appliquait aux États: il y aurait des gens qui tenteraient d'obtenir que les États-Unis soient qualifiés de terroriste parce qu'ils mènent une guerre illégale ou ont commis des actes contraires au droit.
Il est possible que les États-Unis ait agi illégalement en envahissant le Panama—il y a des gens de cet avis—mais ce qu'ils ont fait au Panama ne devrait pas pouvoir être qualifié de terrorisme. Cette loi ne devrait pas régir ce genre de situation.
Il y a beaucoup d'États qui font face à des situations très complexes. Le Royaume-Uni a parfois agi de façon répréhensible à l'égard du terrorisme de l'IRA. Il y a la Turquie et les Kurdes et la liste est longue. Je ne voudrais pas que les gens qui ont des griefs politiques—même s'ils défendent les droits de la personne—puissent utiliser cette définition du terrorisme et les mécanismes de ce projet de loi pour s'attaquer à des gouvernements, en particulier à des gouvernements démocratiques.
Je tiens à souligner très clairement que je suis contre toutes les atteintes aux droits de la personne. Je dis simplement que ce projet de loi n'est pas le moyen approprié d'agir à l'endroit de ces États souverains. La définition devrait clairement les exclure. Il existe d'autres façons, d'autres moyens et d'autres méthodes de nous attaquer à ces problèmes.
Voilà qui termine mes observations. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Schwartz.
Avant que de donner la parole aux membres du comité, j'aimerais vous informer que je crois que Mme Cameron doit partir à 16 h 30 et M. Mendes à 17 heures; vous voudrez peut-être en tenir compte pour poser vos questions. La première personne à le faire sera M. Toews, pour sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Nous avons beaucoup entendu parler ces derniers jours des clauses d'extinction et des clauses d'examen, mais pas seulement par les témoins qui sont venus ici cet après-midi. C'est néanmoins un point qui mérite d'être encore débattu.
Je crois qu'il faut préciser qu'une clause d'extinction ou une clause d'examen n'est pas uniquement un moyen de renforcer la constitutionnalité d'une mesure législative. Je crois que notre Constitution et la Charte des droits établissent des normes minimales. Un processus d'examen ou une clause d'extinction permet donc de voir si une mesure législative a été mise en oeuvre de façon efficace, quelle qu'en soit la constitutionnalité.
Ce n'est pas parce qu'un programme est inefficace ou mal structuré qu'il est inconstitutionnel. Je pourrais donner comme exemple l'enregistrement des armes à feu, le projet de loi C-68. C'est manifestement un programme qui est coûteux, inefficace, mal structuré, ce qui n'a pas empêché la Cour suprême du Canada de le déclarer constitutionnel. Les examens ne portent donc pas nécessairement sur les aspects constitutionnels.
Lorsque ce genre de question est en jeu, il faut disposer d'un processus d'examen efficace. Il ne m'importe pas beaucoup que ce processus d'examen prenne la forme d'une clause d'extinction ou soit déclenché par la date d'expiration de cette loi. Je trouve par contre très important de signaler que le Parlement canadien—et là je ne veux pas accuser un gouvernement en particulier—n'a pas procédé à l'examen des lois qu'il s'était engagé à examiner.
C'est une question importante et vos commentaires ont été très utiles parce qu'ils vont guider la façon dont nous allons agir sur ce point. Les services de police ne sont pas très favorables aux clauses d'extinction parce qu'elles risquent de perturber les enquêtes en cours ainsi que l'affectation des ressources—préoccupations tout à fait légitime.
Je tiens à vous remercier pour les commentaires que vous avez présentés. La question que je veux vraiment poser concerne les infractions pénales. Je ne sais pas quelle est votre formation mais je demanderais peut-être à M. Schwartz de répondre à cette question. Je pense que Mme Cameron ou M. Mendes ont recommandé que le projet de loi précise clairement que les infractions pénales qu'il crée exigent l'élément moral.
N'est-il pas exact que notre Cour suprême exige toujours qu'une infraction pénale comporte un élément moral même minimal, et que faute de le faire, la disposition est tout simplement inconstitutionnelle? Le tribunal va déduire que cette norme est exigée, ou il va juger que, de toute façon, il faut que la disposition prévoie un élément moral minimal, une intention minimale—la diligence raisonnable—si l'on veut obtenir une déclaration de culpabilité.
Je me demandais si M. Schwartz accepterait de lancer la discussion.
Le président: Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Merci.
Monsieur Toews, je vais répondre à votre question en adoptant la première partie de votre remarque. Vous ne vous êtes pas tout à fait exprimé comme cela, mais je crois que nous nous entendons sur l'idée générale que la première et la principale responsabilité du Parlement est de rédiger des lois. Le fait que les tribunaux hésitent parfois à sanctionner une loi ne saurait excuser l'adoption de mesures législatives oppressives ou inefficaces.
Je ne voudrais pas faire peur aux gens en parlant de ce que feront les tribunaux. Franchement, il est très probable que quel que soit le texte que vous adoptez, il sera confirmé par les tribunaux, parce que dans la vraie vie, les tribunaux ne veulent pas gêner un gouvernement qui veut répondre aux graves menaces dont fait l'objet la sécurité publique.
L'expérience montre que les tribunaux ne sont pas très interventionnistes lorsque les gouvernements prennent des mesures d'urgence. Les tribunaux sont assez raisonnables dans ce genre de situation, parce que, bien souvent, ils disposent de moins d'éléments que n'en possèdent les pouvoirs exécutif et législatif.
• 1620
C'est pour cette raison qu'il serait préférable que vous
interveniez immédiatement pour corriger certaines choses, et vous
n'attendiez pas l'intervention des tribunaux pour défendre les
libertés civiles, parce que vous empêcherez cette loi d'avoir un
effet paralysant sur les gens qui craignent de se trouver dans une
zone grise. En outre, du point de vue de l'application de la loi,
cela évite de lancer les procureurs de la Couronne et les policiers
sur des pistes inutiles, et de leur faire perdre leur temps.
Par conséquent, dans la mesure où il est possible de préciser l'élément moral, la mens rea, il serait utile à la fois du point de vue des libertés civiles et de celui de l'application de la loi de le faire.
M. Vic Toews: Vous proposez donc que chaque fois qu'une mesure législative crée une infraction pénale, elle précise également la norme applicable en matière d'élément moral.
M. Bryan Schwartz: Je ne m'attacherais pas autant à l'aspect formulation. La plupart du temps, n'importe quel avocat peut examiner une disposition et savoir quel est l'élément moral exigé. Il y a aussi des aspects, comme la facilitation, où le lecteur se gratte la tête et se dit que cela est nouveau et qu'il ne sait pas très bien quel est l'élément moral exigé.
Ce sont les domaines où les juristes et les non-juristes risquent de se gratter la tête que vous devez améliorer. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'adopter une formule et de préciser cela dans chaque cas.
Le président: Monsieur Mendes.
M. Errol Mendes: C'est moi qui ait suggéré de préciser l'élément moral. Je suis d'accord avec l'exposé de l'Association du Barreau canadien d'après lequel cela constitue un élément essentiel dans certains cas, pour les raisons qu'a mentionnées Bryan, mais également, parce que dans certaines situations, en particulier dans des domaines comme la facilitation, il pourrait y avoir une zone grise dans laquelle on ne saurait pas s'il suffit d'avoir l'intention de faire une contribution à un organisme de bienfaisance ou s'il faut avoir l'intention de faire une contribution à un objectif secret de cet organisme qui serait la promotion d'activités terroristes.
Comme la déclaré M. Schwartz, il faut toujours être le plus précis possible, ce qui est non seulement souhaitable pour les accusés, mais également pour les policiers.
Le président: Madame Cameron.
Mme Jamie Cameron: J'ajouterais simplement à ce qui vient d'être dit que la Constitution prévoit des normes minimales pour l'élément moral des infractions qui figurent dans le Code criminel, et les facteurs qui déterminent la nature de l'élément moral exigé par les tribunaux sont la sévérité de la peine et le stigmate qui s'attache à une condamnation. Lorsque nous parlons de nouvelles infractions terroristes sanctionnées par des peines sévères et un stigmate très lourd, je pense que les tribunaux exigeraient un élément moral assez strict, et c'est donc là un aspect auquel il faudrait prêter attention lorsqu'on examine le projet de loi et envisage de lui apporter des modifications.
M. Vic Toews: Est-ce que vous suggérez que l'élément moral devrait être l'intention spéciale, par opposition à l'intention générale, distinction que l'on retrouve avec le meurtre et l'homicide involontaire coupable?
Mme Jamie Cameron: Oui. Il me semble que, d'après la jurisprudence pénale constitutionnelle que je connais, les tribunaux exigeraient ce que l'on appelle la mens rea subjective ou l'élément moral subjectif, qui représente une connaissance ou une intention spéciale.
M. Vic Toews: Vous ne pensez donc pas que la diligence raisonnable suffirait, dans ce contexte?
Mme Jamie Cameron: Pour ces infractions, non.
Le président: Merci.
Madame Venne, vous avez sept minutes.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Bonjour.
Vous savez qu'hier, Gerry Adams, le président du Sinn Fein, branche politique de l'Armée républicaine irlandaise, a été accueilli ici par le premier ministre. À cette occasion, le premier ministre a déclaré qu'il était content de la visite de M. Adams, lequel était le bienvenu au Canada puisqu'il avait renoncé au terrorisme.
On sait, selon certaines sources, qu'il se pourrait que l'IRA, qui fut déjà désignée par le SCRS comme étant une organisation terroriste, soit inscrite sur la nouvelle liste des groupes terroristes qu'on pourrait établir en vertu du projet de loi C-36.
Ne voulant pas se prononcer sur cette question, le premier ministre a répondu ceci, et je le cite:
-
Nous considérons tous ces éléments. Nous avons un
comité qui soupèse les uns et les autres. À ce
moment, ils ne sont pas sur la liste.
Il parlait évidemment de la branche politique de l'Armée républicaine irlandaise. Et il continue en disant:
-
Si j'apprends qu'ils sont sur la liste, ils y seront.
C'est tout.
J'aimerais savoir si le fait que le premier ministre ne semble pas véritablement indisposé par le fait qu'une organisation qu'il ne considère plus associée au terrorisme puisse se retrouver inscrite sur une telle liste ne vous inspire pas quelque crainte quant au maintien du statut d'organisme de bienfaisance de plusieurs sociétés caritatives. C'est ma première question.
Le président: Monsieur Mendes.
M. Errol Mendes: C'est une hypothèse très intéressante. Nous pourrions penser à toutes sortes de situations, à Nelson Mandela, et à beaucoup d'autres personnes—mais je crois que c'est un cas où il faut examiner les possibilités théoriques, une liste d'horreurs, et aussi ce qui se passera vraiment. C'est pourquoi il est important de prévoir des garanties pour l'établissement de cette liste, comme le consentement du solliciteur général et le contrôle judiciaire.
Cela dit, je souscris également à la recommandation de l'Association du Barreau canadien selon laquelle il faudrait prévoir, si cela est possible, l'audition de l'organisme visé avant de l'inscrire sur cette liste. Je ne sais pas si cela est faisable, compte tenu des problèmes de temps et de la période qui pourrait s'écouler entre la découverte d'une menace terroriste et l'inscription sur la liste, mais s'il est possible d'aménager une sorte de contrôle avant que le nom figure sur la liste, je crois que ce serait encore préférable.
Merci.
Le président: Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Dans le cas de l'IRA, on pourrait en arriver, avec la définition actuelle, à une situation où l'on aborderait, au cours d'une instance, qu'il s'agisse d'un contrôle judiciaire ou d'un procès, toute la question irlandaise, et celle de savoir si l'Irlande a le droit de déterminer son avenir—ce qui comprend celui de l'Irlande du Nord—et le reste.
Je ne pense pas que le droit pénal devrait pouvoir donner lieu à ce genre de débat. Il y a pour moi qu'une seule question: Est-ce que l'IRA continue à utiliser la violence contre les civils? C'est la question qui devrait être dans la loi et c'est la question que devraient se poser les personnes qui sont chargées d'interpréter cette loi. En pratique, si la question se posait, j'aimerais savoir, si j'étais premier ministre, si l'IRA est encore sur la liste des organismes terroristes établie en vertu de la Loi sur le terrorisme au Royaume-Uni. Si c'est le cas, j'aimerais parler au gouvernement du Royaume-Uni et essayer de savoir pourquoi cet organisme figure sur cette liste.
Il ne m'apparaît pas anormal que les membres du gouvernement rencontrent parfois des gens qui commettent encore des actes répréhensibles et qui méritent d'être qualifiés de terroristes. Au niveau international, les gouvernements sont parfois amenés à traiter avec des régimes répressifs. Ils sont parfois obligés de négocier avec des ennemis qui utilisent des moyens inacceptables pour commettre certains actes. Au-delà de la question de savoir si les premiers ministres devraient ou non rencontrer les membres de l'IRA, j'aimerais savoir si l'IRA a renoncé à la violence pour parvenir à ses fins.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: Il faudrait effectivement déterminer dans quelle mesure l'IRA a renoncé à utiliser la violence avant de décider si cet organisme devrait figurer sur la liste, et il faudrait, bien évidemment, prévoir certaines garanties procédurales avant de prendre une telle décision.
Nous pensons également, et nous trouvons cela encore plus important, que chaque fois qu'un pays sort d'une période où il y a eu de nombreuses violations des droits de la personne—qu'il s'agisse d'actes que nous pourrions qualifier de terroristes, mais également de violations des droits de la personne commises par l'État lui-même—nous devrions exiger que les responsables de ces abus fassent l'objet d'enquête et soient traduits devant les tribunaux, et que la responsabilité à ce sujet soit assumée par tous les intéressés. Nous avons présenté cette recommandation à cause des violations des droits de la personne qui ont été commises pendant des dizaines d'années en Irlande du Nord, tant du côté de l'IRA que du côté du gouvernement du Royaume-Uni. Il n'est pas nécessaire que cela se fasse dans le cadre de ce projet de loi, mais il faut qu'il y ait une volonté générale et concertée d'assumer cette responsabilité.
Le président: Madame Cameron.
Mme Jamie Cameron: Je vais ajouter un bref commentaire, qui porte, comme je l'ai dit dans mon exposé, sur les problèmes que posent les dispositions relatives à l'établissement de la liste des groupes terroristes. Premièrement, je crois que l'absence de toute garantie procédurale risque d'entraîner des erreurs et que les organismes qui exercent des activités licites et qui se trouvent sur cette liste, auront beaucoup de mal à faire rayer leur nom de cette liste, en particulier parce qu'ils n'auront pas accès aux éléments de preuve qui les concernent.
Deuxièmement, et c'est là une conséquence que je trouve tout aussi grave, le risque d'être inscrit sur cette liste pourrait avoir un effet paralysant sur les activités légitimes d'organismes légitimes. Vous venez d'ailleurs de signaler la difficulté qu'il y a à déterminer si un groupe ou un organisme peut être qualifié de terroriste, à un certain moment.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Ce projet de loi C-36 parle de terrorisme économique. J'aimerais savoir à quoi cela rime, selon vous, le terrorisme économique, et si ce concept devrait être pris en considération dans le projet de loi.
Le président: Je peux probablement accepter une réponse dans ce délai de sept minutes. Je pense que Mme Cameron doit nous quitter. Merci beaucoup d'être venue.
Monsieur Mendes.
M. Errol Mendes: J'espérais en fait qu'on ne me poserait pas cette question, parce que je dois dire franchement que, lorsque j'ai examiné cet article, je me suis demandé ce qu'il faisait ici, parce qu'il est rédigé de façon très large. Je crois que les termes exacts sont les suivants: «Quiconque communique un secret industriel ou d'autres renseignements»—je crois que les mots sont «renseignements touchant le Canada»—«à une entité étrangère sans apparence de droit...». Je crois que c'est la formulation exacte. C'est une formulation très large et, franchement, je ne sais pas si cette disposition devrait figurer dans ce projet de loi ou dans une autre mesure législative, après avoir fait l'objet d'un examen supplémentaire. J'ai été très surpris de voir cet article dans ce projet de loi.
Le président: Merci.
Je vais maintenant passer à M. McKay pour sept minutes.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le président, je crois que je viens de manquer Mme Cameron, parce que ma première question s'adressait à elle. Je vais peut-être demander à M. Schwartz d'y répondre.
Elle a déclaré qu'une clause d'extinction permet de jouer sur les deux tableaux et reflète une certaine inquiétude sur le plan constitutionnel. La méthode qu'elle préconisait était le renvoi constitutionnel.
Ma réaction immédiate est que si l'on présente à ce moment-ci ou juste après l'adoption du projet de loi par la Chambre, une demande de renvoi constitutionnel, cela revient à demander à la Cour suprême du Canada de faire le travail du Parlement. Un renvoi ne ferait qu'attirer toute une série d'intervenants, dont la plupart ne feraient que reprendre les arguments qui ont été présentés devant notre comité. J'aimerais donc savoir si vous pensez que c'est là une préoccupation légitime.
J'allais en fait vous poser directement la seconde question, qui portait sur le lien que vous avez établi avec les États qui ont recours à la violence. Vous semblez affirmer qu'il serait possible d'appliquer ce projet de loi à des États souverains. Je ne vois pas très bien comment l'on pourrait entamer des poursuites contre un État souverain—tout en reconnaissant le caractère ambigu de la notion d'«entité», qui est peut-être l'aspect sur lequel vous vous appuyez. Même si l'on interprète le mot «entité» comme s'il comprenait un État souverain, comment pourriez-vous entamer des poursuites contre un tel régime?
M. Barry Schwartz: Ma réponse à votre première question est que je suis d'accord avec vous. C'est au Parlement du Canada et au pouvoir exécutif qu'incombe, en premier lieu, la responsabilité d'assurer le respect des libertés civiles.
Avec la Charte, on a tendance, et les universitaires ont tendance à le faire comme les autres, de se poser la question suivante: «Que diraient les tribunaux? Cette disposition serait-elle déclarée valide?» Si on leur posait la question en ce moment, les tribunaux répondraient peut-être oui à peu près à n'importe quoi, mais cela ne voudrait pas dire que la disposition en question est équitable, ni même que les services policiers aient bien agi.
En outre, si l'on renvoyait cette mesure à la Cour suprême du Canada, on inviterait ce tribunal à trancher toutes sortes de questions dans l'abstrait, sans disposer d'un contexte factuel. On aurait un jugement de 1 200 pages, mais on ne saurait pas vraiment comment il s'appliquerait aux situations réelles.
Pour ce qui est de la deuxième question, lorsque j'examine la définition d'«entité», je ne sais pas si cette définition comprend ou exclut les différentes composantes d'un gouvernement souverain. Je ne le sais pas. Je note que les forces armées sont exclues, pour plus de certitude, lorsque leurs activités sont conformes aux autres règles de droit international qui les régissent. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais le fait qu'on fasse référence à la possibilité d'appliquer cette loi aux forces armées d'un État souverain me donne à penser—ou du moins pourrait donner à penser à la personne chargée d'interpréter cette disposition—que ce projet de loi pourrait effectivement viser l'armée d'un État souverain.
• 1635
Puis-je vous affirmer que c'est le cas? Non, mais il me semble
que je voudrais que cela soit précisé. Cela m'apparaît être une
préoccupation théorique, monsieur Schwartz, mais je me demande
comment cela serait appliqué en pratique.
Cela pourrait venir d'un procureur provincial entreprenant. Je ne suis pas en train de faire une blague. Il y a, dans divers pays, des procureurs qui veulent poursuivre Henry Kissinger, qui veulent poursuivre le général Pinochet—et je ne suis même pas sûr que ce soit une bonne idée, étant donné qu'il y a eu une amnistie générale au Chili. Ce n'est pas que le général Pinochet soit un personnage particulièrement honorable, mais les intéressés en sont arrivés à une entente concrète au Chili. Il y a tout de même des procureurs qui souhaiteraient poursuivre Henry Kissinger. Il y a un procureur belge qui a essayé de poursuivre Ariel Sharon. Le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de contrôler toutes les décisions des procureurs provinciaux.
Deuxièmement, nous ne savons pas si des particuliers contesteraient, disons, le statut fiscal accordé à d'autres personnes, se verraient reconnaître la qualité pour agir. Il n'y a pas très longtemps, les tribunaux fédéraux canadiens ont décidé—et j'ai certains doutes au sujet de la qualité de cette décision—qu'un contribuable pouvait contester devant les tribunaux une décision judiciaire concernant un autre contribuable. Ces contribuables étaient ceux que l'on voyait dans cette affaire, les Bronfmans. Si c'est le cas, si les tribunaux reconnaissent facilement aux plaideur la qualité pour agir, comment être sûr que des militants politiques n'iront pas essayer de présenter une sorte de demande de contrôle judiciaire pour demander au gouvernement pourquoi il ne poursuit pas les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie ou d'autres pays?
Je suis d'accord avec Amnistie Internationale lorsque cet organisme affirme que le principe de la légalité s'applique aux États. J'aime l'idée d'un Tribunal pénal international. Je fais simplement remarquer que ce projet de loi ne devrait pas servir à contrôler les actions des États souverains. Je peux vous garantir qu'il existe des gens qui pensent que le Canada a agi illégalement lorsqu'il est intervenu contre la Yougoslavie, lorsque le Canada a participé à une intervention qui a consisté à bombarder une infrastructure civile. Est-ce que ces gens ont raison? Je ne sais pas s'ils ont raison, ou tort. Je crois qu'ils ont probablement tort; je crois que nous avons probablement agi légalement. Mais ce projet de loi ne devrait pas permettre que ce genre de question soit présentée aux tribunaux et que le gouvernement canadien soit obligé d'y consacrer ses ressources. Ce projet de loi devrait principalement viser les organismes non gouvernementaux qui ciblent les civils. Voilà ce que je pense.
Le président: Vous avez moins d'une minute, monsieur McKay.
M. John McKay: Pour revenir à votre exemple d'un procureur provincial un peu trop entreprenant, et d'ailleurs il y a en peut-être quelques-uns ici ce soir, je pense que vous allez un peu loin lorsque vous dites qu'un procureur particulièrement entreprenant pourrait donner à une mesure législative essentiellement nationale une application extraterritoriale. Pourriez-vous m'expliquer comment ce poursuivant très entreprenant pourrait, par exemple, porter des accusations contre l'État d'Israël ou faire quelque chose de comparable?
M. Bryan Schwartz: Il ne poursuivrait pas l'État d'Israël, mais il pourrait poursuivre des soldats qui ont participé à certaines actions en Cisjordanie—qui ont fait sauter une maison ou commis un assassinat ciblé contre un assassin du Hamas. Si cette personne se trouve au Canada, la plupart des critères d'attribution donnent compétence aux tribunaux canadiens sur les personnes qui sont physiquement présentes au Canada.
Est-ce que je peux vous expliquer toutes ces possibilités? Franchement, je dois vous dire que j'en suis incapable. Il existe tant de possibilités que je ne pourrais même pas commencer à vous décrire les grandes lignes de cette question. Il y a peut-être des gens qui ont davantage étudié cette question qui pourraient le faire. Mais je pense néanmoins que cela pose un risque important.
Le président: Merci.
Peter MacKay vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président, j'espère que l'enthousiasme et le dynamisme peuvent également servir à de bonnes choses.
Dans le même sens, d'après ce que j'ai compris de cette loi omnibus, le procureur pourrait être un poursuivant fédéral ou provincial et l'on peut penser que les ressources vont influencer ces décisions, notamment l'enthousiasme déployé pour intenter des poursuites.
Je vous demande de m'excuser de ne pas avoir assisté à vos exposés. Il y avait une réunion des leaders parlementaires qui a lieu tous les mardis à cette heure, et il se trouve que les réunions du Comité de la justice ont toujours lieu à cette heure là. Je me ferai un plaisir de lire vos commentaires et d'examiner plus en détail vos exposés.
Ma question, si vous me le permettez, et vous y avez peut-être déjà répondu, concerne la clause d'extinction. Nous savons tous que le premier ministre a fait preuve d'une flexibilité particulièrement rigide sur cette question. Mais si nous devons croire ce qu'il a déclaré, il va examiner les recommandations du comité, de sorte que si cela ne figure pas déjà au compte rendu, je vous invite à faire un commentaire à ce sujet.
J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez du préjudice que le projet de loi est susceptible de causer à des organismes de bienfaisance ou à des personnes qui pourraient être visés par ces dispositions très larges.
• 1640
Pour ce qui est de la surveillance ou des mécanismes d'appel,
il semble qu'ils soient vraiment insuffisants dans plusieurs
secteurs. Il semble qu'il n'y a pas grand-chose à faire lorsque le
procureur général a décidé d'imposer le secret à l'égard de
certains renseignements. On en arrive à une situation terrible où
l'on pourrait être arrêté sans qu'il y ait d'accusation, interrogé
sans savoir ce qu'on nous reproche, et il n'y aurait aucun recours.
Il n'existe ici aucun mécanisme d'appel. Je ne vois rien dans ce
projet de loi qui permette d'obtenir après-coup sa
réhabilitation—votre nom peut être inscrit sur cette liste, vous
pouvez faire l'objet de ces mesures sans avoir aucune possibilité
de rétablir votre réputation. Peu importe qu'il s'agisse d'un
organisme de bienfaisance ou d'une personne qui a été poursuivie de
cette façon.
Le président: Monsieur Mendes.
M. Errol Mendes: Je vais traiter de la clause d'extinction et Alex, je pense que vous pourrez commenter la deuxième partie de la question.
M. Alex Neve: Très bien.
M. Errol Mendes: Pour ce qui est de la clause d'extinction, je crois avoir mentionné au comité que je préférais qu'il y ait des examens annuels, et non pas uniquement un examen après trois ans, parce que si quelqu'un commet des abus, il pourrait en commettre beaucoup en six mois, sans parler de trois ans. Il est également essentiel que les parlementaires chargés de surveiller la mise en oeuvre de cette loi puissent vérifier si les diverses agences chargées de l'exécuter respectent les valeurs qui sous-tendent les principes et veillent à ce que soit respecté l'équilibre établi entre la sécurité et les droits de la personne.
Je vais vous dire franchement que je ne sais pas pourquoi l'on n'a pas accordé plus d'importance à des examens annuels, par opposition à une clause d'extinction, parce que ce genre de clause est facile à respecter pour un gouvernement majoritaire. Une fois expirée la période de trois ans, il lui suffit de réadopter la loi. Je ne comprends donc pas vraiment pourquoi on a autant parlé des clauses d'extinction.
Je recommande vivement d'incorporer à cette loi des examens annuels de façon à pouvoir vérifier que ces pouvoirs sont utilisés correctement et qu'aucun secteur de notre société n'est indûment ciblé, ce qui pourrait constituer une violation de nos valeurs fondamentale, l'égalité et l'absence de discrimination.
M. Peter MacKay: Lorsque vous parlez d'examen annuel, pensez-vous à un examen annuel parlementaire, par un comité?
M. Errol Mendes: Oui, je proposerais un comité annuel—et même peut-être un comité mixte composé de membres du Sénat et de la Chambre des communes—qui regrouperait tous les organismes concernés. Ce comité pourrait faire comparaître les commissaires chargés de la surveillance, examiner les documents décrivant la façon dont ces pouvoirs ont été exercés en vue de déterminer si le principe de la proportionnalité entre les objectifs de ces dispositions et leurs effets a été respecté. Cela pourrait également constituer une sorte de dialogue entre le Parlement et les tribunaux, parce que ces derniers auront probablement besoin de ce genre d'éléments de preuve à un moment donné.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: Je vais répondre à votre deuxième question concernant l'effet de ce projet de loi sur les organismes de bienfaisance. Il y a beaucoup d'organismes que ce projet inquiète, en particulier à cause de la portée très large qu'il donne à la notion d'activité terroriste et au danger que soient visés de nombreux organismes qui exercent des activités légitimes de revendication et de protestation.
Nous avons signalé que cette définition avait de nombreuses répercussions, et pas uniquement sur la question du statut d'organisme de bienfaisance; elle risque également d'entraîner des procès pénaux, et de s'appliquer à des personnes qui cherchent à appuyer ou à défendre ces organisations.
À ce sujet, le processus d'établissement de ces listes prévu par le projet de loi ne fournit pas à ces organismes la possibilité de répondre aux allégations qui ont été faites contre eux avant que le procureur général n'ait présenté sa recommandation au gouverneur en conseil. Ce n'est qu'une fois que sa décision a été prise, et probablement rendue publique, que l'organisme peut alors demander l'examen de la décision. Bien évidemment, celui-ci risque d'avoir déjà subi à ce moment un préjudice considérable, en particulier une atteinte à sa réputation, et il risque d'y avoir des erreurs judiciaires.
Nous avons déclaré qu'il faudrait au moins donner à ces organismes la possibilité de répondre avant que soit déclenché ce mécanisme, et de leur donner le droit, dès le départ, de connaître les faits qui leur sont reprochés, d'avoir accès à ces éléments de preuve, et l'occasion de présenter des arguments avant qu'une décision soit prise.
M. Peter MacKay: Je ne sais pas si M. Schwartz voulait intervenir.
M. Bryan Schwartz: Je dirai brièvement que je suis favorable à une clause d'extinction et à un examen annuel, parce que cela ne figure pas dans mon mémoire. Je ne l'ai pas inscrit dans ce mémoire, parce que cela risque de détourner la discussion. Nous sommes tellement obnubilés par la clause d'extinction que nous n'essayons pas vraiment de modifier ce qu'il est possible de modifier immédiatement.
M. Peter MacKay: Monsieur Schwartz, ces dispositions créent une nouvelle obligation, en particulier pour les avocats, celle de divulguer des renseignements concernant les clients—renseignements de nature financière, et renseignements qui pourraient les relier à des activités terroristes. Cela semble être incompatible avec le principe fondamental du caractère confidentiel des relations entre l'avocat et son client.
Je me pose également des questions au sujet de l'accès aux services d'un avocat. Le projet de loi semble dire que le droit de consulter un avocat est préservé, mais il faut tenir compte du fait que les services d'aide juridique sont à l'heure actuelle plutôt mal en point parce que les provinces ne les financent pas suffisamment. Il y a également le fait que les nouveaux Canadiens connaissent moins bien que les autres leurs droits constitutionnels et qu'ils n'apprécient pas toujours l'utilité de demander à des avocats de les aider à prendre des décisions dans des situations extrêmement complexes, notamment lorsqu'il y a une possibilité d'atteinte à des droits garantis par la Constitution.
Le président: Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: L'Association du Barreau canadien a effectué une étude fort utile sur la question du droit aux services d'un avocat. Je suis, à première vue, favorable à la position qu'a adoptée l'Association du Barreau canadien sur la question du secret professionnel de l'avocat.
Pour ce qui est du droit à l'assistance d'un avocat, il serait peut-être bon d'envisager—je ne sais pas si cela est prévu par le projet de loi—une position intermédiaire entre divulguer ces renseignements uniquement à un juge et les divulguer à l'accusé. On pourrait envisager, à titre de compromis, de divulguer ces renseignements à un avocat de confiance qui pourrait ensuite les commenter, sans les communiquer à son client. Je crois que cela se fait déjà aux États-Unis, mais je n'en suis pas certain.
Si l'on pouvait renforcer le caractère contradictoire du processus, même sans que les renseignements dont il s'agit soient communiqués au client, cela améliorerait l'équilibre établi entre les divers intérêts.
Le président: Merci, monsieur Schwartz. Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Toews pour trois minutes.
M. Vic Toews: Merci.
J'ai pris note du commentaire que M. Schwartz a fait tout à l'heure, selon lequel il n'est pas convaincu que les tribunaux déclareraient ce projet de loi inconstitutionnel, et j'ai tendance à être d'accord avec lui. Cela ne veut toutefois pas dire que ce projet de loi soit bien conçu sur le plan du droit et des orientations.
Il convient également de rappeler, comme je l'ai dit plus tôt, que les protections constitutionnelles sont des protections minimales et que nous devons rechercher un équilibre approprié entre les diverses orientations que peut fixer le Parlement. Le secret professionnel de l'avocat n'a jamais eu pour effet de permettre à un avocat de faciliter un acte criminel. Si cela est le but de cette disposition, on peut dire qu'elle n'apporte rien de nouveau sur ce point.
Les deux autres questions traitent des audiences d'investigation et des engagements assortis de conditions. J'ai examiné ces dispositions, et je connais les préoccupations qu'elles ont suscitées. Je ne pense pas toutefois qu'elles soient inconstitutionnelles. Sont-elles sages, du point de vue des poursuivants ou des enquêteurs... Je ne vois pas quels sont les problèmes constitutionnels que soulèvent les audiences d'investigation. Cela ressemble beaucoup au système des grands jurys américains. Toutes les garanties semblent être là.
Pour ce qui est des engagements assortis de conditions, nous utilisons cette mesure dans les cas de violence familiale où l'on craint qu'il y ait de la violence. La personne soupçonnée est placée sous garde et signe un engagement. Si elle refuse de contracter un engagement, elle peut être emprisonnée pendant une période maximale de 12 mois.
J'aimerais que M. Schwartz et peut-être d'autres réagissent à cela. Je me trompe peut-être.
M. Bryan Schwartz: Nous utilisons les audiences d'investigation dans un contexte auquel on ne pense pas souvent lorsqu'on étudie ce projet de loi, celui des enquêtes publiques. Ces enquêtes permettent de demander à toutes sortes de personnes de témoigner au sujet de toutes sortes de choses.
Comme vous le savez probablement, monsieur Toews, je suis assez critique des enquêtes publiques, parce qu'elles portent atteintes aux libertés civiles. Mais cela ne veut pas dire qu'elles soient inconstitutionnelles. Je pense simplement qu'il faudrait les utiliser moins souvent et mieux définir le domaine sur lequel porte leurs travaux. Je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que le mécanisme de l'investigation soit inconstitutionnel.
Si vous le souhaitez, je pourrais vous parler d'un secteur qui me paraît un peu problématique, même si je pense que les tribunaux n'interviendraient pas. Il s'agit du renversement du fardeau de la preuve en matière de cautionnement. Mais je ne voudrais pas aller au-delà de votre question et aborder cet autre sujet.
M. Vic Toews: Non, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Bryan Schwartz: Il me semble qu'étant donné que l'on peut être emprisonné pendant très longtemps après avoir fait l'objet d'accusations—disons des accusations terroristes—l'accusé pourrait rester en prison pendant des années avant de subir son procès, à cause de la complexité de l'accusation.
C'est un mécanisme qu'il convient de réserver aux cas exceptionnels—le renversement du fardeau de la preuve en matière de cautionnement. Ce mécanisme a été déclaré valide dans les affaires de stupéfiants. La Cour suprême du Canada a déclaré que les trafiquants appartenaient en général à des groupes internationaux. Il semble, d'après la recherche sociologique que j'ai examinée, que cela ne soit pas le cas. La plupart des trafiquants de drogue sont en fait de petits criminels. Ce sont des hommes d'affaires qui vont en Thaïlande et qui font en plus un peu de trafic.
En 1994, le Comité ontarien sur la discrimination systémique dans l'administration de la justice en Ontario a constaté que la clause de renversement du fardeau de la preuve avait entraîné un grave déséquilibre racial en Ontario. Ils ont parlé de divulgation complète.
J'ai défendu les Manitoba Warriors, des accusés qui ont attendu en prison plusieurs années la tenue d'un procès fort complexe portant sur des accusations d'appartenance à un gang. Je ne pense pas qu'il était équitable de leur imposer le fardeau de démontrer qu'il fallait les libérer sur cautionnement.
M. Vic Toews: Et pourtant, cela n'était pas inconstitutionnel.
M. Bryan Schwartz: Cette question n'a pas été soumise aux tribunaux. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, sauf pour de très brèves périodes, peut-être, d'avoir ce renversement du fardeau de la preuve. Si l'État, qui a accès à toutes sortes de renseignements, ne peut démontrer en quelques semaines pourquoi l'accusé doit demeurer en prison en attendant son procès, je ne pense pas que cette personne devrait s'y trouver à cause de l'application d'une clause de renversement du fardeau.
Je crois que les tribunaux refuseraient sans doute d'intervenir, mais c'est un point sur lequel un législateur prudent souhaiterait peut-être réduire la portée de ces dispositions.
Le président: Merci.
M. Neve veut répondre à cela, et ensuite, monsieur Owen.
M. Alex Neve: Nous avons examiné la question des audiences d'investigation et de la garde à vue, pas d'un point de vue constitutionnel ou axé sur la Charte, mais d'un point de vue international, en tenant compte des obligations internationales qui lient le Canada dans le domaine des droits de la personne. Ce sont deux domaines qui ont amené les organismes qui défendent les droits de la personne à examiner de façon méticuleuse les pratiques utilisées par les États, parce qu'il y a eu des cas où les risques d'abus étaient très grands. On recourt facilement dans ce genre de contexte à la torture et aux mauvais traitements, ainsi qu'à d'autres formes de coercition.
Nous avons examiné la question des audiences d'investigation. Il nous est apparu que le principal danger que posait ce mécanisme était que les individus n'étaient plus protégés contre leur propre témoignage. C'est une atteinte grave, et au niveau international, c'est un droit qui a été jalousement préservé par les organismes internationaux des droits de la personne, qui y voient un des piliers de la justice pénale.
Pour ce qui est de la garde à vue, ma question était de savoir dans quel délai les personnes gardées à vue seraient traduites devant un juge. Nous avons constaté que les garanties prévues par ces dispositions semblaient tout à fait suffisantes.
Dans les deux cas, nous avons tenu compte du fait que ce projet de loi serait certainement examiné par d'autres pays et peut-être adopté par eux. Il ne faudrait pas oublier qu'il est très possible que certaines dispositions de ce projet de loi seront peut-être adoptées par les pays où la probabilité d'abus graves dans ce genre de contexte est très réelle.
Le président: Merci.
J'excuse monsieur Mendes. Je crois que c'est ce qu'il souhaite.
M. Errol Mendes: Puis-je faire un dernier commentaire?
Je suis d'accord avec Alex, mais je ne peux accepter que l'on dise que les tribunaux vont très certainement suivre les volonté du Parlement, etc. En tant qu'officier judiciaire, je me dois de me porter à la défense des tribunaux et de dire qu'ils n'approuvent pas automatiquement les mesures prises par le Parlement du Canada.
Je pense qu'ils vont examiner très soigneusement les trois critères de la proportionnalité. Ils ont peut-être avoir de la difficulté avec les effets de ces dispositions, qui constituent le troisième critère de la proportionnalité. Je me dois de défendre les tribunaux sur ce point et dire que je ne pense pas qu'ils vont confirmer aveuglément les mesures que nous proposons.
Le président: Merci.
Monsieur Owen.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Je remercie tous les témoins d'être ici, y compris M. Mendes. J'espère qu'il peut rester avec nous encore un instant. Nous n'avons pas beaucoup de temps et il nous en faudrait beaucoup pour absorber toute votre expérience.
Je voudrais faire quelques commentaires qui vous inciteront peut-être à y répondre. La catégorisation idéologique dont a parlé Mme Cameron est une idée intéressante qui touche les motifs idéologiques, religieux et politiques. En fait, cette disposition vise les personnes qui sont animées par la volonté d'intimider la population en commettant des crimes très graves. Le but est donc de créer une catégorie dans ce sous-ensemble d'objectifs qui amènerait les gens à tenter d'intimider la population en commettant des crimes très graves; je peux comprendre comment cela peut vous inquiéter; je le comprends fort bien.
• 1655
Je me demande si l'adoption d'une clause interdisant la
discrimination, d'une disposition de l'article qui contient les
définitions qui indiquerait pourquoi le législateur tient compte du
but recherché, pourrait avoir une certaine utilité.
Clause d'extinction ou non, est-ce... est-ce que peut-être... monsieur Mendes, étant donné que les tribunaux pensent que la justice n'est pas une notion statique, je me demande si les tribunaux n'auraient peut-être pas tendance à confirmer la constitutionnalité de certaines dispositions s'ils savaient qu'elles faisaient l'objet d'une clause d'extinction? Voilà une question.
Le problème que posent les listes et l'injustice qui peut en découler, un problème que nous essayons tous de résoudre et que vous avez soulevé, est qu'il faut souvent bloquer rapidement les produits de la criminalité, un des aspects visés par ce projet de loi. Il faudrait un mécanisme qui permette à la fois d'avertir l'organisme concerné et qui prendrait effet immédiatement; cela ne semble pas facile à imaginer.
Sur le plan international, en particulier pour ce qui est du Royaume-Uni, Amnistie Internationale a très souvent critiqué l'usage de l'assassinat préventif des agents de l'IRA par les forces de sécurité. La détention préventive est un mécanisme légal, de portée très limitée, assorti de contrôles, et qui vise à éviter de placer les forces de sécurité dans une situation où elles font face à des conséquences imminentes et très graves si elles agissent de façon illégale, voire même après avoir reçu des instructions leur demandant d'agir illégalement dans ce genre de cas.
Monsieur Schwartz, pour ce qui est du droit international coutumier et conventionnel, je crois que l'objectif recherché—et vous l'avez peut-être constaté vous-même—par cette exemption était d'exclure les participants à un conflit armé susceptible d'être visé par la définition que donne le droit international d'une lutte légitime contre l'oppression. Cette exemption pourrait également découler de l'interdiction que fait le droit pénal de prendre comme cible des non-combattants, comme vous l'avez mentionné, et cela s'appliquerait aux États ainsi que, je pense, aux...
Le président: Merci, Monsieur Owen. Il y a des questions qui s'adressent à M. Mendes, qui doit nous quitter; nous allons donc lui donner la parole en premier.
M. Errol Mendes: Merci, Stephen, d'avoir posé cette question.
Pour ce qui est d'ajouter à la définition de «terroriste» une disposition interdisant la discrimination, je dirais que cette définition s'inspire largement de la définition d'activité terroriste adoptée en Angleterre. J'ai un peu de mal à comprendre la raison pour laquelle nous l'avons adoptée parce qu'elle tend à limiter—et je crois que Irwin Cotler l'a fait remarquer...
Le président: Il est ici. Nous pourrions peut-être le lui demander.
M. Errol Mendes: Il suffit de parler du loup, comme dit le proverbe.
Une voix: Voilà qui vous empêchera de déformer ses propos.
M. Errol Mendes: Tout à fait.
Irwin Cotler a fait remarquer que, d'une certaine façon, cette disposition pouvait limiter la portée de la notion de terrorisme. Par exemple, on peut se demander si la haine peut constituer un «but... de nature politique, religieuse ou idéologique». La plupart des pirates de l'air du 11 septembre étaient motivés par la haine. Dans quelle catégorie faut-il classer cela?
Je suis d'accord avec mon collègue, M. Cotler, lorsqu'il dit que cette disposition est susceptible de limiter la portée de la définition. Il serait peut-être préférable de suivre la suggestion d'Irwin, qui consiste à voir dans cette disposition un élément inclusif, ou de la supprimer complètement. Cette définition est suffisamment large sans cet ajout.
Je voudrais dire une dernière chose avant de partir au sujet de la clause d'extinction. Le désir d'inclure une clause d'extinction s'explique en partie par le souci de suivre les précédents américains, notamment, mais je vous invite à tenir compte d'un autre aspect. Jusqu'ici, on a arrêté, aux États-Unis, plus de 1 000 personnes avec ces dispositions. Cela pourrait fort bien dire qu'on a arrêté 1 000 personnes, ou du moins 900 personnes, de trop et je pense qu'une clause d'extinction qui se déclencherait dans trois ans ne pourrait remédier à cette situation. Ce qui est urgent, d'après moi, c'est de mettre en place un mécanisme d'examen annuel, qui pourrait fournir au comité et au Parlement tout entier des données relatives à la mise en oeuvre de cette loi en vue de décider, dans deux ou trois ans, s'il faut ajouter une clause d'extinction.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: Tout d'abord, rapidement, sur la question de la catégorisation, nous n'avons pas pris position sur l'opportunité d'inclure dans la définition la notion de but idéologique, religieux ou politique. Nous avons pris note des préoccupations qu'ont exprimées de nombreux organismes et individus au sujet du risque que l'on cible, de façon disproportionnée, certains groupes, en particulier les groupes ethniques ou religieux.
• 1700
L'idée d'une clause interdisant la discrimination me semble
bonne. Je dirais spontanément que cela m'amène à la deuxième
question qui consiste à déterminer si cette disposition est
efficace et appliquée ou s'il faudrait confier cette évaluation à
la Commission canadienne des droits de la personne ou à un autre
organisme comparable. Il faudrait que l'application de cette
disposition fasse l'objet d'une surveillance constante, peut-être
même de nature judiciaire, de façon à nous assurer qu'elle n'est
pas discriminatoire en pratique, et non pas seulement en droit.
Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que l'arrestation préventive est nettement préférable à l'assassinat préventif. Nous avons présenté des commentaires au sujet de l'arrestation préventive, mais nous ne nous y sommes pas opposés et nous avons d'ailleurs noté que le droit international ne l'interdisait pas. Bien entendu, le droit international exige que toutes les garanties reconnues par la communauté internationale et qui s'appliquent à l'arrestation et à la détention, s'appliquent également à l'arrestation préventive, puisque c'est une forme d'arrestation.
Notre principal souci est de veiller scrupuleusement à ce que les garanties existantes soient respectées. Là encore, je l'ai déjà mentionné, il ne faut pas oublier que la pratique et le droit canadiens sont souvent pris comme modèles à l'étranger. Cela est particulièrement vrai à un moment où la communauté internationale s'apprête à adopter rapidement des mesures législatives de ce genre. Nous devons donner le meilleur exemple possible.
Le président: Et pour terminer, monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Je vais essayer d'être très bref.
Je suis en faveur de créer des sous-catégories dans la définition du terrorisme. Je suis d'accord avec vous, monsieur Owen. On pourrait effectivement dire que tous les actes de violence sont des actes terroristes, mais ce serait manquer la cible. Cela créerait de la confusion et entraînerait un gaspillage de nos ressources. Il n'est pas nécessaire, d'après moi, d'adopter une disposition interdisant expressément la discrimination, parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique automatiquement à l'interprétation de ce projet de loi, tout comme la Charte. Je ne crois pas qu'une clause d'extinction convaincrait les tribunaux de confirmer la validité de cette disposition.
La Cour suprême du Canada a retenu le principe de précaution dans un autre contexte que celui du droit de l'environnement, qui permet parfois de prendre des mesures plus agressives lorsque le décideur ne possède pas tous les éléments pertinents.
Je persiste à croire que la référence au droit international coutumier et conventionnel va causer toutes sortes de problèmes. Il est peut-être clair dans votre esprit, monsieur, qu'il ne faut pas viser les civils. Il existe de nombreuses organisations terroristes qui n'en sont pas aussi sûres. Si ces organisations sont poursuivies, elles vont utiliser le procès comme une tribune pour défendre la cause des Kurdes, la cause de l'IRA ou la cause palestinienne et détourner l'attention de ce qui devrait être une question simple et claire découlant de la définition du terrorisme qu'utilise le département d'État américain: activité des organismes non gouvernementaux qui utilisent la violence contre les civils pour une fin politique. C'est la définition qu'il faudrait retenir.
Le président: Peter MacKay.
M. Peter MacKay: J'aimerais poser une très brève question sur un point qu'ont soulevé M. Schwartz et mon collègue M. Toews. Il concerne le cas où une personne qui comparaît à une audience d'investigation ou qui est gardée à vue, décide de ne pas témoigner. Elle tente d'invoquer son droit de garder le silence même s'il a été supprimé, après quoi, le juge de la Cour provincial va lui dire, très bien, nous allons vous détenir jusqu'à ce que vous vous décidiez à parler ou à apporter les preuves que nous vous avons demandées.
Selon les règles du cautionnement, les dispositions relatives à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire du Code criminel, il existe des mécanismes qui permettent de ramener l'accusé devant un juge. À ce moment-là, si la situation a changé, si l'on a découvert de nouvelles preuves, si quelqu'un a changé d'idée, il existe au moins une façon officielle de réviser la décision de détenir cette personne. Je ne vois rien de cela dans les dispositions du projet de loi qui ne mentionnent pas non plus le critère à appliquer, celui de l'intérêt public ou du risque de fuite, le critère traditionnel. Cela vous inquiète-t-il?
Le président: Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Oui. Je crois que vos inquiétudes sont tout à fait fondées. Le précédent qui vient à l'esprit est celui des États-Unis, où il y a eu de nombreuses personnes qui ont été emprisonnées pour outrage au tribunal parce qu'elles ont invoqué, disons, le secret professionnel du journaliste. Une situation kafkaïenne, parce que la personne condamnée pour outrage pourrait être emprisonnée pour une durée illimitée.
Je crois que l'idée d'un examen périodique est positive, elle peut être également conjuguée à une détention dont la durée serait limitée. Si la personne n'a pas répondu aux questions après x mois, un an, il serait peut-être bon de prévoir une limite à ce processus. Il ne semble guère civilisé de détenir quelqu'un indéfiniment, même s'il s'agit de lutter contre un problème très grave.
Le président: Monsieur Neve.
M. Alex Neve: Dans notre mémoire, nous critiquons vivement les dispositions relatives à l'auto-incrimination. Nous nous opposons à tout ce qui pourrait porter atteinte à ce droit, que nous considérons, sur le plan international, comme un droit qui doit être très efficacement protégé. Je reviens encore une fois sur l'idée que nous offrons là au monde entier un modèle et un exemple et il est donc très important d'éviter toute disposition qui restreindrait la protection accordée à ce droit qui constitue une garantie contre toutes sortes de choses, notamment les mauvais traitements et la torture infligés aux détenus.
M. Peter MacKay: Je vous prie de m'excuser au cas où cette question aurait déjà été posée, mais la formulation actuelle de la facilitation du terrorisme soulève d'après moi un problème. Je ne sais pas si cela a été fait intentionnellement ou non, mais la disposition qui énonce «Il n'est pas nécessaire... que l'intéressé sache qu'il se trouve à faciliter» me paraît incompatible avec le reste de la loi. Au paragraphe 83.01(2) à la page 15, on peut lire «Il n'est pas nécessaire pour faciliter une activité terroriste que l'intéressé sache...». Dans le reste du projet de loi, les dispositions exigent l'élément moral—c'est-à-dire qu'il faut démontrer que l'accusé avait connaissance de certaines choses. Cette disposition semble autoriser des poursuites contre la personne qui facilite, sans le savoir, une activité terroriste.
Le président: Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Selon mon interprétation—et cela serait inutile si le projet de loi était plus explicite—cette disposition s'appliquerait à un membre d'Al-Qaïda qui fait partie d'une cellule mais qui n'est informé de rien; il ne serait pas obligé de savoir dans quel avion sera placé la prochaine bombe pour pouvoir être poursuivi. Je suis d'accord avec cela. Je suis convaincu, que cela soit implicite ou explicite—et ce serait sans doute préférable que cela soit précisé—qu'il faut savoir que l'on facilite les activités d'une organisation terroriste. Je suis également d'avis qu'il n'est pas nécessaire de connaître tous les détails de ces activités.
Si la formulation n'est pas suffisamment claire sur ce point—et cela est bien possible—je crois qu'il faudrait la modifier, et cela me paraît faisable.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Est-ce que M. Neve ou quelqu'un d'autre veut intervenir?
M. Alex Neve: Je n'ai rien à ajouter.
Le président: De retour à monsieur McKay.
M. John McKay: Je voulais demander aux représentants d'Amnistie Internationale s'ils avaient réfléchi à la façon d'améliorer l'établissement de cette liste, puisque le projet de loi contient des dispositions qui prévoient ce mécanisme. Franchement, compte tenu de la façon dont le projet de loi a été rédigé, je ne vois pas comment cela pourrait être évité. On nous a répété un nombre de fois incalculable que cette liste donnera lieu à des erreurs. Ce n'est pas une possibilité lointaine mais pratiquement une certitude.
Vous avez fait allusion à une sorte de procédure préalable à l'inscription d'une entité sur cette liste. J'aimerais savoir comment vous voyez cela, étant donné que l'État souhaite, et cela est très légitime, protéger ses propres renseignements, ses sources de renseignements, etc. Comment pensez-vous que cela pourrait se passer? À quoi ressemblerait ce modèle?
M. Alex Neve: Nous avons recommandé l'adoption d'une disposition permettant à l'entité concernée de répondre aux allégations faites contre elle avant qu'une décision définitive soit prise à son égard. Je sais que certains craignent qu'une telle disposition compromette l'efficacité des mesures visant à bloquer les fonds d'une telle entité. Je n'ai pas de réponse précise à ce genre d'objection, sinon que l'on pourrait prévoir une exception autorisant le blocage provisoire des fonds, en attendant la décision. Je ne suis pas un spécialiste de cette partie du projet de loi et je ne sais pas si cela pourrait fonctionner, mais c'est peut-être un début de solution.
Pour ce qui est de l'étendue des renseignements qui devraient être fournis à l'entité visée par certaines allégations, nous avons toujours pensé—et cela ne vise pas uniquement ce mécanisme particulier mais aussi toutes les étapes des instances judiciaires—que la divulgation des preuves devait être la plus complète possible. Bien souvent, dans les autres pays, nous avons exprimé notre inquiétude en raison de la fréquence avec laquelle les autorités invoquaient la sécurité nationale, bien souvent de façon inappropriée ou même en vue de faciliter la répression, dans le but de limiter les renseignements fournis à l'accusé avant son procès.
• 1710
Cela ne veut pas dire que nous nous opposons à l'idée
d'utiliser des résumés lorsque cela est justifié. Il est très
possible que cet usage soit justifié dans ce genre de situation. Si
nous parlons des renseignements qui devraient être fournis à
l'entité susceptible d'être visée par une décision définitive, il
faut lui communiquer le plus de renseignements possibles, tout en
reconnaissant que certains devront peut-être être résumés de façon
à protéger leurs sources.
Le président: Merci.
Monsieur Cadman à vous.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
L'idée d'une clause d'extinction, qui nous a été présentée un nombre incalculable de fois depuis quelques semaines, inquiète beaucoup les agents de police de première ligne. M. Toews y a fait allusion. Les policiers s'y opposent. Ils craignent que... Ils nous ont dit que ces enquêtes prenaient des années et des années et qu'ils craignaient que le déclenchement de la clause d'extinction ait pour effet d'annuler leurs enquêtes.
Premièrement, pensez-vous que les policiers aient raison de s'inquiéter parce que cette clause risque de compromettre les poursuites et les enquêtes? Si tel est bien le cas, que pourrions-nous faire pour éviter ces conséquences?
M. Bryan Schwartz: La Loi sur les banques actuelle énonce que les banques doivent cesser d'exercer leurs activités après cinq ans, si une nouvelle loi n'est pas adoptée. La réalité est que le Parlement ne va pas, par son inaction, obliger les banques à cesser leurs opérations. L'idée est d'obliger le Parlement du Canada à suivre l'évolution de la finance internationale.
Pour ce qui est du projet de loi, il n'est pas raisonnable de penser que le Parlement n'interviendrait pas pour préserver les éléments essentiels de cette loi. Une clause d'extinction aurait l'effet salutaire d'obliger réellement le Parlement à examiner cette loi. Si l'on veut vraiment obliger le Parlement à le faire, c'est une méthode beaucoup plus efficace que de prévoir un simple examen.
Je pense que les poursuites entamées avant le déclenchement de la clause d'extinction seraient valides. Les preuves obtenues légalement à ce moment seraient également valides. Il est très possible qu'une telle situation soit gérable, parce que l'on pourrait formuler dans ce but le deuxième projet de loi qui s'appliquerait après la période prévue, il y a également des principes juridiques selon lesquels les mesures qui ont été prises légalement à une certaine époque le demeurent par la suite.
Le président: Des commentaires, monsieur Neve?
M. Alex Neve: Non, je vous remercie.
Le président: Monsieur McKay.
M. John McKay: J'aimerais revenir, monsieur Neve, sur les listes et vous posez une petite question à ce sujet.
Une des idées qui ont été présentées concernait la création d'une catégorie spéciale d'avocats qui auraient accès aux éléments de preuve mais qui ne pourraient les communiquer à leur client. J'ai du mal à voir comment cela pourrait fonctionner, étant donné la relation qui existe traditionnellement entre l'avocat et son client.
Que pensez-vous de cette idée qui permettrait de protéger les sources, tout en fournissant aux intéressés une occasion équitable de répondre à des allégations pouvant donner lieu à l'inscription sur la liste?
M. Alex Neve: Je crois que c'est M. Schwartz qui a fourni cet exemple. Je ne le connais pas très bien. Je crois qu'il l'a présenté à titre de suggestion, de compromis possible, et cela pourrait effectivement en être un.
Je reconnais que cette idée soulève immédiatement des questions au sujet de la relation avocat-client, étant donné que l'avocat disposerait de renseignements qu'il ne pourrait transmettre à son client. Il serait bon de mieux connaître comment cela se passe aux États-Unis, de façon à éviter que cette pratique ne compromette la relation avocat-client. Ce n'est pas une proposition que nous avons nous-mêmes présentée.
Notre position est qu'il faut continuer à protéger le droit aux services d'un avocat et d'établir avec lui une relation efficace. L'idée que l'avocat puisse disposer de renseignements que son client ne possède pas me gêne un peu. Je pense que des résumés des preuves, bien rédigés, qui pourraient peut-être être surveillés par... Aux États-Unis, on a créé un comité d'experts indépendants composé de juges éminents et d'autres personnes, qui examine de façon très attentive la question de la divulgation des renseignements. On pourrait peut-être également penser à un modèle de cette nature, qui ne porterait pas atteinte à la relation entre l'avocat et son client.
M. John McKay: Est-ce que Amnistie Internationale a pensé que ce projet de loi pourrait s'appliquer à ses propres activités?
M. Alex Neve: Absolument. Et il y a beaucoup d'organisations qui travaillent dans le domaine des droits de la personne ou qui s'occupent de questions sociales très diverses, comme les syndicats, qui l'ont également pensé. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous intéressons beaucoup à la définition d'activité terroriste proposée ici.
Il est rare que nos activités soient de cette nature ou prennent une telle importance, mais il est évident qu'il y a beaucoup d'autres organismes avec qui nous travaillons qui exercent publiquement des activités dont on pourrait dire qu'elles perturbent certains services essentiels mais qui, d'après nous, ne sont absolument pas terroristes. Cela vaut pour le Canada, et bien souvent pour l'étranger. C'est pourquoi nous estimons qu'il faudrait considérablement améliorer cette définition.
Le président: Merci, monsieur Neve.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est des organismes de bienfaisance, je note que le projet de loi semble prévoir un appel devant les tribunaux. Il fournit au moins un mécanisme qui permet de réviser l'inscription sur la liste ou la mesure prise. On ne retrouve pas toutefois cette discrétion judiciaire dans les autres mécanismes de surveillance. Par exemple, pour ce qui est de la délivrance d'un certificat ministériel, le procureur général peut décider, pour des raisons de sécurité nationale ou de réputation internationale, de ne fournir aucun renseignement.
Quels sont les autres mécanismes de surveillance que nous pourrions créer, à l'exception des hauts fonctionnaires du Parlement, qu'il s'agisse du commissaire à la vie privée ou à l'information, ou dans certains cas, du vérificateur général? Êtes-vous favorable à la création—ou à l'invention ici—d'un comité de surveillance parlementaire, qu'il s'agisse d'un comité parlementaire mixte ou d'un nouveau poste qui offrirait au moins un recours, une possibilité, un genre d'ombudsman, qui aiderait les personnes qui estiment avoir fait l'objet sans raison d'allégations, de façon explicite ou non, en vertu de ce projet de loi.
M. Alex Neve: Nous avons examiné cela de plusieurs points de vue, dont l'un était le pouvoir d'interdire la divulgation de renseignements, ce pouvoir absolu et très large auquel vous avez fait allusion. Nous nous posons des questions précises au sujet des motifs susceptibles d'entraîner la non-divulgation de certains renseignements, et en particulier, au sujet du fait que les relations internationales fassent partie de cette liste.
Nous reconnaissons tout à fait que la sécurité publique, la sécurité nationale et le danger pour la population sont des motifs valides. Ces motifs sont reconnus en droit international et peuvent justifier que l'on apporte des restrictions à certains droits. La notion de relations internationales est très vague et il est difficile de savoir ce qu'elle recouvre; elle n'est pas non plus reconnue comme un motif pouvant justifier ce genre de mesure.
M. Peter MacKay: Elle n'est pas reconnue par d'autres pays? Ce n'est pas, par exemple...
M. Alex Neve: Non. Les traités internationaux et les documents concernant les droits de la personne qui décrivent les protections applicables au procès, par exemple, garantissent le droit à la divulgation complète des preuves, le droit de répondre aux preuves présentées contre vous, etc., tout en reconnaissant qu'il est parfois justifié d'apporter des restrictions à ces droits au nom de la sécurité internationale, de la sécurité publique, ou en cas de danger pour la population. Ces documents ne mentionnent aucunement les relations internationales comme étant un motif pouvant justifier ce genre de restrictions.
M. Peter MacKay: Vous dites que cette expression est trop vague.
M. Alex Neve: Notre première recommandation serait donc de la supprimer. Les relations internationales ne devraient pas figurer dans la liste des motifs justifiant des restrictions à la tenue d'un procès équitable.
Si l'on passe maintenant à la question de la surveillance, je dirais que nous sommes effectivement favorables à un mécanisme de surveillance. Certaines entités existantes—le commissaire à la vie privée, le commissaire à l'accès à l'information—ont vu leurs pouvoirs considérablement réduits par ce projet de loi. Il suffirait peut-être de redonner à ces entités les capacités et les attributions qu'elles possédaient auparavant et grâce auxquelles elles pourraient faire ce à quoi vous faites allusion.
Le président: Merci.
Monsieur Schwartz, vouliez-vous également intervenir sur ce point?
M. Bryan Schwartz: Oui.
Ma préférence—dans la mesure où l'on ajouterait des recours et des possibilités d'appel—irait aux tribunaux, parce que, avec une décision favorable, la question est réglée de façon définitive. Un ombudsman et un comité de surveillance n'auraient pas le pouvoir d'annuler la décision contestée. Ce genre de mécanisme aurait pour désavantage de créer l'illusion d'une légitimité, l'illusion qu'il est effectivement possible de faire examiner une décision, alors qu'en fait, ce mécanisme n'offre aucun recours.
Je ne m'oppose donc pas à des recours supplémentaires, mais bien souvent, ils ne remplacent pas de façon adéquate le décideur—c'est-à-dire, le juge—qui a le pouvoir d'annuler un certificat.
Le président: Merci.
Monsieur Owen.
M. Stephen Owen: Je remercie M. Schwartz en particulier, parce qu'il a mentionné le mémoire de l'ABC.
L'ABC s'inquiète beaucoup de l'effet que ces dispositions pourraient avoir sur les rapports entre les avocats et leurs clients. Bien sûr, ce n'est pas une chose complètement nouvelle; cela figurait dans la Loi sur le blanchiment d'argent et cela est maintenant étendu au terrorisme et aux produits de la criminalité.
Il me semble—et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus—que le problème vient du fait que la relation traditionnelle qui existait entre l'avocat et son client s'est développée dans le cadre d'un processus judiciaire, mais la pratique du droit s'est tellement élargie que, bien souvent, les avocats accomplissent des tâches que pourraient fort bien exécuter un agent financier. Il y a donc d'un côté l'élargissement de la pratique des avocats, ce qui est une bonne chose pour le Barreau, mais cela s'accompagne, de l'autre, d'une menace pour un privilège qui devait s'appliquer à une pratique traditionnellement beaucoup plus étroite.
Évidement, c'est parce que le secret professionnel de l'avocat s'applique à l'ensemble de ses activités, que cela crée une difficulté lorsque l'on cherche à mettre un terme au blanchiment d'argent ou au financement des activités terroristes. Je me demande si vous avez des commentaires à faire sur ce point.
M. Bryan Schwartz: Oui. Je ne prétends pas être suffisamment rapide ou sage pour vous fournir toutes les réponses à cette question, mais il semble qu'il faudrait faire preuve de davantage d'imagination et ne pas considérer la pratique uniquement d'une façon globale, mais en tenant compte du fait que l'avocat qui défend un terroriste doit être mieux protégé que lorsqu'il agit en tant qu'agent financier ou en tant qu'agent de transfert de biens.
Pour revenir à une suggestion que j'ai faite plus tôt, je ne dis pas que l'avocat qui examine des renseignements sans en faire part à son client entretient avec lui un type de relation traditionnelle, mais cela est préférable à la situation où personne de votre côté ne peut prendre connaissance de ces renseignements, et que ces derniers sont réservés au juge. Nous n'avons pas encore fait ce genre de chose, mais comme vous l'avez dit, à des situations extraordinaires, il faut trouver des solutions extraordinaires. Il me paraît possible d'en arriver à un équilibre entre la sécurité publique et le rôle des avocats qui devrait être meilleur que celui que propose ce projet de loi.
M. Stephen Owen: Il contient des dispositions concernant des communications interceptées qui autorisent les avocats de l'accusé à avoir accès aux transcriptions sans pouvoir les communiquer à leurs clients.
Le président: Merci.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Je pensais bien que vous réagiriez à la définition du terrorisme comme je l'avais pensé. D'après la grande majorité des témoignages que nous avons entendus, cette définition a une portée beaucoup trop large, en particulier la disposition qui figure à la page 13 et qui parle de «au nom d'un but, d'un objectif d'une cause de nature politique, religieuses ou idéologique».
Je pense que n'importe quel procureur le moindrement avisé éviterait soigneusement d'avoir recours à cet article et utiliserait ce que j'appellerais, faute de mieux, les dispositions normales du Code criminel. Porter des accusations de meurtre, de méfait ou de trahison et établir l'infraction reprochée me paraît beaucoup plus efficace et conforme au Code criminel actuel qu'avoir à assumer le fardeau supplémentaire de prouver l'élément moral, de prouver l'intention derrière l'acte commis.
Cela paraît élégant, cela attire l'attention et donne l'impression de faire davantage pour lutter contre le terrorisme, mais je soupçonne que, sur le plan pratique, cette disposition n'aura pas beaucoup d'effets dans la lutte contre le terrorisme. Pourquoi demander à la Couronne de prouver un élément supplémentaire?
Monsieur Schwartz.
M. Bryan Schwartz: Je continue tout de même à penser que cette catégorisation est appropriée ici; si l'on n'utilise pas un critère du terrorisme qui est conforme au bon sens et à l'idée que s'en fait la population, les gens vont se demander pourquoi on n'utilise pas ces dispositions contre le crime organisé et ce genres de choses. Je crois que cette catégorisation est en fait utile dans ce cas.
En pratique, bien souvent lorsqu'un article est difficile à établir—comme les dispositions antigang—on porte une accusation en vertu de cet article, ce qui place le procureur dans une position très favorable pour faire un marchandage de plaidoyer.
Je vous dirais franchement que je ne pense pas qu'il soit bon de porter une accusation aggravée dans le seul but d'intimider l'accusé mais il se pourrait qu'en pratique, les procureurs porteront de nombreuses accusations qui, grâce aux dispositions supplémentaires prévoyant le renforcement des peines dont l'application est déclenchée par les infractions des terroristes, vont faciliter le marchandage de plaidoyers.
Si vous me permettez, je vais essayer de vous présenter le plus rapidement possible les questions que je me pose au sujet des définitions, parce que vous n'étiez pas ici quand j'ai abordé certains aspects. Je ne vais pas aller dans les détails.
Je m'inquiétais des aspects reliés aux libertés civiles, de la désobéissance civile sans violence, de la référence au droit coutumier et international, parce que je crois que cela va compliquer les procès—tout comme les craintes que vous avez exprimées au sujet d'un but politique ou idéologique. Je crains fort que la référence au droit coutumier et international ne détourne l'attention de ce qui devrait être la seule question à examiner: celle de savoir si un organisme non gouvernemental a ciblé des civils au nom d'une cause.
Troisièmement—et je vais essayer de le dire très rapidement—je pense qu'il faudrait modifier ce projet de loi pour indiquer clairement qu'il ne vise pas les activités gouvernementales. Peut-être qu'il les vise, peut-être qu'il ne les vise pas. Je ne pense pas qu'il puisse être mauvais de le préciser. Nous pourrions aboutir à des situations délicates si des procureurs ou des militants politiques essayaient de cibler des soldats américains, israéliens ou britanniques qui se trouvent au Canada ou ciblent des personnes qui lèvent des fonds pour le Royaume-Uni, les États-Unis ou Israël et qui essayeraient ensuite d'en faire un procès politique au cours duquel ils tenteraient de démontrer que ces gouvernements ont agi de façon illégale.
Voilà en deux mots quelles sont mes préoccupations.
M. Peter MacKay: Simplement sur votre première remarque, lorsque vous parlez d'«accusation aggravée» ou que vous parlez de la peine qui en découlerait, vous faite référence au fait que le tribunal peut infliger des peines consécutives. Je pense que, dans le cas d'une accusation de meurtre ou de haute trahison, la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité.
M. Bryan Schwartz: Non, il y a des dispositions qui traitent des peines consécutives et des peines incompressibles qui pourraient être utiles au poursuivant qui ajouterait une accusation de terrorisme à la peine habituelle.
Le président: Merci, monsieur Schwartz et monsieur MacKay.
Monsieur Lee vous disposez de trois minutes.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
C'est sans doute un point très précis, mais puisque nous avons des experts juridiques ici, je me demande si vous avez lu attentivement le mécanisme judiciaire utilisé pour l'établissement de la liste de terroristes. Vous l'avez sans doute fait mais je vous invite à examiner le paragraphe 83.06(2) de l'article 4 et ses alinéas a), b) et c), et particulièrement, l'alinéa b). Ces dispositions décrivent ce que le juge doit faire à l'égard des renseignements émanant d'un État étranger et qui ne doivent pas être divulgués.
Le paragraphe 83.06(2) énonce que, lorsque certaines conditions sont remplies, le juge doit renvoyer les renseignements à l'avocat du solliciteur général et il ne peut les utiliser pour décider de ne pas inscrire la personne concernée sur cette liste. L'alinéa b) énonce que le juge ne tient pas compte de ces renseignements si «le juge décide qu'ils sont pertinents mais qu'ils devraient faire partie du résumé» prévu à l'alinéa b) du paragraphe 83.05(6). Cela me paraît illogique.
Si vous n'avez rien remarqué de bizarre lorsque vous avez lu cette disposition, il n'y a pas de problème, mais je soulève ce point surtout pour le compte rendu, de façon à pouvoir préciser cela. Il me semble que l'alinéa b) devrait être négatif et énoncer: «Le juge décide qu'ils sont pertinents mais qu'ils ne devraient pas faire partie du résumé à fournir au titre de l'alinéa 83.05(6)b)».
Je vous demande simplement si vous l'avez lu et si vous avez remarqué un problème de logique.
M. Bryan Schwartz: Je vais vous donner rapidement une réponse, qui est peut-être complètement fausse. J'ai lu cette disposition très rapidement—et là encore, je me trompe peut-être—j'ai compris que le juge pourrait dire: «Eh bien, il y a beaucoup de preuves primaires ici que la défense ne devrait pas voir; cependant, ces preuves devraient être résumées et communiquées à l'intéressé». Les renseignements sont pertinents mais ne devraient pas être montrés sous leur forme originale mais sous celle d'un résumé. Voilà comment je comprends cette disposition.
M. Derek Lee: Très bien, et cela est tout à fait raisonnable. Mais on peut lire, dans le même paragraphe, que ces preuves «ne peuvent servir de fondement à la décision» prise par le juge. Elles ne peuvent être prises en considération.
Une voix: Ah.
M. Derek Lee: Comment le juge peut-il décider que les renseignements devraient faire partie du résumé remis à la personne concernée et ne pas en tenir compte dans sa décision?
M. Alex Neve: Il faut sans douter interpréter cette disposition comme si elle prévoyait que le juge ne peut utiliser les renseignements généraux et qu'il doit se limiter au résumé qui sera remis à l'accusé.
M. Derek Lee: Mais dans la procédure précédente, le juge prend toutes sortes de décisions, il peut même refuser le résumé. Le juge n'est pas tenu de se limiter au résumé. La partie concernée se voit remettre le résumé pour qu'elle ait une idée de ce qui est allégué contre elle.
C'est une question de formulation un peu subtile et je suis heureux de voir que nous n'avons pas trouvé de solution immédiatement. Je sais que les fonctionnaires du ministère de la Justice régleront cela plus tard, puisque c'est maintenant au compte rendu. Cela fera sans doute plaisir à un juge de savoir que nous avons réparé cette erreur, si c'est bien ce que nous avons fait.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lee.
Merci à tous les témoins d'avoir fait preuve de patience et de nous avoir aidés à examiner ce qui constitue une mesure législative très importante. Sachez que nous en sommes très conscients. Merci.
La séance est levée.