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Je remercie la présidence et les membres de votre comité de leur invitation à venir témoigner sur le projet de loi , Loi portant mise en œuvre de l'Accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.
Nous remercions votre comité de son intérêt constant pour les relations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni et de son attention au projet de loi.
Je me propose d'examiner rapidement le contexte puis les traits saillants de l'accord de continuité commerciale, pour ensuite, mes collègues et moi, répondre enfin à vos questions.
Le contexte, comme vous le savez, a été le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui a vraiment bouleversé nos relations commerciales bilatérales, parce qu'il signifiait la fin de la participation du Royaume-Uni à l'accord commercial préférentiel en vigueur entre le Canada et l'Union européenne, l'Accord économique et commercial global.
Le but précis du dialogue commercial et de l'accord résultant de continuité commerciale était essentiellement de reproduire à l'identique l'accord global, mais sur une base bilatérale, pour assurer une transition en douceur de nos relations commerciales et d'éviter aux entreprises un changement brutal.
Tant que le Royaume-Uni restait membre de l'Union européenne, il était dans l'incapacité juridique de négocier de nouveaux accords commerciaux. Mais il pouvait discuter, pendant les préparatifs du Brexit, des clauses des accords en vigueur avec l'Union européenne. Voilà pourquoi la négociation d'un accord commercial de transition inspiré de l'accord global avec l'Union européenne offrait au Canada la meilleure occasion d'assurer autant de prévisibilité et de continuité que possible à nos parties prenantes. Cette sorte de remploi de l'accord global tranchait du tout au tout avec les autres négociations commerciales que le Canada avait pu entreprendre. De plus, le Brexit n'est pas, lui non plus, allé de soi, puisque la date de la séparation a changé à maintes reprises, et que le Royaume-Uni a envisagé des modifications de ses façons de faire commerciales après le Brexit.
Quant au Canada, pour faire aboutir l'accord de continuité et les discussions avec le Royaume-Uni, toujours dans l'intérêt des Canadiens, il avait besoin de la plus grande clarté possible. En mai 2020, le Royaume-Uni a publié son tableau tarifaire de la nation la plus favorisée, prévu pour entrer en vigueur à son départ de l'Union européenne. En juin 2020, il notifiait à l'Union européenne que son départ serait chose faite à la fin de l'année, sans se prévaloir de l'option d'une prolongation d'un ou de deux ans de l'application de l'accord global.
Voilà les deux signaux qui prévenaient le Canada qu'il faisait mieux de conclure l'accord de continuité avec le Royaume-Uni en novembre dernier. Pendant que la ratification de cet accord suivait son cours et pour atténuer si possible l'effet d'une interruption de l'application des conditions régissant le commerce préférentiel, nous avons ensuite signé, le 22 décembre, un protocole d'entente avec ce pays pour nous accorder réciproquement et provisoirement des préférences tarifaires.
Il importe de noter que ces mesures d'atténuation, sous forme de décrets de remise de droits par le Canada et le Royaume-Uni, ne visent que les marchandises. Seules la ratification et la mise en œuvre de l'accord de continuité donneront la certitude recherchée par les parties prenantes tout en s'appliquant comme l'accord global aux marchandises et aux « non-marchandises ».
Dans les textes de l'accord de continuité, vous lirez que cet accord intègre l'accord global par renvoi, au moyen d'un traité abrégé, et qu'il met en évidence les modifications nécessaires des clauses de l'accord global dans les annexes du traité abrégé. En tant que tel, le texte de l'accord de continuité doit se comprendre en relation avec l'accord global. Dans la plupart des domaines, l'accord de continuité reprend les termes de l'accord global. Les parties prenantes, les provinces, les territoires, les exportateurs et les députés se trouvent donc en pays connu.
Une liste courte mais importante de chapitres a dû faire l'objet de négociations intenses pour modifier les obligations découlant de l'accord global en obligations liant le Canada et le Royaume-Uni. Pour ces secteurs, nous avons entrepris des consultations ciblées avec les acteurs de ces secteurs et nous les avons tenus informés de l'évolution des dossiers pendant tout le dialogue commercial. Nous avons également tenu informés les représentants des provinces et des territoires, par l'entremise du comité du commerce ou, comme nous l'appelons, le « C-commerce ». Les deux groupes nous ont exprimé une volonté très forte d'assurer la continuité de nos relations commerciales avec le Royaume-Uni et la possibilité de revenir à la table des négociations pour discuter d'un éventuel accord de libre-échange adapté à des relations commerciales bilatérales.
Voyons maintenant certains des traits saillants de l'accord de continuité.
Pour l'accès aux marchés de marchandises, l'accord de continuité reprend la totalité des engagements de suppression des tarifs de l'accord global, ce qui supprime immédiatement les tarifs frappant 98 % des exportations canadiennes vers le Royaume-Uni. Les exportateurs canadiens de tous les secteurs — produits agricoles, poisson et fruits de mer, produits non agricoles — bénéficieront d'un accès aux mêmes tarifs que celui que prévoyait l'accord global pour le marché de l'Union européenne.
En ce qui concerne les contingents tarifaires, tout comme l'accord global, le Canada maintient l'accès contingenté en franchise de droit de huit produits agricoles et halieutiques (fruits de mer) canadiens assujettis à des contingents tarifaires permanents ou temporaires. De plus, sous le régime de l'accord de continuité, on a rationalisé l'administration du contingent tarifaire pour le bœuf, le porc et le blé. Les exportateurs de ces produits ne seront plus assujettis à l'obligation d'obtenir des permis d'importer et auront accès au marché du Royaume-Uni selon le principe du premier arrivé, premier servi.
En ce qui concerne la gestion de l'offre sous le régime de l'accord de continuité, le Canada n'a pris aucun nouvel engagement pour l'accès au marché du fromage ou de tout autre produit assujetti à la gestion de l'offre. Il a convenu, à titre temporaire, d'assurer la continuité de l'accès du Royaume-Uni sous le régime du contingent tarifaire pour le fromage de l'Organisation mondiale du commerce jusqu'au 31 décembre 2023. La quantité totale de fromage que le Canada autorise à entrer dans son marché ne change pas.
En ce qui concerne les règles d'origine, l'accord de continuité autorise le cumul avec l'Union européenne. Autrement dit, les matières qui en proviennent et qui serviront à fabriquer des biens au Canada ou au Royaume-Uni compteront dans la détermination du caractère de produits d'origine de ces biens pour les besoins des échanges commerciaux entre le Canada et le Royaume-Uni.
L'accord de continuité contingente, en fonction de l'origine, les mêmes quantités que l'accord global en ce qui concerne les échanges commerciaux, les textiles et les vêtements ainsi que certains produits de la mer. On a révisé les contingents liés à l'origine de certains produits agricoles et halieutiques (fruits de mer) ainsi que pour les véhicules à moteur, mais ils restent sensiblement plus élevés que les exportations canadiennes récentes de ces marchandises.
Les clauses sur le cumul avec l'Union européenne et les contingents liés à l'origine sont censés prendre fin dans trois ans, à moins que le Canada et le Royaume-Uni ne conviennent de les reconduire. Ensuite, faute de ce cumul, il sera très difficile, sinon impossible, pour beaucoup de marchandises provenant du Royaume-Uni, d'être admissibles à un traitement préférentiel sous le régime de l'accord de continuité. Ça incite donc vraiment le Royaume-Uni à négocier un accord subséquent de libre-échange avec le Canada dans les trois années suivant l'entrée en vigueur.
Les secteurs dont je viens de parler sont actuellement assujettis aux décrets de remise de droits et au protocole d'entente temporairement en vigueur. Le commerce transfrontalier de services n'est pas visé par des textes homologues.
À cet égard, l'accord de continuité maintient l'intégralité des avantages procurés par l'accord global et englobe des obligations incontournables comme la non-discrimination et l'accès au marché. Il continuera de garantir unaccès complet aux fournisseurs de services canadiens au Royaume-Uni, ce qui demeure parmi les meilleurs engagements que le Royaume-Uni ait jamais concédés à un partenaire commercial.
Comme pour l'accord global, l'accord de continuité assure au Canada la possibilité de disposer des options lui permettant de prendre des mesures concernant des secteurs sensibles tels que la santé, l'éducation publique et les industries culturelles.
Le chapitre sur l'investissement est une copie technique de l'accord global. Les investisseurs canadiens continueront de posséder le droit de faire des investissements et des acquisitions au Royaume-Uni et d'y gérer leurs investissements, sur un pied d'égalité avec les investisseurs du pays et de l'étranger. Les obligations en matière d'investissement sont soigneusement formulées pour que le Canada et le Royaume-Uni préservent intégralement leur droit de prendre des règlements dans l'intérêt public, y compris de formuler des exceptions et des réserves. Mais les clauses de règlement des différends sur les investissements, copiées de l'accord global, seront suspendues à l'entrée en vigueur de l'accord de continuité, en attendant un examen à faire par les parties, examen qui devrait débuter trois mois après l'entrée en vigueur.
L'objet de l'examen sera d'examiner la démarche qui, pour le règlement des différends, reflétera le mieux les relations bilatérales qui existent entre le Canada et le Royaume-Uni.
Pour ce qui concerne les marchés publics, les fournisseurs canadiens auront un accès garanti et prévisible aux occasions de fournir en leurs biens et services les administrations publiques de tous niveaux du Royaume-Uni, y compris régional et local, les organismes régis par le droit public — par exemple les hôpitaux et les universités — et un certain nombre d'entités du secteur des services publics et des services d'utilité publique. La valeur estimée des engagements sur l'accès au marché du Royaume-Uni, dans l'accord de continuité, est d'environ 118 milliards de dollars.
Pour l'avenir, une clause de l'accord de continuité régissant les négociations à venir, fait que le Canada et le Royaume-Uni s'engagent à entamer ces négociations commerciales dans l'année qui suivra l'entrée en vigueur de l'accord et à s'efforcer de conclure un nouvel accord dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord de continuité.
Le gouvernement entreprendra des consultations publiques avec les Canadiens avant tout lancement officiel de négociations ultérieures avec le Royaume-Uni et il a pleinement l'intention de se conformer à la politique révisée de dépôt des traités devant le Parlement, en ce qui concerne une nouvelle initiative globale touchant un accord de libre-échange.
Mes collègues et moi, nous sommes impatients de répondre à vos questions et de participer à la discussion.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur Forsyth.
Il n'y aura donc pas de discussions croisées concernant ces deux ententes.
Comme vous le savez, le PTPGP accorde des parts en matière de marché canadien concernant les produits laitiers. C'est une brèche qui a fait mal à notre industrie laitière.
L'Accord de continuité commerciale entraîne des pertes sur une base annuelle, lesquelles ont été calculées par différents groupes, comme l'Union des producteurs agricoles, ou UPA, et les Producteurs de lait du Québec.
Les contingents tarifaires qui s'appliquent aux produits laitiers sont presque les mêmes dans le PTPGP que dans le Partenariat transpacifique, ou PTP, duquel les États-Unis faisaient initialement partie. Par la suite, ils se sont retirés de cette ancienne version de l'entente pour adhérer à la nouvelle version.
La décision de mettre en place ces contingents était fondée sur le fait que les États-Unis feraient partie de l'entente. On sait que c'était le combat de l'ancien gouvernement, à savoir d'annuler des brèches, voire d'éliminer complètement le système de la gestion de l'offre.
Actuellement, une partie des contingents n'est pas utilisée en raison de l'absence des États-Unis. Il est aussi difficile pour les pays éloignés d'exporter des produits laitiers. Cette fois-ci, on sait que le Royaume-Uni veut exporter davantage de fromages, qu'il souhaite profiter de possibles brèches.
Si le Royaume-Uni adhère au PTPGP, n'y a-t-il pas un risque qu'il prenne les contingents non utilisés du fait du départ des États-Unis?