RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 5 décembre 2006
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bon après-midi et merci de votre présence.
Je m'excuse du léger retard auprès de nos invités, mais comme ce n'est pas votre première comparution, je suis sûr que vous comprenez. Nous venons tout juste d'avoir un vote à la Chambre.
Je souhaite la bienvenue à MM. Jean-Claude Bouchard, Scott Streiner et Peter Sylvester de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Merci d'être venus.
Je souhaite aussi la bienvenue à Mme Judy Smith et à M. John McEachern, de la Cumulative Environmental Management Association. Merci d'être venus.
Vous êtes sans doute au courant des travaux qui nous occupent depuis quelque temps. Aujourd'hui, nous aurons une simple séance d'information. Nous vous demandons de fournir au comité des renseignements généraux et, ensuite, de répondre à des questions. Vous constaterez que le sujet suscite un vif intérêt dans la foulée de notre visite à Fort McMurray. Plus précisément, votre témoignage d'aujourd'hui devrait s'inscrire dans le contexte de notre présente étude, qui porte sur les sables bitumineux et sur le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est d'en assurer le développement continu.
Sans plus tarder, je demanderais à chaque groupe de faire un bref exposé. Je vous laisse décider de quelle façon vous voulez répartir votre temps de parole. Ensuite, nous passerons aux questions.
Avez-vous discuté entre vous pour savoir qui va commencer, ou voulez-vous que je choisisse?
Comme l'ordre du jour prévoit que nous commencions par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, veuillez commencer, monsieur Bouchard.
Très bien.
Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de vous parler du travail de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, en particulier en ce qui concerne les sables bitumineux.
Nous avons préparé un exposé qui vous a été remis et qui ne devrait pas prendre trop de temps. Je ferai la première partie en français et le reste, en anglais. Ensuite, mes collègues et moi-même répondrons volontiers à vos questions.
[Français]
La présentation que nous avons préparée pour vous va couvrir essentiellement trois sujets. Pour commencer, je vous parlerai de ce qu'on entend en général par évaluation environnementale, y compris le processus fédéral d'évaluation environnementale et le rôle de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Je vous parlerai ensuite de notre entente de collaboration avec le gouvernement de l'Alberta et, enfin, de notre expérience à ce jour en matière d'évaluation environnementale dans le cas des projets de sables bitumineux.
Je dois vous dire d'entrée de jeu que l'agence est impliquée dans les grands projets. Chaque année, au Canada, 6 000 évaluations environnementales sont effectuées par divers ministères du gouvernement fédéral, et l'agence participe de très près aux projets les plus importants.
Une évaluation environnementale, comme vous le savez, vise à cerner les effets négatifs éventuels d'un projet sur l'environnement. Ça nous permet, avant le début des travaux, de décider comment il est possible d'atténuer ou d'éviter ces effets négatifs. Dans le cadre d'un projet minier, par exemple, le simple fait de modifier le tracé d'une route pour éviter de traverser des terres humides peut avoir des effets très positifs sur l'environnement.
Au niveau fédéral, l'évaluation environnementale permet au public d'émettre des opinions. C'est une composante importante. Les Canadiens et Canadiennes intéressés ont donc l'occasion de dire ce qu'ils pensent d'un projet et d'informer l'agence et les ministères fédéraux des effets qu'il peut avoir.
Une bonne évaluation environnementale nous permet d'éviter des dommages importants à l'environnement. On cite souvent l'exemple suivant, chez nous, à savoir que s'il y avait eu un bon processus d'évaluation environnementale au tournant du siècle dernier, soit en 1900, on n'aurait pas à dépenser aujourd'hui 400 ou 500 millions de dollars pour nettoyer les étangs bitumineux de Sydney, au Cap Breton.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été adoptée au Parlement en 1992, elle est entrée en vigueur en 1995, mais elle a été modifiée en 2003. Cette année-là, la plus grande modification a consisté à confirmer l'Agence canadienne d'évaluation environnementale dans son rôle de coordinateur des évaluations environnementales.
Il est important de noter que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est très semblable à la loi américaine adoptée en 1970. Les principes de base sont les mêmes. La façon d'effectuer les évaluations environnementales et le rôle des différents organismes fédéraux sont similaires.
La loi s'applique aux propositions de projets qui donnent lieu à une décision fédérale. Une évaluation environnementale fédérale doit être faite dans les quatre cas suivants: d'abord, quand le gouvernement fédéral est le promoteur, lorsqu'il construit une structure, par exemple; ensuite, s'il finance en tout ou en partie un projet, par exemple les infrastructures municipales; ensuite, si le projet est réalisé sur des terres fédérales, en d'autres mots si un promoteur utilise des terres qui appartiennent au gouvernement fédéral; enfin, dans tous les cas où un permis délivré par un organisme fédéral est requis, par exemple quand l'utilisation d'explosifs requiert un permis de Ressources naturelles Canada.
La responsabilité des évaluations environnementales, comme je le disais plus tôt, incombe au ministère fédéral impliqué. Dans le cas des sables bitumineux, les décisions qui servent d'élément déclencheur relèvent souvent de la Loi sur les pêches. Il s'agit de cas où le ministère des Pêches et des Océans considère que le projet peut avoir un impact négatif sur l'habitat des poissons. À d'autres occasions, c'est le ministère des Transports qui déclenche l'évaluation environnementale parce qu'il doit émettre un permis relatif à l'utilisation d'une voie navigable en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables.
Il existe trois types d'évaluation environnementale. Il y a tout d'abord ce qu'on appelle les examens préalables. Cela concerne des petits projets, qu'on appelle des projets ordinaires, et représente 95 ou 96 p. 100 de toutes les évaluations environnementales fédérales.
La deuxième catégorie est celle des études approfondies. Il s'agit de projets beaucoup plus vastes et plus complexes. Les projets de ce type se trouvent sur une liste jointe à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Finalement, la troisième catégorie est celle des très grands projets qui risquent d'avoir un impact important sur l'environnement ou qui sont controversés, et au sujet desquels on a beaucoup de préoccupations. Aussi, la ministre de l'Environnement, la plupart du temps sur la recommandation de l'agence, nomme une commission pour examiner ces projets.
[Traduction]
Les diapositives 5 et 6 dressent la liste de certains devoirs et responsabilités de l'agence en ce qui a trait aux évaluations environnementales pour les sables bitumineux, mais aussi pour tous les projets.
L'agence déploie énormément d'efforts pour appuyer les commissions d'examen indépendantes, qui sont nommées par la ministre de l'Environnement. Ces commissions visent les projets d'envergure et, parfois, les projets controversés.
En ce qui concerne les projets évalués au moyen d'un examen préalable ou d'une étude approfondie, l'agence joue un rôle de coordinateur. Lorsque plus d'un ministère ou d'une instance fédérale est en cause, l'agence veille à la coordination des travaux et s'assure que tous les acteurs travaillent bien ensemble. Voilà l'essentiel de ce que nous faisons.
Comme l'indique la diapositive 6, nous avons un Programme d'aide financière aux participants. C'est là une caractéristique du processus fédéral qu'on ne trouve pas dans la plupart des provinces ou territoires. Ce programme accorde une aide financière aux personnes et aux organismes sans but lucratif qui s'intéressent à un projet donné et qui souhaitent témoigner ou apporter une contribution. Nous nous assurons ainsi que nos commissions d'examen bénéficient des connaissances de la communauté, des Autochtones et des experts quant aux effets possibles d'un projet proposé.
Dans le cas du projet d'agrandissement de la mine de la rivière Muskeg, que vous connaissez certainement, nous avons accordé une aide financière de 100 000 $ à trois demandeurs: premièrement, 23 000 $ pour la Industrial Relations Corporation de la première nation des Chipewyans d'Athabasca; 41 000 $ à la première nation crie Mikisew; et enfin, un peu plus de 34 000 $ à la Oil Sands Environmental Coalition.
L'agence négocie aussi des ententes avec les provinces et les territoires pour éviter le double emploi et, espérons-le, atteindre son objectif, soit « un projet, une évaluation ». C'est dans ce contexte que nous travaillons avec l'Alberta dans le cas des sables bitumineux, et je vous donnerai d'autres exemples tout à l'heure.
Passons à la diapositive 7. L'Entente de collaboration Canada-Alberta en matière d'évaluation environnementale a été conclue en 1993, mais elle a été modifiée et renouvelée en 1999 et en 2005.
Le principe fondamental qui sous-tend ces ententes, et celle conclue avec l'Alberta en particulier, est que nous voulons qu'une seule évaluation conjointe permette aux deux ordres de gouvernement, fédéral et provincial, de s'acquitter de leurs obligations juridiques. Il n'y a aucune raison de soumettre un promoteur ou un projet à deux processus indépendants séparés et différents, si on peut l'éviter. Nous essayons de faire cela ensemble.
Par exemple, en vertu de cette entente, nous assurons la mise en commun des renseignements nécessaires pour le promoteur et nous pouvons établir des commissions d'examen conjointes auxquelles les deux ordres de gouvernement nomment des participants. Dans le cas de l'Alberta, le ministre de l'Environnement au niveau fédéral nomme des membres, qui sont ensuite approuvés par le cabinet provincial, et vice versa. Chaque ordre de gouvernement prend ensuite en compte les résultats de cette évaluation environnementale coopérative avant de prendre sa propre décision au sujet du projet.
Diapositive 8. En ce qui concerne l'Alberta, nous collaborons généralement avec l'Alberta Energy and Utilities Board, qui tient des audiences publiques. Le ministre de l'Environnement nomme un représentant auprès de cette entité, la nomination est ensuite approuvée par le cabinet provincial, et vice versa.
Les audiences sont menées par une commission d'examen conjointe. C'est à ce moment-là qu'intervient le programme d'aide financière qui caractérise le processus fédéral. Nous accordons donc aux participants un certain financement qui est également géré par la commission d'examen conjointe.
Au cours de ce processus mené en commun, les experts déterminent quelles mesures d'atténuation sont nécessaires pour que le projet aille de l'avant et, ensuite, les deux ordres de gouvernement prennent leur décision respective à ce sujet. En fait, je ne devrais pas dire qu'ils décident si le projet peut aller de l'avant ou non. Il ne s'agit pas de donner le feu vert à un projet ou de le bloquer; le but de l'exercice est de dresser la liste de diverses mesures d'atténuation. En quelques rares occasions, les mesures d'atténuation sont tellement rigoureuses que le projet ne va pas de l'avant, mais il n'y a que quelques rares exemples de tels cas.
Mesurer les effets cumulatifs est une partie difficile de notre travail. Nous faisons une évaluation projet par projet, mais il n'en reste pas moins que la loi fédérale exige que l'on prenne en compte les effets environnementaux cumulatifs. Le mandat et les paramètres des commissions d'examen conjointes les obligent à évaluer les effets cumulatifs. Le problème, c'est qu'il n'existe pas d'approche toute faite dans ce domaine. Il n'y a pas de modèle pour évaluer tous ces effets, mais on le fait quand même dans une certaine mesure et même de façon assez poussée dans certains cas.
Diapositive numéro 9. Ainsi, au niveau fédéral, une évaluation environnementale sert de fondement à la décision que doivent prendre les ministères. À la suite d'une évaluation environnementale solide, Transports Canada décidera de donner le feu vert à un projet, pourvu que le promoteur y apporte telle ou telle modification afin de ne pas nuire à la navigation sur le cours d'eau concerné. Pêches et Océans prendra aussi une décision au sujet du projet, mais ajoutera aussi des mesures d'atténuation pour éviter de nuire à l'habitat du poisson.
Une fois que la commission d'examen a terminé son évaluation du projet, elle soumet un rapport au ministre de l'Environnement. Ensuite, les divers ministères concernés en prennent connaissance et préparent un projet de réponse pour le Cabinet, pour le gouvernement et cela se fait conjointement.
Les projets soumis à une étude approfondie ou à une commission d'examen exigent un suivi. C'est une chose de faire une évaluation environnementale, mais une fois que le projet est en cours ou terminé, il faut faire un suivi. Nous sommes tenus de prendre certaines mesures. Premièrement, il faut vérifier l'exactitude de nos prévisions au sujet des effets sur l'environnement ou du résultat des mesures d'atténuation. Deuxièmement, il faut déterminer l'efficacité des mesures d'atténuation et voir s'il y a lieu de modifier notre approche. C'est le concept de la gestion adaptative. Après coup, après ce suivi, il peut arriver que nous disions au promoteur qu'étant donné ce qui s'est passé, il devra modifier telle ou telle chose.
La diapositive 10 comporte une liste des principaux projets d'exploitation des sables bitumineux qui ont fait l'objet d'une évaluation fédérale. Il s'agit là de projets d'envergure. Certains projets de mise en valeur des sables bitumineux ont aussi été soumis à des examens préalables, soit le niveau le plus bas d'une évaluation environnementale. True North's Fort Hills et Suncor's Voyageur en sont deux exemples. En effet, ces deux projets ont été évalués principalement par Pêches et Océans au moyen d'un examen préalable.
À la page 11, j'ai essayé de vous donner un aperçu des résultats ou des conditions que nous imposons à un promoteur. Lors de la préparation de cette diapositive, j'ai dit à mes collègues qu'il faudrait d'abord qu'ils m'expliquent la signification de certains termes. Devant ce problème, j'ai décidé que je tenterais au moins de vous expliquer, avec tout le respect que je vous dois, la signification de certains termes.
Je fais référence au projet Jackpine, à propos duquel il est question de la surveillance des macro-invertébrés benthiques. La zone benthique est le plus bas niveau d'un plan d'eau, et elle est habitée par des organismes qui peuvent tolérer des températures froides et un faible taux d'oxygène, appelés benthos ou organismes benthiques. Les escargots, les vers, les crustacés et les sangsues font partie de la famille des macro-invertébrés. La présence de macro-invertébrés, qui sont sensibles à la pollution, indique que le plan d'eau est sain. Autrement dit, si ces créatures, qui sont sensibles à la pollution, y vivent, cela signifie que l'eau se porte bien. Par contre, si l'on observe une présence excessive de macro-invertébrés polluorésistants, cela signifie que l'eau est sans doute très polluée car ce sont les seuls qui peuvent vivre dans un tel milieu. C'est un programme de surveillance de ce genre que nous avons demandé d'appliquer au projet Jackpine.
Pour le suivant, le projet Horizon, il est question des composés qui produisent une altération de la chair du poisson. Les sous-produits de l'extraction des sables bitumineux qui pénètrent dans un plan d'eau ont généralement pour effet d'altérer l'odeur et le goût du poisson, ce qui les rend plutôt repoussants. Dès que l'on observe ce phénomène, on sait que les espèces ont été touchées.
Ce ne sont là que quelques exemples. Il y en a bien d'autres, mais j'ai pensé de vous citer ceux-là.
La dernière diapositive, numéro 12, s'intitule « Le chemin à parcourir ». Il y a un certain nombre d'activités que l'agence doit suivre de près, et nos collègues des ministères les plus actifs en matière d'évaluation environnementale sont vigilants.
Premièrement, Ressources naturelles Canada prévoit des projets d'exploitation des sables bitumineux d'une valeur de 60 milliards de dollars d'ici 2013. Cela représente beaucoup de travail pour nous et pour les ministères clés, et nous devrons trouver un moyen d'absorber ce volume de travail.
Deuxièmement, le gouvernement de l'Alberta a lancé une consultation multilatérale sur les sables bitumineux à laquelle nous participons. Il s'agit, si vous voulez, d'une évaluation environnementale régionale de haut niveau. Le gouvernement de l'Alberta tente d'évaluer quelle sera l'incidence de l'ensemble de la mise en valeur du nord de la province. L'agence a deux représentants à ce comité. Nous avons été invités par le gouvernement provincial, et nous y sommes très actifs.
Un troisième volet, qui est de plus en plus complexe, concerne une approche en matière de consultation autochtone. Selon divers arrêts rendus par les tribunaux, nous devons consulter les Autochtones dès les premières étapes des projets. Tous les intervenants de la famille fédérale doivent se concerter pour adopter une approche coordonnée, ainsi que les politiques connexes. Si nous ne faisons pas preuve de diligence dans ce dossier, cela pourrait être un obstacle.
Enfin, vous savez sans doute que notre loi habilitante, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, doit faire l'objet d'un examen automatique en 2010. J'aime à croire que le comité qui se chargera de cet examen s'intéressera à notre expérience, particulièrement en ce qui a trait aux sables bitumineux.
Je vais m'arrêter là et, avec mes collègues, je répondrai volontiers à vos questions. Merci beaucoup.
Merci, monsieur Bouchard. Votre exposé était très exhaustif. Je vous en remercie, et je suis sûr que les membres du comité auront de nombreuses questions à vous poser.
Mais auparavant, nous allons entendre le prochain intervenant.
À la fin de votre exposé, vous avez parlé de la consultation multilatérale que mène le gouvernement de l'Alberta au sujet des sables bitumineux. Nous avions espéré accueillir aussi M. Vance MacNichol ici aujourd'hui, mais son équipe n'a pas pu conclure l'exercice à temps pour lui permettre de faire l'annonce des résultats. Il pensait que vous voudriez peut-être annoncer les résultats des consultations en Alberta, avant que le rapport soit soumis au comité, et nous comprenons cela.
M. MacNichol et ses collaborateurs du programme de consultation multilatérale ne comparaîtront pas aujourd'hui, et il est peu probable que nous puissions les entendre avant Noël. Je voulais simplement mettre le comité au courant. Mais dès que le rapport sera achevé, nous en recevrons un exemplaire.
Sur ce, j'aimerais poursuivre.
Madame Smith, allez-vous commencer?
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à partager avec vous l'important travail qu'effectue la Cumulative Environmental Management Association dans la région de Wood Buffalo.
Je m'appelle Judy Smith et je suis actuellement vice-présidente de CEMA. Je suis aussi l'un des membres fondateurs de l'organisation, qui a vu le jour en 1997. Je suis accompagnée de John McEachern, directeur exécutif de l'association.
Aujourd'hui, je vais vous fournir trois catégories d'information: premièrement, des renseignements généraux au sujet de notre organisation pour vous aider à comprendre ce que nous faisons; deuxièmement, l'objectif actuel de notre travail; et, en conclusion, certains commentaires sur les défis auxquels nous sommes confrontés et les moyens que nous prenons pour y arriver.
J'ai apporté avec moi une brochure renfermant plus d'information sur CEMA qui vous sera transmise électroniquement. Il y a aussi notre site Web, que vous pouvez consulter, qui vous fournira encore d'autres renseignements.
Premièrement, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet des antécédents, du mandat et de l'organisation de CEMA.
CEMA est une organisation non gouvernementale enregistrée sans but lucratif qui a vu le jour en Alberta en juin 2000, même si notre groupe a commencé officiellement à travailler en 1997. CEMA offre une tribune à divers intervenants qui souhaitent discuter des problèmes environnementaux associés au développement en vue de les résoudre.
Et lorsque j'emploie le terme « développement », je ne parle pas uniquement de l'exploitation des sables bitumineux ou du pétrole ou du gaz, mais aussi d'autres types de développement, comme l'exploitation forestière, les carrières de gravier et les perturbations linéaires. Plus précisément, le mandat de CEMA consiste à faire des recommandations sur la meilleure façon de gérer les effets environnementaux cumulatifs attribuables au développement et, partant, de protéger l'environnement et la municipalité régionale de Wood Buffalo.
Nos recommandations et nos cadres de gestion sont fondés sur des paramètres scientifiques et sur les valeurs des intervenants régionaux. Nous utilisons l'information tirée de travaux scientifiques existants ainsi que du savoir environnemental traditionnel. Lorsque l'information permettant une prise de décision éclairée fait défaut, CEMA finance les travaux de chercheurs expérimentés un peu partout dans le monde, souvent sur une période de plusieurs années, pour combler ce manque de connaissances.
CEMA a réalisé d'excellents progrès. À ce jour, l'organisation a rédigé plus de 150 rapports techniques et organisé plus d'une vingtaine d'ateliers dont les conclusions ont servi de base aux recommandations de gestion que nous fournissons aux gouvernements provinciaux ainsi qu'à l'industrie au sujet des meilleures pratiques pour protéger l'environnement.
Au sein de CEMA, la prise de décisions est consensuelle, à tous les niveaux. Ce processus permet d'en arriver à des recommandations ayant un fondement scientifique qui sont acceptables pour tous ses membres.
CEMA compte 47 organisations membres. Celles-ci représentent six groupes environnementaux, neuf premières nations et groupes métis, 17 secteurs industriels et 15 organismes gouvernementaux aux niveaux local, provincial et fédéral.
Essentiellement, CEMA produit des recommandations sur les objectifs et les systèmes de gestion susceptibles de répondre aux préoccupations concernant l'air, l'eau et la remise en état des terres. Cinq groupes de travail et trois comités de CEMA élaborent ces recommandations qui sont soumises à l'organisme de réglementation compétent qui se chargera de leur mise en oeuvre. Parmi ces organismes, citons le ministère de l'Environnement de l'Alberta et l'Alberta Sustainable Resource Development.
J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet des travaux que nous avons complétés, des travaux qui sont en cours et des travaux que nous planifions.
La Stratégie régionale de développement durable (RSDS) élaborée par le ministère de l'Environnement de l'Alberta en 1999 a largement orienté la planification du travail de CEMA pour la région des sables bitumineux de l'Athabasca. Cette initiative a permis d'identifier 72 enjeux environnementaux prioritaires dans la région. CEMA est responsable de 35 de ces dossiers. Quant aux autres questions relevant de la RSDS, ce sont d'autres comités régionaux ou bien le gouvernement provincial qui s'en occupent.
En 2004, CEMA a établi un plan stratégique quinquennal pour mieux cibler et orienter notre travail. À ce moment-là, l'industrie a également établi un budget de 20 millions de dollars sur cinq ans pour assurer le financement à long terme des systèmes régionaux de gestion.
Depuis la création de CEMA, six recommandations finales ont été transmises aux autorités réglementaires de l'Alberta, de même que l'ébauche d'un septième cadre de gestion. Ces travaux portaient sur les missions aériennes, les perturbations du sol et la remise en état des terrains, et les besoins relativement au débit des cours d'eau.
Je vais vous énumérer les six recommandations finales pour la région des sables bitumineux: un cadre de gestion des métaux traces lourds en 2001; un cadre de gestion des dépôts acides en 2004; une liste de vérification de l'architecture paysagère en 2004; des outils de gestion de l'écosystème pour minimiser la fragmentation de l'habitat en 2004; la troisième édition de la classification de l'adaptabilité du paysage pour les écosystèmes forestiers en 2006; et un cadre de gestion de l'ozone en 2006. De plus, d'importants travaux et des ébauches de recommandations sur un système de gestion des besoins relativement au débit des cours d'eau pour le cours inférieur de la rivière Athabasca ont été remis au gouvernement de l'Alberta et au ministère des Pêches et des Océans à la fin de 2005. Cette information est utilisée par les gouvernements pour élaborer un cadre de gestion de l'eau applicable au cours inférieur de ce cours d'eau septentrional.
Comme je l'ai indiqué, CEMA accomplit son travail par l'entremise de cinq groupes de travail techniques et du comité des connaissances environnementales traditionnelles, du comité des communications et du comité de gestion. Je n'entrerai pas dans les détails sur chacun de ces groupes. Qu'il suffise de dire que nous avons beaucoup de pain sur la planche.
Voici les principaux projets actuellement en cours de réalisation: élaborer un système de gestion des écosystèmes terrestres et des paysages; concevoir un cadre de gestion des contaminants traces atmosphériques; établir des objectifs de qualité de l'eau pour le cours inférieur de l'Athabasca; élaborer un système de gestion de l'intégrité du bassin hydrographique de la rivière Muskeg; élaborer un cadre de gestion de l'azote pour l'eutrophisation; réviser les lignes directrices et pratiques existantes pour la remise en état des terrains; et créer de nouveaux modèles prévisionnels pour les activités de remise en état, par exemple pour les terrains riverains des lacs. On prévoit que certains de ces travaux seront terminés d'ici 2007, tandis que d'autres se prolongeront en 2008 et au-delà. Une grande partie du travail que nous faisons dans le domaine des meilleures pratiques et des lignes directrices pour la remise en état se poursuivra pendant plusieurs années, à mesure que de nouveaux travaux de recherche seront faits et que de nouvelles technologies seront mises au point.
Le comité sur le savoir environnemental traditionnel a été mis sur pied pour guider le travail de CEMA pour ce qui est d'intégrer et d'utiliser le savoir traditionnel dans ses études de base et ses systèmes de gestion. Nous savons que l'intégration de ce savoir traditionnel est essentielle au développement de meilleurs produits et se traduira par une bonification des recommandations visant la protection de l'environnement.
Le dernier sujet que j'aimerais aborder est celui des défis et des possibilités qui s'offrent à notre organisation. Comme je l'ai dit dans mon introduction, CEMA est une organisation sans but lucratif. Son orientation stratégique est déterminée par les membres de notre conseil et elle est façonnée grâce à la contribution de tous nos membres. Comme vous pouvez le comprendre, c'est un défi en soi de trouver un équilibre et un consensus parmi 47 membres ayant des opinions et des intérêts d'une grande diversité.
J'aimerais vous parler de quatre défis auxquels notre organisation est confrontée: faire clairement comprendre notre mandat aux autres partis et, en fait, à nos propres membres; réitérer les priorités environnementales dans la région des sables bitumineux; la complexité de notre travail et les attentes concernant les délais; et enfin, la communication.
Je dirai quelques mots au sujet de chacun de ces quatre thèmes. Pour ce qui est de faire comprendre clairement notre mandat, il faut que je sois moi-même très claire. CEMA est une organisation qui réunit divers intervenants, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. La valeur de notre travail tient à la participation de ces membres venus de tous les horizons à l'élaboration de systèmes régionaux de gestion environnementale. Nous pouvons compter sur la participation active de ministères gouvernementaux qui travaillent main dans la main avec des représentants de l'industrie et des groupes environnementaux et autochtones. Le rôle de CEMA vient compléter et étayer le rôle du gouvernement en matière d'élaboration de politiques et de règlements, mais il ne s'agit pas d'assumer la responsabilité et l'obligation de rendre compte des divers ordres de gouvernement. CEMA présente des recommandations sur les façons d'améliorer les systèmes de gestion existants. Il incombe au gouvernement d'examiner, de réviser au besoin, de mettre en oeuvre et d'appliquer les recommandations relatives à la gestion.
L'autre défi qui est le nôtre consiste à valider de nouveau les priorités environnementales. La stratégie régionale de développement rural et les priorités environnementales concernant la région des sables bitumineux datent de 1999. Le moment est maintenant venu de revoir ce cadre stratégique, d'actualiser les enjeux environnementaux régionaux et de se redonner de nouvelles priorités pour la municipalité régionale de Wood Buffalo. Par exemple, l'eau souterraine est un enjeu qui est beaucoup plus à l'avant-scène qu'avant parmi les groupes autochtones. En outre, la gestion des gaz à effet de serre et du changement climatique ne relève pas du mandat de CEMA. Nous avons déjà recommandé au ministère de l'Environnement de réviser cette stratégie.
Le troisième défi dont je veux vous parler est la complexité du travail de CEMA et les attentes concernant les délais. À l'origine, on croyait que l'on pourrait régler les questions relevant de la Stratégie régionale de développement durable au cours d'une période de cinq ans. Six ans après le début des travaux de CEMA, on peut affirmer que ces prévisions étaient irréalistes.
Nous savons aussi que le travail que nous entreprenons est sujet à l'évolution des paradigmes. En outre, nous effectuons des travaux scientifiques novateurs qui intègrent le savoir écologique ou environnemental traditionnel. Il faut du temps pour bien travailler et bien travailler est extrêmement important.
La nature du processus de CEMA, fondée sur l'approche consensuelle d'un conseil de 47 membres, ajoute à la complexité de l'affaire et rallonge les délais. Vous vous demandez peut-être s'il vaut ce temps supplémentaire. La réponse est un oui catégorique. Les recommandations résultant de notre réflexion sont fondées sur une base solide, soit la participation de nos membres et un consensus. Nous croyons que le temps supplémentaire consacré aux discussions publiques en raison du processus adopté par CEMA permettra d'économiser du temps à l'étape de la mise en oeuvre des recommandations par le gouvernement.
Notre temps et nos ressources sont très sollicités. Je suis heureuse de vous dire que nous recevons un appui formidable de la communauté de nos bailleurs de fonds: le secteur des sables bitumineux. Bon nombre de nos membres, y compris des ministères gouvernementaux, investissent des sommes considérables, sous la forme de ressources en nature, notamment le prêt de personnels à nos divers groupes de travail. Tous nos membres font leur part, même si bon nombre d'entre eux estiment qu'ils ne participent pas autant qu'ils le souhaiteraient.
En même temps, nous subissons des contraintes qui ne nous permettent pas de faire avancer nos projets aussi rapidement que le souhaiteraient certaines parties. Pour continuer d'augmenter le rythme auquel CEMA élabore ses cadres de gestion environnementale, nous avons pris diverses mesures: mettre en oeuvre un meilleur système d'établissement des objectifs et de suivi du rendement; fournir une formation en gestion de projet; solliciter une participation accrue de la part de hauts fonctionnaires du gouvernement et adopter des méthodes assurant une meilleure reddition de comptes et une participation élargie de toutes les organisations. En outre, nous envisageons de recourir à des renforts réglementaires pour garantir l'achèvement de systèmes de gestion clés dans le respect des délais établis.
Le dernier sujet dont je veux parler est la communication, notre quatrième défi. L'une des lacunes de CEMA est de n'avoir pas su communiquer adéquatement les travaux novateurs approfondis en vue de mettre au point des systèmes régionaux de gestion environnementale pour la région de Wood Buffalo. Pour corriger cette lacune importante, nous avons embauché un agent de communication et rétabli un comité des communications. Nous rédigeons un plan de communication à l'intention des intervenants internes et externes.
En conclusion, j'estime que CEMA effectue un travail soumis au changement des paradigmes qui produit de solides recommandations de gestion appuyées par diverses instances et fondées sur la science et le savoir environnemental traditionnel. CEMA joue un rôle crucial dans l'élaboration de systèmes régionaux de gestion de premier ordre pour contrer les effets environnementaux cumulatifs du développement et protéger l'air, l'eau et la terre dans la municipalité régionale de Wood Buffalo.
Mesdames et messieurs, c'était là le mémoire de CEMA.
Merci beaucoup, madame Smith.
Encore une fois, c'est une grande quantité d'information à absorber, et nous venons seulement de commencer.
Avec qui débuterons-nous aujourd'hui? Je vais maintenant passer aux questions, et je demanderais à M. Cullen de commencer.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'aujourd'hui.
Je trouve très intéressante et fascinante la notion d'effet cumulatif. Je m'adresse maintenant à la Cumulative Environmental Management Association. Vous représentez une organisation sans but lucratif qui identifie des projets ou des domaines d'étude selon les priorités établies par le conseil d'administration. CEMA rédige des rapports et les intègre aux divers processus en cours, mais l'organisation n'a pas de pouvoir décisionnaire. Cela dit, je réalise que vous faites de l'excellent travail, et je l'apprécie.
Je m'adresse maintenant aux représentants de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Nous revenons tout juste d'un voyage dans la région, et une chose me préoccupe. Si l'on considère l'exploitation qui s'est faite là-bas jusqu'à maintenant, on pourrait avancer qu'elle n'est pas durable pour l'instant, particulièrement en ce qui a trait aux ressources aquifères, aux effets sur le bassin de la rivière Athabasca, etc. Mais si l'on regarde ce qui s'en vient — et on y a fait allusion dans les deux exposés —, ce sont quelque 40 projets qui sont dans le collimateur. Et si j'ai bien compris, le mandat de CEMA n'englobe pas le changement climatique ou le dioxyde de carbone. Je suppose que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale serait saisie de ces questions. Je n'en suis pas sûr. Lorsque j'aurai terminé, M. Bouchard pourrait peut-être répondre. Je m'inquiète des effets cumulatifs.
Monsieur Bouchard, pourriez-vous me dire ce qui déclenche une évaluation? Vous avez parlé de certaines évaluations de bas niveau, ou mineures. Est-ce une question de coûts? S'agit-il d'exercices déclenchés selon d'autres critères? Et qui décide quel organisme contribue à un dossier ou en prend la direction? Par exemple, à propos des deux projets que vous avez examinés, vous avez parlé de Transports Canada et de Pêches et Océans. Qui s'intéresserait au problème de la production de dioxyde de carbone ou de ses conséquences sur les ressources hydriques dans la région? Qui décide à qui il convient de confier la direction de l'évaluation? Court-on le risque — et c'est mon autre question — qu'un certain nombre de petits projets marginaux échappent à notre attention, ce qui nous ferait rater des effets cumulatifs?
Je constate l'existence de cet exercice multilatéral, mais je suppose que c'est le gouvernement de l'Alberta qui en a pris l'initiative; je n'en suis pas certain, c'était peut-être avec votre encouragement, du moins je l'espère. Comment pouvons-nous nous assurer que ce sera durable et que nous n'allons pas rater l'essentiel sur le plan des effets cumulatifs, et non pas seulement pour l'eau ou le CO2?
Je ne sais pas si vous seriez le moindrement intéressé — ce serait compris dans l'un ou l'autre de vos mandats — à examiner la manière dont nous utilisons notre gaz naturel. Je crois qu'il y a lieu de se demander si c'est la manière la plus efficiente d'utiliser nos ressources en gaz naturel.
Je vais m'arrêter là. Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur Bouchard, après quoi Mme Smith pourrait intervenir.
Vous avez posé beaucoup de questions et je vais faire de mon mieux pour y répondre. Si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à mon collègue Scott Streiner de me donner un coup de main. Il a pris beaucoup de notes.
Premièrement, l'obligation de faire une évaluation environnementale est déclenchée par un certain nombre de facteurs. Nous ne pouvons pas décider de ne pas en faire une parce que cela ne nous plaît pas.
Par exemple, si le gouvernement fédéral est le parrain du projet, si c'est un ouvrage que le gouvernement fédéral construit, il faut automatiquement qu'il y ait une évaluation environnementale fédérale. Si nous cédons des terres domaniales à un promoteur ou à un autre gouvernement, peu importe ce que le promoteur décide de faire avec ce terrain, il faut nécessairement une évaluation environnementale fédérale. Si nous finançons un projet en tout ou en partie, il y a l'obligation de faire une évaluation environnementale fédérale.
Enfin, dans tous les cas où un ministère fédéral émet une autorisation ou un permis... J'ai donné l'exemple d'utilisation d'explosifs. On constate de plus en plus que dès que l'on veut construire un ouvrage quelconque qui aura une incidence sur l'eau ou sur l'habitat du poisson, Pêches et Océans s'en mêle automatiquement.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral émet beaucoup de permis et dans toutes ces circonstances, il y a une évaluation environnementale. Généralement, il y en a 6 000 par année et ce nombre augmente.
La question n'est donc pas de décider si nous allons ou n'allons pas en faire une. C'est dans notre loi. Nous devons faire ces évaluations.
il y a différents niveaux, comme je l'ai expliqué. Les examens préalables s'appliquent aux petits projets. Vous avez aussi demandé qui décide s'il y aura une étude approfondie. Il y a une liste en annexe à notre loi qui stipule qu'un projet hydroélectrique de telle ou telle ampleur exige automatiquement une étude approfondie, qui est une évaluation environnementale très poussée. Ensuite, le ministre de l'Environnement a le pouvoir d'aller encore plus loin et de créer une commission d'examen indépendante constituée d'experts qui sont chargés d'examiner un projet. Voilà comment le système fonctionne.
Maintenant, au sujet des effets cumulatifs, comme je l'ai dit dans mon exposé, ce n'est pas toujours simple. Notre loi est conçue pour faire une évaluation de chaque projet, pas nécessairement pour examiner la situation globale de tout le nord de l'Alberta. Mais la loi stipule aussi que nous devons prendre en considération les effets cumulatifs. Par exemple, chacune des commissions qui a été constituée dans un passé récent a tenu pleinement compte de l'incidence sur la rivière Athabasca.
Donc, oui, c'est contrôlé, c'est évalué par des scientifiques et c'est pris en compte par la commission.
Monsieur Bouchard, je suis désolé de vous interrompre, mais je veux donner à Mme Smith l'occasion de répondre elle aussi à la question sur les effets cumulatifs, si vous le voulez bien.
Madame Smith, je vous prie.
Bien sûr, merci.
Le député a posé beaucoup de questions en rafale, mais je voudrais dire ceci. Je pense qu'il y a vraiment un consensus parmi nos membres pour dire que, pour la pollution de l'air, de l'eau ou du sol, nous sommes loin des niveaux à partir desquels les émissions ou les prélèvements d'eau, par exemple, feraient du tort à l'environnement.
L'intention du CEMA est de concevoir des systèmes de gestion qui, à l'avenir, empêcheront que des dommages soient causés aux écosystèmes, à l'air ou à l'eau. Nous sommes proactifs en ce sens que nous agissons avant que le niveau de développement atteigne ces seuils. Je suis certaine que tous les intervenants au CEMA seraient d'accord avec cet énoncé, que nous agissons de manière proactive pour créer ces systèmes de gestion avant que nous subissions d'importants dommages dans la région. Je trouve que c'est un point très important que vous ne devez pas perdre de vue.
Je dirai aussi que nous ne sommes pas des décideurs; nous aidons à fournir les outils voulus aux décideurs. Nous faisons donc des recommandations en matière de gestion qui se traduiraient par des politiques ou des règlements qui pourraient être utilisés par les autorités réglementaires à mesure que le développement prend de l'ampleur.
Nous n'avons pas actuellement le mandat de s'attaquer aux émissions de dioxyde de carbone et au changement climatique, mais c'est l'un des éléments de la stratégie RSDS dont j'ai parlé. Quand nous procéderons à l'actualisation de notre mandat et à l'établissement de nouvelles priorités environnementales dans la région de Wood Buffalo, c'est une question qui aura peut-être une importance accrue et qui sera jugée prioritaire.
Je voudrais ajouter une dernière observation: quand on évalue les effets cumulatifs dans le cadre des évaluations environnementales dans la région, on tient compte de tous les projets dans la région. Vous avez évoqué le concept de la « mort lente », et chez CEMA, nous en sommes bien conscients et nous mettons en place des systèmes de gestion justement pour éviter cela. Mais lorsque les effets cumulatifs sont pris en compte dans le cadre des évaluations environnementales de divers projets dans la région, nous examinons non seulement les projets existants et leurs répercussions, mais aussi les projets proposés.
Nous tenons donc compte du niveau maximal de dommages qui pourraient être causés à l'environnement, et le CEMA est maintenant responsable d'aider à élaborer des systèmes de gestion que le gouvernement sera ensuite chargé de mettre en oeuvre.
Merci.
Madame Smith, je voudrais une précision. En réponse à la question de M. Cullen, vous avez dit que vous n'êtes pas des décideurs. Mais j'ai retenu de votre exposé que vous avez quand même un certain pouvoir pour la mise en oeuvre de ces recommandations ou pour en contrôler les répercussions?
Je peux répondre à ces deux questions séparément. Nous n'avons pas de pouvoir de décision. Nous faisons des recommandations au gouvernement. Le gouvernement a le choix: il peut accepter intégralement ces recommandations et les mettre en oeuvre, comme il l'a fait pour six des recommandations que nous avons faites, ou bien il peut réviser les recommandations avant de les mettre en oeuvre. Ce n'est donc pas nous qui décidons.
Nous avons formulé des recommandations aux entreprises du secteur, lesquelles ont décidé volontairement, sans y être tenues par règlement, d'utiliser les outils que nous avons élaborés chez CEMA, mais c'est strictement volontaire.
Il y a deux autres comités régionaux dans le secteur, appelés Programme régional de surveillance de l'eau et l'Association environnementale de Wood Buffalo, qui sont responsables des programmes régionaux de surveillance de l'air, de l'eau et des ressources aquatiques, mais ce sont deux organisations distinctes. En élaborant des systèmes de gestion, le CEMA peut faire des recommandations à ces comités de surveillance à l'égard des futurs programmes.
Merci.
Je ne veux pas enlever du temps à ceux qui veulent poser des questions et je vais donc maintenant donner la parole à Mme DeBellefeuille.
[Français]
Merci beaucoup de vos exposés.
Je veux poser quelques questions techniques sur l'agence, parce que je ne connais pas beaucoup son rôle.
Vous rendez des comptes à la ministre de l'Environnement. Celle-ci pourrait-elle ne pas respecter les recommandations de l'agence?
D'abord, je relève directement de la ministre de l'Environnement. À ma connaissance, ce n'est jamais arrivé que le ou la ministre de l'Environnement ait... Ce n'est jamais arrivé. C'est donc hypothétique.
C'est parfait. Je voulais seulement comparer votre indépendance à celle des structures de consultation environnementale du Québec.
Que vous connaissez bien.
J'imagine que le développement des sables bitumineux a fait l'objet de plus de commissions d'examen que d'études approfondies.
J'imagine aussi qu'il se situe dans la troisième catégorie, compte tenu de l'impact environnemental de l'exploitation.
De plus en plus, la ministre de l'Environnement nomme des commissions d'examen, mais pas seulement au chapitre des sables bitumineux. La tendance est lourde.
Auparavant, le ou la ministre de l'Environnement nommait une ou deux commissions d'examen par année. Cette année, si la tendance se maintient, à la fin du mois, elle en aura nommé une dizaine ou une douzaine. C'est vrai en ce qui concerne les sables bitumineux.
Combien y a-t-il eu d'évaluations environnementales, par le truchement d'une commission d'examen, pour le projet des sables bitumineux en Alberta? Vous parliez plus tôt de 6 000 évaluations environnementales. Combien y a-t-il eu de commissions d'examen en rapport avec les sables bitumineux?
Il y en a eu seulement deux jusqu'à maintenant, mais il y en aura plusieurs autres. Il y a donc deux projets pour lesquels la ministre de l'Environnement a nommé une commission d'examen mixte avec l'Alberta.
Ils ne sont pas en construction parce qu'ils sont en attente. D'accord.
Combien de ces évaluations environnementales ou commissions d'examen votre agence a-t-elle financées? Votre agence a financé des groupes indépendants.
Je vais faire une observation, et je ne veux pas enlever de la valeur au groupe de Mme Smith. Je remarque qu'il y a beaucoup d'organismes à but non lucratif qui sont des groupes-conseils, des groupes de revendication ou de recommandation dans lesquels l'industrie pétrolière est très présente puisqu'elle les finance. À mon avis, le fait d'être juge et partie enlève un peu d'indépendance.
Combien d'évaluations environnementales ou de commissions d'examen sont attribuées à des groupes que vous avez financés au moyen du programme dont vous avez parlé plus tôt? Et l'industrie pétrolière est-elle absente de ces groupes? Autrement dit, ces groupes sont-ils complètement indépendants?
Dans tous les cas où il y a une commission d'examen, nous avons un budget, un fonds de participation. Par conséquent, dans tous les cas, nous nommons un comité, souvent dirigé par notre directeur de la région où la commission siège, auquel siègent aussi des gens de l'extérieur, et nous revoyons les demandes.
Nous ne finançons aucun groupe qui a les moyens de se financer. Nous ne payons pas les frais de fonctionnement de qui que ce soit. Ce sont en général des groupes communautaires, des citoyens, des groupes environnementalistes et d'autres.
Une voix: Des Premières nations.
M. Jean-Claude Bouchard: C'est vrai qu'il y a aussi des Premières nations. Il y a beaucoup de groupes autochtones.
Pour ce qui est des deux projets qui sont actuellement étudiés par des commissions d'examen, financez-vous des groupes pour les aider à participer aux audiences?
D'accord.
Lorsque vous faites des recommandations à la ministre, sont-elles mises en oeuvre dans un délai raisonnable? Comment cela fonctionne-t-il?
Oui, elles sont mises en oeuvre. Dans le cas d'un projet ayant fait l'objet d'une évaluation environnementale, elle impose des exigences au promoteur. Il existe toute une série de conditions auxquelles celui-ci doit se soumettre.
Nos recommandations à la ministre de l'Environnement peuvent se formuler ainsi: dans ce cas-ci, madame la ministre, pour toutes les raisons suivantes, nous vous recommandons de nommer une commission d'examen indépendante; ou encore, dans ce cas-ci, une étude approfondie pourrait suffire. Nous lui faisons des recommandations de ce genre.
Quant aux recommandations pour le projet, c'est le promoteur qui doit les mettre en oeuvre.
Puisque votre rôle est de prévoir et d'évaluer les effets environnementaux négatifs potentiels et de proposer des mesures d'atténuation, je vous pose une question toute simple.
Vous savez que cette industrie produit beaucoup d'émissions de gaz à effet de serre. Je suis surprise de constater que, dans le cadre de vos évaluations environnementales, vous ne faites pas de recommandations quant à des cibles de réduction des gaz à effet de serre, compte tenu du contexte des changements climatiques et de nos connaissances scientifiques.
Je m'attends à ce qu'avant même que les études ne commencent, on oblige les pétrolières à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Je vais demander à Scott de compléter ma réponse par la suite.
S'il y a des cibles de réduction de gaz à effet de serre, on en tient compte lors de l'évaluation des projets individuels et on demande qu'un certain nombre de mesures d'atténuation soient prises pour réduire ces rejets.
Ce n'est pas à nous d'établir les cibles de réduction.
Par contre, vous savez que les évaluations du pourcentage d'émissions de gaz à effet de serre sont documentées. Ce sont des données scientifiques que vous ne pouvez pas mettre de côté.
Normalement, votre agence devrait faire des recommandations à la ministre quant à l'effort à faire pour réduire les gaz à effet de serre et lutter contre les changements climatiques. Cela devrait faire partie de vos recommandations.
Les rapports de commissions d'examen indiquent combien d'émissions il y aura et de combien les mesures d'atténuation vont les réduire. La décision d'aller de l'avant ou non demeure celle du gouvernement, du Cabinet.
Je vous ai demandé un peu plus tôt si la ministre mettait en oeuvre vos recommandations. Lui dites-vous quels sont les effets de l'augmentation des gaz à effet de serre et quelles sont les mesures d'atténuation possibles, par exemple mettre en oeuvre rapidement la technologie du stockage et du captage du CO2? Recommandez-vous cela à la ministre?
Me dites-vous que la ministre n'est pas tenue d'obliger les promoteurs à respecter les mesures d'atténuation que vous proposez?
La décision finale d'autoriser un projet ou non demeure celle du gouvernement ou du Cabinet. Il considère le rapport de la commission d'examen qui indique ce qu'on peut réduire, ce qu'on peut limiter et quels pourraient être les impacts sur l'environnement. Pour nous, ce n'est jamais une décision en noir ou blanc. C'est le gouvernement qui prend cette décision et non l'agence.
Je le sais, mais je vais vous poser ma question à nouveau.
Si vous recommandez à la ministre de faire adopter des règlements qui établissent des normes pour les gaz à effet de serre émis par le promoteur, normalement, elle devrait mettre en oeuvre votre recommandation, puisque vous m'avez dit tout à l'heure qu'aucune recommandation n'avait été refusée par la ministre.
Bien sûr, mais c'est le Cabinet qui, en bout de ligne, décide si tel impact sur l'environnement est acceptable ou non. Notre rôle est de bien le documenter et d'expliquer ce qu'on peut réussir à faire et ce qu'on ne peut pas faire. Par la suite, le gouvernement décidera.
Nous ne recommandons jamais de ne pas réaliser un projet. Nous indiquons quel est l'impact de ce projet et jusqu'à quel point on peut atténuer cet impact. C'est bien analysé; certains rapports contiennent 400 ou 500 pages. Ils analysent tout cela et on le résume. Ensuite, le gouvernement prend la décision finale.
[Traduction]
[Français]
[Traduction]
Je voulais également tirer cela au clair, parce que c'était une série de questions intéressantes qui ont donné lieu à une réponse qui semblait tourner en rond et je ne crois pas que c'était l'intention de l'intervenant.
J'ai eu l'impression qu'elle voulait savoir en fait lesquelles, parmi les recommandations que vous avez faites au ministre, ont été ou n'ont pas été mises en oeuvre. Si je comprends bien, vous n'avez pas fait de recommandations qui ont été refusées.
J'ajouterais seulement que, comme Jean-Claude l'a dit, les recommandations qui émanent des commissions d'examen et qui sont étudiées par l'agence et présentées au gouvernement peuvent englober tout ce qui relève du mandat de la commission, y compris, éventuellement, les émissions atmosphériques.
En bout de ligne, le gouvernement formule une réponse à la recommandation de la commission. Mais ensuite — c'est peut-être l'élément manquant qui permet de répondre à la question — les ministères fédéraux qui doivent émettre une autorisation ou un permis pour permettre la réalisation du projet peuvent inclure et incluent effectivement des conditions dans ce processus d'octroi de permis. C'est le mécanisme par lequel le gouvernement fédéral peut garantir la mise en oeuvre des recommandations de la commission d'examen.
Dans le cas des sables bitumineux, l'intervention fédérale est généralement déclenchée par l'exigence, par exemple, d'obtenir une autorisation aux termes de la Loi sur les pêches ou de la Loi sur la protection des eaux navigables. Ainsi, le MPO ou Transports Canada incluent des recommandations de la commission qui ont été approuvées par le gouvernement à titre de conditions d'octroi du permis. C'est l'outil dont le gouvernement dispose pour veiller à la mise en oeuvre des recommandations d'une commission.
Je voudrais étoffer quelque peu cette réponse
[Français]
comme mon collègue M. Streiner l'a expliqué, les mesures d'atténuation pour réduire les impacts sont incluses dans le permis qui est émis par le ministère, l'autorité responsable. Il y a aussi un volet « suivi ». Ces ministères — les autorités responsables — ont aussi l'obligation de faire le suivi pour s'assurer qu'avec le temps, ces mesures d'atténuation sont bel et bien été appliquées.
Cela complète la mise en oeuvre des conclusions de cette commission.
[Traduction]
Merci. C'est maintenant plus clair pour moi et j'espère que ça l'est aussi pour vous.
Merci pour les questions.
Pendant qu'elle posait ses questions, Mme DeBellefeuille a demandé copie de la liste des entreprises qui reçoivent des fonds en rapport avec des projets d'exploitation des sables bitumineux et des évaluations environnementales. Au nom du comité, comme M. Cullen et M. Harris ont tous les deux posé la même question à la présidence, pourrais-je vous demander de remettre cette information à notre greffier qui la remettra ensuite à tous les membres du comité?
Merci.
Monsieur Bevington.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'aujourd'hui pour leurs exposés.
Avant 1992, nous avions un projet d'assez grande envergure appelé Al-Pac, qui a fait l'objet d'une évaluation environnementale sur la rivière Seine. Il en est résulté des obstacles majeurs qui ont ralenti la réalisation du projet. Peut-être votre loi s'est-elle affaiblie depuis, mais chose certaine, l'évaluation environnementale a débouché sur une refonte complète de ce projet. C'est donc un peu plus contraignant que ce que vous dites.
Je voudrais rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que dans le cadre d'une évaluation environnementale, on ne dit jamais — du moins je n'ai jamais vu cela — que tel projet ne peut pas être réalisé. On dit que le projet peut se faire, mais s'il faut prendre 95 mesures complexes, ou bien s'il faut modifier le réseau entre telle section de la rivière et la suivante, il est possible que le projet devienne non rentable et que le promoteur décide de l'abandonner. C'est dans des cas de ce genre qu'un projet est laissé de côté.
Peut-être ne me suis-je pas bien expliqué, et peut-être pourriez-vous m'aider, Peter.
Je voudrais apporter une précision. La loi sur laquelle sont fondées la plupart de nos observations et interventions d'aujourd'hui est la Loi sur l'évaluation environnementale qui est entrée en vigueur en 1995. Avant 1992, cela relevait du régime précédent, qui était le décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Ce régime était semblable à certains égards au régime que nous avons maintenant en place, mais il était aussi très différent à d'autres égards.
Au sujet du processus que vous suivez actuellement, je constate que vous avez des plans de coopération avec les organismes existants. À titre d'organisme chargé de juger les projets, comment jugez-vous de la nature d'un projet, de sa place dans le processus d'évaluation environnementale?
Je trouve que vous mettez la charrue devant les boeufs en termes de jugement. Même si l'on a prévu diverses catégories d'évaluation selon la taille du projet, il me semble que l'on préjuge le projet.
Je suppose que vous faites allusion à la décision de soumettre un projet à un examen préalable, à un examen approfondi ou à une évaluation par une commission d'examen.
En un sens, c'est le Parlement qui en a décidé ainsi dans sa sagesse. La loi stipule qu'au-delà de certains seuils, un projet doit être évalué au moyen d'une étude approfondie. Le règlement pertinent définit les seuils en question; l'agence se contente de les mettre en application.
La décision de passer d'une étude approfondie à une commission d'examen, qui est bien sûr le processus le plus public, incombe à la ministre de l'Environnement. C'est elle qui prend cette décision en application de la loi, en se fondant sur les recommandations émanant des ministères fédéraux qui doivent émettre le permis. Tout cela est établi par la loi.
Au sujet de la définition des effets cumulatifs aux termes de la LCEE, je croyais comprendre que les projets futurs étaient également inclus dans la définition, de sorte que quand l'on examine un projet, par exemple pour l'exploitation des sables bitumineux, on peut supposer que d'autres projets vont être mis en chantier, de sorte que l'on peut inscrire le projet étudié dans le contexte futur de l'industrie des sables bitumineux qui pourrait inclure un grand nombre de projets additionnels. Est-ce bien cela?
Dans ce cas, est-ce ainsi que vous procédez couramment, c'est-à-dire que vous évaluez l'incidence environnementale du prélèvement d'eau d'une rivière en tenant également compte des nombreux autres projets que vous entrevoyez à l'horizon dans la région?
Nous faisons cela — quand je dis « nous », je veux dire que la commission d'examen tient habituellement compte des travaux du CEMA et d'autres experts et de ce que nous savons au sujet de projets futurs. Mais encore une fois, nous ne sommes pas au courant de tous les projets qui sont envisagés dans ce secteur. Nous en connaissons quelques-uns. Nous savons à quoi ressemble le territoire. Nous savons quelles sont les perspectives. Tout cela est pris en compte par la commission qui, soit dit en passant, demande conseil aux scientifiques des gouvernements fédéral et provinciaux et du secteur privé.
J'ajouterais seulement une observation, qui répond également à la question de M. Cullen. Il est clair que plus les travaux du CEMA sont avancés et plus le comité regroupant de multiples intervenants créé par le gouvernement de l'Alberta est avancé dans l'établissement de seuils et de cadres applicables à divers domaines — sol, eau, et air, sur le plan régional —, plus les commissions d'examen pourront intégrer efficacement tous ces facteurs. Par conséquent, on en tient déjà compte.
Mais pour revenir à votre question, dans la mesure où les cadres de gestion sont établis au niveau régional, cela va aider les commissions à effectuer ce travail. Les membres des commissions comptent beaucoup sur les travaux du CEMA et d'autres organismes qui font de telles recherches.
Oui, je voudrais ajouter une observation. Quand nous élaborons des systèmes de gestion régionale pour l'air, l'eau, les perturbations terrestres ou quoi que ce soit, nous devons déterminer quels seront les effets cumulatifs. À cet égard, nous tenons compte des effets des projets existants, ceux qui viennent d'être approuvés, et aussi des futurs projets et de leurs incidences.
Par exemple, quand nous avons établi un système de gestion des besoins en matière de débit de la rivière Athabasca, dont nous avons remis une ébauche aux gouvernements fédéral et de l'Alberta, nous avons calculé quels seraient les prélèvements à même l'Athabasca dans le cadre de divers projets, en tenant compte des crues et des décrues. Nous faisons donc des évaluations des incidences à l'intérieur de nos organisations pour comprendre quelle peut être l'incidence maximale, pour comprendre où nous en sommes par rapport au seuil que nous établissons.
Vous faites donc une évaluation en fonction d' une industrie de 3,5 millions de barils par jour, de cinq millions de barils par jour, ou de sept millions de barils par jour? Sur quelle base avez-vous fondé vos calculs?
C'est une question très controversée. Dans certains groupes de travail avec lesquels j'ai travaillé très étroitement dernièrement, nous venons tout juste d'avoir ce débat. Nous avons consulté les experts dans notre région. Nous avons donc consulté le groupe de travail régional de l'infrastructure, qui comprend des représentants de toutes les entreprises, et ils nous ont donné leurs estimations les plus précises de l'ampleur de leurs activités. Ils savent donc quelle est l'étendue de leur emprise, quels sont leurs prélèvements d'eau et leurs exigences en matière de remise en état. Par conséquent, les entreprises du secteur sont présentes et font connaître aux autres intervenants quelle est l'étendue de leur emprise.
Sur ce point précis, nous avons eu des discussions dans le cadre du groupe de travail sur l'écosystème durable, qui travaille à un système de gestion du paysage terrestre pour les ressources terrestres. Je pense que nous avons finalement arrêté le chiffre de quatre millions.
Oui. Nous avons choisi ce chiffre parce qu'il émanait directement de nos experts et que nous ne voulions pas faire des conjectures ou contester leurs estimations.
Merci.
Avant de manquer de temps, je voudrais vous dire un mot sur les émissions atmosphériques. Je voudrais savoir, premièrement, comment vous contrôlez les émissions atmosphériques. Est-ce que vous mesurez les émissions de cheminée? Prélevez-vous des échantillons d'air dans la région? Est-ce que vous surveillez la propagation des émissions atmosphériques à l'extérieur de la région de Wood Buffalo?
Nous avons ce que nous appelons l'Association environnementale de Wood Buffalo, qui a été créée, sauf erreur, en 1995, date à laquelle les premières compagnies ont reçu le mandat ou ont été obligées par Environnement Alberta de créer un programme de contrôle régional. Ce programme s'applique à l'ensemble de la municipalité régionale de Wood Buffalo et nous avons un certain nombre de stations atmosphériques éparpillées dans toute la région, jusqu'à Fort Chipewyan et, bien sûr, autour de Fort McMurray et autour de chacune des installations. Les exploitants ont donc conçu ou établi leurs propres programmes de contrôle de la qualité de l'air ambiant et toutes ces données sont compilées dans la région de Wood Buffalo.
De plus, chaque compagnie est tenue par la loi de contrôler ses propres émissions de cheminée. Nous mesurons donc les émissions directes de chaque projet, nous mesurons l'air ambiant et nous faisons des contrôles passifs dans toute la région. C'est probablement l'une des régions de l'Alberta où la surveillance de l'air est la plus rigoureuse, et plusieurs stations atmosphériques sont établies selon la même approche de la CASA, c'est-à-dire la Clean Air Strategic Alliance.
Des stations de contrôle ont été installées en Saskatchewan, de l'autre côté de la frontière. En fait, des représentants de la Saskatchewan siègent à certains de nos comités.
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci pour vos exposés.
Monsieur Bouchard, je vais vous poser quelques questions sur le financement des groupes que vous avez mentionnés. Vous en avez nommé trois et je suis sûr qu'il y en a d'autres.
Au cours des cinq dernières années, en faisant une moyenne annuelle, combien d'argent avez-vous versé aux groupes, approximativement, surtout dans le projet des sables bitumineux? Et combien de groupes, approximativement, participent à l'exercice annuellement?
Nous avons un budget annuel de 1,5 million de dollars. Si nous avons besoin de plus d'argent — le budget a d'ailleurs augmenté parce qu'il y a de plus en plus d'activités —, nous nous adressons au Conseil du Trésor pour en obtenir plus. Mais actuellement, c'est 1,5 million de dollars pour tout le pays.
Je pourrais vous donner une liste pour le secteur des sables bitumineux. Je ne l'ai pas sous la main. Mais l'exemple que j'ai donné est typique. Dans ce cas particulier, 100 000 $ ont été accordés et trois organisations se sont partagées cette somme.
Oui, j'ai ces chiffres, et je voulais justement aborder cette question. Je pense qu'il y avait deux premières nations sur cette liste, avec la Coalition environnementale des sables bitumineux. Les 100 000 $ sont bien sûr divisés.
Dans quelle mesure vérifie-t-on la pertinence de leur participation et leur expertise qui justifient, du moins je le suppose, de leur accorder de tels montants? Et fait-on un examen de ce qu'ils ont accompli pour que vous puissiez prendre une décision l'année suivante, si vous vouliez reconduire leur financement?
Je vais laisser Scott répondre à cette question. C'est lui qui supervise tout cela.
Nous ne finançons pas sur une base annuelle, seulement pour un projet précis. D'habitude, si nous disons à une organisation donnée, « Vous avez demandé 70 000 $, mais nous allons vous en donner 28 000 », la somme est consacrée à un projet précis. Nous ne leur donnons pas un budget de fonctionnement continu.
Mais si l'organisation revient à la charge l'année suivante et veut participer au projet suivant, vous avez alors une certaine expérience de ces gens-là acquise l'année d'avant. C'est ce que je voulais dire.
Je demanderais à Scott de vous expliquer comment nous décidons combien d'argent nous donnons et tout cela.
Je vous remercie pour votre question, monsieur Harris.
Je vais commencer par dire ce que nous faisons pour chacune des commissions d'examen et chacune des études approfondies.
Un avis est publié pour inviter tous les intéressés à présenter une demande. Le processus est ouvert à tous. Tout particulier, toute organisation est invité à présenter une demande. Les demandes sont ensuite évaluées par un comité indépendant créé par l'agence. Ce comité comprend, comme Jean-Claude l'a dit, plusieurs représentants de l'extérieur. Ce comité évalue chacune des demandes en fonction des critères établis pour le programme et répond exactement aux questions que vous avez posées. Le groupe a-t-il un quelconque intérêt qui est pertinent au projet? A-t-il présenté une information qui est pertinente à l'étude approfondie ou à la commission? Le coût envisagé correspond-il à ce que nous pouvons raisonnablement financer? Il ne s'agit pas du coût de fonctionnement de l'organisation, il n'est pas question d'embaucher des avocats pour intenter des poursuites, cela correspond plutôt à des experts-conseils, des frais de déplacement, etc., pour leur permettre de participer activement au processus de la commission. À la lumière de cette étude, le comité d'examen du financement fait des recommandations qui sont ensuite acheminées, par mon entremise, au président. Ce dernier prend la décision finale quant à l'attribution des ressources.
Je pense qu'il est juste de dire que le programme est bien considéré. Il est généralement reconnu à la fois par l'industrie et par les défenseurs de l'environnement que nous faisons du bon travail pour ce qui est de financer les intervenants de manière appropriée. Nous faisons ensuite un suivi en exigeant qu'on remette des factures. Si nous avons des doutes quant au caractère judicieux des dépenses engagées, nous exigeons des rapports et une documentation plus complète.
Voilà le processus en bref.
Vous avez posé une question intéressante : s'il y a un certain niveau de mécontentement — je pense que c'est là que vous voulez en venir — quant à la qualité de l'apport d'une organisation dans une série d'audiences ou dans un processus particulier, est-ce qu'on en tiendrait compte?
À ce jour, nous n'avons pas vécu cette situation. Nous n'avons jamais constaté que de l'argent avait été dépensé à mauvais escient. En pareil cas, premièrement, nous tenterions de recouvrer l'argent. Nous avons l'obligation de veiller à ce que l'argent des contribuables soit dépensé judicieusement. On en tiendrait compte ultérieurement. Mais à ce jour, nous n'avons jamais connu de cas où nous avions le sentiment que l'argent avait été mal dépensé.
J'ai deux autres questions que je vais poser rapidement. Quand un projet proposé fait l'objet d'un processus d'évaluation environnementale, est-ce que le promoteur du projet en question est tenu de payer l'évaluation environnementale?
Seulement dans le cas d'une commission d'examen. Quand le ministre de l'Environnement nomme une commission d'examen, le coût de cette commission est assumé par le promoteur. Autrement dit, nous envoyons au promoteur une facture représentant le coût de fonctionnement de cette commission.
Pourrait-il arriver que des particuliers ou des groupes interviennent devant une commission d'examen pour se prononcer contre un projet et que le promoteur se trouve à payer la note de ces groupes qui viennent plaider contre son projet?
Il n'y a pas de recouvrement des coûts pour cela. Quand Jean-Claude dit que l'on recouvre le coût de la commission d'examen, il veut dire ce qu'il en coûte pour administrer la commission elle-même. L'aide financière aux participants provient d'un budget spécial qui est accordé par le Parlement expressément à cette fin. Le promoteur ne paie pas ces dépenses-là et il n'y a donc aucun conflit d'intérêts.
Au sujet du recouvrement des coûts, je voudrais aussi faire observer que le seul cas où l'agence est en mesure de recouvrer des coûts d'un promoteur, c'est lorsqu'il y a une commission d'examen. Mais dans le cas des études approfondies, les promoteurs sont tenus de remettre un énoncé détaillé des incidences environnementales dans le cadre du processus d'évaluation environnementale et, généralement, ils embauchent des experts-conseils pour ce faire. Ce coût n'est pas recouvré par l'agence ou le gouvernement, mais c'est un coût qui est assumé par le promoteur pour présenter sa demande au gouvernement.
Encore une question.
Vous est-il déjà arrivé que des participants plaident le pour et le contre d'un même projet, ou bien s'agit-il essentiellement de groupes de défense de l'environnement, de premières nations et d'autres groupes qui plaident contre le projet chacun de leur côté?
Je ne veux pas donner une réponse définitive — nous pouvons vérifier —, mais je dirais qu'il y a essentiellement trois groupes. Il y a les deux que vous avez décrits. Probablement que la majorité des gens qui cherchent à obtenir de l'aide financière et qui se présentent ne plaident pas énergiquement pour arrêter le projet ou en permettre la réalisation telle que proposée. Normalement, ce qu'ils réclament, ce sont des modifications au projet pour réduire l'emprise environnementale. Je dirais que c'est la majorité des cas, mais nous avons aussi des exemples de chacun des deux autres groupes que vous avez décrits.
Bon, je pense qu'il me reste encore une minute. Votre agence relève du ministère et du ministre de l'Environnement?
Le budget annuel est de 16 millions de dollars. Nous avons 150 employés au total et nous avons six bureaux régionaux à Halifax, Québec, Toronto, Winnipeg, Edmonton et Vancouver.
Bien. Dernière question. D'habitude, quel mécanisme est utilisé pour acheminer l'argent aux participants? Le montant est-il approuvé par un comité créé à cette fin? Ou bien l'argent est-il versé par l'entremise du Programme d'aide au développement des collectivités ou de quelque autre agence déjà établie et habilitée à faire des chèques?
Non. C'est une contribution directe. Un accord de contribution est signé entre l'agence à titre de représentante de l'État et la personne qui reçoit le financement au titre du programme d'aide financière aux participants. Nous utilisons donc un accord de contribution ordinaire.
Si je peux me permettre, monsieur le président, nous disposons de 1,5 million de dollars par année. Le gaz du Mackenzie est un projet séparé pour ce qui est de l'aide financière aux participants. Un crédit spécial a été approuvé par le gouvernement pour le projet Mackenzie. Je tenais à préciser cela.
Est-ce qu'il arrive à votre agence de faire des évaluations environnementales pour mesurer l'incidence des catastrophes naturelles, ou bien vous occupez-vous strictement de projets de développement?
Merci beaucoup.
J'ai un commentaire à faire au sujet de l'aide financière aux participants. Comme je suis également président de la Nation métisse du Labrador, je préconise assurément d'augmenter l'aide financière aux participants. La plupart des organisations qui passent par ce mécanisme n'arrivent tout simplement pas à participer de façon vraiment utile aux discussions de ces commissions d'examen.
Nous avons obtenu 13 500 $ d'aide financière aux participants. La compagnie de nickel de Voisey's Bay a dépensé 17 millions de dollars ou un montant de cet ordre pour l'évaluation environnementale au Labrador ou pour plaider sa cause.
Il me semble — mon ami a dit que c'est une question de défense des droits — que les promoteurs tentent de minimiser les incidences négatives et font venir tous les experts possibles, à l'étape de la commission d'examen, pour soutenir que le projet a une incidence quasi nulle. Ils alignent tous leurs experts. S'ils ont de l'argent, ils les payent pour les faire venir témoigner. Ensuite, ceux qui disent que le projet a une incidence font venir leurs propres experts. C'est ainsi qu'on entend le pour et le contre et, à un moment donné, on aboutit à un résultat.
Mais l'établissement de la portée des incidences des projets est à mon avis une question fondamentale, parce que c'est cela qui détermine vraiment la nature de l'évaluation, à savoir si c'est un examen préalable, une étude approfondie, ou bien si le ministre décide que l'intérêt public est en jeu et crée une commission d'examen. Comment détermine-t-on la portée des incidences des projets d'exploitation des sables bitumineux? Compte tenu de l'activité trépidante là-bas, il me semble que, pour parler franchement, on devrait s'attendre à voir beaucoup de commissions d'examen, du moins d'après ce que j'en sais. Il semble que la manière dont les promoteurs présentent l'envergure de leurs projets est un élément clé.
Je voudrais répondre rapidement à votre premier point au sujet de l'aide financière aux participants. Il est indéniable que le nombre de demandes dépasse le budget dont dispose le programme. Bien sûr, nous faisons de notre mieux pour répartir le budget qui nous a été accordé, mais il n'y a aucun doute que beaucoup de demandeurs aimeraient bien avoir un programme plus riche.
Au sujet de la portée des incidences des projets, vous avez touché un point absolument fondamental. Il est clair que c'est crucial. Pour ceux qui ne connaissent pas bien le dossier, je précise que l'établissement de la portée des incidences détermine en fait quels projets seront évalués dans le cadre du processus d'évaluation environnementale.
Le gouvernement fédéral procède à l'établissement de la portée, et le gouvernement provincial en fait autant. Parfois, la portée est la même dans les deux cas et cela peut parfois faciliter un processus harmonisé entre les deux compétences. Parfois c'est différent, parce que l'intérêt fédéral peut être plus limité. Il peut y avoir par exemple une situation où un ministère fédéral émet un permis pour un aspect particulier d'un projet de plus grande envergure et, étant donné que la province s'occupe du projet dans son ensemble, le gouvernement fédéral peut décider, pour établir la portée des incidences, de s'en tenir uniquement à l'élément ou à la composante du projet dont il s'occupe.
Cela peut donc varier d'un projet à l'autre. Ensuite, la décision ultime incombe aux ministères fédéraux, aux autorités responsables qui doivent prendre une décision.
Mais il est certain que l'ampleur et la portée de l'évaluation environnementale sont déterminées par les décisions prises par le gouvernement pour ce qui est de l'établissement de la portée des incidences.
C'est crucial parce que la décision quant à l'établissement de la portée détermine la nature de l'évaluation.
Disons qu'on décide de créer une commission. À ce moment-là, je pense qu'un autre élément critique, ce sont les modalités ou le mandat qu'on confie à la commission, ce qu'elle est chargée d'étudier. C'est absolument critique. Si l'on ne demande pas à la commission, par exemple, de se pencher sur les émissions de dioxyde de carbone ou de gaz à effet de serre ou sur le changement climatique, on n'aura jamais la moindre recommandation à l'issue du processus. Cela dépend donc; la décision initiale détermine le résultat en bout de ligne.
Est-ce qu'une commission d'examen a déjà examiné les émissions de dioxyde de carbone ou de gaz à effet de serre dans le cadre de l'examen d'un projet dans le secteur des sables bitumineux?
Vous demandez si les gaz à effet de serre ont déjà été inclus dans le mandat? Oui, les émissions de gaz à effet de serre ont été incluses dans les lignes directrices adressées aux commissions d'examen.
Est-ce qu'une commission d'examen a déjà formulé une recommandation au sujet des émissions de dioxyde de carbone?
Il faudrait que je vérifie. Jusqu'à maintenant, seulement deux commissions d'examen mixte ont présenté leur rapport, aux niveaux provincial et fédéral. Il faudrait que je vérifie les recommandations.
Pour ce qui est de la portée des incidences, puis-je apporter une précision? La portée établie par les ministères gouvernementaux détermine la nature de l'évaluation, à savoir s'il s'agira d'un examen approfondi ou d'un examen préalable. Le renvoi à une commission d'examen ne dépend pas de la portée. Je pense que c'est un point important. Le renvoi à une commission d'examen dépend du jugement que porte le ministère sur l'ampleur des effets environnementaux potentiels et de l'intérêt public.
En somme, la décision quant à la portée ne détermine pas si l'évaluation sera confiée à une commission d'examen ou non, mais plutôt si l'on fera un examen préalable ou une étude approfondie.
La commission d'examen est également indépendante. Elle peut décider, pour des motifs valables, d'étudier un volet particulier qui n'est pas spécifiquement mentionné dans le mandat.
Je n'ai qu'une brève question supplémentaire.
Au sujet de la consultation autochtone, je pense que l'on fait référence aux affaires Haida et Taku en Colombie-Britannique, et peut-être à d'autres qui ont suivi. Où en sommes-nous? Le processus cause une certaine inquiétude au sein de la communauté autochtone, et aussi, sans doute, dans le milieu des affaires, parmi les promoteurs des projets. Où en êtes-vous? Et quelle est la politique provisoire?
Chaque fois qu'un projet d'envergure est proposé dans les territoires traditionnels, le gouvernement du Canada sait pertinemment qu'il doit consulter les peuples autochtones. Pour l'instant, le gouvernement du Canada n'a pas de politique officielle concernant la consultation des peuples autochtones dans tous les cas de figure, mais il a la volonté de respecter la jurisprudence que vous évoquez.
Vous avez tout à fait raison. Le sujet de la consultation revient de plus en plus depuis les arrêts Taku et Haida, et nous sommes encore en période d'apprentissage. Ces arrêts remontent à deux ans seulement. Conséquemment, les ministères fédéraux, parfois sur les conseils de l'agence, se réunissent lorsqu'un projet d'envergure susceptible d'avoir des effets considérables sur les communautés autochtones est envisagé. Ensemble, ils envisagent des mécanismes pour faciliter la participation des communautés autochtones et leur permettre d'avoir leur mot à dire dans le processus d'évaluation environnementale.
Mais je ne voudrais pas que l'on pense qu'il existe de solution type en la matière. Comme vous le savez, d'un bout du pays à l'autre, la nature des revendications autochtones, qu'elles soient réglées ou non, et l'ampleur des projets varient. Par conséquent, nous tentons d'adapter notre approche selon la région et le projet. Mais nous sommes fermement engagés dans ce processus.
Bien. Merci beaucoup.
Il faudra accélérer si nous voulons terminer ce tour de table.
Monsieur Ouellet.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je sais que vous êtes dans une situation difficile. Je dirais que vous êtes entre l'arbre et l'écorce. Je vais vous donner un exemple. J'ai assez bien connu des gens qui travaillaient à Hydro-Québec et qui, pendant un bon moment, faisaient des évaluations environnementales semblables à celles que vous faites. Le type de rapport qu'ils produisaient variait selon le vice-président qui était en place, forcément. Comme vous le dites, la ministre n'a jamais refusé vos rapports parce que vous êtes assez intelligent pour vous ajuster à la hauteur où elle se situe. À un moment donné, ils se sont dit que cela n'avait pas de bon sens de toujours faire des études à l'interne et ont décidé de faire faire ces études par des gens de l'extérieur, afin de se faire moins critiquer. Ils ont confié cela à des ingénieurs de l'extérieur. Qu'est-il arrivé? Quand on leur a demandé une étude pour un projet qui devait traverser un milieu humide, ils n'ont pas dit de ne pas faire cela, parce qu'ils n'auraient plus jamais eu d'autre contrat. Lorsqu'une étude importante a été faite pour la ligne Hertel-Des Cantons, des ingénieurs, des gens responsables, ont fait cela. Ils ont dit qu'on devait réaliser le projet, et pourtant cela a été critiqué.
Dans votre cas, quand on vous demande de faire une étude sur les sables bitumineux, vous savez qu'il y a des émissions de gaz à effet de serre très importantes, et votre définition du mot « admissible » entrera en ligne de compte, forcément. Les groupes peuvent bien tous venir témoigner devant vous, mais la vôtre y sera, et c'est très variable. Cela peut varier de rien à tout. Vous êtes obligé de mettre la barre à une certaine hauteur pour que cela soit accepté par le ou la ministre. C'est un projet qui doit être fait. Vous ne pouvez pas prendre la responsabilité d'arrêter un projet comme celui des sables bitumineux.
Un autre cas est celui des centrales nucléaires. L'énergie nucléaire pourrait remplacer le gaz naturel qui est utilisé pour la production de pétrole à partir des sables bitumineux. Quelle est votre position à ce sujet? Le nucléaire n'entraîne pas de GES, mais le problème n'est pas là. La question est plutôt de savoir si on peut enfouir les déchets nucléaires. Quelle sera votre position?
Je voudrais d'abord faire un commentaire. Les gens que la ministre nomme pour siéger à une commission d'examen sont choisis avec soin. Votre collègue me demandait si le ou la ministre avait déjà passé outre à une de nos recommandations. L'agence recommande les membres qui feront partie de cette commission. On s'assure avec beaucoup de soin qu'il s'agit de gens qui, en autant qu'on puisse savoir, ne peuvent être, ni de près ni de loin, en conflit d'intérêts. Il est bien évident qu'on ne nommerait jamais à une commission d'examen quelqu'un qui travaille pour une firme d'ingénieurs. Malgré toute la meilleure volonté du monde, personne n'est impartial. Nous examinons cela avec soin, et les gens qu'on nomme d'habitude sont des gens qui ne sont pas impliqués, de près ou de loin, dans cette industrie. Ce sont souvent des personnes de grande renommée au sein du milieu académique. Ils connaissent bien le domaine et vont poser les bonnes questions. Nous ne décidons pas où on doit mettre la barre. Ils décident eux-mêmes ce qui est acceptable et quelles mesures d'atténuation devraient être prises en compte. Dans le cas des centrales nucléaires, j'imagine que vous faites allusion à l'Ontario.
Non, car la compagnie Shell veut faire un projet avec les sables bitumineux. Vous allez devoir vous pencher là-dessus.
Quand un projet nous sera présenté, nous déciderons s'il faut une étude approfondie ou une commission d'examen. Nous ferons alors une recommandation à la ministre à ce sujet, mais ce n'est pas nous qui allons décider si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
J'imagine que, dans le cas du nucléaire, nous allons recommander la formation d'une commission d'examen. Je ne veux présumer de rien, mais pour des projets de cette envergure, nous recommandons généralement la formation d'une commission d'examen.
Tout à l'heure, j'ai eu l'impression que vous préfériez la solution qui est le plus raisonnable sur le plan financier à la meilleure solution sur le plan technologique. C'est l'impression que j'ai eue quand vous avez répondu aux autres questions. Vous êtes plus préoccupé par le fait qu'il faut que ce soit réalisable. Vous favorisez donc la solution dont le coût est réaliste plutôt que celle de la meilleure technologie connue à ce jour.
En règle générale, nous demandons aux membres d'une commission d'examen, par nos lignes directrices, d'examiner des mesures d'atténuation qui sont réalistes. Nous sommes moins intéressés par quelqu'un qui pense qu'il peut inventer une technologie pour nettoyer les sables bitumineux, alors que cela n'a jamais été fait nulle part.
On s'en remet à l'expertise de la commission d'examen. C'est tout ce qu'on dit. On ne demande pas si c'est faisable, si cela coûte cher ou non. On n'impose pas un tel critère. On leur dit d'examiner des mesures d'atténuation réalistes, en ce sens qu'on sait que cela a déjà été fait et que cela peut être refait. Nous ne voulons pas faire de la recherche pendant les 20 prochaines années pour savoir si on est capable de le faire. C'est ce qu'on dit.
Dans le cas des sables bitumineux de l'Alberta, on sait que la technologie pour enfouir les gaz à effet de serre existe, mais que cela est coûteux.
Étant donné que c'est la meilleure technologie qu'on connaisse pour éliminer les gaz à effet de serre, pourriez-vous dire, lors d'une évaluation, que vous proposez qu'elle soit utilisée et que si ce n'est pas fait, on ne peut pas réaliser le projet?
Nous ne dirions pas cela, mais si une commission d'examen écrivait dans son rapport que l'exploitation des sables bitumineux a des impacts tels qu'on ne pas permettre qu'il y ait d'autres émissions de GES pour que ce projet soit réalisable, nous le soumettrions au Cabinet. Je répète que c'est le gouvernement qui prendrait la décision finale.
[Traduction]
Merci, monsieur le président. J'ai deux questions.
Madame Smith, une observation. Votre exposé sur les effets cumulatifs a éveillé ma curiosité. Compte tenu du territoire qui sera mis en valeur dans le Nord d'ici quelque temps, ou qui pourrait l'être, je trouve fascinante l'interaction entre votre organisation et le groupe qui effectue concrètement les évaluations. Dans votre organisation, combien de personnes travaillent sur le terrain, comme employés, si tant est que vous les appelez des employés? Combien effectuent le travail de recherche dont vous avez parlé?
Notre groupe compte 47 organisations. Chacune d'elles a au moins un représentant, mais si vous regardez nos groupes de travail, ils sont composés de multiples intervenants, dont un grand nombre oeuvrent sur le terrain. Autrement dit, lorsque l'industrie envoie des représentants, ce sont des personnes expérimentées, des experts des technologies ou des effets environnementaux. Un certain nombre de représentants des premières nations sont des anciens qui vivent sur le territoire concerné. D'ailleurs, certains d'entre eux participent à divers projets. Quant aux représentants du fédéral et des provinces, ils ont tous visité les sites en question, et plusieurs d'entre eux sont membres des diverses commissions mixtes d'examen pour les divers projets.
Autrement dit, il s'agit de personnes en détachement. Ce sont des employés détachés par les compagnies et par les intervenants...
Absolument. En fait, l'un de nos problèmes est d'aller chercher des personnes-ressources compétentes et nous avons proposé une recommandation à cet égard. CEMA a besoin de représentants de haut niveau, de décideurs. Ces derniers doivent nous consacrer du temps et participer à la mise au point des systèmes de gestion qui, à notre avis, contribueront à protéger l'environnement de la région.
C'est toujours un défi de travailler avec des effectifs en détachement, n'est-ce pas?
Est-ce que toutes les grandes entreprises qui exploitent les sables bitumineux sont représentées dans votre groupe de gens de l'industrie? Qui en fait partie?
Oui, tous les principaux acteurs des sables bitumineux, ainsi que des représentants du gouvernement siègent à nos comités. Oui, les principaux acteurs de l'industrie sont présents. En fait, certaines lois provinciales relatives à l'approbation des projets exigent qu'ils siègent aux divers comités régionaux.
Dans ce cas, les travaux que nous les avons vu faire dans le Nord-Ouest, notamment pour la remise en état des terres et autres initiatives de cette nature, font probablement partie du processus d'examen que mène votre organisation.
Effectivement. En fait, lorsque j'ai parlé des lignes directrices concernant la remise en état des terres, je faisais référence aux manuels des pratiques optimales que l'industrie est tenue de rédiger. Nous avons commencé à préparer ces manuels il y a une dizaine d'années; nous faisons maintenant la mise à jour continue de ces manuels renfermant les meilleures pratiques et nous les améliorons à mesure que nous prenons connaissance des résultats de la recherche. Ces manuels sont fondamentaux pour l'industrie et ils sont essentiels pour la remise en état des terres dans la région. C'est CEMA qui gère ces manuels, de concert avec ses multiples partenaires.
Voici ma dernière question. Pour être sûr d'avoir bien compris, j'aimerais savoir si ce sont les comités d'experts qui font office de point d'intégration entre les deux groupes? De quelle façon cette information, cette rétroaction est-elle acheminée... D'une part, CEMA effectue son travail; d'autre part, un projet fait l'objet d'une évaluation; il est approuvé sous réserve de certaines conditions d'atténuation — comme vous l'avez dit, il est très rare que des projets soient carrément rejetés. Ensuite, le projet est mis en oeuvre, les mesures d'atténuation sont appliquées et il y a un suivi. D'après ce que j'ai compris, CEMA chapeaute tout cela. Votre organisation participe à toutes ces étapes.
Est-ce ainsi que les choses fonctionnent?
En effet, de nombreux membres de CEMA siègent à de multiples commissions d'examen, et vice versa. Il y a donc une intégration des mêmes personnes. C'est l'une des difficultés. Les personnes qui travaillent pour l'industrie, les personnes qui travaillent pour les gouvernements fédéral et provinciaux et les personnes qui travaillent avec les premières nations sont également celles qui assistent aux audiences et participent à l'évaluation de l'impact sur l'environnement. Les personnes en question assument de multiples responsabilités. Ce sont les mêmes, ce qui est une bonne chose, parce que chacune d'elles comprend les enjeux.
Monsieur le président, j'invoque le Règlement. M. Allen pourrait-il utiliser son temps de parole pour demander à Mme Smith pourquoi CEMA n'a pas le mandat de faire des recommandations concernant le CO2 et les changements climatiques...
Si vous vous souvenez, lorsque je parlais du champ d'action de CEMA, je vous expliquais que nous nous attachions à une partie des 72 enjeux soulevés dans le cadre de la Stratégie régionale de développement durable. Si l'on regarde la liste de ces 72 enjeux, les gaz à effet de serre et le CO2 font partie des enjeux relevant de cette stratégie. Toutefois, les intervenants de la région ne les ont pas identifiés comme étant des enjeux prioritaires. Comme ils ne font pas partie des premiers enjeux environnementaux qui doivent être étudiés, c'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas penchés sur ces questions jusqu'à maintenant. Mais j'ai mentionné qu'à notre avis, après six ans, il faudrait réévaluer les enjeux environnementaux et, peut-être, modifier les priorités. Je ne peux vous garantir que les gaz à effet de serre se retrouveraient en haut de la liste, mais il est possible d'apporter des changements à l'ordre des travaux que nous menons.
Merci de votre question, monsieur Allen.
Je pense que M. Cullen voulait poser d'autres questions, mais nous manquons de temps.
Je remercie les témoins de leur exposé aujourd'hui. Je demanderais à mes collègues de rester pendant quelques instants après le départ de nos invités. M. Tonks veut discuter brièvement de nos travaux.
Je vous remercie encore une fois de votre comparution aujourd'hui et de vos excellentes réponses. Merci beaucoup de nous avoir consacré de votre temps.
C'est le jour de M. Tonks. Vouliez-vous discuter d'une motion ou des travaux du comité?
Non. Je voulais donner un avis de motion concernant BIOCAP, mais d'après ce que je comprends maintenant, BIOCAP doit comparaître mardi prochain. Par conséquent, monsieur le président, il serait sans doute préférable de présenter mon avis de motion après la venue des représentants de BIOCAP. Je pense que j'en discuterai avec le greffier.
Comme je viens tout juste d'être informé de leur venue, je pense que cela favoriserait une meilleure discussion sur la motion. Il y a quelques instants à peine, j'ignorais encore qu'une délégation viendrait.
Je crois savoir que nous siégerons la semaine prochaine mais j'entends constamment des rumeurs provenant d'autres sources selon lesquelles il se pourrait que nous ajournions dès vendredi. Nous savons que nous serons encore ici dans deux jours, soit jeudi et c'est à cette occasion que l'on nous parlera du nucléaire.
Je vous remercie de votre participation aujourd'hui.
La séance est levée.