:
Merci, madame la présidente.
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité et distingués invités. Je suis très fier d'être ici aujourd'hui, mais également triste et ému d'avoir à vous entretenir de mon sujet et de notre service policier, la Gendarmerie royale du Canada.
Je suis fier d'être membre de la GRC, dont j'ai joint les rangs il y a 37 ans. J'ai travaillé dans les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard. À l'instar de la plupart des membres de la GRC, j'ai débuté ma carrière à titre d'agent de première ligne au sein d'un détachement. J'ai exercé de nombreuses fonctions policières, notamment en rapport avec les renseignements criminels, les bandes de motards criminalisées et de nombreux aspects de la lutte antidrogue, y compris à titre d'agent d'infiltration. J'ai passé une dizaine d'années au sein d'un groupe tactique d'intervention, où j'ai participé à de multiples déploiements, principalement à titre de tireur d'élite mais également à titre de membre d'une équipe d'assaut. Ces expériences m'ont exposé à de nombreux événements et causé des traumatismes qui se sont répercutés sur mon quotidien.
Je suis ici aujourd'hui dans le cadre de mes fonctions actuelles de représentant des relations fonctionnelles, c'est-à-dire de représentant des relations de travail oeuvrant au nom de plus de 900 membres faisant partie de ma division, celle de la Nouvelle-Écosse, mais également au nom de milliers d'autres membres à l'échelle nationale, à titre de président du programme national de santé et sécurité au travail des RRF. C'est une fonction que j'occupe depuis de nombreuses années. J'ai été élu à ce poste par mes pairs du caucus et à l'échelle de la division par tous les membres civils et réguliers pour différents mandats, dont la durée dépasse maintenant 14 ans.
Compte tenu du temps dont nous disposons ce matin, j'aimerais porter à votre attention une situation critique qui perdure à la GRC et qui s'est maintenant transformée en crise. Je m'efforcerai de parler des traumatismes liés au stress professionnel de façon générale, et non pas simplement aux troubles de stress post-traumatique.
Bon nombre d'entre vous avez probablement vu la plus récente publication des RRF. Vous êtes nombreux à l'avoir devant vous ce matin. J'espère que vous trouverez du temps pour la consulter. Ce numéro renferme avant tout beaucoup de faits. On a recueilli ces témoignages pour souligner les problèmes éprouvés par de nombreux membres dans tout le pays. Bon nombre de membres ont exprimé leurs points de vue, dont certains étaient extrêmement émouvants. Nous avons décidé de nous concentrer sur les situations particulières touchées par le cercle de soins.
Certains d'entre vous savent déjà que les membres de la GRC sont exclus de la protection prévue par la Loi canadienne sur la santé, au même titre que les nouveaux arrivants au Canada et les détenus des prisons fédérales. À cause de cette exclusion, je n'ai pas droit aux soins médicaux dans ma propre province, sans l'approbation de mon employeur. Cette disposition figure au paragraphe 83(1) du Règlement sur la Gendarmerie royale du Canada.
La publication qui vous a été remise aujourd'hui a été distribuée à grande échelle, y compris au Sénat et à la Chambre des communes. Elle contient des articles percutants rédigés par des membres actifs et à la retraite affectés, par des professionnels de la santé appelés à les soigner et par des membres de la famille et d'autres intervenants. Plusieurs autres personnes ont voulu partager leurs expériences, mais nous n'avons pas été en mesure de répondre à la demande.
Parmi les points de vue sincères exprimés par les membres civils et les membres réguliers qui ont été victimes d'un traumatisme lié au stress, citons les suivants:
-- cela nuira à ma carrière, à mes possibilités de promotion et d'avancement;
-- les membres de mon unité risquent d'avoir moins confiance en moi;
-- la direction de l'unité pourrait me traiter différemment;
-- les dirigeants accusent les membres d'être responsables du problème, c'est-à-dire d'avoir un problème de santé, car d'une perspective de leadership, on compte alors une personne de moins à l'effectif, qui ne peut pas être remplacée;
-- les membres sont perçus comme étant faibles et se font dire des choses comme « Prends sur toi! »;
-- ce serait trop embarrassant pour ma famille;
-- je ne fais pas confiance à la GRC;
-- je ne fais pas confiance aux services de santé de la GRC;
-- je ferais mieux de me débrouiller tout seul.
Récemment, un membre actif de la GRC a été victime de blessures graves durant un déploiement à l'étranger. J'ai reçu divers appels de membres préoccupés qui cherchaient à savoir à quels soins médicaux et services de soutien ce membre gravement blessé aurait accès. J'ai d'abord contacté un des témoins ici présents, le surintendant Rich Boughen. Après m'être entretenu avec Rich à ce propos, ce dernier s'est immédiatement rendu au domicile du blessé et a facilité certaines interventions pour répondre aux besoins du membre et de sa famille.
Bon nombre de nos programmes de soutien mis sur pied pour aider les premiers intervenants sont également touchés par le manque de fonds et de ressources. Nous avons besoin d'aide de l'extérieur pour régler ces situations auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons besoin de votre aide pour faire en sorte que les besoins médicaux de nos membres reçoivent l'attention qu'ils méritent, car il s'agit d'une priorité véritable, réelle.
Certains membres paient eux-mêmes leurs rendez-vous médicaux et leurs médicaments, afin que personne ne soit au courant de leurs problèmes personnels. Dans pareils cas, si un membre régulier prend sa retraite et présente une demande à Anciens Combattants, le dossier médical du membre ne contient aucune information à l’appui de sa demande. Les gens sont alors contraints d'étayer leur demande à partir de situations vécues après leur retraite.
Voilà ce qui arrive aux membres qui essayent de cacher leurs ennuis de santé.
Récemment, un ancien de la GRC, qui est à la retraite depuis six ans, a lu un article sur le travail accompli par les RRF à l'égard des traumatismes liés au stress opérationnel. Depuis qu'il est à la retraite, cet homme a fait face à de nombreux problèmes personnels, a constaté qu'il avait besoin de soutien et a demandé de l'aide. Cette aide lui a été fournie. Ce membre a été dirigé vers un bureau local d'Anciens Combattants Canada et reçoit maintenant des soins.
Nous avons des membres de la GRC qui se soignent seuls en consommant des drogues et de l'alcool. C'est une solution à court terme qui ne fait que créer des bombes à retardement. La GRC a de plus en plus de membres malades qui ne veulent pas se manifester.
Nous avons affaire à des professionnels retenus à contrat qui savent peu de choses, voire rien, de la profession et du mode de vie d'un policier. Ils n'ont pas été initié à notre monde. En fait, dans ma division d'attache au moment où on se parle, nous avons un médecin embauché à contrat qui travaille, je crois, sept jours par mois. S'il vous arrive de vous blesser ou si vous avez un dossier à faire examiner pendant ces sept jours, que faites-vous? Ce sont les réalités auxquelles nous sommes confrontés au sein de l'organisation en raison de l'incapacité d'obtenir les ressources nécessaires à la prestation de ces services.
Depuis des années, les RRF militent en faveur du recours à des médecins désignés qui connaissent bien les tâches que sont appelés à accomplir les policiers. Nous avons un programme d'aide aux membres et aux employés, le PAME, qui est un programme de base reconnu par les employés en poste pour son efficacité éprouvée dans de nombreux cas. Toutefois, ce programme est sans cesse paralysé par les postes laissés vacants.
Souvent, les membres ne s'adressent pas aux services de santé de la GRC pour obtenir de l'aide, en particulier pour des problèmes psychologiques, parce qu'ils craignent les conséquences sur leurs situations personnelles et professionnelles.
Nous avons eu et continuons d'avoir des membres qui ne font pas l'objet d'un suivi lorsqu'ils sont mutés d'une division à l'autre, qui finissent par tomber dans les failles administratives du régime médical. Je dirais que, la plupart du temps, les membres ne font pas l'objet d'un suivi lorsqu'ils reviennent de missions dans des régions éloignées ou dans le Nord. Nous sommes dans cette situation parce qu'il n'y a pas assez de professionnels de la santé qui connaissent notre monde, celui du travail policier.
Nous nous préoccupons non seulement du sort des personnes qui sont en congé de maladie, mais également de celui des très nombreux membres qui travaillent tout en étant malades, ces employés qui viennent travailler tous les jours jusqu'à ce qu'ils s'écroulent. Notre organisation n'est pas en mesure de vous dire quelle est l'ampleur du désastre lorsqu'il est question de l'état psychologique des membres, car nous ne consignons pratiquement aucune statistique. Nous sommes contraints de nous fier aux statistiques fournies par Anciens Combattants Canada. Encore hier soir, j'essayais de trouver des statistiques récentes mais je n'ai trouvé que des statistiques du printemps dernier, vieilles d'environ un an. Rappelez-vous qu'Anciens Combattants n'a de chiffres à produire que lorsque le mal est fait.
Notre régime de soins s'en remet à Anciens Combattants Canada pour déterminer si les traumatismes sont reliés au travail, ce qui démontre une fois de plus notre incapacité à régler nous-mêmes ces questions avant de faire appel à Anciens Combattants Canada.
La GRC n'offre aucun régime de protection médicale pour les membres gravement blessés et retraités. Imaginez une personne blessée qui est dans l'incapacité d'entretenir sa propre maison. Nos membres travaillent partout au Canada et dans le monde et affichent le drapeau canadien à plus d'endroits que tout autre organisme gouvernemental; pourtant, jusqu'à présent, on a refusé à nos membres blessés les avantages du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Notre champ de bataille est principalement national, mais nous travaillons également dans de nombreux autres pays. Les hommes et les femmes de notre organisation ont payé un fort prix pour soutenir notre pays, au même titre que nos frères et soeurs des Forces canadiennes, qui ont fait les mêmes sacrifices. Nous ne demandons rien de plus que de bénéficier de soins médicaux.
D'abord et avant tout, nous avons besoin de l'aide de votre comité. Nous avons besoin d'un budget de services votés pour répondre à nos besoins en services de santé et ainsi protéger ces fonds, qui ne pourront être utilisés pour autre chose.
La GRC se doit d'obtenir les ressources formées et les fonds dont elle a besoin pour offrir un régime de soins médicaux qui réponde aux besoins de ses membres de première ligne. Ces ressources doivent être inscrites dans un organigramme stable, qui n'est pas appelé à changer trop souvent. À l'heure actuelle, nous disposons de fonds pour 20 postes; nous en avons 40, en comptant les quelques postes vacants, dans un milieu de travail qui aurait besoin du soutien indéfectible de 60 postes. C'est une réponse circulaire à notre situation qu'il vous faut connaître.
Notre Programme d'aide aux membres et aux employés, le PAME, doit être fort et engagé. Il doit se consacrer uniquement à la santé mentale et physique des membres de la GRC. Les membres font confiance aux autres membres et c'est ce qui nous permet d'avoir accès à ce dont nous avons besoin à l'heure actuelle. Grâce à la confiance inhérente manifestée envers nos membres qui s'occupent du PAME, ce programme est non seulement unique mais il suscite la confiance à l'interne, étant donné que ce sont des gens qui savent qui nous sommes, ce que nous faisons et comment fonctionne notre organisation. Essentiellement, vous vous adressez à quelqu'un tout en sachant qu'il comprend ce que vous faites, plutôt que de parler à un étranger qui répond au bout d'une ligne téléphonique sans frais.
Il est absolument essentiel que chaque employé de la GRC reçoive sans plus tarder une formation sur les traumatismes liés au stress professionnel.
J'ai déjà pris assez de votre temps ce matin. Le temps que vous m'avez accordé aujourd'hui est très précieux et le restera jusqu'à la fin de mon service à la GRC. Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité à vous faire part de ces observations aujourd'hui.
:
Merci. Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Merci d'avoir invité la GRC à vous adresser la parole aujourd'hui.
Permettez-moi de présenter le surintendant Rich Boughen, directeur général intérimaire, Santé et sécurité au travail, qui m'accompagne pour répondre aux questions sur la santé et la sécurité au travail. J'aimerais également souligner la présence du sergent d'état-major Murray Brown, qui a été invité par le comité à parler à titre de représentant des relations fonctionnelles.
La GRC est le plus grand service de police au Canada. Son personnel remplit des fonctions extrêmement diversifiées; il se compose majoritairement d'agents de la paix qui exercent des fonctions policières traditionnelles avec diligence, mais il comprend aussi divers agents et membres civils spécialisés ainsi que des employés de la fonction publique, des gendarmes auxiliaires, des bénévoles et des employés contractuels de tous les métiers et de toutes les professions. Au total, la GRC compte plus de 28 000 employés. Elle est présente dans les grands centres urbains, les petites communautés, les postes du Nord, les régions isolées et les missions internationales de maintien de la paix.
[Français]
Pour les policiers, la routine n'existe pas. En raison de la nature de leur travail, les membres de la GRC peuvent se retrouver dans des situations opérationnelles susceptibles de leur causer des blessures physiques, émotionnelles et psychologiques. Ils sont régulièrement exposés à des incidents traumatisants ou tragiques, à des atrocités, à des catastrophes naturelles et à une profonde souffrance humaine. S'ils ne sont pas diagnostiqués, les problèmes découlant du stress opérationnel peuvent influencer considérablement le bien-être du membre à la maison, au travail et en société, sans que lui ou sa famille comprenne les raisons pour lesquelles son comportement a changé.
Les membres de la GRC étant exclus de la Loi canadienne sur la santé, les soins de santé à leur intention sont offerts en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Aux termes de cette loi, la GRC finance, par l'intermédiaire de son budget de fonctionnement, la prestation de tous les services nécessaires pour aider ses membres réguliers à maintenir leur santé et, en cas de besoin, à se rétablir rapidement pour pouvoir reprendre le travail.
[Traduction]
La Sous-direction de la santé et de la sécurité au travail établit les politiques et les programmes visant à promouvoir un environnement de travail sain et sécuritaire. Elle collabore aussi avec un réseau de fournisseurs de services désignés et avec d'autres partenaires fédéraux dans le domaine de la santé. La sous-direction soutient les bureaux régionaux et divisionnaires de la santé au travail en établissant des normes nationales en matière de soins médicaux et psychologiques qui sont appliquées sur le terrain.
[Français]
Des mesures préventives sont en place afin de surveiller la santé des membres réguliers tout au long de leur carrière. Les médecins divisionnaires vérifient le bien-être physique et mental des membres lors d'évaluations périodiques obligatoires dont la fréquence varie d'annuelle à triennale, selon les fonctions exercées.
Les membres réguliers ont accès à des soins de santé complets, conformément aux dispositions établies en ce qui concerne les services et les prestations auxquels ils ont droit. Ces soins de santé sont fournis par des professionnels des domaines médical et psychologique de leur communauté, bien que des services d'immunisation soient offerts par la GRC. Nous nous efforçons de répondre aux besoins de santé de nos membres et de leur famille et, s'il le faut, nous assurerons le transport ou même la réinstallation d'un membre afin qu'il ait accès aux ressources nécessaires.
[Traduction]
Le Partenariat fédéral pour les soins de santé, le PFSS, vise à réaliser des économies d'échelle tout en améliorant la prestation des soins, de même qu'à exercer un leadership sur le plan des enjeux stratégiques. La GRC se démarque des autres partenaires du PFSS en ce sens qu'elle n'offre pas de soins de santé directement à ses membres; elle n'éprouve donc pas les mêmes difficultés qu'eux en ce qui concerne le recrutement et le maintien en poste de professionnels de la santé.
[Français]
Nous sommes satisfaits du leadership que le PFSS a exercé relativement à la protection des renseignements personnels et à la planification des architectures d'entreprise pour la mise au point du dossier de santé électronique, l'utilisation des données par les services de santé et le traitement des demandes de paiement de soins de santé. Nous croyons aussi que les ministères pourraient optimiser les éventuelles économies d'échelle en mettant une base de connaissances à la disposition des partenaires dans tous les domaines des soins de santé et de leur gestion.
[Traduction]
En conclusion, il importe de souligner que les besoins de nos employés évoluent à mesure que notre organisation change et se développe. La GRC s'adapte pour suivre le rythme. À compter du 1er avril, j'assumerai le nouveau poste de directeur général du perfectionnement et du mieux-être. La création, au sein de notre organisation, de ce nouveau rôle au niveau de commissaire adjoint fait valoir l'importance que la GRC accorde au mieux-être. Nous continuons d'orienter nos activités en fonction des renseignements à notre disposition et avons fait appel à des experts pour nous guider dans nos prochaines démarches. Nous mettrons à profit les études et les pratiques exemplaires les plus récentes pour préserver la santé de nos employés afin qu'ils soient en forme pour le travail et pour la vie.
Merci.
Je vous ai fourni une photo de mon mari, dont le suicide était une conséquence directe de l'échec des services de santé de la GRC. Mon mari a été muté dans le Nord sans qu'on lui ait fait subir une évaluation psychologique avant son départ. Il a passé une entrevue. Il est revenu à la maison avec un avis de mutation. Il avait déjà été muté à trois reprises au cours de sa carrière de plus de 18 ans. Il savait donc à quoi ressemblait un avis de mutation.
Il m'a dit qu'il croyait qu'on l'avait muté. Je lui ai répondu que c'était impossible parce que s'il avait été muté, nous aurions tous les deux dû subir des évaluations psychologiques. Comme je suis infirmière autorisée, j'ai également des amis qui sont dans le Nord. J'ai toujours demandé d'être avertie bien à l'avance parce que je suis absorbée par mon travail.
Mon mari est allé à l'entrevue où on a parlé avec lui d'un poste qui était possiblement ouvert. On ne lui a jamais fait passer d'entrevue, on lui a plutôt offert une promotion dans le Nord. On ne m'a jamais fait passer d'évaluation psychologique. Comme épouse, on m'a donné un bout de papier qu'on m'a demandé d'examiner à la maison, puis de le retourner.
Nous sommes donc partis dans le Nord. À l'époque, à l'endroit où nous étions, les conditions étaient inimaginables. Dans de nombreux domaines, le soutien était minimal. Un jour, mon mari a appelé à l'aide en disant: « Je ne peux plus faire ça. Je ne comprends pas ce qui ne va pas. Je ne comprends pas ce qui ne va pas. »
Il a communiqué avec le superviseur de sa division. Nous sommes allés au quartier général de la Division K à Edmonton. Nous avons rencontré des psychologues et des médecins de la GRC. La psychologue ne faisait pas partie de la GRC; elle venait de l'extérieur. Pendant l'entretien, je n'ai pas quitté mon mari un seul instant. Je tenais à être là. On ne m'a pas invitée, je me suis invitée moi-même.
Paul a répondu à une question obligatoire. Lorsqu'on l'a questionné sur la possibilité d'actes autodestructeurs ou de violence envers les autres, il a répondu positivement à la question qui portait sur le suicide. La psychologue a répondu: « Vous avez quelques problèmes dont nous devons parler. » Elle lui a demandé où était sa famille. Il a répondu qu'elle était dans l'est, à Ottawa et en Nouvelle-Écosse. Elle a dit: « Bien. Je vous renvoie à Ottawa. »
Nous sommes allés à Ottawa. Nous avons dû attendre un certain temps avant de pouvoir obtenir un rendez-vous. Puis nous sommes allés. Le médecin n'a examiné mon mari que pendant une heure et demie sur une période de deux jours. Selon lui, tout allait bien chez mon mari, mais il y allait un peu à l'aveuglette. On ne lui avait pas donné le dossier de mon mari. J'ai dit: « Docteur, je suis infirmière. Comment pouvez-vous évaluer notre situation sans dossier? »
Le médecin a répondu qu'on ne le lui avait jamais donné. Selon lui, c'était courant. Il a ajouté: « Je vais dans le Nord cinq jours par mois. » Il travaille trois jours par semaine. Il n'est pas membre de la GRC, et il n'a aucune idée de ce que ça représente.
Il n'a fallu que deux jours pour qu'on dise à mon mari qu'il allait bien. On lui a dit qu'il était normal. Il est sorti et il m'a dit: « Chérie, je suis normal. »
Nous avons été affectés à Ottawa. Nous avons acheté une maison. Au moment où nous allions signer le contrat de vente, on a appelé pour qu'il aille chercher son arme de poing. Il n'a eu besoin que de trois jours pour se suicider. On nous avait pourtant dit qu'il était normal, que tout allait bien.
Au fil de sa carrière, comme vous voyez... On peut difficilement le voir sur la photo, mais mon mari mesurait six pieds trois pouces et il pesait 265 livres. C'était un gentil géant. Il n'avait jamais appelé à l'aide jusqu'à ce moment, et les ressources n'étaient pas là. Les personnes que nous avions rencontrées n'étaient pas formées pour reconnaître ce qui n'allait pas chez lui. Il ne savait pas ce qui n'allait pas.
Lorsque nous nous sommes assis chez la psychologue à Ottawa, Paul s'est ouvert complètement. Il a dit: « Juste un instant... Nous pouvons commencer. » Paul n'avait aucun mal à s'ouvrir et à répéter ce qu'il vivait, mais ce n'était pas nécessairement le cas pour les choses qui allaient mal. Qu'un psychologue nous dise qu'on a quelques problèmes et qu'on réponde positivement à la question du suicide...
Je ne fais peut-être pas partie de la GRC, mais je suis la conjointe d'un membre. Jamais la psychologue ne m'a prise à part, ne serait-ce que 15 minutes, pour me dire: « Madame Smith, je suis très inquiète », ou: « Je suis inquiète. Voici ce que vous devez surveiller. » Je ne sais pas pourquoi elle ne l'a pas fait, mais lorsqu'on veut régler un problème de santé mentale et d'épuisement professionnel par le suicide, je ne crois pas que le diagnostic soit difficile à établir.
En tant qu'infirmière, je crois qu'on peut tous déterminer si quelqu'un s'est cassé un bras. Nous avons des outils pour le déterminer. La personne va à l'urgence. On évalue la situation. On prend des photos et des radiographies. On détermine si le bras est cassé, si l'os est fracturé. On met un plâtre. On évalue la situation. La personne revient six semaines plus tard et on fait une autre évaluation. Il existe également des outils pour évaluer les problèmes de santé mentale et l'épuisement professionnel.
Mesdames, messieurs, mon mari n'est pas le seul. Beaucoup de membres de la force sont dans la même situation. Comme M. Brown l'a dit, ils se soignent en consommant des drogues et de l'alcool et en utilisant de nombreux autres moyens.
Évidemment, ce n'est pas ce que Paul a choisi. Il sentait qu'il était obligé d'endurer, et la manière dont on l'a traité relativement à ses problèmes de santé reflétait le même sentiment. Ce sont les outils qu'on lui a donnés pour traiter le problème. Il n'en avait pas. On lui a dit de repartir. On lui a dit qu'il allait bien. On lui a dit de retourner au travail. On lui a dit, devant moi, qu'il allait assez bien pour faire son travail. Ces mots venaient d'un psychologue contractuel qui travaille trois jours par semaine.
Je vous demande de tenir compte de ce que ces hommes ont à dire, et de réaliser que le personnel de première ligne — la GRC, les pompiers, les ambulanciers, etc. — sont des personnes très stressées qui ont des emplois très stressants. Tout le monde ne gère pas ses problèmes de la même façon.
Mon mari a payé le prix ultime. Lorsqu'il a demandé de l'aide, personne n'a répondu. On ne l'a pas aidé. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi. Il a fait tout ce qu'il pouvait.
Merci.
:
Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité.
Permettez-moi d'abord de vous brosser un bref tableau de la situation au sein des Services de santé des Forces canadiennes en ce qui a trait aux professionnels de la santé et aux soins en collaboration, sujet qui, je crois, est d'intérêt pour le comité.
[Traduction]
Les Forces canadiennes constituent une autorité très distincte en matière de santé. Bien que la plupart des soins tertiaires ou plus pointus au Canada soient prodigués dans des installations civiles, les FC disposent de leurs propres soins tertiaires déployés, leurs propres établissements de formation, leur service de soins dentaires, leur agence de santé publique et de santé au travail, leur système d'approvisionnement de produits pharmaceutiques, leur organisation de recherche, ainsi que d'autres services. Elles disposent, en outre, de capacités uniques au pays, nécessaires pour soutenir des opérations militaires. Sauf dans des circonstances très précises et autorisées, les SSFC ne sont mandatés et ne disposent de ressources que pour fournir des soins aux membres des FC, mais ils font tout en leur pouvoir pour compléter les soins de santé que les provinces et les territoires fournissent aux familles des membres des FC.
[Français]
Les Services de santé des Forces canadiennes ont subi de graves pénuries de personnel au cours des années 1990, ce qui a grandement réduit notre capacité à soutenir les opérations militaires. En vue de corriger cette situation et de combler d'autres lacunes, le Projet Rx 2000 a été lancé en janvier 2000. Le projet comportait de nombreuses composantes, dont une initiative d'attraction et de rétention qui visait à pallier la pénurie des professionnels de la santé.
[Traduction]
Notre modèle et notre stratégie d'attraction et de rétention se sont révélés très efficaces et nous ont permis de combler certaines lacunes, en particulier à l'égard des médecins. En date de janvier, nos effectifs en activité au chapitre des médecins militaires ont atteint leur objectif et nos besoins de recrutement sont satisfaits jusqu'en 2017. Ces succès sont attribuables en majeure partie à des incitatifs de recrutement concurrentiels, aux barèmes de rémunération, aux possibilités de formation médicale continue, aux occasions d'emploi et au milieu de travail.
[Français]
Le modèle de recrutement de médecins qui a bien fonctionné a été appliqué à d'autres groupes de professionnels en manque de personnel, avec des résultats inégaux.
Le groupe des pharmaciens continue de poser des problèmes en raison de la pénurie qui existe dans le secteur privé, où les salaires sont élevés. Les Forces canadiennes ne sont pas concurrentielles. Selon les prévisions, la plupart des groupes en manque de personnel atteindront leur niveau préférentiel de dotation d'ici cinq ans, si nous conservons notre modèle de financement actuel.
[Traduction]
Compte tenu de l’ampleur de l’investissement qu'exige le recrutement de professionnels de la santé, nous consacrons ensuite beaucoup d'efforts pour les maintenir à l'effectif, notamment grâce à des mesures incitatives comme des programmes de perfectionnement professionnel, des programmes de maintien des compétences, des indemnités incitatives, des possibilités d'avancement professionnel, etc.
Il deviendra de plus en plus important de pouvoir recruter et maintenir à l’effectif un nombre suffisant de professionnels de la santé à mesure que se poursuivra la mise en oeuvre de la stratégie de défense Le Canada d'abord. Comme la formation de professionnels de la santé s'étend sur de nombreuses années, nous devons demeurer vigilants et poursuivre sans cesse nos efforts d'attraction et de rétention.
[Français]
Les Services de santé des Forces canadiennes emploient aussi de nombreux professionnels civils de la santé. Notre capacité à recruter et à maintenir à notre emploi certains de ces professionnels est limitée par la disparité qui existe entre les forces du marché et les mesures d'encouragement de la fonction publique.
Il en résulte ainsi des pénuries de personnel dans certains secteurs. Nous avons dû attribuer des contrats relativement coûteux à l'entreprise privée. Nous appuyons donc les efforts en vue de doter la fonction publique de meilleurs moyens incitatifs pour recruter des professionnels et les maintenir à notre emploi.
[Traduction]
Du fait de l’exclusion des membres des FC de la Loi canadienne sur la santé, les fournisseurs civils de soins de santé et les autorités provinciales et territoriales peuvent aussi faire payer des résidents hors-province ou non canadiens des tarifs pour les soins de santé des membres des FC allant progressivement de 130 à 200 p. 100 des tarifs provinciaux. Nous pourrions ainsi soutenir des initiatives visant à normaliser et minimiser de tels différentiels de coûts.
En ce qui a trait aux soins en collaboration, l’Initiative de renouvellement des soins primaires a été mise au point pour fournir des soins de haute qualité axés sur le patient en adoptant une pratique de collaboration, une solide continuité des soins et une approche normalisée dans l’ensemble des services de santé des FC, tout en conservant une faculté d'adaptation aux besoins opérationnels en constante évolution des FC.
Notre modèle de clinique de soins primaires repose principalement sur divers types de cliniciens bénéficiant de soutien et appuyé par un personnel de santé. Toutes ces personnes collaborent étroitement entre elles par divers moyens, notamment en participant à des conférences de cas pour prodiguer aux patients les meilleurs soins possibles en s'inspirant de l'expérience clinique et des meilleures pratiques. Elles sont soutenues par divers centres de santé mentale et par des spécialistes en santé clinique et de la population. Nos leçons apprises dans tous les aspects des soins de santé sont disponibles pour tout ministère intéressé. Nous collaborons étroitement avec plusieurs ministères, dont Anciens Combattants Canada, au sujet de la transition des soins prodigués aux militaires qui quittent les Forces canadiennes; nous collaborons avec ACC et la GRC pour la prestation de services de santé mentale, avec l’Agence de la santé publique du Canada en ce qui a trait aux menaces pour la santé publique nationale, avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales pour la fourniture de soins tertiaires, de même qu'avec bon nombre d'établissements pour la recherche en santé et la formation clinique.
Nous sommes engagés à prêter main-forte au Partenariat fédéral pour les soins de santé et aux ministères qui s'intéressent au Système d'information sur la santé des Forces canadiennes, qui est très populaire auprès de nos cliniciens et sera, entre autres, le premier système d'archivage médical électronique du Canada, permettant aux établissements de santé de toutes les régions du Canada et à l'étranger qui y sont reliés un accès électronique contrôlé aux dossiers des patients.
Je vous remercie encore une fois de l'intérêt que vous portez à la santé des membres des FC et de m'avoir permis de vous adresser ces quelques mots aujourd'hui. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, comme l'a souligné la présidente, je m'appelle Janet Bax et je suis directrice exécutive du Secrétariat de partenariat fédéral pour les soins de santé. Je suis accompagnée aujourd'hui par Hillary Flett, gestionnaire du bureau des ressources humaines en santé du partenariat.
[Français]
Nous sommes très heureuses d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter un bilan des activités du bureau depuis sa création en 2008. Nous allons faire la plus grande partie de notre présentation en anglais, mais nous répondrons avec plaisir à vos questions en français.
Je vais commencer la présentation. Mme Flett prendra ensuite la relève et vous présentera les réalisations du bureau et les défis auxquels on doit faire face. Vous avez le document de présentation devant vous. Nous n'avons pas l'intention de le présenter une page à la suite de l'autre. Nous allons simplement en faire un survol afin de permettre le plus grand nombre possible de questions.
[Traduction]
Tout d'abord, madame la présidente, j'aimerais dire quelques mots sur le partenariat. Nous sommes un programme horizontal composé de sept partenaires, soit Citoyenneté et Immigration Canada, le Service correctionnel du Canada, Santé Canada, la Défense nationale, l'Agence de la santé publique du Canada, Anciens Combattants Canada et la Gendarmerie royale du Canada. Nous représentons plus d'un million de clients et dépensons annuellement plus de 2,7 milliards de dollars en produits et services de santé.
Mis sur pied en 1994, le partenariat a le mandat de travailler en collaboration afin d'obtenir des économies d'échelle, comme l'a dit M. Tousignant, tout en apportant des améliorations aux prestations de soins de santé et en déterminant les secteurs d'activités des soins de santé qui seraient susceptibles de participer à nos efforts de collaboration conjointe.
En 2006, les partenaires ont été confrontés à un grave problème lié au recrutement et au maintien de l'effectif au gouvernement du Canada. Ils ont demandé au partenariat de travailler en collaboration pour régler ce problème. De cette collaboration est née une étude sur le recrutement et le maintien de l'effectif au sein du gouvernement fédéral qui a été publiée en mars 2007, il y a de cela trois ans. Je crois, madame la présidente, que les membres du comité ont vu et lu ce rapport.
Le commodore vous a parlé des mesures prises par les Forces canadiennes. Comme l'a souligné le commodore Jung, bon nombre de ces mesures ne sont pas disponibles dans la fonction publique, particulièrement en raison de l'introduction de la Loi sur le contrôle des dépenses. Nous sommes toujours en période de restriction économique. Nos partenaires et nous sommes réalistes quant à notre capacité de proposer des augmentations salariales dans le contexte actuel.
Toutefois, notre étude montre également que bien des choses peuvent être mises de l'avant pour améliorer l'environnement de travail des médecins et des travailleurs de la santé. Mme Flett vous parlera de ces initiatives, puis il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Je cède maintenant la parole à Mme Flett.
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Madame la présidente, comme l'a souligné Mme Bax, la gravité des pénuries documentées dans l'Étude sur le recrutement et le maintien en poste des médecins employés du gouvernement fédéral réalisée par le Partenariat fédéral pour les soins de santé en 2007 a été confirmée dans une enquête de 2008 sur l'information liée à la classification des médecins. Cette enquête a montré que la Défense nationale avait un taux de postes d'infirmières vacants de 25 p. 100, que les services correctionnels avaient un taux de postes en psychologie vacants de 35 p. 100, et que la Défense nationale avait un taux de postes de fonctionnaires de durée indéterminée vacants de 90 p. 100.
Les organisations partenaires du PFSS s'efforcent de pallier ces pénuries. Toutefois, ces stratégies, dont l'embauche de tiers, constituent un fardeau financier et administratif important pour les ministères. Tel que mentionné, le Comité des ressources humaines en santé a été créé en juillet 2006 dans le but d'élaborer des recommandations claires et recevables qui permettraient de régler le problème de la pénurie de médecins au sein du gouvernement fédéral.
Le comité a présenté son rapport en mars 2007. Ce rapport met en évidence six recommandations: améliorer les avantages sociaux et augmenter les taux salariaux; être concurrentiel avec les provinces, les territoires et le secteur privé; mettre au point un programme visant à attirer les nouveaux médecins; créer un réseau de partenaires; mettre l'accent sur le changement global de la culture gouvernementale; augmenter la protection contre les risques; et favoriser la formation continue.
Au cours des trois dernières années, le Partenariat fédéral pour les soins de santé a mis de l'avant ces six recommandations, y compris la mise sur pied d'un bureau communautaire fonctionnel, le Bureau des ressources humaines en santé, en octobre 2008. L'objectif de ce bureau est de mettre en branle les initiatives horizontales au nom des organisations partenaires et des autres entités fédérales visées, y compris Transports Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada et la Commission de la fonction publique.
Comme l'indique son modèle logique, l'objectif à long terme du Bureau des ressources humaines en santé du Partenariat fédéral pour les soins de santé est que le gouvernement fédéral soit en mesure de recruter le nombre et le type de fournisseurs de soins de santé requis pour offrir un service optimal.
Le BRHS compte trois stratégies principales. Ces stratégies consistent à élaborer des activités visant à régler les problèmes liés à la classification professionnelle des services de santé et à la rémunération, à démontrer que le gouvernement fédéral est un employeur de choix, et à animer les communautés de praticiens. Parmi les avantages des approches collaboratives, on compte l'harmonisation avec la direction du Bureau du Conseil privé et les documents clés, y compris le 16e rapport annuel du premier ministre sur la fonction publique du Canada et le troisième rapport du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le premier ministre, qui porte sur l'importance de faciliter le recrutement collaboratif, de soutenir les modèles fonctionnels appliqués aux collectivités et de renforcer l'image de marque de la fonction publique.
De plus, l'approche communautaire permet de réaliser des économies d'échelle par la collaboration en matière de marketing sur les carrières, d'apprentissage et de perfectionnement, et par la mise en place d'une infrastructure habilitante.
Le bureau du Partenariat fédéral pour les soins de santé du BRHS est heureux de poursuivre sa collaboration avec ses partenaires fédéraux et les organismes centraux afin de surmonter les difficultés liées aux ressources humaines en santé que connaît le gouvernement fédéral.
Merci, madame la présidente.
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Le modèle de soins axé sur la collaboration est manifestement très en vogue aujourd'hui, et on entend parler de la réforme des soins primaires presque partout dans le secteur des soins de santé.
Cette collaboration n'a rien de nouveau dans le secteur militaire. Elle y existe depuis plus longtemps que dans le système civil. Lorsque j'ai entamé ma pratique militaire en 1985, j'ai été vraiment surpris de constater à quel point la collaboration était bien implantée, tout comme l'optimisation des services. Nous avions des infirmières praticiennes avant même que ce terme soit connu. Nos pharmaciens ne faisaient pas que distribuer des médicaments, comme ils le font dans le secteur civil. Nous faisions très souvent appel aux physiothérapeutes. Cette collaboration s'est atténuée pendant les années 1990 en raison des compressions budgétaires, lorsque nous avons fermé de nombreuses bases et démantelé une grande partie de nos services.
Lorsque nous avons entrepris une modernisation en 2000 à l'aide du programme Rx2000, nous avons en fait réimplanté le modèle collaboratif au moyen de ce que nous appelons l'IRSP, l'Initiative de renouvellement des soins primaires. Il s'agit de soins primaires, mais ça ne s'y limite pas. Nous parlons en fait de soins continus par lesquels on peut... Les membres sont assignés à une unité de soins constituée de médecins — militaires et civils —, d'infirmières praticiennes, d'auxiliaires médicaux, de techniciens médicaux. Ces professionnels s'occupent d'un groupe de personnes. Nous avons aussi des physiothérapeutes qui fournissent des soins primaires et que les membres peuvent tout simplement consulter... Si vous vous blessez à la cheville après une fin de semaine de sport, vous n'avez pas à aller voir un médecin pour qu'il vous dirige vers un spécialiste. Vous allez simplement voir le physiothérapeute qui y jettera un oeil. S'il estime qu'un autre professionnel devrait examiner votre blessure, il vous dirigera vers la personne compétente.
Si vous avez certains problèmes d'automédication, par exemple, vous n'avez pas non plus à consulter un médecin. Il suffit d'aller à la pharmacie. C'est un système centralisé. Ils peuvent s'occuper de tout ça. Si vous avez des problèmes familiaux, vous pouvez aller voir directement un travailleur social.
À cela s'ajoutent les soins secondaires et tertiaires. Il y a des unités consacrées à la santé mentale sur chacune de nos bases. Certaines bases importantes ont un plus grand centre, où les soins de santé primaires relèvent de l'équipe des soins de santé mentale, ce qui facilite la communication entre les deux. L'équipe des soins de santé mentale n'est pas cloisonnée. Elle est constituée de psychologues, de psychiatres, d'infirmières en santé mentale, de travailleurs sociaux et de conseillers en pastorale qui collaborent pour examiner chaque patient. Nous tenons aussi des conférences de cas lorsque le problème d'un patient est complexe, ce qui mobilise non seulement l'équipe des soins de santé mentale, mais aussi l'équipe des soins de santé primaires.
Ce genre de chose nuit en fait grandement à la soi-disant efficacité, puisqu'une approche globale nécessite la coopération d'un grand nombre de personnes. Je ne veux pas analyser l'efficacité de cette manière, alors je dirais plutôt que c'est une manière très efficace de s'occuper d'un patient qui est au centre et autour de qui gravite toute l'équipe.
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J'ai dit tout à l'heure que j'enviais la situation des militaires. Je suis conscient qu'ils doivent sans cesse bouger et se débrouiller eux-mêmes. Je ne crois pas que cette façon de faire nous conviendrait. Cependant, je crois que notre organisation a aussi de bons côtés. Nous sommes ici, tous ensemble, pour atteindre un but commun. J'espère que le comité perçoit cet esprit de collaboration aujourd'hui. Je ne suis pas venu ici en tant qu'employé et mon but n'est pas de m'en prendre à l'organisation. Je la chérie.
J'aimerais commencer par la question du budget. Nous n'avons pas de budget. Jamais des fonds n'ont été alloués à la Gendarmerie royale canadienne pour les soins de santé. Voici ce qui se passe: si les dépenses s'élevaient à tant de millions de dollars l'année dernière, il faut partir de là cette année. Ce que je demande, c'est que des fonds soient bloqués pour que personne ne puisse retirer, au cours de l'exercice financier, des fonds prévus pour les membres. Ce serait un énorme changement.
Je crois que nous tendons en quelque sorte vers les soins holistiques et que notre ligne directrice est la gestion de cas. Je ne sais pas si notre organisation est bien avancée à cet égard, même du point de vue de la gestion de cas. Un membre a récemment participé à un programme de retour au travail. Il travaille maintenant une ou deux heures par jour, ce qui fait qu'il ne constitue plus une priorité pour les responsables de la gestion des cas. C'est tragique. Dans mes notes, je mentionne cet exemple de transition et je le qualifie de lacune administrative. Paulette a abordé le sujet admirablement.
Quand Paul, que j'ai connu quelques années avant son départ de la Nouvelle-Écosse, a fait appel aux services, il a été touché par ces grandes lacunes.
Une personne de ma division a fait une tentative de suicide. Notre bureau des services de santé ne savait même pas qu'elle faisait partie de notre division; elle venait d'y être mutée.
Nous faisons un travail médiocre. Mon intention n'est pas d'être méchant ou de critiquer. Les hommes et les femmes qui travaillent dans les postes isolés ou en région éloignée devraient être suivis pendant six mois ou un an. Ensuite, l'organisation pourrait les laisser voler de leurs propres ailes, pour le dire ainsi. Les membres sauraient au moins que l'organisation les a suivis pendant ce temps. Paulette a abordé cet aspect dans sa réponse à la question de M. Stoffer.
Si nous étions plus attentifs, plutôt que de dire que nous sommes un sur... Si je me fais une entorse à la cheville, je peux aller consulter un physiothérapeute. Dans mon organisation, je peux consulter à maintes reprises, mais si je n'ai pas d'autre blessure, je devrai consulter un médecin pour obtenir une ordonnance. Les choses n'ont pas à être si compliquées, mais elles sont ainsi dans notre organisation. Nous devons obtenir une permission pour tout. Le prix à payer pour obtenir une permission est le même que pour obtenir des services.
Existe-t-il des moyens efficaces? Oui.
J'ai hâte de travailler avec Alain, qui vient d'être nommé à son poste; sauf le respect que j'ai pour la hiérarchie, je dois dire, pour être équitable envers lui, qu'il vient tout juste d'entrer en fonction. Je le répète, il ne s'agit pas d'une critique, mais bien d'une observation. Maintenant, je ne peux pas aller voir directement l'agent en chef des ressources humaines; je dois me rabattre sur la solution de dépannage. Je vais voir comment les choses se déroulent. Alain et moi en avons parlé ce matin. Je ne peux pas aller voir directement un haut gradé, mais j'ai Alain. Nous verrons bien ce que ce poste donnera. Je suis optimiste. Je le suis parce qu'il a bien voulu venir ici aujourd'hui et qu'il a pris le temps de le faire, alors que, au départ, son nom ne figurait pas à l'ordre du jour.
Je crois sincèrement — et je l'ai dit à ces deux messieurs ce matin — que nous avons l'occasion de partir sur de nouvelles bases.
J'espère, madame la présidente, que mes explications vous aident à comprendre la situation.
Je tiens à remercier tout particulièrement Mme Smith d'avoir brossé un portrait de la situation, et de nous avoir expliqué à quel point on se sent démuni lorsqu'une personne est reconnue apte à accomplir une fonction et qu'on sait que ce n'est pas le cas.
J'aimerais que nous discutions de la façon d'améliorer le continuum de soins, tout d'abord en cernant les personnes qui sont à risque, puis en offrant un soutien continu. Je ne crois pas qu'il suffise qu'une personne soit présente trois jours par semaine et que la consultation se fasse chaque fois avec une personne différente. Dans le cas de la plupart des emplois, les gens doivent dire qu'ils se portent bien et poursuivre leurs activités. Les médecins de famille — et je parle en connaissance de cause — savent reconnaître quand une personne est elle-même. En fait, il faut qu'une seule et même personne prodigue l'ensemble des soins.
Nous devrions peut-être aussi discuter de la façon dont les habitants du Nunavut arrivent à faire des consultations en santé mentale par voie électronique. Pour pouvoir toujours consulter la même personne — même si on utilise Skype —, il faudrait avoir recours à la technologie utilisée par nos ressources humaines les plus importantes, celles du domaine de la santé, pour fournir des services connexes.
Madame Smith, même si vous avez eu des problèmes avec la psychologue clinicienne, il reste qu'un grand nombre de mes amis m'ont dit qu'il n'y a toujours pas de psychologues cliniciens en uniforme dans l'armée, même après l'incident du colonel Williams de la base de Trenton. Même si on dispose de psychologues en fonction, sans psychologues cliniciens, qui utilisent les outils similaires aux outils utilisés dans les cas de fractures d'os qu'a décrits Mme Smith... Il existe des outils pour diagnostiquer ce genre de troubles. Je crois que l'armée du Canada est la seule à ne pas avoir de psychologues cliniciens. Apparemment, nous ne procédons pas comme la force aérienne des États-Unis. Nous ne soumettons pas nos pilotes à une évaluation psychologique préalable, semble-t-il.
Je veux savoir comment nous pouvons les aider. Certains d'entre nous luttons depuis très longtemps pour une autre cause: les soldats, tout particulièrement ceux des forces armées, qui sont mutés dans différentes régions du pays reçoivent des soins, mais leur famille n'y ont pas droit. D'après mon expérience en tant que médecin de famille, si la femme ou les enfants ne rapportent pas les troubles des autres ou les leurs, il est difficile de savoir ce qui se passe.
Docteur Jung, que faut-il faire pour que les militaires et leurs familles reçoivent des services de la plus grande qualité qui soit?
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En tant qu'épouse, et pour avoir observé mon mari — nous avons été mariés pendant cinq ans et demi, et je ne suis pas membre de la GRC moi-même, bien entendu —, je trouve que leur formation les rend vraiment stoïques. Je crois qu'ils ont l'impression — je vais reprendre le terme employé par M. Brown dans son exposé tout à l'heure — qu'ils doivent prendre sur eux, que d'exprimer des pensées au-delà de leurs fonctions est un signe de faiblesse, et que ça montre que vous n'êtes peut-être pas capable de faire face à une situation.
Cela devient un peu plus difficile quand vous mesurez six pieds trois et pesez 265 livres, comparativement à quelqu'un de plus petit. Aussi, vos supérieurs, votre sergent d'état-major, vos superviseurs immédiats et le personnel de votre détachement peuvent vous en demander un peu plus parce que vous êtes une personne imposante et que vous avez tendance à bien gérer les situations par rapport à d'autres. Vous vous plaignez rarement parce que ce n'est pas dans votre nature. J'ajouterais que mon mari venait d'une famille de militaires. Son père était colonel, donc il savait tout ce qu'impliquait la vie militaire et ce que signifiait le port de l'uniforme. Il était très fier d'être membre de la GRC. Je sais que je ne l'ai jamais dit, mais il était vraiment très fier. Même à la fin, il l'était encore.
J'ai l'impression que les membres ont ça en eux, pour ainsi dire. C'est dans leur formation et c'est ce qu'on leur montre chaque jour. C'est tout simplement comme ça dans l'organisation. Vous devez être fort et montrer votre force, parce que vous protégez les autres. Nous oublions que, derrière les uniformes, il y a des pères et des fils, et qu'ils ont des enfants et des sentiments.
Ils peuvent voir un enfant de 18 mois recevoir des soins de réanimation et mourir par la suite, et reconduire d'urgence ses parents à 150 kilomètres à l'heure un dimanche soir. Mais aucun traitement ne leur est offert, aucun suivi. Ils peuvent trouver une jeune fille de 19 ans qui a été assassinée cruellement, mettre sa dépouille dans un sac mortuaire, et passer plus de deux ans à travailler avec une unité des crimes graves alors que ce n'est même pas leur travail, et ils ne reçoivent aucun soutien. Ils ont besoin d'aide, et nous avons besoin que vous les aidiez. Les membres pleurent à leur façon, ils disent qu'ils ont besoin d'aide, et je crois que la seule façon de les aider est de leur accorder du financement.
Ils doivent pouvoir se sentir à l'aise quand ils parlent à leurs supérieurs. Ils doivent avoir des conférences où on leur dit à quoi ils seront exposés, et à quoi ils pourraient faire face au cours de leur carrière. Ça devrait être à la base de leur formation et on devrait leur dire: « Les gars, les filles, voici ce qu'il en est. Voici le travail et ce qu'il comporte. Vous verrez des choses que les gens ordinaires ne verront jamais dans leur quotidien. Mais nous serons là pour vous soutenir et nous prendrons soin de vous, comme il se doit. C'est ce que nous avons prévu pour vous. Si vous vivez des émotions inhabituelles ou si vous vous demandez pourquoi vous n'arrivez pas à dormir ou à manger, n'hésitez pas à venir nous voir et à nous en parler. Dites ce que vous avez sur le coeur. » C'est tout ce que ça prend. C'est de la prévention.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais moi aussi remercier nos témoins et les prier de m'excuser d'avoir manqué leurs déclarations préliminaires. Comme ma collègue, je me rattraperai en lisant le hansard.
À Mme Smith j'aimerais dire que je comprends sa peine, car j'ai perdu un ami très cher qui était policier et qui n’a pas reçu l'attention dont il avait besoin. Il s'occupait d'unités en civil, et c'est un monde très dur où un soutien est nécessaire.
J'ai aussi un mari et un fils qui travaillent pour les services d'incendie, dans les équipes d'urgence. Je comprends donc les tensions que connaissent les familles et l'aide dont elles peuvent avoir besoin pour essayer de vivre avec les difficultés que leurs proches endurent pratiquement chaque jour.
Je suis très heureuse que vous ayez pu venir aujourd'hui pour témoigner devant notre comité, et je vous en remercie.
J’aimerais maintenant poser une ou deux questions à Mmes Bax et Flett, du ministère des Anciens Combattants.
Je constate que vous faites partie du Partenariat fédéral pour les soins de santé, et je m'en réjouis. Je ne voudrais pas vous faire répéter ce que vous avez dit au début de la réunion et que j'ai raté, mais pourriez-vous me donner quelques détails à ce sujet?
Le ministère des Anciens Combattants est remanié en profondeur et change rapidement. Je veux parler de l'évolution des effectifs et de ce qu'on avait l'habitude de voir offert aux anciens combattants. De nos jours, la donne a complètement changé.
Pourriez-vous nous parler des défis que cela représente? Va-t-on connaître des pénuries d'un autre ordre, dans des spécialités différentes, ou bien les choses vont-elles rester à peu près les mêmes?
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Merci, madame la présidente.
J’apprécie beaucoup les questions posées par mon collègue; il me paraît important de comprendre certaines des façons d’agir et de faire des gens.
Pour me présenter un peu, je suis un infirmier autorisé qui a vécu et travaillé huit ans dans des collectivités des premières nations isolées et éloignées au Canada, entre autres dans le Nord-Ouest de l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et un peu partout dans l’Arctique. Je possède une riche compréhension de l’expérience vécue par ceux qui acceptent une affectation dans ces collectivités. Je dois vous dire aussi, madame Smith, que je compte des amis proches dans la GRC et que je partage certaines de vos préoccupations, notamment sur la culture de stoïcisme que vous mentionnez, et la ligne mince qui sépare la bravoure de la capacité d’exprimer certaines des scènes auxquelles on assiste. Un peu à l’image de la GRC, les infirmiers font l’expérience de toute une variété de situations. Bien entendu, il existe toujours un point de rencontre entre nos problèmes personnels et professionnels, et le contre-transfert entre les deux.
Cela dit, mes questions concerneront peut-être davantage le programme de mieux-être mentionné par M. Tousignant. Je veux toucher brièvement les expériences des infirmiers dans le Nord et les façons dont ils ont appris à réagir. Il me semble, si je me reporte aux propos de Mme Smith, que les façons d’aborder les urgences ou les situations traumatiques comportent peut-être des faiblesses structurelles qui empêchent les agents de s'exprimer à ce sujet. Permettez-moi de faire un peu de lumière sur notre propre expérience: nous sommes obligés, en fait, de prendre part à des programmes ou séances de débreffage au téléphone, ou avec un conseiller si la situation l’exige. Il va de soi que les intéressés sont évalués selon une échelle, mais elle peut s’avérer très subjective et individuelle, c'est-à-dire fondée sur les événements auxquels la personne a assisté et sur sa façon d’y réagir.
Dans d’autres scénarios, en outre, un débreffage de groupe est obligatoire — en l’occurrence, en présence de l’unité au complet. Tout le personnel infirmier du poste se réunit pour discuter de ce qui est arrivé. On traite non seulement de l’incident même, mais aussi de l’interaction dans le groupe et de ce qu’on aurait pu mieux faire. Ce scénario se reproduit immanquablement sur place ou dans un autre poste infirmier, et la plupart d’entre nous déménageons d’un poste à l’autre au cours de notre carrière. Cette façon de procéder est inscrite dans notre mode de fonctionnement, ce qui je crois est un élément essentiel.
Un autre élément essentiel est la confidentialité, soit la capacité véritable du membre, ou en l’occurrence de l’infirmier, de faire des divulgations en toute confidence, parce que ce genre de chose peut déclencher ou mettre en lumière des problèmes dans votre autre vie. Comme je l’ai dit, j’ai discuté du lien entre ces situations et l’incidence de la consommation d’alcool — peut-être pas lorsqu’on est encore dans la communauté, mais certainement sous forme d’épisodes d’enivrement après son départ — ou les problèmes d’adaptation sociale avec la famille ou les grands groupes par la suite.
Au risque de m’étendre trop longuement, je me demande simplement si vous avez tenu compte de certaines de ces caractéristiques dans le programme de mieux-être ou, plus fondamentalement, de certaines autres qui s'y rattachent. J’estime que ce sont les éléments les plus importants qui nous permettent de traverser nos épreuves. Je ne suis pas parfaitement à l’aise dans une thérapie de groupe, bien que j’en aie fait l’expérience à une reprise, mais je veux faire part à mes collègues d’au moins un cas — une fusillade qui s’était soldée par un meurtre — où elle s’est révélée plus productive pour notre dynamique de groupe qu’une thérapie individuelle. Je m’arrête ici et vous pourrez peut-être simplement en discuter.