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Mesdames, messieurs, je suis vraiment très heureuse d'être avec vous aujourd'hui, pour vous parler d'un sujet qui me tient à coeur, l'immigration. C'est une question centrale pour l'avenir de nos deux communautés de langue officielle partout au Canada. Au cours de cette présentation, je brosserai un tableau de l'évolution récente du dossier de l'immigration francophone au Nouveau-Brunswick.
En ma qualité de commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, j'ai deux rôles principaux. Tout d'abord, je travaille à protéger les droits linguistiques des Néo-Brunswickois. Pour ce faire, je mène des enquêtes sur l'application de la Loi sur les langues officielles et je formule des recommandations. C'est donc un rôle de gardien.
Soit dit en passant, la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick s'applique partout dans la province, sans égard au nombre. Que vous soyez un anglophone habitant dans la péninsule acadienne ou un francophone vivant à Saint John, vous avez le droit de communiquer avec les institutions provinciales et d'en recevoir les services dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
Mon deuxième rôle consiste à promouvoir l'avancement du français et de l'anglais dans la province du Nouveau-Brunswick, un rôle qui me permet de m'intéresser à tous ces facteurs qui assurent la vitalité d'une langue sur un territoire.
À cet égard, tous conviendront que l'immigration joue un rôle central dans la vitalité de nos deux langues officielles. C'est particulièrement le cas aujourd'hui, alors que la population vieillit et que le taux de natalité est bas.
Selon Statistique Canada, l'immigration deviendra sous peu l'unique source de croissance de la population du Canada, ou presque. Notre avenir passe donc par l'immigration, mais il faut que cette immigration profite aux deux communautés linguistiques officielles. Voilà pourquoi, depuis plusieurs années, le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick s'intéresse de très près à cette question.
Il est important de souligner ici une caractéristique particulière au Nouveau-Brunswick qui doit être prise en considération avant d'aller plus loin dans ce dossier.
Comme vous le savez, la Charte canadienne des droits et libertés précise que « la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux ». En vertu de statut constitutionnel d'égalité, les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Canada ont, à mon avis, l'obligation de faire en sorte que leurs politiques et pratiques en matière d'immigration profitent d'une manière égale à ces deux communautés. Est-ce vraiment le cas?
[Français]
En 2010, le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a mené une étude auprès du Secrétariat à la croissance démographique de notre province, qui était à l'époque l'organisme gouvernemental responsable de l'immigration dans la province. Cette étude a permis d'établir deux constats clairs.
D'abord, le secrétariat n'avait aucune politique officielle ni ligne directrice pour faire en sorte que chaque communauté linguistique profite d'une manière égale de l'immigration dans la province. À cet égard, au cours de l'exercice 2010-2011, environ 11 % des candidats choisis dans le cadre du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick — programme par lequel le gouvernement provincial peut choisir les candidats à l'immigration — parlaient français. La communauté francophone du Nouveau-Brunswick représente environ un tiers de la population totale de la province.
Ensuite, nous avons constaté que le gouvernement provincial n'avait ni stratégie, ni plan d'action, ni même de cibles en matière d'immigration francophone.
Ces deux constats ont donné lieu à deux recommandations.
D'abord, le commissaire de l'époque, mon prédécesseur, a demandé au gouvernement provincial de se doter d'une politique officielle et de lignes directrices claires, afin que l'immigration favorise d'une manière égale les deux communautés linguistiques. Par ailleurs, il a recommandé qu'une stratégie en matière d'immigration francophone soit adoptée.
[Traduction]
Les données du recensement de 2011 confirment une fois de plus que la communauté francophone du Nouveau-Brunswick ne profite pas autant de l'immigration que la communauté anglophone.
Une analyse menée par l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques à l'aide des données du dernier recensement révèle qu'en 2011, la très grande majorité des immigrants récents au Nouveau-Brunswick, soit 81,1 %, avaient l'anglais comme première langue officielle parlée, alors que seulement 11,7 % avaient le français. En outre, seulement 7,7 % des immigrants récents déclaraient le français comme langue maternelle, comparativement à près de 29 % qui indiquaient l'anglais.
Les résultats du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick ne sont guère plus reluisants. Au cours de l'exercice 2012-2013, le pourcentage de candidats d'expression française et bilingues (anglais et français) s'élevait à seulement 12,2 % de l'ensemble des candidats accueillis dans la province.
Certes, il faut reconnaître que l'immigration francophone constitue un défi aux multiples facettes. En effet, il ne s'agit pas seulement de recruter des immigrants d'expression française, ce qui est en soi un travail de longue haleine, mais il faut également savoir les retenir et les aider à s'intégrer à la communauté francophone.
À ce sujet, il faut reconnaître que des efforts ont été faits par les deux paliers de gouvernement pour relever le défi de l'immigration francophone.
[Français]
En 2009, le gouvernement fédéral s'engageait à verser à la province du Nouveau-Brunswick une somme de 10 millions de dollars sur une période de cinq ans, afin de conserver le profil linguistique de la population grâce au recrutement d'immigrants. Cet appui financier a pris fin en mars 2014. Aucun renouvellement de cet appui financier de 10 millions de dollars n'a encore été annoncé.
[Traduction]
Malgré les importants efforts déployés et les succès obtenus, force est de constater que les investissements récents n'ont pas été suffisants pour corriger un déséquilibre déjà entamé qui compromet à long terme le poids démographique de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick. Voilà pourquoi j'estime qu'une entente-cadre fédérale-provinciale sur l'immigration francophone au Nouveau-Brunswick doit être établie. Celle-ci consisterait en une approche concertée à long terme entre les deux paliers de gouvernement pour favoriser l'immigration francophone dans la province.
[Français]
Cette entente affirmerait d'abord le statut linguistique unique du Nouveau-Brunswick et reconnaîtrait que les programmes et pratiques en matière d'immigration des deux paliers de gouvernement doivent impérativement maintenir le poids démographique que représentent les deux communautés linguistiques officielles. Elle affirmerait aussi la nécessité de compenser le déséquilibre qui a existé entre les taux d'immigration par le passé.
Cette entente permettrait de mettre à profit les ressources fédérales et provinciales afin de créer une forte synergie d'action. Celle-ci viendrait appuyer le travail des intervenants communautaires, notamment le Réseau d'immigration francophone provincial.
Par ailleurs, l'entente-cadre contiendrait une série de mesures adaptées au contexte socioéconomique et aux besoins de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick. Une attention particulière serait accordée aux besoins des entreprises francophones et bilingues.
Enfin, l'entente prévoirait un soutien financier à long terme pour le recrutement, l'établissement et la rétention des immigrants francophones, et elle établirait un cadre d'évaluation afin de mesurer les progrès.
[Traduction]
En juillet dernier, le gouvernement provincial publiait la Stratégie de croissance démographique et le Plan d'action pour favoriser l'immigration francophone. Par cette initiative, il donnait enfin suite aux deux recommandations formulées par mon prédécesseur, soit l'affirmation d'un engagement clair à maintenir la composition linguistique de notre province et l'adoption d'une stratégie pour y arriver. À mon avis, il s'agit d'une occasion à saisir pour établir cette nouvelle coopération, cette entente-cadre, entre les deux paliers de gouvernement.
Au cours des dernières années, l'immigration francophone a été un sujet d'intérêt pour les gouvernements fédéral et provinciaux. Elle doit maintenant devenir une priorité nationale, car il en va de l'avenir même des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pour ce faire, il importe que l'on se donne maintenant les moyens de réussir.
Voilà pourquoi mes collègues, Graham Fraser et François Boileau de l'Ontario, et moi-même avons demandé le 30 octobre dernier aux différents paliers de gouvernement de redoubler d'effort afin d'accroître l'immigration francophone hors Québec. À cet égard, il est pour le moins inquiétant de constater que le Plan stratégique pour favoriser l'immigration au sein de communautés francophones, qui arrivait à échéance en mars 2013, n'a pas été renouvelé. Où est la nouvelle stratégie? On nous renvoie à la feuille de route pour les langues officielles. Cela me semble un peu faible comme argument.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le Rapport annuel au Parlement sur l'immigration 2014, un document fort instructif. On y trouve même une analyse comparative entre les sexes dans les secteurs des politiques, des programmes et de la recherche de Citoyenneté et Immigration Canada. Toutefois, une analyse des résultats en matière d'immigration francophone à l'extérieur du Québec brille par son absence.
[Français]
Lors de rencontres avec des fonctionnaires du Nouveau-Brunswick responsables de l'immigration, ces derniers ont plus d'une fois vanté le défunt programme Avantage significatif francophone. Il s'agissait de l'un des principaux outils qu'ils utilisaient pour le recrutement d'immigrants francophones dans notre province. Ce dernier a disparu il y a quelques mois, à la consternation de tous ceux et celles qui s'intéressent à l'immigration francophone.
La nouvelle Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2013-2018 prévoit un investissement de 29,5 millions de dollars sur cinq ans pour l'immigration vers les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays, dont 4 millions de dollars pour le Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Est-ce suffisant compte tenu des résultats obtenus jusqu'à présent? Est-ce suffisant pour un enjeu aussi fondamental? Car, c'est de la dualité linguistique dont il est question; cette caractéristique même qui nous définit en tant que nation. Par les lois, les politiques et les pratiques en matière d'immigration, les gouvernements exercent une influence directe sur l'avenir, la vitalité, voire la survie des communautés de langue officielle. Il est temps que l'immigration francophone devienne une véritable priorité nationale.
[Français]
Je vous remercie.
C'est un plaisir pour moi d'être avec vous aujourd'hui à titre de directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse.
Notre organisme est une vraie fédération et regroupe 29 organismes régionaux et sectoriels ainsi que des clientèles qui oeuvrent tous ensemble à l'avancement de la mission de la fédération acadienne.
Nous accomplissons notre mission de la façon suivante. Nous agissons comme porte-parole principal de la population acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse. Nous facilitons la concertation et le partenariat de l'ensemble des organismes qui oeuvrent au sein de la communauté acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse. Nous offrons des services et des programmes qui répondent aux besoins des membres. Nous appuyons également nos membres dans le développement et l'épanouissement de la communauté acadienne et francophone de notre province.
En 2003, le comité directeur de Citoyenneté et Immigration Canada a dévoilé son Plan stratégique pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire au Canada. Pour atteindre les objectifs de ce plan, les ministères fédéral et provinciaux de l'immigration établissent des partenariats avec des organismes clés dans les diverses communautés en situation minoritaire au Canada. C'est ainsi qu'est né le dossier de l'immigration francophone en Nouvelle-Écosse, un projet piloté par la fédération acadienne à titre de représentant officiel de la communauté acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse auprès des gouvernements.
En 2006, la fédération acadienne a signé avec le gouvernement fédéral, représenté par Citoyenneté et Immigration Canada, et le gouvernement provincial, représenté par l'Office de l'immigration de la Nouvelle-Écosse, des ententes de collaboration afin de développer des outils de promotion, de recrutement, d'accueil et d'intégration pour accueillir et retenir les immigrants en Nouvelle-Écosse. Depuis la signature de ces ententes et grâce à la continuité de l'appui des gouvernements, Immigration francophone Nouvelle-Écosse offre des services gratuits aux nouveaux arrivants d'expression française en Nouvelle-Écosse.
Immigration francophone Nouvelle-Écosse, qui est un projet de la fédération acadienne, poursuit les objectifs suivants: accroître et retenir le nombre de nouveaux arrivants d'expression française qui s'établissent en Nouvelle-Écosse, favoriser l'intégration des nouveaux arrivants dans la province, ainsi qu'accroître la capacité d'accueil et d'intégration des communautés acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse.
Pour atteindre les objectifs visés, plusieurs organismes clés de la communauté siègent à un comité directeur qui met en oeuvre le plan d'action pour l'évolution du dossier de l'immigration francophone. C'est là que nous voyons à quel point notre fédération fonctionne.
À ce comité directeur siègent l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse, le Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse, l'Université Sainte-Anne, la Fédération des femmes acadiennes de la Nouvelle-Écosse, le Regroupement des aînées et aînés de la Nouvelle-Écosse, le Conseil scolaire acadien provincial, le Conseil jeunesse provincial de la Nouvelle-Écosse, le Réseau Santé Nouvelle-Écosse, un représentant du comité directeur de Citoyenneté et Immigration Canada pour l'immigration francophone et un représentant de la communauté immigrante.
Parmi les services offerts par Immigration francophone Nouvelle-Écosse, on compte des services pré-départ, d'établissement, d'intégration et de sensibilisation. Ces services sont extrêmement appréciés par la communauté immigrante qui trouve, chez Immigration francophone Nouvelle-Écosse, des employés dévoués et en mesure de les accompagner pas à pas dans ce nouvel environnement et cette nouvelle vie.
Toutefois, en dépit de l'excellent service offert par Immigration francophone Nouvelle-Écosse, les immigrants francophones de notre province se trouvent désavantagés sur plusieurs points par rapport aux immigrants anglophones. En effet, plusieurs services offerts par l'Immigrant Services Association of Nova Scotia ne sont pas accessibles aux immigrants de langue française. Entre autres, il s'agit des services d'intervention en situation de crise, notamment pour des questions de santé mentale ou de crise juridique, des services d'appui et de conseils aux familles immigrantes, pour ce qui est du droit de la famille ou de violence familiale, des services aux réfugiés, des ateliers pratiques offerts par des professionnels sur divers sujets, par exemple les déclarations de revenus puisque c'est le temps de l'année où il faut les produire, ainsi que la référence aux institutions offrant des cours de langue seconde.
Tous ces services ne peuvent pas être offerts par Immigration francophone Nouvelle-Écosse. De plus, certains besoins cernés par les immigrants eux-mêmes ne peuvent être comblés par Immigration francophone Nouvelle-Écosse puisque ces services, encore une fois, ne relèvent pas du mandat de cet organisme.
Il s'agit des services d'accompagnement pour les étudiants internationaux, des services d'accompagnement scolaire pour faciliter l'intégration des élèves, des cours de français langue seconde et la certification qui en découle et les examens de compétence langagière nécessaires pour obtenir la résidence permanente. Tous ces services ne sont pas offerts parce que Immigration francophone Nouvelle-Écosse n'a pas le mandat de le faire.
En outre, le plus préoccupant est que les clients qui se présentent à l'Immigrant Services Association of Nova Scotia et qui pourraient bénéficier des services offerts par Immigration francophone Nouvelle-Écosse ne sont pas référés à ce dernier organisme, parce qu'on ne vérifie pas auprès de ces immigrants s'ils parlent le français également. On ne leur offre donc pas le choix entre les services en anglais et les services en français.
Par exemple, cet été nous avons appris que 20 immigrants qui parlaient français et qui auraient bien aimé profiter des services de l'immigration francophone ont été systématiquement référés au système anglophone et n'ont jamais su, sauf trop tard, que les services d'immigration francophone fonctionnaient. Vingt immigrants francophones, pour la Nouvelle-Écosse, c'est beaucoup.
Par ailleurs, certains programmes de Citoyenneté et Immigration Canada qui sont abolis ou qui font l'objet d'une refonte, comme Avantage significatif francophone, ou les missions de service civique pour les étudiants internationaux occasionnent des difficultés supplémentaires pour les employeurs désireux d'accueillir des immigrants de langue française.
À titre d'exemple, notre fédération accueille depuis quelques années des étudiants français qui répondent à un appel de mission de service civique. Jusqu'à présent, c'était relativement simple, on formulait une offre d'emploi diffusée par l'Office franco-québécois pour la jeunesse et l'Agence du service civique français, on faisait les entrevues, on écrivait le contrat, et voilà.
Or, en février dernier, nous avons su qu'il faudra dorénavant payer des frais à CIC et compléter un formulaire en ligne avant l'offre formelle de mission. En principe, cela non plus ne devrait pas poser problème, mais c'est un véritable casse-tête parce que les instructions que l'on nous a remises ne sont pas bonnes.
Habituellement, je n'ai pas de problème, mais il m'a fallu une journée pour franchir la première étape qui consistait non pas à remplir le formulaire mais simplement à payer les frais. Dans les barres de déroulement, l'option « mission de service civique » n'était pas là. Il y avait l'option « autres services » que j'avais sélectionnée. Cela ne fonctionnait pas. Les autres étaient « résidence permanente », « résidence temporaire », « citoyenneté canadienne », etc.
J'avais sélectionné « autres services ». Il aurait fallu que je clique sur « résidence temporaire ». J'ai vérifié avec la collègue de la Société nationale de l'Acadie pour trouver le truc. En effet, si je cliquais sur « autres services », je tombais sur « demande de citoyenneté canadienne pour criminalité », « avec dossier de criminalité » ou« avec dossier de criminalité grave ». Cela n'avait plus de sens.
Essayer de naviguer là-dedans est presque impossible et je n'ai même pas encore rempli le formulaire. Tout le temps qu'on perd pour faire cela! En plus, on ne peut pas parler à un agent. Si j'ai eu ces difficultés, on peut être sûr que les autres organismes qui essaient d'obtenir un stagiaire dans le cadre d'une mission de service civique vont simplement démissionner et laisser tomber plutôt que de perdre une journée à essayer de trouver comment faire pour entrer dans le système.
Pour ce qui est d'Avantage significatif francophone, comme le programme n'a toujours pas été remplacé, et comme madame la commissaire le mentionnait plus tôt, on peut supposer que plusieurs employeurs se tourneront vers des employés ayant un faible niveau de français pour combler leurs besoins en main-d'oeuvre.
En conclusion, bien que les programmes de CIC permettent d'accueillir un nombre croissant d'immigrants au Canada et en Nouvelle-Écosse, il semble que les services offerts favorisent davantage une immigration anglophone plutôt que francophone et que cette situation soit attribuable au fait que Immigration francophone Nouvelle-Écosse et les employeurs de notre communauté ne disposent pas des mêmes outils que le fournisseur de service et les employeurs anglophones. Ce déséquilibre risque de décourager les immigrants francophones de venir s'installer dans notre belle province et de contribuer ainsi davantage à l'érosion de la francophonie en Nouvelle-Écosse.
Je vous remercie de votre attention.
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Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier sincèrement de nous avoir invités à partager avec vous certaines informations relatives à la manière dont nous percevons l'engagement du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada envers la promotion de la dualité linguistique canadienne et du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Je suis Ida Kamariza, coordonnatrice du Réseau en immigration francophone de l'Alberta, qui est sous la gouverne de l'ACFA, l'Association canadienne-française de l'Alberta.
Depuis 1926, I'ACFA est l'organisme porte-parole de la francophonie albertaine. Nous sommes donc ici aujourd'hui au nom des 238 000 Albertaines et Albertains qui composent la collectivité de langue française en Alberta. Depuis 2001, cette société francophone plurielle et très diverse a adopté plus de 10 000 immigrants directs ainsi que plusieurs milliers de francophones issus de l'immigration par l'intermédiaire d'autres provinces et territoires, notamment le Québec.
L'origine des efforts des communautés en immigration remonte à la décennie des années 1990 lorsque des études et des réflexions menées par le Commissariat aux langues officielles et les communautés ont marqué le début d'une ouverture sur une francophonie plus vaste, de même qu'une reconnaissance de l'importance de la diversité et de l'immigration au sein des communautés.
Toutes ces études et réflexions ont constitué les prémisses de l'immigration francophone dans ces communautés, et elles ont démontré l'importance de l'immigration pour la vitalité des communautés francophones comme avenue de rattrapage pour leur épanouissement et leur développement économique et culturel.
En 2003, le gouvernement fédéral a mis en place le cadre stratégique pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire, et ce, afin de leur permettre de profiter des bénéfices économiques et sociaux de l'immigration au cours des années à venir. Cinq objectifs à long terme, consistant à accroître le nombre d'immigrants d'expression française dans lesdites communautés et à les y retenir, sont visés.
Plus tard, en 2006, un plan stratégique définissant les principales priorités visant à guider le choix d'initiatives à mettre en oeuvre pour réussir ces objectifs a été divulgué. À cette occasion, le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada de l'époque, M. Monte Solberg, réitérait l'engagement du gouvernement du Canada en ces termes: « L’histoire de notre pays ainsi que nos racines nous indiquent qu’il est de notre devoir de préserver ce que nous avons déjà bâti, c’est-à-dire la dualité linguistique. »
Le rôle que joue l'immigration francophone par rapport à l'épanouissement et au développement économique et culturel des communautés francophones en situation minoritaire est indéniable, mais comment se fait l'attraction des nouveaux arrivants, leur initiation aux besoins locaux du marché du travail et l'offre des services gouvernementaux à leur intention?
L'implication active des communautés francophones en situation minoritaire avait pour objectif de pallier, entre autres, l'enjeu démographique de ces communautés. Toutefois, force est de constater que les communautés francophones en Alberta, comme partout ailleurs au pays, ont peu bénéficié des retombées de l'immigration.
Cet enjeu démographique est aujourd'hui réel et il est fort probable que l'entrée en vigueur du nouveau système Entrée express ne soit pas une panacée comme on nous le laisse entendre à chaque occasion. Dans le contexte des profondes réformes que nous vivons aujourd'hui, l'organisation et le fonctionnement des services en français aux immigrants est un enjeu majeur dans les milieux francophones minoritaires.
En dépit de la situation économique actuelle, l'Alberta continue d'attirer un grand nombre d'immigrants. Toutefois, les statistiques montrent que, depuis toujours, très peu d'immigrants francophones ont immigré directement de l'étranger vers la province de l'Alberta. La province bénéficie plutôt d'un flux d'immigration secondaire, principalement en provenance du Québec. Les intervenants en immigration craignent donc qu'avec les nouvelles réformes, le nombre déjà très bas d'immigrants francophones en provenance de l'étranger continue à diminuer considérablement. De plus, il a été noté que, malgré les nombreuses voies d'entrée qui sont offertes aux immigrants, la configuration actuelle du système d'immigration ne donne pas avantage aux pays francophones du tiers-monde qui constituent un grand bassin pour l'immigration francophone.
Les efforts actuels de promotion des communautés francophones en situation minoritaire par CIC ainsi que ceux de Destination Canada prouvent à suffisance que le grand bassin francophone n'est pas toujours visé, même si quelques actions timides y sont présentes depuis environ un an.
Tout cela fait que les résultats sur le plan de l'immigration francophone dans les communautés francophones en situation minoritaire restent mitigés, qui plus est, depuis l'abolition du programme Avantage significatif francophone en septembre dernier.
Nous saluons l'engagement du gouvernement depuis environ une décennie et demie, réitéré récemment dans la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, à maintenir la vitalité communautaire francophone hors Québec, et ce, par l'entremise de l'immigration, mais nous restons en même temps perplexes quant aux approches en place qui ne semblent pas tenir compte de la spécificité francophone.
Le Canada connaît deux voies d'entrée des immigrants, à savoir l'immigration permanente et l'immigration temporaire. Il est donc essentiel de s'attarder sur chacune d'elles.
Débutons avec le volet de l'immigration permanente. La modernisation qui motive des réformes profondes dans le système canadien donne une empreinte fortement économique à l'immigration, qui est passée d'une immigration fondée sur l'offre des immigrants à venir au Canada à une immigration où le Canada invite les immigrants à venir au Canada. Cette orientation est basée sur l'implication accrue des employeurs comme l'a clairement annoncé le communiqué du 8 avril 2014 du ministre Chris Alexander, et je le cite:
Le système « Entrée Express » permettra aux employeurs de jouer un rôle clé dans la sélection des immigrants économiques et de formuler des conseils à l'intention du gouvernement du Canada.
Selon nos observations, le rôle majeur proposé aux employeurs dans la sélection des immigrants, doublé de la grande responsabilité offerte aux provinces et territoires dans ce dossier, tous non soumis aux obligations linguistiques, risque de diluer les engagements du gouvernement fédéral envers les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. Nous reconnaissons les avantages économiques reliés à l'immigration que vise notre gouvernement. Cependant, nous sommes inquiets et pensons que la vitalité de nos communautés souffrira si des mesures d'accompagnement ne sont pas adoptées.
De plus, le Plan d'action économique de 2014 précise ce qui suit:
Le système de déclaration d’intérêt permettrait au gouvernement du Canada, aux provinces et aux territoires, ainsi qu’aux employeurs, de cibler activement des immigrants hautement qualifiés dans le cadre des principaux programmes d’immigration économique, dont le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), le Programme des travailleurs de métiers spécialisés (fédéral) et la Catégorie de l’expérience canadienne.
Comme vous le voyez, les communautés ne sont citées nulle part. Le même Plan d'action économique poursuit ainsi:
Dans l’avenir, le gouvernement explorera avec les provinces, les territoires et les employeurs, des approches en vue de la création d’un bassin de travailleurs qualifiés, prêts à commencer à travailler au Canada.
Il est à noter que toutes les consultations relatives à la mise en place de ce programme, qui a débuté en janvier dernier, se sont faites depuis plusieurs mois avec les provinces, les territoires et les employeurs, mais sans la participation ni la contribution des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous sommes inquiets car nous ne pensons pas que ces acteurs clés mettront de l'avant la vitalité des communautés francophones ni n'en feront une priorité.
Heureusement, des consultations communautaires pancanadiennes viennent de commencer avec les intervenants de nos communautés francophones pour chercher des possibilités d'adaptation au programme déjà en place. Cependant, la réalité semble démontrer davantage de défis que de solutions. Les communautés francophones auraient souhaité être consultées dès la conception du programme pour que le gouvernement avance avec une approche bien informée et tenant compte de leurs spécificités. Bien que la connaissance d'une des langues officielles du Canada soit l'un des critères de sélection, nous doutons que les immigrants unilingues francophones soient sélectionnés. Aussi, nous doutons que les normes de formation qui sont différents dans les systèmes francophones et anglo-saxons ne constituent un handicap à la reconnaissance des diplômes de certains pays francophones.
J'aimerais maintenant vous faire part de quelques observations relatives à l'immigration temporaire. Selon les récentes réformes, l'immigration temporaire, constituée essentiellement par les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants internationaux, sera privilégiée pour le passage à l'immigration permanente.
L'impact majeur sur les communautés francophones dépendra donc des pays sources pour ce qui est de la catégorie des travailleurs étrangers temporaires. À l'exception de la France, peu de pays francophones comptent parmi les bassins d'immigrants temporaires.
Les communautés francophones font des efforts pour sensibiliser les employeurs afin que ceux-ci recrutent des immigrants dans les pays francophones. Cependant, nous constatons une sorte de contradiction. Alors que le gouvernement du Canada supprime tout le financement des communautés pour les activités de promotion à l'étranger, il promet en même temps, dans la Feuille de route, d'augmenter les dépenses pour les activités à l'étranger afin d'élargir le mandat de Destination Canada et d'inclure plus de salons de l'emploi et d'activités de promotion et de recrutement visant les employeurs.
Enfin, la catégorie des étudiants étrangers sera privilégiée par le nouveau système d'immigration si l'on se fie aux fonds que le gouvernement compte y investir dans les prochaines années. Cependant, ici encore, des inquiétudes peuvent être soulevées.
Les efforts du gouvernement envers cette catégorie étant dirigés dans des pays ciblés, l'absence des pays membres de l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, dans cette cible nous inquiète. Par ailleurs, la disparité des coûts payés par les étudiants étrangers dans les différentes institutions d'enseignement aura un impact majeur sur la possibilité d'attirer des étudiants dans certaines régions du pays.
À titre d'exemple, l'Université d'Ottawa vient de prendre une décision permettant aux étudiants étrangers qui suivent trois cours en français de payer le même coût que les étudiants canadiens ou les résidents permanents. Est-ce possible d'imiter cet exemple partout au pays et de faire du niveau des frais de scolarité un incitatif pour favoriser l'immigration francophone?
Pour ce qui est des services gouvernementaux en faveur des nouveaux arrivants, il est important de discuter des services pré-arrivée. Pour le moment et depuis un certain nombre d'années, ces services sont offerts partout dans le monde par Collèges et Instituts Canada, ou CiCan. Très récemment, un projet pilote pour les francophones a vu le jour et se terminera le 31 mars prochain. Même si ce prestataire parle de l'existence des communautés francophones, le doute persiste quant aux éléments convaincants qui sont communiqués afin que leur clientèle choisisse les communautés francophones en situation minoritaire comme communautés d'accueil et d'établissement en sol canadien.
Pour ce qui est des services aux nouveaux arrivants francophones en terre canadienne, nous saluons le fait qu'il y ait environ 240 points de services répartis partout au pays. À cet égard, je noterai qu'ils ne sont pas tous financés par CIC et que leur capacité en termes de ressources et de programmes laisse toujours à désirer en comparaison à leurs homologues du milieu majoritaire. Les décideurs du financement leur opposent toujours la réalité des nombres comme si la spécificité francophone, qui avait justifié la création des dits points de services dans les années 2000, n'était plus de mise.
CIC favorise la livraison de services dans les deux langues officielles, ce qui n'est pas mauvais en soi, mais crée une sorte concurrence entre les prestataires de services, alors que la reddition de comptes des services d'établissement est davantage quantitative que qualitative. Les nouveaux arrivants francophones servis par des agents bilingues dans les organismes fonctionnant en anglais ne seront pas orientés vers les écoles francophones ou vers les autres organismes et institutions francophones, et leur contribution à la vitalité francophone ne restera qu'un mythe. Lorsqu'ils apprennent, souvent fortuitement, l'existence des services en français offerts en milieu francophone, nous faisons face à des gens qui ont reçu des services peu adaptés à leurs besoins et pour qui il faut tout recommencer, alors que les fonds relatifs à leur établissement ont été encaissés ailleurs.
Enfin, en ce qui concerne l'initiation des nouveaux arrivants aux besoins locaux du marché de travail, elle est faite par l'entremise des organismes francophones. Ces derniers sont toujours limités au niveau des ressources et travaillent à partir des programmes de financement offerts, ce qui crée des frustrations de la part de la clientèle qui ne comprend pas toujours que les directives des bailleurs de fonds limitent les interventions à certaines actions seulement.
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En Alberta, depuis qu'on a senti que l'immigration s'orientait vers le volet économique — avec un poids important des employeurs —, nous avons une expérience à succès qui a commencé à Grande Prairie et qui fait maintenant tache d'huile, c'est-à-dire qu'elle se répand dans toute la province.
La communauté francophone de l'Alberta a décidé de se prendre en charge. La première expérience a commencé dans la région de Grande Prairie. Nous collaborons avec un recruteur privé, Prudhomme International Inc. Ce dernier fournit des employés qualifiés et bilingues aux employeurs de la province.
Au sein de notre communauté, que faisons-nous? Nous les accompagnons dans les petits détails. Tout cela est fait sur une base bénévole, puisque aucun financement n'y est associé. Ces immigrants qui entrent au Canada sur une base temporaire, c'est-à-dire en tant que travailleurs étrangers temporaires, sont accueillis à l'aéroport. Nous cherchons pour eux des maisons à louer, parce que ces personnes n'ont pas de temps à consacrer au processus d'établissement et d'intégration. Une fois qu'ils arrivent, ils sont sur le marché du travail dès le lendemain.
Dès le lendemain de leur arrivée, nous les accompagnons pour leur donner des indications, en plus de les orienter et de les aiguiller à propos de la façon de vivre dans la ville ou de garder leur emploi. Nous leur montrons quelles sont les attitudes à adopter en emploi.
Il y a des petites choses que les gens tiennent peut-être pour acquises, mais elles sont très importantes. Quand nous accueillons ces gens, quand ils arrivent dans un appartement loué, il n'y a rien. Parfois, il n'y a même pas de meubles. Nous tenons à ce qu'il y ait, par exemple, des fruits. Ainsi, si quelqu'un a faim, il pourra manger un fruit ou boire un jus. Il s'agit donc d'un accompagnement humanisé et personnalisé.
Nous allons jusqu'à accompagner ces employés pour leur demander comment nous pouvons les aider, ce que nous pouvons faire pour qu'ils restent. À la fin, quand ils obtiennent une permanence, ils sont très près de notre communauté et l'agrandissent.