:
La séance est ouverte. Je vois que nous avons le quorum. Je sais que quelques-uns de nos membres ne sont pas encore arrivés.
Il s'agit de la 44e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Nous étudions la Loi sur la communication d'informations ayant trait à la sécurité du Canada, qu'on appelle affectueusement la LCISC.
Tout d'abord, je veux présenter mes excuses à nos témoins pour les votes, les rappels au Règlement, et ainsi de suite, dans la Chambre, qui ont empêché le Comité de commencer la séance à l'heure prévue, mais nous vous remercions tous de votre présence.
Au départ, nous avions prévu accueillir deux groupes de témoins pendant une heure chacun. J'apprécie le fait que vous avez été en mesure de tous vous réunir en même temps pour la période dont nous disposons. Je crois savoir que quatre personnes des diverses organisations feront les déclarations préliminaires. Si chacun de vous utilise environ 10 minutes du temps qui vous est alloué et que nous tenons une série de questions, cela fera exactement 90 minutes, soit le temps dont nous disposons, et notre comité aura terminé à 17 h 30.
Sans plus tarder, je vais vous présenter, puis, une fois que j'aurai terminé, veuillez commencer votre déclaration de 10 minutes, tout au plus, dans l'ordre où vous aurez été présentés.
Nous commençons par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Nous accueillons M. David Drake, directeur général, Direction générale du contre-terrorisme, du crime et du renseignement. Victoria Fuller, directrice, Gestion des cas, Opérations consulaires; Jeffrey K. McLaren, directeur des Opérations de sécurité des missions; et Patrick Picard, directeur, Accès à l'information et à la vie privée, l'accompagnent.
Nous accueillons M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales; et Michael Olsen, directeur général d'Affaires corporatives, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Nous accueillons Gérald Cossette, directeur du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qu'on appelle plus affectueusement le CANAFE. Merci de votre présence. Nous accueillons aussi M. Stéphane Cousineau, sous-directeur, Secteur de la gestion des services corporatifs, et dirigeant principal des finances.
Enfin, nous accueillons Terry Jamieson, vice-président, Direction générale du soutien technique; et Me Lisa Thiele, avocate-générale principale et directrice, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Je crois savoir que MM. Drake, Linder, Cossette et Jamieson présenteront les déclarations préliminaires, et nous allons les entendre dans cet ordre. Nous cédons la parole à M. Drake, pour une période allant jusqu'à 10 minutes, s'il vous plaît.
:
Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie d'avoir invité Affaires mondiales Canada à venir vous parler de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Je suis directeur général du contre-terrorisme, du crime et du renseignement. Vous venez, monsieur le président, de présenter mes collègues.
[Traduction]
Je vais présenter un peu le contexte afin de vous aider à situer le point de vue du ministère sur cette loi. Comme vous le savez très bien, le Canada fait face à un vaste éventail de menaces pour sa sécurité nationale et internationale.
Nous collaborons étroitement avec les nombreux partenaires aux vues similaires, à l'échelon international, afin de contrer la menace que posent les terroristes et les combattants étrangers et de contrôler l'exportation de matériaux liés à la fabrication d'armes chimiques et d'autres types d'armes de destruction massive. Tous ces enjeux sont de nature transnationale.
Le ministère gère l'adhésion du Canada à des organisations de défense et de sécurité bilatérales ou multilatérales qui s'occupent des menaces pour la sécurité habituelles ainsi que de menaces inhabituelles, comme les menaces pour la cybersécurité et la sécurité spatiale.
Le ministère est chargé du maintien d'une plateforme internationale au moyen de laquelle il doit exercer ses fonctions, c'est-à-dire notre réseau de missions à l'étranger. Affaires mondiales Canada doit donc continuellement évaluer les menaces pour la sécurité des missions à l'étranger, assurer une protection adéquate et gérer tout risque résiduel pour la vie et les biens, notamment pour le personnel diplomatique et les actifs à l'étranger. Affaires mondiales Canada donne aux Canadiens des conseils et des avis de sécurité relatifs aux voyages et envoie aux Canadiens inscrits des notifications au sujet des conditions de sûreté et de sécurité à l'étranger afin qu'ils puissent prendre leurs propres décisions éclairées concernant leurs voyages à l'étranger.
Nos efforts internationaux sont complétés par notre travail avec des partenaires du gouvernement visant à promouvoir les objectifs du Canada en matière de sécurité nationale et internationale. Une approche pangouvernementale coordonnée est nécessaire pour que l'on puisse faire face aux enjeux internationaux comme le terrorisme et les combattants étrangers. À cet égard, la capacité de communiquer des renseignements pertinents est essentielle.
Le ministère disposait déjà d'un processus établi pour faciliter l'échange approprié des renseignements lorsque des questions de sécurité nationale étaient en jeu. Des procédures et mises en garde sont en place pour veiller à ce que seule l'information qui est pertinente, fiable et exacte soit communiquée. Les demandes doivent également être conformes aux lois et au cadre du Canada relatifs à la protection de la vie privée, y compris la charte et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Avant l'adoption de la Loi sur la communication d'informations ayant trait à la sécurité du Canada — ou la LCISC, comme nous l'appelons —, les renseignements étaient habituellement échangés conformément aux dispositions de l'alinéa 8(2)e) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, lorsqu'ils visaient à répondre à une demande, ou bien du sous-alinéa 8(2)m)(i) de la même loi, s'ils étaient échangés de façon proactive.
Les fonctionnaires sont également guidés par les conclusions de commissions d'enquête passées, en particulier le rapport de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar.
[Français]
La LCISC a été conçue pour permettre au gouvernement d'améliorer la façon dont il traite à l'interne les questions de sécurité nationale en améliorant, à l'échelle nationale, l'échange de renseignements ayant trait à la sécurité du pays. La LCISC vise à garantir l'échange de renseignements pertinents pour la sécurité nationale de manière efficace et responsable.
La LCISC confère à d'autres ministères et organismes le pouvoir de communiquer à notre ministère tous les renseignements susceptibles de compromettre la sécurité de notre personnel ou de nos missions à l'étranger. De plus, la LCISC procure à d'autres ministères et organismes des pouvoirs bien définis permettant de demander à Affaires mondiales Canada de fournir des renseignements pertinents ayant trait à la sécurité nationale ou d'échanger de façon proactive ces renseignements.
Plusieurs mesures ont été prises pour permettre au ministère de mettre en oeuvre la nouvelle loi de manière appropriée et pour permettre aux fonctionnaires de comprendre les répercussions et les limites de cette dernière.
Tout d'abord, le ministre des Affaires étrangères a désigné trois directions au sein du ministère comme ayant l'autorisation de recevoir les renseignements liés à la sécurité nationale en vertu de la LCISC. Les domaines visés sont les suivants: premièrement, sécurité internationale et renseignement; deuxièmement, sécurité et affaires juridiques; et troisièmement, commerce, en particulier le développement du commerce international et le délégué commercial en chef ainsi que les négociations et accords commerciaux.
Ensuite, une lettre expliquant la LCISC a été envoyée à tous les chefs de mission du Canada à l'étranger leur demandant de sensibiliser leur personnel à l'importance d'un échange de renseignements opportun et approprié afin de préserver la sécurité du Canada et de ses résidants. La lettre a été signée conjointement par les sous-ministres des Affaires étrangères, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité et le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada. Cette lettre explique que la Loi ne crée pas une obligation de divulgation et que ce pouvoir doit être comparé à d'autres obligations légales, y compris le droit à la vie privée. La lettre indique que, afin de garantir une approche systématique, les demandes d'information traitées aux termes de la LCISC doivent être renvoyées à l'administration centrale aux fins de décision.
[Traduction]
En ce qui concerne les divulgations proactives, la lettre confirmait que les renseignements accessibles à la mission, qui pourraient être pertinents par rapport à la sécurité du Canada ou aux mandats d'autres institutions fédérales, devraient être envoyés sans tarder à l'administration centrale, où des fonctionnaires détermineraient si, comment et à qui les renseignements seront communiqués. La lettre soulignait que, dans les cas urgents, l'administration centrale réagira rapidement, y compris en dehors des heures normales de bureau.
Une expression est prévue pour les situations d'urgence où il existe une menace imminente pour la vie ou une menace de lésions corporelles graves. Dans de tels cas, on se fie au bon jugement des chefs de mission — où qu'ils se trouvent —, qui communiqueront directement et immédiatement les renseignements à leurs homologues compétents, puis présenteront à l'administration centrale un compte rendu visant à l'aviser de la communication de ces renseignements à la première occasion.
La troisième mesure de mise en œuvre prise consistait à élaborer un accord d'échange de renseignements entre la Direction générale des opérations consulaires et le SCRS. Cet accord établit les paramètres en fonction desquels le ministère communiquera de l'information au SCRS, en vertu de la LCISC, y compris les modalités pratiques. Nous cherchons également à conclure un accord semblable avec la GRC en nous fondant sur ce modèle.
Enfin, le ministère prend des mesures pour assurer une plus grande compréhension et une meilleure utilisation de la LCISC. Par exemple, en 2015, le directeur général de la Politique consulaire a tenu un certain nombre de téléconférences, ouvertes à tous les chefs de mission de l'ensemble du réseau de missions d'Affaires mondiales, afin de discuter de la LCISC et d'autres considérations liées à la protection de la vie privée et à l'échange de renseignements, dans le contexte consulaire.
En ce qui concerne la pratique, depuis l'entrée en vigueur de la LCISC, la plupart des échanges de renseignements liés aux consulats entre le ministère et des organismes de sécurité nationale sont effectués sous le régime de la LCISC plutôt qu'au titre des pouvoirs préexistants. En termes pratiques, deux types de communications ont lieu.
Le premier type de communications est le résultat d'une demande de la part d'un organisme de sécurité nationale. Dans ces situations, l'organisme en question envoie une demande par écrit. Ces demandes doivent fournir suffisamment de détails pour indiquer un lien clair avec le mandat de sécurité nationale de l'organisme. Elles indiquent également le type de renseignements que souhaite obtenir l'organisme, et si la division ciblée par la demande — qui est habituellement celle des opérations consulaires — détermine qu'elle possède des renseignements pertinents, elle les réunit et sollicite des conseils juridiques concernant la conformité avec la LCISC et les lois du Canada relatives à la protection de la vie privée. Les fonctionnaires exercent ensuite leur pouvoir discrétionnaire pour décider s'ils communiqueront ou non les renseignements.
Le deuxième type de communications, c'est la divulgation proactive. Ces communications ont lieu lorsque des fonctionnaires du ministère — encore une fois, habituellement des opérations consulaires — recueillent des renseignements qu'ils croient être pertinents par rapport au mandat de sécurité nationale d'un ministère ou organisme canadien. On suit le même processus pour les divulgations proactives que dans le cas des communications donnant suite à une demande.
La décision d'échanger des renseignements est toujours prise à l'administration centrale. Même si nous avons laissé la porte ouverte à une communication directe avec une mission, en cas de risque imminent pour la vie ou pour l'intégrité physique, dans la pratique, cette situation ne s'est pas produite. La raison de la décision de l'administration centrale était d'abord de s'assurer que des personnes ayant une expérience suffisante et occupant un poste au niveau requis sont celles qui, en fin de compte, prendront la décision de suivre notre processus établi; ensuite, d'assurer l'uniformité de l'interprétation et de l'utilisation de la LCISC relativement à la communication des renseignements, y compris la confirmation du fait que le seuil requis pour la communication a été atteint, et, enfin, de veiller à ce que les documents et le suivi des communications répondent aux exigences en matière de rapports et de responsabilités.
Comme vous le savez probablement, le Commissariat à la protection de la vie privée a entrepris l'automne dernier une enquête sur la LCISC au titre de l'article 37 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Des représentants d'Affaires mondiales ont rencontré des membres du CPVP et leur ont fourni des renseignements sur le nombre de communications que nous avons effectuées sous le régime de la loi, durant l'année qui a suivi son entrée en vigueur, et sur la nature de ces communications.
Il vaut également la peine de souligner que la LCISC a modifié la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques afin de permettre à Affaires mondiales Canada d'échanger des renseignements portant sur la production, sur la transformation, sur l'importation et sur l'exportation de certains produits chimiques et sur des installations connexes, le cas échéant. Avant l'entrée en vigueur de la LCISC, il nous était interdit de communiquer ces renseignements. Cela a été un changement important pour le ministère.
Pour conclure, comme je l'ai déjà mentionné, la LCISC ne modifie pas les pouvoirs actuels du ministère en ce qui a trait à la collecte de renseignements relatifs à la sécurité nationale. Toutefois, avant son entrée en vigueur, nous avions prévu qu'elle allait créer de nouvelles possibilités d'échange de renseignements qui sont pertinents par rapport à la sécurité nationale. Je dirais que la LCISC nous a donné l'occasion d'actualiser la discussion concernant la façon dont ce type d'information est communiquée. En outre, d'un point de vue pratique, elle a créé un contexte et un outil qui ont tous deux permis de cibler les efforts sur l'assurance du fait que l'information sur la sécurité nationale circule adéquatement, mais de façon responsable.
Monsieur le président, cela met fin à ma déclaration. Certaines de vos questions pourraient exiger une réponse détaillée, et je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour y répondre; par conséquent, nous disposons d'experts provenant de diverses parties de l'organisation, qui pourront y répondre.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Glen Linder et je suis directeur général des Relations internationales et intergouvernementales à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC. Ma direction générale est chargée de mettre en oeuvre la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, ou LCISC, au sein d'IRCC.
Michael Olsen, chef de la protection des renseignements personnels à IRCC, m'accompagne aujourd'hui.
Je vous parlerai aujourd'hui du mandat d'IRCC et de son lien avec la sécurité nationale, de la mise en oeuvre de la LCISC au sein du ministère, ainsi que de la façon dont IRCC exerce les nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés.
Après ma déclaration préliminaire, mon collègue et moi-même aurons le plaisir de répondre à toutes les questions que les membres du Comité pourraient avoir à ce chapitre.
[Traduction]
IRCC est responsable d'un mandat diversifié, qui comprend la facilitation de l'arrivée des personnes et de leur intégration au Canada, tout en protégeant la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens; la gestion de l'octroi de la citoyenneté canadienne; et la délivrance des passeports canadiens. Plusieurs des pouvoirs, des obligations et des fonctions d'IRCC sont directement liés à la lutte contre des activités qui minent la sécurité du Canada. Il s'agit notamment d'évaluer l'admissibilité des candidats à l'immigration, à la citoyenneté et au passeport des points de vue de la criminalité et de la sécurité.
L'un des objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en ce qui a trait à l'immigration, c'est « de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité ».
Dans un effort visant à maintenir l'intégrité des programmes d'immigration, de citoyenneté et de passeport, IRCC travaille en étroite collaboration avec ses partenaires de la sécurité afin de repérer les candidats qui sont interdits de territoire au Canada pour des motifs liés à la sécurité, de retirer ou de révoquer le statut des personnes qui participent à des activités jugées préjudiciables pour la sécurité nationale du Canada et de refuser les services de passeport aux personnes posant une menace pour notre sécurité nationale. Par exemple, IRCC veille à ce que les personnes qui sont jugées interdites de territoire parce qu'elles ont commis des actes de terrorisme ou visant le renversement de tout gouvernement par la force ne soient pas admises au Canada. IRCC est également responsable d'effectuer la révocation de la citoyenneté des personnes qui l'ont obtenue grâce à une fausse déclaration ou à un acte frauduleux relativement à des faits qui pourraient les rendre interdites de territoire au Canada pour des motifs liés à la sécurité.
IRCC prend très au sérieux l'opérationnalisation des nouveaux pouvoirs que lui confère la LCISC. Le ministère de la Sécurité publique a élaboré un manuel et des ressources connexes qui appuient les institutions gouvernementales dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi afin d'assurer son utilisation efficace et responsable. En complément, IRCC a élaboré des lignes directrices propres au ministère à l'intention des employés autorisés à communiquer des renseignements sous le régime de la LCISC et à recevoir des renseignements communiqués par d'autres institutions au titre de la loi.
IRCC a élaboré un manuel stratégique sur la façon dont ses agents peuvent travailler au moyen de la LCISC. Le manuel fournit de l'information concernant des sujets tels que la communication et la collecte de renseignements, des directives sur leur tenue en lieu sûr, la conservation et la tenue de documents, et il dresse la liste des postes limités d'IRCC auxquels des pouvoirs ont été délégués relativement à la communication et à la réception de renseignements sous le régime de la loi. D'autres outils, comme un document didactique étape par étape portant sur la communication de renseignements au titre de la LCISC, ont également été mis à la disposition des employés d'IRCC.
Compte tenu des responsabilités du ministère en ce qui a trait à l'immigration, à la citoyenneté et à la délivrance de passeports, il est tenu de maintenir un gros volume de dossiers d'immigration, et il est une institution clé en ce qui concerne les questions portant sur l'identité des nouveaux arrivants et des Canadiens nés ici ou à l'étranger. Par conséquent, IRCC échange des renseignements avec d'autres institutions gouvernementales afin d'assurer l'utilisation efficiente des ressources documentaires gouvernementales, tout en protégeant le droit de toutes les personnes à la vie privée.
Dans le passé, l'absence de pouvoirs clairs en matière de communications liées à la sécurité nationale faisait en sorte qu'il était laborieux pour les organismes partenaires de se soutenir les uns les autres dans le cadre de la lutte contre les menaces pour la sécurité nationale. La LCISC a ajouté un instrument utile à la boîte à outils de l'échange de renseignements en autorisant la communication — parfois proactive — de renseignements précis et ciblés aux institutions inscrites sur la liste. La LCISC n'a pas préséance sur les dispositions des lois existantes, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais elle constitue une autorité claire relativement à la communication efficiente et rapide de renseignements aux fins de la sécurité nationale.
Depuis le mois d'août 2015, IRCC a communiqué des renseignements en réponse aux demandes de partenaires de la sécurité à 64 occasions et a divulgué de façon proactive de l'information à des organismes partenaires dans six cas. Le ministère a également reçu à une occasion de l'information qui a été utilisée dans le cadre d'une enquête relative à la révocation de la citoyenneté menée au titre de la loi sur la citoyenneté.
Pour illustrer mon propos, je voudrais vous présenter deux situations possibles où des renseignements pourraient être communiqués sous le régime de la LCISC.
Premièrement, dans le contexte d'une personne soupçonnée de voyager à l'étranger dans le but de participer à une activité liée au terrorisme, IRCC pourrait être la première institution à être au courant du retour éventuel au Canada de cette personne, puisqu'elle pourrait devoir présenter une demande de titre de voyage afin de revenir au pays. Au titre de la LCISC, IRCC a le pouvoir d'informer de façon proactive les institutions visées dans la loi afin de s'assurer que ses partenaires clés sont au courant du retour imminent de la personne et sont prêts à réagir à la menace qu'elle pourrait présenter pour la sécurité nationale du Canada. Avant l'entrée en vigueur de la LCISC, aucun mécanisme n'était en place pour permettre la communication rapide et proactive de cette information.
Deuxièmement, en tant qu'institution visée dans la LCISC, IRCC peut également profiter de renseignements qui lui sont communiqués par d'autres institutions fédérales, ce qui pourrait appuyer son mandat relativement à la sécurité nationale. Une institution fédérale pourrait tomber sur des renseignements montrant qu'une personne qui est candidate à la citoyenneté a des liens avec le terrorisme, par exemple, parce qu'elle finance des organisations terroristes. La LCISC permet explicitement à toutes les institutions fédérales de communiquer des renseignements à des destinataires désignés, comme IRCC. Par conséquent, l'institution pourrait communiquer au ministère des renseignements relatifs aux liens du candidat avec le terrorisme, ce qui lui permettrait de prendre une décision éclairée quant à l'octroi de la citoyenneté à cette personne. Avant l'entrée en vigueur de la LCISC, il aurait été difficile pour une institution qui n'est dotée d'aucun mécanisme d'échange de renseignements particulier ou qui ne possède aucun pouvoir relativement à la sécurité nationale de communiquer ces renseignements à IRCC, et la personne aurait pu obtenir la citoyenneté canadienne.
Les pouvoirs prévus dans la LCISC permettent une collaboration améliorée et la communication de renseignements mieux ciblés par des interactions entre les experts en matière de programme des institutions visées. Le nombre de cas où la LCISC a été utilisée est minime comparativement au volume de ressources documentaires d'IRCC, et elle a été utilisée dans des situations très précises.
Encore une fois, nous voudrions vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui afin de discuter de la LCISC. Nous sommes heureux de répondre à toute question posée par les membres du Comité au sujet de tout ce que nous avons abordé aujourd'hui.
:
Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités, Stéphane Cousineau et moi-même, à nous entretenir avec vous, au nom du CANAFE, au sujet de l'étude par le Comité de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada.
Je peux vous assurer que nous serons le plus francs possible dans les réponses que nous allons donner aujourd'hui; toutefois, je sais que vous comprenez que nous ne pouvons pas fournir d'informations classifiées dans ce lieu public. Nous sommes également limités par la loi du point de vue de ce que nous pouvons dire au sujet de renseignements particuliers que détient le CANAFE.
Je voudrais prendre quelques minutes pour décrire le mandat du CANAFE et le rôle que joue le centre pour ce qui est d'aider à protéger les Canadiens et l'intégrité du système financier canadien ainsi que les mesures complètes que nous avons adoptées dans notre Cadre de protection des renseignements personnels afin de protéger les renseignements personnels des Canadiens. Je me concentrerai également sur les responsabilités du centre prévues dans la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada.
[Français]
Le CANAFE a été créé en 2000 en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. À titre d'unité du renseignement financier du Canada, le CANAFE facilite la détection, la prévention et la dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes, tout en prenant les mesures nécessaires pour protéger les renseignements personnels qui lui sont confiés.
Notre loi prévoit des obligations pour les institutions financières, les courtiers immobiliers, les entreprises de services monétaires, les casinos et plusieurs autres secteurs d'activité. Ces obligations requièrent de mettre en place un programme interne de conformité, de vérifier l'identité des clients, de surveiller les relations d'affaires, de conserver certains documents et de déclarer au CANAFE des types précis d'opérations financières, y compris les opérations douteuses, les télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus et les opérations importantes en espèces de 10 000 $ ou plus.
Dans le cadre du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, le CANAFE s'acquitte à la fois des fonctions de supervision, ou de conformité, et de renseignement. Notre fonction de supervision consiste à évaluer et à assurer la conformité des entreprises réglementées avec leurs obligations légales. Notre fonction de renseignement nous permet de produire du renseignement financier à l'intention de nos partenaires des forces policières, de l'application de la loi et de la sécurité nationale.
C'est donc grâce aux déclarations d'opérations financières reçues des entreprises réglementées partout au pays dans le cadre de sa fonction de supervision que le CANAFE peut produire du renseignement financier que nos partenaires peuvent utiliser pour lutter contre le blanchiment d'argent, le financement d'activités terroristes et les menaces à la sécurité du Canada. Le CANAFE produit également du renseignement stratégique sur les tendances et les typologies qui caractérisent le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
[Traduction]
Le rôle conféré au CANAFE par la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada est limité, étant donné que les dispositions de la loi habilitante du centre prévoient des dispositions particulières sur la communication de renseignements qui prévalent sur toute autre disposition législative liée à la réception et à la communication d'information. Pour m'exprimer très clairement, nous ne pouvons recevoir de renseignements qu'au titre de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En outre, le CANAFE peut seulement communiquer les renseignements prévus dans la même loi aux services de police ou organismes de sécurité nationale concernés s'il a des motifs raisonnables de soupçonner qu'ils seraient pertinents par rapport à une enquête ou à une poursuite concernant une infraction relative à du blanchiment d'argent ou au financement d'une activité terroriste ou par rapport à des menaces pour la sécurité du Canada.
L'article 5 de la LCISC ne change d'aucune façon le moment où le CANAFE peut communiquer du renseignement financier ou à qui il peut le communiquer. Le centre peut communiquer du renseignement financier seulement lorsque les seuils prévus par la loi ont été atteints, et uniquement aux destinataires prévus dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Étant donné ces conditions, à ce jour, le CANAFE n'a ni reçu ni recueilli aucun renseignement au titre de la LCISC.
Avant de conclure, je voudrais aborder la protection des renseignements personnels. Le CANAFE s'est donné comme priorité de protéger les renseignements qu'il reçoit, y compris les signalements de transactions financières effectuées au titre de la Loi sur recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En effet, l'obligation de le faire est établie expressément dans le mandat du CANAFE. Des principes clairs relatifs à la protection des renseignements personnels sont prévus dans sa loi habilitante; ils respectent la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels, et ils sont renforcés par les propres politiques opérationnelles et mesures de sécurité du CANAFE.
Le centre n'a pas accès aux comptes bancaires des Canadiens. Aucune loi ne lui confère de pouvoirs ou de moyens techniques pour surveiller les activités financières des particuliers. Il crée le renseignement financier qu'il communique à ses partenaires policiers, des forces de l'ordre et de la sécurité nationale exclusivement à partir de l'information reçue des entités et des partenaires qui lui présentent des rapports, conformément à sa loi habilitante.
[Français]
De plus, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes prévoit un examen biennal, effectué par le Commissariat à la protection de la vie privée, des mesures prises par le CANAFE pour protéger l'information détenue. Le CANAFE est la seule institution du gouvernement à faire l'objet d'une telle vérification obligatoire du Commissariat à la protection de la vie privée.
La protection de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens est la principale raison pour laquelle le CANAFE a été créé. Nous comprenons très bien que, afin de conserver notre crédibilité et la confiance des citoyens, nous devons démontrer sans relâche que nous prenons très au sérieux la protection des renseignements personnels et les limites de notre mandat. Il va de soi que, pour le CANAFE, la protection des renseignements personnels est une priorité. Nous sommes donc déterminés à contribuer à la protection du Canada et du public canadien tout en respectant nos obligations prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du Comité.
[Français]
Je m'appelle Terry Jamieson et je suis vice-président de la Direction générale du soutien technique à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN.
Je suis accompagné aujourd'hui de Lisa Thiele, notre avocate générale principale.
Nous vous remercions de nous avoir invités à venir discuter de la participation de la CCSN en tant qu'institution destinataire aux termes de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada.
[Traduction]
Voici un peu d'information au sujet de la CCSN. Il s'agit de l'organisme de réglementation nucléaire du Canada. Au titre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires — ou la LSRN —, son mandat comporte trois volets.
Premièrement, nous réglementons l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la santé, la sûreté et la sécurité et de protéger l'environnement. Deuxièmement, nous mettons en oeuvre les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire; et, troisièmement, nous diffusons de l'information scientifique, technique et réglementaire objective auprès du public.
Nous sommes un tribunal administratif quasi judiciaire indépendant. La CCSN réglemente tout ce qui touche le nucléaire au Canada, y compris l'extraction minière de l'uranium, la fabrication de combustibles nucléaires, les réacteurs et les centrales nucléaires, la production et l'utilisation des isotopes médicaux, le déclassement et l'assainissement des sites nucléaires ainsi que la gestion sécuritaire des déchets nucléaires.
La CCSN a été établie en 2000, sous le régime de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et elle rend compte au Parlement par l'entremise du ministre des Ressources naturelles. La Commission peut compter jusqu'à sept membres permanents nommés, dont les décisions sont appuyées par plus de 800 employés. Nos employés examinent les demandes de permis, conformément aux exigences réglementaires. Nous adressons des recommandations à la Commission, et nous faisons respecter la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, son règlement d'application et toute condition de permis imposée par les membres de notre commission.
La CCSN a deux responsabilités clés en matière de sécurité nationale prévues dans la LSRN. Tout d'abord, elle est chargée de prévenir le risque pour la sécurité nationale en réglementant le développement, la production et l'utilisation de l'énergie et des substances nucléaires ainsi que de l'équipement et des renseignements réglementés.
La CCSN possède l'un des meilleurs programmes de sécurité nucléaire au monde. Nous nous concentrons sur la prévention du sabotage d'une installation nucléaire ou bien du vol ou de la perte de matières nucléaires. Nous cernons les risques et les menaces possibles pour l'industrie nucléaire canadienne, et nous créons les exigences réglementaires nécessaires pour nous assurer que ces risques sont atténués et que les menaces sont prévenues et détectées ou qu'on y réagit adéquatement.
En 2015, le Canada a accueilli une mission d'examen par les pairs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui a conclu que le Canada exploite un régime de sûreté nucléaire mature, efficace et bien établi.
Notre deuxième domaine de responsabilité relatif à la sécurité nationale, c'est la mise en oeuvre des obligations du Canada en ce qui a trait à la protection et à la non-prolifération des matières nucléaires. Un exemple de façon dont la CCSN travaille à la prévention de la prolifération, c'est dans le cadre de son programme d'octroi de permis, qui contrôle l'importation et l'exportation de matières nucléaires, d'équipement et de renseignements. Ce programme requiert de l'information afin de permettre l'évaluation des demandes et la vérification de la conformité avec les mesures de contrôle.
La CCSN est devenue une organisation destinataire visée dans la LCISC afin que l'on puisse s'assurer qu'elle reçoit en temps opportun des renseignements au sujet des activités relatives au nucléaire qui pourraient miner la sécurité du Canada. Heureusement, ces événements ne sont pas très fréquents, et je voudrais insister sur le fait que, à ce jour, la CCSN n'a pas eu à recourir à la LCISC. Sous le régime de la loi, les pouvoirs de la CCSN de recevoir de l'information n'ont pas changé, mais plutôt, d'autres institutions du gouvernement du Canada comprennent mieux son mandat en tant qu'institution destinataire et reçoivent l'autorisation de lui communiquer des renseignements pertinents.
[Français]
En tant qu'institution destinataire aux termes de la LCISC, la CCSN considère comme hautement prioritaires la protection de l'information ayant trait à la sécurité nationale et le respect des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels relatives au traitement de tels renseignements.
[Traduction]
Même si nous avons déjà mis en place des processus, nous sommes déterminés à nous améliorer continuellement et, en conséquence de la publication du Rapport annuel du commissaire à la protection de la vie privée, la CCSN procède à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui englobera la LCISC. Nous nous affairons également à clarifier nos procédures afin de nous assurer qu'elles sont bien comprises par tous les secteurs touchés de notre organisation.
Voilà qui conclut ma déclaration, et je serais heureux de répondre à toute question que vous pourriez me poser.
Merci.