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Merci beaucoup. Je remercie le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. Je dois vous prévenir, et je suis sûr que mes collègues le savent aussi, que les professeurs n'ont pas l'habitude de prendre la parole pendant cinq minutes, mais 55 minutes. Ma tâche sera donc quelque peu difficile.
J'ai un mémoire écrit qui devrait vous être remis. Vous y trouverez les choses que je n'évoquerai pas. Ce n'est pas un long mémoire. Je dois vous signaler également que ma recherche a été essentiellement financée par Visa.
Permettez-moi d'entrer dans le vif du sujet, étant donné que le temps presse. La principale caractéristique d'un système de cartes de crédit est que c'est un marché biface, et un marché biface est quelque peu différent des marchés auxquels les économistes sont généralement habitués. En effet, un marché biface met en rapport deux opérateurs distincts, en l'occurrence le marchand et le titulaire de la carte de crédit. Il est impossible d'exploiter le système sans les titulaires de cartes de crédit tout comme il est impossible de l'exploiter sans les marchands. Plus il y a de titulaires de cartes de crédit, mieux c'est pour les marchands. Plus il y a de marchands, mieux c'est pour les titulaires de cartes de crédit. C'est comme un réseau où il y a interdépendance entre les deux parties.
La demande des titulaires de cartes de crédit pour les services du système de cartes de crédit dépend de deux choses: les frais d'utilisation de la carte, d'une part, la valeur que le titulaire de la carte de crédit accorde au côté pratique de l'utilisation des cartes par opposition à d'autres modes de paiement, et le nombre et la qualité des marchands participant au système, d'autre part. Pour l'essentiel, la demande des marchands est très similaire. En effet, ceux-ci dépendent des frais de service, l'efficience que permet le fait d'accepter des cartes de crédit plutôt que d'autres modes de paiement, et du nombre ainsi que de la qualité des titulaires de cartes de crédit.
L'élément que je veux faire ressortir dès le début est que la nature biface de ce marché change quelque peu la dynamique de l'économie.
Trois éléments importants relatifs au système de paiement méritent d'être soulignés. Premièrement, il est important de se rappeler que les parties émettrices et détentrices sont, par l'intermédiaire de l'organisation du système de paiement, toutes les deux engagées dans la production et la prestation de services. C'est une production mixte. Deuxièmement, il est important de comprendre la nature biface de ce marché.
Evans et Schmalensee nous donnent un exemple concret. Ainsi, en Asie, tout particulièrement, il y a des clubs de rencontre, et dans ces clubs de rencontre, les hommes et les femmes se fréquentent pour voir s'ils se conviennent. Apparemment, les hommes accordent une plus grande valeur à ces clubs que les femmes, et ce qui arrive généralement dans ces clubs... C'est tout aussi coûteux pour le propriétaire du club d'offrir des services aux femmes qu'aux hommes dans ces clubs, et pour les attirer, en règle générale, les femmes n'ont pas à payer pour y entrer; on leur offre même des boissons gratuites parfois, tandis que les hommes assument tous les coûts. Cela semble équitable. On fait tout cela dans le but d'exploiter un système efficient. On le fait, parce que les hommes ne fréquenteront pas ce club s'il n'y a pas de femmes. Inversement, les femmes n'iront pas dans ces clubs s'il n'y a pas d'hommes. Il faut équilibrer le système, et la façon de l'équilibrer consiste à instaurer des frais d'interchange. Ces frais, que paient les hommes, n'ont rien à voir avec les coûts.
Le troisième élément économiquement important des marchés bifaces est le fait que les deux versants du marché profitent de la croissance et de la demande de l'autre versant. Récemment, les systèmes quadripartites ont éprouvé des difficultés, notamment en Australie et dans bon nombre d'autres pays, et chez nous aussi. Il y a deux choses importantes à comprendre. Premièrement, les gens qui critiquent le système soutiennent que les marchands ne devraient pas être tenus d'assumer une partie des coûts des émetteurs qui fournissent les services aux titulaires de cartes de crédit, puisque les détaillants ne tirent aucun avantage de ces services. On avance que les frais d'interchange décidés collectivement refilent des coûts aux marchands. Par conséquent, les détaillants insistent pour que les frais d'interchange soient calculés sur la base d'une norme objective de coûts, qui exclut les coûts sans rapport au réseau de paiement. Deuxièmement, on soumet que les règles comme les règles qui exigent qu'on accepte toutes les cartes de crédit et la règle d'élimination de la surcharge forcent effectivement les détaillants à accepter Visa et MasterCard.
Selon moi, ces arguments présentent des failles, cinq notamment, que je vais démontrer.
Première faille: les commerçants retirent en fait des avantages des systèmes de paiement par cartes — une augmentation des ventes et des ventes plus pratiques. Il y a augmentation des ventes parce que, quand les gens utilisent des cartes de crédit pour faire des achats, et des achats plus importants, ils apportent de nouveaux types d'achats, et une augmentation des ventes grâce à des frais moindres par opération. Quand je vais faire le plein de ma voiture, l'exploitant n'a pas besoin d'autant d'employés, parce que je paie moi-même, en mettant ma carte dans la machine. Si tout le monde payait comptant, les files d'attente seraient interminables. De plus, les commerçants n'ont pas à maintenir de solde de caisse, ce qui est généralement très coûteux.
Deuxième faille: il n'y a pas de justification économique à une réglementation reposant sur les coûts. Prendre les coûts en compte ne suffit pas. Le coût est un facteur, mais pas le seul. Le système est plus complexe et, en limitant au coût la justification des frais d'interchange, on ne tient pas compte des avantages respectifs que commerçants et titulaires de cartes retirent des frais d'interchange.
Troisième faille: rien ne contraint les détaillants à accepter les cartes de crédit comme méthode de paiement. Pourquoi le font-ils? Parce qu'ils en retirent des avantages. En bout de ligne, quand on tient compte de tous les coûts, cela leur coûte moins cher. D'ailleurs, les commerçants sont libres de refuser d'accepter le paiement par carte et ils sont d'ailleurs nombreux à le faire. Costco, qui est un énorme commerçant, n'accepte ni MasterCard ni Visa. Ma femme et moi nous adorons Costco.
Quatrième faille: il est faux de dire que les gens qui paient en liquide subventionnent les utilisateurs de cartes de crédit, malgré les arguments qu'on entend à cet effet. D'accord, un commerçant n'a pas le droit d'imposer une surcharge. Mais rien ne lui interdit de consentir un escompte aux gens qui paient comptant. D'un point de vue économique, il n'y a pas de différence entre une surcharge frappant les cartes de crédit ou un escompte consenti à ceux qui paient en liquide. Or, il y a des commerçants qui consentent des escomptes si on paie comptant, mais c'est très rare. Et, dans bien des cas, selon moi, les escomptes pour paiement comptant sont consentis pour éviter d'avoir à payer toutes sortes de taxes. Le paiement comptant est une façon d'éviter de payer des impôts.
Cinquième faille: il n'y pas de justification économique rationnelle à la distinction entre le système à trois parties et à quatre parties. Rien ne permet d'établir une distinction entre le système Amex et celui de Visa et MasterCard.
Laissez-moi conclure par les leçons à tirer de l'expérience australienne et citer les conclusions de l'étude effectuée par Robert Stillman et al:
Il convient d'avoir recours à la réglementation uniquement s'il est manifeste qu'un marché ne fonctionne pas et si on a des raisons de croire que cette réglementation est susceptible de profiter aux consommateurs.
La réglementation de la RBA a indubitablement nui aux consommateurs australiens, en entraînant des frais plus importants pour les titulaires de cartes et des programmes de récompense moins intéressants; elle a aussi incité les émetteurs de cartes à quatre parties à s'abstenir d'investir et d'innover. Rien ne prouve, par ailleurs, que les pertes encourues par les consommateurs ont été compensées par une diminution des prix au détail ou une amélioration du service au détail.
L'expérience sur le terrain ne corrobore pas l'idée que les consommateurs retirent des avantages nets d'une intervention. Généralement parlant, les économistes envisagent de réglementer un secteur quand il y a un pouvoir de monopole quelconque et trop peu de production à un prix trop élevé. Or, la réglementation en Australie et la réglementation des frais d'interchange entraînent une réduction de la production et un prix plus élevé pour les consommateurs; elle va à l'encontre des conditions pour une réglementation généralement reconnue par les économistes.
Laissez-moi conclure. Avant d'analyser un marché biface, comme celui du secteur des paiements, il est essentiel de comprendre les modalités économiques particulières qui impulsent cette efficience et sa compétitivité, notamment l'interdépendance de la demande pour les acquéreurs et les émetteurs. Il faut tenir compte des avantages et des coûts touchant les deux faces du marché, plutôt que de cibler un aspect isolé du marché.
Merci beaucoup.
Je suis professeur à l'Université de l'Alberta. Il me faut souligner que je n'entretiens aucune relation avec les diverses parties qui ont comparu devant vous au cours des deux dernières semaines.
Mon rôle ce matin est de vous expliquer ce dont les économistes discutent lorsqu'ils pensent à ce marché. C'est un marché très compliqué; il est très différent de l'exemple classique. Alors, les économistes peuvent peut-être vous aider à décider comment approcher le problème qui est devant vous.
Comme mon collègue l'a mentionné, le point principal est la notion de marché biface. C'est ce qui est à l'avant-plan du point de vue économique, et le comité doit comprendre ce concept essentiel avant de décider de la façon de procéder. Un marché biface consiste en une seule plateforme — et voilà le mot clé, « plateforme » — qui rassemble de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs.
Qu'est-ce que cela signifie? J'ai essayé de vous donner sur cette diapositive certains exemples — et il y a un nombre infini d'exemples — de plateformes et de la façon dont l'économie fonctionne. Le premier exemple de plateforme est exactement ce dont vous discutez pendant les audiences. Visa et MasterCard offrent une plateforme qui rassemble beaucoup de personnes d'un côté du marché, les détaillants, et beaucoup de personnes de l'autre côté du marché, les consommateurs. En rassemblant ces deux côtés, Visa et MasterCard créent une certaine valeur. Voilà la valeur de leur plateforme.
Mais il y a de nombreux autres exemples, qui se trouvent sur la diapositive. Par exemple, pour la description de propriétés, les chambres immobilières partout au pays ont des sites Web. Ces sites Web permettent de rassembler les acheteurs et les vendeurs de propriétés. La plateforme qui se trouve entre les deux est la chambre immobilière, et voilà l'acteur économique principal qui nous intéresse.
Les centres commerciaux constituent un autre exemple. D'un point de vue économique, un centre commercial peut être perçu comme une plateforme. Quel est son rôle? Le propriétaire d'un centre commercial rassemble deux groupes — le premier, les propriétaires de magasins, et le deuxième, les acheteurs. Le centre commercial en soi ne fait rien ou ne vend rien, mais il permet de rassembler ces deux parties.
Les pages jaunes et les fichiers PDF sont d'autres exemples. Un fichier PDF est une plateforme avec des lecteurs et des rédacteurs. Et on pourrait concevoir que Google est également une plateforme; sur Google, il y a ceux qui affichent des publicités et ceux qui font des recherches. Dans le cas de ces plateformes, il faut souligner une chose, comment le prix des services est établi. Comment Google ou les pages jaunes établissent-ils le prix de leurs services? Ce que l'on retrouve très fréquemment avec ces plateformes, c'est qu'un côté est très subventionné — dans de nombreux cas, le service est gratuit —, et c'est l'autre côté qui paie. Ainsi, dans les exemples déjà mentionnés, lorsque vous effectuez une recherche sur Google, cela ne vous coûte rien. Mais si vous affichez de la publicité sur Google, si vous êtes un vendeur, cela vous coûte assez cher. Le document PDF d'Adobe est gratuit. Mais si vous voulez créer un tel fichier, cela vous coûte beaucoup d'argent. C'est la même chose avec les pages jaunes; les lecteurs les utilisent gratuitement, etc.
Alors le résultat classique en économie dans le cas de l'établissement des prix de ces plateformes, c'est qu'un côté assume tous les coûts alors que l'autre côté ne paie rien. En fait, je dirais que dans le cas des cartes de crédit, non seulement les consommateurs obtiennent ce service gratuitement, mais ils obtiennent également des récompenses ou de l'argent pour utiliser leurs cartes de crédit. Voilà, bien sûr, la notion de récompense — les Air miles et les ristournes, etc. Cela cadre très bien dans la conception économique classique du fonctionnement de ces marchés bifaces.
Quelles sont les conséquences de ces marchés bifaces? Le point essentiel que j'aimerais souligner, c'est la notion du gagnant qui emporte tout, ou ce que l'on appelle les « effets de réseau » en jargon économique. Cela signifie que si vous avez une plateforme que tout le monde aime, si vous avez une plateforme que les acheteurs et les vendeurs utilisent beaucoup, alors vous avez un bien de grande valeur.
Le deuxième aspect de cette notion du gagnant qui emporte tout, c'est qu'une fois que vous êtes devenu gros, vous grossissez encore plus. Les gros continuent de grossir. Il y a des économiques d'échelle intrinsèques, d'après les économistes. Voilà bien sûr la situation dans laquelle se trouvent Visa et MasterCard — et c'est la situation dans laquelle veut se trouver tout détenteur de plateforme. Microsoft est un autre exemple de plateforme. L'entreprise est si énorme, tout le monde l'utilise. On n'a pas le choix de ne pas l'utiliser.
L'objectif clé des propriétaires de la plateforme — qu'il s'agisse de Microsoft, de Google, de Visa, de MasterCard, des pages jaunes ou de qui que ce soit — est de faire autant d'argent que possible, comme n'importe quel propriétaire d'entreprise. Dans le même temps, ils doivent toutefois maintenir un équilibre et veiller à avoir assez d'acheteurs et assez de vendeurs pour que la chose se perpétue. Dès qu'intervient une situation où un côté tourne le dos à la plateforme pour aller voir ailleurs, la valeur de la plateforme diminue jusqu'à atteindre zéro, d'habitude. Il leur faut donc gagner autant d'argent que possible, tout en veillant à ce que tout le monde continue à utiliser la plateforme.
Vous avez donc un cas d'école de marché biface, pour un économiste: la situation dans laquelle se trouvent les détaillants qui ont témoigné devant le comité. Prenez une situation comme celle de Visa ou de MasterCard, où la plateforme connaît un plein succès et une forte dominance; vous êtes coincés. Vous ne pouvez pas cesser d'utiliser la plateforme, vu que tous vos clients l'exigent, et vous ne pouvez rien faire en fait pour réduire vos frais.
Que faire alors? Les articles d'économie sur les marchés bifaces prédisent précisément ce qu'on constate à la réunion de ce matin. Il faut faire pression sur le Parlement, s'adresser aux tribunaux, aux banques centrales et aux autorités de la concurrence. Les économistes soulignent que ces gens n'ont aucun mécanisme économique normal qui leur permettrait de se sortir du piège où ils se retrouvent.
Quelle sera l'issue? Qu'est-ce qui constitue une menace pour Visa ou MasterCard ou pour tout marché biface? Je pourrais parler ici de Microsoft ou de Google; ce serait le même argument. La menace dans ce cas est une nouvelle plateforme, meilleure, qui permet des choses qui rendent plus de gens heureux, une nouvelle technologie. Je vous ai donné l'exemple de PayPal, comme émergence graduelle sur la Toile d'une plateforme qui pourrait un jour remplacer Visa et MasterCard comme fournisseur de paiements. C'est bien cela: avec l'émergence d'une nouvelle plateforme, Visa et MasterCard doivent affronter le problème.
Quelles sont les implications pour les marchés bifaces? Que se passe-t-il dans ces cas-là, selon les économistes? Ils prédisent à tout coup un affrontement comme celui dont vous avez été les témoins ces dernières semaines, entre Visa et MasterCard d'un côté, et les détaillants de l'autre. C'est inévitable. C'est un affrontement qui se reproduit partout dans le monde. Selon moi, cela va se poursuivre. Ce n'est certainement pas la dernière fois que la Chambre entend parler de la question.
Même si une nouvelle plateforme dominante remplace Visa ou MasterCard, il y aura toujours ce type de conflit entre les détaillants d'un côté et la plateforme de l'autre. Même si, par exemple, la Reserve Bank of Australia met en place une réglementation, cela ne résout pas le problème. Les économistes s'entendent pour dire que, vu la nature des marchés bifaces, il n'y a pas de remède facile au problème.
Merci.
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Merci beaucoup. À titre d'ancien banquier et de professeur en administration des affaires, je veux remercier les deux comités de m'avoir invité. Il est évident que j'ai un parti pris. Je pense que vous êtes les deux comités les plus importants du Parlement, soit le Comité des finances et le Comité de l'industrie, parce que vous traitez des questions les plus importantes qui touchent la façon dont nous créons la richesse dans notre économie.
Pour vous expliquer un peu mon parcours, sachez que j'ai travaillé dans le secteur bancaire dans les années 1970, dans la banque qui se trouve de l'autre côté de la rue, la Banque de Montréal, qui sera, d'après ce que j'ai appris, intégrée à la Cité parlementaire. C'est un bel édifice. J'espère que vous vous en occuperez bien.
J'ai été directeur des prêts aux consommateurs, directeur des hypothèques, agent de prêt commercial, et je suis titulaire d'un doctorat en politique publique. Je suis actuellement le directeur du programme de maîtrise en administration des affaires (MBA) à la Sprott School of Business. Je tiens à vous dire également que j'ai enseigné plus de 100 fois au Moyen-Orient, en Asie et en Europe de l'Est, y compris dans la plupart des anciens pays communistes, où j'ai pu constater en personne l'incidence de la réglementation gouvernementale coercitive sur la destruction de l'environnement, l'économie et les droits de la personne.
Enfin, je ne suis ni consultant, ni conseiller, ni investisseur dans une société, un syndicat, une ONG, un organisme à but non lucratif, un organisme public ou un parti politique. Je me présente donc ici dans un esprit de transparence complète.
J'ai lu tous les comptes rendus des réunions des deux derniers mois de votre comité et du comité sénatorial. Je veux vraiment être quelque peu provoquant aujourd'hui et vous dire que bon nombre des témoins — le Conseil du commerce de détail, la FCEI — vous ont dit que le système de paiement en vigueur aujourd'hui au Canada est très coûteux et inefficace, mais pour ma part, je pense que c'est vraiment une légende urbaine.
Pour injecter un peu de réalité dans la conversation, depuis des temps immémoriaux jusqu'aux années 1970, même jusqu'au début des années 1980, les banques ouvraient leurs portes à 10 heures du matin et les fermaient à 15 heures. Si vous ne pouviez aller à la banque durant cette plage horaire, vous ne pouviez pas obtenir votre argent. Il n'y avait pas de carte de crédit, pas de service bancaire par Internet, ni par téléphone. Les cartes de crédit n'ont fait leur apparition qu'au milieu des années 1970.
Il y avait deux modes de paiement: comptant et par chèque. Les deux modes étaient coûteux, lents et dangereux. Pourquoi? Parce que les chèques étaient souvent sans provision, tous les jours. Cela imposait un risque très élevé aux détaillants. L'argent comptant était volé par des braqueurs ou par des collègues. Même si ce dernier risque n'était pas très élevé, il n'en demeure pas moins que tous les gens d'affaires investissaient des sommes considérables pour acheter de l'assurance, cautionner les employés, la diligence raisonnable, des coffres-forts, la garde coûteuse de l'argent en espèces, et ainsi de suite.
Pour abonder dans le sens des propos des professeurs Carr et Scholnick, je vous dirais que les coûts de transaction sont très élevés. Mais aujourd'hui, les cartes de débit permettent d'effectuer des paiements instantanés, sans protêt, sans chèque sans provision, et il en va de même pour les cartes de crédit. Il s'ensuit donc que les coûts de transaction sont très faibles, de 0,5 à 4 p. 100.
Cela a été confirmé par une étude réalisée très récemment par deux centres de réflexion à Washington. Il s'agit du centre conservateur American Enterprise Institute et du centre très libéral Brookings Institution, qui ont fait une étude sur les différents modes de paiement. L'étude a révélé, sans grande surprise, que le paiement comptant était le mode de paiement le plus coûteux. J'ai entendu certains de vos témoins proposer des rabais pour les paiements comptants. Si je dirigeais un commerce, j'exigerais un supplément à quiconque choisit de payer comptant, car les paiements comptants sont très coûteux. Les banquiers le comprennent. Les paiements au comptant recèlent des coûts très élevés. Ils exigent des systèmes comptables complexes et raffinés. Vous devez avoir, par exemple, deux personnes pour compter l'argent, si vous ne voulez pas vous faire arnaquer. Par contre, les cartes de crédit stimulent les achats d'articles à prix unitaire élevé et favorisent l'achat impulsif.
Je voudrais attirer votre attention sur une étude qui a été faite il y a à peine huit mois par la Banque du Canada à Ottawa. Elle a réalisé une enquête d'envergure auprès d'entreprises à l'échelle du Canada, et trois constatations sont ressorties de cette enquête réalisée auprès de véritables gens d'affaires. En effet, l'enquête a révélé que les cartes de crédit sont privilégiées parce que moins risquées — je n'ai rien à redire là-dessus. Deuxièmement, bien des commerces percevaient le paiement comptant comme le mode le moins coûteux et le plus fiable. Or, c'est empiriquement faux. Troisièmement, les cartes étaient considérées comme le mode de paiement le plus coûteux et le moins fiable. Pour la même raison qui me fait dire que la deuxième constatation est erronée, je vous dirais que celle-ci l'est également. Ce que cela montre, c'est que beaucoup de petites entreprises sont illettrées sur le plan financier, ou à tout le moins partiellement illettrées et cela milite en faveur d'un plus grand nombre de programmes de littératie.
En fait, qu'est-ce qui est arrivé au cours des 10 dernières années? Quel était le comportement de ces commerces? Du point de vue des consommateurs comme de celui des commerces, l'utilisation des cartes de crédit et de débit a augmenté. Dans une étude réalisée par la Réserve fédérale, si je ne m'abuse — j'ai les sources dans mon portable —, nous nous situons à mi-chemin parmi quelque 10 ou 15 pays pour ce qui est du coût pour les marchands de l'utilisation des cartes.
Où se situe alors le problème? Je vous soumettrais que le problème tient à la perception erronée du coût du paiement comptant par opposition au paiement par carte de crédit pour les commerçants, ce qui produit, comme mes collègues l'ont indiqué, une recherche de la maximisation des bénéfices par les associations commerciales qui se tournent vers le Parlement dans l'espoir de réaliser des bénéfices accrus plutôt que d'avoir à les gagner à la façon traditionnelle, c'est-à-dire par la concurrence.
C'est ce qui est ressorti de l'étude de la Réserve fédérale, ce qui montre la rentabilité des cartes de crédit, et vous constaterez également que c'est cyclique. Vous pouvez le voir à l'écran. C'est cyclique et c'est basé sur deux variables: le coût de l'argent et, évidemment, les cartes de crédit.
Ce qu'on constate au Canada — c'est tiré de DBRS, l'agence de notation —, c'est que les pertes sur créances grimpent en flèche. Comme vous pouvez le voir, la ligne rouge, qui correspond à la moyenne pondérée, atteint les 6 p. 100 pour l'ensemble des soldes de cartes de crédit qui devront être considérés comme irrécouvrables en 2009. C'est terrible.
Lorsque j'étais gestionnaire des prêts hypothécaires, j'avais un taux de radiation de comptes nul. En ce qui concerne les prêts personnels, notre taux s'établissait à 0,25 ou 0,50 p. 100. Ce taux frôle maintenant les 6 p. 100, ce qui est du jamais-vu.
Comme vous pouvez le constater à la page suivante, le taux de défaillance sur les prêts au Canada est de 35 p. 100, et de 44 p. 100 sur les cartes de crédit.
Je ne vais pas m'en prendre à la solution australienne. Vous savez déjà ce qu'il en est. Les témoins qui ont comparu devant vous vous l'ont dit. Toutefois, j'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil à certains graphiques. Ils viennent de la Réserve fédérale, qui a fait une étude sur le sujet. Je pense que M. Carr a déjà cité cette étude. Après quatre ans, je pense, aucun changement n'avait été noté dans le ratio d'utilisation des cartes de crédit et des cartes de débit. Toutefois, on a constaté une diminution des frais imposés aux commerçants, que les banques ont contrebalancé en grande partie en augmentant les frais de carte.
Vous voyez les deux lignes. La ligne verte représente les frais pour les cartes de crédit ordinaires, et la rouge, ceux pour les cartes à primes. Les Australiens ont tout simplement déplacé le fardeau des commerçants aux consommateurs. Ce que le Conseil canadien du commerce au détail et la FCEI vous demandent de faire, c'est de ne pas vous en prendre à eux, mais plutôt aux consommateurs, aux gens comme moi.
Les banques émettrices, comme le montre cette diapositive, recouvrent de 30 à 40 p. 100 des pertes, soit un demi-milliard de dollars, auprès des consommateurs. Ce qui est paradoxal, c'est que les frais imposés aux commerçants par transaction ont diminué. Si on fait le calcul, on constate qu'ils ont en effet baissé de quatre cents pour un achat de 40 $, ce qui est négligeable. Il n'y a donc eu aucun changement radical.
Je ne vais pas vous résumer la situation, parce que M. Carr l'a déjà fait. L'économiste de la Réserve fédérale dont M. Carr vous a parlé a également déclaré que les règlements de la banque centrale, la Réserve fédérale de l'Australie, n'ont pas atteint leur objectif stratégique.
Quelles sont les solutions de rechange? Je vais conclure.
Je vais vous présenter trois hypothèses. La première, c'est que vous, les législateurs, devez faire un choix, parmi les instruments possibles, entre les moins coercitifs, comme la communication d'information, et les plus coercitifs, comme la propriété d'une société par le gouvernement ou le contrôle des prix, comme le recommandent le Conseil canadien du commerce au détail ou la FCEI. Ma deuxième hypothèse, c'est que vous devez opter pour des moyens coercitifs uniquement lorsque toutes les autres options ont échoué, lorsqu'il est clair que le marché ne fonctionne pas. Or, nous n'avons aucune preuve de l'échec du marché dans les systèmes de paiement par cartes.
Les solutions stratégiques que je vous recommande comprennent la communication beaucoup plus rigoureuse de l'information concernant les taux, frais, avantages, coûts et frais d'intérêt; deuxièmement, la surveillance réglementaire renforcée pour lutter contre les pratiques trompeuses et hostiles à la concurrence; et troisièmement, l'ajout dans le système d'éducation d'un volet sur les connaissances financières de base. J'en parle parce que certains témoins se sont montrés très sceptiques face à ces programmes visant à inculquer des connaissances financières de base, mais au Canada, nous investissons des milliards de dollars dans l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire, alors il serait hypocrite pour un professeur de s'opposer à ces initiatives.
Merci.
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Merci, je vais les inclure.
Je suis professeur d'économie à l'Université Queen's et je m'intéresse depuis fort longtemps déjà aux cartes de paiement, du moins depuis l'époque où j'ai été associé aux audiences Interac, au milieu des années 1990, qui ont mené à la création de l'actuel système de cartes de débit au Canada.
Je vais d'abord parler des frais d'interchange, comme l'ont fait mes trois collègues, mais je ne crois pas que vous ayez besoin de m'entendre parler plus longuement des marchés bifaces. Quant aux frais d'interchange, ils sont fixés de façon à équilibrer l'intérêt pour les commerçants d'accepter la carte, et l'intérêt pour l'émetteur d'émettre la carte et pour le titulaire de l'utiliser. Les frais d'interchange sont payés par le commerçant — à strictement parler, ils sont payés par l'acheteur — à l'émetteur de la carte et ne constituent pas un prix conventionnel.
Il s'agit d'un point à retenir, bien que mes collègues en aient discuté un peu... Nous croyons que les frais d'interchange élevés nuisent aux commerçants, puisqu'il s'agit d'un prix, et que les prix élevés sont lourds pour ceux qui doivent les payer. Or, puisqu'il s'agit d'un prix dans un contexte de marché biface, la chose n'est pas aussi simple. Comme je l'ai dit, les frais d'interchange sont conçus de façon à équilibrer les deux réseaux qui ont en commun l'intérêt d'inciter au maximum les commerçants d'accepter la carte, et les commerçants qui ont tout intérêt à ce que le plus grand nombre de cartes possible soient disponibles — et c'est d'ailleurs dans l'intérêt des titulaires de cartes puisque, quand ils vont acheter une chemise, ils peuvent trouver un commerçant qui accepte la carte qu'ils détiennent.
Il existe d'ailleurs en théorie des circonstances où les frais d'interchange ont un effet tout à fait neutre. Toute modification des frais est équilibrée par des modifications des frais supplémentaires et des frais de cartes de sorte que toutes les parties sont indifférentes au niveau réel des frais. La plupart des économistes universitaires qui ont examiné la question ne croient pas que cette situation théorique existe en réalité. À mon avis, le problème tient toutefois au fait que nous n'en savons pas encore assez pour déterminer quelle est l'interaction compétitive entre l'acquisition et l'émission de cartes pour déterminer quel doit être le montant des frais d'interchange en l'absence de réglementation, autrement dit, sous l'angle du bien-être économique.
Mes deux collègues et d'autres témoins vous ont déjà longuement parlé de l'expérience australienne. Comme nous le savons, et nous avons vu des données récentes là-dessus, la réduction des frais d'interchange par voie de réglementation en Australie a amené une augmentation des frais de carte et une réduction de la valeur des primes accordées aux titulaires de cartes.
C'est là une question subtile mais importante, comme l'a dit Jack Carr. Il s'agit de savoir si les prix et les frais divers qui existent dans ces réseaux de paiement faussent les tendances en matière de paiement. S'agissant des cartes de crédit, des cartes de débit et des achats au comptant — et mes collègues aussi en ont parlé — y a-t-il tendance, par exemple, à ce qu'une plus forte proportion des paiements soit faite au moyen de cartes de crédit par rapport à une sorte d'optimum social? C'est une question intéressante, et cela fait l'objet de discussions dans les milieux universitaires. J'estime pour ma part que nous ne connaissons pas encore la réponse. Je suis d'accord avec mes collègues qui disent que, quand nous ne connaissons pas la réponse, il ne faut pas s'empresser de réglementer. La réglementation est souhaitable quand une faiblesse du marché est clairement identifiée et que nous savons en quoi notre intervention améliorera les choses.
Il existe un aspect important pour lequel la situation du Canada diffère quelque peu de celle d'autres pays, et il s'agit de la question de savoir si le réseau des cartes de crédit fonctionne uniquement comme une coentreprise des banques membres, ou comme une entreprise indépendante qui cherche à maximiser ses propres bénéfices. Au Canada, comme vous le savez, les réseaux de cartes de crédit se sont récemment restructurés pour privilégier la deuxième option, en partie à la suite de pressions exercées par le Bureau de la concurrence qui souhaitait ce changement afin d'approuver la dualité — ce changement qui permet aux banques d'offrir les deux réseaux de cartes, c'est-à-dire d'émettre à la fois des cartes MasterCard et Visa.
Selon des études universitaires, l'existence ou non d'une concurrence plus imparfaite parmi les émetteurs de cartes, ou encore l'existence d'une concurrence plus imparfaite parmi les acquéreurs de cartes est l'un des facteurs qui peut influencer le montant des frais d'interchange. Certaines études ont révélé que c'est l'état de la concurrence parmi les émetteurs qui exerce sans doute la plus importante influence en raison des coûts de transfert. Les consommateurs qui détiennent ces cartes peuvent avoir plus de mal à changer d'émetteurs, d'abord parce qu'ils ont un solde et ensuite parce que leurs numéros de carte sont déjà inscrits auprès des réseaux d'achat en ligne — si vous êtes comme moi, c'est votre cas. Les consommateurs font donc face à des coûts de transfert.
Comme je l'ai déjà dit, j'estime que nous ne connaissons pas encore la réponse. C'est une question théorique intéressante, mais nous ne connaissons pas la réponse dont auraient besoin les décideurs.
L'autre question, qu'ont aussi abordée mes collègues, est celle des règles interdisant les frais supplémentaires. Il existe au niveau international des différences à cet égard qui sont intéressantes. Par exemple, au Royaume-Uni, où la question a fait l'objet de nombreuses études, la règle interdisant les frais supplémentaires a été abandonnée au début des années 1990 et pourtant, il y a eu peu de recours aux frais supplémentaires. Comme mon collègue l'a signalé, l'escompte au comptant est aussi très peu pratiqué.
Toutefois, si j'ai bien compris, depuis que l'Australie a aboli sa loi interdisant les frais supplémentaires, il y a environ cinq ans, en 2003, je crois, des frais supplémentaires sont fréquemment exigés. D'après les chiffres que j'ai vus, 23 p. 100 des transactions avec cartes de crédit auprès de ce qu'on appelle les grands détaillants s'accompagnent de frais supplémentaires. C'est un nombre assez élevé. Je vous signale ce fait pour faire comprendre qu'il existe là un phénomène intéressant, et peut-être important, et que nous le connaissons mal.
Pour conclure sur les cartes de crédit, j'aimerais redire ce que j'ai dit plus tôt, à savoir qu'il est beaucoup trop tôt pour que nous tirions des conclusions définitives au sujet d'une quelconque intervention réglementaire sur ce marché. Je ne crois pas que nous le comprenions assez bien. Nous avons l'exemple de l'Australie, mais il est difficile de dire si c'est une réussite. Il est possible qu'il y ait une intervention sous peu au Royaume-Uni, et nous pourrons peut-être en tirer des leçons.
J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, dire quelques mots des cartes de débit. Nous avons eu une situation plutôt inhabituelle au Canada, en ce sens qu'il existe un seul réseau de cartes de débit depuis plus de 10 ans maintenant, le réseau Interac. Il est réglementé et constitue maintenant un réseau sans but lucratif. La question est de savoir quel système est préférable: un monopole naturel réglementé, s'il s'agit d'un monopole naturel, ou un système compétitif au sein duquel les commerçants et les consommateurs choisissent le réseau de débit qu'ils souhaitent utiliser pour chaque transaction? Idéalement, le commerçant choisirait de s'abonner à un ou plusieurs réseaux de cartes de débit, et le consommateur aurait alors le choix, pour chaque transaction, de l'acheminer par le réseau A, qui pourrait être Interac, ou par le réseau B, qui pourrait être le nouveau réseau de débit Visa qui sera accessible, je crois, dans un avenir prochain.
En raison d'économies de réseau et d'économies d'échelle, les monopoles naturels ont ceci de particulier que le fournisseur unique est l'organisation la plus rentable pour répondre à la demande du marché. Toutefois, cette conclusion est essentiellement statique et ne tient pas compte de toutes les économies dynamiques et des encouragements à l'innovation qu'apporte le système compétitif au sein duquel les réseaux sont en concurrence les uns avec les autres.
S'agissant des cartes de débit, les décideurs s'intéressent essentiellement aux frais que doivent payer les commerçants et, dans une certaine mesure, aux frais d'interchange. À l'heure actuelle, les frais d'interchange dans le réseau de débit Interac sont de zéro. Certains craignent que, quand le réseau de débit Visa, et peut-être le réseau de débit MasterCard, deviendront accessibles, les commissions que paient les commerçants augmenteront.
À l'heure actuelle, un commerçant qui utilise une carte de débit Interac paie des frais d'environ 12 ¢ la transaction. Il s'agit d'un montant fixe par transaction. Quand la carte de débit Visa deviendra accessible, je crois que la tarification sera plus complexe et sera en partie fonction de la valeur. Ce sera en partie un pourcentage de la valeur de la transaction.
En conclusion, j'aimerais dire qu'à mon avis la concurrence est une bonne chose. Nous devons partir de la situation telle qu'elle existe. À l'heure actuelle, il y a un monopole. Nous ne devrions pas lever les bras et pousser les hauts cris parce qu'il y aura de nouveaux acteurs sur le marché. C'est une bonne chose qui créera de la concurrence. Il y a fort à parier que ces nouveaux venus créeront une situation avantageuse pour les consommateurs, comme c'est toujours le cas. Certains craignent que le réseau de débit Visa en vienne à dominer le marché du débit. Cette crainte me semble tout à fait prématurée. À l'heure actuelle, c'est Interac qui est l'entreprise dominante.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous dire que vos présentations ont toutes été très rafraîchissantes. Je suis d'accord avec vous que le système fonctionne. Le système capitaliste fonctionne, la liberté individuelle fonctionne et il n'y a pas de problème. Je ne sais pas pourquoi nous sommes ici pendant plusieurs jours, puisque nous nous sommes rendus compte avec vous qu'il n'y a pas de problème. La beauté de la chose, c'est qu'il y a des compagnies qui font des profits, et dans un système capitaliste, le profit est sain, c'est la création de la richesse et d'emplois.
Nous, les politiciens, voulons souvent réglementer ou légiférer les comportements individuels, mais lorsque nous le faisons, chaque loi ou règlement donne un privilège à un groupe précis. Dans ce cas-ci, il faudrait privilégier certains groupes au détriment de certains autres. Personnellement, je préfère que les individus libres puissent choisir.
Néanmoins, j'aurais une question de nature économique par rapport à notre système, afin qu'il continue à fonctionner comme il fonctionne actuellement, c'est-à-dire très bien. Existe-il des barrières à l'entrée, dans cette industrie? Je pense précisément aux frais ou aux plateformes que nous utilisons actuellement. Si un compétiteur veut venir dans ce marché, peut-il le faire librement ou est-ce que nous, les politiciens et législateurs, avons créé des barrières à l'entrée dans ce marché?
M. Laforest demandait ce qu'on devrait-on faire dans le futur. Pour ma part, je pense qu'on devrait s'assurer qu'il n'existe aucune barrière à l'entrée, afin de permettre à de futurs compétiteurs de venir dans ce marché. J'aimerais entendre votre point de vue sur ce sujet.
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Permettez-moi de répondre à votre question.
Premièrement, vous sous-entendez que ma recherche est financée par Visa. C'est certainement le cas, et je l'avais dit. Comme les problèmes de fidélisation, les professeurs ont une image de marque. Je dis ce que je crois vrai. Si mes propos sont cohérents et si Visa veut les financer, c'est clair. Je crois en la transparence complète, et je vous l'avais dit.
Deuxièmement, en ce qui concerne les problèmes de fidélisation, j'ai dit qu'un économiste ne saurait pas comment élaborer de tels programmes. Mais j'ai dit qu'ils existaient dans de nombreuses industries.
Maintenant, votre question principale était, qui paie? Ce qui est intéressant, c'est que vous présumez de la réponse. Évidemment, lorsque les gens examinent les coûts associés aux cartes de crédit... C'est l'une des raisons du coût plus élevé des cartes de crédit, c'est que cela coûte cher d'attirer les clients et on les attire en leur offrant des points et des programmes de fidélisation. Mais lorsqu'on examine le système, on voit qu'il y a un autre aspect à cette équation, et c'est l'efficacité obtenue en attirant ces clients. Lorsque j'utilise ma carte et que j'obtiens un escompte de 2 p. 100 à la pompe, je peux faire cette transaction, et cela coûte beaucoup moins cher au détaillant. Je n'ai pas à attendre en ligne pour payer comptant. Le détaillant n'a pas à compter l'argent. C'est donc plus efficace.
Voici un autre exemple, j'ai récemment acheté un billet d'Air Canada avec ma carte de crédit pour un vol qui aura lieu dans un an. Sans ma carte de crédit, je n'aurais pas fait cet achat. Pourquoi? Je n'aurais même pas payé comptant, parce que je ne sais pas si Air Canada sera toujours là dans un an. Peut-être que l'entreprise aura fait faillite. Mais avec ma carte de crédit à primes, j'ai une assurance. J'ai l'assurance que si Air Canada fait faillite, et que l'entreprise ne peut remplir ses engagements...
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... nous allons passer à autre chose.
Vous n'êtes pas une victime, monsieur Carr, mais nous allons passer à autre chose.
Monsieur Lee, j'ai une question pour vous, et elle a trait à l'économie mais aussi aux politiques publiques.
Je travaille pour une entreprise et j'achète une pièce d'équipement de 40 000 $. L'entreprise m'appartient. La personne qui me vend cette pièce me dit qu'il y a une prime ce mois-ci, et qu'ils offrent un rabais de 2 p. 100 en argent comptant. Je prends les 800 $. En ne les déclarant pas, j'enfreins la Loi de l'impôt sur le revenu, si j'essaie de déduire le montant total des 40 000 $.
Ou si je suis employé dans l'entreprise d'une autre personne et un client me dit qu'il a une offre spéciale et qu'il peut livrer une télévision à écran plat d'une valeur de 800 $ à mon chalet si j'achète cette pièce d'équipement. Si je le fais, je viens de commettre une fraude aux dépens de mon employeur.
Nous venons de montrer combien il était plaisant d'obtenir des primes, d'obtenir 2 p. 100, et pourquoi pas 4 p. 100? Que faire, dans le cadre des politiques publiques, lorsqu'il y a beaucoup de gens... J'ai un ami qui est un professionnel de la santé. L'an passé, il a fait des voyages d'une valeur de 25 000 $ grâce à ces points. Les hôtels, tout — parce que tout ce qu'il achète pour sa clinique médicale, tout l'équipement, il l'achète avec sa carte de crédit. L'an dernier, cela a représenté environ 25 000 $, pour des achats d'environ 2 millions de dollars.
Comment tenir compte de ces montants, et sont-ils imposés? Ou est-ce tout simplement un stratagème de ristourne clandestine que la société a décidé d'accepter?
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Merci, monsieur le président.
Certains commentaires ont été faits, et il y en a un en particulier qui me préoccupe. On m'a dit que le système que nous avons présentement fonctionne toujours et qu'il n'y a pas eu encore de problème.
À titre de parlementaires, nous devons songer au bien de l'ensemble de la société, et je veux que vous compreniez que si le système fonctionne maintenant, cela ne veut pas dire qu'il fonctionnera plus tard. Si nous croyons que des problèmes se dessinent à l'horizon, nous voulons examiner la situation pour les éviter, pour le bien de tous.
Dans le système actuel, il y a les fournisseurs, c'est-à-dire les émetteurs de cartes, et il y a les banques et les consommateurs, qui sont en gros les clients des émetteurs. Dans un système concurrentiel où il y a deux cartes principales, les émetteurs rivalisent pour que les banques et les consommateurs utilisent leurs cartes.
Ce qui me préoccupe, c'est que dans ce combat, les émetteurs offrent plus d'avantages. Ils le font pour se distinguer de l'autre. Et comment le font-ils? Je pense que M. Mulcair a demandé « Qui paie? » C'est le détaillant.
Je sais que vous allez dire que le détaillant vend ses comptes recevables et que c'est le coût qu'ils doivent payer. Normalement, lorsqu'il y a un coût, vous pouvez le négocier et il est déterminé à l'avance.
Vous avez parlé plus tôt d'Adam Smith. Je crois que dans le système économique décrit par Adam Smith, les choses étaient beaucoup plus simples. Il fallait qu'il y ait le même produit. Ça fait quelques années que je n'ai pas étudié Adam Smith, mais en gros, l'économie d'après lui, devait mettre les différents acteurs sur un pied d'égalité: il y avait des produits semblables et l'entrée sur le marché était relativement libre de barrières.
Dans le système que nous avons avec les banques, où il y a deux acteurs principaux, les détaillants ne sont que des pions, et ce sont eux qui en font les frais, puisqu'ils doivent avoir ce service. Ne trouvez-vous pas qu'il y a quelque chose qui cloche avec ce système?
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Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mon ami M. Robert Bouchard.
Plus tôt, mon collègue a demandé si de véritables interventions avaient été faites au fil des années. Il vous a aussi demandé si vous aviez une étude pour soutenir les propos que vous tenez maintenant selon lesquels tout va bien, la vie est belle et on continue. Or, vous n'avez pas une telle étude et vous n'avez pas répondu à sa question. On peut donc comprendre, puisque vous n'avez pas d'étude, que c'est votre appréciation personnelle que vous nous donnez aujourd'hui.
Monsieur Lee, vous avez dit que les commerçants n'avaient pas assez de concurrence pour mériter le 2 p. 100. Que pensez-vous que font Visa et Mastercard? Ces deux compagnies sont toutes les deux sur la patinoire et elles chargent des frais d'interchange de 2 p. 100. Elles n'ont pas besoin de concurrence et elles chargeront le taux d'interchange qu'elles voudront bien charger au moment où elles le voudront, et il n'y a pas d'intervention de l'État.
Si quelqu'un veut ouvrir un restaurant demain et toucher un profit de 3,8 p. 100 sur les repas, il ne lui en restera que 1,8 p. 100 lorsque le client paiera avec sa carte de crédit. Puisque vous êtes banquier, dites-moi, dans ce cas, s'il est avantageux pour une banque de prêter de l'argent à une personne qui veut ouvrir un restaurant? Vous me direz que le restaurateur n'a qu'à ne pas accepter la carte de crédit, mais s'il ne l'accepte pas, le client ira manger ailleurs.
On est pris dans un engrenage que les banques et les caisses ont créé en disant qu'elles allaient déposer systématiquement les payes des gens dans leur compte de banque et que ces derniers pourront retirer de l'argent quand ils le voudront. Si on veut faire un voyage, il faudra avoir une carte de crédit pour le réserver. Si on veut aller à tel endroit, il faudra aussi avoir une carte de crédit pour réserver sa place. C'est donc un monopole des cartes de crédit, un tourbillon dans lequel on est pris et qui a été créé par les banques et les caisses.
Donc, lorsque vous dites, monsieur Lee, qu'il faudra être plus concurrentiel, permettez-moi d'être un peu sceptique. Je ne pense pas qu'on va s'en sortir.
Pouvez-vous nous expliquer comment on va faire pour s'en sortir?
C'est une excellente question, et je pense qu'elle rejoint le principal message que je veux communiquer au comité, à savoir que le changement se fera non pas par la réglementation, mais par l'innovation, grâce à de nouveaux développements et grâce à la technologie.
L'exemple que vous donnez est celui des téléphones cellulaires et du modèle africain. Dans des pays comme le Kenya et l'Afrique du Sud, la population est très pauvre et les gens n'ont pas de comptes en banque, mais tout le monde dans ces pays a un téléphone cellulaire ou au moins y a accès. Il y en a un par village, par famille ou quelque chose de ce genre.
Dans ces pays très pauvres, donc, on trouve un système de paiement plus avancé que ce que nous avons en Amérique du Nord. Car lorsque vous achetez quelque chose de quelqu'un, vous allez à un magasin, vous prenez votre téléphone cellulaire et vous le placez à côté du téléphone cellulaire du propriétaire du magasin. Il y a un programme — ou pour employer le jargon économique, il y a une plateforme — sur les deux téléphones cellulaires. Vous appuyez sur quelques boutons et l'argent passe du compte d'une personne qui l'a précédemment intégré à son téléphone cellulaire et cette personne n'a ainsi pas besoin de porter sur elle des espèces. Vous chargez de l'argent dans votre téléphone cellulaire et il est versé au compte du commerçant, de sorte que votre compte baisse et celui du commerçant grimpe. Ça se fait au Kenya et en Chine. Ils font le même genre de choses.
Personne n'a donc de plastique; personne n'a de compte bancaire. Vient d'apparaître un tout nouveau concurrent, très novateur, à partir du téléphone cellulaire, face aux cartes de crédit.
Cela va-t-il se produire en Amérique du Nord? Tout à fait. La seule question qui se pose, c'est quand?