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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 juin 2009

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue aux membres des comités et aux témoins à cette séance conjointe du Comité permanent des finances et du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie en ce mardi 9 juin 2009. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les frais d'interchange des cartes de crédit et le système de paiement par cartes de débit au Canada.
    Nous accueillons aujourd'hui quatre témoins. M. Ian Lee est directeur du programme de maîtrise en administration des affaires (MBA), à la Sprott School of Business de l'Université Carleton. M. Barry Scholnick est professeur agrégé à la School of Business de l'Université de l'Alberta. M. Roger Ware est professeur au département d'économie à l'Université Queen's. M. Jack Carr est professeur au département d'économie à l'Université de Toronto.
    Bienvenue à tous les quatre.
    Monsieur Menzies, allez-y.
    J'invoque le Règlement. Je ne souhaite pas retarder les délibérations du comité, mais nous devons régler une question administrative. Le Comité des finances a invité le ministre des Finances à comparaître devant lui. Comme il sera en déplacement le jour où le comité veut le rencontrer, il ne sera disponible que le matin du 16 juin. Je demande votre indulgence pour la tenue d'une réunion du Comité des finances le matin du 16 juin de 9 à 10 heures pour entendre le ministre des Finances.
    Peut-être pourrions-nous reporter la prochaine réunion du comité conjoint à plus tard.
    Je crois qu'il y a eu des discussions entre les diverses parties concernées et les membres du comité n'ont pas d'objection. Nous demanderons aux greffiers des deux comités de reporter la réunion de mardi prochain.
    Je vous remercie.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par les déclarations liminaires de nos quatre témoins, et c'est M. Carr qui a la parole.
    Merci beaucoup. Je remercie le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je dois vous prévenir, et je suis sûr que mes collègues le savent aussi, que les professeurs n'ont pas l'habitude de prendre la parole pendant cinq minutes, mais 55 minutes. Ma tâche sera donc quelque peu difficile.
    J'ai un mémoire écrit qui devrait vous être remis. Vous y trouverez les choses que je n'évoquerai pas. Ce n'est pas un long mémoire. Je dois vous signaler également que ma recherche a été essentiellement financée par Visa.
    Permettez-moi d'entrer dans le vif du sujet, étant donné que le temps presse. La principale caractéristique d'un système de cartes de crédit est que c'est un marché biface, et un marché biface est quelque peu différent des marchés auxquels les économistes sont généralement habitués. En effet, un marché biface met en rapport deux opérateurs distincts, en l'occurrence le marchand et le titulaire de la carte de crédit. Il est impossible d'exploiter le système sans les titulaires de cartes de crédit tout comme il est impossible de l'exploiter sans les marchands. Plus il y a de titulaires de cartes de crédit, mieux c'est pour les marchands. Plus il y a de marchands, mieux c'est pour les titulaires de cartes de crédit. C'est comme un réseau où il y a interdépendance entre les deux parties.
    La demande des titulaires de cartes de crédit pour les services du système de cartes de crédit dépend de deux choses: les frais d'utilisation de la carte, d'une part, la valeur que le titulaire de la carte de crédit accorde au côté pratique de l'utilisation des cartes par opposition à d'autres modes de paiement, et le nombre et la qualité des marchands participant au système, d'autre part. Pour l'essentiel, la demande des marchands est très similaire. En effet, ceux-ci dépendent des frais de service, l'efficience que permet le fait d'accepter des cartes de crédit plutôt que d'autres modes de paiement, et du nombre ainsi que de la qualité des titulaires de cartes de crédit.
    L'élément que je veux faire ressortir dès le début est que la nature biface de ce marché change quelque peu la dynamique de l'économie.
    Trois éléments importants relatifs au système de paiement méritent d'être soulignés. Premièrement, il est important de se rappeler que les parties émettrices et détentrices sont, par l'intermédiaire de l'organisation du système de paiement, toutes les deux engagées dans la production et la prestation de services. C'est une production mixte. Deuxièmement, il est important de comprendre la nature biface de ce marché.
    Evans et Schmalensee nous donnent un exemple concret. Ainsi, en Asie, tout particulièrement, il y a des clubs de rencontre, et dans ces clubs de rencontre, les hommes et les femmes se fréquentent pour voir s'ils se conviennent. Apparemment, les hommes accordent une plus grande valeur à ces clubs que les femmes, et ce qui arrive généralement dans ces clubs... C'est tout aussi coûteux pour le propriétaire du club d'offrir des services aux femmes qu'aux hommes dans ces clubs, et pour les attirer, en règle générale, les femmes n'ont pas à payer pour y entrer; on leur offre même des boissons gratuites parfois, tandis que les hommes assument tous les coûts. Cela semble équitable. On fait tout cela dans le but d'exploiter un système efficient. On le fait, parce que les hommes ne fréquenteront pas ce club s'il n'y a pas de femmes. Inversement, les femmes n'iront pas dans ces clubs s'il n'y a pas d'hommes. Il faut équilibrer le système, et la façon de l'équilibrer consiste à instaurer des frais d'interchange. Ces frais, que paient les hommes, n'ont rien à voir avec les coûts.
    Le troisième élément économiquement important des marchés bifaces est le fait que les deux versants du marché profitent de la croissance et de la demande de l'autre versant. Récemment, les systèmes quadripartites ont éprouvé des difficultés, notamment en Australie et dans bon nombre d'autres pays, et chez nous aussi. Il y a deux choses importantes à comprendre. Premièrement, les gens qui critiquent le système soutiennent que les marchands ne devraient pas être tenus d'assumer une partie des coûts des émetteurs qui fournissent les services aux titulaires de cartes de crédit, puisque les détaillants ne tirent aucun avantage de ces services. On avance que les frais d'interchange décidés collectivement refilent des coûts aux marchands. Par conséquent, les détaillants insistent pour que les frais d'interchange soient calculés sur la base d'une norme objective de coûts, qui exclut les coûts sans rapport au réseau de paiement. Deuxièmement, on soumet que les règles comme les règles qui exigent qu'on accepte toutes les cartes de crédit et la règle d'élimination de la surcharge forcent effectivement les détaillants à accepter Visa et MasterCard.
(0905)
    Selon moi, ces arguments présentent des failles, cinq notamment, que je vais démontrer.
    Première faille: les commerçants retirent en fait des avantages des systèmes de paiement par cartes — une augmentation des ventes et des ventes plus pratiques. Il y a augmentation des ventes parce que, quand les gens utilisent des cartes de crédit pour faire des achats, et des achats plus importants, ils apportent de nouveaux types d'achats, et une augmentation des ventes grâce à des frais moindres par opération. Quand je vais faire le plein de ma voiture, l'exploitant n'a pas besoin d'autant d'employés, parce que je paie moi-même, en mettant ma carte dans la machine. Si tout le monde payait comptant, les files d'attente seraient interminables. De plus, les commerçants n'ont pas à maintenir de solde de caisse, ce qui est généralement très coûteux.
    Deuxième faille: il n'y a pas de justification économique à une réglementation reposant sur les coûts. Prendre les coûts en compte ne suffit pas. Le coût est un facteur, mais pas le seul. Le système est plus complexe et, en limitant au coût la justification des frais d'interchange, on ne tient pas compte des avantages respectifs que commerçants et titulaires de cartes retirent des frais d'interchange.
    Troisième faille: rien ne contraint les détaillants à accepter les cartes de crédit comme méthode de paiement. Pourquoi le font-ils? Parce qu'ils en retirent des avantages. En bout de ligne, quand on tient compte de tous les coûts, cela leur coûte moins cher. D'ailleurs, les commerçants sont libres de refuser d'accepter le paiement par carte et ils sont d'ailleurs nombreux à le faire. Costco, qui est un énorme commerçant, n'accepte ni MasterCard ni Visa. Ma femme et moi nous adorons Costco.
    Quatrième faille: il est faux de dire que les gens qui paient en liquide subventionnent les utilisateurs de cartes de crédit, malgré les arguments qu'on entend à cet effet. D'accord, un commerçant n'a pas le droit d'imposer une surcharge. Mais rien ne lui interdit de consentir un escompte aux gens qui paient comptant. D'un point de vue économique, il n'y a pas de différence entre une surcharge frappant les cartes de crédit ou un escompte consenti à ceux qui paient en liquide. Or, il y a des commerçants qui consentent des escomptes si on paie comptant, mais c'est très rare. Et, dans bien des cas, selon moi, les escomptes pour paiement comptant sont consentis pour éviter d'avoir à payer toutes sortes de taxes. Le paiement comptant est une façon d'éviter de payer des impôts.
    Cinquième faille: il n'y pas de justification économique rationnelle à la distinction entre le système à trois parties et à quatre parties. Rien ne permet d'établir une distinction entre le système Amex et celui de Visa et MasterCard.
    Laissez-moi conclure par les leçons à tirer de l'expérience australienne et citer les conclusions de l'étude effectuée par Robert Stillman et al:
Il convient d'avoir recours à la réglementation uniquement s'il est manifeste qu'un marché ne fonctionne pas et si on a des raisons de croire que cette réglementation est susceptible de profiter aux consommateurs.
    La réglementation de la RBA a indubitablement nui aux consommateurs australiens, en entraînant des frais plus importants pour les titulaires de cartes et des programmes de récompense moins intéressants; elle a aussi incité les émetteurs de cartes à quatre parties à s'abstenir d'investir et d'innover. Rien ne prouve, par ailleurs, que les pertes encourues par les consommateurs ont été compensées par une diminution des prix au détail ou une amélioration du service au détail.
    L'expérience sur le terrain ne corrobore pas l'idée que les consommateurs retirent des avantages nets d'une intervention. Généralement parlant, les économistes envisagent de réglementer un secteur quand il y a un pouvoir de monopole quelconque et trop peu de production à un prix trop élevé. Or, la réglementation en Australie et la réglementation des frais d'interchange entraînent une réduction de la production et un prix plus élevé pour les consommateurs; elle va à l'encontre des conditions pour une réglementation généralement reconnue par les économistes.
    Laissez-moi conclure. Avant d'analyser un marché biface, comme celui du secteur des paiements, il est essentiel de comprendre les modalités économiques particulières qui impulsent cette efficience et sa compétitivité, notamment l'interdépendance de la demande pour les acquéreurs et les émetteurs. Il faut tenir compte des avantages et des coûts touchant les deux faces du marché, plutôt que de cibler un aspect isolé du marché.
    Merci beaucoup.
(0910)
    Merci beaucoup, monsieur Carr.
    Je crois que M. Scholnick a une présentation PowerPoint.
    Je suis professeur à l'Université de l'Alberta. Il me faut souligner que je n'entretiens aucune relation avec les diverses parties qui ont comparu devant vous au cours des deux dernières semaines.
    Mon rôle ce matin est de vous expliquer ce dont les économistes discutent lorsqu'ils pensent à ce marché. C'est un marché très compliqué; il est très différent de l'exemple classique. Alors, les économistes peuvent peut-être vous aider à décider comment approcher le problème qui est devant vous.
    Comme mon collègue l'a mentionné, le point principal est la notion de marché biface. C'est ce qui est à l'avant-plan du point de vue économique, et le comité doit comprendre ce concept essentiel avant de décider de la façon de procéder. Un marché biface consiste en une seule plateforme — et voilà le mot clé, « plateforme » — qui rassemble de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs.
    Qu'est-ce que cela signifie? J'ai essayé de vous donner sur cette diapositive certains exemples — et il y a un nombre infini d'exemples — de plateformes et de la façon dont l'économie fonctionne. Le premier exemple de plateforme est exactement ce dont vous discutez pendant les audiences. Visa et MasterCard offrent une plateforme qui rassemble beaucoup de personnes d'un côté du marché, les détaillants, et beaucoup de personnes de l'autre côté du marché, les consommateurs. En rassemblant ces deux côtés, Visa et MasterCard créent une certaine valeur. Voilà la valeur de leur plateforme.
    Mais il y a de nombreux autres exemples, qui se trouvent sur la diapositive. Par exemple, pour la description de propriétés, les chambres immobilières partout au pays ont des sites Web. Ces sites Web permettent de rassembler les acheteurs et les vendeurs de propriétés. La plateforme qui se trouve entre les deux est la chambre immobilière, et voilà l'acteur économique principal qui nous intéresse.
    Les centres commerciaux constituent un autre exemple. D'un point de vue économique, un centre commercial peut être perçu comme une plateforme. Quel est son rôle? Le propriétaire d'un centre commercial rassemble deux groupes — le premier, les propriétaires de magasins, et le deuxième, les acheteurs. Le centre commercial en soi ne fait rien ou ne vend rien, mais il permet de rassembler ces deux parties.
    Les pages jaunes et les fichiers PDF sont d'autres exemples. Un fichier PDF est une plateforme avec des lecteurs et des rédacteurs. Et on pourrait concevoir que Google est également une plateforme; sur Google, il y a ceux qui affichent des publicités et ceux qui font des recherches. Dans le cas de ces plateformes, il faut souligner une chose, comment le prix des services est établi. Comment Google ou les pages jaunes établissent-ils le prix de leurs services? Ce que l'on retrouve très fréquemment avec ces plateformes, c'est qu'un côté est très subventionné — dans de nombreux cas, le service est gratuit —, et c'est l'autre côté qui paie. Ainsi, dans les exemples déjà mentionnés, lorsque vous effectuez une recherche sur Google, cela ne vous coûte rien. Mais si vous affichez de la publicité sur Google, si vous êtes un vendeur, cela vous coûte assez cher. Le document PDF d'Adobe est gratuit. Mais si vous voulez créer un tel fichier, cela vous coûte beaucoup d'argent. C'est la même chose avec les pages jaunes; les lecteurs les utilisent gratuitement, etc.
    Alors le résultat classique en économie dans le cas de l'établissement des prix de ces plateformes, c'est qu'un côté assume tous les coûts alors que l'autre côté ne paie rien. En fait, je dirais que dans le cas des cartes de crédit, non seulement les consommateurs obtiennent ce service gratuitement, mais ils obtiennent également des récompenses ou de l'argent pour utiliser leurs cartes de crédit. Voilà, bien sûr, la notion de récompense — les Air miles et les ristournes, etc. Cela cadre très bien dans la conception économique classique du fonctionnement de ces marchés bifaces.
    Quelles sont les conséquences de ces marchés bifaces? Le point essentiel que j'aimerais souligner, c'est la notion du gagnant qui emporte tout, ou ce que l'on appelle les « effets de réseau » en jargon économique. Cela signifie que si vous avez une plateforme que tout le monde aime, si vous avez une plateforme que les acheteurs et les vendeurs utilisent beaucoup, alors vous avez un bien de grande valeur.
    Le deuxième aspect de cette notion du gagnant qui emporte tout, c'est qu'une fois que vous êtes devenu gros, vous grossissez encore plus. Les gros continuent de grossir. Il y a des économiques d'échelle intrinsèques, d'après les économistes. Voilà bien sûr la situation dans laquelle se trouvent Visa et MasterCard — et c'est la situation dans laquelle veut se trouver tout détenteur de plateforme. Microsoft est un autre exemple de plateforme. L'entreprise est si énorme, tout le monde l'utilise. On n'a pas le choix de ne pas l'utiliser.
(0915)
     L'objectif clé des propriétaires de la plateforme — qu'il s'agisse de Microsoft, de Google, de Visa, de MasterCard, des pages jaunes ou de qui que ce soit — est de faire autant d'argent que possible, comme n'importe quel propriétaire d'entreprise. Dans le même temps, ils doivent toutefois maintenir un équilibre et veiller à avoir assez d'acheteurs et assez de vendeurs pour que la chose se perpétue. Dès qu'intervient une situation où un côté tourne le dos à la plateforme pour aller voir ailleurs, la valeur de la plateforme diminue jusqu'à atteindre zéro, d'habitude. Il leur faut donc gagner autant d'argent que possible, tout en veillant à ce que tout le monde continue à utiliser la plateforme.
    Vous avez donc un cas d'école de marché biface, pour un économiste: la situation dans laquelle se trouvent les détaillants qui ont témoigné devant le comité. Prenez une situation comme celle de Visa ou de MasterCard, où la plateforme connaît un plein succès et une forte dominance; vous êtes coincés. Vous ne pouvez pas cesser d'utiliser la plateforme, vu que tous vos clients l'exigent, et vous ne pouvez rien faire en fait pour réduire vos frais.
    Que faire alors? Les articles d'économie sur les marchés bifaces prédisent précisément ce qu'on constate à la réunion de ce matin. Il faut faire pression sur le Parlement, s'adresser aux tribunaux, aux banques centrales et aux autorités de la concurrence. Les économistes soulignent que ces gens n'ont aucun mécanisme économique normal qui leur permettrait de se sortir du piège où ils se retrouvent.
    Quelle sera l'issue? Qu'est-ce qui constitue une menace pour Visa ou MasterCard ou pour tout marché biface? Je pourrais parler ici de Microsoft ou de Google; ce serait le même argument. La menace dans ce cas est une nouvelle plateforme, meilleure, qui permet des choses qui rendent plus de gens heureux, une nouvelle technologie. Je vous ai donné l'exemple de PayPal, comme émergence graduelle sur la Toile d'une plateforme qui pourrait un jour remplacer Visa et MasterCard comme fournisseur de paiements. C'est bien cela: avec l'émergence d'une nouvelle plateforme, Visa et MasterCard doivent affronter le problème.
    Quelles sont les implications pour les marchés bifaces? Que se passe-t-il dans ces cas-là, selon les économistes? Ils prédisent à tout coup un affrontement comme celui dont vous avez été les témoins ces dernières semaines, entre Visa et MasterCard d'un côté, et les détaillants de l'autre. C'est inévitable. C'est un affrontement qui se reproduit partout dans le monde. Selon moi, cela va se poursuivre. Ce n'est certainement pas la dernière fois que la Chambre entend parler de la question.
    Même si une nouvelle plateforme dominante remplace Visa ou MasterCard, il y aura toujours ce type de conflit entre les détaillants d'un côté et la plateforme de l'autre. Même si, par exemple, la Reserve Bank of Australia met en place une réglementation, cela ne résout pas le problème. Les économistes s'entendent pour dire que, vu la nature des marchés bifaces, il n'y a pas de remède facile au problème.
    Merci.
(0920)
    Merci beaucoup, monsieur Scholnick.
    Monsieur Lee, à ce que je comprends vous avez aussi un document à distribuer.

[Français]

    C'est dans l'autre langue officielle également.

[Traduction]

    Merci beaucoup. À titre d'ancien banquier et de professeur en administration des affaires, je veux remercier les deux comités de m'avoir invité. Il est évident que j'ai un parti pris. Je pense que vous êtes les deux comités les plus importants du Parlement, soit le Comité des finances et le Comité de l'industrie, parce que vous traitez des questions les plus importantes qui touchent la façon dont nous créons la richesse dans notre économie.
    Pour vous expliquer un peu mon parcours, sachez que j'ai travaillé dans le secteur bancaire dans les années 1970, dans la banque qui se trouve de l'autre côté de la rue, la Banque de Montréal, qui sera, d'après ce que j'ai appris, intégrée à la Cité parlementaire. C'est un bel édifice. J'espère que vous vous en occuperez bien.
    J'ai été directeur des prêts aux consommateurs, directeur des hypothèques, agent de prêt commercial, et je suis titulaire d'un doctorat en politique publique. Je suis actuellement le directeur du programme de maîtrise en administration des affaires (MBA) à la Sprott School of Business. Je tiens à vous dire également que j'ai enseigné plus de 100 fois au Moyen-Orient, en Asie et en Europe de l'Est, y compris dans la plupart des anciens pays communistes, où j'ai pu constater en personne l'incidence de la réglementation gouvernementale coercitive sur la destruction de l'environnement, l'économie et les droits de la personne.
    Enfin, je ne suis ni consultant, ni conseiller, ni investisseur dans une société, un syndicat, une ONG, un organisme à but non lucratif, un organisme public ou un parti politique. Je me présente donc ici dans un esprit de transparence complète.
    J'ai lu tous les comptes rendus des réunions des deux derniers mois de votre comité et du comité sénatorial. Je veux vraiment être quelque peu provoquant aujourd'hui et vous dire que bon nombre des témoins — le Conseil du commerce de détail, la FCEI — vous ont dit que le système de paiement en vigueur aujourd'hui au Canada est très coûteux et inefficace, mais pour ma part, je pense que c'est vraiment une légende urbaine.
    Pour injecter un peu de réalité dans la conversation, depuis des temps immémoriaux jusqu'aux années 1970, même jusqu'au début des années 1980, les banques ouvraient leurs portes à 10 heures du matin et les fermaient à 15 heures. Si vous ne pouviez aller à la banque durant cette plage horaire, vous ne pouviez pas obtenir votre argent. Il n'y avait pas de carte de crédit, pas de service bancaire par Internet, ni par téléphone. Les cartes de crédit n'ont fait leur apparition qu'au milieu des années 1970.
    Il y avait deux modes de paiement: comptant et par chèque. Les deux modes étaient coûteux, lents et dangereux. Pourquoi? Parce que les chèques étaient souvent sans provision, tous les jours. Cela imposait un risque très élevé aux détaillants. L'argent comptant était volé par des braqueurs ou par des collègues. Même si ce dernier risque n'était pas très élevé, il n'en demeure pas moins que tous les gens d'affaires investissaient des sommes considérables pour acheter de l'assurance, cautionner les employés, la diligence raisonnable, des coffres-forts, la garde coûteuse de l'argent en espèces, et ainsi de suite.
    Pour abonder dans le sens des propos des professeurs Carr et Scholnick, je vous dirais que les coûts de transaction sont très élevés. Mais aujourd'hui, les cartes de débit permettent d'effectuer des paiements instantanés, sans protêt, sans chèque sans provision, et il en va de même pour les cartes de crédit. Il s'ensuit donc que les coûts de transaction sont très faibles, de 0,5 à 4 p. 100.
    Cela a été confirmé par une étude réalisée très récemment par deux centres de réflexion à Washington. Il s'agit du centre conservateur American Enterprise Institute et du centre très libéral Brookings Institution, qui ont fait une étude sur les différents modes de paiement. L'étude a révélé, sans grande surprise, que le paiement comptant était le mode de paiement le plus coûteux. J'ai entendu certains de vos témoins proposer des rabais pour les paiements comptants. Si je dirigeais un commerce, j'exigerais un supplément à quiconque choisit de payer comptant, car les paiements comptants sont très coûteux. Les banquiers le comprennent. Les paiements au comptant recèlent des coûts très élevés. Ils exigent des systèmes comptables complexes et raffinés. Vous devez avoir, par exemple, deux personnes pour compter l'argent, si vous ne voulez pas vous faire arnaquer. Par contre, les cartes de crédit stimulent les achats d'articles à prix unitaire élevé et favorisent l'achat impulsif.
    Je voudrais attirer votre attention sur une étude qui a été faite il y a à peine huit mois par la Banque du Canada à Ottawa. Elle a réalisé une enquête d'envergure auprès d'entreprises à l'échelle du Canada, et trois constatations sont ressorties de cette enquête réalisée auprès de véritables gens d'affaires. En effet, l'enquête a révélé que les cartes de crédit sont privilégiées parce que moins risquées — je n'ai rien à redire là-dessus. Deuxièmement, bien des commerces percevaient le paiement comptant comme le mode le moins coûteux et le plus fiable. Or, c'est empiriquement faux. Troisièmement, les cartes étaient considérées comme le mode de paiement le plus coûteux et le moins fiable. Pour la même raison qui me fait dire que la deuxième constatation est erronée, je vous dirais que celle-ci l'est également. Ce que cela montre, c'est que beaucoup de petites entreprises sont illettrées sur le plan financier, ou à tout le moins partiellement illettrées et cela milite en faveur d'un plus grand nombre de programmes de littératie.
    En fait, qu'est-ce qui est arrivé au cours des 10 dernières années? Quel était le comportement de ces commerces? Du point de vue des consommateurs comme de celui des commerces, l'utilisation des cartes de crédit et de débit a augmenté. Dans une étude réalisée par la Réserve fédérale, si je ne m'abuse — j'ai les sources dans mon portable —, nous nous situons à mi-chemin parmi quelque 10 ou 15 pays pour ce qui est du coût pour les marchands de l'utilisation des cartes.
    Où se situe alors le problème? Je vous soumettrais que le problème tient à la perception erronée du coût du paiement comptant par opposition au paiement par carte de crédit pour les commerçants, ce qui produit, comme mes collègues l'ont indiqué, une recherche de la maximisation des bénéfices par les associations commerciales qui se tournent vers le Parlement dans l'espoir de réaliser des bénéfices accrus plutôt que d'avoir à les gagner à la façon traditionnelle, c'est-à-dire par la concurrence.
    C'est ce qui est ressorti de l'étude de la Réserve fédérale, ce qui montre la rentabilité des cartes de crédit, et vous constaterez également que c'est cyclique. Vous pouvez le voir à l'écran. C'est cyclique et c'est basé sur deux variables: le coût de l'argent et, évidemment, les cartes de crédit.
(0925)
    Ce qu'on constate au Canada — c'est tiré de DBRS, l'agence de notation —, c'est que les pertes sur créances grimpent en flèche. Comme vous pouvez le voir, la ligne rouge, qui correspond à la moyenne pondérée, atteint les 6 p. 100 pour l'ensemble des soldes de cartes de crédit qui devront être considérés comme irrécouvrables en 2009. C'est terrible.
    Lorsque j'étais gestionnaire des prêts hypothécaires, j'avais un taux de radiation de comptes nul. En ce qui concerne les prêts personnels, notre taux s'établissait à 0,25 ou 0,50 p. 100. Ce taux frôle maintenant les 6 p. 100, ce qui est du jamais-vu.
    Comme vous pouvez le constater à la page suivante, le taux de défaillance sur les prêts au Canada est de 35 p. 100, et de 44 p. 100 sur les cartes de crédit.
    Je ne vais pas m'en prendre à la solution australienne. Vous savez déjà ce qu'il en est. Les témoins qui ont comparu devant vous vous l'ont dit. Toutefois, j'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil à certains graphiques. Ils viennent de la Réserve fédérale, qui a fait une étude sur le sujet. Je pense que M. Carr a déjà cité cette étude. Après quatre ans, je pense, aucun changement n'avait été noté dans le ratio d'utilisation des cartes de crédit et des cartes de débit. Toutefois, on a constaté une diminution des frais imposés aux commerçants, que les banques ont contrebalancé en grande partie en augmentant les frais de carte.
    Vous voyez les deux lignes. La ligne verte représente les frais pour les cartes de crédit ordinaires, et la rouge, ceux pour les cartes à primes. Les Australiens ont tout simplement déplacé le fardeau des commerçants aux consommateurs. Ce que le Conseil canadien du commerce au détail et la FCEI vous demandent de faire, c'est de ne pas vous en prendre à eux, mais plutôt aux consommateurs, aux gens comme moi.
    Les banques émettrices, comme le montre cette diapositive, recouvrent de 30 à 40 p. 100 des pertes, soit un demi-milliard de dollars, auprès des consommateurs. Ce qui est paradoxal, c'est que les frais imposés aux commerçants par transaction ont diminué. Si on fait le calcul, on constate qu'ils ont en effet baissé de quatre cents pour un achat de 40 $, ce qui est négligeable. Il n'y a donc eu aucun changement radical.
    Je ne vais pas vous résumer la situation, parce que M. Carr l'a déjà fait. L'économiste de la Réserve fédérale dont M. Carr vous a parlé a également déclaré que les règlements de la banque centrale, la Réserve fédérale de l'Australie, n'ont pas atteint leur objectif stratégique.
    Quelles sont les solutions de rechange? Je vais conclure.
    Je vais vous présenter trois hypothèses. La première, c'est que vous, les législateurs, devez faire un choix, parmi les instruments possibles, entre les moins coercitifs, comme la communication d'information, et les plus coercitifs, comme la propriété d'une société par le gouvernement ou le contrôle des prix, comme le recommandent le Conseil canadien du commerce au détail ou la FCEI. Ma deuxième hypothèse, c'est que vous devez opter pour des moyens coercitifs uniquement lorsque toutes les autres options ont échoué, lorsqu'il est clair que le marché ne fonctionne pas. Or, nous n'avons aucune preuve de l'échec du marché dans les systèmes de paiement par cartes.
    Les solutions stratégiques que je vous recommande comprennent la communication beaucoup plus rigoureuse de l'information concernant les taux, frais, avantages, coûts et frais d'intérêt; deuxièmement, la surveillance réglementaire renforcée pour lutter contre les pratiques trompeuses et hostiles à la concurrence; et troisièmement, l'ajout dans le système d'éducation d'un volet sur les connaissances financières de base. J'en parle parce que certains témoins se sont montrés très sceptiques face à ces programmes visant à inculquer des connaissances financières de base, mais au Canada, nous investissons des milliards de dollars dans l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire, alors il serait hypocrite pour un professeur de s'opposer à ces initiatives.
    Merci.
(0930)
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Ware.
    Pourrais-je apporter quelques précisions?
    J'avais prévu d'aborder la question des cartes de débit. J'avais cru comprendre, peut-être à tort, qu'on allait en discuter.
    Vous avez raison, notre étude porte sur les systèmes de paiement par cartes de crédit et de débit.
    Merci, je vais les inclure.
    Je suis professeur d'économie à l'Université Queen's et je m'intéresse depuis fort longtemps déjà aux cartes de paiement, du moins depuis l'époque où j'ai été associé aux audiences Interac, au milieu des années 1990, qui ont mené à la création de l'actuel système de cartes de débit au Canada.
    Je vais d'abord parler des frais d'interchange, comme l'ont fait mes trois collègues, mais je ne crois pas que vous ayez besoin de m'entendre parler plus longuement des marchés bifaces. Quant aux frais d'interchange, ils sont fixés de façon à équilibrer l'intérêt pour les commerçants d'accepter la carte, et l'intérêt pour l'émetteur d'émettre la carte et pour le titulaire de l'utiliser. Les frais d'interchange sont payés par le commerçant — à strictement parler, ils sont payés par l'acheteur — à l'émetteur de la carte et ne constituent pas un prix conventionnel.
    Il s'agit d'un point à retenir, bien que mes collègues en aient discuté un peu... Nous croyons que les frais d'interchange élevés nuisent aux commerçants, puisqu'il s'agit d'un prix, et que les prix élevés sont lourds pour ceux qui doivent les payer. Or, puisqu'il s'agit d'un prix dans un contexte de marché biface, la chose n'est pas aussi simple. Comme je l'ai dit, les frais d'interchange sont conçus de façon à équilibrer les deux réseaux qui ont en commun l'intérêt d'inciter au maximum les commerçants d'accepter la carte, et les commerçants qui ont tout intérêt à ce que le plus grand nombre de cartes possible soient disponibles — et c'est d'ailleurs dans l'intérêt des titulaires de cartes puisque, quand ils vont acheter une chemise, ils peuvent trouver un commerçant qui accepte la carte qu'ils détiennent.
    Il existe d'ailleurs en théorie des circonstances où les frais d'interchange ont un effet tout à fait neutre. Toute modification des frais est équilibrée par des modifications des frais supplémentaires et des frais de cartes de sorte que toutes les parties sont indifférentes au niveau réel des frais. La plupart des économistes universitaires qui ont examiné la question ne croient pas que cette situation théorique existe en réalité. À mon avis, le problème tient toutefois au fait que nous n'en savons pas encore assez pour déterminer quelle est l'interaction compétitive entre l'acquisition et l'émission de cartes pour déterminer quel doit être le montant des frais d'interchange en l'absence de réglementation, autrement dit, sous l'angle du bien-être économique.
    Mes deux collègues et d'autres témoins vous ont déjà longuement parlé de l'expérience australienne. Comme nous le savons, et nous avons vu des données récentes là-dessus, la réduction des frais d'interchange par voie de réglementation en Australie a amené une augmentation des frais de carte et une réduction de la valeur des primes accordées aux titulaires de cartes.
    C'est là une question subtile mais importante, comme l'a dit Jack Carr. Il s'agit de savoir si les prix et les frais divers qui existent dans ces réseaux de paiement faussent les tendances en matière de paiement. S'agissant des cartes de crédit, des cartes de débit et des achats au comptant — et mes collègues aussi en ont parlé — y a-t-il tendance, par exemple, à ce qu'une plus forte proportion des paiements soit faite au moyen de cartes de crédit par rapport à une sorte d'optimum social? C'est une question intéressante, et cela fait l'objet de discussions dans les milieux universitaires. J'estime pour ma part que nous ne connaissons pas encore la réponse. Je suis d'accord avec mes collègues qui disent que, quand nous ne connaissons pas la réponse, il ne faut pas s'empresser de réglementer. La réglementation est souhaitable quand une faiblesse du marché est clairement identifiée et que nous savons en quoi notre intervention améliorera les choses.
    Il existe un aspect important pour lequel la situation du Canada diffère quelque peu de celle d'autres pays, et il s'agit de la question de savoir si le réseau des cartes de crédit fonctionne uniquement comme une coentreprise des banques membres, ou comme une entreprise indépendante qui cherche à maximiser ses propres bénéfices. Au Canada, comme vous le savez, les réseaux de cartes de crédit se sont récemment restructurés pour privilégier la deuxième option, en partie à la suite de pressions exercées par le Bureau de la concurrence qui souhaitait ce changement afin d'approuver la dualité — ce changement qui permet aux banques d'offrir les deux réseaux de cartes, c'est-à-dire d'émettre à la fois des cartes MasterCard et Visa.
(0935)
    Selon des études universitaires, l'existence ou non d'une concurrence plus imparfaite parmi les émetteurs de cartes, ou encore l'existence d'une concurrence plus imparfaite parmi les acquéreurs de cartes est l'un des facteurs qui peut influencer le montant des frais d'interchange. Certaines études ont révélé que c'est l'état de la concurrence parmi les émetteurs qui exerce sans doute la plus importante influence en raison des coûts de transfert. Les consommateurs qui détiennent ces cartes peuvent avoir plus de mal à changer d'émetteurs, d'abord parce qu'ils ont un solde et ensuite parce que leurs numéros de carte sont déjà inscrits auprès des réseaux d'achat en ligne — si vous êtes comme moi, c'est votre cas. Les consommateurs font donc face à des coûts de transfert.
    Comme je l'ai déjà dit, j'estime que nous ne connaissons pas encore la réponse. C'est une question théorique intéressante, mais nous ne connaissons pas la réponse dont auraient besoin les décideurs.
    L'autre question, qu'ont aussi abordée mes collègues, est celle des règles interdisant les frais supplémentaires. Il existe au niveau international des différences à cet égard qui sont intéressantes. Par exemple, au Royaume-Uni, où la question a fait l'objet de nombreuses études, la règle interdisant les frais supplémentaires a été abandonnée au début des années 1990 et pourtant, il y a eu peu de recours aux frais supplémentaires. Comme mon collègue l'a signalé, l'escompte au comptant est aussi très peu pratiqué.
    Toutefois, si j'ai bien compris, depuis que l'Australie a aboli sa loi interdisant les frais supplémentaires, il y a environ cinq ans, en 2003, je crois, des frais supplémentaires sont fréquemment exigés. D'après les chiffres que j'ai vus, 23 p. 100 des transactions avec cartes de crédit auprès de ce qu'on appelle les grands détaillants s'accompagnent de frais supplémentaires. C'est un nombre assez élevé. Je vous signale ce fait pour faire comprendre qu'il existe là un phénomène intéressant, et peut-être important, et que nous le connaissons mal.
    Pour conclure sur les cartes de crédit, j'aimerais redire ce que j'ai dit plus tôt, à savoir qu'il est beaucoup trop tôt pour que nous tirions des conclusions définitives au sujet d'une quelconque intervention réglementaire sur ce marché. Je ne crois pas que nous le comprenions assez bien. Nous avons l'exemple de l'Australie, mais il est difficile de dire si c'est une réussite. Il est possible qu'il y ait une intervention sous peu au Royaume-Uni, et nous pourrons peut-être en tirer des leçons.
    J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, dire quelques mots des cartes de débit. Nous avons eu une situation plutôt inhabituelle au Canada, en ce sens qu'il existe un seul réseau de cartes de débit depuis plus de 10 ans maintenant, le réseau Interac. Il est réglementé et constitue maintenant un réseau sans but lucratif. La question est de savoir quel système est préférable: un monopole naturel réglementé, s'il s'agit d'un monopole naturel, ou un système compétitif au sein duquel les commerçants et les consommateurs choisissent le réseau de débit qu'ils souhaitent utiliser pour chaque transaction? Idéalement, le commerçant choisirait de s'abonner à un ou plusieurs réseaux de cartes de débit, et le consommateur aurait alors le choix, pour chaque transaction, de l'acheminer par le réseau A, qui pourrait être Interac, ou par le réseau B, qui pourrait être le nouveau réseau de débit Visa qui sera accessible, je crois, dans un avenir prochain.
    En raison d'économies de réseau et d'économies d'échelle, les monopoles naturels ont ceci de particulier que le fournisseur unique est l'organisation la plus rentable pour répondre à la demande du marché. Toutefois, cette conclusion est essentiellement statique et ne tient pas compte de toutes les économies dynamiques et des encouragements à l'innovation qu'apporte le système compétitif au sein duquel les réseaux sont en concurrence les uns avec les autres.
    S'agissant des cartes de débit, les décideurs s'intéressent essentiellement aux frais que doivent payer les commerçants et, dans une certaine mesure, aux frais d'interchange. À l'heure actuelle, les frais d'interchange dans le réseau de débit Interac sont de zéro. Certains craignent que, quand le réseau de débit Visa, et peut-être le réseau de débit MasterCard, deviendront accessibles, les commissions que paient les commerçants augmenteront.
(0940)
    À l'heure actuelle, un commerçant qui utilise une carte de débit Interac paie des frais d'environ 12 ¢ la transaction. Il s'agit d'un montant fixe par transaction. Quand la carte de débit Visa deviendra accessible, je crois que la tarification sera plus complexe et sera en partie fonction de la valeur. Ce sera en partie un pourcentage de la valeur de la transaction.
    En conclusion, j'aimerais dire qu'à mon avis la concurrence est une bonne chose. Nous devons partir de la situation telle qu'elle existe. À l'heure actuelle, il y a un monopole. Nous ne devrions pas lever les bras et pousser les hauts cris parce qu'il y aura de nouveaux acteurs sur le marché. C'est une bonne chose qui créera de la concurrence. Il y a fort à parier que ces nouveaux venus créeront une situation avantageuse pour les consommateurs, comme c'est toujours le cas. Certains craignent que le réseau de débit Visa en vienne à dominer le marché du débit. Cette crainte me semble tout à fait prématurée. À l'heure actuelle, c'est Interac qui est l'entreprise dominante.
    Merci.
    Merci, monsieur Ware.
    J'aimerais remercier nos quatre témoins de leurs déclarations liminaires. Nous passons maintenant à la période de questions et d'observations des membres du comité pour la prochaine heure et demie.

[Français]

    Nous utilisons les deux langues officielles. Des députés poseront des questions en français et en anglais.

[Traduction]

    Si vous avez besoin d'interprétation, utilisez les appareils prévus à cette fin. Les canaux sont indiqués sur votre table.
    Nous allons commencer par M. McCallum.
    Merci, monsieur le président. Je remercie nos quatre économistes d'être venus aujourd'hui.
    Jack Carr a d'abord dit que les professeurs parlent en blocs de 50 minutes. J'en ai déjà fait autant, mais je n'ai plus maintenant que sept minutes au maximum et cela inclut vos réponses à mes questions. Je tenterai d'être concis.
    D'abord, l'idée d'un marché biface est attrayante, mais je me demande, dans le cas des marchés du crédit, si elle n'est pas un peu simpliste étant donné que les banques émettrices ont tant de poids, et s'il ne faudrait pas parler d'un marché triface. Ma question s'adresse à M. Scholnick.
    C'est tout à fait juste. D'ailleurs, dans la littérature économique, on parle de marchés multifaces. Il ne sont pas nécessairement bifaces. C'est plus simple de parler d'un marché biface. Manifestement, dans le cas qui nous occupe, le marché serait multiface. Par souci de simplicité, je dirais que ce jeu se fait entre acheteurs et vendeurs. Je grouperais d'un côté les banques, Visa et MasterCard. Ils jouent le rôle clé. Ils sont les intermédiaires qui tentent de faciliter l'interaction entre de nombreux acheteurs, qui sont les consommateurs, et de nombreux vendeurs, qui sont les détaillants.
    Dans le cadre de votre examen, je vous conseille de parler des détaillants, qui sont les vendeurs, des consommateurs, qui sont les acheteurs, et de la plateforme. C'est pour moi le mot clé quand j'examine cette question. Comment fonctionne la plateforme? Qu'il y ait ou non des intervenants multiples sur cette plateforme m'apparaît évident dans ce cas. Il est tout à fait possible d'avoir des marchés multifaces.
    Merci.
    L'un de mes collègues a dit lors d'une réunion antérieure que nous souhaitons tous davantage de concurrence. Il n'y a que deux grandes entreprises émettrices de cartes, Visa et MasterCard, et il y a au moins six banques, peut-être plus. Serait-il sensé ou techniquement faisable que les frais d'interchange soient fixés par les banques plutôt que par les sociétés émettrices de cartes de crédit? Cela permettrait vraisemblablement d'accroître la concurrence, mais cette solution pourrait se révéler un échec. Voilà pourquoi je pose la question.
    Je vais demander à M. Ware de répondre.
    Comme je l'ai dit plus tôt, il y a une question essentielle à laquelle il faut répondre. Il s'agit d'abord de déterminer si le réseau de cartes de crédit est structuré comme une coentreprise des banques ou s'il s'agit d'une entreprise indépendante. Supposons, d'abord, qu'il s'agit d'une entreprise indépendante, ce qui est le cas au Canada à l'heure actuelle. Dans un certain sens, c'est le réseau de cartes de crédit qui défend les intérêts du réseau. Les banques, bien entendu, agissent dans leur propre intérêt. Les banques, pour ainsi dire, défendent les intérêts d'une moitié du réseau, celle des émetteurs.
    C'est le réseau qui cherche à trouver l'équilibre entre d'une part l'acceptation de la carte par les commerçants et, d'autre part, l'émission de cartes et l'utilisation des cartes par les détenteurs. Je dirais que si l'on donne aux banques le droit de fixer les frais d'interchange, on désaxe cet équilibre au profit d'un volet du réseau. Je vois mal comment on pourrait réglementer l'interaction.
(0945)
    Y a-t-il parmi les trois autres témoins quelqu'un qui conteste ce point de vue? Si non, je passerai à ma prochaine question. D'accord.
    Cette question, sur Interac, s'adresse aussi à M. Ware. J'ai l'impression que le système Interac a bien servi les Canadiens, à faible coût, pendant bon nombre d'années. Je ne m'oppose pas nécessairement à la nouvelle concurrence de MasterCard ou de Visa. Or, beaucoup de gens pensent que l'expérience internationale permet de croire que, quand ils feront leur entrée sur le marché, ils auront tendance à augmenter les frais et que les consommateurs et les commerçants finiront par payer davantage qu'aujourd'hui. L'un des problèmes tient au fait qu'Interac est structurée de telle façon que son modèle de gouvernance lui permettra difficilement de s'adapter à la nouvelle concurrence. Interac, d'une certaine façon, est David face à deux Goliaths, à mon avis. Le gouvernement ou le Parlement peut peut-être tenter d'améliorer la situation pour Interac afin qu'elle puisse mieux soutenir la concurrence de ces deux nouveaux géants sur le marché. Qu'en pensez-vous?
    Oui, je suis d'accord avec vous.
    Ah, enfin je marque un point.
    Des voix: Ah, ah!
    Comme vous l'avez dit au début de votre question, Interac a été une belle réussite. Comme vous le savez, j'en suis certain, nous arrivons au deuxième rang dans le monde pour l'utilisation de cartes de débit, tout juste après la Norvège, me semble-t-il. C'est une énorme réussite, effectivement. Cela est dû en partie à la normalisation, à la simplicité et à l'ouverture qui ont résulté de l'ordonnance par consentement rendue par le Tribunal de la concurrence en 1995 qui autorisait essentiellement l'interconnexion de tous les intéressés. Voilà le premier point.
    La deuxième question est de savoir si Interac est actuellement bien servie par sa structure de gouvernance. La réponse, c'est non. Pour qu'elle puisse soutenir la concurrence, et je suis certainement en faveur de la concurrence — nous voulons davantage de concurrence — Interac doit être agile. Elle doit pouvoir innover. Elle a besoin essentiellement de pouvoir faire des bénéfices.
    D'accord. Quelqu'un d'autre veut-il contester ou commenter?
    Je serai concis. Cela m'attriste parce que vous étiez un économiste très distingué à McGill et je respecte votre position, mais je ne la partage pas. Je ne crois pas qu'il incombe au Parlement ou aux législateurs de choisir les gagnants et les perdants. Si je vous ai bien compris, vous suggériez que l'on crée un quelconque mécanisme ou que l'on adopte une politique qui favoriserait Interac afin qu'elle puisse damer le pion à MasterCard ou à Visa. Si c'est ce que vous préconisez, j'espère que vous ne le ferez pas parce que la politique ne doit pas tenir compte uniquement de la propriété de la société, mais aussi de la valeur et des avantages qu'elle apporte aux consommateurs.
    Sur la deuxième question, je suis d'accord. La structure de gouvernance d'Interac est archaïque et inefficace et devrait être modifiée.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Carr, très brièvement.
    Brièvement, je ne vois pas en quoi la concurrence pourrait nuire. La question de savoir si l'on veut assouplir la réglementation visant Interac est tout à fait différente. Les commerçants me disent que si Interac suit le mouvement, elle va exiger des prix plus élevés et s'approprier le système. C'est faux. Il est difficile de croire qu'un concurrent pourrait venir, imposer des frais plus élevés et s'approprier le système. Ce sont les concurrents les plus efficaces, qui ont les meilleurs prix, qui peuvent s'accaparer du système. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
    Merci beaucoup, monsieur Carr.
    Nous passons à M. Laforest.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les invités.
    Je vous poserai une question assez directe dès le début. Êtes-vous en faveur d'une réglementation générale plus serrée ou accrue du système de plateformes des cartes de crédit et de débit, telle que décrite par M. Scholnick?
    Vous pouvez répondre à tour de rôle.
(0950)

[Traduction]

    La question était liée à la réglementation, et je pense que mes opinions sont semblables à celles de mes collègues. Il faut être très, très prudent en matière de réglementation. À mon avis il existe une hiérarchie, quand on considère l'adoption de règlements visant à résoudre la question, que le gouvernement dans son ensemble pourrait perdre. À mon sens, tout le monde s'accorde sur les questions telles la transparence. Tout le monde s'accorde sur les questions telles les connaissances financières de base. Il n'y a pas de désaccord.

[Français]

    Je vais soulever un autre point similaire. La semaine dernière, on a appris que dans la réglementation, il n'y a pas de définition de la monnaie électronique, au Canada et au Québec. C'est un élément majeur puisqu'on parle de tout le système d'encadrement des paiements électroniques par carte. Or, le Canada n'a pas de définition de la monnaie électronique.
    Ne trouvez-vous pas que c'est un problème important qui devrait être résolu et qui amènerait les autorités, à tout le moins, à mieux définir les termes dont on parle? Je pose la question à l'ensemble des intervenants.

[Traduction]

    J'aimerais répondre en disant oui, les législateurs ont un rôle à jouer en créant les règles du jeu qui gouvernent toutes les institutions en question, et l'analogie que je fais constamment est que vous êtes les arbitres dans une partie de hockey. Imaginons qu'il y a une partie entre les Maple Leafs de Toronto et les Sénateurs d’Ottawa: nous ne voulons pas que les arbitres se rangent du côté des Maple Leafs de Toronto. Même si cette équipe a besoin de beaucoup d'aide, parce qu'il s'agit d'une mauvaise équipe, nous ne voulons pas que cette équipe gagne par favoritisme. Nous voulons que les arbitres soient indépendants, neutres et non pas partisans, et qu'ils créent une plateforme neutre, sans privilégier un joueur au dépend d'un autre.
    Il y a beaucoup de règlements par l'entremise de l'Association canadienne des paiements, entre autres. La question dont le comité est saisi, à mon sens, et ce que souhaitent les détaillants, c'est la réglementation des frais d'interchange. La question est de savoir pourquoi. Quel est le problème? À mon avis, les frais d'interchange sont stables au Canada depuis longtemps. Une forte raison économique justifie ces frais d'interchange. Mon collègue a donné bon nombre d'exemples de cas, dans des marchés bifaces, et je pense donc qu'il y a une justification économique. Il n'y a pas de justification économique pour la réglementation des frais d'interchange.

[Français]

    Aucun d'entre vous n'a livré d'informations relatives à vos études ou à vos observations. Personne n'a parlé des effets de la fidélisation. Vous avez parlé des cartes à primes et vous avez dit que le consommateur est gagnant, que c'est un boni pour lui. Mais il y a une intention derrière cela, qu'on appelle la fidélisation du consommateur. Personne n'en a parlé de façon très concrète.
    Je pense que M. Scholnick a parlé des plateformes. Vous les comparez toutes, tant celle de Visa que celle des agents immobiliers. C'est pourtant différent; les marges de profit sont très différentes. Dans le marché immobilier, par exemple, les agents touchent des commissions pouvant parfois aller de 5 à 10 p. 100, alors que bien souvent chez les commerçants, certains ont une marge de profit très mince, ce qui fait en sorte que ces gens ont des difficultés, entre autres lorsqu'il y a une augmentation des frais d'interchange. Lorsque vous les mettez sur un même plateau, je trouve la comparaison sur ce plan un peu injuste.

[Traduction]

    C'est une excellente question. Je pense que les plateformes, à l'examen, sont très différentes. Certaines plateformes peuvent être en concurrence avec d'autres, et les centres commerciaux en sont un exemple. Quand il y a un centre commercial, et un autre dans la banlieue voisine, si le propriétaire rend les détaillants malheureux, ils vont déménager dans le centre commercial de la banlieue voisine. Ça demeure une plateforme. Pourtant, la question intéressante avec Visa et MasterCard, c'est que ces cartes sont dominantes à l'heure actuelle. Elles ont une très grande part du marché, et tout le monde est obligé de s'en servir.
     Alors vous avez entièrement raison quand vous dites que les plateformes différentes ont des degrés différents de succès, mais quand on pense aux plateformes, le fait est qu'il y en aura toujours une autre — peut-être — qui pourrait arriver et faire concurrence aux anciennes. Nous ne savons pas, mais je pense que, grâce aux changements technologiques, à Internet, aux associations telles PayPal ou à d'autres systèmes, elles vont peut-être réduire...
(0955)

[Français]

    J'ai une dernière question. Vous comparez les systèmes, mais aucun d'entre vous n'a fait une analyse de ce qui va arriver si rien n'est fait. Autant les émetteurs que les acquéreurs font beaucoup d'argent, je pense. Ce sont les commerçants qui se sont plaints du fait que les marges de profit diminuaient, que les augmentations leur posaient des difficultés.
    Le système de cartes de crédit est une poule aux oeufs d'or, vous l'avez dit vous-mêmes. Les ventes augmentent, et tout le monde semble être gagnant, mais quelqu'un a-t-il pensé à ce qui peut arriver s'il n'y a aucune réglementation? Qu'arrivera-t-il si c'est un laisser-aller complet? Quelqu'un a-t-il fait une étude intéressante, une projection qu'on pourrait obtenir? La poule aux oeufs d'or dont je parlais, quand on l'exploite trop, elle meurt.

[Traduction]

    Dans le cas des frais d'interchange, nous avons adopté certainement une approche de laissez-faire. Un certain nombre de pays ont cette même approche. Et d'après moi, le système fonctionne. Les frais d'interchange, dont se plaignent les détaillants, sont clairement devenus plus complexes depuis avril 2008. Si l'on examine la moyenne pondérée des frais d'interchange avant et après ce changement, il semble qu'il n'y ait presque pas de différence. La moyenne était de 1,58 p. 100 auparavant et elle est de 1,6 p. 100 maintenant. Comme pour toutes les moyennes, la situation de certains détaillants s'est détériorée alors que pour d'autres, elle s'est améliorée.
    J'en reviens aux programmes de fidélisation. Vous avez dit que personne n'a posé de questions sur les programmes de fidélisation, ni n'y a répondu. Les programmes de fidélisation existent dans un certain nombre d'industries, et c'est une méthode de marketing qui permet aux banques, les émetteurs, d'aller chercher des clients. Cette approche semble fonctionner. C'est pourquoi elle est utilisée. Nous, les économistes, ne sommes pas des spécialistes de l'élaboration de programmes de fidélisation ou de marketing, mais nous connaissons des firmes qui concevront de tels programmes pour attirer les consommateurs. Ils semblent fonctionner, et il semble n'y avoir rien de mal.
    Ce que certains détaillants ne comprennent pas, c'est que ces programmes attirent plus de consommateurs vers leurs magasins.

[Français]

    Ça, monsieur Carr, on l'avait entendu.

[Traduction]

    Merci, monsieur Carr.

[Français]

    Merci, monsieur Laforest.
    Monsieur Bernier, vous avez maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous dire que vos présentations ont toutes été très rafraîchissantes. Je suis d'accord avec vous que le système fonctionne. Le système capitaliste fonctionne, la liberté individuelle fonctionne et il n'y a pas de problème. Je ne sais pas pourquoi nous sommes ici pendant plusieurs jours, puisque nous nous sommes rendus compte avec vous qu'il n'y a pas de problème. La beauté de la chose, c'est qu'il y a des compagnies qui font des profits, et dans un système capitaliste, le profit est sain, c'est la création de la richesse et d'emplois.
    Nous, les politiciens, voulons souvent réglementer ou légiférer les comportements individuels, mais lorsque nous le faisons, chaque loi ou règlement donne un privilège à un groupe précis. Dans ce cas-ci, il faudrait privilégier certains groupes au détriment de certains autres. Personnellement, je préfère que les individus libres puissent choisir.
    Néanmoins, j'aurais une question de nature économique par rapport à notre système, afin qu'il continue à fonctionner comme il fonctionne actuellement, c'est-à-dire très bien. Existe-il des barrières à l'entrée, dans cette industrie? Je pense précisément aux frais ou aux plateformes que nous utilisons actuellement. Si un compétiteur veut venir dans ce marché, peut-il le faire librement ou est-ce que nous, les politiciens et législateurs, avons créé des barrières à l'entrée dans ce marché?
    M. Laforest demandait ce qu'on devrait-on faire dans le futur. Pour ma part, je pense qu'on devrait s'assurer qu'il n'existe aucune barrière à l'entrée, afin de permettre à de futurs compétiteurs de venir dans ce marché. J'aimerais entendre votre point de vue sur ce sujet.

[Traduction]

    Clayton Christensen est un professeur de la Harvard Business School qui a rédigé de nombreux textes sur l'innovation en tant que forme la plus importante d'avantage concurrentiel pour une entreprise. C'est l'approche que j'utilise en gestion stratégique, où nous traitons des questions de création de la valeur pour une entreprise et de la façon d'attirer les clients, comme le disait le professeur Carr. On peut utiliser l'innovation, entre autres, dans le cadre de programmes de fidélisation, de la détermination des prix ou des services entourant un produit. Il y a une vaste gamme de façons pour faire en sorte que son produit se distingue, de créer de la valeur, d'attirer le client, et de profiter d'un avantage concurrentiel.
    Christensen a souligné à de nombreuses reprises que lorsqu'il y a innovation — une innovation perturbatrice ou radicale — elle provient d'un acteur de l'extérieur de l'industrie qui change les règles du jeu et qui propose une nouvelle technologie avec des fonctionnalités semblables. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que si le gouvernement s'interpose ou si les législateurs créent des obstacles, imposent des barrières artificielles, on limitera le côté innovateur de notre économie. La CATA, l'Alliance canadienne des technologies avancées, souligne que nous sommes en retard sur la plupart des pays occidentaux en ce qui concerne notre capacité d'innovation. Certains professeurs croient que cela est dû à une intervention gouvernementale excessive qui restreint la capacité d'innovation de nos entreprises.
(1000)
    Nous allons passer à M. Carr et ensuite à M. Ware.
    Je pense que le système fonctionne bien, et nous voulons permettre autant de concurrence que possible. Nous devons comprendre qu'il y a des économies d'échelle, alors quelle que soit la plateforme il n'y aura pas de nombreux acteurs, mais, par exemple, dans le système de Visa et MasterCard, il y a de la concurrence entre les acquéreurs et de la concurrence entre les émetteurs. Alors il y a cette concurrence, et il faut l'encourager autant que possible.
    Il faut également souligner qu'il y a de la concurrence entre les systèmes de paiement. Il y a 40 ans, le système de paiement utilisé consistait en de l'argent comptant et des chèques. Il y avait comme un monopole naturel; il a disparu, et Visa et MasterCard ont crû de façon spectaculaire, non pas à cause de règles artificielles, mais parce qu'ils offraient une meilleure souricière. Ils offraient un meilleur produit, alors ils ont dépassé l'argent comptant et les chèques, et maintenant il y a les cartes de débit et de crédit.
    Vous parlez de ce dont devrait se méfier le Parlement, les groupes qui viennent toujours vous voir pour demander que des règlements soient mis en place. Adam Smith, en 1776 — et John McCallum apprécierait ce commentaire — a dit qu'il faut se méfier des marchands et des travailleurs qui viennent vous demander des lois en leur faveur, comme des tarifs et des règlements qui leur profiteraient. Voilà ce que l'on voit ici. Les économistes appellent cela la maximisation de la rente. Il y a un système qui fonctionne, mais les détaillants voient l'occasion de faire un gain et d'améliorer encore plus leur situation.
    Je suis désolé pour les détaillants parce que l'économie va mal actuellement, et les détaillants, comme tout le monde, en souffrent. Mais l'économie se rétablira; et ils iront mieux. Mais on ne veut pas réglementer un système pour ensuite être pris avec des règles qui mènent à des moyens de paiement inefficaces. Nous serions pris avec cette situation pour toujours, et donner des cadeaux à un groupe est un système inefficace qui coûte cher à l'économie, qui réduit le PIB par habitant du Canada, et cela ne sera sûrement pas utile. Les lois qui mènent à des systèmes inefficaces sont de mauvaises lois.
    Merci beaucoup, monsieur Carr.
    Monsieur Ware.
    Très brièvement, en ce qui concerne les cartes de débit, ce que le gouvernement doit faire, c'est de réduire les barrières à l'entrée et encourager l'entrée, comme je l'ai dit plus tôt. Si le gouvernement arrive à le faire, alors il y aura plus de concurrence et les consommateurs en profiteront.
    Pour les cartes de crédit, pour faire suite à une chose qu'a dite Jack Carr, oui, il y a 40 ans, nous utilisions les chèques et l'argent comptant et puis les cartes de crédit ont remporté un énorme succès. Bien qu'il soit peu probable qu'un nouveau réseau de cartes de crédit fasse son apparition parce que les économies de réseau sont trop importantes, je prédirais, par exemple — et on ne peut jamais vraiment prédire les innovations — que nous verrons à l'avenir beaucoup de transactions par carte de débit en ligne, parce que, par exemple, la carte Interac n'a pas été utilisée pour les transaction en ligne. Je pense que c'est une question de sécurité. Je m'attends à ce que la situation change et cela pourrait réduire l'utilisation des cartes de crédit, mais comme Jack l'a dit, cela serait de l'innovation et de l'efficacité, et c'est ce que l'on veut encourager et permettre.
    Monsieur Scholnick.
    Si vous me permettez de poursuivre au sujet de ce qu'a dit le professeur Ware sur l'innovation sur Internet, un des plus importants développements technologiques récents est l'émergence de PayPal, que votre comité connaît peut-être. PayPal a découlé de eBay, où des acheteurs individuels achètent de vendeurs individuels. Il n'y a pas de marchands. Il n'y a pas de grandes organisations. Ce sont des personnes qui vendent des choses entre elles, et il serait possible pour ces personnes d'avoir un compte de carte de crédit pour que les acheteurs puissent les payer puisqu'ils font ces ventes à titre personnel. PayPal a mis en place un système, qui commence à être de plus en plus populaire et qui pourrait devenir très important avec la croissance de eBay, qui fait une concurrence directe à Visa et MasterCard dans ce créneau de paiements par Internet sur eBay. C'est une nouvelle plateforme. Je pense que nous verrons de plus en plus ces nouvelles plateformes faire concurrence à Visa et MasterCard.
(1005)
    Merci beaucoup, monsieur Scholnick.
    Nous allons passer à M. Mulcair.

[Français]

    Merci, monsieur le président. J'espère que votre montre, qui doit être comme un tableau de Salvador Dali où le temps est plutôt élastique, s'appliquera autant à l'opposition officielle qu'à vos collègues du gouvernement.

[Traduction]

    Monsieur Mulcair, l'ordre des orateurs et la durée des interventions sont décidés par le président, en vertu des motions de régie interne de notre comité...

[Français]

    Oui, mais j'espère seulement que votre discrétion inclut de la sollicitude pour l'opposition autant que pour vos collègues conservateurs.

[Traduction]

    Alors je peux vous assurer que le temps a été divisé de façon équitable.
    Monsieur Mulcair, vous avez la parole. Allez-y.

[Français]

    Monsieur Carr, monsieur Scholnick, monsieur Lee et monsieur Ware, bonjour et bienvenue.
    On va commencer avec vous, monsieur Carr, parce que vous avez tenté, tout à l'heure, d'esquiver la question des programmes de fidélisation, que vous avez appelés, en anglais, loyalty programs. Vous avez dit être un économiste et ne pas vous arrêter à cela.
    Je vous remercie aussi d'avoir expliqué, dès le départ et d'une manière très transparente, que vos travaux avaient été commandités par Visa.
    Je ne pense pas que pouvez esquiver aussi facilement les programmes de fidélisation. Je prends pour exemple une publicité qu'on voit à la télévision en ce moment où deux dames sortent d'une épicerie avec leur panier plein de provisions, et où l'une dit à l'autre qu'elle a payé avec sa carte Visa d'une telle banque et qu'elle a ainsi touché 2 $ sur un achat de 100 $. L'autre se paie un peu sa tête et lui dit que c'est un peu absurde. La première lui demande alors combien elle a eu, et la seconde lui répond qu'elle n'a rien eu parce qu'elle a payé comptant.
    Donc, la question suivante se pose: qui a donné les 2 $ à la première dame, si ce n'est pas l'ensemble des consommateurs, y compris ceux qui paient comptant pour des produits d'épicerie dont le coût est de plus en plus élevé? Qui a payé les 2 $ à la dame qui a payé avec sa carte Visa?

[Traduction]

    Permettez-moi de répondre à votre question.
    Premièrement, vous sous-entendez que ma recherche est financée par Visa. C'est certainement le cas, et je l'avais dit. Comme les problèmes de fidélisation, les professeurs ont une image de marque. Je dis ce que je crois vrai. Si mes propos sont cohérents et si Visa veut les financer, c'est clair. Je crois en la transparence complète, et je vous l'avais dit.
    Deuxièmement, en ce qui concerne les problèmes de fidélisation, j'ai dit qu'un économiste ne saurait pas comment élaborer de tels programmes. Mais j'ai dit qu'ils existaient dans de nombreuses industries.
    Maintenant, votre question principale était, qui paie? Ce qui est intéressant, c'est que vous présumez de la réponse. Évidemment, lorsque les gens examinent les coûts associés aux cartes de crédit... C'est l'une des raisons du coût plus élevé des cartes de crédit, c'est que cela coûte cher d'attirer les clients et on les attire en leur offrant des points et des programmes de fidélisation. Mais lorsqu'on examine le système, on voit qu'il y a un autre aspect à cette équation, et c'est l'efficacité obtenue en attirant ces clients. Lorsque j'utilise ma carte et que j'obtiens un escompte de 2 p. 100 à la pompe, je peux faire cette transaction, et cela coûte beaucoup moins cher au détaillant. Je n'ai pas à attendre en ligne pour payer comptant. Le détaillant n'a pas à compter l'argent. C'est donc plus efficace.
    Voici un autre exemple, j'ai récemment acheté un billet d'Air Canada avec ma carte de crédit pour un vol qui aura lieu dans un an. Sans ma carte de crédit, je n'aurais pas fait cet achat. Pourquoi? Je n'aurais même pas payé comptant, parce que je ne sais pas si Air Canada sera toujours là dans un an. Peut-être que l'entreprise aura fait faillite. Mais avec ma carte de crédit à primes, j'ai une assurance. J'ai l'assurance que si Air Canada fait faillite, et que l'entreprise ne peut remplir ses engagements...
    Merci, monsieur Carr, mais là n'était pas ma question.
    Non, non, mais c'est la...
    Attendez, monsieur Carr.
    On a dit que c'était une légende urbaine que les gens qui paient comptant subventionnent d'une certaine façon les gens qui paient avec leurs cartes de crédit.
(1010)
    C'est exact.
    Dans la publicité où l'on voit deux femmes sortir avec leur chariot d'achat, l'une dit qu'elle vient de recevoir 2 $ pour son achat de 100 $ effectué avec sa carte. Voici la question que je vous pose, qui lui donne ces 2 $?
    Vous présumez, en fait, qu'il est aussi efficace d'utiliser l'argent comptant. Oui, on paie 2 $ pour cette transaction de 100 $...
    Vous ne répondez toujours pas à la question.
    J'essaie de répondre à votre question.
    Vous n'y répondez pas, alors...
    Bien, si vous m'interrompez...
    ... nous allons passer à autre chose.
    Vous n'êtes pas une victime, monsieur Carr, mais nous allons passer à autre chose.
    Monsieur Lee, j'ai une question pour vous, et elle a trait à l'économie mais aussi aux politiques publiques.
    Je travaille pour une entreprise et j'achète une pièce d'équipement de 40 000 $. L'entreprise m'appartient. La personne qui me vend cette pièce me dit qu'il y a une prime ce mois-ci, et qu'ils offrent un rabais de 2 p. 100 en argent comptant. Je prends les 800 $. En ne les déclarant pas, j'enfreins la Loi de l'impôt sur le revenu, si j'essaie de déduire le montant total des 40 000 $.
    Ou si je suis employé dans l'entreprise d'une autre personne et un client me dit qu'il a une offre spéciale et qu'il peut livrer une télévision à écran plat d'une valeur de 800 $ à mon chalet si j'achète cette pièce d'équipement. Si je le fais, je viens de commettre une fraude aux dépens de mon employeur.
    Nous venons de montrer combien il était plaisant d'obtenir des primes, d'obtenir 2 p. 100, et pourquoi pas 4 p. 100? Que faire, dans le cadre des politiques publiques, lorsqu'il y a beaucoup de gens... J'ai un ami qui est un professionnel de la santé. L'an passé, il a fait des voyages d'une valeur de 25 000 $ grâce à ces points. Les hôtels, tout — parce que tout ce qu'il achète pour sa clinique médicale, tout l'équipement, il l'achète avec sa carte de crédit. L'an dernier, cela a représenté environ 25 000 $, pour des achats d'environ 2 millions de dollars.
    Comment tenir compte de ces montants, et sont-ils imposés? Ou est-ce tout simplement un stratagème de ristourne clandestine que la société a décidé d'accepter?
    En fait, j'adopte le point de vue inverse. C'est une réduction, un rabais sur l'achat. Ceux qui sont prêts à payer plus cher le savent bien: lorsqu'ils entrent chez le concessionnaire, ils peuvent négocier un meilleur prix que certains autres clients. C'est donc une diminution du prix.
    Mais celui qui déclare des dépenses de 40 000 $ alors qu'il a reçu 800 $ en points non déclarés pour se payer un voyage ne commet-il pas, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, une infraction aussi grave que celui qui empoche 800 $ en espèces? Ce que fait le premier est-il moralement, éthiquement ou juridiquement différent de ce que fait le second? À mon avis, ce n'est pas différent.
    Je ne parle pas de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je ne suis pas comptable fiscaliste ni avocat fiscaliste. Je m'intéresse à la décision stratégique des sociétés.
    Mais cela ne fait-il pas partie de ce que nous devons considérer ici? M. Carr veut esquiver la question en disant que ces programmes de fidélisation n'ont rien à voir avec lui, qui est économiste.
    Je ne veux pas esquiver la question. Je veux l'aborder de front. Mais je ne veux pas parler du volet fiscal. Si vous voulez...
    Quelle différence y a-t-il entre un rabais en espèces de 800 $ qui n'est pas déclaré aux services fiscaux et un montant de 800 $ sous forme de voyage ou d'autres choses, et qui n'est pas déclaré? Y a-t-il une différence fondamentale entre les deux?
    Tout d'abord, quand on achète quelque chose, on l'achète à partir du revenu fiscalisé. Si j'achète un billet d'avion et que le Parlement veut ensuite m'imposer sur ce que j'économise, je suis imposé deux fois, puisque j'ai acheté le billet avec mon revenu net.
    Je ne pense pas que cela fonctionne ainsi, monsieur Lee. Dans le même exemple, j'obtiens un rabais en espèces de 800 $ pour l'achat d'un bien d'équipement de 40 000 $. Nous reconnaissons tous que si l'acheteur déclare les 40 000 $ comme dépenses d'entreprise, il comment une infraction aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu.
    Si je fais le même achat de 40 000 $ avec une carte de crédit et que j'obtiens l'équivalent de 800 $ sous forme de... Il y a même une banque qui permet d'acheter des REER avec les 2 p. 100 de réduction offerts sur sa carte de crédit, et le client obtient encore une diminution d'impôt supplémentaire. Tout cet argent est perdu pour l'économie.
    Comment peut-on discuter de toute cette question sans prendre en considération l'effet de ces rabais sur le bilan du gouvernement et sur les pertes de recettes fiscales?
    Merci, monsieur Mulcair. C'est terminé pour cette série.
    Peut-être pouvez-vous répondre très brièvement.
    Oui, je vais répondre très brièvement.
    Il y a des programmes de fidélisation dans toute l'économie. À l'Université Carleton, les comptoirs à café proposent des cartes que l'on fait tamponner chaque fois qu'on achète un café, et le dixième café est gratuit. C'est la même formule que le rabais obtenu grâce à la carte de crédit. C'est ce qu'on appelle un rabais sur volume. Si je fréquente une entreprise plutôt qu'une autre, celle que je fréquente va m'inciter à lui réserver mes achats, ce qui équivaut à une création de valeur; c'est ce qui permet au gestionnaire d'assurer la croissance de son entreprise.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Rota, c'est vous qui avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Certains commentaires ont été faits, et il y en a un en particulier qui me préoccupe. On m'a dit que le système que nous avons présentement fonctionne toujours et qu'il n'y a pas eu encore de problème.
    À titre de parlementaires, nous devons songer au bien de l'ensemble de la société, et je veux que vous compreniez que si le système fonctionne maintenant, cela ne veut pas dire qu'il fonctionnera plus tard. Si nous croyons que des problèmes se dessinent à l'horizon, nous voulons examiner la situation pour les éviter, pour le bien de tous.
    Dans le système actuel, il y a les fournisseurs, c'est-à-dire les émetteurs de cartes, et il y a les banques et les consommateurs, qui sont en gros les clients des émetteurs. Dans un système concurrentiel où il y a deux cartes principales, les émetteurs rivalisent pour que les banques et les consommateurs utilisent leurs cartes.
    Ce qui me préoccupe, c'est que dans ce combat, les émetteurs offrent plus d'avantages. Ils le font pour se distinguer de l'autre. Et comment le font-ils? Je pense que M. Mulcair a demandé « Qui paie? » C'est le détaillant.
    Je sais que vous allez dire que le détaillant vend ses comptes recevables et que c'est le coût qu'ils doivent payer. Normalement, lorsqu'il y a un coût, vous pouvez le négocier et il est déterminé à l'avance.
    Vous avez parlé plus tôt d'Adam Smith. Je crois que dans le système économique décrit par Adam Smith, les choses étaient beaucoup plus simples. Il fallait qu'il y ait le même produit. Ça fait quelques années que je n'ai pas étudié Adam Smith, mais en gros, l'économie d'après lui, devait mettre les différents acteurs sur un pied d'égalité: il y avait des produits semblables et l'entrée sur le marché était relativement libre de barrières.
    Dans le système que nous avons avec les banques, où il y a deux acteurs principaux, les détaillants ne sont que des pions, et ce sont eux qui en font les frais, puisqu'ils doivent avoir ce service. Ne trouvez-vous pas qu'il y a quelque chose qui cloche avec ce système?
(1015)
    Je vais répondre. Vous avez soulevé un certain nombre de points, et j'espère pouvoir y répondre à tous.
    Je reviendrai à ce qu'Adam Smith a dit à propos des gens qui font pression sur le gouvernement. Cela a lieu partout dans le monde; cela se passait en 1776 et cela a toujours lieu aujourd'hui. Les gens défendent leurs propres intérêts — c'était l'argument d'Adam Smith — et si le gouvernement établit des règles et des règlements, les gens essaieront d'utiliser ces règles dans leur propre intérêt. La situation n'a pas changé. La nature de l'économie est beaucoup plus complexe, mais cet aspect fondamental demeure.
    À propos des systèmes, il est important de souligner ce qui s'est produit il y a 40 ou 50 ans, pour comprendre comment les systèmes fonctionnent et qui paie les coûts. Auparavant, on n'utilisait que l'argent comptant et les chèques. Ensuite sont apparues les cartes de crédit. Les cartes de crédit n'ont pu survivre qu'en innovant, en étant plus efficaces. J'ai donné l'exemple d'un achat au Tim Hortons, on glisse sa carte de crédit dans le lecteur, c'est très rapide; si l'on est à la station service, c'est plus rapide, c'est plus efficace. Il y a moins d'employés nécessaires pour prendre l'argent comptant, si je paie moi-même. Je peux faire des transactions en ligne.
    Lorsqu'il y a une innovation efficace, le nouveau système peut offrir un produit présentant plus d'avantages et à un coût moindre. Vous demandez qui paie pour ces avantages. Personne. Ils découlent du fait d'avoir offert une meilleure souricière. Si vous construisez une meilleure souricière, vous pouvez la vendre pour moins cher et offrir un meilleur produit. Lorsqu'on vend moins cher... Comme le professeur Lee l'a dit, lorsque l'on offre des programmes de fidélisation ou tous ces autres avantages, le consommateur paie moins cher, parce que c'est un produit supérieur — pas pour toutes les transactions, mais pour la plupart.
    Voilà comment les cartes de crédit ont pu survivre. Elles offrent un meilleur produit à un coût moindre. Les détaillants ne voient que les avantages donnés aux clients; ils ne voient pas que ces transactions sont faites de façon plus efficace et que l'on a attiré ces clients. Voilà le gain.
    Monsieur Lee, vouliez-vous ajouter...
    Puis-je passer à M. Lee? J'ai une question pour M. Lee, et elle mènera probablement à ce sujet, si vous me le permettez.
    Puis-je répondre à la question?
    Le président: Allez-y, très brièvement, pour que M. Rota puisse passer à autre chose.
    M. Ian Lee: Vous avez dit une chose qui a attiré mon attention. Vous avez dit que les détaillants sont des pions, sous-entendant qu'ils n'ont pas le choix. Je vais mettre votre théorie à l'épreuve. Est-ce qu'un détaillant est obligé d'accepter les cartes de crédit ou de débit? Non, il peut accepter l'argent comptant ou les chèques, mais il décide de ne pas le faire parce qu'il sait que l'argent comptant et les chèques coûtent beaucoup plus cher que les cartes de débit ou de crédit. Voilà pourquoi il les accepte.
    Voilà qui mène à ma question. Vous avez dit, encore une fois, que l'argent comptant et les chèques coûtaient plus cher, et que les cartes de débit et de crédit coûtaient moins cher. J'ai un document de travail de la Banque du Canada qui démontre que pour une transaction de 36,50 $, ce qui est environ la moyenne, le coût pour cette transaction en argent comptant est de 25 ¢, de 19 ¢ par carte de débit et de 82 ¢ par carte de crédit . Le coût de la transaction par carte de crédit est plus que trois fois plus cher que celui de la transaction en argent comptant.
    Vous dites, en gros, que les cartes de crédit coûtent beaucoup moins cher. J'ai peur qu'avec les cartes de débit, si elles opèrent sur la base d'un pourcentage, que ce pourcentage devienne important même si on ne fait que transférer de l'argent d'un endroit à l'autre. En fait, c'est plus que trois fois plus.
    Certaines personnes disent qu'avec une meilleure carte, une carte incitative, les gens dépensent plus d'argent. C'est un argument valide. Mais je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que l'utilisation de cartes de paiement peut mener à plus d'achats impulsifs, surtout pour les plus gros achats.
    Cependant, cette situation ne s'applique pas à certains secteurs, tels que les épiciers ou les stations service, qui ne se contentent que de très petites marges de profit. Ce que nous avons fait, c'est de prendre un niveau déterminé de consommation, et je ne crois pas que cela soit juste pour les consommateurs qui doivent payer un taux plus élevé de frais d'interchange pour obtenir tous ces avantages. Les marges sont très minces. Ils ne peuvent choisir entre le modèle de base ou la Cadillac, faute d'une meilleure expression.
(1020)
    Merci beaucoup, monsieur Rota.
    Soyez bref, monsieur Lee, avant que nous passions à M. Dechert.
    J'ai deux courtes réponses à vous donner.
    J'ai parcouru plusieurs études, y compris celle de la Banque du Canada en compagnie de quelques comptables agréés de l'école. Je pense que toutes les études faites sur le coût des paiements ont radicalement sous-estimé le coût du paiement en espèces parce qu'elles ne tiennent pas compte de la nécessité de les garder en lieu sûr: les coffres-forts, deux personnes qui doivent compter l'argent, etc. Même si je ne peux pas vous donner de chiffres, je pense que le coût du paiement en espèces est sans doute le double, le triple ou le quintuple parce qu'il n'y a pas eu d'analyse avantages-coûts au moyen des techniques employées par le DPB à l'aide de la méthode du coût complet. C'est ma réponse.
    Merci, monsieur Lee.
    Merci, monsieur Rota.
    Monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    En guise de précision, je pense que si M. Mulcair lisait la Loi de l'impôt sur le revenu, il apprendrait que l'utilisation d'un point de récompense de carte de crédit de quelque type que ce soit sur les récompenses gagnées grâce à une transaction d'entreprise est un avantage imposable à déclarer. Cela figure dans la Loi de l'impôt sur le revenu depuis bien des années, je crois.
    Messieurs, merci beaucoup de vos exposés. Est-ce que l'un d'entre vous a étudié les taux d'intérêt exigés par les compagnies de cartes de crédit et le lien entre les taux relativement élevés de 19 et 20 p. 100 souvent exigés par ces cartes de crédit et le taux préférentiel? D'après vous, quel est le taux d'intérêt effectif moyen que touchent les banques et les compagnies de carte de crédit sur ces taux?
    J'ai examiné cela. De fait, DBRS a publié une excellente étude il y a à peine trois mois. Il ne faut pas oublier que 70 p. 100 de tous les détenteurs de cartes de crédit acquittent leur solde en entier dans les 30 jours sans intérêt, si bien qu'ils ne paient pas les 19 p. 100. Leur rendement brut effectif es de 13 p. 100; il faut ensuite déduire les coûts des fonds et le taux de radiation. Évidemment, cela varie dans le temps, le coût des fonds et le coût des radiations; actuellement, le coût des fonds est bas et le coût des radiations monte en flèche, mais le taux net tourne autour de 5 p. 100 quand on enlève le coût des fonds, le coût des radiations et le coût d'exploitation.
    C'est ce que les gens oublient. Ils voient cet énorme chiffre de 19 p. 100 et se disent: « Grand Dieu! », mais ils ne touchent pas 19 p. 100. Ils ne reçoivent que 13 p. 100 et doivent payer pour les radiations, le coût des fonds et les coûts d'exploitation de l'entreprise. Cela ramène le taux autour de 5 p. 100 et personne, je crois, ne dira qu'un rendement de 5 p. 100 est scandaleux.
    Je vois.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Carr, aviez-vous quelque chose à ajouter à cela?
    Je n'ai aucune étude, mais je suis un économiste monétaire. Récemment, le taux préférentiel a baissé à cause du déclin de l'activité économique mais pour le secteur des cartes de crédit, le risque a lui aussi augmenté. On ne peut pas s'attendre à une corrélation univoque entre la baisse du taux préférentiel et la baisse du taux d'intérêt exigé par les cartes de crédit. C'est plus coûteux actuellement vu le risque élevé pour ces cartes. Il faut en tenir compte.
    Quand le risque reste stationnaire, on peut s'attendre à une corrélation plus rapprochée, mais lorsque les deux vont en sens inverse, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils évoluent ensemble.
    Merci.
    Messieurs, beaucoup d'associations de détaillants nous ont dit que les contrats qu'ils passent avec les compagnies de cartes de crédit les empêchent souvent d'annoncer la remise sur les achats payés comptant. Certaines compagnies de cartes de crédit le nient, mais il semble y avoir deux versions ici.
    Avez-vous étudié ce qui arriverait si les détaillants annonçaient la remise sur les achats payés comptant pour toutes les transactions? Quel pourcentage de consommateurs accepterait une telle offre de remise sur les achats payés comptant?
    Je n'ai pas étudié la question et je ne suis pas au courant de ce litige. Tout ce que je sais, c'est que les compagnies de cartes de crédit nous disent qu'on peut le faire. Nous savons que cela se fait en Australie. Il n'y a pas de changement. Nous savons que cela peut se faire ici...
    Mais la question était est-ce que vous pouvez l'annoncer dans votre publicité?
    Au Canada, j'ai obtenu des rabais pour avoir payé en espèces et je l'ai vu annoncé, et ça ne semble donc pas créer de problème. Toutefois, c'est encore rare, et il faut se demander pourquoi ça l'est. En Europe, c'est rare. L'argument doit être que c'est rare parce que les espèces coûtent cher et vous ne voulez donc pas que les gens... À certains endroits, cela se fait, et aussi pour certaines transactions.
    M. Mulcair craint l'évitement fiscal. Payer en espèces est une façon évidente d'éviter l'impôt sur le revenu. Si vous voulez payer quelque chose et éviter l'impôt, vous payez en espèces. Cela devient un problème et il se peut que les détaillants vous incitent à payer en espèces pour cette raison justement.
(1025)
    J'imagine que si les consommateurs savaient qu'ils peuvent payer en espèces un plus grand nombre d'entre eux s'en prévaudraient.
    Je veux poser une question à M. Scholnick. J'ai trouvé intéressante votre analogie d'un centre commercial comme fournisseur de plateforme. Je sais que les propriétaires de centres commerciaux demandent souvent un loyer de base plus un pourcentage des ventes effectuées par les commerçants. Comment ces frais se comparent-ils au coût réel des installations offertes par le centre commercial, par exemple?
    Je ne suis pas spécialiste des centres commerciaux, mais l'argument économique en faveur de l'idée d'un centre commercial comme plateforme, ce sont les objectifs des exploitants des centres commerciaux. Leur but est d'attirer quantité de commerçants et de consommateurs et d'offrir cette plateforme. Le deuxième volet de leur modèle d'entreprise est ensuite de soutirer de l'argent. Ce sont des entreprises. Elles veulent gagner le plus d'argent possible. C'est leur vocation.
    Ce qui est intéressant, c'est de qui ils soutirent cet argent. Ce que vous ne voyez pas, c'est que quand les consommateurs entrent dans le centre commercial, ce sont eux qui doivent payer pour y aller. Le consommateur entre gratuitement, mais les commerçants et les commerces du centre paient essentiellement pour toutes les installations offertes par le centre.
    Merci, monsieur Scholnick. Merci, monsieur Dechert.
    Une courte intervention de la part de M. Carr.
    Prélever un pourcentage des ventes est une observation très futée. C'est l'équivalent de ce que l'on appelle en économie le métayage, une autre méthode de prélèvement d'un pourcentage. Ce prélèvement se fait pour fournir l'encouragement qu'il faut au propriétaire du centre commercial pour qu'il trouve le bon dosage de magasins. Comme détaillant, vous ne voulez pas un autre restaurant juste à côté du vôtre. Vous ne voulez pas de magasin rival.
    En donnant au propriétaire une partie du loyer, une partie de la récolte, il maximise le total des recettes du centre. L'autoriser à prélever ce pourcentage lui donne l'encouragement qu'il faut. C'est presque comme les frais d'interchange; cela offre les encouragements qu'il faut aux diverses parties.
    Merci, monsieur Carr.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mon ami M. Robert Bouchard.
    Plus tôt, mon collègue a demandé si de véritables interventions avaient été faites au fil des années. Il vous a aussi demandé si vous aviez une étude pour soutenir les propos que vous tenez maintenant selon lesquels tout va bien, la vie est belle et on continue. Or, vous n'avez pas une telle étude et vous n'avez pas répondu à sa question. On peut donc comprendre, puisque vous n'avez pas d'étude, que c'est votre appréciation personnelle que vous nous donnez aujourd'hui.
    Monsieur Lee, vous avez dit que les commerçants n'avaient pas assez de concurrence pour mériter le 2 p. 100. Que pensez-vous que font Visa et Mastercard? Ces deux compagnies sont toutes les deux sur la patinoire et elles chargent des frais d'interchange de 2 p. 100. Elles n'ont pas besoin de concurrence et elles chargeront le taux d'interchange qu'elles voudront bien charger au moment où elles le voudront, et il n'y a pas d'intervention de l'État.
    Si quelqu'un veut ouvrir un restaurant demain et toucher un profit de 3,8 p. 100 sur les repas, il ne lui en restera que 1,8 p. 100 lorsque le client paiera avec sa carte de crédit. Puisque vous êtes banquier, dites-moi, dans ce cas, s'il est avantageux pour une banque de prêter de l'argent à une personne qui veut ouvrir un restaurant? Vous me direz que le restaurateur n'a qu'à ne pas accepter la carte de crédit, mais s'il ne l'accepte pas, le client ira manger ailleurs.
    On est pris dans un engrenage que les banques et les caisses ont créé en disant qu'elles allaient déposer systématiquement les payes des gens dans leur compte de banque et que ces derniers pourront retirer de l'argent quand ils le voudront. Si on veut faire un voyage, il faudra avoir une carte de crédit pour le réserver. Si on veut aller à tel endroit, il faudra aussi avoir une carte de crédit pour réserver sa place. C'est donc un monopole des cartes de crédit, un tourbillon dans lequel on est pris et qui a été créé par les banques et les caisses.
    Donc, lorsque vous dites, monsieur Lee, qu'il faudra être plus concurrentiel, permettez-moi d'être un peu sceptique. Je ne pense pas qu'on va s'en sortir.
    Pouvez-vous nous expliquer comment on va faire pour s'en sortir?

[Traduction]

    Je vais répondre à la question à laquelle vous avez dit que je n'ai pas répondu — que va-t-il se passer? — puis je vais répondre à la vôtre.
    Que se passerait-il si rien n'est fait en matière de réglementation des prix? La tendance est très claire. À partir des données empiriques, le pourcentage des transactions acceptées en espèces ou par chèque va continuer à baisser. Un jour, dans un avenir assez rapproché, je pense que les chèques et les espèces vont disparaître. C'est ce que je pense, d'après les données empiriques. C'est la première chose.
    Deuxièmement, pour ce qui est de Visa et de MasterCard, j'imagine que nous ne réglementerons pas les prix dans ce secteur de l'économie. L'expression que j'emploie avec mes propres étudiants au sujet du contrôle des prix et des salaires, c'est qu'on ne peut pas réglementer, imposer des contrôles de prix sur un secteur donné, parce que tous les secteurs sont interdépendants ou, pour parler en termes plus familiers, une femme ne peut pas être à moitié enceinte. C'est tout ou rien. On ne peut pas réglementer un seul secteur de l'économie parce que chacun d'eux achète des intrants des autres secteurs. Les compagnies de cartes de crédit embauchent des gens. Elles achètent de la technologie. Elles achètent des câbles de diffusion, des câbles Internet. Parce qu'elles ont des connexions avec tout le monde, si vous réglementez les prix d'un secteur donné, il faudra les réglementer tous.
    Pour ce qui est de la troisième chose, le commerçant n'est pas obligé d'accepter la carte de crédit ou de débit. S'il est fermement convaincu que ce n'est pas juste, il peut exiger que chaque client paie en espèces. Quand j'ai acheté mon lave-vaisselle, il aurait pu me dire « Il faut que vous payiez en espèces ». Et moi, j'aurais pu répondre « Je ne vais pas acheter chez vous ».
(1030)

[Français]

    Pardonnez-moi, monsieur Lee, mais on ne peut pas dire à un client de s'en aller parce qu'on n'accepte pas sa carte de crédit. Il ira manger ailleurs. Ça n'a aucun bon sens de penser de cette manière, monsieur Lee. Ce n'est pas de cette façon qu'on fait des affaires, et je pense que vous êtes assez brillant pour le savoir.

[Traduction]

    Je suis d'accord.

[Français]

    Quelqu'un vous a-t-il demandé quelque chose, monsieur Bernier? Occupez-vous de vos affaires; je vais m'occuper des miennes.
    Monsieur Vincent, vous avez la parole.

[Traduction]

    Monsieur Vincent, je veux répondre à votre question.
    Je pense que vous comprenez ce que je suis en train de dire. Il est dans l'intérêt des commerçants d'accepter les cartes de crédit et de débit parce que cela favorise et augmente leurs ventes. S'ils ne les acceptaient pas, leurs ventes baisseraient et ils feraient sans doute faillite et ce n'est pas ce qu'ils veulent.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous, mais on ne peut pas dire qu'il faudra stabiliser le taux d'interchange à 45 ¢ où à 50 ¢, par exemple, chaque fois qu'on se sert d'une carte de crédit, au lieu de payer 2 p. 100, parce que les émetteurs de cartes de crédit Visa et Mastercard ont établi leur taux à 2 p. 100 pour le moment, mais rien ne nous dit qu'il ne sera pas à 3, 4 ou 5 p. 100 demain. Il n'y a pas de concurrence dans ce domaine, il n'y a que deux joueurs. C'est sûr que si c'est pour faire des profits, les deux seront solidaires et il n'y aura pas de concurrence entre elles.
    Comment voulez-vous qu'il y ait de la concurrence entre les détaillants alors que les émetteurs émetteurs de cartes de crédit peuvent faire ce qu'ils veulent, qu'il n'y a pas de réglementation et qu'on accepte que les règles du marché restent inchangées? Cela ne peut pas tenir la route. Il faudra réglementer et dès aujourd'hui parce que les cartes de crédit vont faire en sorte que des commerçants vont devoir fermer leurs portes à cause des coûts.
    Merci, monsieur Vincent.

[Traduction]

    Nous entendrons brièvement M. Lee puis M. Carr, puis nous passerons à M. Menzies.
    Vous avez dit qu'il n'y a pas de concurrence ni de solution de rechange. Eh bien, un dénommé Bill Gates a dit, pas plus tard qu'il y a six mois, qu'il pourrait se lancer dans le secteur de la carte de débit parce qu'il pourrait le faire à un coût moindre que quiconque d'autre.
    S'ils fixent leurs frais trop haut, n'importe laquelle des compagnies, cela va encourager fortement un nouveau venu à se lancer dans ce secteur et à les évincer à l'aide d'un produit moins cher qui vaut mieux. Cela arrive tout le temps. Shumpeter a appelé cela la destruction créatrice. Si vous imposez des contrôles de prix, vous mettez fin à la destruction créatrice. Vous mettez fin à l'innovation. On ressemblera alors à un pays comme Cuba ou à un autre de ce genre.
    Merci, monsieur Lee.
    Nous allons maintenant entendre brièvement M. Carr.
    Monsieur Carr, vous avez la parole.
    Monsieur Vincent, vous avez dit qu'il n'y a pas d'étude d'un système non réglementé. Eh bien, actuellement, nous n'avons pas de réglementation. Nous avons une expérience de 30 ou 40 ans. Au cours de cette période, les frais d'interchange n'ont pas changé du tout. La nature a changé, mais les frais moyens d'interchange sont les mêmes.
    Vous parlez d'interchange. Comment savons-nous qu'ils ne monteront pas? Ils sont restés les mêmes parce qu'ils sont fixés de manière à équilibrer le système. Visa ne gagne pas plus d'argent en imposant des frais d'interchange plus élevés. C'est fait de manière à tenir compte du fait qu'il veut offrir les bons encouragements aux émetteurs de cartes. S'ils passaient à 10 p. 100, ils ne gagneraient pas un cent de plus.
    Merci, monsieur Carr.
    Allez-y, monsieur Menzies.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de ce débat animé. Je trouve très excitant d'entendre que les lois du marché fonctionnent toujours. Je ne suis pas le seul à le croire. Il y a d'autres gens au pays qui sont convaincus que le marché est efficace.
    À une séance précédente, j'ai laissé entendre à l'Association canadienne des banquiers et à certaines banques que nous ne voulions pas réglementer ceci, et les médias ont déformé mes propos pour faire croire que j'avais réprimandé les banques. Eh bien, sachez que je m'adressais à la cantonade, à tous ceux qui sont dans ce secteur. Ils ne devraient pas avoir honte de gagner de l'argent grâce à ce système parce que ce sont les clients qui l'exigent. Ils exigent ce système et je suis heureux d'entendre que des choix existent.
    Quand on nous parle des 6 p. 100 de dettes qui sont radiées... Nous sommes fiers de nos banques. Nos banques sont en bon état, mais aujourd'hui elles assument plus de risque et elles n'ont aucune garantie pour ce risque. Nous voulons nous assurer que nous n'imposons pas un taux d'intérêt maximum de 5 p. 100 sur ces cartes et que nous ne réglementons pas abusivement. Certains d'entre vous ont laissé entendre que nous sommes déjà allés trop loin, mais d'autres parmi vous ont dit que ce que nous faisons en matière d'information financière est important et que nous devons nous assurer que les consommateurs sont traités équitablement.
    Sommes-nous allés trop loin? Est-ce que les lois du marché sont efficaces?
    J'aimerais entendre des réactions de ceux que la chose intéressent.
(1035)
    Allez-y, monsieur Scholnick, puis M. Carr.
    Pour ce qui est de la réglementation, j'ai lu le compte rendu des audiences du Sénat il y a quelques mois sur la question, et la chose la plus intéressante pour moi a été les échanges des sénateurs avec des représentants du Bureau de la concurrence. Il s'avère que le Bureau de la concurrence, les autorités en matière de concurrence au Canada, sont en train d'examiner le système, en particulier en vertu de la Loi sur la concurrence et la disposition relative à l'abus de position dominante. Cela me semble tout à fait approprié et j'étais intrigué d'entendre cela.
    Autrement dit, s'il y a un problème dans le système, l'autorité toute désignée pour l'examiner, c'est le Bureau de la concurrence, qu'il s'agisse d'abus de position dominante ou d'acte illégal commis par Visa ou MasterCard. Parce qu'en abusant de leur position dominante, ces compagnies pourraient commettre une infraction criminelle et être traduites en justice. Il y a eu des cas semblables de poursuites judiciaires motivées par la concurrence en Europe et aux États-Unis.
    Je pense donc que c'est sur le terrain du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence que devrait se déterminer le rôle du gouvernement.
    Et je pense que les représentants du Bureau de la concurrence ont dit aux sénateurs que ces choses prennent du temps. Il faut beaucoup de données. Ils doivent examiner les questions avec beaucoup de soin. Mais la bonne nouvelle, je crois, c'est qu'ils examinent la chose. Je pense que c'est là que cela doit se jouer, au lieu de faire intervenir le Parlement ou même la Banque du Canada sous forme de réglementation.
    Merci, monsieur Scholnick.
    Monsieur Carr, puis nous reviendrons à M. Menzies.
    Étant donné que la divulgation intégrale est controversée, je dois révéler que j'ai fait mon doctorat sous la direction de Milton Friedman à l'Université de Chicago et que je suis un fervent partisan des lois du marché.
    Le marché est efficace et si vous regardez le système bancaire canadien, il fait l'envie des systèmes bancaires du monde entier. Il est examiné par les Américains, les Européens — qui se demandent s'ils ne devraient pas s'aligner sur le système canadien. Nous avons un petit nombre de banques dotées d'un grand nombre de succursales, par opposition aux États-Unis, qui ont un nombre immense de banques sans succursales. Leur système n'a pas marché.
    Pendant la Crise de 1929, 5 000 banques américaines ont fait faillite; pas une seule banque canadienne n'a fait faillite. Nous avons un système qui marche. Notre système des paiements marche, notre système bancaire marche, et il est réglementé. Il ne faut ajouter de réglementation sur des choses comme les frais d'interchange, qui rendra le système inefficace. Nous avons un système efficace. S'il n'y a rien de cassé, il n'y a rien à réparer.
    Merci, monsieur Carr.
    Monsieur Menzies.
    Ma prochaine question porte sur ce qu'a dit M. Scholnick à propos des téléphones cellulaires. J'admets que notre système n'est pas cassé, mais peut-on l'améliorer? J'imagine que vous parlez du modèle africain, où l'on se sert de cartes de téléphone. Peut-être pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne ce système de débit et de crédit.
    Merci.
    C'est une excellente question, et je pense qu'elle rejoint le principal message que je veux communiquer au comité, à savoir que le changement se fera non pas par la réglementation, mais par l'innovation, grâce à de nouveaux développements et grâce à la technologie.
    L'exemple que vous donnez est celui des téléphones cellulaires et du modèle africain. Dans des pays comme le Kenya et l'Afrique du Sud, la population est très pauvre et les gens n'ont pas de comptes en banque, mais tout le monde dans ces pays a un téléphone cellulaire ou au moins y a accès. Il y en a un par village, par famille ou quelque chose de ce genre.
    Dans ces pays très pauvres, donc, on trouve un système de paiement plus avancé que ce que nous avons en Amérique du Nord. Car lorsque vous achetez quelque chose de quelqu'un, vous allez à un magasin, vous prenez votre téléphone cellulaire et vous le placez à côté du téléphone cellulaire du propriétaire du magasin. Il y a un programme — ou pour employer le jargon économique, il y a une plateforme — sur les deux téléphones cellulaires. Vous appuyez sur quelques boutons et l'argent passe du compte d'une personne qui l'a précédemment intégré à son téléphone cellulaire et cette personne n'a ainsi pas besoin de porter sur elle des espèces. Vous chargez de l'argent dans votre téléphone cellulaire et il est versé au compte du commerçant, de sorte que votre compte baisse et celui du commerçant grimpe. Ça se fait au Kenya et en Chine. Ils font le même genre de choses.
    Personne n'a donc de plastique; personne n'a de compte bancaire. Vient d'apparaître un tout nouveau concurrent, très novateur, à partir du téléphone cellulaire, face aux cartes de crédit.
    Cela va-t-il se produire en Amérique du Nord? Tout à fait. La seule question qui se pose, c'est quand?
(1040)
    Merci, monsieur Scholnick.
    Merci de vos questions, monsieur Menzies.
    Monsieur Mulcair.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je répondrai très rapidement à mon collègue et ami M. Dechert que l'exemple que je donnais était celui d'un professionnel. Dans la plupart des provinces, y compris au Québec, les professionnels, pour la plupart, ne peuvent pas se constituer en corporation. Donc, l'exemple était celui d'une personne utilisant une carte personnelle. La même chose s'applique, par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'une personne qui achète un REER avec des points. Encore une fois, c'est un avantage fiscal qui est consenti et une perte nette pour l'économie en général.
    Je veux donner une chance à M. Scholnick et à M. Ware de prendre la parole, puisque je n'ai pas pu leur poser ma question tout à l'heure.

[Traduction]

    Nous avons parlé dans la langue de Shakespeare plus tôt.
    Je veux que vous me disiez d'où viennent les 2 $ à donner à ma femme avec son chariot d'épicerie. Il semble y avoir un peu de ce qu'on appelle la pensée magique ici. Nous avons nos deux dames dans la publicité de la Banque Scotia qui sortent avec leur chariot d'épicerie. L'une d'elles se vente d'avoir obtenu une remise de 2 $ grâce à sa carte de crédit. Moi je pense que toutes les deux ont payé 1 $ en aliments plus chers. Mais vous pouvez me corriger et me dire d'où venait cet argent.
    Monsieur Scholnick.
    Je pense que la réponse est en fait très simple: l'argent venait des frais d'interchange que paie le détaillant. Ce que vous avez, c'est un résultat tout à fait prévisible auquel conduisent les arguments économiques, basés sur l'idée d'une plateforme. C'est basé sur l'idée d'un modèle à deux faces. Si vous vous souvenez bien, je vous ai donné l'exemple de Google, les pages jaunes ou du centre commercial où une face est subventionnée, habituellement l'acheteur, et l'autre face paie, habituellement le fournisseur. Si bien que...
    Oui. Nous comprenons, monsieur Scholnick, si vous dites que les 2 $ sont les frais d'interchange payés par le détaillant, il les répercute sur les produits d'épicerie, qui sont plus chers.
    Parfois, il le peut. Parfois, il ne le peut pas, et cela dépend de la situation du marché de chaque détaillant.
    Mais d'où cela vient-il? Ces deux dollars ne sont pas tombés du ciel.
    Si le détaillant est dans un marché concurrentiel et ne peut pas répercuter les frais de détail, cela entame son bénéfice. Si le détaillant détient un monopole, de la façon dont les économistes le décrivent, alors il peut le répercuter et cela vient du consommateur.
    Monsieur Ware, voulez-vous essayer de répondre?
    Oui. Je suis d'accord avec mon collègue, Jack Carr. La réponse, c'est que les espèces sont une forme coûteuse de paiement, de sorte que le consommateur qui paie en espèces paie 2 $ de plus pour le produit, comme ce devrait être le cas, parce qu'il se sert d'une forme de paiement coûteuse.
    Il y a donc une étude que vous avez modélisée qui montre qu'il y a une augmentation du coût de 2 p. 100 quand on paie en espèces. Vous pouvez me le prouver. Je m'appelle Thomas. J'aime qu'on me prouve ce qu'on me dit.
    Non, je ne peux pas, mais je crois en la concurrence. Je n'ai pas d'étude, mais vous parlez...
    Nous ne sommes pas ici pour prendre nos désirs pour des réalités. Je veux que vous me prouviez que le coût est là. Avez-vous une étude? Avez-vous travaillé là-dessus?
    Nous examinons les prix. Une des choses dans lesquelles les économistes croient, ce sont les marchés concurrentiels. Les prix vont être transférés aux coûts.
    Les politiciens parlent de ce dont ils croient; moi, je veux que vous me le prouviez. Vous venez de me dire que payer en espèces coûte si cher aux commerçants, bon sang, et l'autre reçoit une remise de 2 $ parce qu'elle a eu la gentillesse de payer avec une carte de crédit, mais vous ne pouvez pas me le prouver.
    Écoutez, j'inverserais le raisonnement et je vous dirais que dans chacun des marchés que nous voyons dans notre économie, que nous estimons être concurrentiel, on estime que les prix correspondent aux coûts. Pourquoi est-ce que vous refuseriez de le croire dans ce cas-ci?
(1045)
    Mais vous ne pouvez toujours pas le prouver. Vous n'avez pas d'étude. Vous n'avez pas d'étude économique validée qui prouve ce que vous venez de dire, que les paiements en espèces leur coûtent au moins 2 p. 100 de plus.
    Non, je ne peux pas vous en citer.
    D'accord, merci. C'est ce que je pensais.
    Monsieur Mulcair, avez-vous d'autres questions?
    M. Scholnick veut une autre chance.
    Une chose que j'ajouterais à ce que j'ai dit, c'est que, chose très intéressante, il y a quelques mois, l'Union européenne dans une grande poursuite anti-trust contre MasterCard précisément sur ce point, a tranché la question exactement de la façon décrite dans les propos de M. Mulcair. L'Union européenne a décidé que les frais d'interchange devraient être associés au coût supplémentaire de transporter des espèces. C'est le critère que les tribunaux européens ont imposé. Ils ont fait les études et ont calculé un chiffre — je ne sais pas ce qu'il est — et c'est ce qui est devenu les frais d'interchange en Europe.
    Puisque nous pouvons vous demander des choses de ce genre, peut-être pourriez-vous transmettre au greffier du comité l'étude en question qui vient d'Europe et nous pourrons tous en obtenir une copie.
    Oui, monsieur Scholnick, si à une date ultérieure, vous pouviez donner au greffier du comité les références de cette étude ou une copie, ce serait apprécié.
    Monsieur Lee, puis monsieur Carr.
    Je vais simplement répondre très directement à la question de M. Mulcair. Il a dit, « Où est l'étude? » AEI-Brookings Institute, 2006, Washington, D.C., une étude empirique qui montre que les paiements en espèces coûtent plus cher que tout autre mode de paiement. Je l'ai présentée dans mes diapositives.
    Quel est le pourcentage?
    Vous l'avez sur les diapositives.
    Quel est le pourcentage?
    Je n'ai pas mémorisé. Vous l'avez sur mes diapositives.
    Merci, monsieur Lee et merci à vous, monsieur Mulcair. Quand le greffier aura cette étude, il pourra en faire parvenir un exemplaire aux membres du comité.
    Monsieur Carr.
    Des voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
    Le coprésident (L'hon. Michael Chong): Un peu de silence, s'il vous plaît. M. Carr a la parole.
    J'ai deux points à souligner. Tout d'abord, les frais d'interchange ne devraient pas être reliés aux coûts. Ensuite, les économistes effectuent des études, un travail empirique, et constatent ce qui se produit. Nous savons que nous sommes en présence d'un système. Si votre argument était exact, si l'argent liquide coûtait moins cher et les cartes de crédit plus chères, — vu que rien ne les en empêche — on verrait les commerçants dire: « Vous vous présentez avec une carte de crédit qui me coûte plus cher; je vais offrir un rabais pour le paiement comptant. » Le fait que les commerçants s'abstiennent de le faire prouve — ou étaye du moins — la théorie selon laquelle l'argent liquide coûte plus cher. Si tel n'était pas le cas, ils offriraient tout simplement un rabais.
    Ceci dit, ce n'est pas vrai pour toutes les transactions. Différents détaillants ont peut-être des coûts différents pour l'argent liquide et les cartes de crédit. Certains peuvent choisir de ne pas accepter les cartes de crédit, comme Costco, qui a un modèle très efficace, qui fonctionne. Pour d'autres détaillants, cela ne fonctionne pas. On laisse donc la concurrence se faire dans le système: si les paiement comptant sont le mode le plus utilisé, on le verra; si ce sont les cartes de crédit, on le verra.
    En conclusion, dire simplement que...
    Merci monsieur Carr et merci à vous, monsieur Mulcair.
    Nous passons maintenant à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps avec l'un de mes collègues. Je vais lancer trois idées.
    Premièrement, je voudrais simplement faire une constatation. J'apprécie ce que vous avez dit de l'argent liquide, monsieur Carr. Il me semble important d'inclure également les chèques, même si je n'essaie pas de corriger votre exposé. Je me souviens avoir été dans les affaires et avoir dû attendre la fin du mois pour voir si un chèque allait être honoré ou pas.
    Deuxièmement, j'ai demandé une étude. J'apprécie l'information que vous venez de fournir à M. Mulcair. Je me demande s'il existe une étude établissant une corrélation entre les dépenses des consommateurs et leur recours à une carte de crédit. C'est une question que j'ai posée à plusieurs autres témoins. En d'autres termes, y a-t-il une étude à l'appui ou à l'encontre de la théorie selon laquelle les dépenses augmentent avec l'emploi d'une carte de crédit, si bien que le commerçant y trouve un bénéfice net aussi?
    Troisièmement et dernièrement, une question à laquelle vous ne devez pas nécessairement apporter de réponse tout de suite. On a évoqué le recours croissant aux cartes de crédit et les problèmes qui peuvent être liés à cet usage plus fréquent. Le gouvernement est-il censé intervenir dans les habitudes de consommation? Il pourrait rendre obligatoire l'envoi d'une paire de ciseaux avec toute nouvelle carte de crédit. Mais le rôle du gouvernement est-il de corriger les mauvais comportements dans le recours aux cartes de crédit et de protéger les gens? C'est une question que je voulais juste lancer.
    Allez-y, monsieur Carr.
    Je vais répondre à une partie de votre question. Vous voulez savoir s'il existe une étude qui indiquerait que l'utilisation des cartes de crédit a augmenté parallèlement à l'augmentation de la consommation. Il existe effectivement une telle étude, qui a été citée dans l'exposé de Visa. C'est une étude de Global Insight et de Visa Canada intitulée « Les avantages des paiements électroniques dans l'économie canadienne ».
    Cette étude, qui comporte une analyse statistique, considère la croissance de l'utilisation des cartes de crédit et la croissance de l'économie. La comparaison n'est pas facile, mais si l'on a raison de prétendre que les cartes de crédit sont plus efficaces — les transactions par cartes de crédit sont moins coûteuses que les autres — on obtient donc une économie de ressources. Au tout début, il y avait le troc, qui était très efficace. Les gens consacraient tout leur temps aux échanges et n'avaient pas de temps à consacrer à la production. Lorsqu'on peut consacrer moins de temps aux échanges et aux achats, on peut en consacrer davantage à la production. On prétend donc que dans la mesure où les cartes de crédit sont plus efficaces pour procéder à des échanges, elles libèrent des ressources pour la production et le rendement s'en trouve augmenté. C'est ce que montre l'étude de Global Insight.
    À partir de là, il est facile de dire que grâce au meilleur rendement, on peut faire augmenter la consommation. Le principal facteur qui détermine les dépenses de consommation concerne le rendement et les revenus dans l'économie. Voilà le véritable rapport, et c'est à cette étude que vous devrez vous référer.
(1050)
    Merci, monsieur Carr.
    Nous passons à M. Lake. Il vous reste deux minutes.
    Allez-y, monsieur Van Kesteren.
    Personne n'a encore parlé de la pertinence d'une ingérence du gouvernement dans les habitudes de dépenses des consommateurs. Faut-il réglementer dans ce domaine?
    Allez-y, monsieur Scholnick.
    Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer dans le domaine de l'éducation et de l'information en matière financière. Nous savons que chez la plupart des gens, le niveau de connaissance dans ce domaine est extrêmement bas. Les gens prennent de mauvaises décisions parce qu'ils ne sont pas informés des questions financières. Voilà donc un domaine où le gouvernement peut jouer un rôle essentiel.
    Je pense qu'il peut également jouer son rôle en matière de transparence. Le relevé mensuel que reçoit le client devrait être parfaitement explicite. On devrait lui dire que s'il ne paie pas sa facture ou s'il n'acquitte pas le montant minimal, il ne pourra sortir de l'endettement qu'au bout de tant de mois ou de tant d'années. Toutes ces questions de transparence devraient relever de l'action gouvernementale.
    Mais pour le reste, je pense qu'il est bien difficile, pour le gouvernement, de dire aux gens ce qu'ils ont à faire avec leur argent et avec leurs cartes de crédit.
    Merci, monsieur Scholnick.
    Nous passons maintenant à M. Lake. Il a quelques questions à poser.
    Je m'inquiète quelque peu lorsque j'entends certaines personnes préconiser une réglementation des prix. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passerait si l'on imposait un plafonnement aux taux d'intérêt sur les cartes de crédit? Se pourrait-il que cela ait pour effet d'interdire l'obtention d'une carte de crédit à certaines personnes? Quelles pouvaient être les conséquences imprévues d'une réglementation des prix?
    Est-ce que vous voulez parler d'un plafonnement des taux d'intérêt?
    Oui, d'un plafonnement des taux d'intérêt.
    Vous faites référence aux lois sur l'usure. Il y a longtemps, j'ai rédigé un document, qui n'a jamais été publié, sur la réglementation sur l'usure. Il y a une grande quantité de règlements gouvernementaux sur les taux d'intérêt, et tout cela remonte à la Bible où il est question d'interdire les taux d'intérêt. Si cela vous intéresse, la citation originelle provient du Deutéronome.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Jack Carr: Mais si on examine la question d'un point de vue historique, on se rend compte que les banques n'ont jamais été très actives au niveau du prêt à la consommation. Les consommateurs signaient des contrats de financement des ventes pour emprunter à des taux d'intérêt très, très élevés. Les cartes de crédit étaient une façon, et bien que nous les considérons comme ayant des coûts élevés — mais il faut prendre en compte le risque, le montant et les coûts — de donner aux consommateurs une marge de crédit à un coût en deçà des autres méthodes disponibles aux consommateurs.
    Si le gouvernement décidait de réglementer le taux d'intérêt, on peut prévoir les effets d'un tel plafonnement. La demande pour des prêts augmenterait et l'offre diminuerait. Les banques n'auraient d'autre choix que de rationner les prêts. Certaines personnes seraient laissées pour compte, elles n'auraient plus la possibilité d'emprunter, ce qui n'aide en rien la situation.
    On n'aide nullement les gens en leur disant qu'ils ne paieront plus ces taux élevés; on peut bien baisser les taux, mais un grand nombre de personnes ne pourront les obtenir parce que les institutions financières ne seront pas indemnisées adéquatement pour assumer les risques de prêter à si bas coût. Vous ne ferez que les écarter du marché du crédit.
    Merci, monsieur Carr.
    Monsieur McKay.
    J'aimerais remercier le professeur Carr de cette référence biblique. Le comité pourrait peut-être recommander l'instauration d'une année du jubilé.
    En effet. C'est un autre exemple intéressant.
    C'est une autre façon intéressante de composer avec la dette.
    Le problème c'est que le système est devenu tout à fait byzantin. Cela prend un temps fou pour suivre toutes les transactions, etc. Le fait est qu'en aval ou en amont du système il y a toutes sortes de primes de récompenses, bonis, etc., qui ont véritablement déformé le système.
    L'analyse du professeur Lee sur le système australien est juste. Là-bas, ils ont tenté d'amener des changements. Lorsqu'on tente de faire seulement une chose en vase clos, il est normal que les compagnies de cartes de crédit réagissent soit en augmentant les frais ou en apportant d'autres changements. C'est la leçon qu'il faut tirer du cas australien: soit vous faites une refonte complète ou vous gardez le statu quo.
    Monsieur Lee, vous semblez proposer l'argument de l'immobilisme; vous dites qu'il faut plus d'éducation et que les gens deviennent plus sensibilisés, entre autres bonnes choses, mais c'est essentiellement de l'immobilisme. Ne voudrions-nous pas un système de cartes de crédit qui s'apparente davantage à un système d'interchange de cartes de débit, qui est fondé sur le recouvrement des coûts avec ou sans frais additionnels et qui ne contient pas toute une gamme de fioritures, primes, incitatifs, etc.? Ce que vous auriez alors c'est le meilleur des deux mondes. J'aimerais vous entendre là-dessus.
(1055)
    Cette complexité des lignes de produits est une des caractéristiques de l'économie moderne. Il existe plus de 200 cartes de crédit avec ce que vous appelez ces fioritures. Ça me fait penser à un magasin de chaussures; on ne sait plus où donner de la tête tellement il y a du choix. Ou un concessionnaire d'automobiles... De nos jours, la plupart des marchés de consommation sont bien plus sophistiqués que dans les années 1950, lorsque les magasins offraient le choix entre seulement deux articles semblables. On pouvait choisir entre l'un ou l'autre. En remontant plus loin dans le temps, Henry Ford disait qu'on pouvait choisir la couleur que l'on souhaitait à condition que ce soit le noir...
    Mais ne parlons-nous pas d'une somme d'argent importante? D'ailleurs, avons-nous besoin de tant d'argent, avons-nous besoin d'acheter toutes les chaussures qui se retrouvent dans le magasin?
    Monsieur Lee, et puis M. Ware.
    Mais je réponds à votre question. J'ai dit que c'est un facteur qui caractérise les marchés de produits de consommateurs dans tous les secteurs de l'économie. C'est le premier facteur.
    Le deuxième facteur, c'est que le consommateur fait ce choix-là.
    Une voix: Non, le consommateur ne fait pas ce choix-là.
    M. Ian Lee: Les cartes de crédit, les chaussures, ou les autres produits qui ne répondent pas aux besoins des consommateurs disparaîtront du marché. Je dirai que le rôle du législateur n'est pas de décider ou de choisir quel produit et quelle ligne de produits seront les gagnants et les perdants. Donc si vous êtes passés de choisir les gagnants et les perdants parmi les compagnies de cartes de crédit pour maintenant dire qu'il faut choisir les gagnants et les perdants entre les produits, vous appliquez une stratégie commerciale. Mais ça c'est le rôle de l'entrepreneur, et non pas le rôle du Parlement.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Ware, vous aviez une observation.
    C'est exact.
    Pour répondre à votre question, je dirai non. Nous ne voulons pas un système comme le système Interac pour les cartes de crédit. Heureusement, le système semble avoir bien fonctionné pour Interac au milieu des années 1990, mais comme je l'ai déjà dit, maintenant il faut le changer.
    Je vais réitérer ce qu'a dit M. Lee. Ceci est un marché de produits différenciés, avec toute une gamme de produits offerts aux consommateurs. Ces produits sont là parce que les consommateurs les demandent. C'est une bonne chose, pas une mauvaise chose. C'est une bonne chose.
    Je dois dire que je me demande si les consommateurs veulent vraiment ces produits-là, ou si on leur dit de les vouloir. Il y a une très grande différence entre les deux. Quand je paie un produit, tout ce que je fais c'est payer ce produit. Je n'ai jamais constaté — et je pense être un consommateur averti — je n'avais aucune idée que tous ces coûts étaient imposés aux détaillants, et je ne savais pas qu'il y avait tous ces ajouts à ma carte de crédit. Tout cela ajoute beaucoup de coûts au système, et je ne savais pas que ça existait.
    Je suis donc d'accord avec vous quand vous dites que le système Interac fonctionnait bien. Il est vrai qu'il est probablement temps de le changer, mais il ne faut pas nécessairement tout jeter par la fenêtre. Je regarde les coûts par transaction à la Banque du Canada, et avec le système Interac je vois que c'est à peu près les deux tiers de cela. Le coût de traitement constitue à peu près deux tiers du coût total. Avec une carte de crédit, les frais de traitement représentent à peu près 90 p. 100 du coût total.
    Donc pourquoi est-ce qu'il ne serait pas bon pour moi d'avoir un système de crédit qui ressemble beaucoup plus au système Interac, pour que je finisse avec plus d'argent dans les poches?
    Merci, monsieur McKay.
    Une très brève réponse, monsieur Ware, après quoi...
    Bien sûr, rien ne vous empêche d'utiliser une carte de débit pour faire vos achats. Là, vous aurez le coût moins élevé.
    Et pour ce qui est de la diversité des produits disponibles, on pourrait faire le contre-argument. On pourrait dire que tous les consommateurs veulent porter des chemises blanches, et que si nous les obligions à porter des chemises blanches, les choses seraient meilleures pour eux. Mais nous ne vivons pas dans ce type de société — et j'espère que nous ne voulons pas y vivre.
(1100)
    Merci, monsieur Ware.
    Avant de lever la séance, nous allons donner à mon coprésident, M. Rajotte, la possibilité de poser une ou deux questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais vous remercier d'avoir comparu et d'avoir présenté vos exposés lors de cette séance très dynamique.
    Monsieur Scholnick, à la page 4 vous traitez de l'économie des marchés bilatéraux, et vous dites que c'est une question d'équilibre, où une plateforme perd de la valeur si l'un des deux côtés se retire. Les objectifs de la plateforme sont de gagner autant d'argent mais de faire en sorte que les deux côtés continuent d'utiliser la plateforme, tant les détaillants que les consommateurs. Mais est-ce vraiment un marché bilatéral équilibré, parce qu'il m'apparaît que les détaillants... Vous dites qu'on a le choix d'utiliser de l'argent comptant ou un chèque, mais en fait, comme M. Lee l'a indiqué, c'est un choix qui s'amenuise, et d'une certaine façon ce n'en n'est plus un, parce qu'un consommateur qui entre dans un commerce et se fait dire qu'il ne peut utiliser sa carte de crédit ira de plus en plus chez un autre commerçant.
    Pouvez-vous nous dire si cette plateforme est juste envers les détaillants? Dans ce marché bilatéral, un côté est beaucoup plus fort que l'autre.
    C'est dans la nature même des marchés bilatéraux. C'est pourquoi ces marchés sont si différents de ce que l'on enseigne dans les manuels économiques.
    Vous avez peut-être raison, et je crois que le remède, la solution à ce problème, se présente du côté des autorités en matière de concurrence, et c'est pourquoi que j'ai été heureux de voir que le Bureau de la concurrence du Canada abordait cette question par la lorgnette très spécifique contenue dans la Loi sur la concurrence, c'est-à-dire, l'abus de pouvoir dominant, l'abus d'une position dominante. Vous avez raison de dire que Visa et MasterCard ont une position dominante. Ce ne sont pas des centres d'achat. S'ils abusent de leur position — et nous ne savons pas encore si tel est le cas — alors les autorités en matière de concurrence et le Tribunal de la concurrence devrait les sanctionner. Mais s'ils ne font pas d'abus, alors je vous dirais que c'est la nature des marchés bilatéraux. Puisqu'ils ont développé leur plateforme, puisque cette plateforme a de la valeur, et puisque les gens doivent utiliser la plateforme, alors, d'un côté, les gens seront subventionnés, et de l'autre, ils ne le seront pas.
    J'aurais souhaité avoir davantage de temps, mais merci beaucoup d'avoir éclairé cette question.
    Merci, monsieur Rajotte.
    Avant de lever la séance, j'aimerais demander à M. Lee si des études plus récentes ont été menées après le mois d'octobre 2004. Un des membres du comité m'a demandé si il y avait des études plus récentes que le document de travail AEI-Brookings publié au mois d'octobre 2004, étant donné que certains produits de carte ont été commercialisés depuis cette date.
    J'ai fait une copie de l'étude Brookings, qui en passant a été publiée en 2006, et j'ai aussi téléchargé sur le portable du greffier l'étude de 2008 de la Banque du Canada sur les perceptions des marchands envers le coût relatif des paiements. J'ai aussi fait une copie de l'étude de la Réserve fédérale sur la Banque centrale d'Australie. J'ai donc fait plusieurs copies d'études pour le comité.
    Après la réunion, nous pourrons déterminer avec le greffier les dates exactes de ces études.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leur participation. Nous apprécions vos conseils et vos commentaires.
    La séance est levée.
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