:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je suis le directeur général du Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Cet organisme francophone à vocation économique offre des services aux entreprises et aux communautés dans le domaine du développement économique.
Le développement d'entreprises comprend la création, le maintien, le soutien des entreprises ainsi qu'un nouveau volet, soit l'appui à la main-d'oeuvre à cause de la situation économique en Saskatchewan et des besoins de main-d'oeuvre que l'on retrouve dans la province à l'heure actuelle.
Dans notre province, pour ce qui des francophones, la population est vieillissante. C'est le cas non seulement pour les francophones, mais aussi pour tous les gens. Il est évident que nous devons répondre à des besoins qui sont assez criants en matière de main-d'oeuvre.
Récemment, on a réalisé une étude sur l'immigration économique potentielle afin d'appuyer les communautés francophones en situation minoritaire, en particulier en Saskatchewan. Les résultats de l'étude ont démontré qu'il y a des besoins non seulement en Saskatchewan mais aussi au plan canadien. Il faut être en mesure d'appuyer ces communautés.
Je vais vous donner un exemple. En Saskatchewan, en 2012, il y avait près de 10 000 offres d'emploi pour des travailleurs étrangers temporaires. Pour ces 10 000 emplois, il y avait à peine une centaine de francophones.
Le nouveau système d'Entrée express et la nouvelle façon de faire venir des immigrants au pays constituent, selon nous, une occasion de renforcer les communautés francophones par l'entremise de l'appui à l'entreprise, et ce, pour être en mesure de bonifier non seulement la situation des francophones en province par l'amélioration de l'économie provinciale, mais aussi par les écoles et ainsi de suite.
On sait que lorsque des gens arrivent en Saskatchewan, il faut, pour pouvoir les retenir, être en mesure de les encadrer par un processus d'intégration, d'accueil, d'établissement et ainsi de suite. Il faut également qu'il y ait un processus d'intégration économique. Cela se fait de deux façons, soit par le marché de l'emploi ou par la création d'entreprises ou autres.
Selon nous, il est très important que les communautés francophones aient les moyens d'accompagner les employeurs à cet égard. Je ne parle pas d'employeurs francophones, mais d'employeurs anglophones qui sont prêts à embaucher des francophones pour qu'ils puissent venir s'installer ici, au Canada. Pour ce faire, il y a un grand nombre d'entreprises au Canada et les microentreprises sont d'importants employeurs à cet égard. Selon certaines statistiques que nous avons vues récemment, près de 50 % des 10 000 demandes d'emploi de 2012 auxquelles j'ai fait allusion proviennent de microentreprises qui cherchaient des travailleurs étrangers temporaires.
Pour nous, cela veut dire, qu'il s'agit non seulement participer à l'économie locale et provinciale, mais aussi d'offrir à notre communauté grandissante l'occasion d'évoluer en français. Nous croyons aussi que les microentreprises sont celles qui ont le moins de moyens de faire tout le travail nécessaire pour s'occuper de toute la paperasse, de l'encadrement et ainsi de suite. Les entreprises de petite taille ont moins de capacités sur le plan des ressources humaines que beaucoup d'autres. C'est donc à ce niveau que nous aimerions contribuer. Pour augmenter le nombre de francophones dans les régions, il faut appuyer ces entreprises par un processus de préparation et de sélection afin de faire venir des francophones dans une région donnée.
Notre organisation le fait de façon globale et sommaire. Cela semble assez simple, mais tout le travail que nous devons faire sur le plan de l'encadrement et du soutien aux entreprises nécessite des ressources, des moyens et des outils pour être en mesure de s'assurer de connaître du succès sur le plan des initiatives que nous aimerions entreprendre.
Je pourrais vous donner des statistiques détaillées, mais ce n'est pas facile de le faire par téléphone.
Je suis justement à Saskatoon pour une réunion du personnel. On nous a fait une présentation à ce sujet. Pendant toute la journée, nous avons réfléchi à la meilleure façon de donner un service pointu aux entreprises en leur transférant les connaissances afin qu'elles puissent se prendre en main et accueillir des immigrants.
Vous m'avez pris un peu par surprise, car je ne pensais pas être le premier à faire une présentation devant votre comité. Je pensais que vous feriez auparavant un tour de table.
C'est brièvement ce que je voulais dire à ce sujet.
:
Bonjour à tous et à toutes.
[Traduction]
Avant de commencer, j'aimerais préciser que j'ai rédigé le texte en français, mais qu'il n'a pas été traduit. Je peux toutefois répondre aux questions dans les deux langues officielles. On m'a avisé que le document devait être dans les deux langues pour être distribué, et je m'en excuse. Je vais lire le texte en français, après quoi je pourrai répondre en français ou en anglais.
[Français]
Je m'appelle Gilles LeVasseur. Je suis honoré de témoigner devant le comité pour parler de l'immigration francophone et de la dualité linguistique canadienne. C'est pour moi un plaisir de vous en parler parce que, depuis plus de 30 ans, je suis grandement engagé dans tout ce qui entoure la dualité linguistique canadienne et les droits des minorités de langue officielle au Canada.
J'ai préparé une présentation qui durera 10 minutes. Toutefois, si le comité le souhaite, je serai heureux de présenter un texte supplémentaire pour donner plus de détails sur les points qui auront été présentés. J'ai condensé toutes les idées dans ce texte en présentant des principes, des constats et des recommandations. Je suis allé directement aux conclusions en tenant compte des principes énoncés et des constats.
La dualité linguistique est une caractéristique fondamentale de l'identité canadienne. Il est nécessaire de prendre toutes les dispositions afin que cette dernière continue à nous définir et à nous enrichir comme société. Cette dualité linguistique canadienne est un trait dominant de notre image internationale et nous avons le devoir de prendre tous les moyens afin que cette valeur canadienne puisse prospérer dans toutes les régions du Canada.
Je voudrais maintenant aborder les principes rattachés à la dualité linguistique.
La dualité linguistique canadienne, qui est une caractéristique fondamentale de notre société, est tributaire des principes suivants.
Selon le premier principe, il faut qu'il y ait une croissance démographique permettant un équilibre entre les deux grandes communautés linguistiques au Canada. Cela inclut une politique d'immigration qui reconnaît l'importance de la dualité linguistique comme norme fondamentale du Canada et qui est appuyée par des moyens administratifs et financiers afin que les entités gouvernementales, dont le gouvernement du Canada, puissent agir efficacement pour maintenir cette valeur sociale typiquement canadienne.
Le deuxième principe est qu'il faut valoriser l'aspect économique des langues officielles afin de permettre aux Canadiens et aux nouveaux arrivants de s'identifier pleinement à la dualité linguistique et de développer des réactions identitaires positives envers les deux communautés de langue officielle. Le nouvel arrivant doit être sensibilisé à la présence des communautés de langue officielle en situation minoritaire afin de pouvoir poser des choix linguistiques et identitaires qui soient dans l'intérêt des politiques publiques d'immigration canadienne.
Le troisième principe est qu'il faut qu'il y ait une reconnaissance et une volonté de faire la promotion de la dualité linguistique par les divers ordres de gouvernement et, au départ, par le gouvernement du Canada. Cela comprend la protection et la promotion des minorités de langue officielle par une politique d'immigration construite sur le respect du poids démographique des communautés de langue officielle et la volonté de voir à l'épanouissement et au développement de ces communautés.
Le quatrième et dernier principe est qu'il doit y avoir une collaboration entre les divers ordres de gouvernement afin que l'intégration des nouveaux arrivants puisse assurer le respect de la dualité linguistique à travers le Canada et éviter ainsi une polarisation linguistique dans les régions canadiennes.
En résumé, c'étaient là les quatre principes de base.
Regardons maintenant quels sont les constats au chapitre de l'immigration et de la dualité linguistique.
Nous sommes certainement déçus de constater que les résultats de l'immigration canadienne n'ont pas permis d'assurer un maintien, voire une croissance, du poids démographique des communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Cette situation débouche sur les constat suivants.
Il y a un manque de moyens permettant de bien sélectionner les nouveaux arrivants possédant une connaissance adéquate des deux langues officielles, en particulier ceux parlant le français. Cette absence de moyens entraîne également une lenteur du gouvernement fédéral à agir en vue d'assurer le respect du poids démographique des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.
Le deuxième constat a trait au manque d'intégration des nouveaux arrivants au sein des communautés de langue officielle, incluant une absence d'infrastructures et de mécanismes permettant à ces derniers de participer pleinement au groupe minoritaire.
En ce qui a trait au troisième constat, il y a une absence de valorisation des communautés de langue officielle auprès des nouveaux arrivants, ce qui développe chez ces derniers le désir de s'intégrer au sein du groupe majoritaire pour des raisons principalement économiques. Au départ, le nouvel arrivant recherche une meilleure qualité de vie au Canada, ce qui comprend de meilleures conditions économiques. Toutefois, si on ne valorise pas la connaissance des deux langues officielles, les nouveaux arrivants auront tendance à s'intégrer au groupe majoritaire, limitant par la suite leur capacité à s'intéresser au groupe minoritaire.
Le quatrième constat est le défaut des communautés de langue officielle en situation minoritaire d'appuyer les démarches gouvernementales afin de bien encadrer et d'intégrer les nouveaux arrivants.
Enfin, le dernier constat est qu'une démarche gouvernementale plus robuste obligerait la sélection de nouveaux arrivants dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin que les résultats de la sélection des immigrants puissent assurer le maintien du poids démographique de ces communautés.
Maintenant, quelles sont les solutions et les recommandations que nous pouvons présenter pour tenir compte de ces principes et de ces constats?
Je vous présenterai quatre grandes recommandations qui s'inscrivent dans les responsabilités du gouvernement du Canada.
Premièrement, une intégration des politiques et des moyens d'immigration est nécessaire entre les divers paliers gouvernementaux, et ce, afin de mieux encadrer et d'intégrer les nouveaux arrivants dans les communautés de langue officielle. Une fois que la sélection des nouveaux arrivants est complétée, le gouvernement du Canada doit travailler de concert avec les provinces afin que ces derniers puissent, dès leurs premiers jours au Canada, s'intégrer aux communautés de langue officielle. Trop souvent, les nouveaux arrivants sont laissés à eux-mêmes et doivent faire des choix sans comprendre les enjeux canadiens et l'importance de la dualité canadienne. Le gouvernement du Canada doit accompagner les nouveaux arrivants dans leurs démarches d'intégration au sein de la société canadienne.
Deuxièmement, il faut tenir compte favorablement, lors du processus d'obtention du statut de résident permanent et de la citoyenneté canadienne, de la capacité des nouveaux arrivants à s'inscrire dans une institution scolaire dans une communauté de langue officielle et à faire l'apprentissage de la langue officielle dans un milieu minoritaire. Le système d'éducation est le moyen par excellence permettant aux nouveaux arrivants d'apprécier les communautés de langue officielle en situation minoritaire et d'apprendre rapidement les deux langues officielles. La volonté de s'inscrire dans une institution scolaire en milieu minoritaire vaudrait des points supplémentaires aux nouveaux arrivants dans le cadre du processus de sélection des nouveaux arrivants.
Je vais donner un exemple à cet égard. Un nouvel immigrant arrivant à Ottawa bénéficiera d'une évaluation plus favorable si l'on tient compte du fait qu'il s'est inscrit à la Cité collégiale pour pouvoir fonctionner dans un contexte francophone en vue d'obtenir son statut de résident ou sa citoyenneté. De même, si les immigrants envoient leurs enfants à l'école française ou en immersion en français, cela aussi doit être pris en compte. L'objectif est de bien expliquer la dualité linguistique et de maintenir la connaissance, chez les immigrants, de l'engagement du Canada envers les deux communautés de langue officielle. Il faut permettre aux immigrants de comprendre la composition de la société canadienne. Si un étranger qui vient au Canada pour des raisons économiques et pour avoir une meilleure vie n'est pas exposé aux enjeux, il ne peut pas développer cette relation.
Troisièmement, il faut établir des objectifs de sélection des nouveaux arrivants selon lesquels 10 % d'entre eux auront une capacité immédiate de communiquer efficacement et avec efficience en tenant compte de l'exigence qu'ils s'établissent dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il faut augmenter le pourcentage de nouveaux arrivants pouvant communiquer en français, afin que le poids démographique des francophones hors Québec soit maintenu et que la dualité linguistique continue d'être une valeur vibrante pour tous les Canadiens et Canadiennes.
Quatrièmement, il faut créer des zones d'intervention dans les grands centres urbains en vue d'appuyer les nouveaux arrivants et de les orienter vers les services offerts aux minorités de langue officielle. Il arrive souvent que les grands centres urbains n'aient pas une concentration d'individus parlant la langue de la minorité, de sorte que le nouvel arrivant est immergé automatiquement dans le groupe majoritaire et perd contact avec le groupe linguistique minoritaire. L'intervention doit comprendre les moyens d'apprentissage des langues officielles dans la zone d'intervention, incluant les services culturels et économiques.
Prenons l'exemple le plus classique, à savoir le nombre de francophones qui viennent s'établir à Toronto.
Pour ma part, je suis né à Toronto. Je viens de North York. Dans mon quartier, nous sommes éparpillés. Comme la métropole compte plus de cinq millions de citoyens, les francophones s'éparpillent et choisissent les endroits où il y a des avantages économiques. Par la force des choses, ils développent le réflexe de fonctionner dans la langue du groupe majoritaire, ce qui est totalement légitime. Toutefois, les gens ne sont pas exposés aux groupes francophones.
Les francophones envoient leurs enfants à l'école anglophone parce que c'est ce qu'ils connaissent. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas parler le français, mais plutôt parce qu'on ne les a pas guidés, intégrés et encadrés à cet égard. C'est dans ce contexte que nous donnons la priorité à certaines zones d'intervention. Il nous est impossible de couvrir le Canada dans son entier, mais nous pouvons décider de couvrir certaines régions et, progressivement, nous assurer que le pourcentage du poids démographique est en fonction de ce que nous recherchons en tant que francophones hors Québec.
Pour conclure, je dirai que nous avons le devoir d'agir. L'immigration est un outil essentiel au développement du caractère identitaire canadien, ce qui inclut la présence vibrante des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.
Je vous remercie.
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Votre question comporte quatre éléments et je voudrais y faire allusion.
Premièrement, la personne qui immigre au Canada ne comprend pas toujours la complexité identitaire canadienne. Elle ne comprend donc pas toute cette notion de communautés de langue officielle.
Si quelqu'un, par exemple, parle le russe ou l'allemand et se déplace pour immigrer en Allemagne, il ne comprend pas nécessairement toute la complexité de ce pays. Il veut aller dans un pays étranger pour avoir une meilleure qualité de vie. Ce n'est donc pas la faute de l'immigrant s'il ne comprend pas cette réalité. Il fait ce que toute personne voudrait faire, soit améliorer son sort. C'est pour cette raison qu'elle vient au Canada, qui offre une qualité de vie qu'on retrouve dans très peu de pays. Nous avons un système et un fonctionnement hors pair. Ce n'est donc pas la faute de l'immigrant.
Deuxièmement, bien souvent, le nouvel arrivant va travailler dans des milieux urbains. Il va donc travailler là où il va y avoir le plus important poids démographique de sa propre communauté. Il s'identifie à son groupe. Si son groupe parle la langue commune, l'anglais par exemple, il n'ira pas chercher la langue française à laquelle il ne s'identifiera pas. Les francophones hors Québec ont progressé principalement grâce à deux choses, à savoir l'immigration québécoise francophone dans certaines régions du Nouveau-Brunswick et l'immersion en langue française. Ce furent les deux grands gains pour les francophones. Ils ont aidé à maintenir cette notion de communiquer en français.
Troisièmement, il n'y a pas de système d'encadrement qui permet à l'immigrant de fonctionner et d'avoir des services. Il n'y a rien qui ne l'aiguille vers ce qui s'appelle la communauté de l'autre langue officielle. Si des nouveaux arrivants s'intègrent dans le milieu francophone hors Québec, c'est parce qu'ils sont tellement francophones qu'ils ne peuvent pas parler une autre langue. Ce peut être le cas de l'Africain qui vient du Congo, de la République centrafricaine, du Burkina Faso ou du Mali. Il ne parle pas l'anglais. Alors, immédiatement, il va aller là où les gens parlent le français puisque c'est la seule langue qu'il comprend. Cependant, si l'individu a une mobilité linguistique, il est en mesure d'aller ailleurs. C'est là où se situe le problème. Il ne choisira pas la communauté de langue officielle minoritaire à cause qu'il ne l'aime pas, mais parce qu'il ne connaît pas son existence.
Quatrièmement, parlons des associations communautaires que Patrimoine Canada finance par ses différents programmes. Il faut que les ententes Canada-communautés puissent permettre de développer aussi un volet pour que les communautés de langue officielle et les associations aient la possibilité de mettre sur pied des institutions, des organismes et des volets qui vont appuyer ces aspects. Trop souvent, on s'attend à ce que le gouvernement fasse tout le travail. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne peut pas aider, mais il doit appuyer le développement d'autres systèmes qui pourraient être en parallèle et qui feraient très bien le travail.
Je vais donner un exemple banal. Pendant cinq ans, j'ai été président du Conseil de la coopération de l'Ontario. Depuis plusieurs années, le conseil gère le programme Jeunesse Canada au travail. Il administre un programme et fait l'objet de vérifications. L'entente est renouvelée tous les trois ans parce que les chiffres sont bons et que les données sont là. Il finance la création d'emplois d'été dans les deux langues officielles. N'est-ce pas une option à considérer? Dans certaines régions, ces communautés et ces organismes pourraient s'occuper de l'intégration des immigrants, les regrouper, les appuyer, les aider dans leurs démarches et les inscrire au sein des institutions scolaires collégiales et universitaires. On aurait ainsi un mécanisme par lequel le gouvernement donnerait son appui, mais ne s'engagerait pas à faire fonctionner toute la machine. Il y aurait la responsabilité des communautés elles-mêmes par l'entremise d'un système d'échanges entre le gouvernement, le système d'immigration et les associations. Cette option existe.
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Il y a une nette diminution du nombre de gens de différentes provinces qui sont allés dans l'Ouest canadien. Je n'ai pas tous les chiffres devant moi, mais il me semble qu'en 2012, 700 personnes sont arrivés en Saskatchewan. Je serais toutefois surpris si nous en avons rencontré 50.
Cela revient encore à la capacité d'un organisme francophone en situation minoritaire d'offrir des services à tous les citoyens. Il faut aussi rejoindre ces personnes qui se trouvent dans nos milieux. Nous ne les connaissons pas, et vice versa. Dans les associations communautaires de Regina et de Saskatoon, qui sont les deux plus grandes villes de la province, seulement deux personnes ont été embauchées pour s'occuper du développement global. Je parle ici du développement culturel et de l'aide relative aux services de santé et d'éducation.
Pour ce qui est de la capacité de recherche, il est évident que nous n'avons pas les moyens de faire la même chose que les autres intervenants. Comme dans tout réseau, nous nous entraidons mais, en même temps, nous devons respecter certaines exigences de nos bailleurs de fonds. Souvent, nous ne pouvons pas sortir de ce cadre pour offrir certains services. Quant à la question de savoir si nous pouvons rejoindre les gens qui sont venus notre province, je dirais que nous manquons d'occasions pour le faire.
Pendant un certain nombre d'années, nous sommes allés au Québec pour faire du recrutement avec des représentants de la Saskatchewan. Nous étions là pour agir comme agent de liaison car ils ne pouvaient pas offrir le service en français. Ce n'est pas nous qui avons payé la facture mais les autorités de la Saskatchewan voulaient de l'aide. C'était la première fois qu'elles y allaient. C'était un peu différent pour elles. Souvent, des provinces comme la Saskatchewan, à l'exclusion du Québec, n'ont pas la capacité et n'ont pas le réflexe immédiat de nous inviter comme intervenants dans la région pour participer à de telles rencontres.
Quand nous allons faire du recrutement, il y a des coûts qui y sont associés, par exemple les frais de transport aérien et d'hébergement. Nous n'avons pas la capacité de faire ces choses. Si nous sommes là dès le départ pour jumeler des employés à des employeurs, il y a de meilleures chances pour que nous puissions les intégrer à la communauté. Si nous ne les accompagnons pas dès le début, nous risquons qu'ils arrivent ici et qu'ils soient complètement à l'extérieur de la communauté. Trop souvent, nous entendons les gens dire qu'ils sont à Regina depuis 10 ans et qu'ils ne savent pas qu'il y avait une communauté francophone.
Ils viennent en Saskatchewan pour travailler et ils s'intègrent. Il y a parfois un phénomène qui se produit. Ils se demandent s'il y a vraiment des francophones dans la région. D'ailleurs, cela m'étonne chaque fois que je vais dans la région de Québec, de Montréal ou dans d'autres régions — et j'y vais souvent — et qu'on me demande si je suis francophone. Quand je leur réponds par l'affirmative, on me demande si cela fait longtemps que je suis en Saskatchewan. Je leur réponds que je suis né en Saskatchewan et les gens sont étonnés que je parle en français.
Les gens qui viennent surtout de l'est du Québec et de certaines autres régions du Canada ne savent pas qu'il y a une minorité francophone dans les autres communautés. À cause de cela, ils n'auront pas le réflexe normal de s'informer pour savoir s'il y a des francophones.
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Pour une personne qui veut s'intégrer dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire au Canada, il y a à mon avis tout un travail de sensibilisation à faire sur le plan de l'histoire.
En ce qui concerne votre première question, on peut dire que le système démocratique dans lequel nous vivons fait en sorte que certaines communautés sont plus intéressées que d'autres au fait français. Par contre, il s'agit d'un très petit nombre. Ce n'est pas l'intérêt premier des municipalités.
Par ailleurs, le Canada est encore en évolution en termes d'immigration. D'après les projections portant sur les prochaines années, le nombre d'immigrants que nous devrons accueillir pour remplacer la main-d'oeuvre et contrer le vieillissement croissant de notre population ne va qu'aller en augmentant.
Pour ce qui est de votre question sur l'histoire, je ne crois pas que la seule nécessité soit que les immigrants connaissent notre histoire. Nous aurions aussi avantage à connaître la leur de façon à mieux les comprendre. Il y a toute la question de l'intégration et de la culture de ces nouveaux arrivants, qu'il s'agisse du travail ou de la vie au quotidien. En tant que communautés, nous devons être sensibilisés à ces besoins. C'est en outre une façon d'apprendre à nous connaître les uns les autres et à mieux interagir entre nous.
C'est un peu comme un mariage. On se rencontre, on a l'impression de très bien se connaître, mais après quelques années, on se rend compte qu'on ne se connaissait peut-être pas aussi bien qu'on le croyait. Ce processus demande qu'on se respecte les uns les autres.
En ce qui concerne l'importance de l'histoire des francophones, je viens pour ma part d'un endroit situé au sud de la Saskatchewan. Quelques années à peine avant que je vienne au monde, le Ku Klux Klan était très dominant dans notre région. À mon avis, il est important que les francophones sachent ce genre de choses et que les nouveaux arrivants connaissent notre histoire.
Cela dit, je trouve important que chacun connaisse l'histoire de l'autre afin que nous puissions vivre comme un peuple, avec une langue commune et le fait français et ainsi développer ce pays.
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Voyons voir si je peux répondre assez rapidement.
Pour ce qui est des autres langues, je ne crois pas... Le gouvernement a de meilleurs chiffres que moi. Un intervenant vient de dire que 170 langues sont parlées dans la région de Toronto, si j'ai bien compris. À mes yeux, avoir plus d'une langue présente des avantages sur le plan économique.
Cela dit, nous sommes d'abord et avant tout un pays bilingue, et je crois qu'il est important d'insister là-dessus. Lorsque ce sera fait et que nous aurons pleinement mis en valeur ce volet de notre identité et de notre mode de vie économique, je pense que nous aurons des possibilités que nous n'avions certainement pas mises à profit ou explorées au maximum, loin de là.
Je constate qu'un nombre grandissant de personnes viennent au Canada sans toutefois parler l'une ou l'autre des langues officielles — c'est le cas en Saskatchewan. C'était rare il y a 10 à 15 ans, peut-être, mais c'est désormais plus fréquent. Des gens de partout dans le monde immigrent au Canada sans connaissance de l'anglais ou du français. J'y vois là une occasion d'affirmer que nous sommes un pays bilingue. Pourquoi ne pas recruter des francophones qui comprennent au moins une des langues officielles? Si nous avons la possibilité de contribuer au progrès et d'aider certains des membres fondateurs du pays à continuer à travailler de façon à refléter cette réalité, nous pouvons apporter une valeur ajoutée et aller un peu plus loin. Voilà où je veux en venir en tant que francophone.
Je conviens parfaitement que le fait de maîtriser plus de langues ouvre davantage de portes. Je l'ai toujours dit à mes amis, voisins, collègues, et ainsi de suite. Nous ne devrions pas nous limiter à deux langues, mais même s'il était préférable d'en maîtriser un plus grand nombre, je pense que nous devrons d'abord bien faire les choses avec les deux premières.
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Je suis d'avis que les langues sont la clé du succès et de la prospérité.
Je donne un cours de commerce international en anglais ce semestre-ci. La classe compte 127 étudiants. J'enseigne la même matière en français. Il y a deux semaines, j'ai abordé la question de la langue en classe. J'ai demandé aux étudiants: « Comment se fait-il que vous ne puissiez parler qu'en anglais? Vous êtes à l'Université d'Ottawa, et je donne en français tous les cours que vous suivez en anglais. Pourquoi ne vous inscrivez-vous pas aux cours en français? Vous avez le droit de rédiger vos examens et travaux dans la langue de votre choix. »
Il s'agit de faire comprendre que la langue est avantageuse et que les gens doivent déployer les efforts nécessaires pour l'apprendre. Pour ceux qui viennent de l'étranger, cette notion fait déjà partie de la société et du milieu, mais bien des gens d'ici ne vont pas prendre la peine d'apprendre l'autre langue officielle à moins que cela ne fasse partie de leur programme.
Je peux le constater puisque j'enseigne par exemple le droit des affaires en anglais et en français ce semestre-ci. Je demande aux étudiants de rédiger leurs travaux en français même s'ils sont dans une classe anglophone. J'essaie de leur faire comprendre qu'ils veulent travailler au sein du gouvernement fédéral et d'institutions nationales, et qu'ils souhaitent voyager et représenter le monde des affaires. Sur une centaine de travaux, je n'en reçois jamais plus d'un ou deux dans l'autre langue.
Le problème n'est pas que je n'attache pas d'importance à... mais plutôt qu'il faut amener les gens à croire que la langue est un atout qui vient s'ajouter à leurs compétences. Or, les gens n'en voient pas la nécessité puisque nous sommes une société nord-américaine majoritairement anglophone. Voilà donc pourquoi ils ne pensent pas à apprendre l'autre langue.
Nous remarquons aussi que l'apprentissage d'une troisième langue améliore la connaissance des deux langues officielles. Pourquoi? Parce que ceux qui veulent parler une troisième langue, comme l'espagnol, l'allemand ou une autre, selon l'endroit, s'assurent de pouvoir encore dire fièrement qu'ils parlent le français et l'anglais, puisque c'est complémentaire. Si un employeur remarque un candidat qui parle trois ou quatre langues, il lui donnera la priorité à l'embauche puisque ces compétences démontrent un certain talent, une capacité, un esprit d'initiative, et aussi quelque chose qu'ils n'ont pas. La connaissance de plusieurs langues représente donc une valeur ajoutée puisque c'est avantageux sur le plan économique. Lorsque nous l'enseignons aux étudiants, ils sont tous d'accord, mais ils ne font rien pour changer.
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Merci, monsieur le président
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Malheureusement, je suis certaine que je n'aurai pas assez des cinq minutes qui me sont allouées.
J'aimerais soulever un point pour replacer l'accent au bon endroit. Nous ne sommes pas ici pour discuter des langues officielles. Il ne s'agit pas de vérifier si tout le monde parle anglais ou si tout le monde parle français dans notre pays. La question n'est pas là. Nous discutons plutôt de la dualité linguistique.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a été modifiée en 2002. On a ajouté un paragraphe qui indique ceci:
En matière d'immigration, la présente loi a pour objet :
[...] de favoriser le développement des collectivités de langues officielles minoritaires au Canada;
Les langues officielles au Canada ne sont pas l'italien ou le chinois, mais le français et l'anglais. Nous ne sommes pas obligés d'apprendre les deux langues, mais nous devons protéger les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Cela m'amène à parler du fameux système Entrée express. J'aimerais vous entendre tous les deux à ce sujet.
Plus tôt, nous avons parlé des travailleurs étrangers temporaires. Quelqu'un a dit qu'il y avait 10 000 demandes, dont 100 provenant de francophones. Lorsqu'une personne entre au pays par ce processus, elle a un passeport ou un billet de train pour que son immigration se fasse plus rapidement. Les critères sont la maîtrise de la langue — sans préciser laquelle —, la scolarité, l'expérience de travail acquise au Canada et d'autres facteurs conduisant à la réussite au Canada.
Le français est la cinquième langue la plus parlée au monde. C'est en Afrique qu'il y a le plus grand bassin de francophones et de pays membres de l'OIF. On sait toutefois que la reconnaissance des diplômes africains n'est pas très élevée.
Fait-on vraiment des efforts pour intégrer des francophones dans les milieux et augmenter le nombre d'immigrants? Ce programme va-t-il nuire à la dualité linguistique?
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Il se passe la chose suivante.
L'immigrant que recherche la communauté de langue officielle en situation minoritaire n'est souvent pas connu par celle-ci parce qu'on ne sait pas où aller le chercher. Les programmes d'emplois temporaires ont amené une autre population de travailleurs qui n'était pas en mesure de fonctionner dans la langue officielle qu'est le français. Cela nous a causé du tort parce que notre poids démographique n'a pas augmenté. On n'a pas de moyens pour encadrer et amener ces gens à fonctionner dans notre société.
Je vais donner un exemple banal. Les nouveaux arrivants qui proviennent d'Afrique aiment beaucoup le milieu coopératif. Les coopératives font partie de leur réalité. Avec ces coopératives, on progresse vers des sociétés par actions ou d'autres entités.
Le gouvernement du Canada a aboli l'Initiative de développement coopératif qui était gérée par le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. On n'a plus la capacité de développer des coopératives, ce qui était souvent la façon d'intégrer les nouveaux arrivants et de les amener à prendre possession de leur destin, de leur avenir et ainsi de suite. On n'a donc pas assez de systèmes pour aiguiller ces gens afin qu'ils se prennent en main et on les perd.
Quand il y a des travailleurs temporaires, on ne sait pas comment aller les chercher, ni qui ils sont. Comme ils n'ont pas nécessairement une maîtrise des deux langues officielles, ils font partie des statistiques d'immigration, mais on n'a pas ce poids démographique pour nous appuyer. Les francophones hors Québec ne sont donc pas gagnants à cet égard. C'est là notre principale bataille.
Regardons le projet de loi que l'Ontario a déposé avant la fin des travaux de la législature. Le gouvernement de cette province avait présenté un projet de loi qui reconnaissait la place des communautés franco-ontariennes au sein de l'espace de la province. Ce projet de loi créait un modèle où les associations pouvaient regrouper, grâce à des appuis gouvernementaux, des entités afin d'aller chercher elles-mêmes les nouveaux arrivants.
Prenons un exemple. En tant que francophone, je pourrais faire partie d'une association quelconque et je pourrais aller chercher les nouveaux arrivants, être appuyé par la province afin de maintenir le poids démographique de mon groupe et ensuite les intégrer correctement dans notre société.
Prenons le cas de Toronto. D'ici 20 ans, les francophones de l'Ontario vont se trouver principalement à Toronto. Le problème est qu'on est en train de perdre ces francophones. Toronto est une ville si immense que ces francophones sont éparpillés. Or, il n'y a pas de structure qui les aide. Il y a aussi la question des emplois. On se déplace à gauche et à droite, là où il y a un besoin économique. Il n'y a pas de structure pour les amener à fonctionner ensemble. Telle est la défaite que nous avons à cet égard.
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En Ontario, par exemple, la province a créé un très solide réseau scolaire francophone. Mes deux filles fréquentent l'école Sainte-Geneviève. C'est la plus grande école primaire francophone hors Québec du Canada.
Vous remarquerez qu'au moins le tiers des parents ne parlent pas français, mais ils envoient tout de même leurs enfants dans cet établissement parce qu'ils savent que c'est la clé de l'avenir, d'une mobilité accrue, d'une ouverture à l'Union européenne et d'interactions accrues. Ils le comprennent.
Ce qui est triste, c'est qu'il faut améliorer les choses de sorte que l'immersion ne soit plus réservée à une population élitiste bien informée, mais qu'elle s'adresse aussi à monsieur Tout-le-monde et soit ouverte à bien des gens. Voilà ce sur quoi il faut insister. C'est d'ailleurs pourquoi les commissions scolaires francophones de l'Ontario font par exemple des publicités dans les deux langues officielles; elles souhaitent intégrer le plus de personnes possible au réseau scolaire. Voilà donc une façon de procéder.
Quant à l'autre façon, c'est là où il faut démontrer la viabilité économique... Le hic, c'est qu'il faut du temps pour y arriver, mais c'est une chose que j'ai toujours affirmée personnellement et qui va au-delà de l'immigration. En fait, les entreprises québécoises francophones ont elles aussi un rôle à jouer hors Québec dans la promotion des deux langues officielles. Je sais que certains d'entre vous m'en voudront probablement de le dire, mais elles ont également le devoir d'assumer leurs responsabilités et de démontrer une solidarité avec les francophones hors Québec aussi.
Vous allez me demander un exemple. Le détaillant Metro est une chaîne d'épiceries très lucrative, et nous lui demandons depuis des années pourquoi il ne peut pas mettre un accent à son nom. Quant à la Banque Nationale, ou National Bank, où sont les affiches bilingues à Toronto? Et Desjardins...
Nous sommes tous dans le même panier et avons besoin de cette solidarité. Nous devons nous serrer les coudes. Les entreprises doivent prendre l'initiative pour nous, car si elles démontrent la valeur économique du bilinguisme au sein de leurs propres établissements hors Québec, tout le monde leur emboîtera le pas. Mais si elles n'assument pas leurs responsabilités, comment pourrons-nous changer les choses, en tant que minorités, si nous n'avons même pas d'emprise sur nos institutions financières?
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Je ne connais pas vraiment la réponse à la question. En Saskatchewan, les communautés rurales sont très petites. On a quand même une population totale d'environ 1,5 million de personnes. Ce sont les derniers chiffres que j'ai en tête. Pour nos communautés rurales, il est évident que les immigrants vont aller là où est la majorité de la population. Dans le passé, le système d'immigration permettait cela.
Aujourd'hui, avec le nouveau système Entrée express, des choses vont changer. Malgré tout, il y a quand même une concentration. On a des associations de Burundais, de Congolais, d'Ivoiriens et ainsi de suite dans nos régions et dans nos communautés. C'est de cette façon que les gens se retrouvent dans les communautés.
Je connais un employé qui travaille dans la petite communauté de Ponteix, en Saskatchewan. Il me disait justement ce matin qu'un plombier, qui dessert sa région, est à la recherche d'un autre plombier qualifié car il ne veut pas devoir surveiller continuellement son travail. Comme il a de la difficulté à trouver quelqu'un, on essaie de voir comment on peut l'appuyer.
Dans ce petit village de 500 personnes, un restaurant vient d'embaucher quelqu'un qui vient du Brésil parce qu'il ne pouvait pas combler autrement son besoin en main-d'oeuvre. Certains immigrants sont peut-être plus aventureux et sont prêts à s'installer dans une petite communauté.
Comment peut-on changer un phénomène? C'est en travaillant avec la communauté. La communauté doit être accueillante, et c'est notre responsabilité de travailler avec les employeurs et la communauté à cet égard. Ce n'est pas seulement la responsabilité de l'employeur qui peut pour sa part offrir un emploi. C'est aussi la responsabilité de la communauté d'encadrer les individus qui vont aller dans les plus petites régions où il n'y a pas de regroupements de Burundais, d'Ivoiriens ou de Congolais. Pour moi, l'important est toute la structure d'accueil et l'encadrement lorsque les nouveaux arrivants sont sur place.