:
Je vous souhaite le bonjour depuis Manchester.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité, de m’avoir invitée à témoigner devant vous aujourd’hui.
Je suis commissaire à l’information du Royaume-Uni et, à ce titre, j’ai à réglementer la protection des données et l’accès à l’information et à appliquer une foule d’autres lois relatives aux renseignements personnels.
Je suis heureuse d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui du travail accompli par mon bureau dans son enquête sur l’utilisation des données personnelles à des fins de campagne politique.
Ayant suivi avec beaucoup d’intérêt certaines des séances précédentes du Comité portant sur cette étude, je pense devoir, d’entrée de jeu, apporter quelques précisions.
Au Royaume-Uni, comme dans l’ensemble de l’Union européenne, l’information sur les opinions politiques des particuliers est considérée comme une catégorie de données personnelles particulièrement sensibles à laquelle des mesures de protection supplémentaires s’appliquent en vertu des lois sur la protection des données. Cela signifie donc que les partis et les campagnes politiques sont régis par un ensemble de mesures légales visant la protection des données, le marketing direct et les élections lorsqu’ils traitent des données à des fins électorales, le tout sous la surveillance de mon bureau et de la commission électorale. Cela a toujours été le cas depuis l’adoption de la loi sur la protection des données il y a plus de 20 ans, et c’est simplement admis comme une norme culturelle.
Ces règles sont en place pour assurer la tenue d’élections libres et justes et elles n’entravent pas l’engagement démocratique au Royaume-Uni, mais obligent plutôt les partis politiques à communiquer avec les électeurs d’une manière qui y soit conforme. Vu la place spéciale des partis politiques dans une société démocratique, ils ont obtenu un statut particulier aux termes de la loi britannique sur la protection des données qui leur permet de mener leurs activités de campagne.
Dans mon rôle de traitement des plaintes, j’examine les plaintes formulées à l’endroit des partis politiques par les particuliers qui pensent que leurs données ont été utilisées à mauvais escient. Le nombre de plaintes n’a jamais été particulièrement élevé. Mis à part un pic au moment des élections, les partis politiques n’ont pas été, dans l’ensemble, à l’origine d’une forte proportion des plaintes. Mon bureau a maintenu un dialogue continu avec les partis, les a rencontrés régulièrement et leur a donné des directives sur la façon de se conformer à la loi lorsqu’ils font campagne.
Toutefois, le référendum de juin 2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne en a été un événement inhabituel dans la vie politique britannique. Au lieu d’être dirigée par les partis politiques établis, la campagne référendaire a été menée par des groupes de campagne qui étaient, dans certains cas, des coalitions floues d’organismes aux vues similaires. La loi du Royaume-Uni sur la protection des données est libellée de façon à cibler les partis politiques, mais, dans ce pays où les référendums sont rares, elle est quelque peu laconique au sujet des groupes de campagne non partisans. Compte tenu des possibilités d’infraction à la loi pendant la campagne référendaire, la tâche de mon bureau devenait plus difficile.
Nous étions préoccupés par certaines des pratiques de campagne dont nous entendions parler et par la provenance des données personnelles utilisées par les groupes de campagne pour cibler les votants. C’est pourquoi, en mai 2017, j’ai annoncé une enquête officielle sur le recours à l’analytique des données à des fins politiques. À l’origine, l’enquête visait à lever le voile sur la façon dont les renseignements personnels étaient utilisés dans les campagnes politiques modernes.
Au départ, la loi sur la protection des données exige que les organisations traitent les données de façon équitable et transparente, mais la rapidité des développements sociaux et technologiques dans l’utilisation des mégadonnées a eu pour effet que les connaissances ou la transparence font défaut quant aux techniques de traitement des données, y compris l’analyse, les algorithmes, le couplage de données et le profilage à des fins de microciblage des consommateurs et des électeurs.
Je pense que ces techniques sont attrayantes pour les partis politiques en campagne, car elles leur permettent de cibler des électeurs individuels au moyen de messages qui correspondent à leurs intérêts et à leurs valeurs politiques, mais il ne s’agit pas simplement d’un nouveau jeu joué selon des règles différentes. La loi continue de s’appliquer, que la campagne se déroule hors ligne ou en ligne.
Mon enquête porte maintenant sur plus de 30 organismes, y compris des partis politiques et des campagnes, des sociétés de données et des plateformes de médias sociaux. Parmi ces organisations, il y a AggregateIQ, qui a été utilisée par un certain nombre de groupes de campagne au Royaume-Uni, une entreprise dont le Comité a déjà entendu parler.
Ce à quoi nous ne nous attendions pas au début de notre enquête, c’était d’avoir à déterminer quoi, quand, comment, pourquoi et par qui avaient été utilisées les données provenant d’un total de 87 millions de profils Facebook, extraites par un universitaire et transmises à un consultant politique du Royaume-Uni travaillant à l’élection de 2016 aux États-Unis et à d’autres campagnes politiques. Nous avons dû nous pencher aussi sur plusieurs autres sujets d’enquête dont je ne peux pas parler pour l’instant. Cela a naturellement soulevé des préoccupations au Royaume-Uni et à l’étranger, et des agents de Facebook et de Cambridge Analytica ont été appelés à rendre des comptes dans divers parlements nationaux.
Je suis sûre que vous comprenez que je ne peux pas parler des détails d’une enquête en cours. L’enquête progresse à un rythme soutenu. Les activités d’application de la loi sont en cours, et il ne serait donc pas approprié que je fasse d’autres commentaires.
Ce que je peux dire, cependant, c’est qu’un certain nombre d’organismes ont coopéré librement à notre enquête. Ils ont répondu à nos questions et nous ont consultés. Mais d’autres ont tenté de miner l’enquête en ne fournissant pas de réponses complètes à nos questions, en refusant de collaborer ou en contestant le processus. Dans ces situations, nous avons été obligés d’exercer nos pouvoirs légaux pour faire des demandes officielles d’information.
Certains de mes champs d’enquête sont plus avancés que d’autres, mais un rapport à jour de toute l’enquête sera publié par mon bureau au cours des prochaines semaines. Pendant que mon collègue, le commissaire Therrien, mène sa propre enquête sur Facebook, il y a des domaines d’intérêt commun qui recoupent nos deux enquêtes. Comme le commissaire Therrien l’a fait remarquer, le Bureau de la commissaire à l'information et le Commissariat à la protection de la vie privée entretiennent une relation de collaboration et nous pouvons échanger des renseignements si cela est nécessaire à nos fins d’enquête dans l’intérêt public.
Lorsque je pense aux travaux de votre comité, je vois deux champs d’enquête distincts, d’abord, le problème immédiat de Facebook, AggregateIQ et d’autres et la possibilité d’infractions aux lois canadiennes, puis une deuxième ligne d’enquête à plus long terme, portant sur la question plus vaste des attentes du public à l’égard de l’utilisation de leurs données dans le contexte politique et de la nécessité éventuelle de modifier la loi. Cette enquête porte, à juste titre, non seulement sur la loi sur la protection des données, mais aussi sur d’autres domaines, comme la loi électorale, pour voir comment ces problèmes peuvent être réglés.
J’ai mentionné que mon rapport serait publié au cours des prochaines semaines. Je vais déterminer si les droits des particuliers ont été violés, mais je vais aussi formuler des recommandations sur la façon dont le gouvernement, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, pourrait remédier aux lacunes que j’ai constatées, y compris le besoin d’une plus grande transparence dans les campagnes politiques. Bien que chaque pays soit différent, il y a peut-être des leçons pertinentes qui pourraient s’appliquer au contexte canadien.
Pour mettre mes cartes sur la table, et je dis cela dans le contexte en reconnaissant pleinement l’intérêt public que revêt la capacité pour les partis politiques de pouvoir communiquer avec les électeurs, ce qui est bien sûr une pierre angulaire de l’engagement démocratique, je crois que l’utilisation des données personnelles par les partis politiques doit être traitée dans la loi canadienne. Les Canadiens devraient pouvoir déposer une plainte auprès d’un organisme de réglementation indépendant.
La loi que nous avons au Royaume-Uni est fondée sur des principes et des bases solides et n’entrave pas inutilement le processus démocratique. Dans la loi sur la protection des données du Royaume-Uni, les partis politiques ont une justification juridique pour traiter les données personnelles des personnes lorsqu’elles sont utilisées à des fins électorales.
Mon bureau n’est qu’un des organismes de surveillance au Royaume-Uni. La commission électorale du Royaume-Uni est chargée de superviser les élections et les dépenses politiques. Lorsqu’il y a des recoupements, mon bureau peut travailler avec la commission électorale ou décider quel organisme devrait avoir l’initiative.
Cela ne veut pas dire que le régime de protection des données du Royaume-Uni est parfait. J’ai dit que, à tout prendre, le système fonctionne bien lorsqu’il s’agit des partis politiques. Le référendum sur le Brexit était autre chose, comme je l’ai dit plus tôt. Des groupes de campagne non traditionnels, qui ne connaissent pas la loi sur la protection des données ou qui ne s’en soucient pas, sont peut-être tombés dans l’illégalité, et je pense que le caractère provisoire de ces groupes a rendu plus difficiles les poursuites judiciaires contre eux pour avoir enfreint la loi sur la protection des données.
La loi du Royaume-Uni me donne déjà le droit de recourir à des sanctions pénales si un avis de mon bureau demeure sans réponse. Cela veut dire que même si un groupe de campagne ou un organisme se dissout, je peux toujours poursuivre leurs ex-dirigeants. Ce pouvoir peut sembler exorbitant, mais, en tant qu’organisme de réglementation, je dois rendre des comptes au Parlement et je dois être en mesure de justifier la façon dont j’applique mes pouvoirs de réglementation. Je pense que le Bureau de la commissaire à l'information a toujours été un organisme qui exerçait ses pouvoirs de réglementation de manière proportionnée et responsable, et jamais plus que dans le contexte d’une campagne politique où nous sommes très conscients de l’intérêt public inhérent à l’engagement démocratique. Cette approche sera maintenue pour l’application du RGPD et, après son adoption, pour la future loi sur la protection des données du Royaume-Uni.
La manipulation des électeurs par le microciblage risque de miner notre modèle démocratique. N’est-ce pas une préoccupation majeure pour nous tous?
Merci beaucoup de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président, et merci beaucoup au Comité de m’avoir invité à comparaître ce matin, en particulier en compagnie — c’est un grand plaisir — de ma collègue commissaire Denham du Royaume-Uni. En fait, il y a à peine quelques semaines, j’étais au Royaume-Uni pour aider la commissaire Denham à mener l’enquête dont elle a parlé.
Peu de temps après mon retour en Colombie-Britannique, je discutais avec le commissaire Therrien du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada pour convenir de mener conjointement une enquête sur Facebook et AggregateIQ, société de la Colombie-Britannique que le Comité connaît très bien. L’enquête se poursuit. Bien entendu, je ne suis pas libre de divulguer grand-chose à ce sujet tant que notre travail ne sera pas achevé.
Ce que j’aimerais faire ce matin, c’est revenir sur les thèmes mentionnés par la commissaire Denham et qui concernent les aspects généraux du mandat de votre comité. Je parle de la recherche de solutions législatives qui aideront à garantir aux Canadiens la confidentialité de leurs données et l’intégrité de nos processus démocratiques et électoraux.
Au-delà de nos enquêtes sur des sociétés comme Facebook et Cambridge Analytica, qui sont des enquêtes cruciales, il est important que les partis politiques du Canada eux-mêmes prennent des mesures pour rétablir la confiance dans les processus démocratiques de notre pays. Je vous invite, comme mon collègue, le commissaire Therrien, à vous soumettre à des mesures de reddition de comptes concernant la façon dont vous recueillez et utilisez l’information des électeurs canadiens.
Une question qui mérite réflexion, à mon avis, est celle de savoir si le scandale de Cambridge Analytica se serait produit n’eurent été les pressions croissantes exercées sur les partis politiques pour qu’ils recueillent et analysent des données personnelles dans l’espoir de les comprendre et de les utiliser pour persuader les électeurs. La démocratie exige que les citoyens aient confiance dans le processus politique, et un élément important de ce processus concerne la façon dont les partis politiques recueillent et utilisent les renseignements personnels qui appartiennent aux Canadiens.
Le Parlement et certaines assemblées législatives provinciales ont créé des bureaux qui surveillent la collecte et l’utilisation des renseignements personnels par des organismes privés et publics. Curieusement, cette surveillance, à quelques exceptions près, ne s’applique pas aux partis politiques. La Colombie-Britannique est une exception. La Personal Information Protection Act de la Colombie-Britannique, ou PIPA, s’applique à tous les organismes de la Colombie-Britannique. Elle est, pour l’essentiel, semblable à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et, pour cette raison, elle prime généralement la LPRPDE dans ma province.
Les partis politiques de ma province sont assujettis à la PIPA depuis son adoption en 2004. Au cours des 14 années écoulées depuis son adoption, je peux vous assurer que la démocratie a continué de prospérer sans entrave en Colombie-Britannique. Nous n'avons été informés d’aucune préoccupation ou suggestion laissant entendre que les lois protégeant les renseignements personnels des électeurs limitent la capacité des partis politiques ou des candidats d’atteindre les électeurs.
Les partis politiques de la Colombie-Britannique peuvent recueillir des renseignements personnels sur les électeurs, et ils le font, mais en ayant les mêmes responsabilités et obligations juridiques raisonnables qui s’appliquent aux autres organismes.
En règle générale, cela signifie que les partis politiques obtiennent des renseignements avec le consentement des électeurs, accompagnés d’une explication claire de la façon dont ces renseignements seront utilisés et de la raison pour laquelle ils le seront. J’ai utilisé les mots « en règle générale » et « avec le consentement » parce qu’il y a des dispositions légales qui permettent aux partis de recueillir des renseignements sans consentement, particulièrement pour obtenir la liste électorale et d’autres données sur les électeurs d’Elections BC. Toutefois, ces dispositions sont assorties d’une condition selon laquelle le parti qui reçoit l’information doit fournir au directeur général des élections une politique satisfaisante en matière de protection de la vie privée.
La PIPA donne également aux citoyens le droit légal de connaître et de corriger les renseignements personnels que les partis politiques recueillent auprès d’eux et de déposer une plainte au besoin. Ces plaintes sont traitées par mon bureau. Le droit des citoyens d’exercer un contrôle sur leurs renseignements personnels est un principe fondamental de la loi sur la protection des renseignements personnels. Il s’agit d’un principe renforcé par le Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne, dont la commissaire Denham vient de parler, et qui entrera en vigueur en Europe dans quelques jours seulement.
Vous serez peut-être intéressés d’apprendre que mon bureau mène actuellement une vaste enquête sur la façon dont les partis élus de notre assemblée législative recueillent et utilisent les renseignements personnels des électeurs. Je signale que ces partis ont pleinement collaboré à l’enquête de notre bureau. Je m’attends à ce qu’elle aboutisse à des recommandations et à des directives qui aideront les partis à améliorer leurs pratiques en matière de protection des renseignements personnels.
Bien entendu, je sais que les modifications proposées récemment à la Loi électorale du Canada obligeront les partis politiques à adopter une politique de protection des renseignements personnels et à la fournir au directeur général des élections. Ces propositions ne sont qu’un petit pas en avant. Elles sont une tentative d’inclusion du principe de la transparence, mais ce n’est là qu’un élément d’un régime adéquat de protection des données.
Les modifications proposées n’obligent pas les partis à répondre à la demande d’un électeur pour obtenir l’information qu’ils détiennent à son sujet et elles ne lui donnent pas non plus le droit de demander à un parti de corriger des renseignements inexacts à son sujet. Ce qui est peut-être le plus important, c’est qu’il n’y a aucune disposition permettant à un tiers impartial d’entendre et de trancher une plainte d’un électeur. Ces normes juridiques fondamentales font partie du droit de la Colombie-Britannique depuis des années et sont la norme dans de nombreuses démocraties occidentales. Les partis politiques ne devraient reculer devant aucune de ces obligations juridiques. En fait, leur mise en œuvre ne fera qu’accroître la confiance des citoyens dans leurs institutions démocratiques.
Je termine là-dessus, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Madame Denham, j’ai quelques questions à vous poser.
Il y a une chose qui me préoccupe, qui se passe actuellement en Angleterre. Cambridge Analytica a déclaré faillite, et l’entreprise qui en est sortie s’appelle Emerdata. Il y a une autre entreprise qui s’appelle Firecrest Technologies. Il semble que les mêmes acteurs sont en train de se réaligner. Vous avez essayé d’obtenir un mandat, et je crois que vous l’avez demandé en vertu de la loi sur la protection des données de Blighty. Les personnes concernées avaient sept jours pour contester le mandat. Elles savaient que votre bureau faisait enquête ou allait les poursuivre.
Quand il est question d’une entreprise, qu’il s’agisse d’une entreprise de vente au détail ou d’une entreprise de fabrication, si on déplace les actifs matériels de cette entreprise ailleurs, il y a certains comptes à rendre, parce qu’on peut voir les bureaux, la machinerie, les produits, être déplacés. Mais quand il est maintenant question de données. Les données peuvent être acheminées très rapidement. Elles peuvent se trouver ailleurs, être utilisées d’autres façons. Si une entreprise veut redémarrer, elle a besoin d’un produit, et son produit, ce sont des données.
Avez-vous l’impression qu’il est maintenant difficile de savoir où sont allées ces données, sachant que les entreprises ont, d’une façon ou d’une autre, opéré un réalignement?
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui. C’est un plaisir de vous parler de nouveau de ces sujets importants.
Je tiens également à souligner qu’aujourd’hui est un jour particulièrement chargé d’émotion pour le Parlement. J’ai eu la chance de passer du temps avec Gord Brown, sur la Colline et ailleurs, et je sais qu’il nous manquera.
Google travaille fort pour offrir à ses utilisateurs du choix, de la transparence, un bon encadrement et de la sécurité. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de vous parler de la façon dont nous protégeons les Canadiens ainsi que nos milliards d’utilisateurs dans le monde. J’ai pensé qu'une petite mise en contexte sur la présence de Google au Canada serait utile à cette conversation.
Pour une entreprise qui n’a que 20 ans, Google a de profondes racines canadiennes. Il y a 16 ans, Google choisissait d'établir son premier bureau international au Canada. Depuis, nous sommes passés à plus de 1 000 employés au Canada, dont plus de 600 programmeurs et chercheurs en intelligence artificielle à Montréal, Waterloo et Toronto. Notre mission est d’organiser l’information mondiale et de la rendre universellement accessible et utile. Les services de Google offrent des avantages réels aux Canadiens, qu’il s’agisse de Search, Maps, Translate, Gmail, Android, Cloud ou encore de nos appareils, tous nos produits aident les gens à obtenir des réponses, à organiser leur information et à rester branchés.
Nos produits publicitaires aident les entreprises canadiennes à joindre des clients partout dans le monde et nos outils de recherche aident les Canadiens à trouver de l’information, des réponses et même des emplois. Il y a quelques semaines à peine, nous avons mis en place de nouvelles façons pour les Canadiens de trouver un emploi au moyen de Google Search.
Comme vous le savez peut-être, Google a beaucoup investi dans l’écosystème florissant de l’intelligence artificielle du Canada, non seulement en finançant des organisations comme MILA à Montréal et Vector à Toronto, mais aussi en établissant des laboratoires de recherche qui ont aidé le Canada à attirer et à retenir des collaborateurs de calibre mondial.
Nos ingénieurs travaillent sur des produits importants comme Gmail, le navigateur Chrome et Cloud, des produits utilisés par des milliards de personnes dans le monde entier. Nous avons une équipe canadienne qui travaille à mettre au point une technologie de navigation sécuritaire qui prévient les attaques de maliciels et les escroqueries par hameçonnage, tout en assurant la sécurité du Web ouvert.
Cela m’amène à vous dire que Google réfléchit depuis longtemps à la protection de la vie privée et à la sécurité. Au cours des cinq dernières années, Google a investi dans ses outils et dans ses équipes afin d’offrir aux utilisateurs du choix, de la transparence et une sécurité de premier ordre en ce qui a trait à leurs données. Nous offrons des outils comme Mon compte, Security Checkup, Privacy Checkup, Google Takeout, Google Play Protect et plus encore, tous conçus dans le but de protéger les données des utilisateurs, de leur permettre de prendre facilement des décisions éclairées en matière de protection de la vie privée et de leur donner la possibilité de transférer facilement leurs données sur d’autres plateformes.
En 2015, nous avons lancé Mon compte, ou myaccount.google.com, qui offre aux utilisateurs canadiens un outil centralisé rapidement accessible et convivial qui leur permet d'exprimer leurs préférences en matière de vie privée et de sécurité. Il est très utilisé. Cet outil a reçu plus de deux milliards de visites dans le monde en 2017, dont des dizaines de millions de la part de Canadiens. Nous continuons de promouvoir l’utilisation de cet outil, mais il est clair que la sensibilisation prend de l'ampleur et que les Canadiens l'utilisent pour faire des choix éclairés.
Google fait la promotion de Privacy Checkup, l'outil de vérification des paramètres de confidentialité, auprès des utilisateurs de façon récurrente afin d'aider ceux-ci à tenir leurs paramètres à jour en matière de protection de la vie privée à mesure qu'évolue leur utilisation des services de Google. Les utilisateurs peuvent voir les types de données que Google recueille, examiner les renseignements personnels qu’ils partagent et choisir les types d’annonces qu’ils aimeraient que Google leur montre. De plus, nous avons un outil appelé Security Checkup qui aide les utilisateurs à comprendre quels appareils et quelles applications ont accès à leurs données.
Sur nos plateformes Android sous licence Google, nous avons développé Google Play Protect, qui protègent les appareils contre les applications malveillantes. Nous concevons nos produits et mettons en œuvre des politiques de produits de façon à protéger prioritairement les renseignements personnels des utilisateurs. Cela fait partie de notre engagement: nous veillons à ce que nos utilisateurs comprennent la façon dont nous utilisons les données pour améliorer leur expérience avec les produits et services de Google. Il est difficile de garantir que les données demeurent privées si elles ne sont pas protégées, ce qui explique en partie pourquoi, chez Google, nous avons mis sur pied une équipe de sécurité aussi solide. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons non seulement mis l’accent sur la sécurité de Google et de ses services, mais nous avons aussi aidé l’ensemble de l’industrie de l'Internet à renforcer la sécurité, grâce à notre leadership avec des projets comme la navigation sécuritaire, HTTPS Everywhere, le cryptage des courriels en transit et notre leadership dans la promotion de clés d’authentification sécuritaires à deux facteurs.
Nous savons que nos utilisateurs sont des personnes. Ce sont des membres de la famille, des amis et des voisins. Certains comptent sur nos produits pour bâtir leur entreprise et celles-ci sont sans but lucratif. D’autres ont simplement besoin d’aide pour trouver un produit, une adresse ou les heures d’ouverture d'un commerce, mais chacun d’entre eux nous fait confiance, et nous reconnaissons l’énorme valeur de la confiance que les Canadiens nous accordent.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, j’ai suivi votre comité de près parce que je crois que les Canadiens sont aux prises avec la plus importante question de politique publique de notre époque, soit la gestion des données.
Les innovateurs canadiens savent que les flux de données ont transformé le commerce, qu'ils ont fait des données l’actif le plus précieux de l’économie actuelle, qui est elle-même une économie axée sur les données. Les entreprises utilisent les données pour créer de nouveaux marchés et y accéder ainsi que pour interagir à l’échelle mondiale avec les clients et les fournisseurs. Le fait d'avoir la mainmise sur les données et les réseaux permet aux entreprises dominantes d’entraver la concurrence, d’obtenir des rentes de monopole de leurs clients et de tromper les consommateurs par leurs stratégies de collecte de données. De grandes quantités de données sont recueillies et gérées par des infrastructures numériques étrangères non réglementées. C’est la raison pour laquelle le Conseil des innovateurs canadiens a demandé à nos gouvernements de concevoir une stratégie nationale des données, de façon à s’assurer que les flux transfrontaliers de données et d'information servent les intérêts de l’économie canadienne.
Une stratégie nationale en matière de données devrait faire en sorte de systématiser le traitement de la concurrence dans les sections des accords de libre-échange portant sur les données, y compris le droit à un accès concurrentiel aux données qui circulent sur de grandes plateformes et qui possèdent un statut de facto de service public. Si le Canada ne crée pas des lois adéquates sur l'hébergement, la localisation et l’acheminement des données qui protègent les Canadiens, alors nos données sont assujetties aux lois étrangères, ce qui fait du Canada un État client.
Bien que les scandales de Facebook aient provoqué la récente série de témoignages devant ce comité, je vous exhorte à vous armer de faits au sujet de l’économie des données, qui est complètement différente de l’économie fondée sur le savoir qui l’a précédée et de l’économie axée sur la production du XXe siècle.
Ces données intangibles marchandisées ne sont pas régies de la même façon que les biens tangibles. L’économie axée sur les données tire sa valeur de la collecte, du repérage, de la marchandisation et de l’utilisation des flux de données.
Ce que nous avons entendu de la part d’entreprises comme Facebook, devant ce comité notamment, dresse un portrait inexact de la réalité. Le scandale de Cambridge Analytica et de Facebook n’est pas une atteinte à la vie privée ni une question de gouvernance d’entreprise. Ce n’est même pas une question de confiance. C’est une question de modèle d’entreprise fondé sur l’exploitation des lacunes actuelles des lois canadiennes en matière de gouvernance des données.
Facebook et Google sont des entreprises fondées exclusivement sur le principe de la surveillance de masse. Leurs revenus proviennent de la collecte et de la vente de toutes sortes de données personnelles, dans certains cas sans conscience éthique. Par exemple, en Australie, Facebook s’est fait prendre à vendre l'accès à des données à des enfants suicidaires et vulnérables.
Le capitalisme de surveillance constitue actuellement la plus importante force du marché et c’est pourquoi les six entreprises les plus chèrement évaluées sont toutes axées sur les données. Leur dynamique unique exige une approche stratégique et souveraine propre au Canada, car les données et la propriété intellectuelle constituent à l'heure actuelle des déterminants clés de la prospérité, du bien-être, de la sécurité et de l'éthique.
Les données sous-tendent tous les aspects de notre vie, comme vous pouvez le voir dans l’illustration que je vous ai donnée en guise de cadre de référence. Par leur qualité d'actif incorporel, les données ont des effets non commerciaux essentiels. Dans cette optique, j'émets la recommandation suivante: mettre en oeuvre des dispositions inspirées du RGPD pour le Canada. Le RGPD offre de précieuses leçons et constitue un bon point de départ pour les législateurs et les organismes de réglementation du Canada. Il s’agit d’une avancée universellement reconnue en matière de protection de la vie privée et de contrôle des données.
Les décideurs politiques européens reconnaissent que quiconque contrôle les données contrôle également les personnes et les choses qui interagissent avec ces données, aujourd’hui et pour l’avenir. C’est pourquoi ils ont veillé à ce que les citoyens de l’Union européenne possèdent et contrôlent leurs données. De la même façon, les Canadiens devraient posséder et contrôler leurs données. Les Canadiens doivent acquérir des compétences officielles dans ce nouveau type d’économie, car elle touche tous les aspects de notre vie. Pour notre démocratie, notre sécurité et notre économie, les citoyens canadiens, et non les géants de la technologie multinationale qui n’ont de comptes à rendre à personne, doivent contrôler les données que nous et nos institutions générons.
En se concentrant uniquement sur la protection des renseignements personnels, les Canadiens peuvent se retrouver à ne colmater qu'une seule de nombreuses brèches, ce qui, dans les faits, n'aura aucun effet. Nous avons besoin d’une optique horizontale pour les lois et les politiques. La protection de la vie privée et les services numériques tant publics que privés ne sont pas en opposition. Par exemple, l’Estonie montre qu’une meilleure gouvernance des données entraîne une augmentation de la protection de la vie privée dans les services numériques.
Les économistes n'ont de cesse de démontrer que l’économie axée sur les données se développe à une vitesse plus rapide que la création de politiques fondées sur des données probantes. Je vous exhorte à travailler avec les innovateurs et les experts canadiens qui comprennent les technologies ouvertes, les sciences des données, la concurrence, l’établissement de normes, la réglementation stratégique, les accords commerciaux, l’éthique des algorithmes, l'IP et la gouvernance des données.
Nous avons besoin d'eux pour élaborer des politiques détaillées de nature technique. En travaillant avec des experts, nous pouvons faire progresser notre pays et veiller à ce que le Canada ne rate pas le train de l’économie des données, comme il a raté sa chance de prospérer dans l’économie du savoir au cours des 20 dernières années.
Sur le plan personnel, en tant que Canadien, je suis profondément préoccupé par l’effet qu’ont les entreprises de surveillance de masse sur la société canadienne et sur les Canadiens. Les renseignements personnels ont déjà été utilisés pour manipuler des personnes, leurs relations sociales et nuire à leur autonomie. Toutes les données recueillies peuvent être retraitées, utilisées et analysées ultérieurement, de façons qui ne peuvent être anticipées au moment de la collecte. Cela a des répercussions majeures sur notre liberté et notre démocratie.
Je crains que sans la conception et la mise en oeuvre d’une stratégie nationale sur les données, nos politiciens n’aillent de l’avant avec des initiatives d'entreprises étrangères qui font dans la surveillance de masse. Certaines de ces entreprises ont déjà démontré qu'elles savaient utiliser des données à des fins de manipulation. Malheureusement, l’histoire offre des leçons qui donnent à réfléchir sur les sociétés qui pratiquent la surveillance de masse.
C’est le rôle d’un gouvernement libéral et démocratique d’améliorer la liberté en protégeant la sphère privée. La sphère privée est ce qui nous rend libres. Il n’y a pas de consentement ou de retrait individuel à une ville ou à une société qui pratique la surveillance de masse, et c’est la voie que le Canada suit actuellement. Par conséquent, en plus de mettre en place des structures d’incitation économique et des cadres réglementaires appropriés, je vous exhorte, vous et vos collègues élus, à agir avec audace pour préserver nos valeurs démocratiques libérales, promouvoir l’intérêt public et affirmer notre souveraineté nationale.
Je vous remercie de tenir compte de mes recommandations et de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. McKay.
Mardi, Google a annoncé que l'intelligence artificielle pourra bientôt converser au téléphone à notre place. Cela veut dire que mon assistant virtuel de Google pourra prendre pour moi un rendez-vous chez le coiffeur et le noter dans mon agenda personnel. Je n'aurai qu'à le lui demander et il le fera.
Ce qui m'inquiète à ce sujet, c'est que s'il est possible d'aller chercher une donnée concernant un tiers et de l'entrer dans son agenda personnel, ces mêmes robots pourront poser une multitude de questions à 100 000 personnes. Aimez-vous le bleu, par exemple? Ils pourraient poser sept, huit, neuf, dix, onze ou douze questions et faire l'analyse des réponses par la suite.
En matière de données, nous sommes présentement dans le far west. Cela va tellement vite. Les entreprises comme Google et Facebook peuvent obtenir des renseignements personnels sur les gens. Après, c'est le vide. On peut faire n'importe quoi parce qu'on a les données, qui ont été données par les gens de façon consentante.
En ce qui concerne ces instruments, la stratégie de Google est de vendre des services et de donner des services à la population. Comment allez-vous sécuriser les données que vous pouvez conserver? Pouvez-vous utiliser ce genre de robot pour aller chercher des données que vous allez revendre à d'autres plus tard?
:
Selon les principes de base, non. Les aspects sur lesquels je m'attarde sont, premièrement, que vous êtes propriétaires de vos données et que vous les contrôlez, que vous êtes au courant de ce que les intervenants font et que vous avez ce qu’on appelle le droit de supprimer et le droit de transférabilité.
La deuxième chose, dont nous n’avons pas beaucoup discuté, qui est un élément très central du RGPD et qui a donné lieu à un énorme bras de fer entre Bruxelles et Washington pendant de nombreuses années, c’est cet élément de sécurité des itinéraires. Il importe de comprendre que, peu importe ce que nous réglementons au Canada, entre 80 et 90 % de nos données passent par les États-Unis, selon ce que m'ont dit des experts. Même si je vous envoie un courriel de l'autre côté de la table, il sera acheminé à l'extérieur. C'est ce qu'on appelle l'effet boomerang. Il faut comprendre que, selon la loi américaine, les données canadiennes n’ont aucun droit aux États-Unis. Vous n’avez aucun droit à la vie privée; vous n’avez aucun droit à quoi que ce soit. L’Union européenne a également géré le routage de façon à ne jamais abandonner la compétence sur le traitement approprié de ces données.
Le RGPD est nuancé. Il a fait l'objet d'un débat pendant bien des années et il a pris en compte de nombreux points de vue. Nous devrions adopter au Canada une approche à tout le moins semblable à celle qui a conduit au RGPD puis envisager d'autres formes d'activités, par exemple, les possibilités de développement économique pour les industries primaires dont M. MacKay a parlées et bien d’autres aspects que nous pourrions étendre au-delà de cela.
Il est également très important de se rappeler, même si ce n’est pas du ressort du Comité, qu’en parallèle, l’UE a fait un ensemble soutenu d’études et de plans sur le comportement de la concurrence pour ce qu’on appelle l’asymétrie inhérente des données, où les gros deviennent plus gros. Si vous voulez promouvoir le progrès économique et la prospérité, vous devez aussi tenir compte des structures concurrentielles.
La concurrence et le RGPD ont progressé en harmonie pendant les travaux qui ont duré une bonne dizaine d'années.