:
Bonjour, chers collègues.
Je vois que tout le monde est présent, même si tous ne sont pas à la table. Nous allons commencer, car j'ai un message d'intérêt public à faire avant que nous entendions les témoins.
Chers collègues, vous le savez sans doute déjà, mais si ce n'est pas le cas, je me permets de vous informer qu'une réception est organisée aujourd'hui afin de souligner le départ de la commissaire au lobbying, Karen Shepherd. Si vous avez l'occasion d'y participer, la réception aura lieu de 15 h 30 à 19 heures, au Mill Street Brew Pub, sur la rue Wellington, juste à côté du pont, si je me souviens bien. Je ferai de mon mieux pour m'y rendre au nom du comité, mais si d'autres membres du comité souhaitent y aller, je crois que ce serait une excellente idée.
Chers collègues, nous allons entendre aujourd'hui un groupe de personnes très distinguées qui témoigneront toutes par vidéoconférence. Il y a Drew McArthur, commissaire par intérim du Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique. Nous vous souhaitons la bienvenue. Michael McEvoy, commissaire adjoint, du même bureau, est aussi des nôtres. Il y a également Jill Clayton, commissaire de l'Office of the Information and Privacy Commissioner of Alberta, qui a déjà comparu plusieurs fois devant le comité. Elle a également des gens pour l'aider. Enfin, Cynthia Chassigneux, juge administrative de la Commission d'accès à l'information du Québec, comparaît également par vidéoconférence.
Chaque groupe dispose de 10 minutes pour faire sa déclaration liminaire, ce qui occupera les quelque 30 premières minutes de la réunion. Nous poserons ensuite nos questions.
N'oubliez pas, chers collègues, que l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques porte sur le secteur privé. Si nous pouvons concentrer nos questions sur cet aspect, nous aurons une excellente discussion.
Qui aimerait commencer, M. McArthur ou M. McEvoy?
:
Merci beaucoup, monsieur le président, de nous avoir invités à témoigner dans le cadre de l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE.
En Colombie-Britannique, la loi sur la protection des renseignements personnels à laquelle est assujetti le secteur privé est la Personal Information Protection Act, que j'appellerai la « loi de la Colombie-Britannique ». En tant que commissaire par intérim, je veille à l'application de cette loi à laquelle sont assujetties plus de 380 000 organisations du secteur privé, y compris des entreprises, des organismes de bienfaisance, des associations, des syndicats et des partis politiques. La loi de la Colombie-Britannique ressemble beaucoup à la LPRPDE.
Je vais aborder à tour de rôle des questions soulevées dans la lettre que le commissaire fédéral à la protection de la vie privée a adressée à ce comité.
Premièrement, le consentement éclairé est un aspect essentiel de la LPRPDE et des lois sur la protection des renseignements personnels du monde entier, y compris la loi de la Colombie-Britannique. Même si ces lois sont conçues pour traiter les technologies de façon neutre, cette neutralité est maintenant mise à mal par les mégadonnées. On craint que certaines organisations expliquent en des termes quelque peu vagues l'utilisation qu'elles font des renseignements personnels.
Pour donner aux consommateurs une meilleure idée de la façon dont les renseignements personnels sont utilisés, les organisations doivent expliquer clairement dans leurs avis aux consommateurs à quelles fins les renseignements personnels sont analysés. Nous croyons que le cadre actuel fondé sur le consentement permet de le faire. Cependant, l'analyse des métadonnées présente à fois des avantages et des risques pour les personnes.
Au Canada, nombre de commissaires à la protection de la vie privée ainsi qu'un groupe d'organisations canadiennes ont collaboré avec l'International Accountability Foundation afin de se pencher sur la possibilité de soumettre le traitement des données personnelles à un cadre sur l'éthique en plus des cadres sur la protection des renseignements personnels. Ce sont des problèmes très complexes et difficiles à résoudre. Dans les faits, mon bureau n'a pas vu de cas où le consentement ne pouvait être accordé pour utiliser de l'information à des fins légitimes. J'admets cependant que les organisations pourraient mieux expliquer leur façon de traiter les données lorsqu'elles établissent leurs politiques sur la protection des renseignements personnels et leurs cas d'utilisation. Certains soutiennent que l'on devrait autoriser explicitement les organisations à dépersonnaliser les données afin qu'elles puissent ensuite procéder à une analyse des données sans avoir à obtenir le consentement de la personne concernée. Cette approche permettrait d'analyser des données déjà prélevées à d'autres fins.
Mes réserves à cet égard viennent du fait qu'il est de plus en plus facile de repersonnaliser des données au moyen d'algorithmes de plus en plus complexes. Dans quelques années, ces techniques de repersonnalisation pourraient devenir si efficaces que l'on serait en mesure de repersonnaliser toute information préalablement dépersonnalisée.
Certains gouvernements s'attaquent à ce problème en mettant en place des lois qui permettent de traiter des renseignements personnels dépersonnalisés tout en atténuant les risques d'utilisation à des fins illégitimes. L'Australie envisage maintenant d'adopter un projet de loi qui érigerait la repersonnalisation en infraction; la repersonnalisation intentionnelle serait alors considérée comme une infraction criminelle passible d'une peine maximale de deux ans de prison ou d'une amende.
Au Japon, la loi sur la protection des renseignements personnels a été modifiée de manière à interdire la repersonnalisation et à ce que même les renseignements dépersonnalisés soient protégés.
Je vais maintenant parler de la vie privée et de la réputation. De nos jours, avec la publication en ligne et le stockage d'information dans des bases de données, les renseignements personnels ont atteint un niveau de durabilité et d'accessibilité sans précédent depuis l'émergence des technologies numériques. Cette facilité d'accès peut parfois avoir des répercussions importantes sur la vie des gens, pour le meilleur et pour le pire.
À l'instar de la loi de la Colombie-Britannique, la LPRPDE comprend des dispositions limitées concernant la suppression ou la correction de renseignements personnels. Une personne a le droit de révoquer son consentement, mais il y a des exceptions, notamment pour les cas où une telle révocation irait à l'encontre d'une obligation juridique. Une personne a aussi le droit de demander la correction de ses renseignements personnels. Cependant, ce ne sont pas des dispositions exhaustives qui permettent à une personne d'effacer son empreinte numérique en totalité ou en partie.
Même si la loi de la Colombie-Britannique et la LPRPDE prévoient des recours si des renseignements personnels erronés sont publiés en ligne, la publication de renseignements véridiques peut aussi causer des préjudices. Dans un tel cas, le droit à l'oubli et à l'effacement qui existe en Europe peut aider une personne qui a souffert d'une atteinte à sa réputation à cause de renseignements publiés en ligne.
Même si je peux voir l'avantage d'accorder un tel droit au Canada, comme d'autres l'ont fait remarquer, il reste encore à déterminer si on peut concilier le droit à l'oubli avec la liberté d'expression dans le cadre du système juridique du Canada. Nous croyons que le droit à l'oubli pourrait avoir de nombreuses conséquences imprévues, et qu'il faut donc aborder cette question avec prudence.
Parmi ces conséquences, mentionnons le risque que des gouvernements pratiquent la censure ainsi que le fait que le droit à l'oubli est actuellement encadré par des organisations privées.
Pour ce qui est des pouvoirs d'application, étant donné que les renseignements personnels font partie intégrante du modèle d'affaires de nombre d'entreprises, il est essentiel que chaque commissaire à la protection de la vie privée ait le pouvoir de rendre des ordonnances. Je crois que ce pouvoir doit être utilisé de manière efficace et judicieuse. J'aimerais expliquer comment il est appliqué à mon bureau.
Pour que les lois sur la protection des renseignements personnels de la Colombie-Britannique soient appliquées de façon efficace, il est essentiel que les organisations concernées collaborent avec les organismes publics, et le pouvoir de rendre des ordonnances peut justement encourager ces organisations à collaborer avec mon bureau. Plus de 90 % des plaintes reçues par mon bureau se règlent à l'étape de la médiation. Les enquêteurs de mon bureau, des spécialistes des lois sur la protection des renseignements personnels de la Colombie-Britannique, aident les parties à comprendre leurs responsabilités et leurs droits respectifs. À l'étape de la médiation, les parties savent que, si elles ne parviennent pas à un règlement, l'affaire peut être renvoyée à un processus d'arbitrage au terme duquel une ordonnance sera rendue. Cela encourage les parties à collaborer avec nous en vue de parvenir à un règlement à l'étape de la médiation. Les ordonnances rendues par mon bureau exigent que les organisations se conforment aux dispositions de la loi sur la protection des renseignements personnels de la Colombie-Britannique auxquelles le secteur privé est assujetti.
La loi établit les mesures que mon bureau peut prendre. Par exemple, on peut exiger le respect d'une obligation aux termes de la loi de la Colombie-Britannique, et j'ai le pouvoir de préciser les modalités de cette exigence.
Pour ce qui est d'offrir une protection adéquate, maintenant que l'Europe a adopté le Règlement général sur la protection des données, il serait utile de voir à ce que les lois du Canada en la matière offrent un niveau de protection adéquat afin d'aider les entreprises qui comptent sur l'échange de renseignements personnels entre l'Europe et le Canada. Selon le Règlement général sur la protection des données, on peut décider qu'un pays ou un territoire offre un niveau de protection adéquat qui est essentiellement équivalent à celui offert au sein de l'Union européenne. Fait intéressant, la décision sur la protection adéquate peut cibler un territoire en particulier, si bien qu'une loi provinciale sur la protection des renseignements personnels pourrait être jugée adéquate pour les transferts même si la LPRPDE ne l'est pas. L'objectif est d'offrir une protection essentiellement équivalente; il reste donc des efforts à faire pour maintenir un niveau de protection adéquat.
J'ai déjà mentionné le droit à l'effacement. Voici deux autres problèmes à étudier.
Le Parlement s'est déjà penché sur les avis concernant une atteinte à la sécurité des données aux termes de la LPRPDE. En Colombie-Britannique, mon bureau a recommandé de rendre de tels avis obligatoires tant dans le secteur privé que dans le secteur public lors du récent examen des lois sur la protection des renseignements personnels de la Colombie-Britannique, et le gouvernement provincial s'est engagé à le faire.
En Europe, quiconque omet de communiquer un avis s'expose à une amende administrative pouvant s'élever jusqu'à 10 millions d'euros ou 2 % des revenus annuels de l'entreprise à l'échelle mondiale, selon le montant le plus élevé. Dans d'autres secteurs, les amendes peuvent s'élever jusqu'à 20 millions d'euros ou 4 % des revenus annuels à l'échelle mondiale, selon le montant le plus élevé. Les amendes imposées en Colombie-Britannique et au Canada ne sont pas aussi élevées.
Avant de conclure, j'aimerais parler d'un autre aspect. En réponse à l'arrêt Spencer de la Cour suprême, des organismes d'application de la loi ont demandé de pouvoir accéder, sans mandat, aux renseignements sur les abonnés en ligne. Un tel changement à la LPRPDE ne respecterait pas les attentes raisonnables des Canadiens. On peut déjà fournir les mandats nécessaires lorsque les circonstances l'exigent, et le contrôle judiciaire est essentiel pour que le public continue d'avoir confiance en la façon dont les renseignements personnels sont publiés ou divulgués.
Je vous remercie infiniment, et je serais ravi de répondre à vos questions au moment opportun.
Je tiens à remercier le président et les membres du comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui dans le cadre de l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE. Je suis accompagnée ici de Sharon Ashmore, avocate générale, et de Kim Kreutzer Work, directrice de la Gestion du savoir au commissariat à l'information et à la protection de la vie privée de l'Alberta.
J'ai pensé commencer par vous parler brièvement de la Personal Information Protection Act de l'Alberta, ou PIPA, puis, un peu comme Drew l'a fait dans son allocution, je formulerai de brèves observations sur les quatre sujets auxquels vous vous intéressez, je crois. Je parlerai de la pertinence de la LPRPDE par rapport aux pouvoirs d'exécution de l'Union européenne, et en particulier de ma capacité à ordonner le respect de la loi, ainsi que du consentement valable, de la protection de la vie privée et de la réputation. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions.
La Personal Information Protection Act de l'Alberta, ou PIPA, est entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Elle établit un équilibre entre la protection de la vie privée des Albertains et le besoin qu'ont les organisations de recueillir, d'utiliser et de communiquer les renseignements personnels de leurs clients, employés et bénévoles à des fins raisonnables. La PIPA a été déclarée essentiellement similaire à la LPRPDE; c'est donc dire que, en Alberta, les entreprises et organismes privés sous réglementation provinciale sont généralement assujettis à la PIPA, et non à la LPRPDE.
Mon rôle consiste à assurer la surveillance de l'application de la loi. Je détiens un certain nombre de pouvoirs et de responsabilités, en vertu de la loi, afin de veiller à la réalisation des objets de cette loi. Jusqu'ici, la PIPA a été soumise à deux examens par des comités formés de représentants de tous les partis de l'Assemblée législative de l'Alberta. Il s'agit d'une exigence légale prévue dans la loi.
Le premier examen a été mené en 2006-2007 et a donné lieu à plusieurs modifications, notamment en ce qui concerne le signalement obligatoire des atteintes à la vie privée et les exigences de notification. Ces modifications sont entrées en vigueur en mai 2010. L'Alberta est ainsi devenue la première province du Canada à imposer ces exigences au secteur privé et, depuis, nous servons de modèle à de nombreuses autres provinces qui envisagent d'effectuer des modifications semblables.
Je dois mentionner que, depuis 2010, il y a eu près de 750 signalements d'atteinte en vertu de la PIPA et que près de 600 décisions relatives à la notification ont été rendues. Jusqu'à maintenant, nous avons conclu, dans environ 56 % des cas, qu'il existait un risque réel de préjudice grave; j'ai alors exigé que l'organisation avise les personnes concernées.
Le deuxième examen de la PIPA est plus récent: il a été mené à la fin de 2016. Lors de l'une de mes comparutions devant le comité d'examen, j'ai parlé de l'importance de tenir compte des facteurs internationaux dans le cas des modifications à la loi de l'Alberta. Je crois que ces observations peuvent aussi s'appliquer ici à l'égard du caractère adéquat de la LPRPDE par rapport à l'Union européenne.
Lorsqu'il entrera en vigueur, le Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne, ou RGPD, rendra les lois européennes sur la protection de la vie privée plus strictes et améliorera la protection des renseignements personnels des Européens sur le plan du consentement, de la responsabilité, des cadres de gestion de la protection des renseignements personnels, des avis d'atteinte à la vie privée et des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. Dans une économie mondiale à laquelle participent les entreprises canadiennes et albertaines, où les lois régissant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé doivent être adéquates et essentiellement similaires, il faut prendre en considération l'incidence du RGPD dans toute discussion concernant les modifications à notre loi régissant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels.
Je ne dis pas nécessairement que la LPRPDE ou, par extension, la PIPA sera jugée inadéquate, mais bien qu'il faut tenir compte des considérations mondiales et nationales lorsqu'on envisage des modifications à apporter, afin qu'elles n'affaiblissent pas la loi et qu'elles ne soient pas déphasées. Il est important de se rappeler que bien que les exigences législatives et les règlements puissent parfois sembler lourds, ils constituent néanmoins pour le public, les entreprises et leurs partenaires de services des éléments stables et rassurants qui sont nécessaires pour attirer des clients et faciliter les affaires et la communication de renseignements.
Sur le plan des pouvoirs d'exécution, je peux rendre des ordonnances en vertu des trois lois dont je surveille l'application: la Freedom of Information and Protection of Privacy Act du secteur public albertain, la Health Information Act du secteur de la santé, ainsi que la PIPA.
Le pouvoir de rendre des ordonnances n'empêche pas le commissariat de régler des cas au moyen d'un processus informel de médiation plutôt que d'avoir recours au processus d'enquête officiel. D'ailleurs, dans la plupart des cas où nous recevons une demande d'examen ou une plainte, nous menons une enquête et tentons de résoudre le problème de façon informelle. Ce n'est que lorsque les conclusions et les recommandations sont rejetées que l'affaire donne lieu à une enquête officielle. En 2015-2016, environ 80 % des cas concernant la PIPA ont été réglés grâce au processus de médiation et non à une enquête, et depuis 2004, nous avons rendu 134 ordonnances en vertu de la PIPA.
Dans la plupart des cas, les organisations se conforment aux ordonnances. Les très rares fois où elles ne le font pas, je peux déposer l'ordonnance devant la Cour du Banc de la Reine; l'ordonnance devient alors exécutoire au même titre qu'un jugement de la Cour. J'ai déposé des ordonnances à deux occasions au cours de la dernière année. Dans un cas, c'était en vertu de la Health Information Act et non de la PIPA, et dans l'autre, il s'agissait d'assurer la conformité à une décision relative à un signalement d'atteinte à la protection des renseignements personnels que j'avais rendue en vertu de la PIPA. Dans les deux cas, après avoir déposé l'ordonnance, les affaires se sont réglées avant que la Cour ne les entende. Dans ces exemples, le pouvoir de rendre des ordonnances a été extrêmement utile pour assurer la conformité.
En ce qui a trait au consentement valable, je dirai d'abord qu'en Alberta nous considérons la PIPA comme une loi fondée sur le consentement, et en général, je pense qu'elle fonctionne bien. En obligeant les organisations à obtenir le consentement d'une personne avant de procéder à la collecte de renseignements personnels et à fournir un avis concernant le but de la collecte, on s'assure que les personnes sont en mesure de prendre des décisions éclairées et d'avoir un certain contrôle sur leurs renseignements personnels.
Je sais toutefois que, dans certaines tribunes, on laisse entendre actuellement qu'un cadre fondé sur le consentement n'est pas toujours une solution adéquate. J'entends rarement dire qu'il faudrait complètement éliminer le consentement et l'avis, mais on semble trouver qu'en cette époque de mégadonnées, d'analytique prédictive et de systèmes d'information complexes, le consentement et l'avis ne sont peut-être pas adéquats dans tous les cas et qu'ils peuvent nuire à l'innovation et aux initiatives d'intérêt public.
Je participe souvent à des discussions où nous tentons de définir le problème, si problème il y a, et d'envisager des solutions. Lors de ces discussions, je fais souvent référence à la Health Information Act de l'Alberta, par exemple, qui n'est pas fondée sur le consentement, mais sur un principe de cercle de soins, le concept d'utilisation acceptable prévue par la loi. Nous parlons également du code sur les renseignements personnels prévu dans la PIPA de l'Alberta, selon lequel le consentement, dans une relation employeur-employé, peut ne pas fonctionner et n'est pas requis pour recueillir certains renseignements. Nous nous tournons également vers la Health Information Act en ce qui concerne le cadre relatif à la recherche et aux comités d'éthique de la recherche. Comme Drew l'a dit plus tôt, il y a des commissaires au pays qui s'intéressent à certains projets, notamment celui de l'Information Accountability Foundation, ainsi qu'un projet d'élaboration d'un cadre d'évaluation éthique pour certaines initiatives liées aux mégadonnées.
Quoi qu'il en soit, je crois que la solution au problème, s'il existe un problème dans ce domaine, comporterait un mélange d'options législatives, réglementaires et volontaires, et je suis assurément en faveur de discussions à ce sujet, y compris des consultations telles que l'exercice entrepris récemment par le commissaire fédéral à la protection de la vie privée.
Enfin, je voudrais dire quelques mots au sujet de la vie privée et de la réputation. Ces derniers temps, on s'est beaucoup penché sur cette question, en particulier sur le droit à l'oubli, la question de savoir si cela existe ou non au Canada, et si oui, comment on peut l'appliquer dans le contexte actuel de mondialisation.
J'en ai parlé dans la section portant sur les tendances et les questions d'intérêt de mon rapport annuel de 2014-2015. J'ai dit qu'il s'agissait d'un sujet auquel nous devrions porter attention au cours des prochaines années. Nous avons notamment vu des cas comme celui de la Cour de justice de l'Union européenne, en mai 2014; le cas récent mettant en cause Globe24h devant la Cour fédérale du Canada concernant des renseignements publiés sur un site Web roumain; et une décision en attente de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Google c. Equustek Solutions. Je pense que cela montre clairement que ce sont des choses qui se passent dans la vraie vie.
Notons que ces cas mettent en évidence des questions portant sur la compétence, les limites juridiques et la capacité d'obliger la conformité; la vie privée par rapport à la liberté d'expression; la transparence des personnalités publiques comme les politiciens; et les défis techniques et les coûts pour les entreprises internationales. Ce sont toutes là des questions complexes, mais qui ont toutes abouti dans mon bureau, puisque nous avons eu une hausse du nombre de cas liés au droit à l'oubli. Nous en avions vu environ une demi-douzaine au cours des sept ou huit années suivant l'entrée en vigueur de la loi, mais je pense que nous en avons une demi-douzaine au bureau actuellement. Ces cas concernent généralement des sites Web qui ont publié des renseignements personnels obtenus d'une autre source que la personne concernée. Il y a aussi parfois des plaintes au sujet de renseignements personnels publiés dans les décisions rendues par des organismes décisionnels.
Puisque nous avons un certain nombre de questions en litige au bureau, en ce moment, je n'entrerai pas davantage dans les détails. Nous rendrons des décisions dans certains de ces cas. Il convient de souligner qu'auparavant ces discussions portaient sur des cas d'autres pays, d'autres contextes et des tribunaux, mais qu'elles portent maintenant sur de vraies plaintes déposées par de vraies personnes que nous voyons dans mon bureau.
Sur ce, je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci.
:
Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de l'invitation qui a été faite à la Commission d'accès à l'information du Québec de participer aux travaux permettant d'examiner la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Cette invitation va me permettre de vous présenter brièvement la législation applicable au Québec en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ainsi que le rôle de la Commission et son dernier rapport quinquennal.
Avant d'examiner la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, entrée en vigueur le 1er janvier 1994, il convient de préciser qu'en adoptant cette loi, le Québec devenait la première province canadienne et le premier gouvernement en Amérique du Nord à encadrer la protection des renseignements personnels tant dans le secteur privé que dans le secteur public, ce dernier étant soumis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
Une fois cette précision faite, il convient de mentionner que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s'applique à toutes les entreprises qui, au Québec, exercent une activité économique à caractère commercial ou non. Elle encadre la collecte, l'utilisation, la communication, à l'intérieur et à l'extérieur de la province, ainsi que la sécurité des renseignements personnels qu'une entreprise détient. À ce titre, elle énonce un certain nombre de principes ayant trait notamment au consentement, à l'information préalable des personnes concernées ou, encore, à la nécessité pour laquelle les renseignements personnels sont collectés, utilisés ou communiqués.
Elle régit également le droit qu'a une personne à avoir accès ou à rectifier les renseignements personnels qui la concernent et qui sont détenus par une entreprise. En cas de refus, la personne concernée peut soumettre une demande d'examen de mésentente, qui sera examinée par la section juridictionnelle de la Commission. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé précise aussi les fonctions et les pouvoirs de la Commission quant aux inspections et enquêtes menées par sa section de surveillance.
Avant de présenter le rôle de la Commission, il convient de dire que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, tout comme la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, est prépondérante sur toute autre loi applicable au Québec.
Cela témoigne de la volonté du législateur de marquer le caractère primordial de ces lois et l'importance des droits accordés aux personnes concernées et des obligations prescrites tant aux organismes publics qu'aux entreprises en matière de protection des renseignements personnels.
Je vais maintenant dire quelques mots au sujet de la Commission, qui a été créée en 1982.
La Commission est composée de deux sections, soit une section juridictionnelle et une section de surveillance, dont je suis membre.
La section juridictionnelle de la Commission agit comme tribunal administratif et décide des demandes présentées par une personne qui s'est vu refuser l'accès ou la rectification des renseignements personnels qui la concernent. Les membres affectés à la section juridictionnelle siègent généralement en audience, au cours de laquelle les parties impliquées ont l'occasion de faire valoir leurs arguments.
Après avoir entendu les parties, la Commission peut décider de toute question de fait ou de droit et rendre toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties. La décision que rend la Commission est publique. Cette décision est exécutoire 30 jours après sa réception par les parties, sous réserve d'un droit d'appel prévu à la Cour du Québec sur une question de droit ou de compétence seulement. Lorsqu'une décision devient exécutoire, elle peut être déposée à la Cour supérieure. Elle a alors la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de cette cour.
Dans le cadre de ses fonctions de surveillance, la Commission est responsable de la promotion de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels. Elle voit aussi à l'application de la législation en ces matières. Pour ce faire, elle peut réaliser des inspections et des enquêtes au sujet de situations potentiellement problématiques qui sont portées à son attention, afin de s'assurer que les organismes publics et les entreprises respectent les dispositions légales.
La Commission peut faire des recommandations et rendre des ordonnances exécutoires au terme de ses enquêtes, qui sont faites selon un mode non contradictoire. Les ordonnances prises par la Commission peuvent, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, être déposées à la Cour supérieure pour homologation. Par ailleurs, si une ordonnance n'est pas respectée, la Commission peut, dans le cas des entreprises, publier un avis pour en informer le public. Elle peut aussi lancer des poursuites pénales.
Maintenant, permettez-moi de vous présenter rapidement certains points soulevés dans le Rapport quinquennal 2016 de la Commission. En effet, la Commission doit faire rapport au gouvernement tous les cinq ans, au sujet de l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Elle y formule des recommandations visant à améliorer la transparence gouvernementale et la protection des renseignements personnels au Québec. Ce rapport, déposé à l'Assemblée nationale, peut donner lieu à des modifications législatives.
Dans son dernier rapport, tout comme dans le précédent, la Commission insiste notamment sur la nécessité de renforcer la protection des renseignements personnels dans les secteurs public et privé, d'autant plus que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé n'a pas fait l'objet de réelles modifications depuis son adoption, il y a plus de 20 ans.
Entre autres, elle invite le gouvernement à modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, afin d'inclure une obligation de responsabilité des entreprises et de prévoir la désignation d'un responsable de l'accès et de la protection des renseignements personnels. Cette modification aurait pour effet de favoriser le développement d'une culture de protection des renseignements personnels au sein des entreprises, d'assurer une meilleure transparence et de renforcer la confiance des citoyens.
Elle invite également le législateur à actualiser les concepts inhérents à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En effet, depuis quelques années, la Commission constate, notamment en raison de la multiplication des environnements électroniques, que certains concepts énoncés dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne correspondent plus ou s'adaptent avec une efficacité limitée aux nouveaux modèles d'affaires qui en découlent.
Plusieurs de ces modèles, qu'ils soient gratuits ou payants, s'alimentent des renseignements personnels glanés ici et là auprès des utilisateurs ou à leur insu. Du fait de l'émergence de ces nouveaux modèles d'affaires, on entend souvent dire que les renseignements personnels sont devenus le pétrole du XXIe siècle, qu'ils valent de l'or ou, encore, qu'ils sont le poumon de l'économie numérique.
Ainsi, pour faire en sorte que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé puisse s'appliquer pleinement à ces nouveaux modèles d'affaires et pour rétablir la confiance des utilisateurs, la Commission, dans son rapport quinquennal, invite le législateur à revoir certains concepts énoncés dans cette loi. Il en va ainsi, par exemple, de la notion de dossier, de l'obligation d'information ou du consentement.
En ce qui concerne la notion de dossier, il convient tout d'abord de préciser que plusieurs obligations de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé sont liées à cette notion. En effet, cette loi impose actuellement des obligations aux entreprises qui constituent ou qui détiennent un dossier concernant une personne physique. Or, force est de constater que de plus en plus d'entreprises recueillent, entre autres, des images, des données d'identification, d'utilisation ou de localisation, dressent des profils pour analyser les comportements des utilisateurs en vue d'améliorer les biens et les services offerts en ligne ou d'attirer leur attention à l'aide d'une publicité ciblée.
Ces entreprises recueillent des renseignements susceptibles d'identifier une personne physique souvent à son insu et sans forcément établir une relation contractuelle. Même si ces entreprises détiennent des renseignements personnels, elles ne les conservent pas nécessairement dans un « dossier » identifié au nom d'une personne. Ainsi, même si la notion de dossier est suffisamment englobante pour pouvoir être interprétée de façon extensive et s'appliquer aux environnements électroniques, les exemples décrits précédemment font en sorte que la Commission propose que soit remplacée la notion de « dossier » par celle de « finalité de la collecte », principe à la base de plusieurs régimes de protection des renseignements personnels. Les obligations des entreprises seraient ainsi liées au motif initial de la collecte de renseignements personnels.
En ce qui concerne l'obligation d'information de la personne concernée lors de la collecte de renseignements personnels, la Commission constate que cette obligation est l'une des moins respectées de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Or, la protection des renseignements personnels est une responsabilité partagée. Comment le citoyen peut-il évaluer la protection qu'une entreprise accorde à ses renseignements personnels et, partant, déterminer si elle est digne de confiance, s'il n'est pas informé minimalement de la nature des renseignements qu'elle détient à son sujet et de l'utilisation qui en sera faite?
C'est pourquoi, tout comme dans son précédent rapport, la Commission invite le législateur à modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, afin de préciser le moment où l'information doit être donnée à la personne concernée, d'y inclure une obligation d'informer la personne des renseignements personnels qui seront recueillis et des moyens par lesquels ils seront recueillis. La Commission insiste également sur l'importance que cette information soit claire, compréhensible et accessible, quel que soit le support utilisé pour recueillir les renseignements personnels.
En ce qui concerne le consentement, mentionnons que celui-ci est le moteur de la protection des renseignements personnels. En principe, il permet aux utilisateurs de contrôler ce que les entreprises peuvent faire et ne pas faire de leurs renseignements personnels. En principe seulement, car la notion de consentement est de plus en plus critiquée et jugée inadaptée dans certains contextes.
Se pose dès lors la question de savoir comment redonner au consentement son véritable sens. Comment s'assurer qu'il constitue véritablement l'expression de la volonté d'une personne quant à la gestion et à l'utilisation de ses renseignements personnels par une entreprise, lui laissant de véritables choix en cette matière, plutôt qu'un texte juridique opaque rédigé davantage pour limiter la responsabilité des entreprises en obtenant un « j'accepte » global et irrémédiable?
Dès lors, même si la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé contient une disposition indiquant que le consentement doit être manifeste, libre, éclairé, donné à des fins spécifiques et qu'il ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé, la Commission constate que la portée des critères du consentement ne semble pas bien comprise par les entreprises. Elle croit donc que des précisions quant aux obligations des entreprises à l'égard de chacun des critères du consentement devraient être incluses dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Elle croit également que le législateur devrait indiquer que le consentement peut être retiré en tout temps sous réserve des restrictions imposées par la Loi.
En terminant, il convient de préciser que la Commission n'a pas la prétention de croire que ces modifications apporteront une solution à l'ensemble des questions que soulève actuellement le consentement. Elle croit que la réflexion doit se poursuivre et qu'il faut également s'intéresser à d'autres avenues. À ce titre, dans son rapport quinquennal, la Commission insiste sur l'importance de tenir compte des modifications apportées à la législation européenne en matière de protection des renseignements personnels.
Monsieur le président, je vous remercie. Je répondrai avec plaisir à vos questions et à celles des autres membres du Comité.