Tout d'abord, je tiens à remercier les députés de leur invitation et de l'occasion qu'ils donnent à l'Association canadienne des paiements de venir leur parler de cette importante question.
L'Association canadienne des paiements, ou ACP, a été créée par une loi du Parlement en 1980. Nous comptons actuellement 136 membres, à savoir la Banque du Canada, les banques à charte, les sociétés de fiducie et de prêt, les sociétés coopératives de crédit et caisses populaires centrales, les associations coopératives de crédit et d'autres institutions.
Le Parlement nous a confié un mandat très précis: établir et mettre en œuvre des systèmes nationaux de compensation et de règlement; favoriser l'interaction des systèmes avec d'autres; et favoriser le développement de nouvelles technologies et méthodes de paiement. Le Parlement a par ailleurs prévu un mandat d'intérêt public très clair: que l'ACP favorise l'efficacité, la sécurité et le bien-fondé de nos systèmes en tenant compte des intérêts de tous les usagers. À ce titre, l'ACP joue un rôle de chef de file dans la gestion de systèmes sûrs et efficaces de compensation et de règlement pour les Canadiens.
Les paiements sont le principe vital de l'économie. Chaque jour, les Canadiens, les entreprises et le gouvernement utilisent divers « instruments de paiement » pour acheter des biens et des services, pour faire des placements financiers et pour transférer des fonds d'une personne à l'autre.
Les institutions financières ont besoin d'arrangements pour transférer des fonds entre elles, ce que facilitent les systèmes de compensation et de règlement et le cadre de règles et de normes que maintient l'ACP. Chaque jour, en moyenne, nous assurons la compensation et le règlement de quelque 202 milliards de dollars de paiements. L'an dernier seulement, l'Association canadienne des paiements a effectué la compensation et le règlement de 5,7 milliards d'opérations de paiement.
L'ACP opère dans un environnement très bien défini, selon le mandat que nous tenons de la loi et selon nos objectifs clairs de politique publique, et sous la surveillance vigilante du ministère des Finances et du gouverneur de la Banque du Canada.
Nos règlements administratifs sont considérés comme des textes réglementaires. Par conséquent, ils sont soumis à l'approbation du gouverneur en conseil.
Les règles que nous élaborons à l'appui des divers produits de paiement et pour l'exploitation du système de compensation et de règlement sont sujettes à l'examen serré du ministre des Finances, qui a le pouvoir de désavouer toute règle, en tout ou en partie, pour des raisons de politique publique.
Par ailleurs, l'ACP possède et met en oeuvre notre Système de transfert de paiements de grande valeur, qui a été désigné comme système de paiement d'importance systématique en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Le gouverneur de la Banque du Canada a donc une responsabilité directe de surveillance de ce système et des affaires de l'ACP qui concernent ce système.
Mais la relation avec ces deux importants organismes de surveillance va bien au-delà des exigences formelles fixées par la loi. Organisme autoréglementé efficace, l'ACP favorise les relations étroites avec tous les intervenants du système de paiement.
À cet égard, l'ACP s'est donnée un rigoureux processus de consultation. Pour l'élaboration des nouvelles règles ou politiques visant le système de paiement, nous faisons largement appel aux conseils et aux avis qui nous viennent de comités spécialisés formés de membres et d'intervenants.
La nouvelle politique, une fois rédigée, est soumise au Comité consultatif des intervenants pour examen et avis. Par la suite, le conseil d'administration est invité à approuver une grande consultation sur la politique, qui est alors diffusée. Ce n'est qu'après une étude poussée de tous les commentaires des intervenants et des membres que le conseil d'administration de l'ACP est saisi d'une recommandation finale. Si le conseil l'approuve, la nouvelle règle ou la règle modifiée est envoyée immédiatement au ministre des Finances pour examen. Le ministre a le pouvoir de désavouer toute règle de l'ACP dans les 30 jours suivant la réception d'un changement.
Il y a un instant, j'ai parlé de l'importance du Comité consultatif des intervenants. Ce comité existe depuis 1996, mais ce n'est qu'en 2001 qu'il a été consacré dans la loi. Le comité est composé de 18 représentants des intervenants dont les détaillants, les grandes et petites sociétés, les gouvernements provinciaux et fédéral, les fournisseurs de services de paiement et les groupes de consommateurs. Étant donné l'ampleur des connaissances réunies au sein de ce comité et la diversité de sa composition, ses membres participent activement à tous les efforts de travail menés sous les auspices de l'ACP.
Pour revenir au mandat de l'ACP, si notre premier mandat — « établir et mettre en œuvre les systèmes » — est crucial pour le fonctionnement de l'économie canadienne, le rôle de facilitation de l'ACP est tout aussi essentiel au bon fonctionnement du système de paiement et à son évolution. Le système de paiement est en pleine évolution. L'ACP continue de répondre aux besoins de l'industrie par la mise en place d'un cadre de règles pour les paiements et du portail par lequel les membres compensent et règlent leurs opérations de paiement.
Par conséquent, les institutions financières et les fournisseurs de services de paiement n'ont pas besoin de concentrer leurs efforts sur l'exécution finale des paiements; ils peuvent plutôt travailler en première ligne au développement d'applications de paiement nouvelles et plus efficaces pour répondre aux besoins des Canadiens.
Avant de conclure, j'aimerais faire un bref commentaire sur les cartes de crédit. Les cartes de crédit n'ont jamais été perçues comme étant du ressort de l'ACP. À l'époque de la création de l'ACP, en 1980, la plupart des paiements s'effectuaient par chèques papier. Notre rôle était d'effectuer la compensation et le règlement des paiements tirés sur les comptes de dépôt à vue. Puisqu'ils n'étaient pas tirés sur des comptes de dépôt, les paiements par cartes de crédit à l'époque n'étaient pas considérés comme faisant partie du mandat de l'ACP, ce qui est toujours le cas aujourd'hui.
Cela mis à part, nous sommes tous conscients de ce que le paysage des paiements continue de se transformer rapidement. À cet égard, l'ACP continuera de jouer un rôle de leadership dans la mise en place de systèmes sûrs et efficaces de compensation et de règlement pour répondre aux besoins actuels et futurs des Canadiens.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur Rajotte.
Messieurs les présidents, vice-présidents, membres et analystes, permettez-moi de vous remercier de cette occasion de vous faire part de nos observations sur les frais d'interchange exigés des commerçants et des consommateurs pour l'utilisation des cartes de débit et de crédit.
Option consommateurs existe depuis 1983. Nous sommes une association à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir et de défendre les intérêts des consommateurs et de veiller à ce qu'ils soient respectés. Notre siège social se situe à Montréal et nous avons aussi un bureau à Ottawa, récemment ouvert.
Nos interventions visent autant les politiques publiques fédérales que québécoises. Depuis de nombreuses années, nous participons à l'analyse du système des services financiers canadiens, que ce soit par la recherche, l'enquête ou la représentation des intérêts des consommateurs devant différentes instances telles que l'Association canadienne des paiements.
[Français]
Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Geneviève Reed, de Montréal, qui est responsable du Service de recherche et de représentation chez Option consommateurs. Je cède la parole à ma collègue.
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Vous l'avez entendu au cours des derniers jours, ce sont ultimement les consommateurs qui paient la note des frais d'interchange, qu'ils utilisent ou non leurs cartes de crédit. En outre, il appert que tous les consommateurs subventionnent les utilisateurs de cartes de crédit à prime ou d'affaires par une hausse généralisée du prix des biens et des services qu'ils consomment. Cette pratique commerciale s'ajoute à d'autres pratiques telles que les baisses du taux de paiement minimum, les frais de dépassement et autres pénalités de retard, les taux préférentiels de lancement, les chèques d'avance de fonds, les ristournes sur les achats, les congés de paiement et les innombrables sollicitations postales et en magasin qui, loin d'être des cadeaux, confondent le consommateur peu informé ou endetté.
Les produits de crédit sont de plus en plus complexes mais, malheureusement, une importante partie de la population canadienne manque de compétences en matière d'alphabétisation et, fort probablement, de capacités financières. Nous croyons qu'en matière de cartes de crédit, il est temps de réduire le déséquilibre entre l'entreprise et le consommateur. Nous devons aussi parler de la responsabilité du prêteur, c'est-à-dire de la responsabilité des institutions financières qui choisissent d'octroyer une nouvelle carte de crédit à quelqu'un qui est déjà endetté de 40 000 $, par exemple, ou qui ne peuvent avertir sur-le-champ un client qui dépasse sa limite de crédit.
L'obligation de divulgation, le devoir de conseil et l'évaluation de la capacité de remboursement des emprunteurs figurent au nombre des responsabilités souvent oubliées des institutions financières. Par ailleurs, les diverses représentations que vous avez entendues au cours des séances précédentes l'illustrent bien, le système actuel est complexe et plein de trous. Oui, les Canadiens sont de grands utilisateurs de cartes de crédit et de débit. Ils utilisent ces modes de paiement sans toutefois comprendre les mécanismes qui les font fonctionner et sans toujours savoir quels sont leurs droits et responsabilités.
Les cartes de crédit et les cartes de débit sont des instruments de paiement électronique, c'est-à-dire que pour effectuer une transaction monétaire, il y a absence de papier monnaie ou de chèque. Or au Canada, dans la Loi sur la monnaie, au XXIe siècle, la monnaie électronique n'existe pas. En effet, les systèmes de paiement électronique mettent en scène de multiples intervenants dont les actions sont encadrées différemment. Personne ne semble avoir une vue d'ensemble. Il faut des règles équitables et claires pour tous les acteurs du système, car pour le moment, les utilisateurs portent la responsabilité et les risques liés aux paiements électroniques, alors qu'ils ne créent pas ces risques. En outre, la majorité des instruments encadrant les paiements électroniques ne sont pas assortis de sanctions en cas de non-conformité. Par ailleurs, la délégation des pouvoirs d'encadrement au secteur privé entraîne un déficit démocratique de taille, puisque les intérêts des consommateurs ne peuvent y être dûment représentés comme dans le cadre d'un processus parlementaire et réglementaire.
Prenons l'exemple des cartes de débit. Leur utilisation est encadrée par le Code de pratique des services de cartes de débit adopté en 1992. L'application de ce code est volontaire et, selon divers sondages et études, les institutions financières l'appliquent partiellement et inégalement, et les consommateurs ne le connaissent pas. Puisqu'il est possible qu'Interac change de modèle d'affaires et/ou que Visa et MasterCard entrent sur le marché du débit, nous croyons qu'il faut absolument que les autorités gouvernementales assurent aux utilisateurs canadiens de cartes de débit un environnement sécuritaire et juste.
Je cède la parole à Mme Bose, qui va vous faire part de nos conclusions.
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Bonjour. Mon nom est John Scott, et je suis le président-directeur général de la Fédération canadienne des épiciers indépendants. M. François Bouchard, propriétaire de Country Grocer, à Ottawa, et trésorier bénévole de notre organisme, m'accompagne.
Avant de commencer à parler de frais d'utilisation des cartes de crédit et du projet de restructuration d'Interac, je trouve important de placer la situation en contexte afin que les membres du comité comprennent bien la situation unique des épiciers détaillants dans le marché canadien. L'industrie des aliments au détail, secteur fortement concurrentiel et très concentré, génère 72 milliards de dollars par année. Près de 85 p. 100 de la distribution des aliments repose entre les mains de seulement cinq grandes sociétés.
Or, les statistiques montrent que les épiceries indépendantes occupent environ 40 p. 100 du marché total de la vente au détail. Cet écart s'explique par le fait que les indépendants de moindre taille qui n'achètent pas leurs produits directement du manufacturier doivent se les procurer auprès des magasins de gros d'un de ces grands fournisseurs. En fait, le Canada est le seul pays développé où une entreprise peut exploiter des magasins de détail, des magasins de gros et des franchises dans un même marché.
Pour demeurer compétitifs dans ce milieu extrêmement difficile, les épiciers indépendants doivent absolument se différencier de tous leurs concurrents. Par ailleurs, la concentration du marché fait qu'il nous est très difficile de demeurer concurrentiels. Par conséquent, ils doivent tenir compte de tous les éléments de coût et pouvoir se fier à leur structure de prix.
Les frais de transactions financières associés à l'utilisation croissante et omniprésente des cartes de débit et de crédit sont un de ces éléments. Il fut un temps où c'était une « commodité » de les accepter à l'épicerie. Aujourd'hui, c'est une obligation. C'est presque un service public.
Je ne veux pas perdre de temps à répéter les statistiques et les pourcentages dont vous avez été bombardés tout au long de vos audiences. Le noeud de l'affaire, de notre point de vue, c'est que Visa et MasterCard contrôlent 94 p. 100 du marché de la carte de crédit au Canada, ce qui leur permet d'imposer des tarifs exorbitants aux détaillants comme aux consommateurs. Compte tenu de leurs antécédents, on peut penser que l'arrivée de ces deux géants sur le marché de la carte de débit fera augmenter les frais.
Au cours des 18 derniers mois seulement, Visa et MasterCard ont énormément pris à nos détaillants. Les cartes de crédit améliorées qui font l'objet d'une publicité intensive ont fait grimper les frais que paie le détaillant. Il ne peut pas savoir ce que seront ses coûts et n'a aucun contrôle sur eux. En un mot, l'établissement émetteur de cartes dit au consommateur que tous les détaillants acceptent ses cartes. Le détaillant, peu importe sa taille, doit accepter toutes les cartes ou perdre un pourcentage de sa clientèle. Imaginez la difficulté de former un caissier au sujet des différentes cartes Visa existantes.
Nous sommes convaincus que, si ces frais continuent d'augmenter de façon aléatoire, injustifiée et illimitée, certains des nôtres devront se retirer du marché. Vous savez tous que la marge de profit en alimentation est déjà très mince, et un indépendant n'a pas la force de frappe nécessaire pour négocier un tarif inférieur. Pour des raisons de compétitivité, il est impossible de refiler ces frais inattendus au consommateur. Des frais exagérément gonflés menacent la marge concurrentielle de l'épicier indépendant. Les pressions exercées sur les coûts lui font perdre son avantage compétitif et il n'y peut rien.
Deuxièmement, parlons clairement. Quand de petites entreprises, comme les épiciers indépendants, sont obligées de fermer en raison des pressions exercées par des structures de coûts externes imprévisibles et incontrôlables, plusieurs éléments de notre société en subissent alors le contrecoup, y compris les consommateurs, les producteurs locaux et les employés, et même la diversité que leur entreprenariat apporte à l'économie canadienne. D'ailleurs, pendant les campagnes électorales, tous les partis politiques s'entendent pour dire que les petites entreprises sont la colonne vertébrale de l'économie. Pourquoi, alors, agir de façon à nuire à leur compétitivité?
La hausse des frais de cartes de crédit est un problème extrêmement difficile à résoudre, mais les questions liées à une éventuelle restructuration des ententes relatives aux cartes de débit et à Interac sont encore plus décourageantes. La réalité est que nos clients paient beaucoup plus souvent par cartes de débit qu'avec de l'argent comptant ou des cartes de crédit. En fait, de 60 à 70 p. 100 des transactions dans nos magasins sont faites par cartes de débit. Les frais de débit exigés des détaillants sont très élevés. Ils se fondent sur un certain montant par transaction.
Au départ, les indépendants sont désavantagés par rapport aux gros détaillants, parce qu'ils ne peuvent pas négocier des tarifs de transaction aussi bas. Toutefois, parce qu'Interac est sans but lucratif, nous savons plus ou moins quel sera l'impact sur notre structure de coûts et nous livrons concurrence sur cette base. Cette certitude relative au coût est capitale.
Cependant, le moindre changement à ce système ou un retour aux frais de transaction en pourcentage ne ferait qu'exacerber l'écart actuel entre les coûts et mettrait en péril beaucoup de petites entreprises.
C'est pourquoi il est impérieux, si Visa et MasterCard sont autorisées à mettre en place un système de cartes de débit au Canada, que ce système soit soumis aux règles canadiennes qui régissent Interac. Les frais doivent représenter les coûts des traitements, en plus de produire un taux de rendement raisonnable sans intention et sans possibilité de passer à un système fondé sur le pourcentage.
Nous avons des doutes sur l'affirmation d'Interac selon laquelle cette entreprise sans but lucratif serait en mesure de continuer à soutenir la concurrence de ces deux multinationales des cartes de crédit en continuant d'offrir des solutions moins coûteuses. En fait, Interac se retrouverait dans la même situation que les épiciers indépendants. À cause de sa petite taille, elle n'aurait d'autre choix que d'augmenter ses frais. Les petites entreprises sont en fin de compte les victimes.
Il est essentiel que nous continuions à offrir un système de cartes de débit accessible et équitable au Canada. Personne n'a encore prouvé pourquoi les frais de débit devraient avoir un rapport quelconque avec le montant de la facture. L'argent est transféré du compte du client à l'établissement émetteur en temps réel. Il ne s'agit pas de frais de crédit ou d'un prêt.
Le Canada a laissé un système très unique se développer. Ce système ouvert et non réglementé a suscité des difficultés énormes qui ont récemment été exacerbées par les frais superflus liés aux cartes de crédit à valeur ajoutée.
Maintenant, il faut absolument que nous, en tant que Canadiens, développions un système de paiement canadien équitable. Nous devons maîtriser la spirale des coûts qui nous sont imposés lorsque nous acceptons les cartes de crédit à valeur ajoutée. Surtout, nous devons veiller à ce que soient maintenus les frais fixes et raisonnables, correspondant à quelques cents par transaction, qui sont exigés des commerçants. Il nous faut un système qui prévoit la reddition de comptes et la surveillance. Bref, essayons de trouver, ensemble, une solution bien canadienne qui soit équitable pour tous.
Merci encore de nous avoir donné l'occasion d'expliquer nos préoccupations à vos comités aujourd'hui. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Duff Conacher. Je suis coordonnateur de Démocratie en surveillance et président de la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire. Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour discuter de cette question très importante, qui concerne essentiellement la responsabilité des sociétés et les mesures de reddition de comptes efficaces en matière d'accès au crédit, d'établissement de prix justes et de traitement équitable des consommateurs dans tout le Canada.
La Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire est composée de 100 organismes canadiens. Ces organismes sont des groupes de citoyens qui se sont rassemblés il y a maintenant 13 ans. Depuis la création de la coalition, nous préconisons l'adoption de mesures pour accroître réellement la responsabilité des banques et des autres institutions financières.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je ne vais pas répéter les préoccupations et les problèmes touchant le marché actuel, très bien exprimés par les autres témoins. Je vais plutôt souligner quelques autres facteurs relatifs à l'accès au crédit et au marché des cartes de crédit.
Je suis d'accord avec M. Scott lorsqu'il dit que le système d'accès au crédit est maintenant un service public qui devrait être réglementé comme tel. Les autres services publics sont obligés de prouver que leurs prix sont équitables et de se soumettre à des examens publics avant de pouvoir augmenter leurs tarifs. Nous devons appliquer cette pratique à nos systèmes de crédit de base et à l'ensemble des services bancaires.
Les banques et les autres sociétés émettrices de cartes de crédit vendent leurs cartes de crédit un peu comme l'industrie du tabac commercialise ses produits, en essayant d'accrocher les jeunes avec des images de sécurité, de liberté et de toutes les choses merveilleuses que l'on peut obtenir avec le crédit, sans leur donner beaucoup d'information sur les inconvénients. Bien sûr, les inconvénients ne touchent pas la santé physique, mais la santé financière. Le fait d'être accroché à l'endettement peut être aussi nuisible à long terme qu'une dépendance au tabac.
Il faut mettre en place des mesures pour s'assurer que ces entreprises fournissent toute l'information nécessaire et pour que les consommateurs reçoivent toute l'information dont ils ont besoin d'autres sources, car en général ils n'ont pas confiance aux renseignements qui leur sont fournis par les vendeurs. Ils se rendent bien compte que le vendeur essaie toujours de leur vendre quelque chose et que ce n'est pas dans son intérêt de les informer pleinement sur quelque produit que ce soit.
La coalition a comparu devant le Comité de l'industrie en février 1997, lorsque celui-ci a tenu ses dernières audiences sur les cartes de crédit. Malheureusement, ces audiences ont été interrompues par le déclenchement des élections au printemps de 1997, mais j'encourage vivement tous les membres du comité à lire les transcriptions de ces séances. Vous y trouverez de l'information très intéressante. Pratiquement tous les intervenants ont comparu, mais à cause de l'élection, le comité n'a pas pu déposer de rapport.
Nous revoilà, 12 ans plus tard. Les problèmes n'ont pas disparu et se sont même aggravés à mesure que s'est creusé l'écart entre les taux d'intérêt des cartes de crédit et le taux préférentiel de la Banque du Canada. Au cours de la dernière année, il y a également eu des augmentations unilatérales. À notre avis, les banques essaient essentiellement de récupérer les 16 milliards de dollars de pertes qu'elles ont subies à cause, en grande partie, de leurs décisions d'accorder des prêts à très haut risque.
Depuis lors, la Loi sur les banques et les autres lois sur les institutions financières ont fait l'objet de trois examens sans qu'aucune mesure ne soit prise pour protéger les consommateurs contre l'arnaque et pour obliger les banques et les autres institutions financières à servir tout le monde de manière juste à des prix équitables.
En 2002, lorsqu'il s'apprêtait à assister à sa première réunion du Cabinet, John McCallum, qui était alors secrétaire d'État responsable des institutions financières, a dit que les taux d'intérêt des cartes de crédit étaient « grotesquement élevés ». Ce sont ses propres paroles. Or, rien n'a été fait pour réduire ces taux d'intérêt grotesquement élevés sur les cartes de crédit.
Le ministre des Finances, M. Flaherty, a proposé des mesures il y a juste une semaine. Vous devriez avoir sous les yeux un communiqué de la coalition en date du 22 mai répondant à ces propositions. Si vous ne l'avez pas, vous l'aurez bientôt car il est à la traduction. Ces propositions ne vont pas assez loin et viennent un peu trop tard pour protéger les consommateurs des produits financiers contre les abus.
Trois des huit règles qui sont proposées ne modifient que les exigences concernant l'information fournie par les émetteurs de cartes de crédit, mais ce ne sont que des changements mineurs. Une autre ne traite que du consentement du consommateur à l'augmentation de sa limite de crédit. Une autre encore impose des restrictions sur les pratiques de recouvrement des créances. Aucune de ces cinq nouvelles règles ne prévoit quelque mesure que ce soit pour protéger les consommateurs contre les abus. Il en va de même pour le projet de création d'un groupe de travail sur l'éducation financière des consommateurs qui sera redondant compte tenu de l'existence de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada qui se charge d'informer les consommateurs depuis huit ans déjà.
Le délai de grâce de 21 jours prévu pour les nouveaux achats réglés par carte de crédit, les restrictions à l'égard d'une sorte de frais et l'affectation des paiements protégeront très peu de consommateurs contre certains coûts, mais aucune des nouvelles règles n'entraînera la diminution de taux d'intérêt déjà excessifs ni n'aura la moindre incidence sur le taux d'intérêt supplémentaire et les frais que les banques et autres sociétés ont unilatéralement imposés au cours de la dernière année, ni le prix trop élevé de leurs divers services de cartes de crédit.
Qu'est-ce qu'il faudrait pour vraiment responsabiliser les banques? Qu'est-ce qui les obligerait à prendre des mesures qui aideraient vraiment les consommateurs en contrepartie des 200 milliards de dollars que les banques ont reçus en subventions? Qu'est-ce qui rétablira l'équilibre du marché, en particulier pour compenser le fait que les consommateurs paient pour la défense des intérêts de toutes les institutions financières puisque celles-ci imposent aux consommateurs…
Nous estimons que les consommateurs versent 200 millions de dollars en frais annuels aux institutions financières pour financer la défense des intérêts du secteur.
Nous demandons trois mesures simples.
Oui, vous pouvez plafonner les taux d'intérêt des cartes de crédit, mais auparavant il faut une évaluation indépendante rétroactive sur au moins 10 ans. Cela obligerait les sociétés émettrices de cartes de crédit à prouver que leurs tarifs et leurs taux d'intérêt ont été justes pendant toute cette période et qu'elles n'ont réalisé que des bénéfices raisonnables, et non pas excessifs.
Deuxièmement, il faudrait obliger les institutions à inclure une circulaire d'une page comme cette enveloppe à cacheter dans leurs envois à leurs clients. Cette circulaire inviterait les clients à se joindre à un groupe de surveillance des institutions financières. Cela ne coûterait rien à l'industrie ni au gouvernement.
Monsieur Scott, vous et moi avons beaucoup travaillé par le passé, et j'aurais aimé que les comités nous prêtent alors une oreille plus attentive quand nous évoquions les préoccupations des petites épiceries indépendantes du Canada, devant l'atténuation de la concurrence.
Vous avez dit que le Bureau de la concurrence intervient dans une certaine mesure. Vu sa constitution actuelle et sa façon de percevoir et d'envisager les seuils dans les marchés, je ne suis pas sûr que ce soit d'un grand réconfort.
Vous avez indiqué que les achats par carte de débit et de crédit constituaient de 60 à 70 p. 100 de l'ensemble de vos ventes. Pourriez-vous, vous ou M. Bouchard, indiquer quelles répercussions vous entrevoyez sur les résultats des indépendants, au cours des deux ou trois années à venir, sans parler des surcharges refilées aux consommateurs. Combien seront acculés à la faillite?
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Merci de votre question, monsieur Bouchard.
Actuellement, les consommateurs ont généralement de la difficulté à comprendre eux-mêmes leur état de compte, alors si on ajoute une autre information de nature financière, cela risque plus de mêler le consommateur que de l'aider, d'une part.
D'autre part, nous croyons que ces frais ne doivent pas être assumés uniquement par les consommateurs. Ce sont des frais qui s'ajoutent à tous les autres frais imposés aux consommateurs, qu'il s'agisse de frais de dépassement de limite ou de changement du taux de paiement minimum, etc.
Le problème semble très complexe, les impacts semblent très complexes. Ils sont très importants pour les commerçants, on l'a compris. C'est sûr que dans des secteurs comme celui de l'alimentation, effectivement, les commerçants ne peuvent pas transmettre la facture au consommateur parce que cela ferait augmenter le prix du bien essentiel que sont les aliments. Cependant, dans d'autres domaines, on peut croire que cela provoquerait une augmentation du prix des produits et, donc, cela nous inquiète à moyen terme. Ces coûts ne sont pas absorbés par le système, mais uniquement par le consommateur, au bout du compte.
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Actuellement, les différents paiements électroniques, que ce soit le crédit, le débit ou les paiements préautorisés, sont réglementés de différentes façons. Comme je l'ai dit, il y a le code volontaire sur les paiements par carte de débit, qui existe pour les cartes de débit, et il y a les règles de l'ACP qui s'appliquent en cas de paiements préautorisés par carte de débit, par exemple. Il y a toutes sortes de règles sur lesquelles personne n'a une vue d'ensemble.
On estime qu'il faut des règles claires, notamment en matière de transparence des coûts, de responsabilité, d'allocation des risques. Actuellement, dans le cas notamment d'avances de fonds sur les cartes de crédit, c'est le consommateur qui est responsable s'il y a une fraude à partir de sa carte. Pourquoi le consommateur n'est-il pas responsable en ce qui concerne une carte de débit alors qu'il l'est dans le cas d'une carte de crédit?
Il y a aussi la question du règlement des différends. On aimerait savoir de combien de jours l'entreprise dispose pour régler un litige, si litige il y a, et comment la résolution doit se faire.
Finalement, il y a l'encadrement de la sollicitation. Vous savez qu'en matière de crédit, la sollicitation, que ce soit par la poste ou en magasin, est vraiment très importante, et malvenue en ce qui nous concerne.
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J'essaie de poser un certain nombre de questions, si bien que j'apprécie la réponse pour les consommateurs et les personnes qui utilisent des cartes de crédit.
Dans votre témoignage, monsieur Scott, vous avez indiqué l'extrême fluctuation et le caractère incontrôlable des structures de coûts externes que subissent les petites entreprises et les entreprises en général en matière de frais d'interchange et de transaction, pour vos entreprises et les entreprises que vous représentez. Cela a été une découverte pour bien des consommateurs, au fur et à mesure des audiences que nous avons tenues: le propriétaire d'une petite entreprise ou d'une entreprise doit acquitter des frais d'interchange différents selon la carte de crédit ou la carte Visa que le consommateur tire de son portefeuille.
En fait, tirer du portefeuille un certain type de carte Visa peut entraîner des frais; en tirer un autre type de Visa peut entraîner d'autres frais pour la petite entreprise. Je suis désormais bien plus conscient du choix que je fais quand je tire une carte de crédit de mon portefeuille à l'épicerie.
Pour ce qui est de ces frais sans contrôle et en constante évolution, auriez-vous une suggestion quant à une recommandation que nous pourrions faire? Où est véritablement le problème? Dans la constante évolution et dans les fluctuations d'une carte par rapport à une autre, ou alors dans le fait que certaines cartes entraînent des frais plus élevés que d'autres?
Ma question devrait être la suivante: devrions-nous recommander une uniformisation des frais, même s'ils sont plus élevés, afin que les petites entreprises sachent au moins à quelle structure de coûts elles ont affaire?
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Certainement. Comme je l'ai dit, la première idée, c'est une révision des prix.
Depuis 10 ans, lorsqu'on interroge les Canadiens sur l'accès au crédit et aux services bancaires, 90 p. 100 d'entre eux répondent que c'est essentiel pour vivre en société, que l'on veuille voyager, louer une voiture ou simplement se prévaloir du crédit ordinaire. On considère ces services comme d'autres services essentiels, comme les services publics de distribution d'énergie, par exemple. C'est encore plus vrai lorsque quelques sociétés se partagent l'essentiel du marché.
Pour tracer la ligne où doit se situer le juste prix, il faut faire une vérification. Il faut envoyer des vérificateurs dans les sociétés commerciales. Ne faites pas confiance à leurs propres chiffres, car elles peuvent les manipuler, étant donné l'élasticité des règles comptables et la façon dont les services comptables responsables des cartes de crédit se dissimulent derrière l'ensemble des opérations commerciales. Il faut faire des vérifications indépendantes.
Ces vérifications ne doivent rien révéler de ce qui relève de la propriété commerciale. Il s'agit simplement de faire connaître aux consommateurs les niveaux de bénéfice réalisés par les entreprises. Si elles ont des marges bénéficiaires de 50 à 100 p. 100, cette seule information fera baisser les prix et les taux d'intérêt du jour au lendemain. Mais si cela ne se produit pas, le gouvernement peut intervenir et aller encore plus loin.
Deuxièmement, les consommateurs paient pour la défense des intérêts des institutions financières et des sociétés commerciales. Pourquoi? Parce qu'elles peuvent très facilement ajouter un ou deux dollars à leurs frais ou un point de pourcentage à leur taux d'intérêt et aller chercher ainsi des millions, des dizaines de millions et des centaines de millions de dollars dans l'ensemble du secteur commercial, parce qu'elles ont 25 millions de clients.
Comment équilibrer tout cela? Nous sommes là avec les autres groupes de défense des consommateurs, disposant de budgets très limités, à essayer de susciter l'intérêt des gens et de les convaincre de nous apporter leur soutien dans l'ensemble du pays. C'est très difficile. Nous ne pouvons pas ajouter un ou deux dollars à leur facture comme les grandes institutions peuvent le faire. Mais sans qu'il en coûte un sou au secteur privé ou au secteur public, le gouvernement pourrait obliger les sociétés à joindre à leurs envois une brochure d'une page comme celle-ci, qui rappelle ce que l'on trouvait autrefois dans les magazines. C'est une enveloppe préencollée. On y décrit le groupe de défense des consommateurs et on invite les gens à y adhérer. Ils peuvent y glisser leur chèque et l'envoyer par courrier.
Vingt-cinq millions de Canadiens pourraient le recevoir. Si seulement 3 p. 100 d'entre eux répondaient, on aurait 750 000 adhérents. Avec des frais d'adhésion de 40 $, le groupe aurait un budget de 30 millions de dollars. Les gens pourraient s'adresser à l'association pour obtenir de l'aide avant de magasiner et pourraient ainsi participer au processus d'élaboration des politiques. Ils pourraient aussi porter plainte plus facilement. L'association pourrait faire un énorme travail d'éducation en matière financière; aucun organisme ne peut faire ce travail aussi efficacement qu'un groupe géré et financé par les consommateurs eux-mêmes.
Ensuite, il faudrait faire également une vérification générale de la concurrence.
Faites ces trois choses et vous obtiendrez une véritable responsabilité, un traitement équitable et de justes prix.
Monsieur Scott, je suis de Sudbury et la chambre de commerce de la ville me dit que les PME considèrent souvent, comme l'a dit M. Conacher, je crois, que les cartes de crédit et les cartes de débit constituent un service public. J'aime la façon dont il utilise cette image.
Est-ce que nous allons voir, par exemple… Je ne voudrais pas parler d'une institution financière en particulier, mais dans une annonce à la télévision, on voit deux dames qui font leurs courses dans un magasin d'alimentation et l'une d'entre elles dit: « Moi, j'ai reçu deux dollars. Et toi, qu'as-tu reçu? » Pensez-vous que les gens comprennent que c'est votre magasin qui a payé les deux dollars? Cette dame donne l'impression qu'elle a reçu les deux dollars en cadeau, apparemment de la société de cartes de crédit. Pensez-vous que le consommateur canadien moyen comprend qui paie ces deux dollars?
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En fait, votre question comporte deux éléments.
Premièrement, il ne faut pas oublier qu'au Canada, 42 p. 100 des adultes âgés de 16 à 65 ans — presque la moitié de la population — présentent un niveau 2 de littératie, ce qui correspond à la capacité de comprendre un texte simple. Actuellement, une vaste enquête sur la numératie, c'est-à-dire sur les connaissances financières des Canadiens, est proposée par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Je crois que les résultats de cette enquête feront mal. Je ne peux pas les prédire, mais c'est ce que je crois. Voilà donc le premier élément.
Deuxièmement, il est bien de donner de l'information aux consommateurs. Toutefois, il ne faut pas en donner trop. Un règlement a récemment été déposé par le ministre Flaherty sur le disclosure, l'information et tout ça. Aux États-Unis, on parle de Schumer Box, et même le sénateur Schumer a dit que ce n'était peut-être pas la meilleure façon d'informer les consommateurs. Quand on donne de l'information, il faut toujours essayer de considérer le point de vue du consommateur, et non pas nécessairement celui de l'entreprise.
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Merci de votre question, monsieur Bernier.
Je n'ai pas le règlement devant moi. Vous recevrez sûrement nos commentaires d'ici la fin de la période de consultation.
Cependant, il est important de savoir qu'au Québec, la Loi sur la protection du consommateur, qui est en vigueur depuis une trentaine d'années, est très poussée et elle protège très bien les consommateurs. Nous aimerions voir les mêmes législations et réglementations au service de tous les consommateurs canadiens.
Nous avons salué le règlement concernant le délai de 21 jours. Nous estimons que c'est un très bon pas en avant. Cependant, nous avons certaines inquiétudes concernant d'autres règlements.
C'est bien de donner de l'information aux consommateurs, mais il faut vraiment que cette information soit personnalisée, notamment en ce qui concerne le règlement sur le paiement minimum. Je sais que les banques vous ont dit que ça coûterait des millions de dollars. Non, ça ne peut pas coûter des millions de dollars. On personnalise des états de compte pour donner des points aux gens, pour les informer de la quantité de points qu'ils ont et de ce qu'ils peuvent faire avec ces points. Ne pourrait-on pas les informer de ce que ça implique de ne faire que le paiement minimum à chaque mois? Voyons! C'est vraiment nous prendre pour des imbéciles. Je crois que c'est faisable et qu'il faut le faire. Il faut que ces informations soient personnalisées. Il ne faut pas qu'elles ne portent que sur le cas généralisé du paiement minimum. C'est un exemple.
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Voilà une question très intéressante, dont le comité devrait prendre note.
Évidemment, le consommateur continue d'utiliser des cartes de crédit et je ne sais pas si on l'a déjà dit au comité, mais les Canadiens se classent au premier rang mondial pour ce qui est de recueillir des points, non pas en terme proportionnel, mais en terme absolu: ils se classent au premier rang mondial. Voilà une information intéressante.
Mais n'oublions pas qu'au Canada, les consommateurs se servent moins de leurs cartes de crédit pour les achats d'épicerie que les consommateurs américains. Dans l'esprit du consommateur, il reste que la carte de débit ou l'argent comptant constitue le meilleur mode de paiement pour le nécessaire, par opposition à l'emprunt.
Les cartes de crédit améliorées nous posent donc un problème, mais il n'est pas aussi sérieux que dans le cas des cartes de débit. Pourquoi les consommateurs devraient-ils continuer à utiliser des cartes de crédit? Je pense que les associations de consommateurs sont mieux placées que moi pour répondre, monsieur.
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C'est exactement la réponse à laquelle je m'attendais. Cela m'amène à poser ma question suivante, qui porte sur les petits épiciers.
Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, messieurs Bouchard et Scott, je vous demanderais de répondre ensemble.
Les petits épiciers sont contraints de négocier un taux par eux-mêmes et il n'ont vraiment aucun poids. Si vous êtes propriétaire de votre commerce, vous ne pouvez compter que sur vous-même. Les grands centres urbains comptent de petits magasins spécialisés. Ces magasins sont très importants parce qu'ils occupent un certain créneau du marché.
Je vis dans le nord de l'Ontario. Dans cette région, il y a de petites localités où l'on ne trouve qu'un seul magasin. Il s'agit de collectivités isolées qui ne sont cependant pas très éloignées d'un grand centre où l'on retrouve de grands magasins. Les frais d'interchange ou de transaction des petits magasins sont directement refilés au consommateur, si ce ne sont les commerces mêmes qui paient ces frais parce qu'ils ne peuvent pas se permettre d'augmenter leurs prix. Leurs prix sont déjà élevés, là-bas. Comme les grands magasins ont une marge de manœuvre un peu plus grande, ils peuvent refiler ce coût au consommateur et ils peuvent aussi mieux négocier avec les fournisseurs.
Voici le scénario auquel je songe. Lorsqu'il n'y a qu'un seul magasin dans une petite localité, ce magasin a déjà du mal à survivre. Nous parlons de services qui sont fournis dans de petites collectivités. Nous parlons aussi d'emplois. Les petits magasins sont des employeurs importants dans les petites localités.
Soyons réalistes. Quels sont les risques que ces magasins disparaissent ou doivent fermer leurs portes, tout simplement parce qu'ils ne peuvent plus se permettre de demeurer ouverts? En raison des coûts supplémentaires qu'ils doivent assumer, les produits de ces petits magasins sont un peu plus coûteux. Les résidents de ces localités décident donc de faire leur épicerie à une heure de route pour économiser éventuellement quelques dollars. De plus en plus, la collectivité s'en trouve désavantagée. La population est privée de services.
Je creuse peut-être une question qui va au-delà du mandat du comité, mais la survie des petites collectivités m'inquiète vraiment. Je parle des collectivités où il y a une seule épicerie ou un seul magasin général où la population peut acheter des produits.
J'aimerais connaître votre avis sur cette question.
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J'en suis conscient. J'ai une autre question pour vous. Je veux simplement éclaircir un point.
Nous avons entendu une déposition concernant les cartes à primes, et j'étais aussi ignorant que n'importe qui à ce sujet. J'ai deux cartes dans mon portefeuille. La première est une bonne vieille carte Visa, sans rien dessus, et j'ai une autre carte Visa qui me permet de cumuler des points AIR MILES. Aucune de ces deux cartes n'est ce que les banques et les autres émetteurs de cartes Visa ne considèrent comme des cartes à primes. En effet, les cartes à primes, comme une carte Infinite, n'ont pas de limite de crédit. Par contre, les cartes que j'ai ont des limites de crédit. Je n'ai pas atteint ces limites, mais ces cartes sont assorties de limites de crédit.
Il y a donc la carte ordinaire, la carte à primes qui permet de cumuler des points, et puis il y a la carte Infinite, qui est en réalité... Quand ils disent 12 p. 100, c'est de cela qu'ils parlent. Ils font concurrence à Amex et à d'autres, qui n'ont pas de limite de crédit, et ils facturent des frais plus élevés pour cela.
Monsieur Conacher, vous avez comparé les banques à un service public. Je ne suis pas forcément d'accord avec vous sur ce point, mais c'est normal. À mon avis, une société gazière est un service public. Une conduite de gaz est branchée à ma maison, de même qu'une conduite d'électricité. Ce sont des services publics qui sont régis dans la perspective d'un rendement sur investissement.
Vous parlez sans cesse d'arnaques et de bénéfices raisonnables. C'est ce qui me fait penser que vous croyez aux bénéfices, ce qui fait plaisir à entendre. Comment définissez-vous « bénéfice raisonnable »? Qu'est-ce que le rendement sur investissement à votre avis?
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Je parle des bénéfices nets.
Dans ce domaine, on ne veut pas que les banques et d'autres institutions financières tirent des bénéfices excessifs de l'accès au crédit, car elles augmentent le coût du capital, le coût de l'argent auquel carbure tout le système économique, lequel peut se ressentir d'une telle majoration.
Ce n'est pas que nous les appelons un service public. Si on les place sur le continuum des entreprises, qui comporte, à une extrémité, la société privée unique en son genre et, à l'autre, le service public jouissant d'un monopole, les banques s'apparentent à un monopole, parce qu'elles offrent un service essentiel. Si les consommateurs ont raison, et d'après l'idéologie de tout le monde, les consommateurs ont toujours raison, 90 p. 100 des consommateurs estiment que l'accès à des services bancaires de base et au crédit constitue un service essentiel. Par conséquent, ils ont raison. Qu'on traite alors ces services comme étant essentiels et qu'on les réglemente en conséquence.
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Ma question s'adresse à Option consommateurs.
Vous semblez avoir confiance quelque peu dans le Bureau de la concurrence et dans sa capacité de mener des enquêtes publiques sur l'ampleur et la taille des bénéfices possibles réalisés par au moins deux sociétés de cartes de crédit qui occupent, comme nous l'avons entendu dire à maintes reprises, 94 p. 100 du marché. Êtes-vous convaincu, compte tenu des lignes directrices en matière d'interprétation et du bilan du Bureau de la concurrence, que celui-ci sera en mesure de trouver ce que vous recherchez?
Soyons très francs là-dessus. MasterCard et Visa ne sont pas de nouvelles créatures. En effet, les deux existent depuis des années maintenant. Il y a déjà eu d'autres rapports sur ce sujet qui ont donné lieu à des enquêtes.
[Français]
Êtes-vous convaincue que ces gens sont capables de discerner un problème, étant donné l'état de la Loi sur la concurrence, qui a été rédigée par de grandes compagnies en 1986?
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Je viens d'ouvrir cette enveloppe ce matin, et j'ai été content de voir les épiceries et les stations d'essence, deux choses que je connais plutôt bien, ciblées par les nouvelles cartes Infinite.
Monsieur Bouchard, vous avez dit une chose très intéressante que certains d'entre nous qui ont déjà travaillé sur ce dossier par le passé n'ont peut-être pas relevée.
Monsieur Scott, vous avez laissé entendre que dans le cas de votre secteur, quand il y a une augmentation, l'effet sur le bénéfice net est dévastateur.
Peut-être pourriez-vous nous expliquer si les 30 personnes qui travaillent pour vous maintenant ou qui ont travaillé pour vous par le passé s'en sont ressenties.
Des représentants de l'Association canadienne des épiceries nous ont dit que quand il y a une augmentation, ils la refilent aux consommateurs, si bien que dans les faits, c'est le pauvre type qui va à l'épicerie afin d'acheter du lait pour sa famille qui se trouve à assumer cette augmentation imposée aux épiceries.
Dans votre cas, cependant, vous ne pouvez pas la refiler aux consommateurs. Vous devez l'absorber. J'aimerais donc savoir, de votre point de vue, combien de personnes risquent de se retrouver au chômage à cause de cela, à supposer qu'elles sont admissibles à l'assurance-emploi.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins.
J'ai une question à poser à M. Conacher.
En relisant la déclaration que vous avez faite, l'essentiel de ce que vous avez dit dans votre déclaration, nous l'entendons régulièrement durant la période des questions de la part du NPD, et certaines de vos affirmations sont reprises presque mot à mot. Vous affirmez que le plan d'action économique des conservateurs offre « des subventions financées par les deniers publics aux grandes banques de plus de 200 milliards de dollars ».
Or, nous avons un budget national de 230 ou 240 milliards de dollars. Vous dites que, de cette somme, 200 milliards sont accordés aux banques. Pouvez-vous nous en faire une ventilation?
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Merci, monsieur le président.
La semaine dernière, nous avons entendu des représentants de la plupart des grandes banques qui sont venus nous dire ce qu'ils pensaient du dossier. Ils nous ont dit très clairement qu'ils ne reçoivent aucune plainte.
Le Conseil canadien du commerce de détail réunit 250 000 membres qui font une campagne contre les pratiques qui leur font assumer ces frais, mais en contrepartie la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante représente 2,4 millions d'entreprises et, de ce nombre, 97 p. 100 sont des PME de moins de 50 employés. Or, la fédération n'est saisie d'aucune plainte. En outre, la fédération affirme elle aussi ne recevoir aucune plainte des consommateurs.
Monsieur Scott ou monsieur Bouchard, dites-moi si selon vous ces affirmations sont justes? Ne recevez-vous pas des plaintes en ce qui concerne les taux d'intérêt des cartes de crédit de part et d'autre de l'interchange des commerçants?
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être présents à cette réunion dans le cadre de laquelle nous étudions la problématique entourant les cartes de crédit. Ma première question s'adresse à Options consommateur.
Le Bloc québécois est à l'origine d'une motion qui a été adoptée par l'ensemble de nos collègues en vue d'étudier la question des cartes de crédit. Le fait que ce soit les consommateurs qui subissent cette situation, en fin de compte, est ce qui nous a motivés à proposer cette étude, au départ. Le but était d'essayer de corriger la situation. Je m'attendais à des recommandations assez percutantes de la part de votre organisme, qui représente les consommateurs.
On a dit plus tôt que des banquiers étaient venus nous rencontrer la semaine dernière. On leur a demandé quel pourcentage de l'ensemble de leurs profits représentaient les émissions de cartes de crédit. Ils sont censés nous faire parvenir cette information. Ils sont les seuls à pouvoir bénéficier du système actuel, soit du taux d'interchange qu'ils fixent à leur discrétion, sans avoir à négocier le moindrement. Finalement, les détaillants sont obligés de refiler aux consommateurs l'entièreté des frais que ce système leur impose.
Dans vos deux premières recommandations, vous faites allusion au Bureau de la concurrence. Vous dites même ceci: « [...] le Bureau de la concurrence devrait entamer une enquête sur la rentabilité de l'ensemble des frais liés à l'utilisation des cartes de crédit [...] » Dans la troisième recommandation, vous suggérez que les autorités gouvernementales fassent ce qui suit: « [...] entament une consultation sur l'évolution des modes de transfert électronique de fonds, dont les cartes de crédit et de débit et leur encadrement; »
Autrement dit, vous recommandez que d'autres études soient réalisées. Je serais déçu, comme parlementaire et député, qu'on opte pour ça. On espère recommander des solutions pour améliorer la situation et non soumettre ce genre de demande au Bureau de la concurrence. On sait ce que ça donne. On s'est souvent adressé à cet organisme pour régler la question du prix de l'essence, qui varie d'une façon incompréhensible. Or, on n'a jamais obtenu de résultats concrets. Personnellement, je ne leur confierais pas beaucoup de mandats.
Vous avez parlé de l'analphabétisation et de l'incapacité financière de certains consommateurs. Est-ce qu'on ne devrait pas opter pour cette orientation? Ne recommandez-vous pas qu'on indique sur leur facture le taux d'interchange lié à l'utilisation de leur carte? Plus tôt, mon collègue vous a demandé si vous étiez favorable à l'idée que les frais imposés aux détaillants pour l'utilisation des cartes de crédit soient indiqués. Les détaillants en épicerie qui sont présents aujourd'hui semblent souhaiter qu'une réglementation soit établie. Elle n'est pas définie, pour le moment. Ne pensez-vous pas que le gouvernement devrait plutôt prendre cette orientation?
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Merci pour votre question, monsieur Carrier.
Les recommandations d'Option consommateurs peuvent également être très percutantes, si vous le désirez. D'après tout ce que vous avez entendu depuis deux ou trois semaines, la réglementation globale des systèmes de paiement électronique est déficiente. Depuis des années, nous recommandons qu'on réglemente ce domaine pour que les responsabilités et les intérêts de chaque partie soient bien définis.
Comme je l'ai déjà dit, l'utilisateur d'une carte Interac et l'utilisateur d'une carte de crédit ne sont pas protégés de la même façon, ce qui est dangereux. De plus, il faut donner de l'information et mettre certaines choses en évidence, par exemple l'impact du paiement minimum, le taux d'intérêt et ainsi de suite. Donner trop d'information n'aide pas le consommateur, surtout s'il a des problèmes à comprendre son état de compte.
C'est pourquoi l'informer des frais d'interchange ne lui donne pas plus de pouvoir ni ne le protège davantage. Il faut adopter des mesures pour protéger les consommateurs. Des règlements ont été déposés par le ministre des Finances. Nous ne sommes pas d'accord sur tous ces règlements, qui manquent de substance, notamment quand il est question de frais de dépassement de limite de crédit. Pour nous, il est absolument incompréhensible qu'une banque ne puisse pas appeler le commerçant pour lui dire que Mme Unetelle est en train de dépasser sa limite de crédit et le prier de ne pas autoriser son achat.
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Merci, monsieur le président.
Si le temps le permet, je partagerai mon temps avec mon collègue.
Monsieur Conacher, j'aimerais vous poser des questions au sujet des fraudes. Nous sommes tous d'accord pour dire que le système des cartes de crédit doit être transparent et qu'il faut protéger les consommateurs. Le problème, c'est que des fraudeurs profitent des cartes de crédit. C'est un problème connu et de plus en plus grave. Je crois que l'an dernier, ces fraudes ont entraîné des pertes de plus d'un milliard de dollars. Or, nous ne pouvons pas savoir où se produisent ces fraudes parce que les banques refusent de divulguer cette information. Cela peut causer du tort au commerce de détail également.
Certains groupes de défense des consommateurs, comme le Conseil des consommateurs du Canada, estiment qu'il faut modifier la loi; nous avons bel et bien traité la chose l'année dernière au Comité sur l'éthique dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, pour permettre simplement aux banques d'indiquer aux consommateurs à quel endroit avait eu lieu la fraude touchant leur carte de crédit. Pour citer les propos du Conseil, c'est avec la banque, et non avec le détaillant, que vous signez une entente pour obtenir la carte de crédit.
Seriez-vous d'accord avec une telle modification et pensez-vous que les consommateurs ont le droit de savoir?