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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Je suis très heureux de me retrouver devant vous aujourd'hui pour faire part de quelques-unes de mes réflexions au sujet du rapport annuel de 2012-2013, que j'ai déposé au Parlement le 7 novembre.
Je tiens à féliciter l'honorable Michael Chong pour sa récente réélection en tant que président du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. Monsieur le président, je suis convaincu que votre connaissance des langues officielles et votre inestimable rôle de chef de file dans des dossiers clés, tels l'éducation bilingue, serviront bien le comité dans le cadre de ses travaux au cours de la présente session parlementaire.
[Français]
En février dernier, le premier ministre Stephen Harper m'a demandé d'exercer la fonction de commissaire aux langues officielles pour trois années additionnelles. J'ai été honoré d'accepter. Au cours de mon premier mandat à titre de commissaire, l'une des questions qui m'a souvent été posée était à la fois générale et difficile: « Comment se porte le bilinguisme officiel? » La réponse est souvent décevante: « Ça dépend. »
Mon septième et plus récent rapport tentera d'expliquer un peu plus en détail cette réponse. Le rapport se veut un sommaire de mes sept années en tant que commissaire aux langues officielles. Même si mon mandat a été prolongé pour une autre période de trois ans, j'estime qu'il est utile d'examiner le progrès ou le manque de progrès au cours des sept dernières années.
[Traduction]
À l'aube de mon deuxième mandat, je peux regarder rétrospectivement les réussites de nos enquêtes et de nos interventions proactives. Il y a sept ans, les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont déposé des plaintes à la suite de l'abolition du Programme de contestation judiciaire du Canada. J'ai joué un rôle d'intervenant devant la Cour fédérale et les enquêtes que j'ai réalisées pour donner suite à ces plaintes ont révélé que le gouvernement avait manqué à ses obligations liées à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Grâce à la mobilisation des communautés de langue officielle en situation minoritaire, une entente à l'amiable a permis la création du Programme d'appui aux droits linguistiques.
L'année dernière, l'enquête sur la nomination d'un vérificateur général unilingue a ajouté une certaine crédibilité à un projet de loi d'initiative parlementaire, adopté à l'unanimité par le Parlement, qui fait en sorte que tous les agents du Parlement doivent désormais être bilingues au moment de leur nomination.
De plus, le travail du commissariat en collaboration avec les institutions fédérales et le comité organisateur des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver a fait de cet événement présenté dans les deux langues officielles une réussite à tous les égards, sauf pour la composante culturelle des cérémonies d'ouverture. Les inestimables leçons tirées de cette expérience ont mené à la production d'un guide pratique de promotion des langues officielles à l'usage de toute organisation qui accueille un événement sportif d'envergure au Canada.
L'été dernier, les organisateurs des Jeux du Canada à Sherbrooke ont utilisé ce guide et ont clairement réussi à promouvoir les deux langues officielles lors de cet évènement national. Cette réussite est la preuve que nous avons accompli de formidables avancées.
[Français]
Je peux également mentionner notre enquête sur la décision de déplacer le Centre secondaire de sauvetage maritime de Québec à Trenton et à Halifax, ce qui fait en sorte de reporter le déménagement jusqu'à ce que l'on puisse garantir des services d'urgence en français sur le Saint-Laurent.
En outre, lorsque la décision de CBC/Radio-Canada d'éliminer la quasi-totalité de la programmation locale à la station de radio de langue française CBEF, située à Windsor, a généré 876 plaintes en 2009-2010, j'ai demandé à la Cour fédérale si j'avais la compétence d'enquêter sur de telles plaintes. La cour a confirmé ma compétence dans une décision préliminaire.
Mon mandat a aussi été marqué par ce que je qualifierais d'échecs évidents. Par exemple, le gouvernement n'a pas su reconnaître l'importance d'avoir des juges bilingues à la Cour suprême. J'ai appuyé le projet de loi , qui visait à modifier la Loi sur la Cour suprême, puisque je crois fermement que toute personne comparaissant devant la Cour suprême devrait avoir le droit d'être entendue et comprise de tous les juges dans les deux langues officielles, sans l'aide d'un interprète.
Cette année, le commissariat a complété une étude sur la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, dont j'ai présenté les résultats à l'occasion de la Conférence juridique de l'Association du Barreau canadien qui a eu lieu en août. C'était la première fois que mes homologues provinciaux au Nouveau-Brunswick et en Ontario et moi-même travaillions conjointement à un projet. L'incidence de cette étude et ses recommandations sont cruciales pour les Canadiens qui utiliseront le système judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous exhortons le à donner rapidement suite aux recommandations de l'étude, en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux et les juges en chef des cours supérieures.
[Traduction]
Depuis que j'ai amorcé mon mandat en 2006, il y a aussi eu d'heureuses surprises. J'ai observé qu'il y avait beaucoup moins de résistance à l'égard de la Loi sur les langues officielles au sein des institutions fédérales que ce à quoi je m'attendais. Mais de temps en temps, il y a des incidents qui indiquent que les fonctionnaires ne comprennent tout simplement pas ce que signifie d'avoir deux langues officielles avec le même statut.
Le mois dernier, un incident s'est produit même sur la Colline qui, à mon avis, était tout à fait inacceptable. La séance d'information des parlementaires sur le projet de loi omnibus était prévue uniquement en anglais. Un député s'est plaint, des fonctionnaires ont élevé des objections, un autre député s'est plaint de ne pas comprendre ce qui se disait. La séance d'information a finalement été reportée au lendemain.
Sincèrement, je pensais que les séances de breffage unilingues étaient chose du passé, comme les machines à écrire et la formule « français à venir ». Je pensais que la décision unanime du Parlement de veiller à ce que les agents du Parlement soient bilingues était une reconnaissance que les Canadiens, sans oublier les parlementaires, bénéficient du droit absolu de recevoir des services de qualité égale dans la langue officielle de leur choix. Il est franchement décevant qu'une députée ait eu à réclamer un breffage en français en 2013, soit 55 ans après l'instauration de l'interprétation simultanée à la Chambre des communes et 50 ans après la création de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.
Malgré ces embarrassantes lacunes, la plupart des institutions fédérales et des fonctionnaires veulent faire ce qu'il faut. Parfois, ils ont tout simplement de la difficulté à obtenir les outils dont ils ont besoin et à développer le réflexe de les utiliser. Pour faire notre part, le Commissariat a élaboré des outils en ligne que les institutions fédérales et leurs employés peuvent utiliser, et notamment un outil d'auto-évaluation, qui permet aux gestionnaires d'évaluer si leur comportement favorise l'utilisation des deux langues en milieu de travail, et un outil récemment développé pour élaborer des méthodes de formation linguistique efficaces.
Mais il y a aussi eu des déceptions. Les plaintes que j'ai reçues, en plus des résultats de nos diverses études et vérifications, me donnent à penser qu'il reste encore beaucoup à faire si nous voulons pleinement respecter les obligations et l'esprit de la Loi. Lorsque les employés fédéraux fournissent des services aux Canadiens, l'offre active est toujours une exception, et non pas la règle. Il est aussi difficile pour les passagers du transport aérien d'être servis dans la langue officielle de leur choix dans les aéroports canadiens. Trop souvent, des gens doivent le demander et trop fréquemment, lorsqu'ils le font, ils se butent à une incompréhension ou ils doivent subir des délais.
Trop souvent, les dirigeants du secteur public diront quelques mots en français, puis ils continueront de façon ininterrompue en anglais, comme si l'utilisation du français dans un événement public n'était qu'un geste symbolique plutôt qu'une véritable démonstration d'une langue canadienne. Même ici à Ottawa, j'ai l'impression que les orateurs, même s'ils sont bilingues, hésitent à prendre la parole en français en public.
De plus, les institutions fédérales ont été incertaines au sujet des mesures pour favoriser la croissance et l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme l'exige la modification de 2005 à la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Il y a cinq ans, le gouvernement a publié sa Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, qui a pris fin cette année et a été remplacée par la Feuille de route pour les langues officielles du Canada, qui s'appliquera jusqu'en 2018. Au cours des cinq dernières années, nous avons connu une période d'instabilité financière, des investissements massifs de la part du gouvernement fédéral dans des projets d'infrastructure, l'Examen stratégique et fonctionnel et le Plan d'action pour la réduction du déficit.
En général, les langues officielles n'ont pas été ciblées, mais les fermetures et les compressions ont eu des conséquences involontaires sur les langues officielles, qui ont subi des dommages collatéraux. Cela a mené à une érosion subtile du bilinguisme qui s'est manifestée par un transfert de bureaux fédéraux des régions bilingues à des régions unilingues, par la réduction des niveaux de compétence linguistique requis pour les postes bilingues, par la pression exercée sur les fonctionnaires pour produire des documents uniquement en anglais et par la tendance à offrir un nombre insuffisant de programmes de formation en français.
Nous observons aussi que la maîtrise des deux langues officielles est décrite comme un atout dans certains affichages de postes de haute direction, au lieu d'être une exigence. Il arrive aussi qu'elle soit décrite comme une exigence, sans être considérée comme telle par la suite. La conséquence de ces réalités est la fragilisation de l'utilisation des deux langues officielles en milieu de travail et de la capacité à offrir des services en français et en anglais.
Mon travail au cours des sept dernières années m'a appris à quel point le leadership est important dans les institutions fédérales. À titre de commissaire, je vais continuer d'insister sur l'importance d'apprendre la deuxième langue, que ce soit au sein de nos universités ou dans la fonction publique, et je vais continuer d'affirmer que l'utilisation des deux langues officielles est une compétence clé en leadership.
Qu'est-ce qui nous attend dans le domaine des langues officielles? Quels défis devront être relevés au cours des trois prochaines années de mon mandat?
L'immigration et les changements démographiques qu'elle amène sont des questions critiques pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire et pour le pays.
Les médias sociaux continueront de transformer la façon dont le gouvernement interagit avec les citoyens. En effet, le public s'attend plus que jamais auparavant à recevoir une réponse immédiate dans les deux langues officielles. Ils constituent à la fois des défis considérables et des occasions formidables en matière de politique linguistique.
Nous savons que les Jeux panaméricains auront lieu à Toronto à l'été 2015, ainsi qu'une série de célébrations majeures dont le point culminant sera le 150e anniversaire de la Confédération canadienne en 2017. Le gouvernement fédéral aura alors l'occasion de faire preuve de leadership et d'un engagement renouvelé. Pendant les étapes de la planification et lors de la tenue de ces événements, il sera crucial de respecter les besoins des deux communautés de langue officielle.
[Traduction]
Comme l'indique mon rapport annuel, j'ai formulé des recommandations dans les six domaines suivants: la formation linguistique au sein des institutions fédérales; la « Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 », et plus particulièrement, la nécessité d'un nouveau cadre de gestion et de reddition de comptes; les politiques d'immigration et leur incidence sur les communautés francophones en situation minoritaire; les initiatives visant à élever le niveau de bilinguisme chez les Canadiens et renverser le déclin du bilinguisme chez les anglophones; la capacité bilingue de la magistrature de la cour supérieure; l'incidence des coupes budgétaires sur la capacité des institutions fédérales à respecter leurs obligations.
Je crois que nous avons maintenant dépassé le point où les Canadiens sont étonnés d'entendre l'autre langue. C'est ce que j'ai pu constater aisément cet été aux Jeux du Canada à Sherbrooke. Les deux langues officielles ont été utilisées de façon interchangeable pendant les cérémonies d'ouvertures et ont suscité des réactions semblables chez les personnes présentes. Nos langues officielles sont l'une des caractéristiques de notre identité canadienne. Nous avons besoin de sentir que les deux langues nous appartiennent et qu'elles font partie de notre identité nationale, même si nous n'en parlons qu'une seule.
Nous devons encore relever le défi qui consiste à adhérer pleinement à la dualité linguistique et à en faire une valeur canadienne fondamentale, peu importe la langue que nous parlons. Le Comité se demande sans doute où axer ses efforts alors qu'il entame une nouvelle session. J'ai soulevé un certain nombre de points, notamment les questions sur lesquelles j'ai déjà formulé des recommandations. J'espère que cela aidera le Comité à déterminer les sujets méritant son attention.
Sur ce, monsieur le président, je conclus mon allocution et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions et aux questions de vos collègues.
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C'est à souhaiter, monsieur le commissaire, que vous allez réfléchir vite et refuser, parce qu'on n'est pas à la veille de voir le jour où ce sera une langue nationale. On n'a même pas encore pu faire respecter cette langue officielle. Qu'on règle ce problème pour commencer.
C'est de l'argent qui doit aller aux régions. On dit qu'on veut faire apprendre l'anglais aux francophones hors Québec, or je trouve ça inquiétant. Ce n'est pas votre mandat, comme commissaire aux langues officielles. Votre mandat est de vous assurer que nos langues officielles sont respectées. Le gouvernement a la responsabilité de donner des services dans les deux langues officielles. Le jour où l'on mettra plus l'accent sur l'apprentissage de l'autre langue dans les régions comme la mienne, ce sera le jour où le service sera offert dans l'autre langue, l'anglais, qui est la langue de la majorité.
Je veux faire une correction au sujet de ce que j'ai dit tout à l'heure. J'ai parlé du naufrage à Neguac, mais ce n'était pas à Neguac, mais bien dans le chenal de Tabusintac. Je voulais seulement m'assurer que ce sera consigné dans les « bleus ».
On a dit qu'on ne savait pas si de l'argent des ministères avait été mis dans la feuille de route. Une chose est claire: il est dit dans la feuille de route que la somme de 120 millions de dollars vient d'Immigration Canada. C'est de l'argent qu'Immigration Canada a déjà dépensé et qui a été transféré là.
Le gouvernement se pète les bretelles en disant qu'il n'a pas réduit le budget de la feuille de route et qu'il y a encore 1,2 milliard de dollars. Ce n'est pas vrai. On dit déjà clairement, sur papier, que ces 120 millions de dollars proviennent du portefeuille d'Immigration Canada. Je voulais mentionner ça.
Il y a autre chose. Plus tôt cette année, vous disiez être en train d'évaluer vos options pour vous assurez que le Conseil du Trésor respecte les obligations linguistiques, quand vient le temps de procéder à des nominations du gouverneur en conseil. C'est important, parce que récemment, il y avait un poste à Bibliothèque et Archives Canada où le bilinguisme n'était pas requis. Avez-vous fait une évaluation objective pour savoir si, oui ou non, c'était nécessaire?