ETHI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er février 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Merci encore de votre présence ce matin.
Le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique tient aujourd'hui sa 88e réunion, et conformément au sous-alinéa 108(3)h)(vi) du Règlement, il examine la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE comme nous la connaissons tous.
M. Angus aimerait tout d'abord prendre la parole.
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux d'être de retour au Comité, qui fait un travail incroyablement important, et c'est le cas assurément dans le dossier de l'accès à l'information. Un autre de ses rôles importants est d'être le comité chargé d'examiner les questions d'éthique et de manquement à l'éthique.
Je veux prendre quelques minutes pour informer le Comité que je vais présenter un avis de motion concernant sa décision de ne pas inviter le premier ministre à venir s'expliquer sur les manquements à l'éthique dont il a été reconnu coupable, une première dans l'histoire de notre Parlement pour un premier ministre en poste. C'est normalement notre comité qui s'occupe de ces questions, mais il a refusé de le faire, prétextant que la période des questions était l'endroit approprié dans ce cas, et je pense que cela avait une certaine logique.
Toutefois, le premier ministre n'a pas répondu aux questions à la période des questions. En fait, il était absent mercredi, journée où il répond habituellement aux questions, pour participer à une assemblée publique à Winnipeg.
On nous a dit que le premier ministre rendrait compte à la population canadienne. On nous a dit qu'il répondrait aux questions. Comme il refuse de le faire, il revient au Comité et à nous tous de nous assurer du respect des normes éthiques, même aux plus hautes fonctions au pays. Je présenterai donc un avis de motion mardi à ce sujet.
Merci.
[Français]
Mesdames et messieurs, membres du Comité, je n'ai pas de déclaration formelle à faire, mais je vais quand même émettre quelques remarques qui pourront peut-être situer le débat. J'espère que ce sera utile.
[Traduction]
La semaine dernière, mon bureau a présenté un projet d'exposé de position sur la question de la réputation en ligne. Bien sûr, la première question que l'on peut se poser c'est pourquoi; en quoi est-ce pertinent? Les Canadiens nous ont dit qu'ils s'inquiètent des risques croissants qui pèsent sur leur réputation en ligne. Nous voulons leur offrir un meilleur contrôle pour se protéger contre ces risques.
Ces risques existent parce que la protection de la réputation est de plus en plus difficile à l'ère numérique. Les renseignements qui nous concernent sont systématiquement indexés et facilement accessibles et échangés. Les renseignements en ligne qui nous concernent peuvent facilement être déformés ou pris hors contexte, et il est souvent extrêmement difficile de les effacer.
Notre rapport contient diverses recommandations ou décisions clés.
Premièrement, on y mentionne que la LPRPDE devrait être interprétée comme conférant le droit de demander aux moteurs de recherche de désindexer les pages Web qui contiennent des renseignements inexacts, incomplets ou périmés. Nous pensons que le fondement existe dans la LPRPDE à cet égard.
Deuxièmement, il devrait y avoir effacement ou modification des renseignements à la source dans certaines situations.
Troisièmement, et c'est très important, nous préconisons d'accroître la sensibilisation sur cette question, sensibilisation à laquelle nous pouvons prendre part dans le cadre de notre mandat de sensibilisation du public. Nous croyons toutefois, sur cette question en particulier, qu'il serait important que les gouvernements provinciaux et territoriaux adoptent notre recommandation, à savoir que la protection de la vie privée devrait faire partie du programme d'études dans les écoles afin que les enfants apprennent dès leur plus jeune âge, premièrement, comment se protéger, et deuxièmement, comment être des citoyens responsables en ligne.
Bien qu'il y ait à mon avis une base juridique dans la LPRPDE pour les recours que l'on trouve dans notre exposé de position, il est également important que vous examiniez cette question en tant qu'élus. Nous savons qu'il s'agit d'une question controversée et qu'un certain nombre de personnes, d'intervenants, sont d'avis que cela brimerait inutilement la liberté d'expression. Nous le savons bien. Cela dit, il est important que nous agissions, que le CPVP agisse en fonction de la loi actuelle. Toutefois, il est tout à fait légitime d'examiner le juste équilibre entre la protection de la réputation et de la vie privée d'une part, et la liberté d'expression d'autre part.
[Français]
En rédigeant le Projet de position du Commissariat sur la réputation en ligne, plus particulièrement en examinant le rôle du déréférencement, nous ne cherchions pas à établir de nouveaux droits ou de nouvelles capacités. Nous souhaitions plutôt appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, dans sa forme actuelle. Cependant, comme je viens de le dire, cela soulève des questions relatives au respect de la liberté d'expression. Je pense qu'il est particulièrement important que les élus, qui représentent la population canadienne, se penchent sur cette question.
En plus d'étudier la question de l'équilibre entre la vie privée et la liberté d'expression, vous voudrez peut-être en profiter pour examiner certaines questions importantes de justice naturelle ou de procédure que les intervenants du secteur privé, notamment les représentants des moteurs de recherche, ont porté à notre attention. Plus particulièrement, si un citoyen demande à un moteur de recherche ou à une organisation privée de déréférencer ou d'effacer certains renseignements, à quel droit procédural ces entités peuvent-elles recourir pour faire valoir leur point de vue, par exemple en faveur de la liberté d'expression, contre le déréférencement ou l'effacement?
Il y a une question dont ce comité a déjà traité dans le cadre de son examen de la LPRPDE. Peut-être voudrez-vous aussi examiner les effets de la différence possible entre les conditions d'exercice de ces droits au Canada et en Europe, dans le cadre de l'examen du caractère adéquat des lois canadiennes par rapport aux lois européennes.
[Traduction]
Mon dernier point sera le suivant. Je reconnais que la désindexation n'est pas nécessairement une solution parfaite pour protéger la réputation, mais je pense qu'il est important de poser la question parce qu'il est important de protéger la réputation, et je pense qu'il est important que j'agisse en fonction de la loi que je dois administrer et appliquer. Cependant, on peut se demander si la loi, dans sa forme actuelle, est le meilleur moyen de protéger la réputation.
En examinant cette question, je vous demanderais de penser aux options. La première question serait: vaut-il la peine de protéger la réputation? Si vous êtes d'accord avec l'idée, la désindexation et l'effacement sont les outils dont je dispose actuellement dans la LPRPDE. Si ce n'est pas adéquat, quelles sont les autres options? Il n'y en a pas beaucoup, mais vous pourriez entendre des témoins pour savoir ce qu'ils ont à proposer.
Merci.
Merci, monsieur le commissaire.
Nous allons commencer la série de questions de sept minutes par M. Erskine-Smith.
Merci beaucoup.
J'aimerais aborder la question de la désindexation et du rapport sur la réputation en ligne, mais nous sommes en train de mettre la dernière main à notre rapport détaillé sur la LPRPDE, et je voudrais d'abord clarifier certains éléments, notamment sur les pouvoirs d'exécution.
Des témoins nous ont dit que si on accordait plus de pouvoirs d'exécution au CPVP et le pouvoir de rendre des ordonnances et d'imposer des amendes, il se pourrait que les entreprises soient moins enclines à prendre les devants et à coopérer avec lui. Je me demande si vous pouviez rappeler au Comité quels pouvoirs d'exécution le CPVP devrait avoir à l'avenir dans la LPRPDE, et quelles recommandations le Comité devrait faire pour répondre aux préoccupations soulevées par les entreprises.
Je ne pense pas qu'accorder au CPVP le pouvoir de rendre des ordonnances aurait cet effet. Je pense que cela aurait plutôt pour effet d'imposer une discipline dans les discussions que nous avons avec les entreprises à l'heure actuelle si elles savent que leur interlocuteur a ce pouvoir. Je pense que cela imposerait une discipline dans les discussions.
Il est important de souligner ici que lorsque j'ai demandé — et que ma prédécesseure a demandé — le pouvoir de rendre des ordonnances, cela ne veut pas dire, à mon point de vue, que ce serait la première mesure que prendrait notre bureau dans une situation d'allégations ou même de non-respect de la loi. Mon rôle consiste, à mon avis, à amener les organisations à se conformer à la loi, dans l'ensemble. Toutefois, dans de rares cas, il pourrait être nécessaire de rendre des ordonnances ou d'imposer des amendes aux récalcitrants ou récidivistes, mais ce ne serait pas la première mesure que je prendrais.
La première mesure que je prends pour amener les organisations à respecter la loi est de discuter avec elles, de leur fournir des directives sur ce que la loi prévoit, d'examiner des initiatives qu'elles pourraient mettre en place, et de parler avec elles de la façon de mener leurs activités commerciales tout en respectant la LPRPDE. C'est la première stratégie et de loin celle que j'ai besoin d'utiliser le plus souvent, mais il y aura quelques entreprises ou organisations qui ne seront peut-être pas réceptives au dialogue. Dans ce cas, j'ai besoin de pouvoir rendre des ordonnances pour m'assurer que la loi n'est pas inutile et qu'elle est appliquée.
Pour être certain que nous comprenons bien, le pouvoir d'exécution dont vous disposez à l'heure actuelle vous permet en fait, dans une situation de non-conformité répétée, d'amener une entreprise devant les tribunaux?
Oui, c'est pour faire des recommandations, et dans le cas où elles ne sont pas appliquées, amener l'entreprise devant les tribunaux, mais c'est un processus très long.
Vous avez proposé d'avoir un pouvoir discrétionnaire. Est-ce que cela devrait relever du CPVP? Ou devrions-nous plutôt recommander ou prévoir dans la loi qu'il y ait des directives à ce sujet, soit qu'il faut d'abord qu'il y ait des recommandations ou des directives de donner à l'entreprise, et si elle n'y donne pas suite, une amende et d'autres ordonnances pourraient suivre?
Vous pourriez procéder ainsi. Je préférerais toutefois, honnêtement, avoir un pouvoir discrétionnaire qui repose sur les facteurs que vous jugez pertinents, mais sans imposer un ordre à suivre. Je suis tout à fait d'accord toutefois avec l'idée d'être tenu d'appliquer certains facteurs.
Voici ma dernière question sur le sujet. Vous participez à diverses conférences. Vous connaissez mieux que nous les commissaires à la protection de la vie privée dans le monde et les pouvoirs d'exécution qu'ils ont. Est-ce que le fait d'avoir des pouvoirs d'exécution et le pouvoir de rendre des ordonnances serait conforme à la pratique internationale, ou ferions-nous oeuvre de pionnier?
Ce ne serait pas du tout faire oeuvre de pionnier. Nous tirons de l'arrière, alors ce serait plutôt être en phase avec ce qui est en train de devenir la norme.
Je vais parler brièvement de la désindexation. Si j'ai bien compris, selon votre interprétation de la loi actuelle, la loi s'applique déjà aux moteurs de recherche, et elle s'applique aussi à la désindexation, selon une interprétation possible. Est-ce bien cela?
Dans quelle mesure y a-t-il matière à interprétation? Doit-on préciser cela dans la loi? Ou est-ce que la jurisprudence et l'interprétation sont tellement claires qu'il n'est pas nécessaire de s'en préoccuper?
Je pense que notre interprétation est solide, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres points de vue. Si vous êtes d'avis qu'il y a lieu de prendre des mesures, je pense que ce serait certainement utile de clarifier cela dans la loi.
Vous pourriez peut-être expliquer au Comité en quoi consiste le droit à la suppression. Nous avons parlé du droit d'être oublié ou du droit à l'effacement, du droit à la suppression, et du droit, dans ce cas peut-être, à la désindexation. C'est la même idée, en quelque sorte, mais à des niveaux différents. Jusqu'où l'interprétation actuelle de la LPRPDE nous mène-t-elle dans le droit à la suppression? Vous avez parlé du droit, sans doute, à la désindexation, mais est-ce que la jurisprudence va beaucoup plus loin à l'heure actuelle?
Eh bien, comme je le mentionne dans l'exposé, le fondement dans la loi actuelle pour les recours qui existent à mon avis est d'abord et avant tout le principe au point 4.6, qui s'intitule « Exactitude ». Le premier principe est l'exactitude. La réputation d'une personne ne doit pas reposer sur des renseignements inexacts qui se trouvent sur le Web. Même si l'intitulé est « Exactitude », le libellé du principe parle d'« exactitude » au sens de renseignements factuels et objectifs; de « complets », ce qui est un peu plus subjectif, et de « à jour », ce qui est aussi un peu plus subjectif.
Je dois appliquer la loi comme elle est, et actuellement, ce sont les trois caractéristiques de l'information qui sont mentionnées. Certaines sont plus objectives que d'autres. Je pense que cela devrait faire partie du débat.
Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur le commissaire.
Vous êtes au courant des préoccupations formulées par l'ancienne commissaire, Mme Stoddardt, au sujet des possibles contestations constitutionnelles à l'égard de certaines dispositions ou recommandations applicables aux mineurs. Est-ce que vous ou votre bureau avez fait une étude ou une analyse au sujet de la constitutionnalité de certaines des modifications que vous préconisez?
La grande question constitutionnelle que beaucoup de gens évoquent est de savoir si les recours qui existent — si je ne m'abuse — vont aller à l'encontre de la liberté d'expression. C'est une question qui relève de la Charte, et nous l'avons examinée en long et en large.
On m'a dit que Mme Stoddardt a peut-être fait des commentaires au sujet de la constitutionnalité dans une optique de division des pouvoirs, nommément que le fait d'appliquer cette loi fédérale de la façon que je préconise pourrait empiéter sur certaines compétences provinciales en matière de propriété et de droits civils, de commerce interprovincial, etc.
Vous savez probablement que le gouvernement du Québec a contesté sur cette base la constitutionnalité de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Cette contestation date de quelques années. Toutefois, l'affaire a été reportée et aucune décision n'a encore été rendue.
Je dirais que ce risque est présent toutes les fois qu'une loi fédérale peut être perçue comme empiétant sur des compétences provinciales, comme le commerce d'entreprises entre une province A et une province B. Ce que je préconise n'est rien de plus qu'une autre manifestation de l'application de la loi fédérale. Il se peut que cela augmente le risque qu'une organisation soulève ces problèmes, si elle est réfractaire à l'idée de se conformer. Cependant, d'un point de vue conceptuel, je crois que nous ne faisons qu'appliquer la loi fédérale en tant que telle. Cela ne change pas la donne en ce qui concerne... Nous n'étendons pas l'empiètement du gouvernement fédéral sur les compétences des provinces; nous ne faisons qu'exercer l'autorité de la loi fédérale. En faisant cela, nous augmenterons peut-être le risque, ce qu'une entreprise pourra contester, mais je crois que les aspects juridiques resteront les mêmes.
Merci.
Apparemment, vous avez reçu 28 mémoires lors de votre consultation sur la réputation en ligne. Vous avez dit que la grande majorité de ces mémoires étaient contre. Dans quelle proportion exactement?
Nous pourrons vous revenir avec un pourcentage exact, mais je peux affirmer sans me tromper que c'était la vaste majorité. Nous avons reçu 28 mémoires, essentiellement d'experts et d'entreprises médiatiques, et cela nous a beaucoup aidés. Bien entendu, ces mémoires ont fait en sorte que nous nous sommes penchés sérieusement sur la question de la liberté d'expression, mais il y a aussi le grand public. Nous avons mené des consultations il n'y a pas si longtemps, soit avant que je ne fixe les priorités stratégiques du Commissariat, en 2015. Lorsque j'ai décidé que la réputation allait faire partie des quatre priorités stratégiques, je me suis basé sur ce que les Canadiens nous ont dit à ce moment-là. Bref, la majorité des 28 experts — appelons-les comme ça — étaient contre, mais pas tous. Certains ont plaidé pour le droit au déréférencement. Je crois néanmoins que c'est un enjeu qui préoccupe le grand public.
Cela dit, les membres du grand public n'ont pas insisté sur les moyens proprement dits, mais ils ont tout de même exprimé de vives inquiétudes en ce qui concerne leur réputation.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des opinions contraires au sujet du fait que le déréférencement de la réputation en ligne — la suppression d'information — devrait ou ne devrait pas être réglementé par le secteur privé ou par un employé de la fonction publique?
L'une des préoccupations légitimes soulevées par les entreprises concernées, c'est que le secteur privé — les moteurs de recherche et les organisations qui gèrent les médias sociaux — ne devrait pas avoir la responsabilité de trouver un équilibre entre les droits des individus et ceux des organisations. De toute évidence, il ne s'agit pas d'une position frivole.
Il importe toutefois d'examiner le côté pratique de cette question. Comme je l'indique dans mon rapport, du point de vue de la loi, toutes les organisations, y compris les moteurs de recherche, ont l'obligation de mettre au point un processus pour assurer le respect des droits fondamentaux, nommément l'exactitude de l'information. Je crois que cette obligation est enchâssée dans la loi actuelle. Cela veut-il dire que ce sont elles qui devraient voir à l'équilibre entre les droits des individus et leurs propres droits? Assurément, c'est une chose à laquelle il convient de réfléchir, car ce n'est pas fréquent.
C'est une question pratique. En Europe, il y a eu des centaines de milliers de demandes en ce sens depuis la décision de 2014 concernant Google Espagne. Devrait-on créer un tribunal? Normalement, il devrait y avoir une sorte de tribunal chargé de prendre des décisions à propos de ces demandes. Devrions-nous créer un tribunal qui se pencherait sur les centaines de milliers de demandes soumises chaque année? Cette solution servirait mieux l'équilibre recherché, mais je ne crois pas qu'elle serait très pratique.
Même si ce n'est pas nécessairement la voie que les gens adopteraient de manière intuitive, le fait de demander aux entreprises d'élaborer des processus comme elles seront appelées à le faire aux termes de la loi, le fait d'avoir une première décision au sujet de ces applications — bien entendu, pour peu que soit respecté le droit des personnes qui ne sont pas contentes de présenter une plainte à notre bureau, à un tribunal indépendant et, ultimement, aux cours — constitue, à mon sens, un système pragmatique. Il n'est pas parfait, mais c'est un système qui fonctionne.
J'ai une autre question qui m'est venue à l'esprit lorsque vous avez parlé de l'exactitude de l'information en ligne, mais je vais attendre à plus tard. Je pourrai peut-être demander à l'un de mes collègues de la poser. Merci.
Merci beaucoup.
Je tiens tout d'abord à dire que j'appuie sans réserve le pouvoir de rendre des ordonnances, car c'est grâce à cela que nous aurons un régime qui sera en mesure de faire le travail qu'on attend de lui.
En ce qui concerne la réputation en ligne, j'ai quelques réserves. J'étais de ceux qui croyaient que le « droit d’être oublié » était un concept vraiment formidable à cause de toutes les histoires d'horreur que l'on entend sur le déraillement des univers numériques. Or, je constate aussi que le concept peut être détourné et utilisé par des personnes qui veulent qu'on les oublie pour des raisons pour lesquelles on ne devrait peut-être pas les oublier. Je crois que l'on existe dans le monde numérique. Pour moi, le fait de disparaître est un procédé douteux si, par exemple, c'est pour vous soustraire à une possible accusation d'inconduite sexuelle — rien n'a été prouvé, mais vous pouvez faire effacer ces données afin d'éviter qu'on vous retrouve.
Devrions-nous insister sur le droit d'être oublié, attendu la possibilité que les gens puissent s'en servir à mauvais escient?
Pour ce qui est de savoir qui va utiliser ce droit — et je vais toucher à la question de savoir si c'est une bonne chose de faire « disparaître » des personnes, ce qui, à mon sens, est un peu une exagération de ce droit —, l'expérience européenne laisse entendre qu'il sera utilisé par des personnes qui ont un passé douteux et qui, pour quelque raison que ce soit, souhaitent effacer ce passé.
Selon l'expérience européenne, les chiffres montrent que la criminalité ou d'autres facteurs semblables sont le motif central d'environ 5 % des demandes présentées. La plupart des demandes ont d'autres motifs. Les chiffres montrent aussi que les moteurs de recherche acquiescent à ces demandes dans une proportion d'environ 40 %. Si le taux d'approbation est à 40 %, les motifs évoqués doivent tout de même avoir un certain mérite. Ils sont perçus comme étant méritoires.
Les chiffres que nous avons indiquent également qu'en France — nous allons vérifier pour d'autres pays —, 70 % des décisions prises par les moteurs de recherche et donnant lieu à des plaintes à mon homologue français sont maintenues. Selon moi, cela signifie que les moteurs de recherche font de l'assez bon travail.
Pour ce qui est de savoir si les gens devraient être en mesure d'effacer leur passé — notamment en ce qui concerne les cas d'inconduite sexuelle qui aurait pu mener à une décision d'un tribunal —, il s'agit évidemment d'une préoccupation très pertinente et très à propos. La façon dont ces demandes seront traitées est loin d'être assurée. Dans beaucoup de cas, si le procédé est appliqué correctement, je crois que la demande sera refusée. Je m'explique. Si un présumé agresseur fait une demande en ce sens, il est certain que la réputation de cette personne sera un facteur qu'il conviendra de déterminer, mais à ce moment-là, il y a une question d'exactitude qui entrera en ligne de compte. La personne devra en effet démontrer que les faits allégués sont faux. En l'absence d'une telle démonstration, l'information sera maintenue.
Toutefois, l'intérêt public a préséance. Ce que nous préconisions dans notre document, c'est que l'exactitude des renseignements doit être examinée dans l'optique de l'intérêt public. Certaines des personnes qui chercheront à se prévaloir de ce droit pourraient être des personnalités publiques. Dans ce cas, je crois qu'il ne fait aucun doute que la demande devrait être refusée, compte tenu du poids de l'intérêt public. Même s'il s'agit d'une personne qui n'est pas une personnalité publique, il y a présentement tout un débat public et sociétal au Canada et dans d'autres pays selon lequel cette détermination serait une question d'intérêt public et que la réputation de l'individu devrait par conséquent être jaugée à l'aune de l'intérêt public.
Je ne dis pas que cela donnera lieu à des solutions faciles, mais j'estime que, pour peu qu'on les applique correctement, toutes ces considérations pourront être gardées à l'esprit. Et dans bien des cas, la demande sera refusée.
D'accord. Je présume que c'est comme cela que les choses vont se faire. Bien sûr, il y a des outils juridiques, et il se peut que ces outils ne soient pas assez puissants. Dans les cas de pornographie vengeresse, de harcèlement sexuel, de tout ce qui a trait à des mineurs, les outils d'application de la loi doivent permettre une intervention immédiate. Alors, nous devons avoir l'assurance que ces outils peuvent être déployés pour répondre à ce type d'intimidation en ligne — il y a un risque très net, et ce risque est évident.
Si, par exemple, j'écrivais un gazouillis outrancier à propos de mon grand ami, M. Erskine-Smith, et qu'il disait « c'est une calomnie », il pourrait me menacer d'une poursuite judiciaire pour mon gazouillis, et j'aurais à décider si je persiste ou si je retire mon commentaire. Des outils juridiques ont donc été prévus à cette fin.
Je me pose des questions quant à l'exactitude et la désuétude de l'information. L'Internet n'est pas un livre. Ce n'est pas un article non plus. C'est l'expression incessante et chaotique de discussions et de débats. Les gens écrivent en ligne toutes sortes de trucs fous à mon propos, des informations qui sont désuètes et incorrectes. C'est peut-être tout simplement parce qu'ils ne m'aiment pas.
Mais je m'inquiète à propos de la façon dont on appliquera ces outils. Je me pose aussi des questions sur le fait que l'on puisse évoquer la réputation organisationnelle. Il y a beaucoup d'exemples de poursuites stratégiques contre la mobilisation publique qui ont été intentées à l'endroit d'organismes. À mon sens, le fait de pouvoir dire « ceci a terni notre réputation en ligne, notre réputation organisationnelle et nous voulons que ces informations soient supprimées » constitue un outil très puissant pour éliminer quelque chose de l'Internet.
Est-ce votre bureau qui aurait la responsabilité de juger ces différents scénarios?
En premier lieu, ce serait l'affaire des organisations, puis de mon bureau et, ultimement, celle des tribunaux.
En ce qui concerne la réputation en ligne et la définition qu'on en donne, disons que les réputations en ligne des personnes se font attaquer constamment dans différents forums. Certaines personnes sont plus sensibles que d'autres. David Irving, une personne qui nie l'existence de l'Holocauste, a cru que sa réputation avait été mise à mal et il a amené l'affaire en cour. Pourrait-il s'adresser à votre bureau et alléguer que ses droits académiques ont été sapés en étant contestés?
Il est important de souligner que les exemples que vous donnez concernent des personnalités publiques. Pour ces personnes, je crois que c'est presque une conclusion inéluctable. Il pourrait s'agir de discrimination à leur égard...
... elles n'auraient pratiquement aucune défense.
La question est de savoir ce qui arrivera aux Canadiens ordinaires, à ceux qui auront peut-être été diffamés et qui devront postuler un emploi, alors que l'employeur potentiel prendra sa décision en fonction de ce qu'il verra sur Facebook ou dans Google, en fonction de renseignements qui pourraient être inexacts. C'est ce type de situation qui me préoccupe.
Merci, monsieur Angus. C'est tout le temps que vous aviez.
Au tour maintenant de M. Saini, pour sept minutes.
Bonjour, monsieur Therrien. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
J'aimerais parler de choses anciennes et de choses récentes, alors commençons par les anciennes. Lors d'un autre de vos passages au Comité, vous nous avez expliqué que vous teniez à garder votre modèle d'ombudsman. Par la suite, soit en 2016-2017, vous avez publié un rapport dans lequel vous réclamiez, et je cite le communiqué de presse, « des modifications à la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, afin qu’elle lui confère le pouvoir de rendre des ordonnances et d’imposer des sanctions administratives pécuniaires ».
Vous avez aussi affirmé que l'équilibre entre les deux bureaux serait gravement perturbé si le commissaire à l'information devait avoir le pouvoir de rendre des ordonnances. Je sais que vous avez fait allusion à cela, alors j'aimerais tout simplement que vous me donniez des précisions à cet égard de sorte qu'il soit consigné dans le compte-rendu que vous croyez que les pouvoirs donnés au commissaire à l'information devraient être dosés en fonction des vôtres de manière à ce qu'il n'y ait pas d'interférence. Vous auriez également la capacité de rejeter les demandes futiles et vexatoires.
Assurément, je suis pour le pouvoir de rendre des ordonnances. Pouvez-vous répéter la question au sujet de...
Puis, dans votre rapport de 2016-2017, vous avez demandé des modifications afin d'obtenir le pouvoir de rendre des ordonnances. Croyez-vous que les pouvoirs que détient le commissaire à l'information devraient être dosés en fonction des vôtres afin d'éviter qu'il y ait interférence entre les deux bureaux?
Eh bien, il faudrait pour cela apporter des modifications en profondeur au mandat du commissaire à l'information. L'équilibre ne s'atteint pas de la même façon dans le secteur privé. La responsabilité du commissaire à l'information ne concerne que l'accès dans le secteur public. L'équilibre des intérêts dans le secteur public se fait davantage à l'égard des organismes. Les choses pourraient être différentes si le commissaire à l'information se faisait donner le mandat d'être la figure de proue de l'accès à l'information en général, ce qui n'est pas du tout le cas avec son mandat actuel.
Dans votre document sur la réputation en ligne, vous mentionnez certains points intéressants concernant le déréférencement, mais vous soulevez aussi certaines critiques à cet égard. Vous rapportez notamment que l'information demeure toujours accessible en ligne. Bref, si des gens souhaitent trouver cette information, ils le peuvent toujours. L'information n'a pas été supprimée. Vous avez seulement « brisé » — et j'utilise l'expression « brisé » — le lien entre l'information et la personne.
Vous dites également que le secteur privé a un rôle à jouer dans l'équilibre des droits. Vous avez écrit dans votre document que les « moteurs de recherche ont déjà mis en place des mécanismes pour examiner les demandes de déréférencement et supprimer de leurs résultats de recherche les contenus potentiellement préjudiciables ».
Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par cela? De quels mécanismes parlez-vous? Pouvez-vous nous préciser les mécanismes en place actuellement?
Prenons l'exemple du droit d'auteur. Des moteurs de recherche et d'autres organismes possèdent actuellement des processus qui leur permettent de rendre inaccessibles au public des documents qui, selon eux, violent les droits d'auteur des titulaires de ces droits d'auteur. Pour revenir à l'expérience en Europe, le nombre d'effacements ou de déréférencements ayant trait à la violation de droits d'auteur est incroyablement plus élevé que le nombre de cas ayant trait à la protection de la vie privée. Je crois que les moteurs de recherche ont procédé au déréférencement ou à l'effacement de l'information dans un rapport de 1 000:1 entre les cas de violations de droits d'auteur et les cas de protection des droits en matière de vie privée.
L'idée est que les sociétés ne rendent pas tout bonnement accessible tout ce qui se trouve sur Internet et qu'il y ait en place un processus pour en vérifier le caractère légal: le droit d'auteur en est un exemple et la pornographie vengeresse en est un autre. Les sociétés appliquent les divers critères légaux en vue d'en arriver soit au déréférencement ou à l'effacement de l'information. Je ne comprends honnêtement pas pourquoi le respect de la loi fédérale en matière de protection des renseignements personnels applicable au secteur privé serait différent d'une violation du droit d'auteur ou d'autres lois.
L'autre point que vous avez mentionné — et je crois que l'un de mes collègues l'a également mentionné — était que les moteurs de recherche devraient procéder au premier examen d'une demande de déréférencement, ce qui n'est pas un problème.
Si une personne est en désaccord avec cette décision, je présume qu'elle peut en interjeter appel devant un tribunal. Si un moteur de recherche rejette la demande, quels sont les recours qui s'offrent à la personne qui présente la demande de déréférencement?
Au départ, une plainte est déposée au Commissariat en cas de non-respect de la LPRPDE, puis les tribunaux en sont saisis.
L'autre question sur laquelle nous avons débattu avait trait aux jeunes. Vous avez indiqué dans votre document que des protections particulières devraient être mises en place dans leur cas. La fourchette d'âge que vous avez donnée est différente. À quel âge le Commissariat considère-t-il qu'une personne est un jeune, parce que le code pénal américain considère que les personnes de 13 ans et moins sont des mineurs? Je crois que c'est fixé à 16 ans dans le RGPD, soit le règlement sur la protection de la vie privée de l'Union européenne. Vous avez fourni une fourchette d'âge. Pouvez-vous nous aider à y voir plus clair à cet égard?
Pour ce qui est du consentement, nous avons proposé de fixer l'âge à 13 ans. Pour ce qui est de déterminer si un jeune peut donner son consentement éclairé à la collecte, à l'utilisation et à la communication de renseignements, nous proposons qu'il vaille mieux le fixer à 13 ans, mais le caractère éclairé du consentement est un peu arbitraire et dépend de la maturité de l'enfant. Nous avançons qu'il serait très exceptionnel pour un enfant de moins de 13 ans d'être capable de donner son consentement éclairé. Dans le cas des demandes de déréférencement et d'effacement, nous établissons l'âge à 18 ans tout bonnement parce qu'il ne fait aucun doute qu'à 18 ans les jeunes atteignent l'âge de la majorité. Dès lors, il ne fait aucun doute qu'ils peuvent parler en leur propre nom et qu'ils peuvent présenter une telle demande.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Il y a certains cas dont je n'aime pas parler, mais on a porté à mon attention cette semaine un cas qui est important. Il est également vraiment compliqué, puisqu'il touche à l'accès à la vie privée et au droit d'accès à l'information.
Dans certaines circonstances, des Canadiens signent des contrats avec les gouvernements. Ils doivent alors fournir des renseignements sur leur vie privée en remplissant des formulaires. Ils deviennent des consultants ou des travailleurs autonomes parce qu'ils ont une certaine spécialisation qui leur permet d'obtenir des contrats spéciaux. Advenant le cas où l'on porte préjudice à un tel Canadien en lui refusant l'accès à l'information contenue dans son dossier ou en lui remettant des documents caviardés, pour des questions de sécurité nationale ou parce qu'il s'agit de renseignements privilégiés, il se retrouve dans un imbroglio et il n'est pas en mesure de se défendre.
Conseillez-vous à ce Canadien de s'adresser à vous pour revendiquer son droit d'accès à l'information concernant sa vie privée et pour avoir accès à certains documents qui lui permettraient peut-être de régler son problème?
Si je comprends bien votre question, on parle ici d'une demande qui serait faite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui serait émise par un individu devant fournir des renseignements personnels au gouvernement, en tant qu'employeur ou, du moins, comme entité accordant des contrats, pour que la fiabilité de la personne désirant être employée ou fournir des services soit établie.
Il s'agit de s'assurer que cette personne est fiable et admissible. Il y a alors une entente entre le gouvernement et l'employé.
La personne fait donc une demande d'accès en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Certains renseignements peuvent lui être refusés pour des raisons de sécurité nationale. Je pense qu'il s'agit ici de l'application des critères de la loi actuelle. Dans ce contexte, le préjudice à la sécurité nationale ou publique est l'un des motifs d'exception pour refuse l'accès aux renseignements. On parle ici de l'application. Il faut donc se demander si le gouvernement a appliqué la dispense comme il se doit. C'est la principale question.
Si l'individu croit que le gouvernement n'a pas appliqué la dispense correctement, il peut nous soumettre une plainte et, éventuellement, obtenir un recours à la Cour fédérale. Cela devient alors une question factuelle, je crois. Il s'agit d'établir si la dispense a été bien appliquée.
[Traduction]
[Français]
Bonjour. Vous avez parlé de déréférencement et d'effacement. Si je vous comprends bien, il nous manque des procédures pour faire de l'effacement ou il faudrait être plus spécifique dans le cas d'une demande d'effacement que dans celui d'une demande de déréférencement.
Quand on procède à de l'effacement, on ne fait pas que briser un lien: on efface carrément les renseignements de l'infrastructure.
Il y a une distinction à faire entre deux cas de figure. Dans le premier cas, l'individu lui-même a fourni des renseignements qui se retrouvent sur Internet, par exemple dans un réseau social. Dans ce contexte, l'individu devrait avoir un droit absolu. Il devrait pouvoir l'exercer sans difficulté et, dans les faits, retirer son consentement. Le renseignement s'est retrouvé sur un site après que l'individu a accordé son consentement, mais ce dernier peut être révoqué par l'individu.
Il y avait d'autres critères. Dans le cadre d'une telle approche, le fait que ce soit précis ou non ne soulève pas de questions.
C'est exact.
L'autre cas de figure est plus fréquent. Aux fins de cet exemple, disons que A est la personne qui fait la demande. Supposons que A publie des renseignements sur un réseau social et que B, un ami de A, partage ensuite de façon plus large les renseignements au sujet de A. C'est là que la liberté d'expression de B entre en jeu, et c'est là qu'il faut trouver un équilibre entre le droit de A relativement à sa réputation et ce qu'il faut prendre en compte pour retirer les renseignements: ceux-ci sont-ils exacts, complets et à jour, et quel est l'intérêt public, s'il y en a un?
La loi actuelle dit que les compagnies — et cela inclut les réseaux sociaux et les moteurs de recherche — ont l'obligation d'établir des procédures. Toutefois, la nature de ces procédures et les règles qui les sous-tendent ne sont aucunement prévues. Le 10e principe, que l'on retrouve à l'article 4.10 de la LPRPDE, dit que c'est aux compagnies qu'il incombe de créer des procédures pour s'assurer du respect des droits substantiels, dont le droit à l'exactitude des renseignements. Or il n'y a aucune règle, et c'est un problème.
[Traduction]
Le problème, si je le comprends bien, c'est que ce n'est pas à l'entreprise de prendre cette décision. Êtes-vous en train de dire que nous devrions avoir des procédures ou des principes prédominants si une telle situation venait à survenir?
L'un des problèmes qui surviennent est de déterminer si les entreprises qui reçoivent une demande de déréférencement ou d'effacement doivent tenir compte des intérêts de la personne qui a publié l'information. La loi est actuellement complètement muette à cet égard. En Europe, les intérêts de la personne qui a publié l'information ne sont normalement pas pris en compte, ce qui a soulevé des critiques au Canada, parce que les intérêts de ces intervenants ne sont pas pris en compte. C'est certainement un élément qu'il vaut la peine d'examiner. La loi ne le prévoit pas. L'un des aspects qui contribueraient à votre recommandation serait de traiter de ces enjeux. J'ajouterais que nous devons évaluer dans quelle mesure les intérêts des personnes qui publient de l'information doivent être pris en compte sans toutefois faire perdre sa raison d'être au droit au déréférencement. Si la personne qui publie l'information est mise au courant de la demande de déréférencement et qu'elle diffuse qu'une telle demande a été présentée, cela peut passablement faire perdre sa raison d'être à la demande de l'individu. Il faut tenir compte des intérêts de la personne qui publie l'information, mais la prise en compte de ses intérêts ne devrait pas mener à la publication de l'information que la personne considère comme inexacte ou qu'elle est d'avis qui ne devrait pas être du domaine public.
Vous avez dit qu'en Europe il y a mille fois plus de demandes ayant trait aux droits d'auteur que de demandes ayant trait aux renseignements personnels. Cependant, selon l'explication que vous me donnez, j'ai pratiquement l'impression que les renseignements personnels peuvent être une forme de droits d'auteur. Si j'étais un peintre, mes oeuvres seraient protégées par le droit d'auteur. Par exemple, si je prenais une photo et que je la publiais sur Facebook, je serais en fait la personne qui l'a publiée et je serais en théorie le titulaire du droit d'auteur de la photo que j'ai prise.
Dans un certain sens, oui, même si le droit d'auteur est un droit commercial et que la vie privée est un droit de la personne. L'analogie n'est pas parfaite, mais je comprends ce que vous dites.
Monsieur Baylis, votre temps est écoulé. Je sais que nous pourrions en parler longuement.
Monsieur Kent, vous avez cinq minutes.
J'aimerais revenir sur le droit à l'exactitude que vous avez mentionné. Croyez-vous qu'il vous serait plus facile à titre de commissaire d'imposer ou de demander la correction ou l'effacement de l'information inexacte que de demander l'oubli, l'effacement ou le déréférencement absolu de l'information?
Tout dépend du contexte. La loi traite de cette question. Elle prévoit qu'une demande peut mener à l'effacement, à une correction, à une modification ou à des commentaires. Selon le cas, il se peut que l'ajout d'un commentaire — M. A nous a informés que l'information y à son sujet est inexacte — soit efficace. Je crois que ce le sera rarement, mais c'est possible que ce le soit dans certains cas.
Je suis ce que prévoit la loi, soit certains recours, comme l'effacement de l'information, le déréférencement, des corrections ou la formulation de commentaires. Il va de soi que la formulation de commentaires a un effet moindre sur la liberté d'expression de la personne qui a publié l'information en ligne, mais ce recours ne sera peut-être pas très efficace en fonction de la situation.
Je pense par exemple à Wikipédia et particulièrement aux personnalités publiques dont les pages Web sont constamment modifiées et aux faits qui sont constamment exagérés ou déformés. Croyez-vous qu'il serait possible de changer la donne précisément en ce qui concerne Wikipédia si nous adoptons des modifications, que nous procédons à une réforme ou que nous renforçons vos pouvoirs de rendre des ordonnances?
La réponse courte est oui. Pour vous donner une réponse plus étoffée, j'aimerais rappeler les statistiques en Europe: les moteurs de recherche et les organismes ont généralement accompli un travail acceptable, tout simplement parce que la vaste majorité des plaintes formulées à l'autorité chargée de la protection des données ont été rejetées. En fin de compte, c'est au commissaire et vraiment au tribunal qu'il incomberait de prendre des décisions quant à ces enjeux.
Par ailleurs, croyez-vous que nous devrions donner suite à votre demande de modifications législatives concernant les pouvoirs de rendre des ordonnances et les sanctions en vue de nous arrimer aux lois européennes?
Nous devrions le faire en partie en ce sens, mais ce n'est pas la principale raison. Je formule ces recommandations, parce que je considère comme nécessaire de pouvoir nous occuper de ceux qui ne se conformeraient autrement pas à la loi.
Non. Est-ce que je recommande d'avoir des pouvoirs de rendre des ordonnances principalement pour rendre adéquates les lois canadiennes? Non, mais c'est le facteur principal qui me pousse à demander de tels pouvoirs. Indépendamment de la situation en Europe, je crois qu'il est important que j'aie ces pouvoirs pour m'assurer que même les récidivistes et les personnes récalcitrantes se conforment à la loi.
Merci beaucoup.
J'aimerais vous poser des questions concernant le volet éducatif dont vous parliez, en particulier en ce qui a trait aux jeunes. Dans le cadre de l'étude du Comité de la condition féminine sur la violence envers les jeunes femmes et filles, nous avons entendu qu'il y a beaucoup de désinformation, en particulier chez les garçons, concernant ce qui est approprié ou même légal de publier.
Une étude rapportait que les garçons estimaient que la publication de quelque chose, en particulier une photo intime d'une fille, n'était pas correcte, alors qu'il était parfaitement correct de transférer la photo à d'autres si une personne vous l'avait envoyée. La réalité, c'est que de nombreux jeunes ne sont pas certains de ce qui est légal ou de ce qui est juste.
Le concept d'un programme d'éducation axé sur les droits relatifs à la protection de la vie privée m'intéresse énormément. Je me demande qui offrirait un tel programme. S'agirait-il de votre commissariat? Je sais que la YWCA, HabiloMédias et d'autres groupes font de la sensibilisation en ce sens.
C'est merveilleux.
Le Comité de la condition féminine s'est notamment penché sur le modèle australien. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais l'Australie a créé en 2015 le commissariat à la sécurité électronique, qui relève de l'Autorité australienne des communications et des médias, soit le CRTC australien. Ce commissariat a notamment le mandat de s'occuper de l'éducation publique des jeunes sur la sécurité électronique et de recevoir les plaintes.
C'est l'un des domaines très difficiles, parce que les jeunes ne savent souvent pas l'organisme vers lequel se tourner pour formuler des plaintes. Ils ne savent pas si c'est votre commissariat, mais cela doit concerner la protection de la vie privée. Dans le cas d'un enjeu d'ordre juridique, ce serait la GRC ou d'autres autorités juridiques.
Aurions-nous avantage à avoir un seul commissaire à la sécurité électronique qui superviserait, en particulier pour les jeunes, le processus de plaintes? Ce serait un guichet unique, et cet organisme pourrait également faire de la sensibilisation.
Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question. Il est évident que nous devrions nous pencher sérieusement sur cette idée dans l'intérêt des jeunes. Tous les principaux intervenants devraient l'examiner très sérieusement, y compris notre organisme, les commissaires provinciaux à la protection de la vie privée, les organismes de la société civile, comme HabiloMédias, et les ministères provinciaux de l'Éducation.
En novembre 2017, j'ai écrit au Conseil des ministres de l'Éducation et à mes homologues provinciaux, et la réaction est positive jusqu'à présent. Le Conseil m'a répondu dans sa lettre que les ministres provinciaux communiqueront avec leur commissaire provincial respectif à la protection de la vie privée pour déterminer la façon d'y arriver.
Je dirais que nous devons réfléchir à votre proposition, mais je crois que, si tous les principaux intervenants jouent pleinement et adéquatement leur rôle, nous serons probablement sur la bonne voie.
Merci.
J'aimerais revenir sur un commentaire de M. Angus sur les personnalités publiques. J'ai trouvé cela intéressant, parce qu'en tant que personnalités publiques nous avons des attentes beaucoup moins élevées en matière de protection de la vie privée. Nous avons entendu diverses choses, comme des images pornographiques qui sont modifiées au moyen de Photoshop pour y coller le visage de politiciennes. En ce qui concerne ce que vous dites au sujet des personnalités publiques et de leurs attentes, je présume que leurs recours juridiques auraient trait à des éléments qui ne se trouvent pas dans la loi.
D'accord. Où traceriez-vous cette ligne?
Même dans le cas de la cyberviolence sexuelle et de la cyberintimidation, à quel moment cela devient-il de l'intimidation au sens juridique et à quel moment est-ce...? Même les définitions de harcèlement ne sont pas actuelles en ce qui a trait à l'intimidation en ligne et à nos politiques en matière de harcèlement. À quel moment — et ce sont évidemment des questions difficiles — une situation relèverait-elle de votre commissariat plutôt que, par exemple, de la GRC ou à quel moment une poursuite en diffamation serait-elle de mise?
Les services de police seraient inclus... Je crois que cela dépend du degré de gravité. Les services de police seraient évidemment informés si le geste était de nature criminelle ou si le ton allait en ce sens. Je crois que notre objectif, ainsi que celui des organismes, notamment les moteurs de recherche, vise le caractère exact ou complet de l'information dans les cas où le degré de gravité est moindre.
Je crois que peut-être l'une des vertus de ce que nous proposons est de pouvoir intervenir relativement rapidement dans le cas d'agissements qui sont loin d'être de nature criminelle. Selon l'expérience en Europe, 40 % des demandes sont approuvées. C'est donc vraiment un recours pratique et rapide dans une forte proportion des cas. Les services de police participeraient au processus dans les cas beaucoup plus graves.
Merci, madame Vandenbeld.
Comme nous en avons déjà discuté, le commissaire restera au Comité jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de questions. Il nous en reste encore quelques-unes de plus après ceci. Le prochain intervenant est M. Angus, puis je crois que nous aurons M. Erskine-Smith et M. Baylis concernant des petits points. Nous devrions ensuite avoir terminé.
Monsieur Angus, vous avez trois minutes.
Merci beaucoup.
Je regrette de devoir le recommander après l'excellent travail de mes collègues, mais je crois que, si nous envisageons de débattre de l'effacement, de la réputation en ligne et des pouvoirs de rendre des ordonnances, en particulier à ce sujet, nous devrons en discuter davantage.
Je ne suis pas vraiment à l'aise à examiner ce qu'a fait l'Europe. C'est instructif, mais je crois que, si nous regardons le rôle du Canada par rapport aux lois sur le droit d'auteur au cours des 15 dernières années et l'effacement, nous pouvons constater que le Canada a adopté une position unique, comparativement aux Européens avec leur directive sur le commerce électronique et aux États-Unis avec la DMCA. Nous avons un régime d'avis et avis, parce que nous craignions fortement que le pouvoir des titulaires de droits puisse nuire à l'essor d'Internet et porter atteinte aux droits.
Nous avons adopté un régime d'avis et avis, ce qui a permis de placer le Canada dans une position très intéressante, à mon avis. Bref, si nous examinons la protection des droits et la réputation en ligne et la manière de nous assurer de maintenir un équilibre entre le droit de publier et le droit de formuler des commentaires et de contester l'information, je crois que nous devrons vraiment avoir des discussions publiques exhaustives, parce que cela ne vise pas seulement à modifier la réglementation. Cela concerne la manière dont les gens interagissent.
J'aimerais savoir si vous avez examiné le régime canadien en matière d'effacement par rapport à celui des Européens et des Américains, parce que nous avons mis de l'avant une position de compromis intéressante.
Nous nous sommes certainement penchés sur la place qu'occupe la liberté d'expression en Europe, au Canada et aux États-Unis. C'est différent dans ces trois endroits.
Au bout du compte, je crois qu'il est important que j'agisse en m'appuyant sur la loi actuelle pour protéger la réputation des gens, mais en même temps, il y a, comme je le dis dans le document, des questions extrêmement légitimes sur l'équilibre avec la liberté d'expression. Je pense qu'il vaudrait la peine que vous, les élus, examiniez cette question pour la même raison que vous avez évoquée: il y a une manière canadienne d'équilibrer ces intérêts importants.
Je ne peux rien inventer. Je dois appliquer la loi telle qu'elle est, mais vous avez la possibilité d'entendre des experts, des intervenants et des citoyens — le tissu social de notre pays — sur ces questions très importantes, puis de faire des propositions et d'adopter des lois.
Ce que vous dites, c'est que vous avez cerné ces questions que vous jugez importantes et qui exigent un examen plus approfondi pour que nous puissions avoir les outils nécessaires et pour que le Commissariat dispose des outils appropriés qui permettent d'établir un équilibre. Vous demandez au Parlement...
M. Daniel Therrien: Oui.
M. Charlie Angus: ... de s'engager dans ce processus.
Merci, monsieur Angus.
Nous sommes à court de temps, mais il nous reste deux autres interventions. Nous allons entendre M. Erskine-Smith, suivi de M. Baylis.
Monsieur Erskine-Smith.
Ma question concerne, de façon plus générale, le droit à la suppression. D'après ce que je comprends du rapport et de votre témoignage d'aujourd'hui, nous avons un droit à la suppression en vertu de la LPRPDE, selon l'interprétation actuelle.
Pour que les choses soient claires à ce sujet, ma question est la suivante: quelle est la limite de cette jurisprudence? Nous pourrions peut-être en codifier une partie dans nos recommandations, mais voulons-nous aller plus loin que la jurisprudence actuelle? Le cas échéant, pouvez-vous expliquer au Comité jusqu'où nous devons aller et où s'arrête l'interprétation actuelle?
Je vais commencer, et je demanderai à mon collègue, Regan Morris, de compléter ma réponse parce qu'il en sait plus sur ces questions.
Pour moi, le tout s'arrête à l'interprétation raisonnable du libellé actuel de la loi; par conséquent, les droits inhérents accordés reposent sur le caractère exact, complet et à jour des renseignements. Dans certains cas, le déréférencement sera un recours efficace, mais dans d'autres, l'effacement s'imposera comme mesure efficace pour assurer la conformité à ces principes. C'est ce que je dirais.
Regan.
Je ne crois pas avoir grand-chose à ajouter sur ce point. C'est une question difficile. Je pense que cela revient à la recommandation du commissaire, à savoir que le Parlement devrait examiner ces questions, notamment l'équilibre entre la liberté d'expression et les intérêts en matière de vie privée. Cela peut justifier la nécessité d'ajouter des critères supplémentaires à la loi pour régler ces questions et déterminer le bon...
J'ai une brève question complémentaire à poser. Il y a le déréférencement. On a le droit d'effacer les renseignements qu'on a publiés. Ensuite, il y a le droit à l'effacement — et non seulement au déréférencement — en ce qui concerne les renseignements que d'autres personnes ont publiés à notre sujet.
Si je comprends bien, vous estimez que nous devrions avoir un droit au déréférencement qui est clairement établi dans la loi et, dans certains cas, un droit à l'effacement de l'information, mais vous n'iriez pas jusqu'à dire que nous devrions avoir le droit d'effacer les renseignements que d'autres personnes ont publiés, auquel cas d'autres règles devraient s'appliquer, comme celles relevant du domaine de la diffamation.
Je crois que la position énoncée dans le document, c'est qu'il faut établir un équilibre lorsqu'une situation met en cause des commentaires qu'une autre personne a publiés à votre sujet, parce qu'il ne s'agit pas seulement de renseignements personnels que vous avez publiés; il est question des opinions d'une autre personne. Chacun de nous a des droits à la libre expression; cela ne peut donc pas être un absolu. Vous avez la possibilité de retirer ces renseignements.
Que devrions-nous viser au-delà des lois sur la diffamation? En vertu de ces dispositions, je peux intenter une poursuite et faire retirer des renseignements. Souhaitons-nous adopter des règles au-delà de cela lorsqu'il s'agit de renseignements que d'autres personnes ont publiés? C'est précisément ce que font les lois sur la diffamation: elles établissent un équilibre entre la liberté d'expression et la protection de la réputation.
Je me demande si nous parlons de règles différentes qui vont au-delà des lois sur la diffamation lorsqu'il est question de données publiées par d'autres personnes. Du reste, je crois avoir bien compris les deux premiers paragraphes.
Je dirais peut-être deux choses là-dessus.
Il est important de faire la distinction entre un fait et une opinion. L'exactitude se rapporte, bien entendu, aux faits; les opinions, pour leur part, relèvent de la liberté d'expression, et aucune autre entité ne devrait y toucher, à mon avis.
Devrions-nous aller au-delà de la diffamation? Selon moi, si l'information publiée par quelqu'un au sujet d'une autre personne est inexacte sur le plan des faits, cela peut mener à une poursuite en diffamation, mais je pense qu'il serait plus efficace de déréférencer ou d'effacer l'information. Je crois que nous avons affaire aux mêmes considérations de fond. La question est de savoir s'il est acceptable d'avoir deux recours. Je crois que oui: un recours qui est rapide et un autre qui repose sur le principe actuel du droit de la diffamation.
J'ai obtenu la réponse à ma question, du moins en grande partie. J'aimerais toutefois mieux comprendre un point. Je vais utiliser l'exemple de Facebook. Si je publie quelque chose sur Facebook, j'en suis l'auteur. Vous conviendriez que j'ai tout à fait le droit de le supprimer. J'en ai le plein droit.
M. Daniel Therrien: Oui.
M. Frank Baylis: Si je publie quelque chose et que quelqu'un en prend une partie ou la totalité pour la partager ou la publier sur sa page Facebook, je peux décider d'effacer ma page. Ensuite vient la question du déréférencement ou des droits que j'exerce sur la page Facebook de cette autre personne qui a utilisé mon information que j'ai pourtant publiée en sachant que d'autres auraient le droit de l'utiliser. Disons que je fais la même chose dans le cas d'un livre que je publie. Cela relève aussi du droit d'auteur. Une fois que j'affiche quelque chose, j'ai le droit d'effacer moi-même cette information.
Que pensez-vous, pour les fins de la discussion, de mon droit d'imposer le déréférencement ou l'effacement de la page Facebook d'une autre personne?
Si on devait acquiescer à la demande de retirer l'information sur la page Facebook de l'autre personne, le demandeur aurait d'abord à démontrer que l'information est inexacte. Si la source de l'information correspond à ce que la première personne a publié, alors cela pourrait s'avérer assez difficile.
La première exigence est de prouver l'inexactitude ou le caractère incomplet ou désuet. Supposons qu'il s'écoule 10 ans entre la publication originale et la deuxième publication, si bien que la première personne prétend maintenant que l'information n'est plus à jour. Dans ce cas, les chances sont plus grandes. Ensuite, l'organisation aurait à distinguer les faits. Sont-ils toujours d'actualité, selon la deuxième personne? Si la question en cause porte sur une opinion de la deuxième personne, alors cela ne devrait pas mener à un effacement.
Supposons que l'information publiée soit exacte au moment de l'effacement, mais la personne qui l'a publiée a, comme vous avez dit, tout à fait le droit de l'effacer. J'ai affiché une information qui est juste. Elle demeure exacte, mais je veux l'effacer. Je ne veux tout simplement plus la partager. Hélas, entretemps, quelqu'un a pris cette information et l'a publiée ailleurs.
Quel serait, selon vous, mon droit dans une telle situation en ce qui concerne le retrait d'une information que j'ai publiée et qui demeure exacte?
L'exactitude serait un facteur, mais la liberté d'expression de la deuxième personne devrait être prise en considération dans pareille situation. Ainsi, le droit à l'effacement ne serait pas absolu. Il faudrait tenir compte des droits à la libre expression de la deuxième personne avant que la demande soit vérifiée.
Je vais expliquer pourquoi je pose la question. Disons que je suis Facebook, la société, et que toute information publiée sur Facebook est copiée sur mon deuxième serveur, qui m'appartient; du coup, je vais retirer l'information de mon premier serveur et l'enregistrer dans mon deuxième serveur. On y dit que Frank Baylis était telle ou telle personne — on utilise l'imparfait au lieu du présent —, et c'est là toute l'information qui est encore disponible.
Comment puis-je extraire quelque chose si nous n'avons pas certains droits de retrait, sans recourir à l'argument de l'exactitude?
Je n'ai pas de réponse précise à donner, mais je n'accorderais pas la priorité au droit de l'organisation à l'information en question. Au bout du compte, l'information appartient à la personne, et la LPRPDE vise à protéger...
Supposons que ce ne soit pas l'organisation, mais un type vraiment intéressé qui recueille des renseignements sur des milliers de personnes. Ce n'est qu'une personne. Il affiche ces renseignements parce que c'est ce qu'il aime faire.
C'est sans doute pourquoi les profils deviennent inexacts avec le temps. Cela a trait au contrôle qu'exercent les individus. Si Daniel Therrien publie une information sur les médias sociaux à un moment donné, je peux la supprimer ou la retirer parce que je n'en veux plus et parce que c'est mon information, mais d'autres personnes ne devraient pas pouvoir la retirer d'Internet, la placer ailleurs et la rendre disponible après 3, 5 ou 10 ans lorsque je ne veux plus que cette information soit là. C'est toujours la mienne. On ne peut pas exercer un contrôle sur l'information si d'autres personnes peuvent, je le répète, l'enlever tout bonnement d'Internet.
Nous tenterons notre coup. Nous pouvons vous répondre par écrit. Ce ne sont pas des questions faciles.
Monsieur Baylis, cela vous convient-il?
Nous avons dit que nous allions poursuivre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de questions. Y a-t-il d'autres questions pour M. Therrien?
Monsieur Gourde.
[Français]
Ma question fait suite, en quelque sorte, à ce qu'a dit M. Baylis.
À la Chambre, nous pouvons débattre pendant 10 ou 15 minutes d'un sujet donné, mais certains médias d'information peuvent ne citer que le début d'une phrase, la moitié ou la fin d'une autre que nous avons prononcée à différentes occasions. Ils remettent ces bouts ensemble et une nouvelle phrase vient d'être inventée. Cette phrase n'a jamais été prononcée ainsi, mais tous les mots sont là. Ensuite, elle est publiée sur Facebook et rapportée à la télévision ou à la radio.
En tant que députés, avons-nous des recours contre cela? Tout est filmé par la chaîne parlementaire, mais la phrase en question n'a jamais été prononcée textuellement; elle a été coupée.
Je n'ai pas analysé cette question dans le détail, mais je dirais que votre recours serait probablement de vous exprimer comme parlementaires et personnes de notoriété publique pour réfuter la pratique du média en question.
[Traduction]
Merci.
Ayant moi-même vécu la même chose lorsqu'une de nos publications nationales m'avait attribué des propos que je n'avais pas tenus, je peux comprendre ce problème.
Merci, monsieur Therrien.
Madame Vandenbeld.
Je ne veux pas ouvrir une autre boîte de Pandore, mais pour revenir à la question de M. Saini, qu'arriverait-il si le serveur d'où provient l'information obtenue par cette personne se trouvait dans un autre pays et ne relevait pas de notre compétence? Comme nous le savons, quand on publie quelque chose sur Internet, c'est à l'échelle internationale.
La LPRPDE prévoit des règles sur-le-champ d'application de la loi et la compétence du Commissariat sur les activités à l'extérieur du Canada. Pour que la LPRPDE s'applique, il doit y avoir un lien suffisant avec les activités commerciales au Canada. Dans bien des cas, les entreprises étrangères mènent des activités commerciales qui ont un lien important avec la population canadienne. Elles offrent des services aux Canadiens, et cela signifie que la LPRPDE s'applique même si l'entreprise se trouve à l'extérieur du Canada.
[Français]
[Traduction]
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