Je tenais à être présent ici aujourd'hui pour inciter le comité et Industrie Canada à approfondir l'examen de la LCSA et à envisager d'y apporter des modifications supplémentaires. En 2001, beaucoup avait déjà été accompli pour moderniser la LCSA et tenir compte des nouveautés qui avaient été mises en place dans les provinces et les territoires. À l'époque, on avait cependant remis certains aspects à plus tard, à l'examen après cinq ans.
Or depuis, il y a eu beaucoup de nouveautés à l'échelle provinciale au Canada. Je vais en passer certaines en revue et expliquer leur importance pour la LCSA. Je ne suis pas vraiment venu pour défendre des réformes en particulier. Je suis plutôt ici pour demander à ce qu'elles soient prises en considération et à ce qu'on élabore un processus qui comprendrait un document de consultation, des consultations publiques, des présentations et un examen approfondi, de sorte que la LCSA demeure concurrentielle et à la fine pointe, comme elle devrait l'être.
Comme je l'ai mentionné, il y a eu des nouveautés depuis 2001. Il y a entre autres la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, adoptée en juin. Cette loi présente des différences d'avec la LCSA, différences qui sont d'ailleurs des améliorations et qui mettent en lumière les lacunes de la LCSA. C'est pourquoi l'harmonisation de ces lois fédérales s'impose.
Plus récemment, il y a eu la Loi sur les sociétés par actions du Québec, qui est passée en première lecture le 7 octobre au Parlement du Québec. Elle repose sur la même loi, mais renferme des améliorations, tout particulièrement en ce qui concerne les petites entreprises, et bien d'autres innovations encore. J'en mentionnerai quelques-unes.
En 2007, l'Ontario a apporté d'importantes modifications à sa Loi sur les sociétés par actions, notamment pour la faire concorder avec la Loi sur le transfert des valeurs mobilières qui a été adoptée en Ontario à cette époque. De nombreuses autres provinces ont emboîté le pas.
Revenons un petit peu en arrière, en 2005. L'Alberta a alors apporté des modifications à sa Loi sur les sociétés par actions, en en calquant certaines sur la loi du Québec. Il faudrait également l'examiner. Et si l'on recule encore un peu plus dans le temps, on constate qu'en 2002, la Colombie-Britannique a adopté une nouvelle loi, qui renfermait beaucoup d'autres éléments novateurs.
Depuis 2001 donc, les principales provinces du pays — et je compte la Nouvelle-Écosse parmi elles — ont modifié leur droit des sociétés non seulement pour rattraper la LCSA, mais pour la dépasser sur certains aspects. J'entrerai un peu dans les détails, mais la plus importante raison qui justifie un examen sont les travaux qui ont eu lieu au Québec, province qui, pour la première fois depuis 1981, a modifié son droit des sociétés ou qui veut le faire, pour adopter une loi qui ressemble à la LCSA. C'est une grande percée pour le pays, mais je crois, encore une fois, que la loi renferme certaines améliorations.
Je veux juste vous donner une idée de ce qui s'est fait au Québec. Si vous avez une société unipersonnelle et une déclaration unanime des actionnaires, vous n'avez pas besoin d'un règlement. Pour les réunions annuelles, vous n'avez pas besoin de payer un avocat pour rédiger les mêmes formulaires tous les ans. Vous n'avez pas besoin d'administrateurs. Ainsi, des formalités qui sont ancrées dans la LCSA et certaines lois connexes ont disparu, facilitant du même coup la conduite des affaires pour les petites entreprises, qui n'ont vraiment pas besoin de toutes ces formalités tous les ans. Ce ne sont que quelques exemples.
Quoi de plus logique pour une convention unanime des actionnaires que de retirer tous ses pouvoirs au conseil d'administration? D'ailleurs, quel intérêt y a-t-il pour une telle société de se doter d'un conseil d'administration? Au Québec, on a donc introduit des éléments plutôt novateurs, qui valent la peine qu'on s'y attarde.
Dans le document que j'ai distribué, j'ai réparti les changements en deux types: sur la première page les changements stratégiques, que je développerai, et sur la deuxième page, les changements techniques. Les changements stratégiques sont au nombre de cinq. Le premier concerne le droit lié au transfert des valeurs mobilières et l'adoption de telles lois par les provinces; nous en avons déjà parlé au printemps dernier relativement aux organisations à but non lucratif.
En 2007, à la demande d'Industrie Canada et du ministère des Finances qui voulaient obtenir des propositions de la part de l'Association du Barreau canadien et d'autres intervenants sur la façon d'actualiser et de moderniser le droit fédéral en matière de transfert des valeurs mobilières, nous avons présenté un mémoire de 35 pages. Je crois qu'il vous a été remis ou qu'il le sera.
À l'époque, nous avions souligné que le fédéral devrait se retirer, que ce droit relevait en fait des provinces, tout comme sa modernisation, dans son ensemble, et qu'il n'y avait plus matière à élaborer des lois fédérales sur les sociétés. Notre proposition tient toujours. Nous n'avons jamais reçu de réponse, mais je crois que c'est un point qu'il faut envisager, pas seulement pour la LCSA, mais aussi toutes les lois fédérales connexes — les dispositions sur les services financiers, la Loi canadienne sur les coopératives.
On prévoirait notamment dans les lois sur les sociétés une certaine souplesse dans la définition de la compétence de l'émetteur — c'est une solution — et la dématérialisation, et donc la possibilité pour une société d'émettre ses propres valeurs mobilières et actions, sans certificat de sécurité. Cette solution n'est pas envisageable en vertu de la LCSA dans sa forme actuelle. Par contre, c'est possible en Ontario, en Colombie-Britannique et maintenant aussi au Québec. C'est un autre exemple de situation où il n'est pas nécessaire de passer par les formalités liées à l'émission d'un certificat d'actions lorsque l'investisseur ne le réclame pas. C'est le premier point.
Le deuxième concerne les actes de fiducie, qui font l'objet de la partie VIII de la Loi. La nouveauté, c'est que la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada est sur le point de lancer une étude sur le sujet. Compte tenu du manque d'uniformité flagrant au pays, l'uniformisation serait très utile dans ce domaine.
Le problème du droit fédéral — si je peux me permettre de vous donner un exemple de raison pour laquelle la loi ne fonctionne pas en l'état —, c'est que les émetteurs fédéraux sont régis par la LCSA, mais qu'il y a une exemption pour les cas où les actes de fiducie sont régis par une loi qui est de compétence autre que fédérale et qui offre une protection comparable. C'est le cas de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, par exemple, où le droit est similaire, et aussi des États-Unis.
Donc, si l'émetteur aux termes de la LCSA est assujetti à la Commission des valeurs mobilières des États-Unis, il a droit à une exemption, mais pas en Angleterre, où le droit diffère. Il y a donc une anomalie, car la norme de la LCSA s'applique à un tel acte de fiducie qui est assujetti aux lois de l'Angleterre, même si ce pays n'a pas de disposition similaire. Le droit canadien protège donc les investisseurs à l'étranger. Ça ne semble pas très logique.
La troisième question est celle de la résidence du conseil d'administration. Ce sujet a été mis de côté en 2001 après que le nombre de résidents canadiens a été ramené de 51 à 25 p. 100. Mais que s'est-il passé ailleurs... La Colombie-Britannique s'est débarrassée de cette exigence. De plus, je crois que maintenant 7 des 12 provinces et territoires du Canada n'ont aucune exigence à cet égard. Il s'agit de toutes les provinces des Maritimes, sauf Terre-Neuve-et-Labrador, du Québec, de la Colombie-Britannique et des territoires. Il y a donc toutes sortes de cas de figure. C'est pourquoi il est grand temps de se demander pourquoi nous avons une telle règle, quel est son objectif et à quoi elle sert.
Le quatrième point concerne les avantages et profits et la divulgation par l'initié. La LCSA, dans sa forme actuelle, traite des avantages et profits et de la responsabilité liée à la divulgation par l'initié, à la fois pour les sociétés cotées en bourse, les sociétés ayant fait appel au public et les sociétés n'ayant pas fait appel au public ainsi que les entreprises privées. Ce n'est pas vraiment pertinent dans le cas des entreprises privées, j'en conviens. Par contre, ça l'est beaucoup dans le cas des sociétés cotées en bourse. La LCSA a ouvert une brèche en ceci qu'il faut un jumelage entre l'acheteur et le vendeur. En conséquence, si un initié donne l'ordre à son courtier de rendre des valeurs mobilières disponibles sur le marché, il n'y a aucune responsabilité civile s'il n'y a personne en contrepartie à cette transaction.
Peut-être vous demandez-vous pourquoi c'est un problème. Eh bien, c'est à cause du fonctionnement actuel du marché des valeurs mobilières, c'est-à-dire par participation indirecte, qui fait en sorte que les gens négocient sur le marché. Ils ne savent pas qui sera l'acheteur. Il y aura bien sûr un acheteur quelque part, sauf que le courtier effectue beaucoup de transactions dans une journée. Tout le monde veut acheter et on jumelle à tous ceux qui veulent vendre, ce qui empêche de pouvoir jumeler directement l'acheteur et le vendeur.
Il existe des modèles qui nous permettent d'éviter ce genre de complication inutile. À titre d'analogie, c'est comme si quelqu'un jetait de l'eau sale dans un lac, et que la personne chargée de retirer l'eau sale du lac doit savoir qui a jeté cette eau sale dans le lac. C'est très difficile à déterminer, pour ce qui est de la preuve, et c'est inutile.
Enfin, il y a le régime de responsabilité proportionnelle modifiée. Cet élément aussi fait l'objet d'une étude, cette fois par la Commission du droit de l'Ontario. Le professeur Poonam Puri, à Osgoode Hall, se penche actuellement non seulement sur les dispositions fédérales, mais aussi sur les nouvelles dispositions qui ont été adoptées au niveau provincial dans le cadre de la Loi sur les valeurs mobilières, qui ont trait à la responsabilité relative à la divulgation sur les marchés secondaires. Il ne s'agit pas du modèle de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, mais plutôt d'un ensemble disparate de régimes de responsabilité proportionnelle. Il n'existe absolument aucun précédent en lien avec les dispositions fédérales. Malheureusement, ou heureusement, il semble que la loi fédérale propose très peu d'options pour ce qui est de réglementer la responsabilité dans le cas des vérificateurs, parce que, sur le plan constitutionnel, c'est principalement une question de propriété et de droits civils qui est réglementée à l'échelon provincial par des lois sur le partage de la responsabilité. Au niveau fédéral, on est limité par le fait qu'il faut avoir une société fédérale, de sorte que tout ce qui est réglementé, ce sont les états financiers vérifiés produits par des sociétés assujetties à la LCSA et par des coopératives de régime fédéral. Cette disposition a une portée très limitée, et je pense qu'il est temps de s'y intéresser de nouveau.
Comme je l'ai dit, il y a plusieurs autres aspects techniques que je pourrais soulever. Mais je ne vais pas les aborder tous.
Merci du temps que vous m'avez accordé.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Tim Draimin et je suis directeur de Génération de l'innovation sociale, un partenariat national dont font partie la J.W. McConnell Family Foundation de Montréal, le PLAN Institute de Vancouver, l'Université de Waterloo et le centre MaRS de Toronto.
Notre mission consiste à promouvoir l'innovation sociale pour relever des défis sociaux difficiles à traiter, la majorité de nos efforts privilégiant le secteur sans but lucratif. Comme vous le savez peut-être, ce secteur, qui regroupe les organismes de bienfaisance et les entités sans vocation de bienfaisance et sans but lucratif, compte plus de 161 000 organisations, génère des revenus de plus de 100 milliards de dollars et emploie directement plus de 1,5 million de personnes.
Aujourd'hui, je souhaite porter à l'attention du comité une lacune importante des lois canadiennes régissant les activités des organisations, c'est-à-dire l'absence de tout modèle hybride pour les entreprises vouées au bien public. Par hybride, j'entends une organisation qui viserait les fins sociales d'une société sans but lucratif, comme aider la collectivité, et qui disposerait du modèle d'affaires d'une société à but lucratif.
Dans ce contexte, Génération de l'innovation sociale vous propose certains changements stratégiques susceptibles d'aider le secteur canadien des organisations sans but lucratif à devenir plus stable au plan financier et à réduire sa dépendance aux flux décroissants de revenus provenant des gouvernements et des organisations philanthropiques. Il s'agit de mettre plus de concepts, de services et de produits novateurs au service des besoins sociaux de la population canadienne.
Vous avez peut-être remarqué dans les journaux aujourd'hui que Statistique Canada annonce une diminution considérable des dons versés à des organismes de bienfaisance enregistrés. Le modèle dominant des 50 dernières années a été celui de revenus en provenance du gouvernement et de donateurs de bienfaisance. Mais les temps changent. Les revenus gagnés par les organismes sans but lucratif comptent aujourd'hui pour plus de 35 p. 100 de leur revenu total et cette proportion continue de croître. En fait, on voit s'imposer de nouveaux modèles d'affaires qui permettent aux organisations sans but lucratif de s'acquitter de leur mission de façon viable au plan financier.
Nous proposons au gouvernement du Canada d'inscrire dans la loi fédérale une nouvelle structure juridique optionnelle, favorisant la création de sociétés d'intérêt public ou d'entreprises d'intérêt communautaire de type hybride, qui faciliterait beaucoup l'accès aux capitaux pour le secteur social et communautaire. Un modèle hybride permettrait d'accueillir les dons de bienfaisance en même temps que les investissements d'intervenants autres que les donateurs de bienfaisance.
Ce modèle a déjà été élaboré avec succès au Royaume-Uni et aux États-Unis, sous la forme d'entreprises d'intérêt communautaire et de sociétés à faibles profits et responsabilité limitée (les L3C).
Nous connaissons tous et toutes l'importance du secteur des organisations sans but lucratif et philanthropiques en matière d'offre de services, mais le modèle de revenu qui sous-tend leur travail est peut-être moins connu. Le revenu des organisations sans but lucratif provient pour la moitié du gouvernement, pour plus du tiers des droits d'adhésion et de revenus gagnés et pour environ 10 p. 100 de la philanthropie.
Un récent rapport de recherche du Wellesley Institute indique que le principal problème vécu par les organismes sans but lucratif, aux yeux de 63 p. 100 des répondants, est l'exigence que « toutes les activités de l'organisme soient sans but lucratif ». Cette règle se trouve en porte-à-faux avec les attentes des bailleurs de fonds qui souhaitent que les organisations sans but lucratif deviennent viables et entrepreneuriales. Et elle est loin de refléter la réalité, considérant la proportion qu'occupe déjà leur revenu gagné.
C'est dire que le régime législatif et réglementaire actuel reflète une époque révolue.
Au Canada, le secteur communautaire sans but lucratif et de type sociétal peine à se procurer des capitaux et à diversifier ses sources de revenu d'exploitation en raison de restrictions sur sa fiscalité et ses choix de capitalisation. Ces obstacles financiers entravent inutilement une génération émergente d'entrepreneurs sociaux et circonscrit l'impact éventuel de leurs innovations. Ce secteur a beaucoup de marge de manoeuvre pour explorer de nouvelles formes de financement social.
Le centre MaRS, un des partenaires de Génération de l'innovation sociale, a conseillé des centaines de clients, y compris des entreprises sans but lucratif, quant à leurs stratégies de commercialisation, leurs plans d'affaires et leurs possibilités de financement. Examinons un cas parmi d'autres d'une entreprise sociale qui a connu des problèmes dus à des règlements restrictifs et à l'absence d'options de financement par capital.
À titre d'entreprise sociale du groupe Eva’s Initiatives, l'Eva’s Phoenix Print Shop offre à des jeunes sans abris un programme reconnu de formation en composition graphique. Elle propose au marché les services d'imprimerie commerciale qui constituent une option responsable aux plans social et environnemental. L'atelier d'imprimerie est situé dans les locaux d'Eva’s Phoenix, un organisme internationalement reconnu d'hébergement, de transition et d'insertion en emploi pour les jeunes sans abris.
L'Eva’s Phoenix Print Shop évolue dans un contexte commercial et requiert du matériel d'impression ultramoderne pour demeurer concurrentiel. Lorsque l'atelier a voulu diversifier ses services en réponse à des demandes, il s'est heurté à de graves problèmes de financement. Dans un modèle traditionnel d'atelier d'imprimerie, une combinaison de revenus et de prêts destinés au fonds de roulement aurait constitué le choix privilégié de développement. Mais à titre d'entreprise sociale, l'atelier devait dépendre de subventions et de dons.
Dans les organisations sans but lucratif traditionnelles, les prêts à l'entreprise sont tenus pour risqués; cette option est donc rarement envisagée par les conseils d'administration. En outre, elles n'ont aucun moyen d'accéder à d'autres formes de financement, comme des capitaux propres.
Leur expansion ne peut donc reposer que sur la générosité des donateurs et non sur une hausse éventuelle de leurs revenus, ce qui entrave beaucoup leur compétitivité et leur capacité à réaliser leur mission sociale. La proposition esquissée dans le présent document offre au gouvernement du Canada une occasion d’appuyer le secteur communautaire sans but lucratif d’une façon qui contribue à bâtir sa viabilité et sa résilience. Il s’agit d’habiliter les organisations à tirer parti d'occasions de croissance et de succès financier autonome. Le soutien accordé à un nouveau modèle d’entreprise hybride viendra renforcer le secteur communautaire sans but lucratif au pays et lui faciliter l’accès à des capitaux dont il a grand besoin. Cela démontrera que le gouvernement du Canada souhaite mobiliser des énergies créatrices en vue de libérer des ressources financières et des capacités auparavant inexploitées, tout en contribuant au progrès de l’entrepreneuriat social, de la viabilité et de l’autonomie du secteur communautaire sans but lucratif.
Merci beaucoup.
Les investisseurs institutionnels et leurs défenseurs — Shareholder Association for Research and Education faisant partie de ce dernier groupe — recommandent que des modifications de fond soient apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la LCSA. Les changements que nous proposons témoignent du fait que la loi est en vigueur depuis huit ou neuf ans et qu'au cours de cette période, les attentes et les besoins des investisseurs à l'égard de nos sociétés publiques, qui sont au coeur de nos efforts, ont continué d'évoluer. La LCSA peut et doit tenir compte de l'évolution observée dans le marché de l'investissement.
SHARE représente en premier lieu les investisseurs institutionnels responsables sur le plan social. Si ces investisseurs ne forment pas un groupe monolithique, il n'en demeure pas moins qu'ils estiment tous qu'il est impossible de choisir, de conserver et de réaliser des investissements de façon tout à fait éclairée sans tenir compte des risques que présentent ces investissements au regard de l'environnement, de la société et de la gouvernance.
Les investisseurs responsables sur le plan social ne sont plus seuls. À l'étranger comme ici, les investisseurs de tendance traditionnelle constatent que, compte tenu des réalités actuelles comme les changements climatiques, ils doivent savoir si les entreprises sont attentives à ce genre de détails et si elles planifient leurs activités de manière à réduire au minimum les risques éventuels. Les investisseurs doivent être en mesure de comparer les risques en matière d'environnement, de société et de gouvernance que présentent divers investissements afin de choisir ceux qui les aideront le mieux à protéger et à faire croître les éléments d'actif qui leur ont été confiés.
Ils ont besoin d'informations pertinentes et détaillées, et ils n'en obtiennent pas suffisamment actuellement compte tenu des exigences des lois canadiennes en ce qui a trait à la divulgation sur la bourse des valeurs mobilières. C'est un sujet de taille que nous allons étudier en profondeur. Nous cherchons à déterminer quelles modifications à la LCSA nous permettraient d'y arriver. Nous traiterons de cette question dans notre mémoire, que nous allons présenter dans les prochains jours.
Il y a d'autres aspects de la LCSA qui justifient une vaste consultation. J'aimerais tout d'abord souligner que j'ai eu l'occasion de parler avec Judy Cotte à propos de la position de la Coalition canadienne pour une saine gestion des entreprises sur ces questions. Je tiens à dire que SHARE appuie sans réserve le point de vue de la coalition en ce qui concerne les points que Judy portera à votre attention.
Je vais maintenant parler de la façon dont se déroule le processus de vote des actionnaires selon les exigences de la LCSA et des lois provinciales équivalentes.
Selon l'article 141 de la LCSA, le vote des actionnaires à l'égard des propositions qui leur sont soumises se fait à main levée ou au scrutin secret. Vous regardez les actionnaires qui constituent l'assemblée. Toutes les personnes en faveur ont la main levée. Ces mains comptent toutes pour un nombre différent d'actions, parfois pour un nombre très différent d'actions. Mais on jette simplement un coup d'oeil à l'assemblée: si ça semble suffisant, super, la proposition est adoptée. Nous voulons que les votes soient enregistrés par voie de scrutin. C'est d'une société publique dont il est question ici.
Le rapport d'une société publique sur le résultat des votes qu'elle tient dans le cadre de son assemblée annuelle dit souvent: « Toutes les résolutions que nous avons présentées à la réunion ont été adoptées à la suite d'un vote à main levée. » Figure ensuite la liste des résolutions. On y trouve d'emblée moins d'information que dans le cas d'un scrutin. Lorsqu'une entreprise tient un vote à main levée, il est spectaculaire de voir à quel point son rapport ne nous apprend rien d'important.
Le plus frustrant à propos des votes à main levée, c'est qu'une majorité écrasante d'actionnaires votent par procuration; la société a donc rapidement accès aux chiffres. Elle a même déjà préparé des tableaux. Tout ce qu'il lui reste à faire, c'est de comptabiliser les votes du très petit pourcentage d'actionnaires présents à la réunion en tenant compte du nombre d'actions qu'ils détiennent.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les sociétés publiques doivent fournir le comptage numérique de leurs votes, et nous utilisons cette information pour analyser les résultats. Cela nous permet de comprendre beaucoup mieux le sentiment des actionnaires. La LCSA devrait être modifiée de manière à exiger que les votes tenus dans le cadre des réunions d'actionnaires se fassent au moyen de bulletins de vote pour que nous puissions tous savoir combien d'actions représente l'appui accordé à une proposition.
J'aimerais parler des réunions électroniques ou virtuelles qui sont permises au titre du paragraphe 132(5) de la LCSA. Cette possibilité a du sens pour les entreprises privées, mais elle n'a pas sa raison d'être dans le cas des sociétés publiques, dont les propriétaires et les gestionnaires sont habituellement des personnes différentes.
Intel, qui est une grande société américaine, a annoncé récemment qu'elle allait tenir son assemblée annuelle de 2010 sur le Web seulement. Dans une lettre adressée à Intel, la société d'investissement américaine Walden Asset Management, qui entrerait parfaitement dans la catégorie des investisseurs responsables sur le plan social, a indiqué que
Rien ne remplace les interactions personnelles et parfois subtiles qui ont cours dans des réunions en personne. Ce moment où les actionnaires, les gestionnaires et les administrateurs peuvent se regarder droit dans les yeux ne survient qu'une seule fois par année.
J'ai assisté à un grand nombre d'assemblées d'actionnaires et je suis d'accord avec cette affirmation. Les rencontres entre les gestionnaires de la société, les propriétaires et les actionnaires constituent un exercice puissant et constructif. La LCSA devrait être modifiée de manière à ce que le paragraphe 132(5) ne s'applique pas aux sociétés publiques.
Pour terminer, abordons le mécanisme de présentation de propositions par les actionnaires. Ce dossier a fait beaucoup jaser en 2000, au moment où a eu lieu la dernière consultation sur la LCSA.
SHARE soutient que les actionnaires devraient avoir le droit de faire des propositions. C'est pourquoi nous aidons nos clients au Canada à se prévaloir de ce droit; tout récemment, nous avons demandé aux actionnaires d'un certain nombre de grandes entreprises publiques s'ils souhaitaient avoir leur mot à dire au sujet du salaire de la haute direction. Visiblement, le cadre d'application de la LCSA concernant les propositions des actionnaires est assez efficace; toutes les entreprises à qui notre client, Meritas Mutual Funds, a proposé en 2006 et en 2009 que les actionnaires aient leur mot à dire sur la rémunération tiendront un vote auprès de leurs actionnaires à ce sujet en 2010.
Il y a toutefois une modification à l'article 137 qui, selon nous, est digne d'intérêt. En fait, cette modification rejoint les propos tenus par Wayne.
Comme vous le savez probablement, les consultations publiques tenues par le gouvernement du Québec viennent tout juste de prendre fin. Comme Wayne l'a mentionné, le projet de loi C-63 est actuellement étudié par l'Assemblée nationale. L'article 199 du projet de loi comporte une disposition très utile qui ne figure pas dans la LCSA ni dans aucune loi provinciale analogue:
Le président de l'assemblée doit permettre à l'auteur de la proposition de discuter de celle-ci pendant une période raisonnable.
J'ai assisté à des assemblées annuelles où le président agissait comme si cette disposition était déjà en vigueur, mais j'ai également été témoin de situations où elle aurait été grandement nécessaire.
Nous avons quelques autres recommandations concernant la réglementation des propositions des actionnaires. Nous éprouvons encore une certaine réticence au sujet du paragraphe 137(5), qui expose les raisons pour lesquelles une entreprise peut rejeter une proposition, mais cette réticence et les solutions que nous avons en tête ne touchent pas la loi en soi, alors je vous en épargnerai.
J'avais l'intention d'aborder les répercussions qu'a eues la LCSA au fil des ans — et aussi depuis que les autres provinces ont emboîté le pas —, mais comme Wayne les a déjà mentionnées, je n'ai pas besoin de le faire.
La LCSA est une balise en matière de droit des sociétés au Canada, et il est grand temps de mener une vaste consultation sur la façon de faire en sorte qu'elle continue de jouer cet important rôle.
Au nom de la Coalition canadienne pour une saine gestion des entreprises, je remercie le comité de nous donner l'occasion de comparaître et d'expliquer les modifications qu'il est important, selon nous, d'apporter à la LCSA .
Tout d'abord, en guise d'introduction, la Coalition canadienne pour une saine gestion des entreprises est un regroupement d'environ 45 investisseurs institutionnels parmi les plus importants au Canada, notamment des caisses de retraite, des directeurs de placements et des directeurs de fonds communs de placement. Nos membres gèrent 1,4 billion de dollars en actifs de régimes de retraite, ce qui équivaut environ à la moitié des économies de l'ensemble des Canadiens en prévision de leur retraite.
Nous encourageons les entreprises publiques canadiennes à instaurer des pratiques de saine gestion et nous militons en faveur de l'amélioration de la réglementation en vue d'harmoniser les intérêts des conseils et de la direction et ceux des actionnaires et d'accroître le rendement du marché financier du Canada.
Les modifications que nous proposons portent principalement sur les droits démocratiques des actionnaires. Même si nous avons réussi à convaincre un certain nombre d'entreprises de prendre des mesures pour renforcer la démocratie qui ne sont pas prescrites par la loi, nous croyons que la LCSA doit être actualisée de façon à ce que toutes les entreprises soient obligées de mettre en oeuvre ces mesures. Nous vous remettrons après-demain un document d'information dans lequel nous présenterons nos propositions en détail.
Avant d'aborder les modifications que nous proposons, j'aimerais parler une minute de l'importance des droits démocratiques des actionnaires. En tant que fournisseurs de capitaux et de propriétaires suprêmes de l'entreprise, les actionnaires délèguent au conseil d'administration le pouvoir d'établir une stratégie pour l'entreprise, d'embaucher et de congédier des cadres qui sont censés mettre en oeuvre cette stratégie et de gérer les risques et les crises. Les administrateurs constituent la pierre angulaire de la saine gestion des entreprises publiques. Les gens sont de plus en plus conscients qu'une saine gestion permet d'optimiser le rendement et l'utilisation des capitaux.
En gros, nous proposons deux améliorations à la gestion des entreprises assujetties à la LCSA : d'une part, exiger l'instauration de normes minimales en matière de démocratie, y compris un processus équitable d'élection des administrateurs, permettre aux actionnaires de démettre les administrateurs de leurs fonctions et de mettre en place un système de scrutin qui permet de compter avec précision les suffrages exprimés; d'autre part, exiger, par le biais de la LCSA, l'instauration de normes minimales de gestion, notamment la séparation du rôle de président du conseil et de celui de PDG.
Pour ce qui est des normes minimales concernant les droits démocratiques des investisseurs, nous aimerions que des changements soient apportés principalement aux quatre éléments suivants.
Premièrement, la LCSA doit conférer aux actionnaires le droit de voter pour chacun des administrateurs. Il est fréquent qu'une entreprise propose une liste de dirigeants et demande aux actionnaires de voter pour l'ensemble des noms qui y figurent ou pour aucun. Apparemment, on agit ainsi simplement parce que la loi ne l'interdit pas. Environ 25 p. 100 des grandes entreprises publiques du Canada fonctionnent toujours selon ce mode de scrutin, qu'on appelle le vote de liste. Je soupçonne que ce pourcentage est même plus élevé chez les petites entreprises. La LCSA doit donc dorénavant interdire le vote de liste.
Deuxièmement, la LCSA doit exiger que les administrateurs soient élus à la majorité. À l'heure actuelle, au sens de la LCSA et des lois sur les valeurs mobilières, les actionnaires n'ont pas le pouvoir de voter en faveur d'un administrateur ou contre lui. Ils n'ont que le droit de les élire ou de s'abstenir de voter. Par conséquent, un administrateur peut être élu s'il n'a reçu qu'un vote; s'il est lui-même actionnaire, ce qu'il est forcément, cet unique vote peut être le sien. Je suis certaine qu'en tant que représentants élus, vous comprenez pourquoi ce système est avantageux pour les administrateurs, mais qu'il ne l'est pas vraiment pour les autres. Donc, dans la pratique, un administrateur peut perdre une élection par un assez grand nombre de voix — en obtenant moins de 50 p. 100 des voix ou en n'obtenant qu'une seule voix — et ne pas avoir à quitter ses fonctions.
Un article paru à la fin de septembre 2009 dans le Wall Street Journal expliquait ce même concept et indiquait qu'au moment de sa parution, 93 membres des conseils d'administration de 50 entreprises aux États-Unis avaient reçu moins de 50 p. 100 des votes des actionnaires et qu'aucun d'eux n'avait quitté ses fonctions.
Nous avons mis sur pied une politique de vote à la majorité qui permet aux entreprises de contourner la loi actuelle; jusqu'à présent, 98 des 209 plus grandes entreprises du Canada l'ont adoptée. Mais à notre avis, ce n'est pas suffisant. La LCSA devrait exiger que toutes les entreprises qui y sont assujetties fonctionnent selon un mode de vote à la majorité.
Troisièmement, la LCSA doit exiger que les administrateurs soient élus tous les ans. À l'heure actuelle, les administrateurs peuvent avoir un mandat d'au plus trois ans et il n'a pas toujours la même durée. On dit de ces conseils d'administration qu'ils sont renouvelables par tranches; cette formule empêche les actionnaires de modifier la constitution du conseil du fait que les administrateurs sortants ne présentent pas tous au même moment leur candidature en vue de leur réélection. Selon nous, la LCSA devrait exiger la tenue d'élections annuelles pour les administrateurs.
Quatrièmement, la LCSA devrait exiger que les résultats de vote soient divulgués dans un rapport. Mme O'Neill a d'ailleurs abordé ce point plus tôt. Selon la loi actuelle, il est possible de procéder à un vote à main levée, à moins qu'un actionnaire présent à l'assemblée demande que le vote soit secret. Lorsque le vote se fait à main levée, les entreprises doivent seulement consigner dans un rapport accessible au public la question qui a fait l'objet du vote et l'issue; elles n'ont pas à divulguer le nombre réel de voix qu'a récoltées un administrateur. Cet aspect concernant l'élection des administrateurs nous préoccupe tout particulièrement.
Imaginez, par analogie à notre régime démocratique, des élections fédérales où on ne ferait qu'annoncer si ce sont les libéraux ou les conservateurs qui ont gagné et demander à l'électorat de croire à ce résultat sur parole.
Comme Mme O'Neill l'a mentionné, les entreprises ont à leur disposition toutes les données concernant les votes favorables et les abstentions, qui sont toutes consignées dans le rapport du scrutateur; on ne leur imposerait donc pas un fardeau supplémentaire sur le plan administratif en exigeant qu'elles dévoilent ces résultats dans un rapport public.
Nous exhortons les entreprises à adopter cette pratique exemplaire, et certaines d'entre elles l'ont fait volontairement jusqu'à présent. Toutefois, 38 p. 100 des grandes entreprises publiques du Canada ne divulguent pas au public les résultats détaillés de l'élection d'un administrateur.
Dans notre mémoire, nous exposons plusieurs problèmes que présente le système de vote. Par exemple, les actionnaires qui exercent par procuration les droits que leur confèrent les actions qu'ils détiennent — ce qui est le cas de nous tous ou presque —, n'ont pas la confirmation que leur vote a été compté. Il faut remédier à la situation.
Quant aux normes minimales de gestion qui devraient être obligatoires, nous aimerions que deux grandes modifications soient apportées. La LCSA doit exiger que le rôle de PDG et celui de président du conseil soient distincts. Le rôle du conseil consiste à superviser le travail de la direction et tout particulièrement du PDG. Si le président du conseil occupe également le poste de PDG, il est impossible que le conseil puisse s'acquitter adéquatement de ses fonctions de supervision. Pour avoir une saine gestion, il faut que le président ne fasse pas partie de la direction.
Depuis quelque temps, nous incitons vivement les entreprises à séparer le rôle de PDG et celui de président. Seulement 72 parmi les 157 grands émetteurs de valeurs mobilières au Canada ont un président du conseil d'administration qui est indépendant. La LCSA doit donc dorénavant exiger que le président ne fasse pas partie de la direction.
Les actionnaires devraient également avoir le droit d'approuver l'achat de titres dilutifs. Au sens de la loi actuelle, les actionnaires ont le droit d'approuver la vente, la cession ou l'échange de presque tous les actifs d'une société. De la même façon, les actionnaires devraient avoir le droit d'approuver les achats importants payés en actions qui affaibliront leur portefeuille d'actions de plus de 25 p. 100. La Bourse de Toronto a récemment modifié ses exigences d'admission en bourse; dorénavant, les achats importants devront être approuvés par les actionnaires. Selon nous, il devrait en être de même pour la LCSA.
Il pourrait être utile au comité de savoir que parmi les trois importantes lois qui ont été adoptées aux États-Unis après la crise financière, deux proscrivent les conseils d'administration renouvelables par tranches. D'ailleurs, les trois lois exigent que les administrateurs soient élus à la majorité et que le rôle de président et celui de PDG soient distincts. Partout dans le monde, de plus en plus de gens s'entendent pour dire que ces réformes sont nécessaires pour que les entreprises soient bien gérées et que les conseils soient tenus de rendre des comptes aux actionnaires. Le Canada pourrait devenir un chef de file en matière de gestion s'il réformait la LCSA en ce sens.
Pour conclure, nous aimerions voir des améliorations qui profitent aux actionnaires — par exemple, que les coûts incombant aux actionnaires qui intentent un recours en vertu de la loi soient réduits au minimum. Mais nous aborderons ces points dans notre mémoire.
De plus, j'aimerais inviter le comité à envisager de mener une vaste consultation, comme les autres témoins présents aujourd'hui l'ont fait. Il existe des groupes qui ont sûrement des suggestions intéressantes pour améliorer la LCSA, notamment des universitaires, des commissions de valeurs mobilières et d'autres groupes d'actionnaires.
Finalement, j'aimerais ajouter que la coalition appuie également les propositions qu'a faites Mme O'Neill au nom de SHARE.
Merci.
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Merci beaucoup pour votre question.
Je peux vous parler précisément de l'entreprise Eva's, mais je ne sais pas si je répondrai à votre préoccupation. L'imprimerie Eva's a été mise sur pied par une organisation caritative dont le mandat est d'aider les jeunes sans-abri. Cette organisation a créé différents programmes, dont celui de l'atelier d'imprimerie, pour que tous ces jeunes puissent acquérir une expérience directe de la composition graphique dans un environnement professionnel. Un comité consultatif formé de personnes qui exploitent leurs propres entreprises dans le domaine de l'imprimerie a été mis sur pied. En un sens, l'atelier Eva's fournit un service à ces entreprises du domaine de l'imprimerie, parce qu'il forme des gens aptes à travailler ensuite pour ces entreprises. Ces entreprises ne voient pas Eva's comme de la concurrence; elles voient l'organisme comme un milieu d'instruction qui lui fournit une main-d'oeuvre talentueuse qui contribuera à la croissance de leurs organisations.
Cet exemple n'est donc pas pertinent dans l'optique de la question générale que vous posez, qui est celle-ci: si une entreprise est établie par une organisation caritative ou qu'elle appartient directement à une organisation caritative, les gens pensent-ils que, d'une certaine manière, cette organisation caritative reçoit des subventions directes ou indirectes inappropriées pour faire concurrence à une entreprise quelconque? Pour ce qui est du modèle particulier que je propose de créer, c'est-à-dire une entreprise d'intérêt communautaire ou une société à faibles bénéfices à responsabilité limitée, ces entités seraient en fait imposables, alors les règles du jeu seraient les mêmes pour tous. Toutefois, dans la plupart des cas, si une de ces entreprises appartenait à une organisation caritative, elle ferait don de ses bénéfices à l'organisation caritative en question; elle peut donner jusqu'à 75 p. 100 de ces bénéfices avant d'être tenue de payer de l'impôt.
On peut également analyser la question d'un autre point de vue. Si nous estimons que ces organisations qui ont pour mandat de loger les sans-abri ou de former des personnes marginalisées ou de prendre soin des personnes vulnérables font du bon travail, qu'ils sont d'ailleurs seuls à faire, et qu'un écart se creuse parce que le marché ne leur vient pas en aide, mais qu'elles trouvent une façon ingénieuse de faire jouer les forces du marché en leur faveur, je pense que les gens doivent voir cette innovation comme très positive. S'il se révèle que l'innovation créée par cette organisation caritative entreprenante est si bonne que le secteur privé emboîte le pas, qu'il copie l'idée, la reproduit et récolte du succès ce faisant, la solution sera même meilleure qu'au départ. Cela signifie qu'une idée qui a germé dans le secteur sans but lucratif pour répondre à des besoins communautaires arrive à faire un plus grand bout de chemin.
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Les organismes caritatifs ont un problème réel en ce moment. Dès que les entreprises caritatives auront instauré un mode de fonctionnement intelligent, plusieurs de leurs fondateurs abandonneront le navire sous prétexte que tout va bien.
Ça peut avoir un effet pervers. Les organisations prolifiques pourraient, si elles étaient sur le marché, attirer davantage de capital compte tenu du fait qu'elles réussissent bien, contrairement au secteur sans but lucratif qui, même s'il réussit bien, peut se retrouver avec moins d'argent. C'est un des problèmes du système actuel.
Je me répète, je ne voudrais pas que le gouvernement dise qu'il faut couper dans les organismes sans but lucratif simplement parce que nous instaurons ces mesures. Le secteur sans but lucratif est sous-financé. La plupart des organisations ont dû cannibaliser leurs propres actifs essentiels. Le maximum de dépenses des organismes sans but lucratif en technologie, par exemple, se situe autour de 2,4 p. 100, alors que le minimum dépensé par les entreprises se situe autour de 2,5 p. 100, parfois jusqu'à 8 p. 100.
Le secteur sans but lucratif n'investit pas en lui-même à l'heure où l'on se parle. Il a besoin d'argent. Je n'irais donc pas jusqu'à dire que s'il réussit dans ce projet, le gouvernement devrait couper dans ses revenus. Nous pourrions ainsi voir naître un secteur sans but lucratif plus efficace, plus compétitif, et plus innovateur qui serait capable de répondre aux besoins des collectivités. C'est ce que ce modèle permettrait de faire.
J'ai réalisé une étude il y a de cela une dizaine d'années sur la possibilité que les organismes sans but lucratif du Canada fonctionnent davantage comme une entreprise. Lorsqu'un organisme caritatif envisage d'employer les moyens du marché, cela a une incidence culturelle sur la façon dont fonctionne l'organisme caritatif. Ça permet aux gens de voir leur organisation d'un point de vue stratégique. Ça contribue aussi à sensibiliser les gens sur l'économie et sur la façon dont l'organisation fonctionne.
Je n'ai jamais vraiment bien compris pourquoi les organismes sans but lucratif fonctionnent selon le principe qu'elles doivent établir un budget, trouver du financement, dépenser les fonds en cours d'année, et à la fin de l'année, arriver à zéro, et recommencer l'année suivante. Quelqu'un m'a décrit cette façon de faire comme une version cha-cha-cha de la survie des organismes sans but lucratif, en contraste avec la création de nouvelles idées pour lesquelles les organismes sans but lucratif pourraient bâtir leurs actifs, tout comme les familles, les contribuables et les entreprises le font. On devrait davantage les encourager à adopter ce type de stratégies pour offrir aux Canadiens un secteur plus robuste et diversifié.
Monsieur Draimin, je vais maintenant m'adresser à vous. J'ai travaillé dans le secteur des organisations à but non lucratif pendant plus de 10 ans et j'aimerais avoir des précisions sur une question. C'est un modèle intéressant, et je vais l'examiner attentivement.
J'ai présenté un projet de loi, le projet de loi , qui vise à modifier la législation sur les dons de bienfaisance pour qu'elle devienne semblable à celle qui s'applique aux partis et aux organisations politiques. L'idée est de reproduire la structure actuelle pour les dons de plus de 1 275 $ versés aux candidats ou aux partis politiques. Au cours des dix ou quinze dernières années, la politique publique canadienne a été marquée par la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers. Cela a eu une incidence négative sur les dons de charité, car ils sont liés au revenu le plus bas au moment des déclarations d'impôt, ce qui fait que les organisations caritatives auront moins d'argent pour leurs activités. Nous parlons en fait d'environ 8 p. 100 de l'économie canadienne qui n'a guère bénéficié de la politique publique au cours de cette période de temps, car la réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés ne rapporte rien aux organisations sans but lucratif.
Je vous rappelle, par souci de clarté, qu'il faut tenir compte du fait qu'un grand nombre d'organisations ne peuvent reporter qu'une quantité précise de fonds. C'est pour cela qu'à la fin des exercices — et cela se passe ici même, dans les bureaux du Parlement — on utilise les budgets pour acheter un télécopieur ou des ordinateurs à la dernière minute, ou qu'on procède à des mises à jour qui n'auraient probablement pas été prioritaires. Cela se produit tout le temps, car au bout du compte, on n'obtient aucun financement pour d'autres programmes.
Mais si l'on veut appliquer un modèle comme celui-là, comment peut-on s'assurer que les valeurs fondamentales des organisations sont maintenues? Le problème, c'est qu'il y aurait alors d'autres intérêts en jeu. Souvent, les organisations sans but lucratif sont constituées pour tenir compte d'enjeux sociaux qui ne relèvent pas des gouvernements. Par exemple, des groupes d'action communautaire se rassemblent pour mettre sur pied une organisation qui tâchera de répondre à un besoin qui n'était pas pris en compte. Est-ce qu'un seuil s'appliquerait aux actionnaires, ou y aurait-il des restrictions en ce qui concerne la procédure de vote? Comment ferait-on pour s'assurer que le mandat soit respecté, vu l'investissement considérable fait par des gens pendant une si longue période?
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C'est une très bonne question. C'était précisément la question en litige dans une affaire instruite en 1982 par la Cour suprême du Canada: l'affaire McCutcheon et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il y avait des chevauchements entre la LCSA et la législation provinciale en matière de valeurs mobilières.
Les deux coexistent. Je crois qu'il n'y a vraiment pas d'autres réponses: elles coexistent. À l'évidence, les lois en matière de valeurs mobilières peuvent s'appliquer à toutes les questions concernant les obligations d'information continue, tandis que la LCSA s'applique exclusivement aux sociétés constituées en vertu de la LCSA. Il y a des différences, par exemple en ce qui concerne les questions criminelles relatives aux opérations sur options. Les initiés ont des options d'achat d'actions, et des questions de ce genre sont abordées d'une manière légèrement différente sous le régime de la LCSA et sous les régimes provinciaux.
Mais ce dont je parle vraiment — et c'est, à mon avis, l'aspect le plus important de la question —, c'est des poursuites civiles contre les initiés. C'est, je pense, une chose qui n'est pas très courante au Canada. Il n'y a pas eu beaucoup de procès contre des initiés au civil, et je crois qu'il devrait y en avoir davantage, car il est évident que des délits d'initiés sont commis. On peut conclure cela du fait qu'il y a souvent une montée des prix avant l'annonce d'une nouvelle favorable, et vice-versa. Il y a donc quelqu'un qui exécute des transactions. Il pourrait, par exemple, y avoir des recours collectifs, et des dommages-intérêts triplés pourraient être exigés. Le droit civil pourrait être appliqué de différentes façons.
La LCSA est, en grande partie, une loi autodisciplinaire. La particularité de cette loi est que son application a, dans une large mesure, été remise entre les mains du secteur privé, de manière à inciter les organisations privées à trouver leurs propres solutions. Mais je crois qu'un constat d'échec s'impose à cet égard. En effectuant des recherches, je n'ai pu trouver aucun cas relatif à la responsabilité des initiés de 1994 à aujourd'hui. Il n'y a, par ailleurs, jamais eu de cas de responsabilité criminelle sous le régime de la LCSA, très peu de cas au total sous le régime de la responsabilité civile, et aucun depuis les modifications de 2001.
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Je vous remercie d'avoir posé votre question.
Premièrement, je dois préciser que lorsque j'ai dit que des sociétés sans but lucratif laissaient leurs principaux éléments d'actif être grignotés, je voulais dire qu'au lieu d'investir dans leurs propres sociétés, elles cessaient de faire des choses que des sociétés de la grande économie font, parce qu'elles ont du mal à accéder à du capital ou à obtenir des dons.
Pour ce qui est des besoins, à l'heure actuelle, nous savons qu'au moins le tiers des revenus des sociétés sans but lucratif sont des revenus gagnés d'une manière ou d'une autre, mais pour ce qui est de la façon de les obtenir, cette question est très compliquée.
Laissez-moi vous donner un exemple. Je ne suis pas en mesure de citer de nom, parce que la société dont je vais vous parler ne tient pas à être connue publiquement, mais il existe une grande société de bienfaisance qui exploite une entreprise sociale très fructueuse, au sein même de son organisation. Au fond, cette société recycle des choses, en tire un revenu, et conserve des articles ou des produits qui autrement finiraient au site d'enfouissement. Cependant, pour mener cette activité, la société enfreint une règle de l'ARC, règle qui a été adoptée à une certaine époque par quelqu'un, pour une raison quelconque, et cette règle stipule que 90 p. 100 du travail fait par une entreprise sociale doit l'être par une main-d'oeuvre bénévole. Voilà une règle arbitraire qui, au fond, nuit à une organisation qui poursuit des objectifs sociaux louables, activités qui semblent se dérouler parfaitement, dans le contexte de l'organisation de bienfaisance qu'elle est. Pour cette organisation, pouvoir constituer une EIC serait une solution de rechange. Si vous vous trouvez en Ontario, il existe une règle obscure disant que vous ne pouvez pas détenir plus de 10 p. 100 des actions d'une entreprise pendant longtemps, de telle sorte que vous ne pourriez même pas mettre sur pied une filiale.
Il existe tout un éventail de règles régissant les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif, règles qui ont été établies il y a longtemps et qui ne répondent plus aux besoins modernes de ces organisations, ce qui fait que ces dernières recherchent de nouvelles façons de remplir leur mission. En fait, nos règles en ce qui concerne les organismes de bienfaisance reposent sur l'idée voulant qu'elles ne s'occupent pas des causes profondes des problèmes, mais des symptômes. Alors ce que nous cherchons à faire, c'est de donner les moyens aux organismes de bienfaisance d'en venir à travailler sur les causes profondes des problèmes, par exemple à former les gens pour qu'ils puissent trouver un emploi, ou pour autre chose.
La capacité d'innovation du secteur se développe rapidement. Je n'ai pas de données statistiques pouvant vous indiquer quelle est l'ampleur du marché, mais je sais qu'il est en pleine croissance. Cette semaine, à Toronto, se tient le troisième congrès national des entreprises sociales. Lors du premier, il y avait 200 personnes. Au deuxième congrès, il y en avait 550. Nous en sommes aujourd'hui à la sixième année, et nous voyons que le mouvement est en plein essor. À en juger par ce fait et par ce que nous savons au sujet des statistiques générales — à savoir que le tiers des revenus est généré par les organisations elles-mêmes —, nous voyons qu'il existe de grandes possibilités.
Comment puis-je affirmer qu'elles pourraient réunir du capital? Eh bien, c'est fondamentalement le phénomène que nous pouvons observer au Royaume-Uni. Ces sociétés ont réussi à lever des capitaux. Nous voyons que ces compagnies sont en croissance. Nous voyons que fondamentalement, ces sociétés ont maintenant la possibilité d'aller au-delà de la masse limitée de dons ou de financement gouvernemental qui existent et de tenter de récolter des fonds dans la grande économie, et qu'elles y parviennent.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Draimin, j'aimerais utiliser un exemple particulier pour bien comprendre comment fonctionnerait un modèle hybride. Je prendrai l'exemple des PPP. Quelques-unes des craintes que j'ai au sujet des PPP se sont concrétisées lorsqu'à Windsor, dans ma région, le gouvernement provincial a décidé de confier des lits de soins de longue durée à des sous-traitants. La province a fait un appel d'offres avec diverses options, et un certain organisme, Versa Care, a signé le contrat.
Plus tard, ils ont abandonné le contrat parce qu'ils ne faisaient pas assez d'argent. Le projet allait être profitable, mais pas assez. Un autre soumissionnaire a donc pris le relais, il a pris la responsabilité des lits supplémentaires, ce qui a occasionné un retard au niveau des installations. C'est du moins ce qu'ils ont dit. Ces lits n'ont donc pas pu être offerts à des personnes âgées qui sont toujours dans des hôpitaux, des foyers de groupe, etc., sans soins adéquats.
Cette semaine, nous avons appris que le promoteur devait 800 000 $ à la ville en arrérages de taxes, et qu'on a simplement pris l'acier et d'autres éléments de la propriété. C'est une vieille installation. Encore une fois, le public a payé une fortune pour tout ça, parce que bien entendu, prendre soin des gens coûte beaucoup plus cher dans un hôpital qu'ailleurs, au quotidien.
Par exemple, dans votre système, si c'était un organisme comme les Infirmières de l'Ordre de Victoria, est-ce qu'il émettrait quelque chose de comparable à des actions? Et vous dites qu'il y a une limite; c'est un peu comme si les gens voulaient prêter de l'argent à un organisme pour qu'il ait des capitaux et pour obtenir un rendement sur l'investissement éventuellement. Et s'ils perdaient de l'argent, si la valeur diminuait, serait-il possible de déclarer ces pertes dans leurs déclarations de revenus? Comment ce système fonctionnerait-il? Ce que vous avez dit sur le modèle de surveillance utilisé par le gouvernement du Royaume-Uni était très utile. Dans les faits, comment ce système fonctionnerait-il sur le plan opérationnel?
Finalement, est-ce qu'il s'agit de prêt de capital, mais peut-être pas du genre de cadeau que les gens donneraient tout de suite?
Si je comprends votre question, vous voulez savoir comment s'y prendraient les Infirmières de l'Ordre de Victoria pour obtenir le capital?
Peut-être que ce qui peut relier mes propos à ceux de Laura, c'est qu'il se produit actuellement un changement dans le secteur de l'investissement quant à ce qui alimente les conversations, à savoir l'investissement à double ou triple résultat — ce que certains appellent maintenant l'« investissement d'impact », et d'autres, l'« investissement à valeurs combinées ». Les gens veulent effectuer des investissements et désirent obtenir un rendement financier, mais ils veulent aussi comprendre le rendement social ou environnemental qu'ils génèrent. En ce moment, le système d'information financière nous permet essentiellement de connaître le rendement financier, mais ne nous informe en rien sur les aspects sociaux ou environnementaux.
Je crois que les mesures à cet égard commencent réellement à prendre de l'importance, et il y aura davantage de facteurs qui seront utiles à des organisations comme les Infirmières de l'Ordre de Victoria ou à d'autres organismes à but non lucratif qui désirent mettre sur pied des entreprises sociales semblables aux EIC.
Au fond, je crois que ça ressemble à ce que vous avez dit: les Infirmières de l'Ordre de Victoria — ou quelqu'un d'autre — créeraient une certaine entité pour mener à bien un projet donné, elles émettraient des actions, il y aurait un prix établi pour les actions, et les gens les achèteraient. Dans un certain sens, on appelle cela des actions et ça fonctionne comme tel, mais en réalité, comme vous y avez fait allusion, c'est presque comme émettre une obligation, la fractionner en petits morceaux et appeler chacun de ces morceaux une action. On peut présumer qu'au moment de la vente, si la valeur est moindre et qu'il y a une perte, il s'agirait d'une perte en capital, et les gens pourraient l'inscrire dans leur déclaration de revenus.
Mais, oui, c'est comme ça que ça fonctionnerait: ils lanceraient un appel aux gens désireux d'obtenir un rendement financier sur des actions — ce qui, dans ce cas, reviendrait presque à acheter une obligation — et qui chercheraient aussi à obtenir un rendement social, et ce serait un autre aspect sur lequel l'entité devrait rendre des comptes. Ainsi, non seulement les gens obtiendraient à la fin de chaque année un rapport sur le rendement financier, mais ils recevraient aussi un rapport social faisant état du nombre de lits qui ont pu être créés, du nombre de personnes qui ont pu être servies, de ce que l'organisation est en mesure de faire pour la communauté.