:
Merci, monsieur le président.
Au nom de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, j'ai le plaisir d'être ici pour contribuer à vos discussions sur la protection des renseignements personnels dans les aéroports et aux postes frontaliers du Canada. Je suis accompagné de Robert Mundie, vice-président par intérim de la Direction générale des services internes, et chef de la protection des renseignements personnels de l'Agence.
[Français]
L'Agence est déterminée non seulement à maintenir le droit des Canadiens à la protection de leur vie privée, mais également à assurer leur sécurité. Nos agents sont formés pour effectuer tous les contrôles frontaliers en respectant le plus possible la vie privée.
La collecte d'information par l'Agence a toujours été faite de façon à établir un équilibre entre la protection de la frontière et de la sécurité nationale et la protection de la confidentialité des renseignements qui lui sont confiés.
Actuellement, en vertu de la Loi sur les douanes et de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, nous recueillons des données biographiques courantes inscrites sur le passeport, soit le nom, la date de naissance et la citoyenneté. Les données biométriques telles que les empreintes digitales sont recueillies dans certaines situations où un visa est nécessaire.
Ces données sont transmises à des partenaires internationaux selon les besoins et sont protégées par des lois, des traités internationaux et des ententes bilatérales d'échange d'information.
[Traduction]
La collecte de données est presque toujours faite automatiquement, par exemple par le balayage de la zone de lecture automatique du passeport, pour réduire le risque d'erreur. Une fois recueillis, les renseignements peuvent être transmis systématiquement au cas par cas.
[Français]
Par exemple, les données sont régulièrement transmises, systématiquement, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et à Statistique Canada. Elles peuvent être transmises au besoin à la GRC et au Service canadien du renseignement de sécurité dans le cadre d'une enquête active.
Des programmes et des politiques solides en matière de protection des renseignements personnels sont en place et visent à orienter la transmission et l'utilisation des renseignements.
Nous avons conclu une déclaration d'entente mutuelle avec les États-Unis, en plus de divers protocoles d'entente qui mettent en évidence les principes de protection des renseignements personnels que les deux parties se doivent de respecter.
En outre, nous consultons régulièrement le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et nous avons préparé des analyses détaillées des facteurs relatifs à la vie privée pour diverses initiatives.
[Traduction]
Par exemple, dans le cadre de l'initiative sur les entrées et les sorties, ou le projet de loi , on a soumis une analyse des facteurs relatifs à la vie privée pour chaque phase du projet, et mis en oeuvre toutes les recommandations formulées par le commissaire à la protection de la vie privée. Et nous mobiliserons davantage le Commissariat à la protection de la vie privée, ou CPVP, si le projet de loi reçoit la sanction royale.
[Français]
Nous protégeons les renseignements personnels par l'entremise d'un accès restreint au système en ayant recours à des profils d'utilisateurs. De plus, des instructions détaillées ont été fournies aux utilisateurs sur la façon dont l'information peut être transmise. Par exemple, ils doivent respecter des échéances strictes relatives à la conservation et à la destruction des renseignements.
Les personnes peuvent présenter une demande d'accès à l'information à l'Agence pour obtenir leurs antécédents de voyage, y compris les données sur les entrées et, pour les ressortissants de pays tiers et les résidents permanents, les données sur les sorties du Canada.
[Traduction]
Dans les cas où les personnes ont des questions ou souhaitent soulever des incohérences, elles peuvent demander que l'Agence modifie ou corrige l'information. Si l'Agence convient que l'information doit être modifiée, elle informera, automatiquement et systématiquement, toute autre partie ayant reçu l'information sur la correction.
En résumé, l'Agence recueille des renseignements pour réaliser son mandat relatif à la sécurité nationale, la gestion frontalière et l'intégrité du programme d'immigration. Elle ne transmet l'information que lorsque c'est pertinent, et nécessaire à l'administration des douanes et des lois en matière d'immigration, et elle le fait de façon proportionnelle.
Avant de conclure, je souhaite dire quelques mots concernant un enjeu qui intéresse le Comité, soit le contrôle des dispositifs électroniques au poste frontalier.
[Français]
Comme les membres du Comité le savent, les tribunaux confirment depuis longtemps que les passages par les frontières internationales sont volontaires et que les voyageurs ont des attentes moindres en matière de protection de la vie privée, en particulier lorsqu'ils arrivent aux frontières d'un pays ou en repartent.
L'Agence utilise de nombreux moyens pour informer les voyageurs de ce à quoi ils doivent s'attendre, ainsi que de leurs droits et de leurs obligations. Les voyageurs savent qu'ils peuvent faire l'objet de contrôles approfondis, tout comme leurs marchandises.
Dans ce contexte, en vertu de la Loi sur les douanes, les agents des services frontaliers ont le pouvoir d'examiner les marchandises à des fins liées à l'administration des douanes. Les marchandises sont définies au paragraphe 2(1) de la Loi comme « tout document, quel que soit son support », ce qui comprend donc les documents électroniques.
[Traduction]
Les contrôles des appareils numériques et multimédias doivent toujours être effectués en établissant un lien clair avec l'administration ou l'application des lois relatives au programme entrant dans le mandat de l'Agence, qui régissent les mouvements transfrontaliers des personnes et des marchandises. Les voyageurs ont également l'obligation, en vertu de l'article 13 de la Loi sur les douanes, de présenter leurs marchandises et de les déballer si l'agent frontalier leur demande de le faire. Compte tenu du fait qu'il est possible qu'un mot de passe soit nécessaire pour l'ouverture et l'examen de documents se trouvant sur des appareils électroniques, les agents peuvent obliger les voyageurs à fournir ce mot de passe, ce que les voyageurs doivent faire pour respecter leurs obligations. Le contrôle des appareils électroniques pourrait permettre de mettre au jour un éventail d'infractions relatives aux douanes. Par exemple, les reçus électroniques peuvent prouver que des marchandises ont été volontairement sous-évaluées ou non déclarées. Par ailleurs, les appareils électroniques peuvent contenir des marchandises interdites comme des fichiers de pornographie juvénile. Je tiens à souligner, toutefois, que la politique de l'Agence est claire: les appareils électroniques ne doivent pas faire l'objet de contrôles réguliers.
[Français]
En réalité, les agents ont reçu l'ordre de ne pas procéder à un contrôle à moins qu'il n'y ait un certain nombre d'indicateurs selon lesquels les appareils pourraient contenir des éléments de preuve d'une infraction.
Selon la politique de l'Agence, les agents doivent désactiver la connectivité sans fil et Internet lorsqu'ils font le contrôle d'un appareil, et ce, afin de ne pas examiner les documents qui ne sont pas directement stockés sur l'appareil. Par exemple, ils ne doivent pas examiner l'information stockée ailleurs mais accessible à partir d'un appareil mobile ou d'un ordinateur portable, comme des comptes sur les médias sociaux ou d'autre information stockée à distance à l'aide du nuage, par exemple. Par ailleurs, les agents ne peuvent pas obliger un voyageur à fournir le mot de passe de comptes qui sont hébergés à distance ou en ligne.
En conclusion, l'Agence prend au sérieux ses responsabilités en matière de protection de la vie privée.
[Traduction]
Nous serons heureux de connaître le point de vue du commissaire à la protection de la vie privée à cet égard et continuerons de travailler de concert avec le Commissariat pour renforcer non seulement nos capacités d'échanges d'informations, mais aussi nos approches à la collecte, au stockage, à la conservation et à la destruction de renseignements personnels.
Merci, monsieur le président. Nous répondrons avec plaisir aux questions des membres du Comité.
Avant de vous présenter tout le monde, je tiens à préciser que l'Association du Barreau canadien a présenté un mémoire complet en anglais et son résumé en français. Je dois donc obtenir le consentement unanime pour permettre la distribution de ces documents aux membres du Comité.
Avons-nous le consentement unanime?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci. Ces documents seront distribués. Je vais présenter nos témoins pendant ce temps.
Je vous souhaite encore une fois la bienvenue à la 69e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Conformément au sous-alinéa 108(3)h)(vii) du Règlement, nous menons une étude sur la protection des renseignements personnels des Canadiens aux postes frontaliers, dans les aéroports et voyageant aux États-Unis.
Nous accueillons donc, de l'Association du Barreau canadien, Cyndee Todgham Cherniak, membre à titre particulier, Taxe à la consommation, douanes et commerce, ainsi que David Fraser, membre de l'exécutif, Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information.
À titre personnel, nous accueillons Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, ainsi que Kris Klein, associé, nNovation LLP.
Nous entendrons d'abord les témoins de l'Association du Barreau canadien. Ils ont 10 minutes.
:
Monsieur le président et honorables membres du Comité, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à comparaître et nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui au nom de la Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information, de la Section du droit de l’immigration et de la Section de la taxe à la consommation, des douanes et du commerce de l'Association du Barreau canadien, ainsi qu'au nom de l'Association canadienne des conseillers et conseillères juridiques d'entreprises et du Sous-comité de déontologie du Comité des politiques du conseil d'administration de l'ABC, afin de vous présenter nos points de vue sur la protection des renseignements personnels des Canadiens aux postes frontaliers, dans les aéroports et voyageant aux États-Unis.
L'ABC est une association nationale composée de 36 000 avocats, étudiants en droit, notaires et universitaires. Une partie importante du mandat de l'ABC consiste à tenter d'améliorer la loi et l'administration de la justice. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Je m'appelle David Fraser. Je suis membre exécutif de la Section du droit de la vie privée et de l'accès à l'information. Je représenterai les sections de l'ABC qui ont préparé les mémoires sur la question que nous avons remis au Comité. Je suis accompagné de Cyndee Todgham Cherniak, membre exécutif de la Section de la taxe à la consommation, des douanes et du commerce.
Il est nécessaire de recueillir une certaine quantité de renseignements — et on s'y attend certainement — à la frontière. Cela ne fait aucun doute. Ce qui nous préoccupe particulièrement, et cela préoccupe aussi l'Association du Barreau canadien, ce sont les limites de cette cueillette, la mesure dans laquelle on augmente ces limites et la possibilité qu'on ne tienne pas compte des principes fondamentaux de notre Charte lors de la modification de ces limites. Dans notre document, nous avons formulé des commentaires sur le projet de loi , qui concerne les modifications à la Loi sur les douanes, et sur le projet de loi , qui concerne les activités de prédédouanement.
Nous sommes très préoccupés par le pouvoir discrétionnaire illimité que le projet de loi accorde à l'ASFC lorsqu'il s'agit de fouiller les gens qui quittent le Canada.
Nous sommes également très préoccupés au sujet du projet de loi , car il semble, de façon générale, ne pas tenir compte de la Charte et des normes canadiennes, car des agents d'application de la loi non canadiens ont le pouvoir d'effectuer des fouilles invasives en sol canadien. Nous sommes préoccupés par des pouvoirs généraux qui permettent d'interroger les personnes qui renoncent à entrer aux États-Unis. Nous sommes préoccupés à l'idée que des agents américains peuvent, par exemple, mener une fouille à nu au Canada même lorsqu'un agent de l'ASFC s'y oppose. Il semble qu'en général, il n'y a aucune obligation de rendre des comptes, et cela nous préoccupe.
Manifestement, les appareils électroniques et la protection des renseignements personnels qu'ils contiennent nous préoccupent énormément. Les avocats ont observé qu'on fouille de plus en plus les appareils numériques, et c'est ce qu'on entend également. L'ASFC utilise essentiellement des lois sur les bagages élaborées avant les années 1980 pour justifier une invasion massive dans les renseignements numériques.
Les dispositions de la Loi sur les douanes dont il est question ont été rédigées avant les années 1980, c'est-à-dire avant les ordinateurs portables, les téléphones intelligents et les clés USB. Entretemps, la Cour suprême du Canada a indiqué très fermement que tous les Canadiens avaient des renseignements personnels qui devaient être protégés dans leurs ordinateurs, leurs ordinateurs portables et leurs téléphones intelligents. L'ASFC n'a apparemment pas tenu compte de cette information. En effet, les gens voyagent avec une énorme quantité de renseignements personnels, et les intervenants de l'ASFC soutiennent qu'ils peuvent avoir accès à ces renseignements légalement et à leur guise. Ils soutiennent qu'ils ne le font pas, mais si la loi était appliquée de la façon dont ils la décrivent, elle leur permettrait de le faire à leur guise. Nous soutenons que cette pratique est probablement inconstitutionnelle et qu'elle doit être examinée attentivement par le Parlement.
Nous sommes également préoccupés par le partage des renseignements, car le diable est dans les détails. Je parle des enjeux liés au partage de renseignements entre des organismes administratifs et des organismes d'application de la loi, entre un organisme d'application de la loi et un autre, entre les organismes fédéraux et provinciaux, entre les entreprises privées et les gouvernements, et vice versa. Nous pensons que cette pratique doit être examinée très attentivement, car ces renseignements circulent très rapidement. Ensuite, il faut ajouter à cela le partage de renseignements entre les gouvernements, qui devient manifestement de plus en plus fréquent, et cela doit nous inquiéter.
Ma collègue, Cyndee, vous parlera des autres enjeux que nous avons abordés.
:
L'Association du Barreau canadien accorde une grande importance au secret professionnel qui lie un avocat à son client. En effet, le secret professionnel est essentiel au bon fonctionnement du système juridique canadien. Par conséquent, il faut prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le secret professionnel qui lie un avocat à son client soit protégé dans les aéroports canadiens, dans les ports d'entrée au Canada et dans les zones de prédédouanement américaines en sol canadien.
La Cour suprême du Canada a souvent insisté sur le fait que le secret professionnel doit demeurer un privilège aussi absolu que possible et qu'on ne devrait pas interférer avec ce privilège, sauf lorsque c'est absolument nécessaire. Dans les rares cas où c'est nécessaire, on doit s'appuyer sur un texte législatif qui indique explicitement qu'on peut interférer avec ce privilège, et des mesures de protection législative doivent s'appliquer. La plupart des gens, y compris les avocats et leurs clients, voyagent avec des documents protégés par le secret professionnel dans leurs ordinateurs portables, leurs téléphones intelligents, leurs clés USB, etc.
Il est essentiel que l'ASFC et les douanes américaines — lorsqu'elles mènent leurs activités au Canada — observent une politique et un processus transparents lorsqu'il s'agit du secret professionnel qui lie un avocat à son client. Lorsque ce privilège est invoqué, les tribunaux canadiens, et non l'ASFC ou les agents frontaliers américains, devraient déterminer la validité de ces allégations.
L'Association du Barreau canadien a formulé plusieurs recommandations qui se trouvent dans les mémoires qui ont été fournis au Comité.
Tout d'abord, l'ABC recommande la création d'un groupe de travail composé de représentants de l'Association du Barreau canadien, de Justice Canada et de l'ASFC pour collaborer à l'élaboration d'une politique précise concernant les fouilles à la frontière canadienne lorsque des documents protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client sont visés.
Deuxièmement, l'ABC recommande que l'ASFC diffuse sa politique relative au secret professionnel sur son site Web. En effet, il est intéressant de noter qu'actuellement, cette politique n'est pas diffusée à tous ceux qui souhaitent l'utiliser pour demander l'ASFC à rendre des comptes. Dans ses mémoires, l'ABC a formulé plusieurs recommandations liées au contenu du bulletin opérationnel actuel en ce qui concerne le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Veuillez consulter ces mémoires et nos recommandations.
Le Comité devrait recommander fermement au gouvernement canadien d'exiger que les douanes américaines adoptent une politique écrite sur le secret professionnel qui soit transparente et consultable et qui s'applique à toutes les activités de prédédouanement menées en sol canadien. Les mémoires fournis par l'ABC abordent également la question de la surveillance exercée à l'égard de l'ASFC dans des domaines tel le partage de renseignements avec d'autres ministères et d'autres pays. Des mécanismes de reddition de comptes solides sont essentiels pour assurer la légitimité et l'efficacité de nos organismes de sécurité nationale, ainsi que la confiance du public à leur égard.
Le Comité devrait recommander que le gouvernement du Canada mette en place des mécanismes de surveillance et de plaintes efficaces en ce qui concerne l'ASFC, et qu'un mécanisme et un processus transparents pour les Canadiens et les résidents canadiens soient mis en oeuvre pour contester la cueillette de leurs renseignements dans les aéroports et aux frontières. Tout modèle de surveillance adopté doit prévoir un solide mécanisme d'examen. On devrait mettre en oeuvre des procédures vérifiables pour veiller à ce que tous les renseignements obtenus de façon inappropriée soient supprimés des bases de données de l'ASFC et de celles des douanes américaines.
Je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup. Bonjour.
Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. J'ai témoigné à plusieurs reprises devant le Comité au sujet de questions liées à la protection des renseignements personnels, même si ce n'était pas toujours dans une aussi belle salle. Comme toujours, je comparais à titre personnel et je ne représente que ma propre opinion.
Je suis reconnaissant au Comité de son engagement à l'égard de la protection des renseignements personnels et de ses efforts en vue de mettre en évidence les problèmes liés à la protection des renseignements personnels dans les aéroports et aux postes frontaliers. Les médias ont régulièrement fait état de ces questions, comme vous le savez. Les gens craignent les fouilles d'appareils à la frontière; on entend parler de cas où l'échange de renseignements dépasse les attentes les plus raisonnables, et on s'inquiète de plus en plus de l'approche adoptée par les autorités judiciaires et douanières américaines en ce qui concerne les droits à la protection des renseignements personnels des non-citoyens et des résidents non permanents.
Ces histoires nous interpellent, comme on vient de le constater il y a quelques minutes en écoutant la discussion de M. Long avec le dernier groupe de témoins. Tout le monde semble avoir sa propre histoire. Parmi les récents incidents, mentionnons le cas d'un résidant du Québec qui ne voulait pas fournir le mot de passe de son cellulaire. On l'a fouillé à la frontière canadienne à Halifax. L'individu a fini par se faire arrêter pour avoir refusé de fournir le mot de passe, comme on le lui avait demandé. On prétendait qu'il avait entravé une enquête. Dans un autre incident, un homme canadien s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis après que les agents du service des douanes et de la protection frontalière des États-Unis lui ont demandé d'ouvrir son cellulaire et de leur donner accès à ses applications. Il y a eu un autre incident mettant en cause un photojournaliste canadien qui a subi une inspection semblable alors qu'il était en route vers Standing Rock. Les agents ont photocopié son journal personnel et lui ont demandé de fournir les mots de passe de ses trois téléphones cellulaires, ce qu'il a refusé de faire en raison de son obligation éthique de protéger ses sources. Les téléphones ont été confisqués et retournés plusieurs heures plus tard, mais les cartes SIM étaient recouvertes d'un ruban de protection, ce qui laisse entendre qu'elles avaient été retirées et copiées.
De nos jours, la protection des renseignements personnels aux postes frontaliers semble retenir l'attention de tout le monde. Je pense qu'il vaut la peine de se demander pourquoi. À mon avis, il y a au moins trois sources d'inquiétude qui aident à dégager des pistes de solution en matière de politiques.
Premièrement, beaucoup de gens estiment que les postes frontaliers représentent des zones non assujetties à la protection des renseignements personnels, c'est-à-dire des endroits où les agents ont le droit de demander les renseignements qu'ils souhaitent et d'utiliser n'importe quel moyen pour les acquérir. Je connais des experts techniques qui effacent régulièrement des renseignements sur leurs téléphones cellulaires ou qui établissent des comptes de médias sociaux destinés aux passages frontaliers afin de dissiper les craintes de fouilles envahissantes, tant physiques que numériques, au moment de traverser la frontière.
Deuxièmement, comme ces histoires le laissent entendre, la nature des fouilles elles-mêmes — et plusieurs personnes en ont déjà parlé — a changé radicalement au cours des dernières années, sans que les garanties juridiques évoluent au même rythme. C'est une chose que de savoir que vos effets personnels pourraient être fouillés. Pourtant, aujourd'hui, nous savons tous que nos appareils et les renseignements qu'ils contiennent peuvent présenter une histoire beaucoup plus personnelle, comme notre dimension sociale, l'historique de nos déplacements, nos habitudes de lecture, nos personnes-ressources et l'historique de nos achats. En fouillant ces renseignements, les agents pourraient littéralement accéder à presque tout sur notre compte. Devant l'éventualité d'une telle fouille, qui se fait parfois sans les garanties appropriées, beaucoup de gens pourraient se sentir vulnérables, et à juste titre. Les données indiquent, comme l'ont mentionné les témoins du dernier groupe, qu'aux États-Unis à tout le moins, ces formes de fouilles augmentent rapidement. En fait, aux États-Unis, certaines politiques prévoient que de telles fouilles peuvent être effectuées, peu importe s'il existe des motifs raisonnables ou non.
Troisièmement, et cela risque d'être difficile à admettre, mais une partie de l'inquiétude découle du fait que la frontière américaine est la plus importante pour les Canadiens. Ce n'est pas seulement une observation sur l'administration actuelle des États-Unis. Cela tient compte plutôt des préoccupations de longue date au sujet de l'approche des États-Unis à l'égard de la protection des renseignements personnels et de la peur que les mesures de protection des États-Unis soient plus faibles que celles du Canada. Par exemple, l'adoption de la USA Patriot Act après les attentats du 11 septembre a ouvert la porte à un accès élargi aux renseignements personnels, sans les garanties traditionnelles. Plus de 10 ans plus tard, les révélations de Snowden ont renforcé les efforts massifs de collecte de données liées au renseignement électromagnétique et aux organismes d'application de la loi. Plus récemment, le décret de l'administration Trump visant à renverser les efforts destinés à établir la protection des renseignements personnels des citoyens et des résidents non américains a, une fois de plus, attiré l'attention sur cette question.
Que pouvons-nous faire à cet égard? Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a soulevé des questions comme l'échange des renseignements à la frontière, le décret des États-Unis et les fouilles effectuées par l'ASFC, et je crois qu'il a su fournir un excellent contexte et de très bons conseils.
J'aimerais faire brièvement quelques observations supplémentaires sur quatre questions.
Premièrement, je crois que votre comité et plusieurs autres comités ont fait un excellent travail en ce qui a trait à la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme vous le savez, cette question revient régulièrement sur le tapis au sein du Comité. Certains aspects de la législation canadienne sur la protection des renseignements personnels auraient dû mis à jour il y a longtemps. En effet, les appels en faveur de réformes se multiplient depuis des décennies.
Il est possible de régler certaines des préoccupations liées à la protection des renseignements personnels dans les aéroports au Canada par l'entremise, notamment, de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Vous avez proposé des réformes pour accorder des pouvoirs accrus au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, ce qui lui permettrait d'examiner les questions frontalières de manière plus globale et de soumettre les ententes d'échange transfrontalier à des examens plus minutieux. Vous avez recommandé des réformes; il est maintenant temps de passer à l'action.
Deuxièmement, l'échange de renseignements au sein du gouvernement — et M. Fraser vient de nous en parler — demeure une source d'inquiétude. En effet, certains des incidents les plus notables mettant en cause des abus ou des comportements douteux à la frontière surviennent en raison d'un échange de renseignements entre gouvernements ou ministères. La Loi sur la protection des renseignements personnels et le Commissariat à la protection de la vie privée sont censés créer des mesures de protection contre l'utilisation à mauvais escient des renseignements personnels ou contre l'utilisation des renseignements à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été recueillis. Toutefois, au cours des dernières années, nous avons assisté à des pressions accrues pour que l'information circule beaucoup plus entre les gouvernements et les ministères.
Le projet de loi , qui, comme nous le savons tous, a suscité de nombreuses critiques, prévoyait une expansion importante de l'échange de renseignements entre les administrations gouvernementales, entravant ainsi, selon moi, l'efficacité de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Malheureusement, à la suite des modifications prévues dans le projet de loi, les dispositions concernant l'échange de renseignements n'ont subi que des amendements modestes. L'échange de renseignements était considéré comme un avantage, et non pas un inconvénient, et je dois préciser que le Parti libéral était alors dans l'opposition.
Le projet de loi , qui vise à modifier le projet de loi , laisse intactes bon nombre des dispositions portant sur l'échange de renseignements. En l'occurrence, il faut concilier deux besoins. En premier lieu, je crois que nous reconnaissons tous que le gouvernement doit être en mesure d'utiliser les renseignements qu'il recueille, et ce, de façon raisonnable et efficace. En deuxième lieu, les citoyens doivent avoir l'assurance que leurs renseignements ne seront pas utilisés à mauvais escient. Cette assurance découle des garanties législatives et des mécanismes de surveillance efficaces. Il y a lieu de croire que nous n'avons pas encore atteint un juste équilibre.
Troisièmement, comme l'a mentionné le commissaire à la protection des renseignements personnels du Canada, le droit canadien doit s'appliquer en sol canadien lorsqu'il s'agit d'aborder ces questions, surtout en ce qui a trait à la Charte. Réduire les soi-disant frictions à la frontière est un objectif louable. Aucun voyageur ne veut subir de longues files d'attente ou des retards considérables et, bien entendu, cela vaut aussi dans le contexte commercial. Cependant, la rapidité a un prix, et l'idée de sacrifier la Charte canadienne des droits et libertés en territoire canadien est, à mon avis, une mauvaise solution. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs confirmé la validité des fouilles non autorisées d'appareils, et ces principes devraient s'appliquer en sol canadien d'une manière semblable à ce qui se fait à la frontière.
Quatrièmement, alors que les négociations de l'ALENA battent leur plein cette semaine à Ottawa, je crois qu'il est important de faire le lien entre les pourparlers sur le libre-échange et la question à l'étude. Bien que l'accord ne consacre aucun chapitre à la protection des renseignements personnels dans les aéroports, du moins pas à ma connaissance, l'ALENA aborde bon nombre de questions connexes. Des pressions seront exercées — nous savons que c'est déjà le cas — pour accélérer les mouvements transfrontaliers dans le but d'intensifier les échanges commerciaux. Par ailleurs, le chapitre sur le commerce numérique, soit l'ancien chapitre sur le commerce électronique, inclura, selon toute vraisemblance, des dispositions interdisant certains types de localisation de données et des restrictions concernant les transferts de données. L'ALENA n'est pas, bien sûr, une entente sur la protection des renseignements personnels, mais ses répercussions se feront sentir dans ce domaine.
L'Union européenne a régulièrement établi un lien entre, d'une part, le respect de la vie privée et la protection des données et, d'autre part, le commerce. Nous devrions en faire autant, c'est-à-dire reconnaître que ces questions sont reliées et que les recommandations stratégiques émanant de votre comité dans ce dossier doivent être inscrites à l'ordre du jour des négociations. En fait, j'ajouterais même que les États-Unis cherchent maintenant à accorder aux Européens des mesures de protection des renseignements personnels dans le cadre du bouclier de protection des données. D'autres pays, comme l'Australie durant les négociations du Partenariat transpacifique, ont joui du même degré de protection. Certes, le Canada peut se servir des discussions sur l'ALENA pour faire en sorte que les Canadiens se voient accorder, eux aussi, la même protection que celle offerte aux citoyens d'autres pays en dehors des États-Unis.
Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci de m'avoir invité.
Quand j'enseigne le droit en protection des renseignements personnels, une des premières choses que nous faisons au début de la session, c'est de tenir une discussion sur l'attente raisonnable en matière de vie privée pour déterminer en quoi elle consiste. Cela aboutit toujours à un débat intéressant, surtout parmi les jeunes étudiants en droit, qui n'hésitent pas à dire que l'attente raisonnable en matière de vie privée est omniprésente dans tous les domaines. Ils prétendent que c'est partout, mais ce n'est pas le cas.
Voilà pourquoi vous avez cette discussion d'aujourd'hui. D'une part, nous avons nos cellulaires, et nous avons déjà entendu des témoins dire que nous avons évidemment une très grande attente en matière de vie privée pour ce qui est de la protection des renseignements personnels contenus dans ces appareils. Même la Cour suprême est arrivée à la même conclusion, à savoir que les appareils électroniques suscitent une attente accrue en matière de vie privée.
D'autre part, nous avons les frontières, et — ce n'est pas une blague — les tribunaux du Canada ont fermement défendu la position selon laquelle nous n'avons aucune attente en matière de vie privée à la frontière. Voici un extrait d'une décision rendue en 2006 par la Cour d'appel de l'Ontario:
La personne qui entre au Canada ne peut raisonnablement s'attendre à ce que l'État ne s'informe d'aucune manière sur son compte, ni à avoir le loisir de se soumettre à l'interrogatoire de routine destiné aux personnes cherchant à entrer au Canada. [...] L’État se doit de transgresser le principe de respect de l’autonomie individuelle et de la vie privée des personnes cherchant à entrer au Canada. Ces personnes doivent accepter une action de l’État qui, dans une certaine mesure, porte atteinte à leur liberté individuelle, et s’y soumettre de bonne grâce en contrepartie de l’obtention du droit d’entrée au Canada.
Nous sommes donc en présence de deux forces opposées, et je félicite le Comité d'essayer d'en venir à bout et de formuler des recommandations valables. Il vaut mieux concentrer nos efforts sur ce que nous faisons ici et trouver des solutions concrètes pouvant être imposées au Canada, plutôt que d'essayer de déterminer quoi faire pour corriger les droits relatifs à la protection des renseignements personnels des Canadiens aux États-Unis, ce qui est une tâche très difficile à accomplir à partir d'ici.
Cela dit, le commissaire à la protection de la vie privée a formulé quelques recommandations à cet égard, et je l'en félicite. Par exemple, et Me Geist y a fait allusion, si les Européens ont droit au bouclier de protection des données, pourquoi le Canada n'a-t-il pas quelque chose de semblable? Le point de départ, c'est la Judicial Redress Act des États-Unis, et le commissaire à la protection de la vie privée a fait une observation à ce sujet: la solution simple serait d'ajouter le Canada à la liste des pays bénéficiant d'une protection aux termes de cette loi américaine. Donc, cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien à faire pour aider les Canadiens lorsqu'ils sont à l'étranger; nous devons néanmoins reconnaître que, si une personne se trouve à l'étranger, son droit à la vie privée ne sera pas le même que celui dont elle jouit au pays.
Le dernier point que j'aimerais faire valoir est ceci: concentrons-nous sur ce que nous pouvons faire au Canada, et je ne le répéterai pas parce que Me Geist l'a très bien dit: la Loi sur la protection des renseignements personnels doit faire l'objet d'une réforme. Mettons de l'ordre dans nos propres affaires. Il s'agit d'une vieille loi qui a grandement besoin d'être modernisée. Je vais m'arrêter là.
Au cours des dernières années, la Cour suprême du Canada a clairement reconnu la valeur très élevée qu’elle accorde à la protection des renseignements personnels qui figurent dans ces appareils. Ceux-ci se trouvent complètement au haut de l’échelle. Vous pouvez obtenir un mandat de perquisition pour fouiller une maison. Toutefois, si elle contient un ordinateur, vous aurez besoin d’un mandat de perquisition supplémentaire pour fouiller cet ordinateur. En fait, dans une affaire récente, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’une légère entorse à ce principe pouvait être faite dans certaines circonstances, à savoir une fouille liée à l’arrestation. En établissant une analogie avec le genre d’impératifs de sécurité qui existent à la frontière, on constate qu’il y a, entre autres, des enjeux liés à la sécurité des agents et à la destruction d’éléments de preuves, mais la Cour suprême du Canada a indiqué qu’en temps normal, vous ne pouvez jamais fouiller cet appareil sans un mandat de perquisition. Cependant, dans le cas d’une fouille liée à l’arrestation, nous allons vous permettre d’entrer dans l’appareil, mais seulement d’une façon très soigneuse et contrôlée.
En fait, il peut y avoir un juste milieu, c’est-à-dire la documentation exacte de ce que vous faites, de la façon dont vous le faites et des raisons pour lesquelles vous le faites. J’estime aussi qu’une partie du problème est lié au fait qu’il est trop facile pour l’AFSC de s’introduire dans ces appareils. Les membres de l’AFSC ont leurs politiques et leurs procédures, mais, selon la Loi, telle qu’ils semblent l’interpréter, un agent de l’AFSC peut fouiller le téléphone d’une jeune femme simplement parce qu’elle revient de Cuba et que des photos de bikinis pourraient figurer dans l’appareil. La Loi, comme ils l’interprètent, ne comporte aucun critère pour leur permettre de prendre de telles mesures. Il faut trouver un équilibre, mais cet équilibre n’a certainement pas besoin de se trouver au bas de l'échelle. Il doit se trouver plus haut.
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Je vais amorcer ma réponse en remarquant — je pense que c’est Kris qui l’a remarqué — que les tribunaux déclarent souvent que vous n’avez aucune attente raisonnable de protection en matière de vie privée. Je crois que le problème est en partie lié au fait que nous comptons sur l’existence d’une attente raisonnable de protection en matière de vie privée. Toutefois, en un sens, on a enseigné à bon nombre de gens à ne s’attendre à aucune protection de leur vie privée lorsqu’ils franchissent la frontière — je pense qu’on a eu tort de leur enseigner cela. Cependant, c’est ainsi qu’un grand nombre de gens envisagent cette expérience. Ensuite, c’est un peu comme une prophétie qui se réalise d’elle-même. Si l’on compte sur l’existence d’une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, mais que les gens n’ont aucune attente de ce genre, les agents diront: « Désolé, vous avez été traité exactement comme vous vous y attendiez ».
Selon moi, l’une des façons de commencer à résoudre ce problème consiste à mettre de côté la question de la protection de la vie privée et à établir des attentes raisonnables quant à l’expérience que les gens vivront lorsqu’ils franchissent la frontière. Une partie de cette approche est tributaire d’une communication beaucoup plus efficace et de renseignements beaucoup plus complets. Dans certaines des questions qui ont été posées ici, nous avons déjà observé l’existence d’une certaine confusion, même après avoir entendu les représentants de l’ASFC ou d’autres représentants officiels parler du caractère de la politique.
Si, après avoir fait comparaître les représentants officiels devant vous et les avoir interrogés, vous n’êtes toujours pas certains d’avoir compris ce qui se passe en fait, vous pouvez difficilement reprocher aux Canadiens de ne pas comprendre réellement en quoi consistent les normes, et encore moins le fait… l’idée qu’il faut distinguer les actions des agents canadiens de ceux des agents américains. Lorsqu’on permet à des agents américains de travailler en sol canadien, bon nombre de gens ont du mal à distinguer les divers agissements parce qu’ils surviennent tous ici, à l’aéroport d’Ottawa, à l’aéroport Pearson ou ailleurs, même si les agents sont originaires de différents endroits.
Avant de nous dire qu’il faut nous employer à combler les lacunes de la Loi, nous devons, à mon avis, commencer par établir des attentes raisonnables chez les gens, lesquelles découleront sûrement d’une meilleure communication et d’une plus grande clarté quant à ce qui est permis ou non. Je crois que cela nous permettra de mener des débats plus vigoureux pour faire en sorte que les gens puissent dormir paisiblement en pensant aux genres de normes que nous mettons en oeuvre pour protéger nos frontières. Nous voulons aussi qu’ils passent de bonnes nuits de sommeil en sachant que, le jour suivant, ils ne feront pas l’objet d’une fouille invasive qui semble inappropriée, lorsqu’ils iront à l’aéroport.
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C'est une bonne question. Je ne saurais dire si elle est injuste, mais c'est une bonne question.
À mon avis — et de nombreux témoins l'ont souligné —, la transition à un monde électronique et numérique a fait en sorte que l'étendue des fouilles n'est plus la même qu'il y a une décennie. Si on examine uniquement là où en est la loi, et les répercussions des fouilles aujourd'hui, on craint bien sûr, quand on passe du contenu physique de mon sac, qu'il s'agisse d'un nouveau sac à main ou de ce qu'il contient, à ce qui se trouve dans le nuage — même s'il n'a pas été question de ce qui se trouve dans le nuage, mais uniquement dans un appareil, on y enregistre tellement de choses — je pense que c'est là où il y a un peu de rattrapage à faire.
Ce qui vient tout de suite après — et je pense que c'est un thème récurrent, car j'en ai parlé à quelques reprises déjà — c'est le manque de clarté et l'incertitude de ce qui va arriver. À mon point de vue, c'est une question très préoccupante. Je ne l'ai pas mentionné, mais je pense que c'est une des raisons qui fait que le sujet intéresse tant les gens. Tout le monde, littéralement, aura sa petite histoire à raconter. Je me souviens qu'au lendemain du décret de Trump, je me rendais aux États-Unis en voiture avec mon fils pour assister à des parties de basketball en mars. En route, on se posait une foule de questions. Qu'allait-on nous demander? Allait-on simplement nous laisser passer, ou vouloir voir nos cellulaires et nos autres appareils? Allait-on me demander si j'avais une lettre de sa mère m'autorisant à traverser la frontière avec lui? Quelle autre information voudrait-on avoir? Il n'y a pas d'endroit pour le savoir. Lorsque je suis arrivé à la frontière, on m'a tout de suite fait signe de passer. Je suis un homme blanc chanceux, semble-t-il.
Le fait est que pour moi, ce n'est habituellement pas compliqué, mais que ça l'est pour beaucoup de gens, selon le pays où ils sont nés, la couleur de leur peau, ou leurs antécédents, et c'est un problème qui les empêche souvent de dormir la nuit et qui les effraie énormément. Il faut trouver des solutions, et ce, je dirais, des deux côtés de la frontière... je ne pense pas qu'on puisse se contenter de le faire uniquement du côté canadien, quand on sait que des millions de Canadiens seront encore aux prises avec le problème. Comme les négociations de l'ALENA avec les États-Unis battent leur plein, c'est sûrement une tribune qu'on peut utiliser pour tenter de trouver des solutions.
Pour revenir à votre question, je pense que tous cherchent des solutions, et que la réalité est différente pour chacun, pour ce qui est des impératifs de sécurité, etc., ce qui complique la donne pour trouver la bonne solution.