:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Avant de commencer mon exposé officiel, j'aimerais offrir nos plus sincères condoléances aux personnes touchées par l'écrasement d'hier en Colombie-Britannique.
J'aimerais aussi vous présenter de manière plus complète M. Martin Eley, qui en est à sa première comparution devant le comité. Je suis certain que ce ne sera pas sa dernière non plus. Il est notre nouveau directeur général de l'aviation civile depuis le 4 mai 2009. M. Eley a occupé des postes à des niveaux graduellement plus élevés dans l'organisation de l'aviation civile depuis 1982. Avant d'être nommé directeur général, il a été directeur de la Direction de la certification nationale des aéronefs et, à ce titre, il a été membre de l'équipe de gestion de l'aviation civile pendant les huit dernières années. M. Eley est ingénieur de profession et associé de l'Institut aéronautique et spatial du Canada.
[Français]
Aujourd'hui, mes propos porteront sur le programme actuel de sécurité de l'aviation civile, sur notre rôle en tant qu'organisme de réglementation et sur celui de l'industrie. Je vous parlerai des composantes du programme qui ont fait l'objet d'examen par des tierces parties, comme la vérificatrice générale et les autres administrations de l'aviation civile internationale.
J'espère que ces renseignements vous aideront à mieux orienter votre étude. Bien que nous possédions une solide réputation en matière de sécurité aérienne, il est toujours possible d'accroître le niveau de sécurité aérienne déjà très élevé au Canada. En tant que deuxième réseau de transport aérien national en importance au monde, le Canada est considéré comme un chef de file mondial en la matière dans le milieu de l'aviation internationale. Il s'agit d'un point important parce que, pour ainsi dire, toutes les normes techniques et opérationnelles ainsi que les normes de délivrance des licences à l'échelle mondiale sont harmonisées avec les normes et pratiques recommandées de l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Cet environnement a été créé afin d'assurer, dans la mesure du possible, un mouvement homogène des activités liées à l'aviation à l'échelle internationale.
[Traduction]
Laissez-moi vous expliquer le rôle de l'OACI. C'est une organisation qui établit des normes; ce n'a jamais été un organisme de prescription ou d'application. Les normes et les documents de référence élaborés par l'OACI offrent aux membres particuliers la latitude de mettre en place des mesures qui reflètent leur réalité opérationnelle. Les États membres, dont le Canada, suivent ces normes et ces documents de référence et les adaptent pour améliorer l'aviation civile à l'échelle nationale. Les exigences internationales définissent ce que nous faisons au Canada lorsque nous orientons les politiques stratégiques et élaborons des règlements et des normes au besoin. Transports Canada privilégie une approche de consultation dans le cadre de laquelle tout le monde a l'occasion de formuler des commentaires sur les modifications réglementaires au fur et à mesure qu'elles sont élaborées. Les commentaires du public à l'égard des projets de règlement qui font partie du processus de publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada constituent aussi un aspect important de nos consultations.
Une fois que le règlement a fait l'objet de consultations, le Règlement de l'aviation canadien et les normes qui s'y rapportent offrent le cadre juridique à partir duquel le Programme de sécurité aérienne fonctionne.
C'est Transports Canada qui offre le programme voué à la sécurité de l'aviation civile du Canada. Au moyen de techniques de gestion du risque, nous élaborons des règlements, des normes, des lignes directrices et des programmes de formation pour promouvoir un système d'aviation sécuritaire et harmonisé pour les Canadiens, les voyageurs aériens au Canada et l'industrie canadienne de l'aviation dans l'ensemble.
La surveillance de la sécurité aérienne est fondée sur le risque et appuie la conformité de l'industrie de l'aviation à notre réglementation. Transports Canada offre des services à cette industrie en fonction du cadre réglementaire de l'aviation canadienne dans des secteurs comme la délivrance des licences personnelles, les évaluations médicales nécessaires à la certification du personnel aérien breveté, la délivrance de certificats d'exploitation à des organismes et la certification de produits aéronautiques.
[Français]
Même si le produit final est la délivrance d'un certificat, d'une licence ou d'un autre document à un intervenant du milieu de l'aviation, l'objectif sous-jacent est de permettre à Transports Canada d'être suffisamment sûr que ces personnes ou organismes peuvent fonctionner en toute sécurité et respectent les exigences réglementaires applicables, ou que les produits aéronautiques sont en mesure d'être utilisés de façon sécuritaire et conformément aux exigences applicables.
Transports Canada effectue la surveillance continue des intervenants du milieu de l'aviation pour contrôler la conformité au cadre de la réglementation, et cela, principalement par le moyen d'évaluations et d'inspections, de vérifications lorsque plus d'information est nécessaire et, au besoin, de mesures d'application de la loi.
[Traduction]
À Transports Canada, nous prenons notre rôle de surveillant très au sérieux. Soyez assurés que si un exploitant aérien ne respecte pas les règles, il n'est pas autorisé à poursuivre son travail. Pour cela, nous tenons les intervenants de l'industrie de l'aviation responsable. Ils doivent fonctionner de façon sécuritaire, se conformer à la réglementation ou faire face à des mesures d'application. Lorsque qu'ils contreviennent au règlement, ils sont sujets à une approche ferme, mais juste à l'égard de l'application.
La réglementation exige des entreprises qu'elles utilisent une approche systémique à l'égard de la gestion de la sécurité de leurs organisations. C'est dont dire qu'elles doivent mettre en place des systèmes de gestion de la sécurité. Le principe directeur des SGS est que les entreprises doivent mettre en oeuvre des procédures qui leur permettent de fonctionner de manière sécuritaire et de cerner les problèmes potentiels afin de les corriger et de prévenir les accidents ou les incidents.
La première phase de la mise en oeuvre de cette réglementation pour le secteur de l'aviation commerciale de l'industrie, qui transporte 95 p. 100 du public voyageur, a eu lieu en 2005; les grands aéroports et les fournisseurs de systèmes de navigation aérienne ont suivi en 2007.
[Français]
Récemment, nous avons apporté des ajustements au calendrier de mise en application de cette réglementation, afin d'accorder plus de temps aux petits exploitants pour se préparer à la mise en œuvre. Cela signifie plus précisément que la réglementation a été reportée jusqu'en janvier 2011 au plus tôt. Cette période nous permettra également d'apporter des améliorations aux outils dont se servent nos inspecteurs pour effectuer la surveillance et, également, d'offrir plus de formation à nos inspecteurs.
[Traduction]
Il y a lieu de noter que l'OACI élabore actuellement une norme et des pratiques recommandées pour un programme de sécurité des membres. Le Canada a déjà mis en place les principaux éléments — la réglementation, les normes, les lignes directrices et la formation — pour promouvoir un système aéronautique sécuritaire et harmonisé. Nous nous attendons à ce que lorsque ce système entrera en vigueur, le Canada sera bien placé pour respecter cette norme de l'OACI.
En plus de la reconnaissance internationale de notre leadership quant à notre approche systémique à l'égard de la sécurité, un certain nombre de conclusions indépendantes ont indiqué que nous sommes sur la bonne voie. Dans son rapport de vérification de mai 2008 au sujet de la transition de Transports Canada vers des systèmes de gestion de la sécurité — plus précisément, notre stratégie de mise en oeuvre — la vérificatrice générale a souligné le rôle de chef de file de Transports Canada dans la mise en oeuvre du SGS et la reconnaissance internationale qu'il a reçue. Plus récemment, l'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne a déterminé que notre système équivaut au leur. Ils nous l'ont décrit dans le contexte d'un exercice de mise en confiance.
Le National Transportation Safety Board des États-Unis a récemment recommandé, dans deux rapports d'enquête sur des accidents, l'adoption du SGS. Il a également recommandé que la Federal Aviation Administration mandate l'utilisation du SGS pour les exploitants commerciaux. Dans des rapports récents, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a également reconnu les avantages d'une approche systémique à l'égard de la sécurité.
[Français]
L'histoire de l'aviation est en constante évolution. Afin d'assurer la réussite du changement, il est important de pouvoir compter sur le soutien de tous les niveaux de l'organisation. Le retard dans le calendrier de mise en œuvre que nous imposons permettra de consacrer plus de temps à la mise au point des outils de surveillance destinés à notre personnel et, en se basant sur l'expérience acquise durant les évaluations des grands exploitants, il permettra aussi d'améliorer la formation.
Permettez-moi de conclure en soulignant que nous avons prêté une oreille attentive aux préoccupations soulevées, que nous continuerons d'être à l'écoute et que nous apportons les ajustements nécessaires pour que le programme aille de l'avant. Le ministère se réjouit de cette discussion publique sur la sécurité aérienne. La confiance du public constitue un facteur clé de notre engagement envers la sécurité aérienne.
[Traduction]
Merci du temps que vous m'avez accordé. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
J'ai le regret de vous informer que les inspecteurs d’aviation de Transports Canada consacrent plus de temps à noircir du papier qu’à inspecter les avions. Avec l’arrivée du SGS de l'aviation, Transports Canada a systématiquement démantelé les principaux éléments de son programme de surveillance en contrevenant aux exigences de l'OACI afin d'évaluer et d'inspecter les procédures et les pratiques d'un exploitant au moins une fois par année, en plus d’inspections périodiques aléatoires. Transports Canada a annulé les mesures d’application en 2006. Aucune mesure coercitive n'a été prise contre un grand transporteur aérien commercial en deux ans, même si Transports Canada est conscient d’infractions graves aux règlements de sécurité. Vous les trouverez à l'onglet 3.
Le Programme national de vérification a été annulé en mars 2006, et Transports Canada a arrêté de mener des vérifications compétence pilote en 2007. Par conséquent, il y a désormais au Canada des pilotes non qualifiés et des pilotes dont la licence est expirée qui conduisent des aéronefs. Vous en trouverez un exemple dans la correspondance de l'onglet 6, et il y en a d’autres. En outre, Transports Canada a délégué l’octroi de licences et la surveillance de segments entiers de l'industrie aéronautique à des groupes de pression comme l’Association canadienne de l’aviation d’affaires, au mépris de nos obligations internationales de sécurité aérienne.
Plus récemment, les inspections de fonctionnement sur une base obligatoire ont été annulées en janvier dernier. Au lieu de mener des inspections complètes sur une base régulière, les inspecteurs de Transports Canada effectuent tout simplement des examens sur dossier des systèmes de gestion de la sécurité des sociétés et des suivis par une validation sur place symbolique de la paperasse. Avec le SGS, nous ne sommes tout simplement plus attentifs.
Étant donné que je dispose de peu de temps, je vais vous parler de trois exemples de transporteurs aériens qui ont enfreint le règlement de sécurité par manque d’attention. Ces exemples révèlent des problèmes systématiques du SGS. En temps normal, lorsque les inspecteurs d’aviation de Transports Canada dépendent de l'évaluation des systèmes de gestion, plutôt que de l’évaluation des opérations de l'aviation comme telles, ils ne sont pas témoins de ces incidents. Tous ces exemples expliquent des incidents qui peuvent mettre des vies en danger.
Le premier exemple concerne une demande de permis de vol. Je vous renvoie à l'onglet 8 du cahier de documents. Il s'agit d'une demande pour modifier un avion de passagers. Dans ce cas-ci, l’avion avait une capacité de carburant suffisante pour voyager sur des distances dépassant de loin sa portée maximale habituelle. La demande visait l’autorisation d’installer temporairement une radio haute fréquence. Les exploitants ont fait une demande à Transports Canada en affirmant que l'installation satisfaisait à toutes les exigences et aux règlements. En vertu du SGS, le travail d'un inspecteur est d'examiner cette demande et de la signer si les documents sont en ordre, rien d'autre. Comme vous pouvez le voir sur la diapositive suivante, l'installation est loin des promesses écrites. L'installation électrique est maintenue avec du ruban-cache. Cette installation manifestement dangereuse passe à travers les mailles du filet de Transports Canada parce qu’en vertu du SGS, nous avons les yeux fermés. La diapositive 5 montre que l'alimentation en énergie avait été mal câblée au tableau de bord, et c'est un risque potentiel d'un court-circuit électrique. La diapositive 6 donne un exemple de l'utilisation de pièces illégales.
En vertu du SGS, les inspecteurs de Transports Canada ne mènent plus aucune vérification compétence pilote. Ce sont les entreprises qui vérifient leurs propres pilotes. Pour les inspecteurs, cela a fermé une importante fenêtre sur les opérations aériennes, en particulier depuis que Transports Canada a changé sa politique pour remplacer les vérifications et les inspections par des examens sur dossier. Cette photo a été prise par un inspecteur qui est tombé sur cet avion. Grâce à une combinaison de circonstances extraordinaires, cet inspecteur a effectué un vol de contrôle pilote. Lorsqu’il a vu l'état de l'avion, il a refusé de monter à bord. Comme vous pouvez le voir, les boulons utilisés pour fixer l'aile au fuselage ne sont manifestement pas destinés à cette fin et pourraient céder en raison du stress qu'ils ne sont pas censés supporter. L'inspecteur a également découvert des pièces que l’on peut facilement acheter chez Canadian Tire mal installées dans le système électrique de cet avion. Il n’est pas sécuritaire de faire voler cet avion, mais il a pourtant transporté des passagers dans cet état parce qu’il était impossible de détecter son état de délabrement par une évaluation du SGS de cette entreprise.
La surveillance de Transports Canada ne devrait-elle pas suffire à interdire les avions dans cet état de voler?
L'exemple que je m’apprête à décrire donne froid dans le dos tant il ressemble à l’écrasement de l'avion à réaction d'Air Ontario qui a tué 24 personnes il y a 20 ans à Dryden, en Ontario. Il s’agit là d’un événement majeur dans l’histoire de l’aviation canadienne qui a mené à une enquête complète et à la réforme du Règlement de l'aviation canadien, le RAC. Le 9 octobre 2009, le vol 271 d’Air Canada a été dérouté vers Grand Forks, au Dakota du Nord, en raison de la fermeture de l'aéroport de Winnipeg. L’avion transportait des passagers et l’équipage. Cela a mené à une série de décisions qui ont mis en danger la vie des passagers et de l’équipage et qui auraient pu facilement entraîner une tragédie. La première infraction au règlement s'est produite lorsque l'avion a été réapprovisionné en combustible tandis que les moteurs étaient en marche et que les passagers étaient encore à bord. Pourquoi le commandant de bord a-t-il autorisé une telle procédure dangereuse qui contrevient au RAC? Il s’est avéré que l'avion a été autorisé à partir sans avoir le matériel nécessaire pour redémarrer les moteurs afin qu’ils soient en ordre de marche. Ce sont les mêmes circonstances qui ont forcé le commandant de bord de l’infortuné appareil d'Air Ontario à décoller de l'aéroport de Dryden sans l’avoir dégivré. Qui plus est, bien qu’un passager, qui était également un commandant de bord, ait informé le pilote d'Air Canada que les ailes de l'avion étaient couvertes de glace, le pilote a quand même décidé de décoller. Il a effectivement agi comme un pilote d'essai, et l’équipage et les passagers étaient à bord.
Si ce qui aurait facilement pu constituer une véritable catastrophe a été porté à notre attention, c'est uniquement parce que le rapport rédigé par un des passagers, celui qui est aussi pilote, m'a été envoyé personnellement. Il se demandait si les exploitants canadiens avaient le droit d'agir ainsi et sur quelles mesures réglementaires ils s'appuyaient pour assurer la protection des voyageurs. Il se demandait également si lui et les autres passagers n'avaient pas été exposés inutilement à ces risques illégaux.
Pour toute réponse, Transports Canada a décidé de laisser le tout entre les mains du SGS d'Air Canada, même si les correctifs apportés par cette société deux ans plus tôt lorsqu'un appareil avait connu des problèmes de déglaçage n'avaient rien donné. À cause du SGS de Transports Canada, la sécurité aérienne a été reléguée au second plan. Ces exemples montrent que l'industrie prend des décisions et adopte des pratiques qui mettent en danger la vie du public dès qu'on a le dos tourné. Ne serait-il pas temps que quelqu'un intervienne et prenne la sécurité du public à coeur? Doit-on vraiment attendre un autre accident grave avant de lancer une nouvelle enquête d'envergure? Ne devrait-on pas plutôt prendre les devants et faire dès maintenant l'état des lieux?
Je sais que certains membres de votre comité se rendent régulièrement à Winnipeg, alors j'imagine que la question doit prendre une tournure toute personnelle pour eux. Après tout, c'est un trajet qu'ils connaissent bien, eux aussi. Je tiens en tout cas à vous assurer que j'ai personnellement porté ces exemples à l'attention de la haute direction de Transports Canada. Nous nous réjouissons d'apprendre que la mise en oeuvre du SGS pour les exploitants des classes 703 et 704 est interrompue, mais vous conviendrez avec moi que cette décision confirme que la sécurité de tous les transporteurs assujettis au SGS constitue un problème, sans compter que le problème ainsi mis au jour mine du coup la sécurité des grandes sociétés aériennes, c'est-à-dire celles qui transportent la majorité des voyageurs. Nous ne pouvons plus être certains que ces sociétés respectent la réglementation. Pour régler la situation, nous recommandons une série de mesures fondamentales qui se trouvent déjà dans le document que je vous ai remis, mais que je pourrais certainement vous expliquer plus en détail si vous le souhaitez.
Je vous remercie.
L'Union canadienne des employés des transports, ou UCET, est le syndicat qui représente, à l'échelle nationale, la plupart des employés du gouvernement fédéral travaillant dans le secteur des transports. L'UCET représente les fonctionnaires fédéraux du secteur des transports travaillant à Transports Canada, à la Garde côtière canadienne, au Bureau de la sécurité des transports, à l'Office des transports, dans les aéroports, à NAV Canada et dans divers autres organismes.
Au sein de Transports Canada, l'UCET représente la majorité des travailleurs syndiqués — soit exactement 3 116 employés sur un total de 4 698. Nous représentons en outre près de 1 000 inspecteurs des directions de l'aviation, du transport ferroviaire, du transport maritime et de la sécurité routière. À la Sécurité aérienne, l'UCET représente la moitié du contingent d'inspecteurs. Nos membres sont notamment des inspecteurs techniques et des ingénieurs en mécanique des aéronefs chargés de l'inspection, de l'entretien et de l'ingénierie.
Nos membres appartiennent au groupe professionnel des inspecteurs techniques, ou TI, un vaste groupe professionnel regroupant des employés fédéraux travaillant au sein de divers ministères et organismes fédéraux. Cette vaste classification est inappropriée et tout à fait dépassée en ce qui a trait à son application à l'égard de la plupart des fonctions d'inspection du secteur des transports. Cette classification désuète et sans pertinence résulte en des situations dans lesquelles nos membres exercent une surveillance à l'égard du travail accompli par des personnes qui sont payées beaucoup plus cher que ne le sont nos inspecteurs techniques.
Aujourd'hui, on relève environ 115 postes vacants au sein de la Division de l'inspection de la Sécurité aérienne de Transports Canada, chiffre qui nous a été fourni par la haute direction elle-même lors d'une rencontre sur l'aviation civile tenue il y a une dizaine de jours. Un des motifs de cette importante pénurie d'effectifs d'inspection consiste en l'utilisation, par Transports Canada, de son Système de gestion de la sécurité aérienne, aussi appelé SGS, afin de réduire les budgets affectés aux activités de sécurité. De fait, au cours des dernières années et selon les prévisions budgétaires des exercices à venir, Transports Canada obtient la plus grande partie des 5 p. 100 de réductions budgétaires résultant de l'examen de ses programmes en sabrant dans les budgets affectés à la Sécurité aérienne. Nous vous enverrons d'ailleurs la partie III du budget des dépenses de Transports Canada dans les prochains jours. Une autre raison de cette pénurie réside dans le fait que la plupart des inspecteurs sont recrutés au sein du secteur des transports aériens, alors que les salaires offerts par le gouvernement sont jusqu'à 25 p. 100 inférieurs à ceux du secteur privé.
De plus, nous vous incitons à étudier l'incidence du modèle du SGS implanté à Transports Canada dans le contexte de la crise de la listériose. En effet, l'Agence canadienne d'inspection des aliments avait mis en place un modèle similaire d'autorégulation de l'industrie dans l'industrie des viandes juste avant que ne se produise la crise de la listériose. Il convient également de souligner que le Système de gestion de la sécurité aérienne est unique en son genre dans le monde entier. La mise en oeuvre de ce système au Canada est beaucoup plus avancée que dans n'importe quel autre pays, alors que certains des processus et des systèmes mis en place au Canada ne le sont pas dans les autres administrations gouvernementales responsables de la sécurité aérienne, et leur mise en oeuvre n'est pas non plus recommandée par l'Organisation de l'aviation civile internationale, ou OACI.
L'UCET et ses membres ne s'opposent pas comme tel au SGS. Toutefois, nous estimons que certains aspects du SGS implantés par Transports Canada en ce qui a trait à la sécurité aérienne sont néfastes et doivent être corrigés. L'UCET ne propose pas qu'une telle réforme se fasse en vase clos. Au contraire, nous travaillons avec Transports Canada, aux échelons les plus élevés de l'administration, afin de faire valoir notre perspective à cet égard et de communiquer de manière transparente et publique avec Transports Canada au sujet de ces questions qui sont d'un intérêt manifeste pour tous les voyageurs au Canada.
Nous avons publié un document de travail, intitulé « Mise en oeuvre du Système de gestion de la sécurité de l'aviation de Transports Canada: Ce qui ne va pas et pourquoi un changement est nécessaire ». Ce document a été largement diffusé au sein de Transports Canada et à de nombreux autres intervenants, notamment des députés fédéraux.
Les recommandations de l'UCET militent en faveur de changements qui proviennent des personnes travaillant au sein même de la Division de l'inspection. Ce sont les personnes chargées de l'inspection sur le terrain pour le compte de Transports Canada qui sont à l'origine de notre campagne militant pour des changements dans la mise en oeuvre du SGS.
Voici un facteur particulièrement important que les parlementaires doivent toujours avoir à l'esprit, et que l'on entend chez les inspecteurs de toutes les régions: les inspecteurs n'inspectent plus les aéronefs. Tout ce que font maintenant les inspecteurs, c'est de vérifier et de cocher les mentions figurant dans les rapports des sociétés aériennes. Bon nombre d'entre eux n'ont même plus à quitter les bureaux de Transports Canada. Ils passent leur temps à vérifier les rapports présentés par les sociétés aériennes sur la gestion de la sécurité. Comprenez-moi bien: la vérification est certes une fonction importante du SGS, et ce contrôle doit effectivement être effectué. Par contre, les seuls rapports présentés par les sociétés aériennes ne sont sans doute pas suffisants pour assurer la protection des voyageurs. Ils ne comportent sans doute pas un degré suffisant de contrôle, et ne contiennent pas non plus les éléments factuels pertinents résultant des mesures correctives prises à l'interne à la suite d'un événement.
Ce qui nous amène à la première de nos principales recommandations, selon laquelle les inspecteurs doivent reprendre la pratique antérieure qui consistait en des vérifications et des inspections directes et parfois aléatoires des appareils, sans préavis aux sociétés aériennes. Évidemment, l'intensité et la prévalence de ces inspections aléatoires devraient être en lien avec le risque, notamment à savoir si le transporteur est ou non titulaire d'une accréditation décernée par le SGS. Car en dernière analyse, ce sont les inspecteurs qui devraient exercer l'autorité et le pouvoir discrétionnaire de décider de procéder à une inspection aléatoire, sans préavis à l'entreprise visée. C'est la seule façon de s'assurer que le ministre des Transports s'acquitte effectivement des obligations qui lui sont imposées par la loi.
Ensuite, il faut mettre en place un mécanisme protégeant les dénonciateurs. Vous entendrez aujourd'hui des témoignages au sujet de certaines problématiques graves relevées en ce qui a trait aux rapports présentés par les employés des sociétés aériennes, notamment en l'absence de protections contre des représailles de la part de leurs supérieurs hiérarchiques ou encore de l'absence de mesures de contrôle et de définition de contrôles de la part de Transports Canada. On observe des problèmes similaires au sein de la Division de l'inspection. Lorsqu'un inspecteur a des réserves ou des préoccupations en matière de sécurité qu'il ne peut régler en raison de contraintes systémiques ou administratives, il doit alors rédiger un signalement précisant ses préoccupations à cet égard et l'afficher dans le Système de signalement des questions de l'Aviation civile, ou SSQAC, auquel les témoins qui m'ont précédée ont d'ailleurs fait référence.
Il m'a été donné de consulter plusieurs de ces signalements et les réponses données par Transports Canada. En somme, aucune suite n'est donnée à ces signalements. Il s'agit essentiellement d'un exercice stérile du genre: « Tu dis ceci, je réponds cela », sans plus. C'est comme l'employé qui signalerait à son patron que ce dernier fait mal son travail. Je vous laisse imaginer la réponse du patron. Eh bien c'est la même que celle que donne l'administration de Transports Canada.
Même les États-Unis n'ont pas adopté le SGS; d'ailleurs, le 23 septembre 2009, l'administration Obama a annoncé que la FAA, l'administration fédérale responsable de l'aviation, travaillait assurément pour le compte de la population et non des sociétés aériennes. L'administration américaine a constitué un organisme indépendant, établi au sein d'un organisme central distinct, chargé du contrôle des mécanismes de protection des dénonciateurs des manquements à la sécurité aérienne. Ce bureau sera notamment chargé du contrôle de la ligne spéciale de l'administrateur de la FAA, de la ligne spéciale de la sécurité aérienne, de la ligne spéciale des questions du public, de la ligne spéciale de protection des dénonciateurs et du Safety Reporting System, un mécanisme similaire à celui du SSQAC canadien. L'UCET estime que le temps est venu pour le Canada de suivre l'exemple des États-Unis et de constituer ici un organisme indépendant similaire, le Bureau de protection des dénonciateurs de la sécurité aérienne, lequel pourrait relever d'une instance indépendante comme le Bureau de la sécurité des transports ou le Conseil du Trésor.
L'UCET est d'avis que le Canada ne devrait pas déléguer la sécurité aérienne à des associations commerciales. Il y a là un conflit d'intérêts évident. Le Canada est le seul pays du monde à déléguer la sécurité aérienne à des associations commerciales. Transports Canada appelle ces délégations de pouvoirs des « partenariats en matière de sécurité », mais cette appellation est plutôt équivoque. En fait, le Canada se trouve à déléguer le contrôle et l'inspection des appareils aux mêmes associations commerciales dont l'existence est tributaire des sociétés aériennes qui en font l'objet. Les associations commerciales perçoivent des cotisations auprès des entreprises exploitant des activités de transport aérien. Les dirigeants de ces sociétés aériennes siègent au conseil d'administration des associations commerciales et en gèrent ainsi les activités. Il est évident qu'il existe un conflit d'intérêts lorsqu'une association, gérée et administrée par des sociétés aériennes, est en même temps responsable de la sécurité aérienne des passagers qui voyagent à bord de leurs appareils.
Il est important ici de bien distinguer les associations professionnelles des associations commerciales. Les associations professionnelles, lesquelles chapeautent les pilotes, les ingénieurs, etc., ont un intérêt légitime et doivent s'assurer de l'application des accréditations et des normes aux membres des professions qu'elles chapeautent. Il n'existe aucun conflit d'intérêts lorsque les ordres professionnels sont habilités à veiller à ce que leurs membres possèdent le plus haut niveau de compétence professionnelle pour exercer leur profession. Or, Transports Canada a délégué le contrôle du SGS à l'Association canadienne de l'aviation d'affaires, ou ACAA. Cette association représente les entreprises privées exploitant des avions d'affaires. Une demande de la Helicopter Association of Canada est présentement à l'étude. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'une demande soit présentée par l'association représentant les plus importantes sociétés aériennes du Canada, qu'une telle demande soit étudiée et éventuellement acceptée.
Le mois passé, le Bureau de la sécurité des transports a publié un rapport portant sur un accident qui s'est produit à Fox Harbour, en Nouvelle-Écosse. L'accident impliquait un exploitant accrédité auprès de l'ACAA. Le rapport du bureau s'est longuement penché sur la question du programme de l'ACAA et de la nature du contrôle exercé par Transports Canada; il contenait notamment les observations suivantes: les administrateurs de l'ACAA, préoccupés par les poursuites, ont établi un mécanisme en vertu duquel des consultants indépendants étaient exclusivement chargés de la mise en oeuvre du système de contrôle du SGS; les exploitants membres de l'ACAA étaient libres de choisir leurs propres consultants et faisaient effectivement appel aux mêmes consultants d'une fois à l'autre, menant à une forte possibilité de « comportement captif » par rapport à la réglementation; des membres de l'UCET ont signalé que les exploitants membres de l'ACAA faisaient parfois appel au même consultant que celui chargé d'exercer le contrôle pour le compte de l'ACAA relativement à l'élaboration des protocoles du SGS visant les exploitants membres de l'ACAA; Transports Canada a fait une vérification du programme de l'ACAA, et le rapport de vérification recommandait que des modifications importantes soient apportées au programme de l'ACAA, mais aucune suite n'a été donnée à ces recommandations.
Nous sommes d'avis qu'un système conférant aux inspecteurs le pouvoir de procéder effectivement à des inspections permettrait de corriger les problèmes systémiques, notamment l'absence de suivi des recommandations formulées dans le cadre de la vérification du programme de l'ACAA. En outre, nous estimons que les associations commerciales sont en conflit d'intérêts lorsqu'elles sont à la fois responsables de la sécurité aérienne envers la population tout en étant redevable envers les dirigeants des entreprises aériennes pour leur existence même.
En résumé, l'UCET ne s'oppose pas comme tel au SGS, mais s'oppose à certains aspects de sa mise en oeuvre par Transports Canada. Nous recommandons la mise en place d'une politique de vérifications et d'inspections effectuées directement et sans préavis par les inspecteurs de Transports Canada. Nous recommandons l'établissement d'un bureau indépendant chargé de protéger les dénonciateurs. Nous nous opposons à la délégation des pouvoirs du SGS aux associations commerciales, car il s'agit de toute évidence d'une situation de conflit d'intérêts. Nous accueillons favorablement la motion du comité et toute occasion qui nous serait donnée d'exprimer — tant en public qu'en privé — notre opinion au sujet de cet enjeu d'envergure nationale.
Il nous fera plaisir de participer aux discussions à cet égard.
Merci.
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Bonjour. Je m'appelle Carlos DaCosta, et je suis coordonnateur des lignes aériennes pour l'AIMTA au Canada. Notre organisme représente tout près de 17 000 travailleurs dans tous les domaines de l'aviation, dont 8 000 mécaniciens assurant l'entretien des appareils d'Air Canada, d'Air Transat, de Bearskin et d'Air Labrador. Le tiers des techniciens brevetés du Canada sont représentés par notre association, et comme ils font partie des 8 000 dont je vous parlais, je crois que le compte est bon.
Dans une ancienne vie, j'ai été mécanicien à Air Canada pendant 20 ans. J'ai ensuite embrassé la carrière syndicale. Mon métier de mécanicien m'a notamment amené à réparer et à entretenir de nombreux gros-porteurs.
À titre de coordonnateur des lignes aériennes, j'ai eu l'occasion, comme plusieurs de mes collègues de l'association, de rédiger des articles sur le SGS à partir des recherches menées aux États-Unis et au Canada et des séances qu'organisait Transports Canada un peu partout au pays pour informer le public des détails relatifs au SGS. En se fondant sur ces recherches, l'association en est venue à la conclusion que ce système est déficient; c'est pourquoi elle a récemment commencé à recueillir des données, car elle veut s'assurer que les lacunes découvertes peuvent être étayées.
Le principal problème du SGS tient au fait qu'il semble y avoir un conflit d'intérêts lors qu'une entreprise doit voir autant à l'aspect budgétaire de ses activités qu'à l'aspect sécuritaire. Je vous rappelle que c'est davantage une impression qu'un fait établi et que, tant que nous n'aurons pas les données pour le prouver, tout reste à l'état de théorie. Quoi qu'il en soit, les données que nous avons montrent néanmoins que les incidents redoutés commencent à se produire, ce qui est alarmant.
Nous nous inquiétons particulièrement du peu de surveillance exercée par Transports Canada pendant l'ensemble du processus relatif au SGS, et plus particulièrement sur le terrain, c'est-à-dire directement dans les avions que l'on est en train de réparer.
Transports Canada prétend de son côté que le SGS n'est qu'une couche supplémentaire qui s'ajoute aux divers règlements. Le ministère reprend en fait presque mot pour mot les propos de l'OACI. Ce n'est cependant pas notre avis, car nous estimons qu'il s'agit plutôt d'un soi-disant processus qui ne mène à rien de constructif. C'est un soi-disant processus qui ne tient pas compte de ce qui se passe dans la réalité, dans les avions eux-mêmes.
J'ai été intrigué d'entendre la dame avant moi dire que les inspecteurs n'inspectent plus rien d'autre que les formulaires qu'on leur présente, mais c'est vrai que c'est justement ça que les mécaniciens commencent à nous rapporter. C'est ce qu'ils constatent. Ils ne voient plus personne faire des vérifications aléatoires. De toute évidence, en ne se rendant pas au fond des choses, c'est impossible pour Transports Canada de comprendre ce qui se passe vraiment sur le plancher.
Comme je le disais plus tôt, nous avons déjà quelques incidents à signaler. Malheureusement, pour le moment, ils n'impliquent tous qu'une seule et même ligne aérienne, l'une des plus grandes du pays, soit dit en passant, mais, ces prochains mois, au fur et à mesure que notre processus prendra forme, nous pourrons aussi voir ce qui se passe dans les autres lignes aériennes et recueillir des données à ce sujet.
Vous le constaterez par vous-même, les problèmes que je suis sur le point de révéler viennent confirmer nos craintes. Je n'ai pas l'intention de nommer de noms ni de donner des exemples concrets, simplement de vous donner un avant-goût de ce qui se passe dans la vraie vie et des raisons pour lesquelles les incidents passent sous l'écran radar du SGS de Transports Canada.
Nous avons notamment constaté, chez la compagnie aérienne dont je vous parle, que les employés dont le nom était mentionné dans le cadre du processus relatif au SGS faisaient l'objet de mesures disciplinaires. Nul besoin de vous dire qu'il s'agit d'une violation flagrante du processus instauré par Transports Canada. Si le processus relatif au SGS est en voie de devenir un processus disciplinaire, comment croyez-vous que les gens réagiront à l'avenir quand ils feront une erreur? Croyez-vous qu'ils auront envie d'en informer les autres pour ne pas que l'erreur en question se reproduise?
À Vancouver, un de nos mécaniciens brevetés d'expérience a été l'objet de mesures disciplinaires. Il avait d'abord consulté le manuel pour savoir comment installer une pièce donnée. Or, la pièce en question n'était pas approuvée par Transports Canada. Il a donc posé des questions. En fin de compte, on a fini par lui dire que tout était sous contrôle et qu'il devait se contenter de suivre les procédures. C'est ce qu'il a fait.
Lorsqu'il a été relevé par les mécaniciens du quart de travail suivant, ceux-ci ont repris le boulot là où notre mécanicien était rendu. Ils ont eux aussi suivi les procédures du manuel. Ils n'ont pas reconnu la pièce à installer, parce qu'elle n'était pas étiquetée et qu'elle était peinte de la même couleur que les pièces qu'ils utilisent normalement. Bref, à cause d'une erreur qui s'était glissée dans le manuel publié par Airbus — erreur qui a d'ailleurs été confirmée par la société Airbus —, ils ne l'ont pas retirée de l'appareil, puisqu'ils n'avaient aucun moyen de savoir qu'elle était déjà installée. Lors de l'enquête faisant partie du processus relatif au SGS, on a déterminé que la faute en était aux employés qui n'avaient pas retiré la pièce, et ils ont fait l'objet de mesures disciplinaires.
Quelles mesures incitatives ont été mises en place pour que les SGS fonctionnent? Quel exemple donne-t-on qui pousserait d'autres mécaniciens à dire: « Vous savez, j'ai commis une erreur de bonne foi; j'aimerais le mentionner et j'aimerais que vous me disiez quelle était mon erreur, parce que je pense que quelque chose ne fonctionne pas. »? Il n'y en a pas. Et il s'agit là d'un seul incident.
Un autre incident s'est produit à Winnipeg, où un mécanicien tentait de réparer un siège du poste de pilotage. Une erreur a été commise quelque part dans le processus, et le siège a été envoyé ailleurs. On a donc demandé à l'employé de prendre un autre siège et de remplir une étiquette incorrectement afin que ce siège puisse être utilisé dans l'avion en question. C'est le gestionnaire de l'employé qui lui a donné cet ordre. Il lui a aussi dit que s'il n'obéissait pas, il en subirait les conséquences. Il a refusé d'obéir; il en a donc subi les conséquences. J'ai appris ce matin qu'on mène actuellement une enquête sur la situation; nous verrons quel en sera le résultat. Cependant, voilà comment fonctionne une ligne aérienne, qui est censée participer aux SGS.
Deux incidents se sont produits à Toronto. Dans le premier cas, on a demandé à des travailleurs de réparer un aéronef au cours du quart de nuit, pendant qu'il faisait noir, avec les mauvais outils, le mauvais matériel et de l'éclairage insuffisant, et à l'aide d'échafaudages pour pouvoir atteindre l'aéronef. Les travailleurs ont demandé que l'aéronef soit conduit jusqu'au hangar pour qu'ils puissent bien le réparer — j'ai déjà fait cela au cours de mon ancienne carrière. Parfois, ils peuvent le faire, d'autres fois non. Si les réparations à apporter sont assez importantes, elles sont remises à plus tard et le vol est retardé, ou on remplace l'aéronef.
On a dit aux employés qu'il était impossible de le faire et qu'ils devaient faire leur travail, sinon... Puisqu'ils ont été placés dans cette situation hostile, ils ont refusé d'accomplir le travail, en vertu du Code du travail. Des représentants de Travail Canada se sont présentés et ils ont jugé, selon leurs capacités, leurs connaissances et leur formation, que la situation n'était pas dangereuse. La compagnie a ensuite menacé les employés en disant: « Vous faites mieux de ne pas agir ainsi à nouveau. Apprenez la leçon et dites aux autres que vous ne pouvez pas refuser d'accomplir votre travail. Lorsqu'on vous dit de faire quelque chose à un certain endroit, faites-le, et faites ce qu'il faut pour que l'aéronef parte à l'heure prévue, pour le bien de la ligne aérienne. »
Dans le cadre d'une autre situation, qui s'est déroulée à Montréal, dans un atelier spécialisé dans la remise en état de pièces d'aéronefs, un employé a remarqué que le personnel avait tendance à prendre des raccourcis et à ne pas suivre les manuels d'entretien. Je dois souligner qu'on ne peut pas vraiment réparer un aéronef comme on répare une automobile. On ne peut pas simplement se fier à ses instincts; on doit essentiellement suivre le manuel, puis on doit appliquer ses connaissances et son expérience à l'exécution des réparations.
Étant donné les raccourcis qu'on prenait, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, l'employé croyait que quelque chose n'allait pas. Il a donc déposé un rapport en application du SGS, mais le rapport a enterré l'incident. Il s'est adressé à Transports Canada, sans succès. Les représentants ne voulaient pas lui parler, à moins que ce soit fait en personne.
Au bout du compte, nous nous retrouvons dans une situation où... J'ai parlé aux employés. Ils se demandent pourquoi ils avoueraient qu'il y a eu un incident, qu'ils ont trouvé une erreur ou que quelqu'un a commis une erreur, probablement sans s'en apercevoir. Quel est l'avantage pour eux de faire cela alors qu'ils savent que leur ami sera puni? À leur tour, ces gens se cacheront et ils tenteront de régler les problèmes eux-mêmes. En tant que mécanicien, je sais et je peux vous dire qu'ils n'omettront rien sur le plan de l'entretien. Or, si nous les livrons à eux-mêmes, qu'arrivera-t-il à l'ensemble de l'industrie de l'aviation?
Je vous parle d'une ligne aérienne de bonne réputation. Prenez l'exemple de ce qui s'est produit dans le cas de Southwest Airlines; la réputation de cette compagnie — comme celle, d'ailleurs, d'American Airlines et de Continental Airlines — n'est ni pire ni meilleure que celles de toutes les lignes aériennes du Canada. Pourtant, le système en place aux États-Unis est rigoureux; il permet, entre autres, de faire des vérifications ponctuelles. Les mesures de protection des dénonciateurs ont eu pour résultat que des employés se sont prononcés, et certaines lignes aériennes ont reçu des amendes et l'interdiction de voler.
Qu'est-ce qui vous porte à croire que cela ne se produira pas au Canada? Nous sommes tous des êtres humains. Nous nous intéressons tous tout particulièrement au secteur dans lequel nous travaillons. En tant que gestionnaire, je donne peut-être la priorité au budget et à l'exploitation plutôt qu'à la sécurité. En tant que travailleur, je me demande peut-être comment rentrer chez moi à l'heure prévue, comment faire le travail de façon sécuritaire, comment me protéger et m'assurer que l'aéronef décolle et atterrit en toute sécurité, car c'est peut-être mon cousin ou mon frère qui est à bord.
Au bout du compte, c'est certain que le système est imparfait. Nous commençons à voir des exemples de ce fait. Je vais certainement transmettre toutes les données que je reçois au cours des prochains mois à Transports Canada et à tous ceux qui s'intéressent à la question.
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Merci, monsieur le président.
Et merci à nos témoins de comparaître.
J'aimerais vous signaler, monsieur le président, que s'il me reste du temps, je le partagerai avec M. Jean.
Je ne sais pas si certains d'entre vous sont des cinéphiles, mais je dois dire que cette situation me fait penser un peu au film Le jour de la marmotte, mettant en vedette Bill Murray. Le personnage principal se réveille chaque matin et revit la même série d'événements. C'est, il me semble, un peu le cas aujourd'hui. Je siège au comité depuis plusieurs années. Nous avons eu un débat sur le projet de loi C-6 visant à apporter des améliorations à la Loi sur l'aéronautique pour, entre autres, mettre en oeuvre des systèmes de gestion de la sécurité et instaurer des mesures en matière de protection des dénonciateurs. Je me rappelle avoir passé carrément des heures à l'étape de l'amendement en comité, avec l'appui du Parti libéral et du Bloc, pour essayer de trouver un libellé qui assurerait le bon fonctionnement du système. On l'a ensuite présenté à la Chambre, mais une motion de renvoi proposée par les néo-démocrates, bien entendu, a contrecarré le fruit d'un travail d'un an. En fait, je crois que le projet de loi C-6 est le résultat de cinq ans de consultations si l'on tient compte de ses premières moutures. Ce n'est donc pas comme si ce débat se soit tout à coup présenté aujourd'hui.
Premièrement, permettez-moi de dire, aux fins du compte rendu, que nous aurions pu disposer de certaines protections et d'autres mesures si le projet de loi C-6 avait été adopté. Je pense donc que nous avons un sérieux problème ici à cause de la motion de renvoi qui a été présentée.
Deuxièmement, j'aimerais pousser cette idée plus loin. Veuillez me pardonner si je suis un peu sceptique, mais je me souviens du témoignage des représentants de chaque syndicat qui ont comparu devant le comité; ils se sont tous opposés au principe des SGS, les systèmes de gestion de la sécurité. Chacun des syndicats a signalé le même message et ce, à maintes reprises.
Il est intéressant de voir qu'aujourd'hui, quand les caméras tournent... veuillez m'excuser, mais j'ai l'impression que certains d'entre vous se sont convertis à la religion du SGS. D'après ce que j'entends dire, vous acceptez tous le SGS, et si je regarde les exigences que vous proposez, vous êtes essentiellement disposés à accepter le SGS s'il tient compte exactement des mêmes critères que vous demandez dans le cadre du projet de loi C-6. Je suis donc un peu sceptique à ce sujet.
Monsieur DaCosta, j'ai une question à vous poser. Vous avez dit avoir récemment commencé à recueillir des données pour vérifier la validité de votre hypothèse sur la façon dont les systèmes SGS fonctionnent. Si je ne me trompe pas, vous avez précisé avoir entrepris ce travail depuis deux ou trois semaines. Bien entendu, vous n'avez pas terminé le processus, mais vous n'avez pas le moindre scrupule à créer un sentiment de panique potentiel chez les voyageurs. Vous avez déjà tiré à une conclusion — semble-t-il — et vous la présentez au comité après seulement deux semaines de collecte de données. Est-ce responsable?