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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1805)  

[Traduction]

    Merci et bonjour au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. Nous entamons notre 35e séance pour étudier les trains à grande vitesse au Canada.
    Je vais présenter les gens et je demanderai par la suite à M. Kelly de prendre la parole. Il doit partir à 18 h 30, alors j'aimerais qu'il fasse son exposé, qui sera suivi d'une brève période de questions. Nous poursuivrons ensuite avec nos autres invités qui feront leurs exposés, suivis d'une période de questions, si cela vous convient.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Frank Graves, président de EKOS Research Associates, M. Charles Kelly, président du Cascadia Institute et MM. William Cruickshank et John Chaput de la société Alberta High-Speed Rail. Soyez les bienvenus.
    Monsieur Kelly, veuillez faire une brève introduction. Nous passerons ensuite aux questions et tenterons de vous laisser partir à 18 h 30.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier les membres du comité de m'avoir invité à présenter un exposé sur le train à grande vitesse dans le couloir Cascadia.
    Je suis président de Cascadia Institute, un centre d'études et de recherche sans but lucratif qui ne fait pas qu'étudier, mais qui agit aussi. Nous sommes impliqués dans toutes les questions relatives au transport des voyageurs par chemin de fer dans le Nord-Ouest des États-Unis et en Colombie-Britannique depuis 1992 environ. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les représentants fédéraux et les représentants des États afin d'amener le premier train de passagers à Vancouver en 1994. Nous traitons de ces questions depuis un bon moment.
    Nous avons environ 10 minutes, et j'ai trois objectifs. Premièrement, je vais vous demander d'étudier, en qualité de membres du comité et de parlementaires mêlés au débat public sur les trains à grande vitesse, la possibilité d'inclure dans le paradigme la notion de train à grande vitesse dans le couloir Cascadia.
    Malheureusement, le débat et les discussions menés au niveau national concernant le train à grande vitesse sont monopolisés par le corridor Windsor-Québec depuis près de 40 ans. Récemment, nous avons commencé à entendre parler du couloir Calgary-Edmonton. Notre couloir est un couloir de train à grande vitesse, désigné par le président Obama comme l'un des 11 couloirs prioritaires pour les mesures fédérales de stimulation économique ainsi que pour la perspective nord-américaine élargie du train à grande vitesse.
    Du point de vue de l'interdépendance, de ce qu'elle signifie pour le Canada et de ce qu'elle représente sur le plan d'une vision nord-américaine, et étant donné la façon dont nous relions les initiatives de train à grande vitesse de l'Est du Canada aux noeuds ferroviaires à l'intérieur des États-Unis — que ce soit New York, Détroit ou Chicago — notre réseau est en fait l'autre réseau majeur qui établit une connexion avec les États-Unis et aussi avec les intérêts des États-Unis. Je pense qu'il est extrêmement important, dans le contexte d'une vision déterminante de l'Amérique du Nord, que vous ajoutiez à vos discussions le couloir pour les trains à grande vitesse Cascadia.
    Deuxièmement, j'aimerais vous donner un aperçu de ce qu'est aujourd'hui le transport des voyageurs par trains à grande vitesse dans les grandes villes du couloir Cascadia.
    Troisièmement, j'aimerais proposer un plan de travail des initiatives clés qui sont importantes pour mettre en place un service de train à grand vitesse et pour s'occuper des investissements supplémentaires nécessaires à l'amélioration du service ferroviaire sur la côte Ouest.
    Brièvement, le Canada — la Colombie-Britannique et Vancouver en particulier — ont reçu le transport ferroviaire des voyageurs en cadeau des contribuables de l'État de Washington. Cet État, après avoir inauguré le train en 1994 et au cours de la période qui a suivi jusqu'en 1999, a pris la décision de se tourner vers les trains Talgo et de renommer le service ferroviaire Amtrak Cascades.
    Au cours de cette période, l'État de Washington a investi environ un milliard de dollars dans l'achat de trains, l'amélioration des voies ferrées, l'octroi de subventions pour les opérations et la commercialisation du service ferroviaire. Nous, les Canadiens et les Britanno-Colombiens, sommes les bénéficiaires de cette générosité, ayant reçu en cadeau un service de transport ferroviaire des passagers qui a été payé, au fond, par les contribuables de l'État de Washington.
    Pourquoi ont-ils fait cela? Il y a eu un fort consensus chez les trois gouverneurs depuis cette époque: les gouverneurs Booth, Locke et maintenant, Gregoire. Ce consensus important et bipartite veut que, dans l'État de Washington, le train joue un rôle essentiel et primordial le long du couloir de l'autoroute I-5 et en bordure de la ligne Burlington Northern. Dans l'État de Washington, 90 p. 100 de la population habite à moins de 15 milles du couloir de la I-5, ce qui représente 3,8 millions de personnes. Ils ne peuvent se permettre d'avoir 12 voies sur l'autoroute, comme sur la 401; ils sont pris avec ce couloir qui passe au centre des villes côtières.
    Dans l'État de Washington, la congestion est vraiment stupéfiante. Le coût estimé, en temps et en argent, est d'environ 300 000 heures par jour, ce qui représente plusieurs milliards de dollars.

  (1810)  

    Ils ont poursuivi leur investissement et, heureusement, l'État de Washington a décidé d'ajouter un deuxième train à Vancouver. Il y a maintenant quatre départs, ce qui signifie que l'on peut maintenant faire l'aller-retour entre Vancouver et Seattle. Ils ont en outre décidé de faire partir quatre trains plutôt que deux de Portland.
    Fait important à noter, Washington faisait partie d'une poignée d'États qui étaient prêts lorsque l'investissement de stimulation économique a été affecté et qui ont pu déposer une demande parce qu'ils venaient de terminer leur étude de mi-parcours sur un investissement supplémentaire de 800 millions de dollars dans le train à grande vitesse de transport interurbain dans ce corridor. Ils possédaient donc de l'expérience dans la gestion de projets d'une valeur d'un milliard de dollars et étaient maintenant disposés à investir 800 millions de dollars de plus. Ils étaient donc prêts lorsque l'investissement de stimulation économique est arrivé.
    Satisfaisant aux critères d'admissibilité, ils ont présenté une demande de 1,3 milliard de dollars. Sachez que leurs chances de réussites sont fort élevées dans le cadre du premier volet d'investissements, celui de 435 millions de dollars, non seulement parce qu'ils se sont bien préparés, mais aussi en raison de la réalité politique. Et je vous demanderais, en tant que politiciens, de considérer la réalité politique nord-américaine du rôle prépondérant que joue Patty Murray, présidente du sous-comité de l'énergie et des transports du comité des affectations du Sénat américain. Cinquième membre dans la hiérarchie du Parti démocrate au sein de ce comité, elle a beaucoup d'influence. Je crois que lorsque vient le temps de prendre une décision, peu importe quelles sont les recommandations de la Federal Railroad Administration, c'est le comité des affectations qui décide vraiment où ira l'argent. Je crois donc qu'elle jouera un rôle considérable.
    En ce qui concerne la demande soumise dans le cadre du deuxième volet... Permettez-moi de changer de sujet. Quand ils ont choisi le train Talgo, ils voulaient satisfaire aux critères relatifs aux trains à grande vitesse aux États-Unis, qui exige que le véhicule atteigne 110 milles à l'heure. Voilà pourquoi ils ont choisi le train Talgo: il avait la capacité d'atteindre cette vitesse. Il est également clair qu'il faut mettre en place un corridor ferroviaire à haute vitesse, et l'État de Washington s'y emploie. Comme c'est le cas en Californie, il est impossible de construire une voie ferrée à haute vitesse le long de la voie nord de Burlington, qui longe la côte dans l'État de Washington. Il serait toutefois possible d'établir un corridor à environ 60 milles à l'est du corridor I-5, le long de la chaîne des Cascades. Ils ont l'intention de lancer le processus de planification et ont d'ailleurs affecté 10 millions de dollars à cet égard dans la demande qu'ils ont présentée dans le deuxième volet.
    Il s'agit d'une démarche cruciale, car elle change la manière d'envisager la mise en place du train à haute vitesse au Canada, car le parcours traverserait la frontière Canada-États-Unis à Sumas pour se connecter à Abbotsford afin d'atteindre Vancouver en empruntant les voies du Canadien Pacifique. Ce serait le parcours choisi. Nous n'avons pas vraiment réalisé beaucoup d'études à cet égard. Je crois qu'il est essentiel que le Canada, la Colombie-Britannique et les autres parties intéressées se joignent à la table et planifient ensemble ce corridor de train à haute vitesse. Pour y parvenir, il faudra affecter des ressources dans un environnement binational.
    Je vous demande donc d'y réfléchir. Lorsque vous aurez ma présentation — qui sera traduite et diffusée —, vous y trouverez une diapositive présentant la demande de 10 millions de dollars. Nous devons adopter nous aussi cette approche, sans aller jusqu'à investir 10 millions de dollars, puisque notre contribution serait probablement de 1 ou 2 millions de dollars, montant qui nous permettrait de nous asseoir à table pour déterminer ce que nous devons faire. Mais je crois qu'il est essentiel pour l'intérêt du Canada en Amérique du Nord d'agir et de faire partie du processus dès le tout début. Nos amis américains ont besoin de nous pour montrer que ce corridor se rend jusqu'à Vancouver, parce que le train à grande vitesse ne verra pas le jour aux États-Unis à moins que le Canada ne soit un partenaire à part entière des États de Washington et de l'Oregon pour faire de ce projet une réalité. Je vous demande donc de réfléchir à la question.

  (1815)  

    Pour faire suite à ce cadeau, car c'est bien d'un cadeau qu'il s'agit, il est maintenant temps que le Canada agisse et règle les questions relatives à l'accélération du transport ferroviaire au Canada. Par exemple, l'investissement de 1,3 milliard de dollars fait une différence de 10 minutes, principalement à destination de Seattle et Portland. Le train qui part de Seattle à destination de Vancouver accuse des retards imprévisibles en raison de problèmes de prédédouanement à la frontière. Il faudra donc apporter moult améliorations sur ce parcours pour permettre le passage de trains à grande vitesse, et investir dans la réglementation et la voie ferrée pour accélérer le service ferroviaire existant. En outre, le Canada est propriétaire du pont tournant de New Westminster, une structure vieille de 102 ans qui devra être remplacée. L'accélération du transport ferroviaire fera l'objet d'un débat et d'un investissement important et nécessaire pendant au moins 10 à 15 ans.
    Les trains se déplacent à environ 17 milles à l'heure dans une bonne partie de Vancouver. Or, il faut qu'ils atteignent au moins 40 milles à l'heure si l'on veut commencer à vraiment améliorer le service.
    Ce qui est différent au sujet de l'environnement de la chaîne des Cascades, c'est la part d'investissement. Les Américains ont dépensé 1 milliard de dollars et vont doubler cet investissement, alors que notre contribution jusqu'à maintenant est d'environ 3 millions de dollars. C'est ce que la province de Colombie-Britannique a dépensé pour une voie d'évitement de Colebrook.
    L'avantage de cette proposition, c'est que nous couvrirons moins de 10 p. 100 du coût de ce corridor ferroviaire à haute vitesse. Il est de notre intérêt économique de bénéficier d'un meilleur lien ferroviaire nord-sud, que ce soit pour le transport du fret ou de voyageurs. Nous assumerons moins de 10 p. 100 des coûts, et les Américains, 90 p. 100.
    C'est là une occasion unique qui s'offre au Canada, particulièrement en Colombie-Britannique. Nos échanges commerciaux avec l'État de Washington s'élèvent à 10 milliards de dollars; cet État est d'ailleurs le deuxième partenaire commercial de la Colombie-Britannique. Le train à grande vitesse revêt un grand intérêt à l'échelle régionale et aurait un effet multiplicateur dans les économies dynamiques de Seattle et Portland. Le projet a donc de nombreux avantages.
    Permettez-moi de passer au programme, car je sais que le temps file.
    L'un des éléments les plus importants de ce programme actuellement, c'est le marketing du deuxième train. Malheureusement, pour je ne sais quelle raison, le gouvernement du Canada semblait réticent à adopter une politique d'utilisateur-payeur pour les services de douanes et d'immigration, ce qui a retardé ce projet d'un an.
    On a donc proposé de lancer un projet pilote pour faire la démonstration du projet et recueillir des données afin de voir s'il est justifié que le gouvernement du Canada couvre le coût de douanes et d'immigration.
    L'ennui, c'est que cette décision devrait être prise un peu avant ou après les Jeux olympiques. Je demanderais aux membres du comité d'en discuter entre eux et de faire comprendre au gouvernement que cette situation décourage les grandes entreprises d'investir dans des initiatives de marketing afin d'inciter les voyageurs à choisir cette destination, car elles prennent la plupart de leurs décisions d'affaires en novembre et en décembre pour l'année suivante. Ces entreprises ne sont pas prêtes investir en marketing, car on ne sait toujours pas s'il y aura un deuxième train.
    Je crois que nous savons tous qu'on se raconte des histoires ici. Maintenant que l'État de Washington a acheté le train et que le service ferroviaire est assuré pour les Jeux Olympiques, le gouvernement du Canada ne pourra jamais tenter d'imposer un tarif de douane et d'immigration à ces trains sans soulever un tollé. C'est pratiquement impossible du point de vue politique.
    Il faudra éventuellement tenir une discussion rationnelle sur les réalités politiques et économiques de notre région. Nous devons aller de l'avant et rassurer le secteur privé pour l'inciter à effectuer des investissements maintenant pour que nous puissions récolter les avantages économiques découlant du tourisme et de l'emploi au Canada cet été. Je vous demande de réfléchir à cette question.
    Sachez que le gouverneur et le premier ministre ont établi un plan d'action où figure le train à grande vitesse.

  (1820)  

    Il faut que le gouvernement du Canada s'assoit à table, planifie des investissements supplémentaires et règle la question du pont et les autres problèmes afin d'encourager la mise en oeuvre du train à grande vitesse et l'accélération du transport ferroviaire, ainsi que les investissements que doivent effectuer le Canada et la Colombie-Britannique pour concrétiser ce projet.
    Vous verrez lorsque vous obtiendrez le rapport. Je vous ferai grâce des détails, mais il y a beaucoup de pain sur la planche. La population de la Colombie-Britannique appuie massivement le projet. Les maires et les parties intéressées travaillent main dans la main. Ce projet n'a rien de partisan, ni dans la méthode, ni dans la conception, ni dans la forme. Il vise à établir une meilleure relation en Amérique du Nord. En réalité, je crois que nous pouvons intervenir pour aider le corridor central du Canada, car nous réalisé des projets de démonstration très novateurs pour régler les problèmes de prédédouanement à la frontière.
    Nous avons mis en place le service CANPASS, puis NEXUS. Les projets mis en oeuvre à l'aéroport international de Vancouver ont permis d'implanter un processus de prédédouanement et ont débouché sur ces initiatives. Nous devons faire la même chose dans le domaine du transport ferroviaire.
    Selon moi, l'avantage, c'est que la portée du projet convient mieux à Seattle qu'à New York ou à Chicago; c'est d'ailleurs pourquoi nous pouvons agir aussi efficacement. Il faut également tenir compte du fait que c'est un projet que les Américains souhaitent réaliser. Ils sont favorables au prédédouanement et veulent faire du train de voyageurs une réussite. Nous devons profiter de l'occasion. Il ne faut pas tant relâcher la vigilance à la frontière que trouver des solutions novatrices — pour sceller les trains et assurer le prédédouanement — pour que tout fonctionne rondement et que les trains traversent la frontière avec le moins de délais possible, tout en tenant compte des préoccupations légitimes en matière de sécurité.
    Je m'en tiendrai là. J'ai probablement dépassé les 10 minutes qui m'étaient accordées. Je crois que cela vous laisse une sorte de cadre.
    J'aimerais terminer en soulignant à quel point il importe d'élargir ce débat du centre du Canada et de l'Alberta à la Colombie-Britannique, à Washington et à l'Oregon. En effet, il se passe beaucoup de choses, et je crois que cela aide votre cause. On ne peut pas parler d'investir des milliards de dollars dans l'Est canadien sans avoir un point de référence concret de l'autre côté des montagnes.
    Je vous remercie beaucoup.

  (1825)  

    Merci, monsieur Kelly.
    Je demanderais maintenant au comité ce qu'il souhaite faire. Il nous reste cinq minutes avant le départ de M. Kellym ce qui ne laisse place qu'à une seule question. Voulez-vous continuer avec la liste des intervenants ou préférez-vous poser des questions pendant cinq minutes?
    Vous voulez y aller rapidement et intervenir une minute chacun.
    Monsieur le président, si vous me permettez, nous devrions parler une minute chacun.
    Bien sûr. Allez-y.
    Par courtoisie envers M. Kelly, j'utiliserai ma première minute pour simplement le remercier d'être venu témoigner et d'avoir mis en lumière un élément que nous n'avions pas envisagé jusqu'à présent. Cet élément fait comprendre que le concept du train à grande vitesse dépasse les paramètres que nous avons nous-mêmes établis. Je suis impatient de consulter la présentation qu'il vous a remise pour la faire traduire. C'est un concept intéressant, puisqu'il y est également question de coordonner le réseau ferroviaire à haute vitesse pour toute l'Amérique du Nord, comme les Européens l'ont fait pour les réseaux des divers pays.
    Je tiens donc à le remercier, du moins de la part des députés de notre parti, d'avoir comparu et de nous avoir fait profiter de son expertise et de son expérience.
    Merci, Joe.
    Nous passons à M. Laframboise.

[Français]

    Monsieur Kelly, je vous remercie beaucoup de votre présence.
    J'ai une seule question. Vous avez mentionné que, en ce qui a trait au dédouanement, tout ne sera pas prêt pour les Jeux olympiques. Vous ai-je bien entendu?

[Traduction]

    Non. La question concerne un deuxième train. Sans la tenue des Jeux olympiques pour exercer une certaine pression, nous n'aurions toujours pas de deuxième train. Ce train, acheté et payé par les contribuables de l'État de Washington, double la capacité du service ferroviaire voyageur de Vancouver le long de ce corridor.
    Deux problèmes distincts se posent ici. Il y a d'abord le deuxième train, dont il faut faire la promotion et qui doit rester en service pour bâtir une clientèle et encourager la population à abandonner la voiture au profit du transport ferroviaire. Il faut ensuite voir comment nous pouvons accélérer le train sur ce parcours. Or, le temps de service est toujours incertain en raison du passage à la frontière.
    Il y a deux obstacles de taille. Tout d'abord, on ignore si le Canada est prêt à effectuer les investissements nécessaires en infrastructures pour être un partenaire à part entière de l'État de Washington. Jusqu'à présent, nous ne l'avons pas été, nous contentant de recevoir les trains en cadeau des contribuables de cet État. Nous devons devenir des partenaires à part entière. À cet égard, l'une des principales difficultés, c'est que le passage à la frontière peut prendre entre 15 minutes et 1 heure, dépendamment du nombre de passagers et de ce qui se passe à la frontière ce jour-là. Ces facteurs constituent un gros problème au point de vue du service.
    Il y a bien d'autres éléments qui entrent en jeu. Le pont rotatif qui enjambe le Fraser est vieux de 102 ans, et les barges y ont la priorité de passage. Si une barge descend le fleuve, le train doit arrêter, car elle a la priorité et peut passer en premier, pendant qu'il attend. Or, il est impossible de prévoir quand les barges vont passer, car elles sont protégées par leur droit de passage.
    Nous avons donc deux options. On peut construire un pont plus élevé ou un tunnel. Si on veut un pont surélevé, le coût devrait être de 800 millions de dollars, alors que la construction d'un tunnel est d'environ 1 milliard de dollars. Transports Canada envisage une solution judicieuse qui lui permettrait de faire une pierre deux coups. Comme on prévoit la construction du pont Pattullo au-dessus le fleuve Fraser, ne pourrait-on pas réaliser des économies d'échelle en y faisant passer le train et les voitures?
    Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un processus complexe sur le plan du transport ferroviaire. Il faudra effectuer une étude sérieuse à ce sujet. Si on veut surélever le pont, il faut prévoir des travaux sur une distance d'un mille de chaque côté et entreprendre diverses démarches, comme des échanges de terrains.

  (1830)  

    Monsieur Bevington, nous vous permettons de poser une brève question. M. Kelly doit partir dans environ trois minutes, après quoi nous reviendrons à nos autres invités.
    Monsieur Kelly, merci de nous accorder le peu de temps dont vous disposez.
    Lorsque nous nous sommes rendus aux États-Unis pour effectuer une étude à ce sujet, nous avons eu l'impression que les Américains n'étaient pas intéressés tant par le train à grande vitesse que par l'accélération du trafic ferroviaire dans ce corridor. Au final, se contenta-t-on d'augmenter graduellement la vitesse des trains au lieu de mettre en service un train filant à 150 milles à l'heure?
    Non, ce sera les deux, car l'un n'exclut pas l'autre. On continuera d'améliorer graduellement le service existant pour que les trains atteignent 110 milles à l'heure. Je crois que c'est la vitesse que l'on veut atteindre pour pouvoir faire le voyage en trois heures. Oui, c'est là l'objectif.
    Ensuite, la volonté et les dirigeants politiques de l'État de Washington, de l'Oregon et de nombreuses instances de Colombie-Britannique veulent mettre en place un autre corridor à haute vitesse. Le cadre de planification s'inspire beaucoup de la façon de penser de la Californie, qui considère qu'il est impossible d'utiliser le corridor existant pour le transport à grande vitesse et qu'il faut en construire un nouveau en direction de l'Est.
    Il s'agit d'une vision à long terme au chapitre du génie, de l'acquisition des terres et des études environnementales. Pendant que la planification suit son cours, nous devons collaborer avec nos collègues américains pour déterminer quelles seront les répercussions pour le Canada, car les Américains n'y penseront même pas à moins que nous soyons à la table.
    Il s'agit d'un dossier très important sur le plan de la politique étrangère Canada-États-Unis et du développement économique régional. Nous avons là une occasion de nouer un bien meilleur partenariat avec nos voisins et amis du Sud et de défendre nos intérêts économiques.
    Monsieur Mayes, vous disposez d'une minute.
    Je serai très bref, monsieur le président.
    Très souvent, les voyageurs qui empruntent le train à grande vitesse pour aller du point A au point B le font dans le cadre de leur travail. Or, le service qui nous intéresse ici s'adresserait en fin de compte aux touristes qui voyagent entre les États-Unis et la région continentale.
    Étant originaire de Colombie-Britannique, je connais votre situation. C'est un investissement considérable pour des voyages touristiques, si l'on songe aux excellents services aériens offerts entre Seattle et Vancouver. Avez-vous cherché à analyser le profil des voyageurs et l'achalandage? Il y a aussi la question de l'exode. Actuellement, nous savons que les bateaux de croisière se rendent à Seattle parce que le prix d'un billet d'avion y est 300 $ de moins qu'à Vancouver. Allons-nous assister à un exode des habitants de la région continentale, qui emprunteront le train à grande vitesse pour aller prendre l'avion aux États-Unis?
    Il y a plusieurs questions auxquelles je dois répondre. Une des raisons pour lesquelles le projet était si axé sur le tourisme, c'est qu'il n'y avait qu'un seul train. On ne pouvait effectuer l'aller-retour en une seule journée. De plus, le temps de service n'est respecté que 60 p. 100 du temps, alors que la norme est d'environ de 90 p. 100. Le service n'est donc pas particulièrement fiable.
    L'investissement supplémentaire d'un milliard de dollars permet de faire passer ce pourcentage de 60 à 90 p. 100. La différence avec la mise en service de deux trains, c'est que l'on offre quatre départs. Les législateurs — les dirigeants politiques de l'État de Washington — considèrent qu'il devrait y avoir trois trains à destination de Vancouver, ce qui permettrait d'offrir six départs. On commence ainsi à pouvoir desservir la clientèle d'affaires. Ce train ne s'adresse pas qu'aux touristes. C'est le cas actuellement, mais d'ici 10 à 15 ans, nous pourrions augmenter la clientèle du transport ferroviaire et diminuer d'autant le nombre de voitures sur les routes. Je crois que c'est une démarche qui fonctionne très bien au Canada. Nous pouvons prévoir un arrêt à Surrey et commencer à intégrer cet arrêt dans notre réseau ferroviaire interurbain.
    En ce qui concerne la grande question des bateaux de croisière, le problème vient en partie de notre manque d'ouverture. Si les touristes peuvent emprunter l'avion jusqu'à Seattle pour prendre le train et ainsi voyager dans deux pays, on peut faire valoir que l'inverse est aussi avantageux. Le problème avec cette solution, c'est que l'on n'est jamais certain du temps qu'il faut pour traverser la frontière. Si on peut régler ce problème, nous pourrions nous rapproprier une partie de cette clientèle et rendre cette solution plus... De nombreux voyageurs préféreraient partir de Vancouver, ne serait-ce du problème du coût et de la frontière.
    Le durcissement des mesures à la frontière est probablement le principal facteur déterminant qui décourage les Américains de venir et qui fait que les bateaux de croisière préfèrent accoster aux États-Unis plutôt qu'au Canada. Je crois que nous pouvons régler le problème de la frontière, puisque les dirigeants politiques américains veulent que le train de voyageurs voit le jour.

  (1835)  

    D'accord. Je vous remercie, monsieur Kelly. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous laissons la parole à M. Graves pour 10 minutes. Allez-y.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner.
    Je vous remercie beaucoup. C'est avec grand plaisir que je témoigne aujourd'hui.
    Je vais m'efforcer de vous donner très rapidement un aperçu de la situation. Contrairement aux analyses techniques et économiques que vous recueillez, je ferai d'avantage un survol de l'opinion publique sur ce projet.
    Je voulais profiter de l'occasion pour réunir des données afin de voir si le public était favorable ou non au train à grande vitesse. Si nous voulons procéder ainsi, c'est que, de toute évidence, si on veut aller de l'avant et peut-être prendre des décisions sur l'issue du projet, nous devons consulter le public, les consommateurs qui, au bout du compte, paieront une bonne partie de la facture. Il est inimaginable qu'un projet de cette ampleur puisse se réaliser sans appui politique, lequel doit lui-même bénéficier d'un solide soutien du public. Je voulais donc voir ce qu'il en était. Nous avons interrogé dernièrement un échantillon aléatoire d'environ 1 650 ménages canadiens. Ce sondage, réalisé il y a une semaine, est très récent, et c'est l'un de ses avantages. Il permet de mettre à jour les données en adoptant une vue d'ensemble. Nous disposons d'une foule de renseignements détaillés sur les questions économiques, technologiques et environnementales, mais n'avons pas de tableau d'ensemble de l'opinion publique.
    Je voulais tout d'abord déterminer le niveau de sensibilisation ou de connaissance de base. À quoi bon étudier l'opinion publique lorsque la population ne connaît pas grand chose au sujet, puisque ce niveau de connaissance est appelé à évoluer considérablement? Nous voulions savoir si le public possédait des connaissances fondamentales sur la question et avons donc évalué, avec quelques indicateurs de base, l'étendue de ces connaissances.
    Nous avons été étonnés de découvrir que la vaste majorité des répondants ont affirmé comprendre clairement ou bien connaître le dossier du train à grande vitesse. Dans certains cas, ces affirmations étaient exagérées. Mais nous avons posé quelques questions supplémentaires pour évaluer ces connaissances, sur le carburant et la vitesse de ces trains, par exemple, et il semble qu'une très grande majorité du public ne fait pas que prétendre connaître la question, mais comprend très bien ce dont il est question.
    Il est intéressant de constater qu'il existe une corrélation entre les connaissances que l'on possède sur le train à grande vitesse et le soutien que l'on y accorde. Autrement dit, plus les gens en savent à ce sujet et y réfléchissent, plus ils semblent considérer qu'il s'agit d'une bonne idée. C'est d'ailleurs un thème auquel nous reviendrons.
    Nous avons dégagé d'autres tendances courantes. Nous avons notamment découvert que les personnes qui connaissent le mieux le train à grande vitesse tendent à être celles qui restent sur le trajet des corridors prévus, ainsi que les voyageurs et les personnes jouissant d'un statut socioéconomique élevé — bref, les citoyens gagnant un revenu plus élevé et ayant une éducation supérieure qui participent davantage au débat public et exercent une plus grande influence.
    Sans entrer dans les détails, j'aimerais vous expliquer ce que nous avons fait dans le cadre de cette étude. Nous avons d'abord interrogé les répondants pour connaître leur niveau d'appui ou d'opposition, sans leur communiquer d'information ou en ne leur donnant que des renseignements de base. Ils répondaient donc en fonction des connaissances qu'ils possédaient déjà. Nous leur avons ensuite donné une série d'arguments positifs et négatifs sur le train à grande vitesse et donné un peu d'information qui leur permettrait de réfléchir à la question un peu plus en profondeur, et les avons interrogés sur leur soutien au début et à la fin du sondage. Nous avons ainsi pu voir si leur opinion changeait après un brin de réflexion. Il s'agissait d'une sorte de simulation de ce qui se passera si l'on tenait un véritable débat à ce sujet et des sortes de changements auxquels on pourrait s'attendre.
    Nous avons donc pu analyser l'anatomie du soutien, les types d'arguments qui trouvaient le meilleur écho, ceux qui tendaient à susciter l'appui du début à la fin du sondage et ceux qui tendaient à être moins importants.
    Je vous ferai grâce des détails, mais nous avons commencé par examiner divers arguments favorables au train à grande vitesse, et la plupart ont suscité beaucoup d'enthousiasme chez la très vaste majorité du public, contrairement aux critiques et aux arguments contre le train à grande vitesse, qui n'ont pas été particulièrement bien été accueillis et n'ont pas eu le même effet.
    En évaluant les arguments positifs, nous avons constaté que même si les gens étaient impressionnés par le fait que le projet aurait un impact environnemental important en réduisant les émissions de carbone et en diminuant le nombre de véhicules sur les routes, nous avons également découvert qu'ils considéraient que le projet aurait des répercussions favorables dans d'autres domaines, comme la sécurité publique, et contribuerait au renforcement du sentiment d'unité nationale.

  (1840)  

    Au sommet de la liste des arguments qui ont été de loin les mieux accueillis, qui restaient dans l'esprit des gens lorsqu'ils réfléchissaient à la question et qui étaient associés à leur niveau final d'appui ou d'opposition figurent les arguments d'ordre économique.
    Il s'agit notamment d'arguments économiques à court terme. Le public était sensible aux impacts économiques que pourraient avoir, par exemple, les dépenses substantielles qui seront effectuées, et nous leur avons rappelé que l'on investirait des milliards de dollars pour mettre en oeuvre un projet de cette envergure afin de leur faire comprendre que le projet aurait des avantages directs et indirects considérables au pays. Les répondants ont toutefois été davantage impressionnés par les retombées économiques à long terme découlant de la construction de nouvelles infrastructures qui permettraient de se déplacer plus rapidement et plus proprement au pays. En fait, même si nous n'en avons pas expressément parlé dans le cadre de cette enquête—comme nous l'avons fait récemment dans des sondages connexes—, je crois que le public appuierait également l'idée que ce projet favorise une meilleure intégration de l'économie de la partie supérieure d'Amérique du Nord.
    En ce qui concerne les arguments défavorables, ce n'est pas tant que les répondants étaient opposés au projet qu'ils ne se sentaient pas être concernés, n'étaient pas certains que le projet se réaliserait ou pensaient qu'il vaudrait peut-être mieux affecter cette somme substantielle d'argent à autre chose. Dans presque tous les cas, cependant, il y avait plus de gens en désaccord qu'en accord avec les propositions.
    Le facteur qui semblait être le plus lié à ce qui n'est pas tant une opposition qu'une diminution d'enthousiasme est l'impression de justice économique politique: ce projet profitera-t-il à ma région du pays ou à moi-même? Fait intéressant à noter, nous avons utilisé des codes pour distinguer ceux qui résideraient dans les corridors immédiats de ce qui serait considéré comme le trajet du projet s'il se réalise, et même parmi les répondants qui ne restaient pas dans ces corridors, la majorité claire appuyait la réalisation du projet.
    On a toutefois remarqué une sorte de scepticisme, et ce serait là le principal point faible sur le plan de la mise en oeuvre. Les répondants semblaient avoir l'impression de préparer leurs bagages pour un voyage qui n'aurait jamais lieu. Ils entendent parler du projet de train à grande vitesse depuis longtemps et se demandent s'il s'agit d'une chimère. Ils trouvent que c'est une bonne idée, mais qu'on devrait leur en reparler une fois le projet en route.
    Certains avaient également l'impression que nous serions à la remorque de nos grands partenaires commerciaux, car nous n'avons pas les infrastructures nécessaires au Canada. Ils semblaient considérer qu'un bon nombre de nos partenaires commerciaux du monde occidental développé possédaient déjà de tels réseaux, lesquels sont de plus en plus intégrés à la trame de leurs économies.
    Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Le rapport est en cours de traduction et vous sera remis dans cinq jours, je crois. Je vous encourage à le lire. Pour vous donner une idée de la force des opinions enregistrées lors du sondage, on a noté, en posant les questions initiales sur le train à grande vitesse, que 6 p. 100 des Canadiens y étaient opposés et que 90 p. 100 qui y étaient favorables. La catégorie des personnes fortement en faveur du projet est de loin la plus importante, avec près des deux tiers des répondants.
    Nous avons poursuivi le sondage et rappelé aux répondants quels seraient les coûts et les aspects négatifs du projet, et nous leur avons posé la même question à la fin du sondage. Or, nous avons constaté que le soutien ferme était passé de 62 à 49 p. 100, et que la plupart des gens qui avaient changé d'opinion se retrouvent dans la colonne de 37 p. 100. En fait, le petit nombre de personnes opposées au projet n'a pas augmenté du tout et est resté le même. Il semble donc que le projet ne semble pas susciter d'opposition réelle, ferme et inébranlable, et qu'un très grand nombre de Canadiens considèrent qu'il s'agit d'une excellente idée.
    Lorsque nous avons demandé au public qui paierait la facture, il semblait pencher en faveur d'un partenariat public-privé, une idée qui gagne en popularité au sein de la population. Les gens ont constaté que l'on a recouru avec succès à ces partenariats dans de nombreux projets d'infrastructure que le gouvernement aurait auparavant réalisés seul. C'est l'aspect qui a reçu, et de loin, l'appui le plus fort.
    Fait intéressant, lorsqu'on demandait aux répondants si le financement devrait relever du secteur privé ou public et de déterminer l'ordre de gouvernement qui devrait en être responsable, ils semblaient considérer que le gouvernement devrait initialement s'en charger. Je ne crois pas que cela signifie que le public veuille que le gouvernement dirige l'initiative ou construise le réseau ferroviaire à grande vitesse. Il considère qu'en fait, le projet serait probablement réalisé plus efficacement par le secteur privé, mais il veut que ce soit le gouvernement qui supervise l'investissement. Il comprend qu'au bout du compte, le secteur privé ne peut assumer seul le financement.

  (1845)  

    Il faudrait peut-être s'adresser à M. Buffet; il vient juste d'investir 27 milliards de dollars dans une compagnie ferroviaire.
    Nous avons également constaté que lorsqu'on interroge les répondants sur la viabilité à long terme du projet, ils reconnaissaient de façon réaliste que même une fois en place, le réseau devrait faire l'objet de financement public permanent. Presque les deux tiers des répondants ne croyaient pas qu'il parviendrait à être neutre sur le plan des recettes, mais considéraient que ce fait serait plus que compensé par les autres avantages économiques de cette infrastructure au Canada.
    Près des deux tiers des Canadiens ont affirmé qu'il serait beaucoup plus probable qu'ils adoptent le train comme moyen de transport. Le recrutement au profit du train à grande vitesse était particulièrement élevé chez ceux qui voyagent actuellement en avion et en train et les citoyens un peu mieux nantis et instruits. Mais l'intérêt était indéniable chez ceux qui voyagent en autobus, même s'il était plus faible chez les conducteurs de voiture, qui étaient les moins susceptibles d'adopter le train comme moyen de transport.
    Je terminerai en disant que nous avons trouvé que c'est une idée où les arguments positifs éclipsent les arguments négatifs, et ce, par une marge évidente. Les arguments favorables les plus percutants sont ceux qui concernent les retombées économiques à court et long terme, puis les avantages environnementaux. Les arguments négatifs ont reçu une cote bien moins élevée que les arguments favorables, avec en tête de liste les questions relatives à la justice intrinsèque et une impression de scepticisme attribuable au fait que les répondants se demandent pourquoi cette bonne idée, dont ils ont déjà entendu parler, ne s'est pas encore concrétisée. Le public comprend que la réalisation du projet exigera une intervention du gouvernement et d'importants investissements de fonds publics, et préférerait que tous les ordres de gouvernement s'impliquent. Mais s'ils sont obligés de choisir, les répondants souhaitent que le gouvernement fédéral dirige le dossier. C'était, soit dit en passant, particulièrement le cas au Québec.
    Je simplifie ce qui était au départ une analyse simple. Si l'on compare le projet à d'autres initiatives que nous avons examinées — et sachez que nous réalisons des études depuis 30 ans sur toutes sortes d'initiatives de politique publique —, je n'ai jamais vu de projet qui bénéficient d'un appui aussi favorable. À l'heure actuelle, c'est ce que je vois de plus positif. Le public n'y voit que du bon et considère que c'est une excellente idée, se demandant simplement pourquoi le projet n'a pas encore été réalisé.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup.
    Vous avez la parole, monsieur Cruickshank.
    Merci, monsieur le président, de nous donner cette merveilleuse occasion de venir témoigner devant vous.
    Notre compagnie, Alberta High-Speed Rail, est une compagnie privée financée par des investisseurs canadiens de l'Ouest. Notre objectif ultime est d'être l'exploitant du réseau de chemin de fer. Notre groupe de gestion est composé de moi... J'ai travaillé pour une banque canadienne pendant 29 ans et ai oeuvré dans le domaine des services bancaires commerciaux pendant 17 ans. Je pense en savoir pas mal au sujet de l'argent et de l'addition de montants.
    Notre effectif compte trois ingénieurs. John Chaput a environ 29 ans d'expérience acquise dans le réseau de transport en commun de Calgary et il a travaillé sur le train léger sur rail le TLR. Il est ingénieur mécanique. Ralph Garrett est un ingénieur en infrastructure qui a travaillé en Australie et au Labrador. Il a travaillé sur les projets de TLR de Calgary et a dirigé les opérations. Frank Der est un ingénieur électrique qui a une vaste expérience en matière de TLR et d'électrotechnique relativement à toutes sortes de systèmes.
    Notre vision est de créer une région économique qui compte aujourd'hui environ 2,6 millions de personnes, et comme nous élaborons un projet pour les 50 à 100 prochaines années, ce chiffre augmentera à 5 à 10 millions de personnes avec les générations futures. Nous pensons qu'il faut construire avant le virage plutôt qu'après, et nous avons l'occasion de construire ceci tandis qu'il n'est pas encore trop difficile de traverser les régions rurales et les villes.
    Notre idée, c'est de créer ce projet une fois seulement, et le réaliser comme il faut. Pour cela, nous irons directement à une double voie électrifiée pour un train roulant à 300 kilomètres heure, sur un réseau entièrement consacré au transport de passagers, complètement clôturé en région rurale, avec tous les croisements de réseaux séparés en région rurale. Dans les villes, où les trains rouleront à moins grande vitesse, nous aurons quatre barrières à tous les passages à niveau, et il y aura des barrières pour empêcher les gens de se précipiter pour traverser les voies à l'approche d'un train. La sécurité est primordiale dans tout le réseau.
    Nous allons commencer à Calgary le long de la 9e avenue, où nous prévoyons une ou deux gares pour prendre les passagers du centre-ville. Dans les villes, nous roulerons sur les terres du CP, mais pas sur ses voies. La compagnie y est tout à fait réceptive. Donc, 19 p. 100 des voies seront sur ses terres. Nous suivrons les voies du CP vers le nord de la ville, où nous aurons une gare de banlieue. Nous continuerons vers le nord, au-delà de Airdrie, où nous passerons par-dessus les voies du CP, prendrons un virage vers l'est et traverserons le quart de section qui est à environ un mille à l'ouest de l'autoroute 2. Nous ferons un arrêt à Red Deer — qui a actuellement 100 000 habitants et qui prévoit augmenter à 400 000 habitants — pour une minute pour déposer et prendre des passagers.
    En reprenant vers le nord, nous passerons à l'ouest de l'aéroport international d'Edmonton, sauterons au-dessus de l'autoroute 2 encore une fois pour rejoindre les voies du Canadien Pacifique au sud de la ville, où se trouveront des gares. Nous traverserons ensuite un pont en hauteur juste à côté de l'édifice de la législature. C'est là que se fera la correspondance avec le TLR d'Edmonton. Dans le sud, nous ferons le lien entre le train léger et les connexions intermodales, à quelques centaines de mètres. Nous aimerions traverser la gare du CN au centre d'Edmonton de telle sorte que si, dans les prochaines années, on veut agrandir le réseau vers le nord ou le sud, ce sera possible. Nous voulons construire l'épine dorsale du réseau, et les générations futures pourront y ajouter les membres.
    Nous cherchons une solution albertaine à un défi albertain. Le défi, c'est que quel que soit le mode de transport, l'avion ou la voiture, il faut trois heures pour aller d'Edmonton à Calgary. Nous avons fait plusieurs voyages sur l'autoroute, et notre journée consiste en six heures de route et trois heures de conduite dans Edmonton. Si on peut avoir un train à haute vitesse pour se rendre du centre-ville de Calgary au centre-ville d'Edmonton en 84 minutes, la journée consiste en six heures de temps productif et trois heures de voyage. Que ce temps productif soit employé à travailler, faire du jogging, jouer au golf, ou encore qu'il soit passé à la maison avec sa famille, c'est une amélioration de la qualité de vie et de la productivité. Nous voulons construire un réseau qui servira l'Alberta et le Canada ces 100 prochaines années.
    À bien regarder les deux villes, Edmonton et Calgary, elles sont comparables; elles sont le complément l'une de l'autre. Edmonton est l'entité législative et gouvernementale de la province, le bastion industriel qui dessert les industries pétrolières et gazières et l'Arctique, et tout le travail industriel et pratique pour les sables bitumineux se fait d'Edmonton.

  (1850)  

    Red Deer, au milieu, dessert les divisions industrielles de l'exploitation pétrolière et gazière ainsi que les collectivités agricoles rurales.
    Calgary est le foyer de quasiment tous les sièges sociaux des compagnies pétrolières du Canada. Toutes les grandes banques y ont leur siège, et tous les cabinets juridiques et autres bureaux de soutien sont à Calgary. La ville est devenue une plaque tournante importante du transport des grands magasins-entrepôts, et c'est là que se déroule une part considérable de l'activité de TI. Il se fait aussi à Edmonton des quantités phénoménales d'activités de recherche.
    En reliant les deux villes en 84 minutes, on crée une ville virtuelle. Nous avons rencontré, par exemple, un professeur d'université qui enseigne à l'Université de l'Alberta et qui pense qu'il pourrait y enseigner le matin, quitter l'université, prendre le train pour Calgary, déjeuner sur le train, être à l'Université de Calgary vers 14 heures, y enseigner dans l'après-midi et être revenu auprès de sa famille peu après 18 heures. C'est impossible de nos jours.
    Des grand-mères que je connais aimeraient beaucoup aller voir leurs petits-enfants pour Noël ou leur anniversaire. Elles les adorent, mais ne feront pas six heures de route; c'est tout simplement trop. Par contre, elles n'hésiteraient pas à sauter sur le train pour aller passer un après-midi avec eux, puis rentrer chez elles.
    Si vous regardez la croissance des deux villes, selon les projections du gouvernement de l'Alberta, elles vont toutes deux croître d'environ 1,5 million d'habitants ou plus d'ici à 2050, et les régions métropolitaines qu'elles recouvriront vont devenir énormes.
    Le principal lien, bien entendu, est l'autoroute Queen Elizabeth II, la QE2, ou l'autoroute 2, comme on l'appelle généralement, une route qui a été construite dans les années 1960. Elle a quatre voies. Elle est très droite et très rapide, mais tous ceux à qui on parle trouvent qu'elle devient congestionnée, et c'est aussi ce que nous constatons.
    Pour faire face à cette croissance, une étude d'évaluation du marché qu'a faite le gouvernement de l'Alberta en juillet — et la presse a manqué cet aspect particulier — a porté sur la croissance des modes de transport alternatifs, soit l'avion, l'autobus et la route. La route est le mode le plus utilisé. Actuellement, d'après une étude de la circulation sur l'autoroute 2, il y a 47 millions de voyages en voiture sur cette autoroute chaque année. Ce peut être des gens comme vous et moi, qui couvrent toute la distance de 300 kilomètres ou encore qui font 3 milles entre le domicile et le travail, et qui n'empruntent l'autoroute 2 que pour parcourir de courtes distances. On prévoit que dans 25 ans, ce sera 100 millions de voyages, et d'ici à 2050, près de 150 millions de voyages sur ce qui est aujourd'hui une route à 4 voies. Bien évidemment, des sommes phénoménales devront être investies pour l'élargir de 4, 6 ou 8 voies.
    Lors de l'un de nos voyages à Edmonton, quelqu'un a suggéré de construire une route dans la médiane — c'est-à-dire au milieu. Ralph Garrett et moi nous sommes regardés avec un sourire, puis nous sommes allés compter le nombre de viaducs que compte l'autoroute 2. Entre Edmonton et Red Deer, sur une distance de 150 kilomètres, il y a 35 viaducs qui ne peuvent être élargis à 6 voies, ce qui signifie qu'il faudrait construire des échangeurs routiers pour chacun, au coût actuel de 30 à 35 millions par échangeur. À 1 mille par kilomètre de voie, pour ajouter 600 kilomètres, on devrait dépenser quelque chose de l'ordre de 1,5 milliard de dollars et plus, et il faudrait encore 3 heures pour se rendre de Calgary à Edmonton. En hiver, cela restera une expérience stimulante — si c'est ainsi qu'on veut décrire une tempête de neige dans les prairies.
    En quoi le train à haute vitesse facilitera-t-il la croissance? Si nous construisons un réseau électrifié à deux voies — et c'est une dépense ponctuelle et unique — et avons des trains de 8 wagons qui roulent à 300 kilomètres-heure, chaque heure, 14 heures par jour, échelonnés aux cinq minutes... Et ici, il n'y a pas à craindre qu'ils se talonnent, parce que d'après ce que m'a dit John, quand on roule à 5 kilomètres par minute, avec 5 minutes entre les trains, 25 kilomètres les séparent. Je ne suis jamais à 25 kilomètres de la voiture qui me précède sur l'autoroute 2, c'est sûr. Ce peut être 25 mètres, me dit John. On peut transporter 50 millions de passagers sur ce réseau. L'expansion et la capacité additionnelle seront payées par le secteur privé qui achète les trains. Nous pouvons ajouter plus de wagons, faire de plus longs trains et avoir une capacité plus ou moins infinie de croissance sur le réseau ferroviaire sans qu'il y ait plus de dépenses en capital.

  (1855)  

    On nous dit souvent que l'Alberta n'a pas une population suffisante. Le Danemark, l'Irlande, la Finlande et la Norvège ont tous des populations de moins 5,5 millions d'habitants, et tous construisent leur réseau de train à haute vitesse. Que savent-ils que l'Amérique du Nord ignore? Ils savent que les trains sont des moyens de transport efficaces, que les trains déplacent la population dans la détente, que les trains sont à l'heure, qu'ils ne sont pas coincés dans les bouchons de circulation et qu'ils ne dérapent pas sur les routes en hiver.
    La Norvège vise à remplacer le trafic aérien interne par des trains à haute vitesse. C'est le gain qu'ils cherchent à faire sur les émissions de dioxyde de carbone.
    Nous avons, évidemment, été en rapport avec le gouvernement de l'Alberta au fil des années. À un moment donné, nous nous sommes assis avec 70 des 83 membres de l'Assemblée législative pour avoir une conversation en tête-à-tête avec eux, et leur dire ce que je vous dis aujourd'hui. Au bout du compte, j'ai demandé s'ils voulaient appuyer l'étude sur le train à haute vitesse, dans l'optique de faire adopter le projet et le réaliser. Un membre de l'Assemblée législative, qui est maintenant à la retraite, je pense, y réfléchit encore, et tous les autres ont dit oui.
    Trois sondages que contient mon dossier confirment ce que vous a dit Frank aujourd'hui. La grande majorité de la population est favorable au projet.
    La question qu'on nous pose le plus souvent, quand on fait des présentations, et nous en avons probablement fait environ 150 devant des groupes, c'est pourquoi ce réseau n'existe pas encore? Ce n'est pas pourquoi il serait efficace, comment on fera, c'est pourquoi ne l'a-t-on pas encore?
    Je pose souvent une question aux groupes, en guise d'entrée en matière, et c'est combien de personnes ont voyagé sur un train à grande vitesse? Quarante-cinq pour cent des gens lèvent la main. Comment avez-vous aimé l'expérience? Fantastique. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir cela en Amérique du Nord?
    Nous envisageons un trajet de 84 minutes pour créer une cité virtuelle regroupant trois villes. Je pense que c'est vous, aujourd'hui qui avez dit que la durée quotidienne moyenne des trajets à Toronto est de 87 minutes.
    Excusez-moi est-ce que c'était sept minutes de moins?

  (1900)  

    C'était environ sept minutes de plus que 84 minutes, le trajet moyen entre le domicile et le travail, à Toronto. Nous disons que vous pouvez faire le trajet d'Edmonton à Calgary, 300 kilomètres, en 84 minutes. Cela ne peut pas manquer d'être un avantage faramineux pour n'importe quelle économie, n'importe quel pays.
    J'ai dans mes dossiers une étude qu'a faite Ernest and Young, un cabinet international de comptables agréés. La Communauté européenne lui demande tous les deux ans de faire une étude auprès de 800 sociétés dans le monde entier — en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Il a demandé aux répondants de classer, par ordre d'importance, le premier facteur qu'ils prennent en compte quand ils veulent s'installer dans une nouvelle région. Le premier de 16 facteurs, c'est le transport et l'infrastructure. C'est de transport et d'infrastructure qu'il est question ici, ce soir.
    Les Japonnais ont leur réseau. Il existe depuis déjà 40 ans. Dans ce laps de temps, il a transporté 7 milliards de passagers. Il n'y a pas eu le moindre décès. Le réseau français a transporté quelques milliards de personnes aussi — je ne sais pas combien. Il n'y pas non plus eu le moindre décès sur ce réseau ferroviaire. Il n'y a aucune autoroute qui peut assurer ce degré de sécurité, quel que soit le temps qu'il fait, qu'il neige, qu'il pleuve, qu'il y ait du brouillard, ou que tout le monde sorte de la route parce qu'elle est beaucoup trop glissante.
    Le Japon a aussi constaté à quel point un corridor ferroviaire à haute vitesse attire les entreprises. Les corridors moyens du Japon qui ne sont pas à grande vitesse ont une cote de 20 p. 100 de moins que ceux à haute vitesse, au plan de l'attraction des entreprises. En Alberta, si ce type de réseau, qui nous rendrait attrayants pour les industries du monde entier, pouvait attirer 10 p. 100 de plus d'entreprises, on accroîtrait l'assiette fiscale, tant au niveau provincial que fédéral.
    Quels sont les avantages du train à haute vitesse? On coupe de moitié la durée du trajet. On peut le faire pour une moyenne de 80 $ pour un aller simple. Actuellement, Red Arrow fait payer 69 $ pour passer trois heures sur l'autoroute. Je pense que si je pouvais me rendre à destination dans la moitié du temps pour 11 $ de plus, je n'hésiterais pas à payer la différence. Cela augmente la productivité. Nous allons économiser quelque chose de l'ordre de 2 millions d'heures de déplacements par année si nous transportons le nombre projeté de passagers. Nous utiliserions un tiers du terrain que prendrait l'autoroute à quatre voies. Nous pourrions réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ 200 000 tonnes. C'est un mode de déplacement plus sûr et pour tous les temps; nous en avons déjà parlé.
    Nous offrons un service, donc les trains commencent à rouler à 6 heures du matin et le dernier part à 21 heures, ou peut-être 22 heures, selon l'achalandage. Nous voulons servir le public, et non pas ne faire rouler les trains que lorsque nous pensons qu'ils pourraient se remplir. Nous fournissons un service. Le client est notre priorité. La sécurité est la plus grande priorité, avant même le client. Nous voulons avoir un bon service pour le grand public, pour nos investisseurs, pour l'Alberta et pour le Canada. Nous voulons être le mode de transport privilégié. La voiture, l'avion, ce sera un deuxième choix et une épreuve, en comparaison.
    La réalisation du réseau ferroviaire à grande vitesse pose deux défis. Quand je me suis joins à ce projet il y a 10 ans, le président qui m'avait précédé m'a dit en avoir parlé, et personne n'avait compris où il voulait en venir. C'est là que j'ai compris que la définition des décisions en matière immobilière, c'est l'emplacement, et rien que l'emplacement. La définition du train à grande vitesse, c'est l'éducation, et rien que l'éducation.
    Je reçois encore des courriels de gens qui m'affirment que cela ne fonctionnera jamais, ce n'est pas bon, vous allez surcharger le réseau électrique, vous allez tuer des animaux. J'ai même reçu un appel de quelqu'un qui m'a dit « alors, est-ce que vous allez poser clôture? ». Oui, nous allons mettre une clôture tout au long du chemin de fer, la même qui traverse le Parc national de Banff, une clôture de dix pieds de haut, pour empêcher les gros animaux et les gens d'accéder à la voie. Les voies seront séparées aussi sur toute la longueur.
    La deuxième chose, c'est la volonté du gouvernement. J'ai compris il y a quelque temps qu'avec la santé, l'éducation et l'infrastructure routière, je ne verrai pas, de ma vie, le jour où les trois paliers de gouvernement n'auront pas une liste de voeux aussi longue que mon bras ou que n'importe lequel de vos bras, ici. Alors, s'attendre à ce que cette liste disparaisse un jour... Même quand nous avions tous ces excédents budgétaires en Alberta, on aurait pu dire « eh bien, nous avons un excédent de 8 milliards de dollars, nous pourrions certainement construire une voie ferrée », mais non, il y a toujours autre chose qui a préséance.

  (1905)  

    Cela revient à ce que je pensais quand nous avons entrepris ce projet. Les gouvernements, si je leur téléphone pour leur dire je veux construire une autoroute, une école ou quoi que ce soit d'autre, pourraient probablement extraire des spécifications et des règles et me les envoyer sur-le-champ par courriel. Mais si je leur téléphone pour leur dire que je veux construire une voie ferrée, eh bien, ils ne pourront probablement pas me répondre du tout, parce que les gouvernements ne sont pas très doués pour construire des voies ferrées, puisqu'on ne leur a jamais demandé de le faire. C'est un territoire étranger. Et l'Amérique du Nord vit et meurt avec l'automobile; c'est la mentalité.
    Nous avons entrepris d'éduquer le gouvernement. Nous allons voir les fonctionnaires, leur parler, et nous faisons des suggestions. Celles-ci, bien entendu, les ont amenés à faire l'étude d'évaluation du marché, c'est-à-dire une étude de la clientèle. Ses résultats ont largement dépassé nos chiffres conservateurs sur l'achalandage, et nous en avons été très heureux. L'étude concluait aussi que sur un cycle de vie de 40 ans, à une vitesse de 300 kilomètres heure, cela représenterait un gain de 19 milliards de dollars pour l'économie de l'Alberta.
    Ils ont aussi adopté cette année le projet de loi 19, la Land Assembly Project Area Act. Cette loi leur permet d'identifier un projet et d'exproprier les terres nécessaires à sa réalisation. Actuellement, nous aimerions que le gouvernement lance le processus d'achat des terres. Il a acheté des terres à Calgary et Edmonton pour les gares, et celles-ci sont déjà en place, mais nous avons besoin que des progrès soient réalisés, parce qu'avec chaque année qui passe, quelqu'un risque de construire une maison sur la trajectoire de notre chemin de fer.
    Nous avons besoin du trajet le plus court à parcourir en un temps minimal, pour en faire profiter le plus possible les voyageurs, etc., mais la volonté du gouvernement pose un défi, parce qu'il n'y a pas de projet de train à grande vitesse fait sur mesure en Amérique du Nord. L'Acela est un compromis. Personne n'a fait ce que nous proposons de faire, c'est-à-dire de construire une toute nouvelle route spécifiquement pour le train à grande vitesse. Ce sera pour le gouvernement une importante décision à prendre, mais une décision audacieuse, et qui lui vaudra des applaudissements, parce que ce sera une décision axée sur l'avenir, il construira pour l'avenir, et il fera de l'Alberta et du Canada un lieu meilleur.
    En fait, à entendre tous les gens de la conférence de l'Association des chemins de fer cette semaine qui essaient de construire un chemin de fer dans le corridor de l'Ontario, on aurait les gouvernements de l'Ontario et du Québec, et le gouvernement fédéral outre d'innombrables municipalités le long de ce corridor. En Alberta, la tâche est fort simple et claire. Nous avons un gouvernement, trois villes, et un beau paysage plat de prairies sur lequel construire. Il n'y a sur notre chemin aucun énorme obstacle technique.
    Si nous pouvions réaliser ce projet, il deviendrait un modèle à suivre pour construire un réseau ferroviaire à grande vitesse en une fois, et le construire comme il faut, à un coût raisonnable. Avec toute l'expertise que nous possédons en infrastructure mécanique et génie électrique, nous avons passé un temps considérable à analyser tous les angles de ce projet, comment les services seraient fournis, comment les deux gares seraient exploitées, ce que nous ferions pour les services alimentaires, et ce que seraient les coûts d'équipement et d'investissement. Selon nos hypothèses et nos estimations, aujourd'hui, il faudrai 3 milliards de dollars pour concrétiser ce projet. Pour ce qui est de l'assemblage de terres, c'est difficile à dire, mais en bout de ligne, on parle d'environ 50 millions de dollars.
    Comment allons-nous aller de l'avant avec le gouvernement de l'Alberta qui, actuellement, dit que nous sommes du mauvais côté du grand livre, avec toute cette encre rouge? Nous continuons de pousser. De fait, demain, nous devons rencontrer des gens du secteur privé, parce que nous pensons qu'il y a de belles occasions pour le secteur privé de créer un consortium de sociétés représentant tous les domaines dont nous avons besoin, les rassembler et formuler la proposition qui réalisera ceci.
    Le gouvernement fédéral peut avoir un rôle difficile à jouer. Si vous voulez m'envoyer un chèque, en bon Écossais, je trouverai le moyen de l'encaisser.
    Merci beaucoup.

  (1910)  

    Merci, monsieur Cruickshank.
    Monsieur Volpe.
    Monsieur le président, je dois vous faire mes compliments, ainsi qu'au reste des membres du comité, pour avoir pris la décision hier d'inviter ce monsieur à venir témoigner devant nous sur un si court préavis. Je ne dis pas cela tant pour vous applaudir et nous aussi, mais pour les remercier d'être venus et de nous avoir donné cette perspective qui est tellement différente de toutes les autres que nous avons entendues. Il nous manquait, à ce comité, une perspective formulée d'après un sondage du public, sur l'orientation du chemin de fer grande vitesse.
    Je suis tenté de poser toute une liste de questions à M. Graves, mais je pense que ce serait commettre une injustice, parce qu'il y a autour de la table des gens qui ne sont pas déjà aussi convaincus que je le suis que ces études traduisent la pensée publique. Alors je laisserai les questions plus sceptiques aux membres qui représentent ce 6 p. 100 que votre sondage a circonscrit.
    Je suis aussi intrigué, monsieur Cruickshank et monsieur Chaput, par ce que vous avez dit, parce que j'ai eu cette impression que le gouvernement de l'Alberta, comme vous l'avez exprimé très poliment, a affiché une volonté politique qui était contraire à la proposition que vous avanciez.
    J'ai fait ici une analyse rapide, et j'espère que mes calculs sont bons. Je ne suis pas ingénieur, mais je pense que votre coût est d'environ 10 millions de dollars par kilomètre pour le projet. Ce n'est pas peu, mais c'est du même ordre que le coût de la construction de routes dans la région de Toronto.
    Est-ce que cela comprend le coût des trains?
    Eh bien, à Toronto, cela n'engloberait pas le coût de tout un tas de choses, mais c'est un montant de 10 millions qui a été annoncé.
    À ce comité, nous envisagions au départ un seul corridor. Nous avons décidé d'étudier la possibilité d'un deuxième corridor, celui de l'Alberta. Comme vous l'avez constaté plus tôt, nous commençons maintenant à nous faire à l'idée d'un troisième corridor potentiel.
    À propos des enjeux que vous avez soulevés — et je tiens à vous remercier d'avoir exposé à ce comité de façon si méthodique les conclusions de l'analyse économique et technique et les éléments environnementaux — vous avez raison, bien que je sois tenté de ne pas dire tout à fait raison. Il est évident que je m'adresse à un expert et que je n'ai fait que lire sur le sujet, mais j'ai envie de demander si vous vous êtes penchés sur ce qui arriverait dans le corridor Windsor-Québec? Dans l'affirmative, d'après vous, comment se traduiraient les défis techniques, au plan des coûts?
    Je ne connais pas très bien cette partie du pays. De fait, c'est la première fois de ma vie que je viens à Ottawa, même si je suis au Canada depuis 46 ans.
    Ce qui est avantageux en Alberta, c'est que le chemin de fer du Canadien Pacifique à Edmonton est une ligne secondaire. Ce n'est pas la ligne principale. La ligne principale va d'est en ouest. En Ontario, les lignes principales vont d'est en ouest.
    J'ai vaguement réfléchi à cette idée, sans fondement réel, à savoir si vous pourriez trouver un moyen de fusionner l'utilisation qui est faite des voies du CN et du CP et de trouver des routes abandonnées ou des droits de passage abandonnés qui sont encore disponibles pour entrer et sortir des villes — parce que c'est là le grand défi, entrer et sortir des villes — si ces possibilités vous sont offertes, ou encore de construire parallèlement aux voies du CP ou du CN.
    John est originaire d'Ottawa. Il connaît beaucoup mieux le paysage, alors je vais laisser parler l'expert.
    Merci, Bill.
    Dans l'est du Canada, plus ou moins à l'est d'Ottawa, notamment, on est dans le Bouclier canadien. Les travaux sont beaucoup plus difficiles à effectuer sur ce terrain que dans la prairie sans arbres, traversée d'un petit nombre de routes rurales et par une ou deux grandes vallées, qui, en réalité, ne pose pas de problèmes. La prairie n'est pas tellement développée; sans vouloir rabaisser l'agriculture, je dirai que la plus grande partie de la prairie y est consacrée. Les travaux n'y déracineront donc pas de familles ni d'entreprises.
    La vraie difficulté, dans l'axe Windsor-Québec, c'est de choisir le tracé de l'emprise et de s'assurer que les coûts de construction ne s'envoleront pas. Il faut aussi traverser la rivière des Outaouais, qui n'est pas un obstacle insignifiant. Le terrain est assez accidenté. Le problème, comme Bill l'a dit, c'est de situer l'emprise pour la desserte des villes.
    À 300 kilomètres à l'heure, au moins, ce qui est tout à fait possible, jusqu'à environ 360, le train grande vitesse ne peut tout simplement pas circuler sur les mêmes voies que les trains de marchandises. Ce serait dangereux et techniquement impossible.
    La grande difficulté, pour cette ligne, consiste à accéder au centre des villes de Montréal, de Toronto et d'Ottawa, d'ailleurs. L'autre problème, qui ne manque jamais de se poser pour une voie ferrée ou un axe de cette nature qui traverse une région fortement développée, c'est que tous les clients veulent être à proximité d'une station. S'il y a trop de stations, ce n'est plus un train à grande vitesse; c'est un service pour banlieusards. Ce n'est pas la fin du projet dans cet axe; ce n'est que l'une des complications qui s'y manifestent.

  (1915)  

    Ce n'est pas non plus mon interprétation, monsieur Chaput. Je devine que vous préconisez peut-être la mise sur pied de services régionaux complémentaires qui alimenteront le réseau du train à grande vitesse.
    Précisément!
    Je pense que c'est formidable.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'ai la possibilité de vous poser quelques questions...
    Votre temps est écoulé.
    Mais non. Il nous reste encore 45 minutes.
    Vous aviez sept minutes.
    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Je vous remercie, messieurs, de nous accorder votre temps ce soir.
    Monsieur Graves, dans votre sondage, il était question de partenariat public-privé. J'ai cru comprendre que vous aviez posé beaucoup de questions sur la façon dont on réaliserait le train rapide. Quand on parle de partenariat public-privé, les gens sondés sont-ils conscients qu'une bonne partie de l'investissement est faite par le gouvernement?
    D'ailleurs, je vais poser cette question également au représentant de l'Alberta High Speed Rail. Dans un PPP, l'installation des rails est payée par le gouvernement. Il s'agit donc d'investissements très importants. Les gens en sont-ils conscients?

[Traduction]

    Je pense qu'une partie de l'attrait du partenariat public-privé, c'est de permettre au public de ne pas avoir à se prononcer sur le choix difficile du financement de ce projet, principalement par l'État.
    L'examen plus minutieux des réponses révèle cependant que ceux qui n'ont pas choisi cette option avaient d'abord le choix entre les partenariats public-privé, le secteur privé ou le secteur public. Mis à part ceux qui ont choisi la solution très populaire, mais facile, du partenariat public-privé, chez ceux qui restent, deux contre un ont choisi d'en confier la responsabilité à l'État.
    Quand on fouille un peu plus, on constate que, chez ceux qui ont choisi soit l'État soit le partenariat public-privé et à qui on a demandé quel niveau de l'État devrait être le plus responsable, une très forte majorité a désigné le gouvernement fédéral. Je crois qu'ils étaient six fois plus nombreux que ceux qui ont désigné le gouvernement de la province. Personne n'a répondu que les municipalités devaient payer la facture.
    Je crois que le public comprend raisonnablement bien les enjeux. Nous avons posé d'autres questions, par exemple, si on croyait que la société ferroviaire finirait par être financièrement indépendante. À 60 p. 100 contre 40, le public a estimé que le projet nécessiterait un engagement permanent de l'État, fédéral notamment — ce avec quoi ils ont affirmé être d'accord.
    Les gens ne réagissent pas vraiment aux sommes fabuleuses que l'on consacre aux infrastructures et aux déficits, etc., mais, dans nos explications aux sondés, nous avons explicité: des « milliards de dollars ». Si leur enthousiasme a semblé quelque peu refroidi, l'opposition n'a pas augmenté. Les gens ont répondu en semblant comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un investissement banal; que le projet ne serait pas produit par le secteur privé pour ensuite être acheté par le public. Ils ne pensaient pas que l'entreprise serait rentable et qu'elle n'exigerait pas de soutien permanent. L'appui du public persiste même dans l'hypothèse d'un financement considérable et permanent.

  (1920)  

[Français]

    Avez-vous fait la répartition entre les provinces? Les Québécois réagissent-ils de la même façon que les Ontariens ou les Albertains?

[Traduction]

    Oui, nous l'avons faite, et la taille de l'échantillon est suffisante pour nous donner une certitude scientifique raisonnable sur les différences.
    Les personnes qui vivaient dans les axes projetés, y compris en Alberta, étaient plus sensibilisées à ces enjeux. Elles étaient quelque peu plus favorables, mais elles étaient certainement sensibilisées. Les sondés de l'Ontario et du Québec étaient les plus favorables aux projets, même après avoir entendu les divers arguments contre. Les Québécois se sont distingués par leur meilleure connaissance de la question. En réalité, les sondés de la Colombie-Britannique étaient également très informés, ce que je n'ai pas tout à fait compris. Les Québécois semblaient associer la grande vitesse à encore plus de vitesse. Dans la région de l'Atlantique, le train à grande vitesse était perçu comme meilleur que le système actuel, ce qui est un genre de définition très limitative. Mais au Québec, il fallait que le train soit très rapide. Les Québécois étaient davantage susceptibles de charger le gouvernement fédéral du dossier, de façon permanente, ce qui m'a semblé intéressant.

[Français]

    J'ai une dernière question sur les sondages. Vous avez dit que ceux qui étaient plus riches y étaient plus favorables que ceux qui étaient moins bien nantis. J'avais l'impression que ceux qui avaient un peu moins d'argent auraient pu être avantagés par un système ferroviaire, pour voyager ou des choses comme ça. Êtes-vous allés assez loin pour comprendre pourquoi ceux qui sont moins biens nantis sont moins intéressés par le train?

[Traduction]

    Oui, nous l'avons fait. Sans vouloir compliquer trop les choses, je dirais que l'appui était lié à la conscientisation et à la compréhension du dossier. En vérité, la scolarisation est une variable plus importante que le revenu — les revenus restent importants — et ces gens semblaient plus informés, ils semblaient avoir réfléchi à la question. Je pense que l'une des raisons pourquoi nous avons observé que les moins nantis et les moins instruits n'avaient pas vraiment réfléchi à la question c'est qu'elle n'avait pas vraiment attiré leur attention.
    À propos, le public de voyageurs que nous avons sondés, particulièrement ceux qui prennent le train, l'avion, l'autocar, était vraiment intéressé à adopter le train à grande vitesse, si le service lui était offert. Les automobilistes également, mais moins. Je pense que beaucoup d'automobilistes prendraient l'avion ou le train, s'ils pouvaient se l'offrir. C'était donc un facteur.
    Fait intéressant, à la conférence, certains intervenants ont signalé que l'expérience du train à grande vitesse aux États-Unis avait révélé que la clientèle la plus importante était les moins nantis — autrement dit, précisément les personnes qui, au Canada, s'intéressent actuellement peu au dossier.
    Monsieur Bevington.
    Merci.
    J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Je suis votre raisonnement.
    Pendant un certain temps, une automotrice a desservi les deux villes, n'est-ce pas?
    Oui. Le service a pris fin en 1985. Il y avait eu un certain nombre de gros accidents. VIA Rail prétendait que le nombre de passagers était insuffisant et que les problèmes avec les accidents aux passages à niveau étaient excessifs.

  (1925)  

    Sur votre ligne réservée, chaque passage à niveau serait remplacé par un saut-de-mouton?
    Oui, des passages surélevés, des sauts-de-mouton.
    Chaque passage à niveau?
    Non, il y aurait de tels ouvrages à tous les quatre milles.
    Les routes seraient déviées.
    On n'aurait qu'à franchir deux milles vers le nord ou vers le sud pour accéder à un passage supérieur. Cela dépendrait des conditions locales et des besoins des agriculteurs.
    Cela pose une question qui concerne l'accès des agriculteurs. On a la même chose sur la Transcanadienne, à l'ouest de Banff. Deux buses gigantesques permettent à la faune de traverser la route par un passage supérieur. On peut facilement réaliser le même ouvrage ou un ouvrage de béton. J'en ai vu une photo à la conférence, aujourd'hui.
    La ligne serait-elle clôturée?
    Absolument!
    Ce serait à peu près...
    Ce serait une bande de terre réservée, fermée.
    Quelle est l'intensité du trafic de marchandises entre Edmonton et Calgary?
    Elle se chiffre à une dizaine de trains par jour, actuellement, mais c'était beaucoup plus, quand l'économie allait bien. Comme nous exploitons notre propre ligne séparée et que CP exploite sa ligne de train de marchandises, cela ne change rien aux horaires respectifs de nos trains.
    Je vois où vous voulez en venir, mais je ne discerne aucune mesure d'amélioration. Votre plan consiste à mettre en place une ligne complètement réservée. Vous n'êtes pas intéressé à améliorer le service aux passagers qui pourrait exister sur les lignes actuelles.
    Non.
    C'est tout ou rien.
    Le gouvernement de l'Alberta a commandé une étude de marché. Transport Economics & Management Systems l'a effectuée, avec une autre société. L'étude a confirmé que les voyageurs seront favorables à cette ligne. En Alberta, la loi empêche toute société privée d'obtenir une subvention ou une garantie de la province. Nous allons exécuter ce projet comme une entreprise à but lucratif.
    Nous réussirons et nous exploiterons la ligne comme une entreprise à but lucratif. De fait, beaucoup de lignes de train à haute vitesse, partout dans le monde, engrangent des profits, mais comme elles font partie d'un réseau ferré national, cette profitabilité se dilue et se perd dans la situation générale du service ferroviaire du pays. C'est le bénéficie d'exploitation.
    Monsieur Graves, qui a commandé ce travail?
    L'Association des chemins de fer du Canada.
    Vous l'avez fait en prévision de ce sommet sur la grande vitesse?
    Le travail a été fait pour cette conférence, afin de synthétiser la pensée du public.
    J'ai entendu des chiffres respectables concernant une ligne ferroviaire réservée dans l'axe Québec-Windsor. C'est à couper le souffle. La société Amtrak nous a révélé les coûts faramineux qu'entraînait le gain d'une demi-heure sur la ligne Boston-New York. Des dizaines de milliards de dollars d'investissements. Pensez-vous qu'il faudrait révéler ces chiffres élevés? N'y a-t-il un risque de rendre certains partisans frileux?
    C'est une excellente question. Nous avons fait le test, de façon grossière. Sans fournir d'autres renseignements, nous avons posé directement la question. Tout au long du sondage, nous avons informé les sondés que les coûts seraient de l'ordre de quelques milliards de dollars et qu'ils seraient pris en charge par les contribuables. Nous avons constaté uniquement une légère baisse de l'appui dans la catégorie des partisans les plus enthousiastes. Les personnes qui ont changé d'opinion constituaient 15 p. 100 de l'échantillon. C'est à déduire des 65 p. 100 qui, dès le départ, se disaient très favorables. Seulement 9 p. 100 étaient contre et 2 p. 100 étaient fermement contre. Le soutien a diminué de 12 points. Nous n'avons constaté aucune augmentation de l'opposition. Bien sûr, les gens préféreront toujours la gratuité, sans contredit.

  (1930)  

    On pourrait y voir un peu, je pense, une manifestation de la loi de Parkinson — cette loi selon laquelle la plupart des gens ne s'arrêtent qu'aux questions d'argent à l'échelle de leurs propres capacités financières et qu'ils ne saisissent tout simplement pas les montants plus élevés.
    Si vous présentiez le problème de façon différente, en disant: « Voici ce que vous, en tant que contribuable, allez devoir payer chaque année, pour éponger les coûts de ce projet », pensez-vous que cela aurait...?
    Dans cette étude particulière, je ne l'ai pas fait, mais je l'ai fait dans beaucoup d'autres. Nous avons examiné littéralement des centaines de projets de politique publique, et les résultats sont incontestables. Vous avez raison. Plus la facture est salée, c'est d'autant plus pour moi, et plus grande est la résistance, mais, au départ, le projet dont nous parlons bénéficiait d'une si grande marge d'appui dans le public.
    J'ai aussi examiné la mesure dans laquelle s'effrite l'appui quand on discute d'un enjeu réel. Ici, l'appui est au départ si fort que, même en tenant compte de sa baisse très prévisible, à mesure que les enjeux deviennent plus concrets, il subsisterait quand même un appui énorme.
    Il faut aussi noter que l'appui était le plus fort parmi les tranches les plus instruites et les plus averties de la population, celles qui constituent le public voyageur. Je ne les qualifierais pas d'optimistes béats. Leur opinion était réfléchie. Ils comprenaient les montants énormes en jeu. En fait, ils n'étaient presque pas aussi optimistes au sujet de l'exploitation avec recouvrement des coûts. Ils ont continué à dire que ce serait une bonne idée.
    Cet appui, effectivement, après un véritable débat public, continuerait de diminuer, mais je persiste à croire qu'il proviendrait d'une majorité solide de Canadiens. Permettez-moi de le dire comme suit. Sur les projets publics que nous n'avons pas éprouvés, sur ceux que nous avons soumis à l'épreuve du temps et sur certains autres que nous avons éprouvés, j'ai vu très peu d'exemples qui ont bénéficié d'un tel appui du public.
    Merci.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous aussi, messieurs, pour votre présence parmi nous.
    Je veux d'abord vous dire que je prends le train. J'ai pris le train à grande vitesse en Europe et au Japon et, dans les deux cas, l'expérience a été agréable.
    Je veux tirer les chose au clair sur une affirmation qui a été faite un peu plus tôt. Quelqu'un a dit que c'était la première fois qu'on nous parlait du concept de Cascadia. Je veux simplement rappeler au comité qu'à ceux d'entre nous qui sont allés dans l'État de Washington et qui ont participé aux discussions qui y ont eu lieu, on a présenté le train de Cascadia et le concept du même nom qui est connu dans cette région.
    Bien que l'administration Obama parle de train à grande vitesse, il serait plutôt question, aux États-Unis, de train à plus grande vitesse que ceux qui circulent actuellement. On nous a dit que le coût du train à grande vitesse dans les sept axes ferroviaires étudiés aux États-Unis s'élèverait à 50 milliards de dollars. Actuellement, l'administration Obama est prête à fournir 8 milliards de dollars.
    Cela signifie que nous parlons de deux choses très différentes. Au Canada, nous parlons de train à grande vitesse, d'axes réservés, de tous les attributs du train à grande vitesse, ce qui n'est pas le cas, aux États-Unis. Là-bas, il est question d'augmenter les marges de vitesse à 123 milles à l'heure. Dans la discussion que nous avons eue, on nous a clairement laissé entendre que les rames n'auraient que six voitures, et qu'elles circuleraient sur des voies partagées, en plus.
    Je voulais simplement apporter cette rectification, d'abord parce que certains membres n'étaient pas là. Je pense que nous n'étions pas tous sur la même longueur d'onde.
    J'ai deux ou trois questions à poser. Premièrement, cette étude n'est pas la première que vous faites, monsieur Cruickshank. Vous êtes dans le domaine depuis un certain temps, j'en suis convaincue.
    Effectivement.
    Pouvez-vous me dire depuis combien de temps vous étudiez ce projet entre Edmonton et Calgary?
    J'y travaille depuis 10 ans. Ensemble, John, Ralph et moi-même avons consacré 26 années à cette étude.
    Donc la dernière fois qu'une étude sur le train à grande vitesse a été effectuée au Canada — un rapport a été rédigé en 1995 — l'avez-vous présentée au gouvernement de l'époque?
    Non.
    Pourquoi?
    Nous n'avons pas pris part à cette étude en Ontario. Nous étions en...
    Mais l'idée d'un train à grande vitesse n'était pas examinée uniquement en Ontario à ce moment-là. Il y avait place à la discussion à ce sujet.
    Monsieur Graves, avez-vous connaissance d'un exposé qu'on a pu faire à l'époque?

  (1935)  

    Non. J'ai contribué brièvement à un travail réalisé plus tôt. C'était à la fin des années 1980, je crois; mais je n'ai pas pris part à l'étude du milieu des années 1990.
    D'accord.
    J'ai une question à poser à M. Cruickshank. Vous avez parlé de la Norvège, du Danemark, de la Suède et de la Finlande, et de la population de ces pays. Chacun d'entre eux compte environ cinq millions et demi d'habitants, n'est-ce pas?
    Oui.
    Ils partagent. Je veux dire qu'en Europe, l'achalandage est très différent de celui que nous avons au Canada. Quelles sont les prévisions quant au nombre de voyageurs entre Edmonton et Calgary? Est-il possible que les trains fonctionnent tous les jours durant toute la journée, en étant rentables?
    Monsieur Graves, je représente une circonscription située juste au nord de Toronto, alors évidemment, je m'intéresse vivement au corridor reliant Toronto à Montréal. Avez-vous fait des sondages, ou des études ont-elles été effectuées au sujet de l'établissement d'un train à grande vitesse ou d'un transport ferroviaire accéléré dans la région de York? Si le train devait passer par la région du centre-ville, je pense qu'il y aurait des problèmes importants sur le plan de l'acquisition de terres. Mais nous pourrions peut-être trouver une solution au nord de la ville.
    C'est toute une question en soi. Et je suis censée partager mon temps avec M. Del Mastro. Je suis navrée.
    En ce qui a trait à votre question sur l'achalandage, l'étude réalisée là-dessus par le gouvernement de l'Alberta est du domaine public. On a évalué l'achalandage selon le pire scénario, selon une hypothèse de base et selon un scénario de réussite pour les premières années du projet. Il est question de 2,7 à 3,5 millions de passagers par année, ce qui est bien au-dessus du seuil nous permettant de faire fonctionner les trains et de réaliser des profits.
    Je devrais probablement souligner que, comme John me l'a dit, lorsque les ingénieurs discutent des aspects techniques, dans le pire des scénarios, ils ajouteront 50 p. 100. Alors, lorsque je vous parle de 3 milliards de dollars, il n'est encore question que de 4,5 milliards de dollars. Dans les journaux albertains, on trouve cette perception fortement répandue selon laquelle ce projet coûtera entre 3 et 20 milliards de dollars; mais cette fourchette est bien trop large. Ce n'est pas justifié.
    Nous avons examiné le coût de cette ligne ferroviaire. Nous avons établi une comparaison avec la construction d'une toute nouvelle ligne en Australie. En outre, nous avons rencontré des sociétés d'ingénierie finlandaises, qui ont effectué des études sur le train à grande vitesse en Europe, à un niveau de 300 kilomètres heures. Les rapports précisent combien on dépensait par kilomètre en Europe, et nous sommes encore à peu près dans la norme. Nous n'avons jamais vu d'exemple où nous n'arrivions pas approximativement à la même somme. Il y a des chiffres énormes qui sont lancés, et au sujet desquels on n'arrive pas à rétablir les faits. Nous sommes tous satisfaits de ces résultats.
    Lorsque j'ai vu pour la première fois les prévisions de Ralph Garrett — en tant que banquier, j'ai vu passer beaucoup de prévisions — je lui ai téléphoné en lui disant: « D'accord; les chiffres concordent. Dites-moi pourquoi c'est justifié ».
    Pour obtenir 50 p. 100 du matériel que vous devrez acheter pour construire une voie ferrée, vous pouvez appeler le fabricant aujourd'hui en lui demandant combien cela coûtera d'acheter 600 kilomètres de rails et 75 000 traverses en béton. Allez sur la page Web du gouvernement de l'Alberta. Vous verrez combien il en coûte par pied carré pour construire un pont de béton renforcé — en achetant les lignes aériennes, tout l'équipement qui va de pair avec l'électrification, les sous-stations. Frank pourra passer un coup de fil à quelqu'un pour demander quel est le prix de ce matériel.
    Cinquante pour cent de vos coûts sont basés sur de l'équipement que vous commanderez auprès du fabricant à un prix connu aujourd'hui. Les prix varieront avec les taux de change et les coûts des métaux de base, mais c'est acceptable. Pour cet estimé global, nous avons fixé une marge d'imprévus d'environ 20 p. 100. Votre coût du risque de base réside dans la quantité de terre que vous déplacerez et dans tous les problèmes environnementaux qui pourraient survenir. Trouver du gravier dans la moitié nord de l'Alberta est plus compliqué que dans la moitié sud de la province.
    Est-ce à peu près cela, John?
    C'est ce qu'on me dit. À mesure que nous remontons vers le Nord, le sol devient un peu plus humide, de sorte qu'on devra probablement faire davantage d'excavation pour avoir une plate-forme bien solide. Malheureusement, c'est là où on a le plus besoin de gravier que celui-ci se fait légèrement plus rare. Mais encore une fois, nous avons établi les coûts de tout cela en fonction des renseignements les plus fiables que nous avons pu obtenir.
    Bill a cherché à faire valoir que pratiquement la moitié du coût total est lié à du matériel dont nous pourrions établir le coût demain matin. On n'aura qu'à multiplier ce prix par le nombre de pièces dont on aura besoin. Je ne prétends pas que ce sera aussi simple que cela. Mais les gens avec lesquels nous travaillons comprennent ce que nous tentons de réaliser, et de quel type d'équipement nous parlons. Ils sont tout à fait capables d'en déterminer le coût à plus ou moins 20 p. 100 près.

  (1940)  

    Je dois vous interrompre.
    Monsieur Graves, je sais que vous devez nous quitter. Avez-vous une dernière remarque à faire?
    Je puis rester pour encore cinq à dix minutes.
    Soyez très bref.
    J'ai un bref commentaire à faire sur la question, si vous me le permettez. Nous avons pris isolément et examiné les cas de diverses collectivités. Bien entendu, là où la taille de nos échantillons rapetisse, la précision de nos estimations diminue en conséquence. Mais pour ce qui est de la population, nous avions de grands échantillons en Ontario et au Québec. Nous avions de vastes échantillons formés de gens de Toronto et de Montréal en particulier. Permettez-moi de vous l'exprimer ainsi. Vous verriez probablement que nous avons eu peut-être 400 ou 500 — 400, disons — répondants sur les 1 600 à 1 700 personnes faisant partie de l'échantillon dans ce corridor. Vous ne seriez pas tombés sur plus de 10 ou 12 personnes opposées à ce projet, même après avoir mentionné les chiffres en cause.
    Il est vrai que ces gens ne connaissent pas toutes les difficultés techniques, ni toutes les questions liées à l'emprise du chemin de fer et à la circulation bidirectionnelle, mais je pense qu'ils ont aussi une certaine compréhension des coûts que cela représente et qu'ils sont conscients qu'il s'agirait là d'une entreprise de taille.
    Les niveaux de soutien étaient extraordinairement forts, les plus solides, dans ces régions du pays. L'appui y était littéralement de l'ordre de 90 p. 100. En outre, les répondants n'étaient pas particulièrement intéressés par une accélération du service ferroviaire existant, et ne considéraient pas qu'il s'agissait d'une activité visant l'accélération de la vitesse. On jugeait que c'était une idée qui tombait tout simplement sous le sens — et c'était particulièrement vrai au Québec — lorsqu'il était question d'atteindre les 200, voire même les 300 kilomètres-heure.
    Donc, avant de faire avancer les choses, vous voudrez assurément contrôler ces données de façon plus définitive, mais l'adhésion initiale est massive.
    J'ai une dernière remarque. Globalement, cette étude était représentative de la population canadienne, et quelque 60 p. 100 des répondants ont dit que cette initiative les rendrait bien plus susceptibles de prendre le train dans l'avenir en tant que moyen de transport alternatif, ou qu'ils prendraient le train encore plus qu'ils ne le font déjà. Sur ce nombre, la moitié ont dit qu'ils seraient beaucoup plus susceptibles d'utiliser ce mode de transport, et que cela aurait une incidence immédiate sur leurs habitudes de déplacement. C'était particulièrement vrai en ce qui concerne le public circulant sur des voies réservées, qui voyage actuellement en avion, en autobus et en train, car nous avons examiné aussi bien les comportements durant l'année dernière que les intentions pour l'année à venir. Il s'agissait là des groupes les plus intéressés par cette initiative, bien qu'il y ait également eu beaucoup de personnes...
    Soit dit en passant, nous avons découvert que la plus grande crainte de la population canadienne à l'égard de la sécurité des transports — et cela a été une inquiétude grandissante au fil du temps — concerne les routes et leur congestion, et l'amalgame entre le transport à des fins d'expédition de marchandises et le transport de passagers. C'est pourquoi on considérait que les avantages n'étaient pas seulement d'ordre économique, mais que cela comportait aussi des effets bénéfiques importants sur le plan de la sécurité et de l'environnement. C'est dans ces régions du pays que les opinions en ce sens étaient les plus marquées.
    Monsieur Volpe, ou monsieur Scarpaleggia.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Monsieur Graves, lorsqu'il est question de l'Alberta, c'est un casse-tête difficile à résoudre. D'après ce qu'on nous dit, ce serait une entreprise rentable. On nous dit également que la population l'approuve, et que les législateurs y sont favorables. Est-il possible, dans le contexte albertain, que la population appuiera cette initiative dans la mesure où elle ne fera pas appel à des fonds publics?
    On a l'impression que les Albertains ne sont pas contre des entreprises à grande échelle comme les activités d'exploitation des sables bitumineux, par exemple, mais à mon avis, les projets grandioses susceptibles de se traduire par une perte de fonds publics ne leur plaisent pas. Nous avons vu, par exemple, que chaque fois qu'il y a eu un ralentissement économique, on s'est montré réticent à enregistrer un déficit. La première réaction sera donc de couper le financement alloué aux hôpitaux ou à l'éducation afin de maintenir l'équilibre budgétaire.
    Donc, je me dis qu'il est probable que les gens aiment bien ce concept et qu'ils l'appuient, à condition que ce soit le secteur privé qui en assume les coûts.
    Je pourrais peut-être ajouter une précision, car je dispose également d'un échantillon de l'Alberta, et les Albertains ne sont pas si différents sur cette question.
    Le public est pleinement conscient du fait que les gouvernements préparent leur intervention. Il appuierait ce projet en reconnaissant qu'un financement gouvernemental serait une condition préalable à tout progrès à cet égard, non seulement au stade de la création initiale, mais aussi en ce qui a trait à la perpétuation du système une fois qu'il sera opérationnel. Sur l'ensemble des répondants — et les Albertains n'étaient pas tellement différents —, 80 p. 100 ont dit qu'ils souscriraient à ce projet, même en reconnaissant la nécessité d'y injecter des fonds publics.

  (1945)  

    Je n'arrive pas à y voir clair, car ce projet a aussi bien l'aval du public que celui des législateurs. C'est une situation parfaite, car, comme vous l'avez dit, monsieur Cruickshank, l'Alberta a un terrain plat, et un réseau pas trop étendu. C'est probablement le contexte le plus favorable qui soit pour le train à grande vitesse. Alors qu'est-ce qui nous empêche d'aller de l'avant? Je ne comprends pas.
    Dans le sondage Léger Marketing paru il y a environ deux ans en Alberta, on demandait précisément aux Albertains: « voudriez-vous que le gouvernement investisse dans ce projet? » Plus de 65 p. 100 ont répondu oui.
    Les facteurs qui empêchent les avancées dans ce dossier en Alberta constituent une question fort intéressante; mais au cours des 10 années où j'ai mené ces travaux, nous avons eu trois premiers ministres et une course au leadership. Comme vous le savez, M. Stelmach aura son congrès annuel en fin de semaine, et un vote est prévu. J'ose espérer que dans l'intérêt de maintenir une continuité, on l'appuiera, car nous n'avons pas besoin de traverser une nouvelle course au leadership.
    Qu'est-ce qui fait que ce projet n'avance pas? Il se passe toujours une foule de choses en Alberta, mais durant les grandes expansions, les prix grimpaient sans arrêt et tout le monde s'enrichissait beaucoup. Puis, soudainement, cet essor a tourné court, et dans le cadre de mon travail dans le secteur bancaire, je devais tâcher de recouvrer tout cet argent que j'avais accordé. Nous sommes passés du festin à la famine. En Alberta, cette transition est très radicale. Nous sommes passés d'un taux de chômage d'environ 3 p. 100 il y a 18 mois à 10 000 ingénieurs pleinement qualifiés qui sont sans emploi à Calgary. C'est un changement drastique. Évidemment, quand on passe soudainement de profits évalués à 8 milliards de dollars à un déficit de 4 milliards, cela change radicalement la zone de confort d'un législateur.
    Vous confirmez mon point, à savoir que lorsque les temps sont durs, on n'est pas friand des dépenses publiques.
    C'est vrai, mais comme je l'ai dit, nous comptons sur le secteur privé...
    Cela m'amène en fait à une autre question. Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    Vous avez 20 secondes.
    Avez-vous dit que les entreprises du secteur privé n'étaient pas autorisées à accepter des subventions de...
    En Alberta, c'est interdit.
    Mais seulement en ce qui concerne le gouvernement provincial.
    Oui, le gouvernement provincial.
    C'est intéressant.
    Les fonds fédéraux ne sont pas visés par cette interdiction.

[Français]

    Monsieur Cruickshank, ma question s'adresse à vous.
    Vous souhaitez réaliser un partenariat public-privé en Alberta. Vous avez sûrement fait un montage financier. Vous avez parlé d'environ 3 milliards de dollars d'investissement. Quel serait le pourcentage du privé? Comment voyez-vous cela?
    Cela veut-il dire que le gouvernement construit les infrastructures et que vous vous occupez des opérations et de l'entretien? Avez-vous déjà pensé à la façon dont fonctionnerait le partenariat public-privé?

[Traduction]

    L'entreprise privée achèterait et ferait fonctionner les trains. Et le partenariat public-privé visant la construction de l'infrastructure pourrait prendre diverses formes en ce qui a trait à la part qui reviendrait au gouvernement et à la quantité de financement que le secteur privé serait prêt à accorder.
    Il est question d'un actif qui sera en place pour 100 ans et qui bénéficiera d'une source de revenus. C'est comparable aux fonds de pension: il s'agit d'un investissement à long terme dans l'infrastructure, et on recherche ce type de rendement stable qui permet d'éviter de dépendre des marchés boursiers volatiles.
    Nous ne faisons que commencer à parler de ce projet, et nous explorons de nombreuses avenues pour voir quelles combinaisons de financement privé et public pourraient y être allouées. Comme le gouvernement de l'Alberta, le premier ministre Stelmach, l'a déclaré en juillet lorsqu'il a publié le rapport sur l'achalandage, on ferait essentiellement l'acquisition des terres. Cela révèle son engagement minimum. Je suis certain que lorsqu'il verra ce projet prendre davantage forme, il sera capable d'y allouer davantage de fonds, mais nous négocions simplement au sujet de nos options. Nous avons des idées de ce qui pourrait fonctionner. Nous demanderons simplement aux gens ce qu'ils feraient, puis nous avancerons à partir de là en négociant et en examinant les possibilités, car il y a une entente à conclure dans ce type de projet. Nous devons trouver le juste mélange.

  (1950)  

[Français]

     La Société nationale des chemins de fer français, la SNCF, s'est montré intéressée à un partenariat public-privé et à participer à un appel d'offres, s'il y en avait un au Québec. La SNCF exploite tous les TGV en France et certains autres en Europe.
    Pensez-vous que les gouvernements d'ici, celui de l'Alberta, du Québec et du Canada, devraient lancer de vastes appels d'offres, pour voir si d'autres entreprises d'envergure mondiale seraient intéressées à soumissionner afin de participer financièrement à la réalisation de ces trains à grande vitesse, autant en Alberta qu'au Québec ou en Ontario?

[Traduction]

    Nous avons appris que d'autres entreprises de l'extérieur du Canada avaient manifesté de l'intérêt pour ce projet. Dès le départ, j'ai adopté le point de vue qu'étant donné que les contribuables canadiens, sous une forme quelconque, investiront des fonds dans cette initiative, et que les contribuables de l'Alberta en particulier en seraient les principaux usagers, il nous faudrait, à un moment donné, organiser un premier appel public à l'épargne pour permettre à la population d'investir dans ce projet.
    À titre de banquier, l'une des raisons pour lesquelles je n'aime pas faire participer les entreprises étrangères, c'est qu'il y a toujours un risque de cours de change qui s'ajoute, peu importe les arrangements qu'on aura pris. Cela ajoute un autre facteur de risque à l'entreprise pour ce qui est de savoir si, par rapport au franc français ou à quelque autre devise, la valeur du dollar canadien demeurera stable sur une très longue période.
    J'examine toujours les choses en me demandant comment réduire le risque. S'il m'est possible de le faire en finançant le projet grâce à des fonds uniquement canadiens, c'est ce que je privilégierais.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci, monsieur le président, et je remercie également les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je préside le caucus multipartite sur les chemins de fer depuis plus de trois ans. Je suis très fier du palmarès des investissements effectués par notre gouvernement. Je dirais que nous avons le gouvernement le plus favorable au système ferroviaire et au transport en commun depuis la promesse faite par John A. Macdonald au Chemin de fer Canadien Pacifique, à l'époque de la Confédération. Nous avons beaucoup investi dans ce domaine.
    Pour revenir à ce dont M. Bevington a parlé au sujet des projets de progression graduelle, je pense que nous nous dirigeons vers la grande vitesse le long du lac, vers des trains qui atteindront des vitesses de 160 kilomètres à l'heure. Ils atteignent déjà cette vitesse à cet endroit, mais s'ils peuvent la maintenir plus longtemps et si la durée des trajets s'en trouve raccourcie, nous pensons que l'achalandage augmentera. Cette augmentation progressive permettra d'améliorer les analyses de rentabilité à l'avenir.
    J'entends beaucoup parler de volonté politique. J'ai étudié cette question, de même que les plans et les coûts. Monsieur Cruickshank, avec tout le respect que je vous dois, je suis sûr que vous sous-estimez les coûts d'une ligne à deux voies avec des barrières électriques, etc. J'y ai réfléchi. Vos estimations représentent environ un huitième de moins que ce que les Américains concluent dans l'étude d'Amtrak pour la côte Ouest, par exemple. Je ne dis pas que les coûts seraient aussi élevés qu'en Californie, où il y a des obstacles géographiques à surmonter, mais vous les sous-estimez.
    L'un des plus grands défis pour le gouvernement, lorsqu'il élabore un budget, c'est de faire des choix. Que voulons-nous accomplir? Il y a beaucoup de demandes. Cette année, par exemple, près de 700 requêtes ont été présentées au comité fédéral des finances pour l'affectation de fonds. Ce n'est pas une question de volonté politique, mais de budget. Il n'y a jamais assez d'argent. Les gouvernements disposent de ressources limitées, alors ils doivent faire des choix.
    Je ne suis pas surpris que vous ayez reçu un tel appui. On a demandé à des gens quels projets ils préféraient dans le plan de relance économique d'Obama, et tous ont dit qu'ils aimaient l'idée d'un train à grande vitesse. Or, le budget n'est que de 8 milliards de dollars, et c'est une goutte d'eau dans l'océan lorsqu'on parle du nombre de voies à grande vitesse qui sont viables aux États-Unis.
    Si vous demandiez aux gens s'ils préféreraient des délais d'attente beaucoup moins longs pour les soins de santé ou des réseaux de trains rapides, que pensez-vous qu'ils répondraient?
    D'abord, je suis tout à fait d'accord pour dire que le public a beaucoup de besoins, mais lorsque vient le temps de les combler, il faut être bien conscient du fait que certains d'entre eux sont contradictoires et que nous ne pouvons tous les satisfaire.
    Soit dit en passant, je ne recommanderais pas et le public non plus, parce que nous le lui avons demandé à maintes reprises... Il s'est prononcé sur cette question et aimerait vraiment que nous avancions dans cette voie. Il voudrait seulement se faire entendre sur cette question. Les gens reconnaissent qu'il y a beaucoup d'autres considérations, intérêts divergents et questions techniques, et ils ne prétendent pas avoir l'expertise voulue. Ils disent seulement que d'après ce qu'ils comprennent, c'est une très bonne idée comparativement à beaucoup d'autres.
    En ce qui concerne les solutions de rechange, nous les avons examinées à maintes reprises dans le passé, en disant explicitement qu'ils pouvaient choisir en envisageant toutes sortes de combinaisons. Nous ne l'avons pas fait cette fois-ci. D'après mon expérience, cela pourrait donner de bons résultats, certainement au-dessus de la moyenne; c'est quelque chose que j'aimerais faire.
    Je suis heureux que vous soyez sensibles au fait...

  (1955)  

    Je suis d'accord avec vous sur ce point. Je crois en effet que les investissements dans les réseaux ferroviaires, le transport en commun, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les liaisons interurbaines sont une très grande priorité pour les Canadiens; si on leur présente un bon plan graduel en ce sens, ils vont l'appuyer. Je crois que c'est ce à quoi vous travaillez.
    Monsieur Cruickshank, il y a un an et demi, je me suis rendu à Edmonton à partir du centre-ville de Calgary à bord d'un train du Chemin de fer Canadien Pacifique. Ce fut un voyage agréable. J'ajouterais que c'est un très beau train.
    M. William Cruickshank: Oui, en effet.
    M. Dean Del Mastro: Je dirais qu'étant donné la technologie ferroviaire que nous avons... et je peux vous dire que nous avons beaucoup de passages à niveau en Ontario, que les trains se déplacent à environ 160 kilomètres à l'heure et qu'il y a très peu d'incidents. Pourquoi ne feriez-vous pas d'abord la promotion d'un plan graduel, peut-être même en vous inspirant du JetTrain de Bombardier, présenté il y a quelques années? L'électrification est une étape importante et elle double les coûts de construction d'une ligne.
    Je me demande pourquoi vous ne parlez pas au gouvernement de l'Alberta au sujet de la construction d'un réseau de transport en commun qui assurerait une liaison entre ces régions. L'un des plus grands avantages du train, c'est qu'il peut s'arrêter à Red Deer, contrairement à l'avion.
    Pourquoi n'essayons-nous pas d'abord d'élaborer un plan graduel, d'augmenter l'achalandage, de préparer un plan d'activités et de faire le nécessaire? Je pense que c'est ce que nous devons faire. Il nous faut continuer de nous pencher sur le secteur ferroviaire et d'y investir.
    Nous avons envisagé de faire rouler les trains à des vitesses inférieures et d'utiliser des moteurs diesel qui atteignent 200 kilomètres heure. Nous avons déterminé que lorsqu'on a établi une base de trafic, si l'on doit effectuer des améliorations à l'itinéraire, pour quelque raison que ce soit, on perturbe grandement l'achalandage. Prenons la ligne de la côte Ouest, entre Londres et Glasgow. On a entrepris il y a environ 12 ans de la moderniser pour augmenter la vitesse des trains et électrifier les voies. Le budget initial était de 5 milliards de livres sterling et l'échéancier, de cinq ou six ans, mais il a fallu 12 ans et 13 milliards de livres sterling pour mener le chantier à terme. La principale difficulté, c'est que les équipes de travailleurs ne pouvaient pas rester suffisamment longtemps sur la voie et devaient interrompre leur travail quand les trains arrivaient. On a fini par diviser le travail en sections de 30 milles que l'on fermait pendant un mois ou deux. Le nombre de voyageurs a chuté considérablement. Personne n'était intéressé à prendre le train, parcourir ensuite 30 milles en autobus, puis reprendre le train.
    On ne peut traiter les voyageurs de cette façon. Ils sont la ressource la plus précieuse.
    Je dois céder la parole à M. Volpe, pour une dernière observation. Vous avez une minute.
    Je vous remercie d'être restés, messieurs Graves et Cruickshank. J'aimerais conclure en revenant sur ce que vous avez dit tout à l'heure, soit que vous devez vous projeter dans l'avenir afin de vous engager dans un projet de train à grande vitesse.
    Comme je l'ai mentionné à la conférence d'aujourd'hui, vous pouvez soit attendre que toutes les conditions propices soient réunies, soit préparer les conditions de construction. Les Chinois, les Hongkongais, lorsqu'ils ont construit le tunnel sous la baie pour relier Kowloon à Hong Kong, il y a plusieurs années, ont dû faire face au même négativisme. À l'époque, ils ont eu la prévoyance de prolonger la ligne de métro jusqu'à la partie nord de Kowloon et à la petite ville frontalière de Shenzhen, devenue aujourd'hui une ville importante. Presque tout le monde a condamné le projet en disant qu'il était trop coûteux, inabordable. On a dit que personne n'allait utiliser cette ligne et qu'il était préférable de procéder par étapes.
    Je pense que vous savez ce qui s'est produit. C'est un exemple du genre de construction et de prévoyance nécessaires dans la planification. À présent, on peut se rendre de Shenzhen à l'île de Hong Kong en moins d'une heure; c'est le temps qu'il faut pour parcourir à pied la distance entre trois pâtés de maisons à Hong Kong, et en voiture, on ne réussit même pas à sortir du stationnement. Les coûts étaient-ils élevés alors? Ils seraient prohibitifs aujourd'hui.
    Je vous remercie du témoignage que vous avez livré aujourd'hui. Il montre que nous n'avons pas à choisir entre le gradualisme et la grande vitesse, mais plutôt entre un investissement aujourd'hui et des coûts prohibitifs demain.
    Merci beaucoup.

  (2000)  

    Merci.
    Je tiens à remercier les témoins du temps qu'ils nous ont consacré. Nous savons que vous avez été passablement occupés ces derniers jours.
    Merci.
    Merci de nous avoir invités.
    Merci, monsieur le président.
    La séance est levée.
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