[Traduction]
Monsieur le président et honorables membres du Comité, je suis vraiment honorée d'être ici aujourd'hui et de faire partie des candidats au poste de commissaire au lobbying. J'ai souvent comparu devant des comités, mais certainement pas à ce titre.
Je suis ravie de pouvoir discuter de ma candidature à ce poste. Le rôle du commissaire au lobbying est important. Il est défini par la Loi sur le lobbying. Son but ultime est d'accroître la confiance des Canadiens envers l'intégrité du processus décisionnel des titulaires de charge publique. Pour ce faire, le commissaire doit reconnaître que le lobbying est une activité légitime, mais qui doit également être transparente.
Permettez-moi d’abord de me présenter brièvement et d'expliquer en quoi ma carrière m'a aidée à me préparer à ce poste.
[Français]
Je suis née et j'ai grandi au Nouveau-Brunswick. J'ai poursuivi mes études en grande partie à l'Université d'Ottawa. Je voulais étudier dans les deux langues officielles et poursuivre une carrière en droit public. J'ai donc obtenu un baccalauréat en sciences sociales avec une concentration en sciences politiques et en criminologie ainsi qu'un baccalauréat et une maîtrise en droit. Je suis membre en bonne et due forme du Barreau du Haut-Canada depuis 1995.
C'est aussi ici, à Ottawa, que j'ai fait la connaissance de mon conjoint. Nous avons de jeunes adolescents exceptionnels. Ils assurent mon équilibre.
[Traduction]
J'ai le privilège de travailler dans la fonction publique depuis plus de 20 ans et j'y ai rencontré un nombre incalculable de professionnels hautement qualifiés et dévoués. Comme vous pourrez le constater dans mon curriculum vitae, j'ai commencé ma carrière comme avocate au ministère de la Justice. J'ai ensuite travaillé à la Cour fédérale, à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié puis, au cours des 10 dernières années, avec deux agents du Parlement: le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et le commissaire à l'information.
Les postes que j'ai occupés au sein de ces organisations m'ont permis d'assumer de plus en plus de responsabilités. Très tôt dans ma carrière, je suis devenue gestionnaire, ma première vraie passion. Je prêche par l'exemple et je crois fermement que la communication est primordiale. Je motive et mobilise les employés pour qu'ils se sentent valorisés et soutenus dans leur travail quotidien, tout en réalisant leurs aspirations professionnelles. Pour ma part, je suis très reconnaissante du dévouement et du soutien que mes collègues et employés m'ont apportés au fil des ans.
Ayant servi presque exclusivement au sein d'institutions indépendantes du gouvernement, je comprends très bien la nécessité de m'acquitter de mes fonctions avec le plus haut degré d'intégrité et d'impartialité. Je comprends également le rôle important que jouent les agents indépendants du Parlement auprès du Parlement et des Canadiens.
Le Commissariat au lobbying favorise l'intégrité du processus décisionnel des fonctionnaires en veillant à ce que ceux qui font du lobbying auprès de ces derniers se comportent de façon éthique et transparente.
[Français]
Ce mandat se décline en trois volets.
En premier lieu, il inclut la gestion d'un registre qui contient et diffuse les renseignements divulgués par les lobbyistes. À cet égard, le registre est un outil essentiel pour assurer la transparence des activités de lobbying. Il devra donc demeurer à l'affût de la technologie, efficace et facile d'accès.
En deuxième lieu, le mandat comprend l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes visant à sensibiliser le public aux exigences de la Loi. Je me réjouis de cette responsabilité. J'ai eu à maintes reprises l'occasion de faire des présentations à de multiples intervenants. Les activités de sensibilisation jouent un rôle de premier plan lorsqu'il s'agit de s'assurer que tous les intervenants, en l'occurrence les lobbyistes, leurs clients et les titulaires de charge publique, comprennent leurs obligations et les exigences de la Loi.
En dernier lieu, la conformité à la Loi et au Code de déontologie des lobbyistes est assurée par l'entremise d'examens et d'enquêtes menés avec rigueur. Comme juriste, je possède une expérience considérable en matière d'interprétation des lois et de codes. En outre, j'ai une très bonne connaissance des processus d'enquête qui sont assujettis aux règles de justice naturelle et d'équité procédurale. J'estime qu'il est toujours de mise d'examiner et de réévaluer les pratiques afin d'assurer une compréhension et une mise en oeuvre optimales de la Loi.
[Traduction]
En fin de compte, mon expérience de travail avec les agents du Parlement dans les domaines de la transparence, des conflits d'intérêts et de l'éthique me permettrait de mettre à profit ces connaissances et cette expertise acquises dans le cadre d'un même mandat. Je tiens à souligner le travail remarquable qu'ont accompli la commissaire Shepherd et les professionnels dévoués du Commissariat pendant le mandat de celle-ci. Si j'ai le privilège d'être la prochaine commissaire au lobbying du Canada, je prendrai appui sur ses réalisations, avec le soutien continu de cette équipe.
Je prévois rehausser la visibilité du Commissariat en maximisant les initiatives de sensibilisation auprès des intervenants, y compris la population canadienne. Non seulement les lobbyistes et futurs lobbyistes doivent-ils avoir d'instinct une bonne maîtrise de leurs obligations, mais les Canadiens doivent aussi être conscients du rôle que joue le Commissariat pour assurer l'intégrité du processus décisionnel des titulaires d'une charge publique.
[Français]
Je crois avoir l’expérience ainsi que les capacités nécessaires pour prendre en charge les responsabilités importantes qui incombent au commissaire au lobbying. Je suis prête à relever ce défi.
[Traduction]
Si le Comité et le Parlement me font l'honneur de me confier le rôle du commissaire au lobbying, je continuerai à agir de la façon la plus intègre et la plus professionnelle qui soit, remplirai mon mandat du mieux que je peux et ferai preuve d'un engagement inébranlable afin d'offrir le service que vous, nos parlementaires, et tous les Canadiens méritez.
Monsieur le président, honorables membres du Comité, je vous remercie de bien vouloir considérer ma candidature.
[Français]
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Je me sers de scénarios pour illustrer ma vision des choses et ma compréhension de la Loi — autrement dit, pour décrire les activités qui devraient être évitées et celles qui sont permises.
Dans mon patelin, il y a de nombreux camps de pêche, dont certains sont très luxueux. Il y a six mois, j'ai été invité par le propriétaire de l'un de ces camps à y emmener mes enfants à la pêche, ce qui peut paraître à premier abord assez inoffensif, jusqu'à ce que vous réalisiez qu'un voyage de pêche de quatre jours dans son camp pour toute une famille peut se chiffrer par dizaines de milliers de dollars.
J'ai refusé. Par la suite, j'ai communiqué avec quelques bureaux et j'ai demandé si cela était permis. On m'a répondu, « Du moment que l'on ne fait pas de pression sur vous ». J'ai demandé comment pourrais-je savoir avant de partir si le propriétaire souhaite parler de la politique sur les pêches ou de la participation du gouvernement fédéral à son entreprise. Le seul moyen de le savoir serait après le fait, donc après avoir accepté le cadeau, un cadeau que je devrais déclarer, bien entendu. Donc, comment le savoir?
Je n'ai jamais vraiment compris la différence qui existe entre accepter un tel cadeau ou recevoir un montant équivalent en argent. Tout le monde comprendrait que ce serait totalement inapproprié si, plutôt que de m'offrir un voyage de pêche d'une valeur de 20 000 $, la personne entrait dans mon bureau, me remettait 20 000 $, et me demandait,« Alors, que pensez-vous de ces poissons? »
Voyez-vous la devinette que cela représente pour les titulaires de charge publique et la distinction que le public ne comprend pas. C'est-à-dire, aurait-il été acceptable pour moi d'accepter ce voyage avec mes enfants, en me fondant sur la vague notion que je n'avais pas subi de pression, et que tout était bien correct? Quel genre de conseil me donneriez-vous dans une telle situation?
:
Je vous remercie beaucoup. Bonjour.
Comme vous venez de l'entendre, je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également membre du Centre de recherche en droit, technologie et société de la Faculté. Mes champs de spécialité comprennent notamment la politique numérique ainsi que la propriété intellectuelle et la protection de la vie privée. Comme vous venez de l'entendre, ce n'est pas la première fois que je comparais devant ce Comité, et comme toujours, je le fais à titre individuel et mes opinions n'engagent que moi-même.
Je suis reconnaissant au Comité de son engagement envers la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information et de l'intérêt qu'il manifeste pour l'incidence que l'enjeu de la neutralité du Net pourrait avoir sur ces questions. Je propose de commencer cette séance d'information par une introduction à la neutralité du Net, suivie de quelques commentaires sur des événements récents, puis de considérations sur l'intersection entre la neutralité du Net, la protection de la vie privée et l'accès à l'information.
D'entrée de jeu, j'aimerais faire remarquer que le Canada semblait un peu perdu lorsqu'il a abordé la politique relative à Internet il y a un peu plus d'une décennie. Et je le dis sans égard au parti politique, il ne s'agit pas d'une question partisane. Le gouvernement a montré alors bien peu d'intérêt pour les aspects techniques des services Internet. Quant au CRTC, il est resté de marbre pendant que les principaux fournisseurs de services Internet limitaient la vitesse de certaines applications, une pratique que l'on désigne aujourd'hui sous le vocable de lissage de trafic, et songeaient ouvertement à imposer de nouveaux frais pour le droit de transmettre du contenu aux abonnés.
Ces politiques relatives à Internet sont méconnaissables aujourd'hui, et le Canada se pose en chef de file mondial pour ce qui est d'appuyer la neutralité du Net. Fondamentalement, la neutralité du Net signifie que tout le contenu et toutes les applications doivent être traités sur un pied d'égalité et que les FSI ou les sociétés de télécommunications ne doivent pas intervenir dans les choix effectués par les utilisateurs d'Internet. Les orientations ne garantissent pas le succès d'Internet. Aucune loi n'est en mesure de faire cela, mais elles sont susceptibles d'envoyer le message d'un engagement clair pour que consommateurs et créateurs se retrouvent aux commandes d'Internet.
Les fondements des orientations canadiennes se trouvent dans quatre décisions du CRTC qui portent sur des pratiques, comme la gestion du trafic Internet en vue de limiter la vitesse de certaines applications ou la création de pratiques de différenciation des prix assurant une soi-disant gratuité, pour qu'un certain contenu ne soit pas comptabilisé dans les limites d'utilisation de données mensuelles. Les politiques du CRTC restreignent aujourd'hui ces pratiques en reconnaissant que la neutralité du Net préserve l'approche des entreprises de télécommunications envers les FSI et les encourage à innover et à se faire concurrence sur le marché en fonction du prix, de la vitesse et de la qualité du réseau.
L'approche du CRTC permet aussi aux Canadiens de déposer une plainte concernant les violations de la neutralité du Net, et les Canadiens se sont prévalus de cette possibilité en quelques occasions. Le CRTC procède ensuite à une enquête et, dans certains cas, il tient des audiences concernant certaines des répercussions les plus générales soulevées par la préoccupation. Les orientations permettent aussi d'assurer plus de transparence dans les pratiques de gestion du réseau, forçant ainsi les FSI à divulguer comment ils gèrent leurs réseaux et l'incidence de leurs pratiques sur l'utilisation que les consommateurs font d'Internet.
Ces dernières semaines, nous avons vu des dirigeants et des responsables d'organismes réglementaires canadiens affirmer clairement leur appui à l'égard de la neutralité du Net. À titre d'exemple, , le ministre de l'ISDE, a réagi aux récents développements survenus aux États-Unis, des développements dont je vais vous parler dans quelques minutes, en affirmant que le Canada continuera de défendre la diversité et la liberté d'expression, et qu'il demeure déterminé à défendre les principes de la neutralité du Net. La ministre du Patrimoine canadien, , s'est elle aussi exprimée en faveur de la neutralité du Net et elle émerge comme une partisane de ce principe.
Il convient de mentionner que certains groupes culturels ont demandé au gouvernement d'abandonner la neutralité du Net en faveur d'un traitement préférentiel pour le contenu canadien. Ces recommandations remontent tout juste à la semaine dernière. Elles ont été mises en ligne il y a un ou deux jours, dans le cadre des consultations du CRTC sur l'avenir de la radiodiffusion.
Toutefois, la ministre a affirmé que le principe demeure au centre de la politique culturelle canadienne, et elle a déclaré, « Nous continuerons de défendre Internet et de soutenir que c’est une force progressiste, ouverte et sans entraves. En tant que gouvernement, nous adhérons au principe de la neutralité d’Internet. »
Aux États-Unis, cette question est très politisée, et les orientations ont changé au rythme des nominations à la tête de l'organisme de réglementation. Mais il en va autrement au Canada. L'engagement du Canada à l'égard de la neutralité du Net a été approuvé de la même manière au niveau réglementaire. Nous avons en effet un nouveau président du CRTC en la personne d'Ian Scott. Le mois dernier, il a déclaré lors d'une conférence de l'industrie:
Alors que les entreprises continuent d’innover au chapitre de leurs offres de services aux Canadiens, le CRTC poursuivra son travail en vue de s’assurer que les dispositions du Canada sur la neutralité d’Internet sont respectées. ... Les propriétaires et les exploitants des communications du pays ne peuvent faire preuve de discrimination par rapport au contenu en raison de son origine ou de sa destination.
C'est l'état des lieux au Canada.
Comme vous le savez, la FCC, l'organisme réglementaire américain des télécommunications, prévoit abandonner la réglementation liée à la neutralité du Net, ce qui a suscité une réaction brutale et immédiate de la communauté Internet. On craint que cette décision ne transforme Internet aux États-Unis en une sorte de service de câblodistribution, qui sera dominé par les entreprises de télécommunications, et dans le cadre duquel seulement les géants bien nantis pourront se permettre de payer de nouveaux frais pour assurer la diffusion de leur contenu sur la voie rapide.
Le vote sur cette décision des États-Unis qui empêcherait aussi les États américains de mettre en place leur propre version de la neutralité du Net est censé avoir lieu la semaine prochaine.
Peut-être que les consommateurs canadiens sont protégés contre les abus envers la neutralité du Net, un principe que l'on veut révoquer aux États-Unis, en ce qui a trait à leur utilisation d'Internet à la maison, mais je pense que les effets de la décision américaine se feront tout de même sentir ici. Étant donné que le trafic canadien passe souvent par les États-Unis, on peut penser que les données canadiennes pourraient être touchées par ces politiques contre la neutralité.
De plus, les services Internet canadiens qui espèrent attirer des clients et des abonnés américains sont susceptibles de faire face aux mêmes exigences de paiement pour que leur contenu soit livré sur la voie rapide.
Étant donné que la renégociation de l'ALENA contient un chapitre sur le commerce numérique, je pense que les négociateurs canadiens devraient pousser en faveur de l'inclusion d'une disposition de protection de la neutralité du Net solide et exécutoire dans l'accord. D'ailleurs, plus tôt cette semaine, le négociateur en chef, Steve Verheul, a déclaré à un comité de la Chambre des communes que le Canada tente de faire inclure une disposition de protection de la neutralité dans le chapitre sur le commerce électronique de l'ALENA. À mon avis, cela constituerait une bonne mesure, en particulier si elle renforce le pouvoir de l'accord.
Maintenant, il convient de mentionner qu'il existe un lien direct et important entre la neutralité du Net et la protection de la vie privée, et c'est là que la présente séance d'information prend tout son sens. Le Canada reconnaît depuis longtemps les dangers inhérents à la surveillance active des télécommunications et des utilisateurs d'Internet. La neutralité, que ce soit dans nos réseaux téléphoniques ou nos réseaux Internet, a toujours inclus un lien avec la protection de la vie privée.
Par exemple, l'une des toutes premières inquiétudes relatives à la neutralité du Net visait la téléphonie par Internet, la voix sur IP, des services comme Skype, qui offrent la possibilité d'obtenir des communications chiffrées, sûres et à moindre coût, dans bien des cas. Et pourtant, certains fournisseurs ont vu ces services comme des concurrents, et on a signalé des blocages ou une détérioration de la vitesse visant à nuire à l'utilisation de ces services. Ces blocages se sont avérés, aux États-Unis, notamment dans une affaire appelée Madison River, et au Canada, dans certaines des premières plaintes concernant la neutralité d'Internet. Ce sont les règles régissant la neutralité du Net qui contribuent à éviter ce genre de situations.
Dans le même ordre d'idées, la première décision du CRTC concernant la neutralité du Net, que l'on a appelé « pratiques de gestion du trafic Internet » ou comment les FSI gèrent leurs réseaux, comprenait passablement de discussions sur les moyens utilisés par les entreprises de télécommunications, incluant le recours à l'inspection approfondie des paquets, une technologie qui leur permet d'examiner le type de contenu qui circule sur leurs réseaux.
Cette technologie a soulevé d'importantes inquiétudes sur le plan de la protection de la vie privée, et en fin de compte, le CRTC a ordonné à « tous les FSI principaux, en tant que condition de la fourniture de services Internet de détail, de ne pas utiliser à d'autres fins les renseignements personnels recueillis dans le but de gérer le trafic et ne pas divulguer ces renseignements ». Autrement dit, les règles régissant la neutralité du Net que le Conseil a établies dans le cadre de cette décision prévoyaient l'ajout de mesures de protection additionnelles entourant les renseignements que les fournisseurs étaient susceptibles de recueillir pendant l'inspection approfondie des paquets. Ces renseignements proviennent de la toute première décision en matière de neutralité du Net.
Je dirais que la neutralité du Net comprend aussi un lien étroit avec l'accès à l'information. Cette semaine justement, nous avons appris que Bell voudrait demander au CRTC de créer une entité chargée de bloquer certains sites sans que ce soit fondé sur des avis judiciaires. Cette situation illustre bien comment les entreprises de télécommunications pourraient interférer avec l'accès au contenu.
Dans une proposition transmise récemment au CRTC et qui a été publiée il y a quelques jours, Bell établissait un lien entre sa perception de la nécessité de bloquer des sites de diffusion en continu et de téléchargement de contenu sans autorisation et le succès de son service de vidéo sur demande en continu CraveTV, en faisant valoir que le blocage de l'accès aux sites non autorisés lui ferait gagner des centaines de milliers de nouveaux abonnés. Selon moi, cette affirmation est contestable, mais ce qu'elle met en lumière, à mon point de vue, c'est que les demandes visant à bloquer du contenu sont motivées par le seul intérêt des entreprises de télécommunications elles-mêmes, et en particulier, des grandes sociétés à intégration verticale.
En effet, le tout premier cas de neutralité du Net au Canada concernait Telus, qui avait, pendant un conflit de travail, bloqué de façon tristement célèbre l'accès à un site appelé Voices for Change. Telus maintient qu'elle n'a pas récidivé dans ses activités de blocage, mais le simple fait qu'elle l'ait déjà fait dans le passé, et qu'elle se croyait en droit de le faire, démontre bien pourquoi il faut se doter de mesures de protection législatives claires contre le blocage de contenu.
, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, a déclaré hier à la Chambre des communes que la neutralité du Net est l'enjeu essentiel de notre époque, un peu comme la liberté de la presse et la liberté d'expression en d'autres temps.
Je dirais, compte tenu du rôle essentiel que joue Internet dans toutes les sphères de l'existence, et du pouvoir exceptionnel exercé par les entreprises de télécommunications, que M. Lametti a raison.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Pour commencer, effectivement, ce sont les FAI traditionnels, les fournisseurs, dont nous parlons quand nous parlons d'infractions à la neutralité du Net.
Ce qui a suscité en eux des préoccupations il y a un certain nombre d'années, c'est qu'ils voyaient d'autres protagonistes s'emparer d'une bonne part de la valeur de ces réseaux. Vous pouvez utiliser votre service Internet pour donner des coups de téléphone, pour avoir accès à des vidéos, pour faire des études, pour vous livrer à toutes sortes d'activités différentes. La manière dont certains fournisseurs décrivaient cela est qu'ils ne voulaient pas se contenter de fournir un câble muet: « Tout ce que nous faisons, c'est de vous permettre de transmettre ces octets pour que quelqu'un d'autre en tire tous les bienfaits économiques. »
Ils ajoutaient, « Ne serait-il pas extraordinaire que je touche une partie de vos recettes au titre de la simple transmission de vos octets? » Et la réponse de certains des protagonistes était, « Attendez un instant, je paie pour vous permettre de transmettre mes octets. Je dois m'abonner au service et j'ai réglé la facture de tous ces services. » Ce qu'ils espéraient faire, c'était de tirer parti, dans un certain sens, de leur rôle de gardien et d'intermédiaire pour affirmer qu'ils pouvaient en réalité percevoir encore plus d'argent et trouver différentes façons de procéder.
Je comprends pourquoi, sur le plan économique, ils seraient incités à agir de la même façon que s'ils avaient des stimulants pour privilégier une partie de leur propre contenu ou pour entraver ou rendre plus difficile l'accès à d'autres types de contenus, mais la raison n'est pas suffisamment valable à nos yeux pour que nous la laissions se matérialiser. De fait, cela nous donne une raison très convaincante comme quoi nous ne devons pas laisser cela se matérialiser.
Le type d'écosystème Internet dynamique que nous voyons émerger aujourd'hui et qui a eu cet effet de métamorphose sur pratiquement tout, depuis le commerce jusqu'à l'éducation et la culture, a vraiment tiré parti, de manière spectaculaire, de cette capacité à assurer qu'un octet est un octet est un octet et à garantir que mon contenu est traité de la même façon que celui d'un autre géant. On peut seulement craindre que la neutralité du Net fasse fi de ce principe fondamental qui a permis à bon nombre de ces entreprises de faire leur apparition.