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Bonjour. Je m’appelle Zack Massingham et je suis cofondateur et directeur général de AggregateIQ.
Je vous remercie de nous avoir invités à vous fournir de l’information à l’appui de votre étude et à répondre à vos questions. J’aimerais commencer par vous parler un peu de notre entreprise.
J'ai eu l'idée de fonder AggregateIQ en travaillant pour une campagne en 2011, où j'ai pu relever une fois de plus des pratiques inefficaces, dont le fait de ne pas appliquer les leçons tirées de campagnes précédentes et le recours au papier pour les besoins de suivi.
J’ai créé AggregateIQ pour fournir des services informatiques et aider notre clientèle à se servir de la technologie pour mieux faire campagne. J’ai acheté le nom de domaine AggregateIQ.com en avril 2011 et utilisé AggregateIQ comme raison sociale pour mon travail de consultation. En 2013, Jeff Silvester et moi avons décidé de travailler officiellement ensemble. Nous avons donc constitué AggregatelQ Data Services Ltd. en novembre 2013, et aujourd’hui, on nous connaît simplement comme AggregateIQ ou AIQ.
Compte tenu de certains témoignages que vous avez entendus, quelques-uns ayant même été rapportés dans les médias, nous avons pensé qu’il serait important de clarifier certains points. Nous ne sommes pas, et nous n’avons jamais été, un segment ou une filiale de SCL ou de Cambridge Analytica. Nous sommes, et nous avons toujours été, entièrement canadiens.
Deux personnes ont entrepris de fonder l’entreprise, et ce sont ces deux mêmes personnes qui se chargent de son exploitation, Jeff Silvester et moi. Tout le travail que nous faisons pour nos clients demeure distinct, sans relation avec les services offerts à d'autres clients. Les seuls renseignements personnels que nous utilisons dans notre travail sont ceux qui nous sont fournis par nos clients à des fins précises. Aussi, nous nous faisons un devoir de respecter autant que possible toutes les lois portant sur la protection des renseignements personnels dans chaque pays où nous travaillons.
Nous n’avons jamais puisé, géré, ni utilisé des données Facebook qui auraient été obtenues de façon irrégulière par Cambridge Analytica ou par quiconque.
Nous sommes une société de développement de logiciels et un site Web de publicité en ligne de Victoria, en Colombie-Britannique. Grâce à notre détermination, à notre travail acharné et à notre formidable équipe, nous avons pu travailler à des projets dans le monde entier, mais nous demeurons une petite entreprise canadienne.
Merci.
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Bonjour. Je m’appelle Jeff Silvester et je suis chef des opérations et cofondateur de la société AggregateIQ.
J’aimerais vous parler un peu plus de ce que nous faisons, mais je voudrais commencer par vous dire ce que nous ne faisons pas. Nous ne sommes pas une société de mégadonnées. Nous ne sommes pas une entreprise d’analyse de données. Nous ne recueillons pas des données illégalement. Nous ne divulguons jamais l’information d’un client à un autre, et nous n'exerçons pas ce qu’on appelle les arts obscurs du numérique. Comme Zack l’a dit, nous faisons de la publicité en ligne et nous créons des sites Web et des logiciels pour nos clients.
Permettez-moi de vous offrir quelques précisions.
Pendant une campagne électorale, les candidats de tous les partis se rendent dans leurs circonscriptions. Ils installent des affiches aux coins des rues passantes et sur les pelouses des partisans. Ils attirent l'attention des voitures au bord des routes, arborant toutes sortes d'écriteaux et de slogans. Il y a des causeries, des assemblées publiques, des débats et d’innombrables conversations à la porte des électeurs et au téléphone, car il s'agit de faire connaître leurs idées et leur vision de prospérité pour leur localité et le pays tout entier.
Tout cela, bien sûr, en demeurant à l'écoute de ce que leurs électeurs tiennent à coeur. Ce que nous faisons n’est pas différent, c’est simplement que nous le faisons en ligne.
Quand nous plaçons une annonce Facebook pour un client, c’est un peu comme agiter un écriteau au bord de la route. Il est possible de mesurer à quel point l'initiative est réussie en comptant le nombre de conducteurs qui klaxonnent et saluent en souriant et le nombre de ceux qui rouspètent ou font un geste moins aimable.
Voilà qui vous donne une idée du nombre de voitures qui sont passées et du nombre de réactions positives ou négatives, mais vous ignorez qui étaient ces personnes, et c’est la même chose avec une annonce en ligne.
Que vous affichiez votre annonce dans une localité donnée, ou à l'intention de la population générale, vous n’obtenez que le nombre de fois qu’elle a été diffusée, ou le nombre de personnes qui ont cliqué dessus. Vous ne savez pas qui étaient ces personnes et vous n’avez pas accès à leurs renseignements personnels.
Nos employés sont des développeurs de logiciels et des spécialistes de la publicité en ligne. Les logiciels que nous préparons sont analogues aux outils que les partis ci-présents utilisent dans leurs campagnes. Ils sont conçus pour aider à faire du porte-à-porte et des appels téléphoniques, et pour envoyer des courriels rappelant aux gens de voter. Nous avons aussi des logiciels de rapport pour que les campagnes sachent comment elles se portent en cours de route.
Ces outils aident les candidats et les représentants élus à communiquer avec plus de gens que jamais. Or, au lieu d’une poignée de main rapide lors d’une assemblée publique, les électeurs peuvent désormais avoir un dialogue constructif avec les gens qui les représentent, que ce soit chez eux, à Ottawa ou ailleurs dans le monde.
Cela dit, nous avons beau nous y prendre de notre mieux, nous ne sommes pas toujours infaillibles.
Le dimanche 25 mars, les médias nous ont avertis de l’accès non autorisé à un répertoire de codes. Nous avons pris des mesures sur-le-champ pour verrouiller ce serveur, et en fait tous nos serveurs et services afin d'interdire tout nouvel accès de la sorte. Pendant le processus de verrouillage et d’enquête sur l’accès non autorisé, nous avons découvert que certains renseignements personnels d'électeurs aux États-Unis avaient été oubliés par mégarde dans une des sauvegardes du code.
Quelques heures après le rapport initial des médias, en plus d’aviser nos clients, nous avons communiqué avec le sous-commissaire par intérim du Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique, et nous avons lancé une enquête approfondie.
L'enquête est toujours en cours, car nous sommes résolus à examiner tous les détails pour voir ce qui a modifié le système de manière à permettre l'accès non autorisé à ce serveur. Nous avons envoyé des lettres aux personnes qui ont eu un tel accès leur demandant d'attester qu'elles avaient supprimé tous les renseignements obtenus sans permission. Nous suivons les consignes du Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique, et nous comptons bien demeurer en communication avec ce bureau à mesure que notre enquête progressera.
La présence de renseignements personnels dans notre répertoire de codes se devait à une erreur de notre part. Ils n’étaient pas censés être là, et vous m'en voyez désolé, comme le responsable ultime que je suis.
Nous avons déjà adopté des mesures pour empêcher que cela se reproduise, et je m’attends à d'autres recommandations et améliorations à mesure que nous avancerons dans notre enquête.
Les commissaires à la protection de la vie privée du gouvernement fédéral et provincial peuvent formuler leurs propres recommandations. Nous les accueillerons favorablement et nous ne manquerons pas d'y donner suite.
Nous sommes résolus à faire en sorte que cette enquête soit menée à fond et bien comme il faut.
En conclusion, nous avons bâti une entreprise de technologie prospère à Victoria, en Colombie-Britannique. Nous employons de nombreux jeunes extrêmement compétents, et nous sommes fiers de ce que nous avons construit ici même au Canada.
Il y a beaucoup d’idées fausses qui circulent au sujet du recours aux formes de publicité modernes à des fins politiques et autres, et nous ne demandons qu'à vous éclairer sur ce qui se passe réellement et comment la technologie est utilisée, si cela peut vous être utile.
J’aimerais remercier le Comité de nous avoir invités aujourd’hui et du travail si important et précieux qu'il fait. Je serai moi aussi heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également les deux témoins qui sont parmi nous.
Il est intéressant d'apprendre que vous offrez des services spécialisés pour des campagnes électorales. Par contre, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vos clients font appel à vous pour accomplir du travail qu'un employé permanent d'un parti ou d'un organisme pourrait faire lui-même, à savoir placer de la publicité sur Facebook.
Quel service offrez-vous en plus, pour que ces gens décident d'avoir recours à votre compagnie? Il est relativement facile de trouver des gens qui peuvent placer de la publicité sur Facebook. J'imagine qu'il ne s'agit pas simplement de vous confier ce travail. Vous devez sûrement offrir un service supplémentaire, une valeur ajoutée, qui explique qu'on vous octroie des contrats. De quel service s'agit-il?
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En ce qui concerne le travail que nous faisons pour les campagnes, nous nous spécialisons dans la publicité politique en ligne. C’est la même chose dans tous les autres secteurs. Si on comprend un peu le milieu, on peut rendre le processus un peu plus efficace, mais ce n’est pas vraiment différent de ce que nous faisons tous quand nous réparons une voiture. Nous avons aussi des manuels de propriétaire pour nos voitures, mais nous les apportons quand même aux mécaniciens, parce que ce sont eux les experts.
Nous aidons les responsables de campagnes à faire passer leurs messages. Nous en adaptons la taille, du point de vue de leurs dimensions et de la quantité de texte. Nous utilisons notre expérience de ce genre de mise en page qui fonctionne pour les mettre en ligne.
La valeur ajoutée que nous apportons, évidemment, c’est que nous pouvons le faire très rapidement et efficacement pour qu’ils puissent diffuser leur information. Les responsables de campagnes, surtout celles qui ne sont pas liées à un parti politique à long terme, n’ont pas tous cette expertise à l’interne. Les partis représentés ici ont des gens qui peuvent le faire pour eux, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
Ils ont besoin d’aide, et nous sommes heureux de leur fournir cette aide.
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Merci, monsieur le président.
UpGuard, la firme qui a effectué l'enquête sur la brèche de données et qui est associée à la recherche en cyberrisques de Chris Vickery, a indiqué que deux des familles de projets, appelées Saga et Monarch, « sont conçues pour recueillir et utiliser des données sur un certain nombre de plateformes ».
L'outil Saga semble plutôt inoffensif et comparable aux programmes utilisés par les partis politiques d’une manière peut-être moins sophistiquée. Il est destiné à automatiser la création, l’analyse et le ciblage des publicités de manière à ce qu’il soit facile pour un petit nombre de personnes de gérer un grand nombre de comptes publicitaires Facebook.
Selon l'équipe d'UpGuard — et je vais vous demander si c’est exact —, Saga a été utilisé spécifiquement pour interagir avec le système de publicités Facebook au moyen d’API et de méthodes de moissonnage et pour mesurer la réponse aux images et aux messages.
Toujours selon UpGuard, l'outil Monarch prend la relève de Saga là où celui-ci s'arrête. Aux dires de la firme, Saga est un outil capable de suivre ce qui se passe quand quelqu’un clique sur une publicité Facebook, alors que Monarch semble conçu pour suivre ce qui se passe par la suite, donnant ainsi à l'entité qui exerce le contrôle une image plus complète du comportement de ses cibles.
Est-ce ce qu’on appelle le « profilage psychographique », et est-ce essentiellement ce que font Saga et Monarch?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être ici.
Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Massingham. Vous êtes drôlement silencieux; j'aimerais vous entendre un peu plus.
Dans votre témoignage, vous avez dit vous conformer le mieux possible au cadre juridique et réglementaire. Dans votre site Web, vous dites clairement et sans doute possible que vous vous y conformez.
Ai-je raison de dire que vous avez reçu un avis légal et que vous avez peut-être enfreint certaines lois canadiennes ou étrangères concernant cette situation?
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Merci encore, monsieur le président.
M. Wylie a affirmé vous avoir connu, monsieur Sylvester, à l'époque où vous travailliez tous deux pour des campagnes électorales libérales au Canada. Vous avez d'ailleurs dit avoir travaillé pour les libéraux. Tout le monde a ses affinités politiques et nombreux sont ceux, dans cette salle, qui ont travaillé bénévolement pour les campagnes d'un parti ou d'un autre. Nous savons que M. Wylie a travaillé sous contrat pour le Parti libéral du Canada jusqu'en 2009, c'est-à-dire jusqu'à la résiliation de son contrat par le chef libéral de l'époque, M. Ignatieff, en raison, d'après ce qu'il a dit, de la nature trop intrusive du travail numérique qu'il effectuait dans le cadre des campagnes électorales. Nous savons également que M. Wylie a obtenu 100 000 $ peu près l'élection de 2015 pour un contrat exécuté avant ou après l'élection. Cette question demeure sans réponse.
Au cours de l'une ou l'autre de ces périodes, avez-vous travaillé avec M. Wylie pour le Parti libéral du Canada, soit personnellement, soit par le biais de votre compagnie AIQ?
Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue. Il vient de recevoir un texte qui réfute ce que vous avez dit. Plus précisément, la commissaire à l’information du Royaume-Uni, Elizabeth Denham, affirme que l’AIQ a refusé de répondre à ses questions précises sur l’utilisation des données pendant la campagne référendaire. C’est au point où le Royaume-Uni envisage de prendre d’autres mesures juridiques pour obtenir l’information dont elle a besoin.
C’est en temps réel. Cela s'est produit selon ce que vous venez de dire.
Qui ne nous dit pas la vérité, vous ou elle? C’est une question directe maintenant. Qui ne nous dit pas la vérité?
Vous venez de nous faire croire que vous avez reçu deux lettres et que vous y avez répondu entièrement. Elle dit que ce n’est pas le cas, au point où elle envisage d’intenter des poursuites.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, vous avez dit qu’AggregateIQ travaille seulement avec les renseignements sur les bénévoles, les partisans et les donateurs que le client lui fournit. Dans le cas de Cambridge Analytica, ou SCL, comment pouvez-vous déterminer que l’information que ces sociétés vous fournissent pour travailler dans le cadre de campagnes de toutes sortes, comme celles dont nous discutons aujourd’hui, a été obtenue légalement, comme il se doit?
Vous semblez vous dégager de toute responsabilité en la rejetant sur vos clients. Vous devez sûrement vous rendre compte que dans certaines situations où on vous présente des bases de données particulièrement volumineuses, vous pourriez avoir des doutes et comme vous avez travaillé avec M. Wylie par le passé, sachant dans quelles circonstances son contrat avec le Parti libéral a pris fin en 2009, certaines données pourraient avoir été acquises de façon invasive.
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En réponse à un commentaire de Mme Kaiser, le président du comité, Damian Collins, a dit: « Pour clarifier les choses, vous avez mentionné que Chris Wylie travaillait pour SCL Canada. »
Mme Kaiser a répondu: « C’est un nom qui a été utilisé — je ne le connais pas à titre personnel ou au bureau d’AIQ. C’était considéré comme SCL Canada. Notre entreprise avait tendance à avoir un modèle d’affaires où nous nous associions à une autre entreprise, et cette entreprise nous représentait en tant que SCL Allemagne ou SCL U.S.A. C’était le modèle. »
Le président lui a demandé: « En ce qui vous concerne, SCL Canada et AIQ sont la même chose? »
Sa réponse a été « Je crois que oui, en effet ».
Je pense que nous avons tous l'impression que vous êtes SCL Canada. Tous ceux qui vous connaissaient ou qui communiquaient avec vous, qui travaillaient avec vous, vous considéraient comme SCL Canada. Comment auraient-ils pu avoir cette impression? Pouvez-vous expliquer cela?
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Toujours sur le sujet de l’illégalité, revenons à BeLeave, qui est sur le même Google Drive que Vote Leave et qui a reçu et dépensé 625 000 livres dans les six derniers jours. Le Parlement britannique enquête pour savoir si c’était illégal.
Pourtant, quand Christopher Wylie a parlé de cette situation avec vous, Jeff Silvester lui a dit que c’était « totalement illégal ». M. Wylie dit: « Ils ont trouvé cela amusant » — il parle de vous et votre partenaire —« Il ne faut pas oublier que cette entreprise a fait le tour du monde et a miné les institutions démocratiques dans toutes sortes de pays. Peu importe à ces gens-là si leur travail respecte les lois parce qu’ils aiment gagner. »
Je tiens à vous dire que si vous avez menti à notre comité et que vous ne pouvez même pas répondre au sujet de vos relations avec SCL Canada, vous ne devriez participer d’aucune façon aux élections en raison de votre manque total de respect envers notre comité. Nous avons peut-être l’air d’une petite institution pittoresque, mais nous représentons les Canadiens.
Monsieur Massingham, lorsque nous vous demandons comment il se fait que vous aviez une ligne téléphonique en tant que dirigeant de SCL Canada et que vous dites que vous n’étiez pas au courant, c'est impossible à croire. Je ne vois pas comment quelqu’un a pu vous confier une campagne de 625 000 livres, et encore moins une campagne de 5 millions de livres, si vous ne saviez même pas qu'un répertoire téléphonique vous désignait comme le dirigeant d’une autre entreprise.
N’avez-vous rien à nous dire, monsieur Massingham?