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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 mars 2021

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui est diffusée sur le Web et se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021.
    Avant d'aborder la question à l'ordre du jour, j'avais dit que nous traiterions les deux motions dont souhaitait parler M. Savard-Tremblay.
    Puis-je faire une suggestion, monsieur Savard-Tremblay? Accepteriez-vous de traiter ces deux motions à la fin de la réunion?

[Français]

     Je n'y vois aucun problème, pourvu que nous les traitions aujourd'hui.
    D'accord. Je vous remercie.

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 23 octobre 2020, le Comité entreprend l'étude des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. À titre personnel, nous accueillons Gus Van Harten, professeur de droit à Osgoode Hall Law School, à l'Université York; Lawrence Herman, conseiller juridique à Herman & Associates; et Mark Warner, avocat principal à MAAW Law. Nous accueillons également Angella MacEwen, coprésidente du Réseau pour le commerce juste.
    Monsieur Van Harten, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente. Bonjour tout le monde.
    J'étudie les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États depuis de nombreuses années, peut-être 20 ans, et j'ai quelques conseils simples à vous donner aujourd'hui. Le Canada devrait adopter le point de vue selon lequel il est déterminé à se retirer progressivement des risques et des coûts liés à ces mécanismes lorsque c'est possible et chaque fois que c'est possible.
    Permettez-moi d'élaborer un peu. Le contexte, manifestement, c'est que nous sommes au milieu d'une crise, c'est-à-dire une pandémie mondiale. Cette crise a révélé les vulnérabilités et peut-être les limites de notre ère de mondialisation. En effet, nous manquons de capacités de fabrication de vaccins et nous manquons d'autres capacités de fabrication au Canada et en Amérique du Nord. Pour vous donner un exemple anecdotique, il y a environ deux mois, un électricien m'a dit que j'étais chanceux de pouvoir obtenir un disjoncteur pour mon panneau électrique. En effet, il n'y a qu'une seule usine qui produit des disjoncteurs en Amérique du Nord, et elle a été fermée à cause d'une éclosion au cours de l'été.
    Outre la pandémie et ce qu'elle a révélé en matière de vulnérabilités, nous faisons face à toutes sortes de risques complexes, notamment des défis environnementaux, des perturbations climatiques, l'augmentation du fardeau de la dette, l'inégalité économique, des pertes d'emplois et d'entreprises et la montée de l'extrémisme politique. Dans ce contexte, sans vouloir faire de sensationnalisme, je dirais que nous devons nous préparer à un certain ralentissement, ou à un ralentissement accru, de la période de mondialisation des quelque 30 dernières années. Cette période a certainement dominé ma vie d'adulte. Je ne sais pas si le ralentissement sera progressif, sporadique ou par secousses, mais je pense qu'il serait sage de penser à se préparer à un certain ralentissement.
    Cela signifie qu'il faut orienter davantage notre stratégie vers une capacité nationale, et probablement une approche régionale nord-américaine, plutôt qu'une orientation mondiale. Les marchés mondiaux seront toujours d'une importance vitale, mais nous devons avoir un plan B robuste pour faire face aux circonstances changeantes et aux crises à venir, qu'elles soient liées à la santé publique, à l'environnement, aux finances ou à l'économie. Pour ce faire, nous devons renforcer la marge de manœuvre et la capacité gouvernementale en matière de réglementation au Canada, et ce, à l'échelle nationale et infranationale. Nous devons donc nous libérer des risques et des coûts liés aux mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États. Il s'agit d'un risque et de coûts d'une ampleur différente de toutes les autres formes d'arbitrage, qu'elles soient internationales ou non. Des milliards de dollars sont potentiellement en jeu, avec un effet dissuasif énorme sur les décisions gouvernementales. J'ai documenté cette situation pendant des années dans différents pays.
    Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États entraînent un changement réellement difficile à justifier dans le pouvoir de négociation au sein du processus décisionnel gouvernemental. Je dirais même qu'il conduit à une sorte de reconfiguration de l'État, de l'appareil gouvernemental de l'État, en faveur des investisseurs étrangers et contre toute personne au Canada qui a un intérêt différent sur une question quelconque. Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États présentent également des problèmes de longue date liés à cette tare sous-jacente du processus en raison des pouvoirs extraordinaires dont disposent les avocats qui agissent à titre d'arbitres d'interpréter un libellé imprécis dans les traités et d'ordonner des montants de dommages rétrospectifs pouvant atteindre des milliards de dollars contre des États. Ce processus n'est pas indépendant. Il n'est pas équitable. Il n'est pas équilibré. Il ne respecte pas les institutions nationales. Ces critiques sont formulées depuis longtemps.
    En résumé, à cause des traités sur les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, nous signons des chèques dont le montant est inconnu; là où devrait être indiqué le montant, le chèque est vide. Il sera déterminé par de très riches investisseurs étrangers et par les avocats et arbitres qui interprètent les traités en cas de plainte de l'un de ses investisseurs étrangers, généralement des grandes entités multinationales ou des milliardaires.
(1110)
    Les traités qui prévoient un mécanisme de RDIE ne nous ont pas encore coûté extrêmement cher. Ils ont eu de très graves répercussions dans le contexte de certains autres pays, mais je pense que ce n'est qu'une question de temps. À mesure que nous répondrons aux défis et aux crises, ces traités finiront par nous coûter cher. Ils nuiront aux efforts que nous déployons pour protéger les intérêts des Canadiens. Ils auront le même effet sur d'autres pays. Je pense que, de manière générale, nous voulons que ces autres pays aient aussi les capacités nationales qu'il faut pour répondre aux crises.
     Comment devrions-nous réagir? Très brièvement, je dirais qu'il nous faut conserver et renforcer les capacités et la flexibilité du gouvernement et renforcer nos institutions nationales en nous appuyant sur le droit canadien, qui protège tous les investisseurs, et sur l'approche coutumière du droit international et des relations entre les États et les ressortissants étrangers, une approche coutumière qui, franchement, a été mise grandement de côté et, parfois, tout simplement malmenée par les arbitres dans les procédures de RDIE au cours des 20 dernières années environ.
    D'un point de vue juridique, le RDIE est l'obstacle le plus évident et le plus risqué au renforcement des capacités gouvernementales. C'est pourquoi mon conseil est assez simple: on doit se retirer des traités qui prévoient un mécanisme de RDIE.
    Des efforts sont déployés pour réformer le RDIE, mais en gros, ils sont en quelque sorte dispersés, ils prennent du temps ou sont peu prometteurs. C'est pourquoi je dis qu'il faut élaborer une stratégie de retrait du mécanisme de RDIE par tous les moyens possible. Nous avons la possibilité de laisser le temps passer quant aux engagements relatifs au RDIE qui ont été pris dans des traités existants, et nous devrions commencer à en profiter dès maintenant. Je n'essaie pas de me montrer provocateur ou rigide quant à la façon de nous retirer; je dirais simplement qu'il faut en faire une priorité. La tactique dépendra du traité particulier dans le cadre duquel nous avons déjà des engagements relatifs au RDIE, mais nous devons vraiment nous engager dans cette voie, à mon avis.
    Très brièvement, en résumé, j'ai entendu beaucoup d'arguments en faveur des traités qui prévoient un mécanisme de RDIE. Je comprends ce qui est en jeu pour les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l'étranger. Je crois comprendre que les solutions de rechange au mécanisme de RDIE fondé sur des traités sont viables, mais elles ne sont certainement pas parfaites. À mon avis, cependant, les traités ne justifient tout simplement pas les pertes nationales et les contraintes futures, peu importe le contexte dans lequel nous avons accepté le RDIE, et il nous faut donc faire preuve de détermination douce pour nous retirer et, entretemps, limiter les risques associés au RDIE le mieux que nous le pouvons.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Van Harten.
    C'est maintenant au tour de M. Herman. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup. Je suis vraiment ravi de pouvoir présenter mon point de vue.
    Permettez-moi seulement de dire que je suis les écrits de Gus Van Harten depuis des années maintenant. Il est l'un des plus grands spécialistes canadiens en la matière, et je respecte grandement ses opinions.
    Je vais parler de la question de façon un peu différente, du point de vue du diplomate que j'étais, il y a de nombreuses années, à l'époque où je servais à Genève, à la mission canadienne concernant ce qui s'appelait alors l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Je travaille à ces questions depuis des années. Il y a longtemps que je n'ai pas été au service de l'État.
    Le RDIE fait partie des relations internationales, et il ne va pas disparaître. À mon avis, aussi méritoires que soient les arguments de M. Van Harten, et ils ont beaucoup de mérite, il sera impossible de changer le régime de RDIE. Il est enraciné et intégré non seulement dans des accords commerciaux, mais aussi dans des accords distincts sur la protection des investissements étrangers. Il existe entre 2 500 et 3 000 de ces accords dans le monde et, bien sûr, le Canada en a conclu un certain nombre.
    Comme les membres du Comité le savent, le mécanisme de RDIE est inscrit dans nos accords commerciaux régionaux, comme l'ALENA, qui est maintenant l'ACEUM. Le RDIE est intégré à l'Accord de partenariat transpacifique, le PTPGP. Il fait partie de l'accord entre le Canada et l'Europe et d'accords commerciaux bilatéraux que nous avons conclus avec des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, y compris un accord commercial bilatéral avec la Corée du Sud.
    En toute franchise, le retrait du RDIE est très difficile à réaliser sur les plans politiques, diplomatiques et juridiques, et je dirais que cela ne va probablement pas se produire. La question est de savoir ce que nous devons faire à cet égard.
     Il y a deux ou trois choses que je voudrais signaler au Comité, et elles sont pertinentes.
(1115)
    M. Van Harten a raison. Au départ, le règlement des différends entre investisseurs et États ou RDIE a été conçu comme un moyen de stabiliser la situation des investissements pour les pays riches — les pays du Nord, si l'on veut —, les pays industrialisés, qui aidait à stimuler les investissements dans les pays en développement. C'était le raisonnement de base. Il s'est transformé en un système qui permet aux entreprises privées de contester des mesures nationales pour diverses raisons. Nous pourrons entrer dans les détails lorsque vous poserez des questions.
    En passant, je dois dire que si le Comité veut consulter un bon examen des questions et des faits entourant le RDIE, le Centre canadien de politiques alternatives a réalisé une excellente étude il y a deux ou trois ans. Je l'ai relue en fin de semaine et elle est toujours très pertinente. Je ne dis pas que je suis d'accord avec le Centre canadien de politiques alternatives à de nombreux égards, mais si l'on veut voir un examen qui porte sur le RDIE, il n'y a pas, à mon avis, de document plus utile. Je vous recommande d'y jeter un coup d'œil.
    Deux ou trois éléments au sujet du RDIE indiquent que le Canada et les provinces canadiennes sont vulnérables. L'une des choses que je mentionnerais, qui passe grandement inaperçue, c'est que le Canada a signé un traité bilatéral d'investissement avec la Chine. Ce traité a été conclu en 2012 et est entré en vigueur en 2014. Il a une durée de 16 ans après son entrée en vigueur. Il expirera en 2030, avec une période de report pour les investisseurs, ce qui leur conférera des droits pendant 15 ans après cela.
     Le Comité est saisi de la question de savoir si, entre autres, cela donne aux investisseurs canadiens des droits juridiques par rapport à la Chine lorsqu'ils investissent dans ce pays. D'autre part, le Canada s'expose-t-il à la possibilité d'un arbitrage concernant des investissements privés auquel des entreprises chinoises qui ont investi au Canada pourraient avoir recours? C'est un problème, et il n'est pas prêt de disparaître.
     Je veux parler de l'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne. Des améliorations ont été apportées au processus de RDIE dans l'AECG. Je ne crois pas qu'elles entreront en vigueur. L'AECG est appliqué à titre provisoire. Les parties de l'AECG qui portent sur le RDIE et les réformes du système doivent être ratifiées par tous les États membres. Je suis très sceptique à cet égard. L'AECG sera donc maintenu pendant un certain temps sans ces dispositions relatives au RDIE.
    Le facteur qui, à mon avis, doit être pris en compte dans toute cette question est de savoir si le mécanisme de RDIE donne aux investisseurs canadiens des avantages, des droits et des certitudes pour leurs investissements à l'étranger. C'est une question à examiner.
    Dans son étude, le Centre canadien de politiques alternatives souligne, à juste titre, que la plupart des dispositions des traités, les droits qui protègent les investisseurs, ont été invoqués par le secteur minier canadien, le secteur de l'extraction. Cependant, dans d'autres procédures d'arbitrage en cours qui ne concernent pas le secteur de l'extraction, des investisseurs canadiens ont eu recours à ces dispositions dans le cadre du RDIE. Il y a un avantage pour les capitaux canadiens qui doit être pris en compte dans tout cela.
    Le dernier point que je voudrais soulever au sujet du retrait du mécanisme du RDIE, c'est que, comme je l'ai indiqué précédemment, lorsque le RDIE est intégré dans nos accords commerciaux internationaux bilatéraux ou régionaux, nous ne pouvons pas simplement nous soustraire au processus de RDIE. C'est parce qu'il est inscrit dans nos accords commerciaux, y compris dans le PTPGP et l'ALENA-ACEUM. L'ACEUM a repris certaines des dispositions de l'ALENA pour trois ans, de sorte qu'on ne peut pas simplement renoncer au mécanisme de RDIE lorsqu'il est inscrit dans les accords commerciaux. Il est possible pour le Canada d'abroger ses traités bilatéraux d'investissement, mais une chose qu'il faut mentionner — et c'est très important —, c'est que les traités de protection des investissements, nos accords de protection des investissements étrangers, contiennent deux éléments.
(1120)
     Ils contiennent non seulement des droits pour les investisseurs privés, des droits relatifs au RDIE, de recourir à l'arbitrage contraignant, mais aussi des obligations importantes pour les gouvernements de respecter les droits des investisseurs. Cela signifie que le Canada peut avoir recours à l'arbitrage contre un gouvernement étranger qui n'offre pas une protection adéquate aux investisseurs canadiens.
     L'obligation d'État à État contenue dans ces traités est très importante. Se retirer de ces traités signifie qu'il n'y aurait plus d'obligations conventionnelles contraignantes entre le gouvernement hôte à l'étranger et le Canada. À mon avis, cela limiterait, comme option stratégique, le retrait du Canada des accords sur la protection des investissements étrangers.
     Que peut-on faire? Pour reprendre les points soulevés par d'autres, dans les futures négociations du Canada concernant des accords sur la protection des investissements étrangers, je pense qu'il faudrait envisager sérieusement de ne pas inclure de dispositions relatives au RDIE dans les traités bilatéraux.
     Pour terminer, je dirais que, pour être réaliste, les options sont malheureusement assez limitées.
    Voilà mon point de vue. Je serai ravi de répondre à n'importe quelle question.
    Merci beaucoup, monsieur Herman.
    C'est maintenant au tour de M. Warner.
     Merci. C'est la première fois que je comparais devant un comité, et je vous remercie de l'invitation.
    Je suis un avocat canadien, de l'Ontario, mais aussi un avocat de New York. Avant de devenir avocat, j'étais économiste. J'ai travaillé pour le professeur Alan Rugman, qui était l'un des principaux conseillers pendant les négociations de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et l'un des principaux experts en matière d'investissement.
    C'est ainsi que j'ai commencé à réfléchir au règlement des différends entre investisseurs et États. Pour que mon témoignage soit utile à votre comité aujourd'hui, j'ai pensé vous parler de mon expérience en ce qui concerne le RDIE afin d'illustrer les avantages et les inconvénients, et de certaines des choses que l'on perd parfois de vue.
    Quand je travaillais avec M. Alan Rugman, à la fin des années 1980, à l'approche de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le Canada sortait d'un contexte très difficile. Nous avions le Programme énergétique national, qui avait entraîné l'une des plus importantes sorties de capitaux de tout pays à ce moment-là de l'histoire. C'est probablement encore vrai. Nous avions l'Agence d'examen de l'investissement étranger, l'AEIE, qui faisait l'objet d'une procédure de règlement des différends dans le cadre de l'ancien GATT, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, où le Canada a perdu.
    L'une des premières mesures que M. Brian Mulroney a prises, une fois élu, a été d'apporter des changements à l'AEIE pour en faire un système plus accueillant pour les investissements, puis de supprimer progressivement le Programme énergétique national.
    En ma qualité d'avocat canadien et d'avocat américain, j'ai toujours été frappé par la version canadienne de l'histoire de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. On a tendance à oublier une chose, à savoir que les Américains voulaient que le RDIE soit inscrit dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis intitial. Il n'a pas été intégré à la version finale, en grande partie parce que les Américains étaient satisfaits d'autres aspects. Si les Américains voulaient négocier un accord de libre-échange, c'était principalement, entre autres, en raison de ce que nous avions fait au chapitre des investissements et de l'énergie dans les années 1970 et 1980. Autrement dit, à l'époque, le Canada était un importateur net de capitaux. Aujourd'hui, le Canada est un exportateur net de capitaux.
    En tant qu'importateur net de capitaux, le Canada avait mis en place toutes ces restrictions sur les investissements étrangers et avait agi d'une manière que son principal partenaire commercial considérait comme très arbitraire. La façon dont nous avons pris des mesures à cet égard, c'était avec toutes ces dispositions contenues dans le chapitre sur l'investissement de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis qui ont été reprises plus tard dans ce qui est devenu l'ALENA, moins ce mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
    Quand est venu le temps de négocier l'ALENA, il était très clair que les Américains voulaient conclure un accord avec le Mexique. L'un de leurs principaux objectifs, encore une fois, était lié à l'énergie. À ce moment-là, j'étais avocat à Washington pour un cabinet d'avocats qui représentait Pemex, la version mexicaine de ce que j'appellerai Petro-Canada.
    Dans un sens, c'était l'objectif principal. Puisque les Américains iraient de l'avant à cet égard, et qu'ils n'iraient pas de l'avant avec l'ALENA sans que des dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États y soient intégrées, ils ont pu obtenir indirectement dans l'ALENA quelque chose qu'ils n'avaient pas réussi à obtenir, mais qu'ils voulaient voir inscrit dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, c'est-à-dire un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
     Il est important de le souligner, car lorsque nous avons vu le monde dont parlait M. Van Harten sembler remettre en question la mondialisation, et les gens revenir aux politiques nationalistes des années 1970 que nous avions abandonnées dans les années 1980, nous avons compris que cela nuisait à notre économie, et nous avons reculé. Nous avons tiré une leçon de cette expérience. Je ne pense pas que nous devrions y retourner. Nous devrions continuer à tirer les leçons de ces expériences.
    Par ailleurs, le Canada est maintenant un exportateur de capitaux, comme l'a dit M. Herman. Nous avons des sociétés minières dans le secteur de l'extraction. Nous sommes dans la situation dans laquelle se trouvaient les Américains par rapport au Canada dans les années 1970 et 1980. Nous sommes dans une situation où nous devons protéger nos investissements à l'étranger. Comment s'y prendre?
    Les origines du règlement des différends entre investisseurs et États remontent au début des années 1800. Auparavant, les Américains se rendaient dans divers pays d'Amérique latine et avaient recours à ce qu'ils appelaient la diplomatie de la canonnière. L'idée était de savoir comment apaiser les différends. Comment pouvons-nous éviter d'avoir à envoyer les marines au Venezuela et en République dominicaine? Eh bien, nous pouvons recourir à l'arbitrage pour les investissements qui font l'objet de différends. C'est une partie de cette longue histoire.
    Lorsque les gens parlent d'éliminer ce moyen de régler les différends entre des investisseurs et des États, ils parlent en réalité d'accroître les différends entre les pays, de les ramener à l'échelle nationale.
(1125)
    Autrement dit, si une entreprise minière a un différend avec un pays africain, plutôt que de voir le tout être réglé entre les deux parties dans un cadre enchanteur à Paris, vous aurez des gens qui frapperont à votre porte de parlementaire ou de membre du gouvernement pour vous demander d'exercer des pressions sur les dirigeants du pays africain en question. Cela revient essentiellement à reporter sur une tribune nationale les différends que nous avions ramenés dans la sphère privée justement dans le but de les dépolitiser. Selon moi, c'est en grande partie ce que l'on perd de vue dans le débat actuel sur le règlement des différends entre investisseurs et États.
    J'aimerais vous parler en terminant de ce que j'ai pu observer dans ce contexte à l'échelle planétaire. Je travaillais à la direction du commerce de l'OCDE lorsqu'on a négocié l'Accord multilatéral sur l'investissement. C'est comme par hasard à peu près au même moment que les dispositions de RDIE prévues au chapitre 11 de l'ALENA ont été invoquées à l'égard d'un différend impliquant Ethyl Corporation. Je comprends donc très bien l'origine des préoccupations à ce sujet. Il faut noter que le règlement des différends entre investisseurs et États est devenu un enjeu extrêmement délicat du point de vue politique. Il y a peut-être un lien à faire avec la portée que ce phénomène a maintenant. Il ne se limite plus à des considérations comme les expropriations que l'on a pu voir à une certaine époque avec la nationalisation de l'entreprise de télécommunications lors de l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro à Cuba. Il est maintenant question de mesures qui équivalent à des expropriations, les modifications réglementaires. Il y a peut-être lieu de revenir en arrière à cet égard, et je suis disposé à convenir que nous devrions sans doute nous employer à mieux définir cette limite.
    Je veux vraiment conclure en vous parlant de mon expérience au sein du gouvernement ontarien à titre de directeur juridique au ministère du Développement économique, de la Création d'emplois et du Commerce. J'ai alors eu amplement l'occasion de conseiller les instances gouvernementales quant au traitement de ces différends en vertu du chapitre 11 de l'ALENA. Je constate à ce titre que les critiques du mécanisme de RDIE au Canada ont tendance à exagérer les mauvais résultats du gouvernement canadien en la matière. En fait, le Canada a une fiche gagnante. Ces dossiers sont rejetés dans la plupart des cas, soit dans un ratio de trois pour un, ce qui ne peut pas être considéré comme une défaite.
    Ce sont toujours les expropriations qui retiennent l'attention dans ce contexte, mais la plupart des réclamations visent en fait à obtenir un traitement juste et équitable. C'est ce qu'on appelle la norme minimale de traitement.
    Il y a un élément de réflexion qui ne manque pas d'intérêt pour nous au Canada. D'après ce que j'ai pu observer, il n'est pas rare que les critiques du RDIE mettent l'accent sur la question en arbitrage, mais c'est en fait souvent le processus qui est responsable lorsque nous n'avons pas gain de cause. Nous sommes défaits parce qu'une administration municipale ou un gouvernement provincial a agi de façon arbitraire. Dans les faits, étant donné que notre constitution ne nous confère essentiellement aucun droit de propriété, plusieurs n'ont aucun recours en vertu du droit canadien face à des mesures arbitraires de la sorte. C'est ce qui incite les entreprises touchées à se tourner vers le RDIE.
    Dans une perspective plus générale, je vous inviterais à prendre connaissance des travaux d'Armand de Mestral de l'Université McGill pour le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI). À la lumière d'une analyse de tous les dossiers soumis à ce mécanisme, il en est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas dans la plupart des cas de recours offert par le droit canadien.
    À mes yeux, c'est ce qui justifie la présence de ce mécanisme. Ceux parmi nous qui ont cru en cette mesure et souhaitaient sa mise en place nourrissaient l'espoir d'en arriver à une situation où nos gouvernements cesseraient d'agir de façon arbitraire. Si un gouvernement a des préoccupations concernant l'environnement, il faut s'en réjouir et souhaiter qu'il adopte des lois en conséquence, mais il ne doit pas le faire au beau milieu de la nuit lorsque personne ne regarde.
    Si vous prenez des mesures pour régler un problème environnemental, il ne faut pas qu'elles s'appliquent uniquement à une entreprise, à une entreprise étrangère; elles doivent être applicables à tous.
    C'était donc mes observations concernant le règlement des différends entre investisseurs et États. Je serai ravi de répondre à vos questions.
(1130)
    Merci beaucoup, monsieur Warner.
    Madame MacEwen.
    Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous au nom du Réseau pour le commerce juste. Notre réseau est une coalition d'organisations pour l'environnement, la société civile, les étudiants, les Autochtones, la culture, l'agriculture, le travail et la justice sociale qui se sont mobilisées en 2010 pour réclamer un nouveau régime commercial mondial basé sur la justice sociale, les droits de la personne et la viabilité de l'environnement.
    Parmi nos membres, notons le Congrès du travail du Canada, Unifor, le Syndicat canadien de la fonction publique, le Syndicat des Métallos, le Réseau Action Climat, le Conseil des Canadiens, les Travailleurs en communication d'Amérique du Nord, l'Union nationale des fermiers et de nombreux autres groupes représentant toutes les sphères de la société canadienne.
    Selon la nouvelle norme établie dans l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), les divers mécanismes et tribunaux pour le règlement des différends entre investisseurs et États ne sont pas nécessaires et peuvent même être dommageables. Comme les autres témoins vous l'ont indiqué, le Canada demeure signataire par ailleurs d'une bonne dizaine d'accords prévoyant un mécanisme de RDIE. Nous tenons à rappeler les raisons pour lesquelles nous estimons que le Canada devrait renoncer pour de bon à inclure de tels mécanismes dans ses ententes sur le commerce et les investissements.
    Le mécanisme de RDIE est la manifestation la plus flagrante de la priorisation des droits des entreprises, et je dirais même des droits des entreprises étrangères, dans nos accords commerciaux. En effet, si des mesures législatives sont prises à l'issue d'un processus de RDIE, elles s'appliquent uniquement aux entreprises étrangères, et non aux sociétés canadiennes. S'il n'y a pas de recours en droit canadien, c'est parce que nos législateurs ont jugé un tel recours inapproprié, ce dont nous devons dès lors convenir. Pourquoi intégrer à une entente commerciale internationale un recours qui n'est pas accessible en vertu du droit canadien? Pourquoi conférer à des sociétés étrangères des droits différents de ceux dont disposent les entreprises canadiennes? Cela explique essentiellement notre opposition aux mécanismes de RDIE.
    Ces mécanismes ont aussi pour effet de limiter les possibilités pour les citoyens et les gouvernements de s'exprimer pour la défense de l'intérêt public. Comme on vous l'a indiqué, le RDIE consolide et protège les droits des entreprises en permettant à des sociétés étrangères de poursuivre un gouvernement pour appropriation présumée, traitement discriminatoire ou perte d'un bénéfice potentiel. On va même souvent plus loin que la simple protection des investisseurs si bien que l'obligation d'indemniser ceux-ci pour la perte de bénéfices escomptés s'est appliquée même en l'absence d'une discrimination dans la réglementation, et même lorsque ces bénéfices étaient réalisés au détriment du bien public.
    Dans son rapport de 2016 intitulé «Foreign Investor Protections in the Trans-Pacific Partnership », Gus Van Harten expliquait comment les mesures de protection de ce type ont toujours bénéficié uniquement aux très grandes entreprises et aux individus les mieux nantis. Très souvent, les poursuites intentées ciblent et annulent les actions gouvernementales visant le bien public, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. En application du chapitre 11 de l'ALENA, le Canada a été soumis au processus d'arbitrage entre investisseurs et États plus souvent que les États-Unis et le Mexique.
    Peu importe que nous ayons ou non gain de cause, la situation demeure problématique, car il faut déployer de grands renforts d'énergie pour défendre une administration municipale ou un gouvernement provincial qui ne dispose pas localement de l'expertise que peuvent avoir les avocats de New York, par exemple, qui ont l'habitude de ce genre de poursuites. Il peut être très difficile pour les dirigeants locaux de déterminer si les mesures qu'ils prennent seront acceptables. Ils jugent souvent les risques trop élevés pour même tenter le coup. Cette frilosité est le premier élément du problème auquel s'ajoutent les mesures à prendre pour contrer la poursuite et, bien évidemment, le risque de ne pas avoir gain de cause.
    Parmi les lois et règlements qui ont fait l'objet de contestations au Canada, notons un moratoire proposé sur la fracturation hydraulique, des décisions de tribunaux canadiens concernant les brevets de médicaments, l'interdiction du MMT, un additif pour l'essence, et les politiques provinciales pour la protection de l'eau et du bois d'oeuvre.
    Le problème vient du fait que c'est le sens strict de la loi qui prime dans un processus de RDIE. Comme le souligne M. Van Harten, les décisions sont généralement prises de façon arbitraire sans s'appuyer sur la jurisprudence. On ne peut donc pas compter sur un processus clair dont on pourrait prédire l'issue, si bien qu'il n'est pas facile de savoir à quoi s'en tenir exactement. Il est ainsi très ardu pour le gouvernement de mettre en place un plan d'action pouvant le mettre à l'abri d'une réclamation dans le cadre du RDIE, sans compter que l'on ne dispose pas non plus des capacités nécessaires à cette fin.
(1135)
    Comme je l'indiquais, le Canada est maintenant le pays qui fait l'objet du plus grand nombre de poursuites via le mécanisme de RDIE. Toutes ces causes illustrent bien les risques qu'un mécanisme semblable empêche le gouvernement canadien de mettre en oeuvre des politiques, des lois et des règlements dans l'intérêt public. Comme deux autres témoins l'ont souligné avant moi, les investisseurs canadiens sont loin d'avoir un comportement irréprochable à ce chapitre sur la scène internationale. Ils ont eu recours au RDIE en intentant des poursuites à l'extérieur de l'Amérique du Nord pour s'en prendre de façon démesurée aux politiques environnementales adoptées par les pays en voie de développement.
    Dans leur rapport de 2019 intitulé « Digging for Dividends », Hadrian Mertins-Kirkwood et Ben Smith constatent que, depuis 1999, les investisseurs canadiens ont déposé 43 réclamations à l'encontre de pays à l'extérieur de l'Amérique du Nord dans le cadre du processus de RDIE. Il s'agit bien souvent d'entreprises minières qui contestent les mesures de protection de l'environnement en vigueur dans les pays en question.
    Dans ce même rapport, Mertins-Kirkwood soulève également des préoccupations quant aux tierces parties qui cherchent à tirer profit du système de RDIE. Ainsi, des spéculateurs financent en échange d'un bénéfice des entreprises pour leur permettre de mener jusqu'au bout des poursuites dans le cadre du RDIE. Sans un tel financement spéculatif, ces causes ne pourraient pas aller de l'avant. Il s'agit d'une entrave considérable aux efforts de lutte contre les changements climatiques déployés par les pays en développement qui sont les plus touchés par les impacts considérables du réchauffement de la planète.
    Comme Gus Van Harten l'a mentionné dans ses observations préliminaires, les menaces de recours au RDIE ont aussi fait obstacle à une intervention publique efficace pendant la pandémie. De telles poursuites pourraient en outre obliger certains pays à débourser des millions de dollars au cours des années à venir, ce qui les empêchera de déployer les moyens nécessaires pour protéger la santé de leur population.
    Plusieurs mesures prises par les gouvernements au cours de la dernière année pourraient les exposer à des réclamations dans le cadre du RDIE. Citons notamment les restrictions imposées aux entreprises et l'obligation de fermer leurs portes; la mobilisation de ressources pour les systèmes de santé; les obstacles à la prise de contrôle par des intérêts étrangers d'entreprises stratégiques touchées par la crise; le gel de la facturation et des débranchements par les services publics pour assurer l'accès à de l'eau propre aux fins du lavage des mains et des mesures sanitaires; et les dispositions mises en oeuvre pour que les médicaments, les tests et les vaccins soient accessibles à un coût abordable.
    Je peux vous citer à ce titre un exemple qui nous vient de l'Italie. Un fabricant privé qui n'était plus en mesure de livrer des pièces essentielles pour les ventilateurs a refusé de remettre ses devis de conception au gouvernement qui a alors demandé à ses ingénieurs de recourir à la rétroconception pour imprimer en 3D les pièces en question, et ce, à une fraction du coût exigé par le fournisseur privé. Celui-ci a menacé d'intenter des poursuites, et le gouvernement a renoncé à produire cette pièce essentielle pour sauver des vies.
    Le Columbia Center on Sustainable Investment a demandé un moratoire complet sur les réclamations de RDIE pendant la pandémie. En juin, le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, qui est membre du Réseau pour un commerce juste, a écrit une lettre ouverte au premier ministre Trudeau pour s'insurger contre les menaces liées au RDIE et a lancé six appels à l'action, y compris la limitation des causes semblables et l'interdiction d'intégrer le RDIE à nos accords à venir. Il est important de donner suite à ces recommandations et de poursuivre les efforts déployés pour sensibiliser la population et nos politiciens aux risques que présente le RDIE.
    Comme vous le savez tous, le Canada n'a malheureusement pas appuyé une motion à l'étude par l'Organisation mondiale du commerce pour la levée de certaines restrictions en vue de s'assurer que les vaccins et les autres fournitures médicales nécessaires dans le contexte de la pandémie soient accessibles à un coût abordable pour les pays en voie de développement. Si ces pays vont tout de même de l'avant avec la production de vaccins génériques pour immuniser leur population contre la COVID-19, ils s'exposeront à de coûteuses poursuites intentées dans le cadre du RDIE par des entreprises pharmaceutiques dont les activités de conception et de mise à l'essai des vaccins ont été en grande partie financées au départ à même les fonds publics.
    Nous sommes d'avis que le commerce et l'investissement devraient être considérés comme un moyen d'accroître le bien-être matériel et social, et non comme une fin en soi, et que les investisseurs — même s'il s'agit d'investisseurs canadiens à l'étranger — qui contreviennent à nos lois touchant l'environnement ou les droits de la personne ne devraient pas pouvoir bénéficier de la protection qu'offrent d'éventuelles poursuites par le truchement du RDIE. Tous les droits conférés à un investisseur, aussi bien au Canada qu'à l'échelle internationale, devraient être assortis de responsabilités à respecter dans l'intérêt public.
    Merci beaucoup.
(1140)
    Merci beaucoup, madame MacEwen.
    Nous passons maintenant à Mme Gray pour une période de six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Warner, diriez-vous que les entreprises canadiennes seraient moins enclines à investir dans des pays si les dispositions de RDIE étaient supprimées ou s'il n'y en avait carrément pas?
    C'est une question assez complexe. Les données économiques et statistiques ne permettent pas de trancher dans un sens ou dans l'autre. Cela me ramène à mon travail avec Alan Rugman, l'un de ceux qui se sont beaucoup intéressés aux origines des investissements directs étrangers. Je peux vous dire que, du point de vue des économistes, le principal facteur déterminant pour de tels investissements est la taille des marchés et leurs perspectives de croissance. Cet élément a préséance sur la majorité des autres éléments que l'on peut examiner, comme le régime fiscal par exemple.
    Je crois tout de même que cela nuirait aux investisseurs canadiens à l'étranger. Tout dépend du stade de développement de chaque pays — je pense surtout aux marchés émergents. C'est généralement ce que les entreprises recherchent. Voici comment cela pourrait se traduire dans la pratique. Si une entreprise veut investir dans un pays où elle n'a pas accès à un recours comme le RDIE, elle va vouloir obtenir une forme quelconque d'assurance. Et à qui va-t-elle s'adresser pour ce faire? On pourrait toujours dire qu'on va les laisser se débrouiller, mais vous savez comme moi que les choses ne se passent pas de cette manière au Canada. Cette entreprise va s'adresser à vous ou à une banque que vous avez créée pour voir s'il est possible de faire financer son projet par les contribuables canadiens. Il n'existe pas de marché privé de l'assurance pouvant offrir un soutien semblable à l'entreprise.
    Le mécanisme de RDIE fait en sorte que vous n'avez pas à financer de telles initiatives au moyen d'un régime d'assurance fortement subventionné. J'ai bien l'impression que sans assurance et sans RDIE, il n'y aurait pas d'investissement. Les garanties peuvent être offertes en aval ou en amont, mais elles demeurent incontournables si nous voulons que nos entreprises canadiennes investissent à l'étranger.
(1145)
    Certains craignent que les dispositions relatives au RDIE puissent empêcher le Canada d'adopter des lois, en matière d'environnement notamment, du fait qu'il s'exposerait à des contestations de la part de certaines entreprises. Croyez-vous que ces craintes sont fondées?
    On peut dire que les poursuites qui ont été intentées, et notamment celles où nous n'avons pas eu gain de cause, portaient généralement sur le traitement juste et équitable de l'investisseur. Il ne s'agissait pas vraiment de revendications touchant des mesures s'apparentant à l'expropriation. Nous n'avons pas perdu ces causes parce que les arbitres ont jugé que le Canada avait vraiment fait fausse route en imposant une nouvelle obligation juridique d'importance. Lorsque le Canada n'a pas gain de cause, il se fait plutôt dire: « Attendez un instant, vous avez dit une certaine chose à l'investisseur et vous avez changé d'avis le lendemain lorsque quelqu'un d'autre vous a donné plus d'argent » ou encore « Nous avions une entente avec vous. Nous vous avons versé de l'argent. Vous nous avez indiqué quels règlements étaient applicables. Nous avons engagé des coûts et vous avez tout simplement changé votre fusil d'épaule par la suite lorsqu'une administration municipale a fait valoir qu'elle n'avait pas à payer parce que le gouvernement fédéral allait le faire de toute manière. » C'est dans des cas semblables que nous perdons notre cause.
    Je ne crois pas que cela puisse nous empêcher d'adopter des lois environnementales ou des politiques pharmaceutiques à notre guise. Je dis simplement que nous devons le faire avec une plus grande prudence en veillant à ce que ces lois et politiques ne soient pas discriminatoires à l'endroit de certains investisseurs. Il faut aussi que nous le fassions en respectant la procédure établie, si je puis m'exprimer ainsi. Je ne crois pas que cela sape notre capacité d'adopter des mesures législatives déterminantes dans ces domaines.
    Vous semblez nous dire que la certitude revêt une importance capitale pour ceux qui songent à investir.
    Quels risques entrevoyez-vous pour nos entreprises à l'étranger si le Canada devait mettre fin aux ententes de protection des investissements étrangers qu'il a conclues avec différents pays?
    Je pense que s'il n'y avait pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, les entreprises canadiennes devraient vraiment se démener pour avoir un recours.
    Comme je l'ai déjà dit, soit elles ne pourront pas investir — et nous en perdrons les retombées sous forme d'impôt et de taxes —, soit elles devront souscrire une assurance pour se protéger. Troisièmement, elles demanderont au gouvernement de prendre des décisions pour elles, et chaque fois que vous aurez des discussions avec les représentants de l'autre gouvernement... Il y a des cas, particulièrement en Afrique, où notre politique étrangère exige que nous entretenions de bonnes relations avec un pays, étant donné son importance pour l'industrie minière. Si chaque fois que nos représentants ont une discussion avec leurs homologues de ce pays, le plus urgent est de parler de différends en matière d'investissement, nous n'arriverons pas à réaliser nos autres objectifs de politique étrangère bilatéraux avec ce pays et soyons honnêtes, nous ne pourrons pas non plus atteindre nos objectifs multilatéraux avec les grandes institutions internationales. Je pense que ce sera dommageable.
    Nous avons entendu que le gouvernement mène actuellement des consultations en vue d'un accord commercial avec l'Indonésie, qui selon le World Justice Project, a un indice de la primauté du droit de 0,58, comparativement à 0,75 pour le Canada. Recommanderiez-vous que le Canada négocie des dispositions sur un quelconque mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans un éventuel accord de libre-échange Canada-Indonésie?
    Essentiellement, oui. Je pense qu'il n'y aurait aucune raison de nous éloigner de notre pratique habituelle. Nous sommes un exportateur de capitaux.
    Je pense que la norme, jusqu'à maintenant, est de négocier des dispositions sur un mécanisme de règlement des différends, ne serait-ce que régionalement, parce que bien sûr, l'Indonésie fait partie de notre accord régional actuel, soit le PTPGP. Je ne vois aucune raison pourquoi nous agirions autrement.
    Merci beaucoup, madame Gray.
    Nous entendrons maintenant M. Dhaliwal, qui disposera de six minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie également tous nos témoins pour l'excellente information fournie.
    Madame la présidente, Mme MacEwen a déjà abordé l'objet de la plupart de mes questions, qui portent sur la pandémie, l'environnement et la justice sociale.
    Je parlerai d'abord de la pandémie. À quel point les mesures mises en place par notre gouvernement pour lutter contre la pandémie pourraient-elles nous exposer à des répercussions judiciaires en vertu des accords commerciaux internationaux du Canada et de leurs dispositions sur les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, étant donné que beaucoup de ces accords contiennent ce genre de disposition?
(1150)
    Je pense qu'il y a le Columbia Institute que j'ai déjà mentionné, comme d'autres organisations du domaine juridique, en Europe, qui ont dressé des listes de litiges potentiels. Je pourrai les transmettre au Comité.
    Beaucoup ont craint, au début de la pandémie, que des différends n'éclatent. Il y a eu des lettres de menaces, dans certains cas, puis le gouvernement a fait marche arrière. Malheureusement, nous ne savons pas vraiment ce qui en est, parce que bien souvent, ce genre de communication reste privé.
    Je pourrais vous faire parvenir la liste des différents potentiels... Je pense qu'il y en a beaucoup.
    Y a-t-il d'autres témoins qui voudraient intervenir à ce sujet? Non?
    Comme notre gouvernement mise beaucoup sur les politiques en matière d'environnement et de justice sociale et que nous sommes signataires de nombreux accords, certaines personnes, dont vous-même, se disent inquiètes que les dispositions sur les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États nuisent aux politiques en matière d'environnement et de justice sociale en imposant des pénalités aux pays qui voudraient adopter une réglementation dans l'intérêt public.
    Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire si ce pourrait être le cas ici et comment le gouvernement pourrait améliorer les choses quand il est signataire d'un accord qui contient un chapitre sur les politiques en matière d'environnement et de justice sociale?
    Dans les accords commerciaux... par exemple, en vertu de celui que nous avons avec l'Europe, il y a un tribunal pour les investisseurs, de sorte que ceux-ci jouissent de protections garanties devant ce tribunal, tandis que les protections environnementales n'ont pas le même poids. Nous avons mentionné l'existence de mesures de protection de l'environnement et des travailleurs, qui sonnent toutes très bien, mais qui ne sont pas mises en application, et il n'y a pas de relation entre la protection de l'investisseur et l'engagement cité dans les chapitres sur l'environnement ou la justice sociale, ou d'autres conventions que nous avons signées, comme celle sur les droits des travailleurs signée sous l'égide de l'Organisation internationale du travail ou l'Accord de Paris.
    Ainsi, si un gouvernement prend des mesures pour atteindre ses cibles climatiques, il n'est pas pour autant à l'abri d'un différend avec un investisseur qui jouirait de droits protégés. On ne peut pas utiliser ce prétexte pour justifier les mesures prises. Nous réclamerions donc des restrictions contraignantes dans l'accord, des renvois contraignants aux conventions internationales déjà négociées sur le climat ou les droits des travailleurs.
    Beaucoup d'accords commerciaux comprennent des dispositions sur les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, comme le mentionnait M. Herman.
    En revanche, quand il n'y en a pas, quand il n'y a pas de mécanisme de règlement des différends prévu dans les accords commerciaux que nous signons, les entreprises, particulièrement les entreprises canadiennes, s'exposent à toutes sortes de difficultés.
    Absolument, mais je me demande pourquoi nous voudrions assurer les entreprises canadiennes qui ont des comportements contraires à nos obligations internationales en matière d'environnement ou de droits des travailleurs. Je ne pense pas que le gouvernement ou la population canadienne aient la responsabilité de les assurer grâce à un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États qui ne serait censé rien coûter.
    Ces entreprises devraient elles-mêmes souscrire une assurance si elles veulent investir, parce que si elles veulent investir, c'est qu'elles s'attendent à réaliser des profits, n'est-ce pas? Ce n'est pas notre responsabilité de les assurer contre leurs propres mauvais comportements pour générer du profit.
    Je sais que vous nous entendez souvent, dans l'arène politique, au sujet des mauvais comportements de ces entreprises dans les pays du Sud. La présence de mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États ne diminue en rien la pression politique que nous exercerons sur vous concernant les mauvais comportements de certaines entreprises canadiennes...
    Le Canada est vraiment un pavillon de complaisance pour les sociétés minières. C'est épouvantable, c'est horrible, et je pense que la plupart des citoyens canadiens ne seraient pas favorables à ce que nous investissions de l'argent des contribuables ni à ce que nous orientions notre politique étrangère de manière à appuyer ces organisations.
(1155)
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Savard-Tremblay, qui disposera de six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je salue mes collègues et je remercie l'ensemble des témoins.
    Ma première question s'adresse à M. Van Harten.
    Vous avez expliqué pourquoi, selon vous, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États était nuisible sur le plan politique. Je suis tout à fait d'accord avec vous. L'ONU a publié un rapport portant sur les poursuites intentées non seulement au Canada, mais dans le monde. Les données ne sont peut-être pas très à jour. Quoi qu'il en soit, selon ce rapport, environ 60 % de ces poursuites se sont soldées par une défaite de l'État ou par un règlement à l'amiable. Dans 60 % des cas, la volonté politique a donc reculé devant les entreprises à but lucratif.
    De plus, selon un rapport de l'Union européenne, ce mécanisme a des répercussions non quantifiables. On peut penser notamment à la pression permanente que les dispositions de ce mécanisme exercent sur les États et au climat d'autocensure qu'elles créent. Autrement dit, les dirigeants évitent d'adopter une politique pour ne pas être poursuivis.
    À votre connaissance, des études en contexte canadien ont-elles été menées pour évaluer s'il y a effectivement eu des reculs la part des États ou de la pression exercée sur ceux-ci?

[Traduction]

    Je suis totalement d'accord avec vous. Un rapport qui comptabiliserait le nombre de victoires et de pertes ne nous renseignerait pas beaucoup sur l'effet réel des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, parce que c'est en coulisses que tout se joue. Il est très difficile d'en cerner les effets de l'extérieur, et j'ai pourtant essayé en interrogeant divers dirigeants.
    Je pense qu'il y a beaucoup d'occurrences où des gouvernements ont changé d'idée en raison du risque de différends entre investisseurs et États. Est-ce que ces changements ont été bons ou mauvais? C'est une autre histoire, mais je peux vous dire qu'il arrive souvent que des pays changent leurs décisions en coulisses et parfois, de façon assez inquiétante.
    L'affaire Ethyl s'est soldée par l'un des règlements les plus connus de l'histoire de l'ALENA. C'est l'une des premières fois où le Canada a fait tant de concessions, allant même jusqu'à retirer un projet de loi. C'est une longue histoire. Je ne voudrais pas que nous nous y enlisions aujourd'hui.
    Je vous dirai seulement que ce qui arrive, quand il y a un différend entre un investisseur et l'État, c'est que le fond d'une décision ne relève plus des institutions d'un pays, en définitive, soit du gouvernement, de l'assemblée législative et de la Cour suprême. La décision ultime finit par incomber à un groupe d'arbitres dont le rôle découle des actions d'une multinationale. C'est un changement extraordinaire à l'infrastructure décisionnelle d'un pays souverain, qui peut créer toutes sortes de pressions en coulisses. Je vous dirai par-dessus tout que dans toute crise, quelle qu'elle soit, ces pressions en coulisses seront nocives pour toute perspective canadienne qui aille à l'encontre de celles que quiconque peut prétendre être un investisseur étranger et a assez d'argent pour la contester et représenter une menace crédible.
    Il peut s'agir d'une crise économique, d'une crise financière, d'une crise environnementale ou d'une crise de santé publique. Ce n'est pas bon, et je crains qu'on soit confronté à bien d'autres crises encore à l'avenir. Il y en a de nombreux exemples.
    Rapidement, je soulignerai que beaucoup d'accords commerciaux ne prévoient pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. L'accord qui a succédé à l'ALENA entre le Canada et les États-Unis n'en contient pas. C'est l'une des nouvelles les plus réjouissantes que j'ai vues depuis quelques dizaines d'années à étudier les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, et l'initiative est venue des Américains. Les Américains ont jugé que ces mécanismes contraignaient trop leur propre souveraineté, puisqu'ils avaient pour effet, entre autres, d'inciter des entreprises américaines à exporter leur fabrication à l'étranger. C'était l'une de leurs préoccupations.
    J'estime que les relations entre les États-Unis et le Canada seront toujours fondamentales pour nous. Soit dit en passant, je respecte totalement la sagesse, la compétence et l'expérience des autres témoins ici présents. J'affirme seulement qu'il faut vraiment déterminer au cas par cas, une convention à la fois, comment on veut se retirer sans tomber dans la provocation et ainsi entacher nos relations avec les États-Unis, sans offenser les multinationales. Cela ne veut pas dire que le Canada doit retourner à l'époque sombre, pendant les années 1970, où Pierre Trudeau était l'ami de Fidel Castro ou de je ne sais trop qui.
    Je tourne plutôt mon regard vers l'avenir. Nous devons nous affranchir des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États en raison des crises qui se profilent à l'horizon et parce qu'à ce stade-ci, nous ne pouvons plus laisser nos gouvernements être ainsi contraints en coulisses dans leurs efforts afin de prendre les mesures nécessaires pour protéger les Canadiens.
(1200)
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Johns, qui aura six minutes, s'il vous plaît.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages.
    Madame MacEwen, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné les dispositions sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans le contexte de la production de vaccins. Pouvez-vous expliquer plus en détail au Comité en quoi consiste la dérogation à l’Accord sur les ADPIC et en quoi elle montre à quel point les dispositions sur le règlement des différends entre investisseurs et États peuvent être dangereuses?
    L’Accord sur les ADPIC est une convention de l'Organisation mondiale du commerce sur les droits de propriété intellectuelle et à ce titre, un conseil des ADPIC se réunit régulièrement. Il a déjà autorisé des dérogations aux dispositions sur la propriété intellectuelle dans certaines circonstances. Ainsi, en plein milieu de la pandémie, l'Inde et l'Afrique du Sud, deux pays gravement touchés par la COVID-19, ont proposé au conseil de l'Organisation mondiale du commerce de suspendre les règles sur la propriété intellectuelle afin de leur permettre de produire des versions génériques des vaccins, étant donné qu'ils ont des fabricants de produits génériques qui pourraient le faire. Cela aurait permis à leurs populations d'être vaccinées plus rapidement et ainsi, de protéger la santé mondiale. Ils voulaient aussi avoir l'autorisation de fabriquer des pièces de respirateurs et de l'équipement de protection personnelle assujettis à des restrictions en matière de propriété intellectuelle. Le Canada et d'autres pays riches ont alors répondu au conseil: « Prouvez-nous que cela retarde votre intervention. Nous croyons que vous pourriez régler le problème au cas par cas. Nous croyons que ces multinationales extrêmement rentables, qui n'ont jamais vu tant d'argent dans leurs comptes bancaires, pourraient probablement être dans de bonnes dispositions actuellement pour vous laisser le faire. Nous n'avons pas besoin d'aller jusqu'à l'extrême et de lever cette disposition au complet. »
    Ces pays ont alors répondu: « Voilà un bon exemple de ce que nous essayons de faire et des raisons pourquoi les choses stagnent. Ces démarches prennent une éternité et nous nuisent. Il y a des gens qui meurent sur notre territoire parce que nous n'arrivons pas à leur fournir ce dont ils ont besoin, à commencer par des tests de dépistage, et nous n'arrivons pas à le faire de façon abordable en raison des restrictions de propriété intellectuelle que vous refusez de lever en notre nom. »
    Le Canada a tout de même répondu: « Non. Nous pensons que vous vous débrouillerez probablement, que ce n'est pas nécessaire. » Nous croyons que dans un contexte d'urgence et de pandémie comme celui-ci, il serait logique, pour la santé publique mondiale, la protection des droits de la personne et par simple décence de base de lever les règles de propriété intellectuelle qui dictent que ces entreprises peuvent négocier combien elles veulent se faire payer pour cela. C'est un peu comme les chauffeurs d'Uber, quand les prix se mettent à monter en flèche. Sans ce type de dérogation, le Nord du monde sera protégé: nous serons vaccinés, mais nous verrons constamment poindre de nouveaux variants en Afrique du Sud, en Inde. Il y aura de plus en plus de gens dans le Sud qui mourront de la COVID-19, parce que nous n'avons pas su agir rapidement pour permettre la production de produits génériques abordables pour ces pays.
    J'aimerais creuser un peu plus cette question. Pourriez-vous dire au Comité combien de pays ont signé cette dérogation et combien de groupes somment le gouvernement canadien de la signer? Quand le gouvernement canadien aura-t-il de nouveau l'occasion de signer cette dérogation à l'OMC? Le gouvernement canadien a-t-il répondu à vos préoccupations quant à la signature de cette dérogation? Vous pouvez peut-être aussi nous expliquer à quel point on investit d'argent public dans cette crise, en ce moment, et à quel point il serait responsable de prendre cette décision en ce moment.
(1205)
    Oui. Vous soulevez un bon point. La mise au point des principaux vaccins a en fait été financée pour la plus grande partie par les deniers publics. L'innovation à la base du vaccin de Moderna est issue de recherches financées par le secteur public aux États-Unis, et ce sont eux qui détiennent le brevet. Mais pour une raison ou une autre, Moderna et les autres sont tout de même titulaires du brevet du vaccin final. Les essais ont pourtant été financés avec l'argent public, mais c'est Moderna, qui est financée à 100 % par le secteur public puisque tout ce qui a mené à la conception de ce vaccin a été financé par les deniers publics, qui affiche le prix le plus élevé pour son vaccin, ce qui est totalement inacceptable. Elle cherche à réaliser d'énormes profits sur ce vaccin.
    Mais en effet, la majorité des pays ont signé cette dérogation. Pour ce qui est du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni, nous nous traînons les pieds. Nous n'avons pas dit non, mais nous avons dit vouloir plus de preuves que cela pose problème. Nous avons écrit des lettres. Beaucoup de nos membres ont écrit des lettres, y compris le Syndicat canadien de la fonction publique, le Congrès du travail du Canada, Médecins sans frontières, Amnistie internationale et l’Internationale des services publics. Il y a des campagnes mondiales destinées à convaincre les gouvernements de prendre cette décision qui sauverait des vies, mais nous n'avons encore obtenu aucune réponse. Le Réseau pour le commerce juste et moi-même avons donc décidé de lancer une pétition à la Chambre des communes, une pétition officielle en ligne. Nous avons déjà amassé plus de 500 signatures. La période de signature se terminera à la fin mars, après quoi le gouvernement devra nous répondre. Nous nous attendons donc à obtenir une réponse du gouvernement du Canada à ce moment-là, mais il ne nous a pas encore répondu à ce jour.
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Je donnerai maintenant la parole à M. Lobb pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    C'est une excellente conversation que nous avons jusqu'à maintenant.
    J'aimerais poser une question à M. Warner sur le mécanisme de règlement des différends de l'OMC et le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Quand est-il dans l'intérêt du pays de s'adresser à l'OMC ou quand une entreprise pourrait-elle déterminer qu'il est dans son intérêt de recourir au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États? Ou est-ce préférable de se concerter vers une approche mixte? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Évidemment, ce sont des recours très différents. Je pense que pour l'entreprise, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États permet d'intervenir plus directement, parce que bien sûr, devant l'OMC, il s'agit toujours d'une démarche d'État à État, donc le mieux qu'une entreprise puisse faire, c'est de s'en remettre au gouvernement du Canada et de lui demander s'il veut bien faire valoir ses intérêts devant le tribunal de Genève et mener les consultations d'usage auprès des autres gouvernements. En revanche, dans les différends entre investisseurs et États, les gouvernements assureront leur défense, mais ne seront pas directement partie au litige, donc je présume que l'investisseur sera plus libre de faire valoir ses arguments comme il le souhaite dans ce contexte.
    Si l'entreprise a les moyens de se payer tout cela, elle peut en tirer un règlement plus avantageux qu'avec le mécanisme de règlement des différends d'État à État. Je pense que c'est le genre de calcul qu'une entreprise fait quand elle doit décider si elle préfère demander au gouvernement d'essayer de régler l'affaire en vertu de divers accords commerciaux, y compris devant l'OMC, ou plutôt prendre elle-même les choses en main.
    Vous ne voudrez peut-être pas vous prononcer sur une affaire en cours ou un litige potentiel, mais croyez-vous que Huawei sera avantagée si le Canada prend lui-même la décision, quelle qu'elle soit?
     Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je pense que je devrais transférer votre question à M. Herman, car il a écrit, à mon avis, un très bon article sur le sujet. Je vais donc le mettre sur la sellette.
    Monsieur Herman, vous avez la parole.
    Comme je l'ai indiqué, nous avons un traité d'investissement avec la Chine, mais la plupart des gens n'y pensent pas ou n'en parlent pas. Ce traité donne aux investisseurs chinois le droit de recourir à l'arbitrage exécutoire contre le gouvernement canadien en cas de violation du traité, ce qui signifie des violations de l'obligation de fournir un traitement juste et équitable aux investisseurs, mais ce traité d'investissement Canada-Chine prévoit une exception pour les intérêts en matière de sécurité nationale. J'ai l'impression que cette exception couvrirait le Canada dans le cas où Huawei entamerait une procédure d'arbitrage contre le Canada.
(1210)
    D'accord, c'est bien.
    Madame MacEwen, le dossier qui m'intéresse est celui de Keystone XL. Vous ne souhaitez peut-être pas faire de commentaires à cet égard, mais peut-être que oui. C'est un vieux dossier qui date d'avant l'Accord Canada–États-Unis–Mexique. Pensez-vous qu'une entreprise comme TC Energy, c'est-à-dire TransCanada PipeLine, devrait être en mesure de poursuivre le gouvernement américain ou le gouvernement d'un État en raison de l'annulation du projet Keystone XL? Avez-vous une opinion à ce sujet?
    Certainement. Je peux simplement vous dire que, parce qu'il s'agit d'une ancienne affaire... Le RDIE n'est pas complètement disparu de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique. Il est graduellement éliminé, et des investissements comme celui-ci seraient donc toujours couverts par ce mécanisme. Savoir si je pense que c'est une bonne idée ou non est une tout autre question.
    Mais dans cette affaire — et je n'essaie pas de vous faire pencher d'un côté ou de l'autre, vous êtes libre de répondre comme bon vous semble —, il me semble qu'il est bon d'avoir cette disposition pour protéger le TransCanada PipeLine d'une décision qui a couvert trois présidents et des milliards de dollars en investissements.
    Certainement. Dans ce cas-ci, mon argument ne concerne pas ces investisseurs précis. Je reprocherais plutôt au gouvernement de ne pas avoir fourni, à l'avance, des directives et une orientation claires, alors qu'il était évident que l'investissement ne se ferait probablement pas.
    Pour être juste envers le gouvernement, il essayait de suivre un processus, comme le dit M. Warner, qui lui permettrait de dire non. Qu'il ait eu l'intention de refuser dès le début ou non, il a dû passer par le processus de protection de l'environnement pour pouvoir refuser cet investissement, et ce faisant, il a fait attendre les investisseurs potentiellement plus longtemps qu'il aurait dû le faire.
    Je vous remercie, madame MacEwen.
    La parole est à M. Arya. Il a cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Mark Warner, je vous remercie beaucoup d'avoir évoqué l'histoire de ces mécanismes et d'avoir souligné leur importance dans la dépolitisation. C'est un excellent point que beaucoup d'entre nous oublient. Par ailleurs, vous avez mentionné à deux reprises que nous sommes en train de devenir un exportateur de capitaux. En effet, l'exportation de capitaux est toujours en croissance.
    Monsieur Lawrence Herman, j'ai lu la note que vous avez distribuée. Permettez-moi d'aborder la dernière partie de cette note. Vous avez mentionné la nécessité de moderniser le processus d'arbitrage spécial pour le rendre plus efficace et plus cohérent. C'est très important. Vous avez également évoqué les obligations d'État à État. Une fois encore, nous sommes nombreux à les oublier. Les accords sur la protection et la promotion des investissements étrangers font partie de la vie d'aujourd'hui. Les entreprises canadiennes plus anciennes, celles de la génération précédente... Quelques sociétés minières investissaient à l'étranger. De nos jours, une grande partie des investissements canadiens proviennent du Régime de pensions du Canada, du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou du régime de retraite des enseignants, et nous avons investi ailleurs.
    Pour vous donner un exemple précis, les investissements canadiens en Inde s'élèvent à environ 52 milliards de dollars. Pourtant, nous n'avons pas encore d'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers avec ce pays. De quel mécanisme disposent les exportateurs de capitaux canadiens pour protéger leurs investissements?
    Je ne suis pas d'accord avec l'idée de dépeindre toutes les entreprises canadiennes comme de mauvais joueurs, simplement parce que quelques sociétés minières canadiennes ont mal agi. Je pense que nous devons disposer d'un mécanisme permettant aux fonds d'un Canadien moyen qui sont investis par l'entremise de nos régimes de retraite, qu'il s'agisse du Régime de pensions du Canada, du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou des régimes de retraite des enseignants...
    À quels mécanismes ont-ils accès lorsqu'ils investissent en Asie et en Amérique du Sud ou par exemple en Inde, où nous n'avons pas d'accord de protection?
(1215)
    Puisque nous n'avons pas d'accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers avec l'Inde, il n'y a pas d'obligations d'État à État sur lesquelles le Canada pourrait s'appuyer. Dans ce cas, il incomberait donc aux investisseurs d'évaluer le risque et de prendre des décisions en conséquence. C'est tout simplement ainsi que fonctionne le marché. Certaines personnes soutiennent que les accords sur la protection des investissements assurent injustement — je présume que c'est une façon de l'exprimer — les investisseurs contre les risques et qu'il incombe plutôt aux investisseurs de décider s'ils veulent investir dans un certain pays.
    Pour répondre à votre question, un investisseur en Inde, par exemple, n'aurait aucun autre recours que la loi indienne pour se protéger en cas de comportement illégal ou inapproprié. C'est la réponse courte à votre question concernant l'Inde en particulier.
    Nous avons ici un cas pratique. Quand je parle d'investissement canadien, je parle de l'investissement des sociétés minières. Un investissement canadien moyen — pour un Canadien moyen comme vous et moi — est effectué par l'intermédiaire de nos régimes de retraite dans divers pays, car nous devons investir dans d'autres pays pour générer un rendement pour nos pensions. Lorsque nous faisons des investissements dans des pays d'Amérique du Sud ou d'Asie, cela ne souligne-t-il pas la nécessité de conclure des accords sur la protection des investissements?
    Veuillez répondre brièvement, monsieur Herman.
    À mon avis, c'est le cas. Ces accords peuvent être rédigés en conséquence pour fournir les garanties et les protections nécessaires au pays d'accueil relativement à l'investisseur dont nous avons parlé, mais il fournirait également à l'investisseur un cadre pour intenter une action si cet investissement était traité de manière injuste.
    Je vous remercie, monsieur Herman.
    La parole est maintenant à M. Savard-Tremblay. Il a deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais poser une question à Mme MacEwen.
    Comme on le sait, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États offrent une protection aux investisseurs étrangers. Dans les traités qui sont signés, la définition de l'investissement se limite souvent à l'aspect financier. Il n'y est pas vraiment question de création d'emplois ou de création de richesse. Souvent, une transaction par le truchement d'une société par actions suffit. C'était une parenthèse.
     Cette protection offerte aux investisseurs étrangers permet aux multinationales de poursuivre les États. En revanche, ces accords ne contiennent aucune mesure visant à protéger les citoyens contre les abus de ces mêmes investisseurs étrangers.
    Diriez-vous qu'il y a un déséquilibre flagrant dans ces accords?

[Traduction]

    Certainement. C'est le problème central des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, c'est-à-dire l'avantage qu'il donne aux grands investisseurs étrangers contre les États. La seule raison pour laquelle on aurait besoin de mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États pour les investissements en Inde serait parce qu'on ne fait pas confiance au gouvernement indien pour se comporter de manière cohérente et qu'on ne fait pas confiance au système judiciaire de ce pays pour traiter les investisseurs étrangers de manière équivalente aux investisseurs nationaux.
    Si nous craignons que nos investissements ne correspondent pas à ce que le gouvernement indien veut pour son peuple, je pense que le gouvernement indien a le droit de dire ce qu'il veut pour son peuple. C'est ce qu'on appelle la démocratie.
    La principale caractéristique d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États — et ce qu'en disent les militants —, c'est qu'il lie les mains des gouvernements démocratiques en privilégiant les droits des investisseurs au détriment du bien public. Les choses ne tournent pas toujours de cette façon, mais c'est la raison d'être et l'objectif d'un tel mécanisme.
    Je dirais donc que si nous souhaitons que la démocratie s'étende à l'échelle mondiale, nous devons faire confiance à la démocratie à l'échelle mondiale, et que nous n'avons pas besoin de menotter les autres gouvernements et de les empêcher d'agir dans l'intérêt supérieur de leurs citoyens.
(1220)

[Français]

    Je vous remercie de cette précision.
    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?

[Traduction]

    Il vous reste 14 secondes, monsieur Savard-Tremblay.

[Français]

    D'accord. Dans ce cas, je remercie Mme MacEwen.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Johns. Il a deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Madame MacEwen, Brenda Sayers, de la Première Nation des Hupacasath, dans ma circonscription, est allée devant les tribunaux au sujet de l'APIE Canada-Chine, car elle était inquiète pour les droits des Autochtones et la souveraineté des peuples de cette région, c'est-à-dire que des entreprises étrangères pourraient venir acheter une partie du bassin hydrographique et obtenir une licence d'exploitation forestière, ce qui aurait des répercussions sur le saumon sauvage et l'eau potable. Nous avons entendu à de nombreuses reprises que le gouvernement canadien s'est engagé à l'égard de la réconciliation et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En fait, la Chambre est saisie d'un projet de loi à cet égard.
    Mon collègue néo-démocrate a tenté d'inclure une disposition de non-dérogation dans le projet de loi de ratification de l'Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni, afin de veiller à ce que les partenaires commerciaux du Canada soient pleinement conscients des obligations du Canada envers les Premières Nations et les peuples autochtones. Il est décevant que cet amendement ait été rejeté.
    Étant donné que l'Accord de continuité commerciale contient également des dispositions relatives au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, tout comme l'Accord économique et commercial global, pouvez-vous préciser comment le RDIE pourrait avoir une incidence sur la capacité du gouvernement à remplir ses obligations envers les peuples autochtones du Canada?
    Cette question met en évidence une lacune dans mon exposé, lorsque j'ai parlé de nos obligations internationales dans le cadre de l'accord sur le climat ou de l'Organisation internationale du Travail. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un document que nous avons signé à l'échelle internationale et que nous nous sommes engagés à respecter, du moins en théorie, à l'échelon fédéral. Cependant, nous avons signé des traités qui ne nous permettront pas d'assumer pleinement la responsabilité rhétorique que nous avons acceptée.
    J'ai travaillé avec Pam Palmater sur des accords commerciaux, et à son avis, nous devons avoir une représentation autochtone à la table des négociations pour pleinement mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les droits commerciaux. Nous sommes si loin de cet objectif dans les accords commerciaux que la situation actuelle va complètement à l'encontre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Il vous reste 20 secondes, monsieur Johns.
    Les membres de notre comité entendent souvent dire que la crise climatique est l'un des éléments déterminants de notre génération. J'aimerais que vous nous expliquiez comment le RDIE a eu des répercussions négatives... ou a coûté de l'argent aux contribuables canadiens lors de modifications au cadre réglementaire. Vous avez peut-être de brefs exemples à nous donner.
    Je pense que le premier exemple que tout le monde connaît est celui de l'Ontario, qui a essayé de mettre en œuvre une réponse climatique par l'entremise d'achats locaux. Cette initiative a été invalidée à l'échelon international, car la province ne l'avait pas mise en œuvre de façon appropriée. Je tiens à préciser qu'il aurait été possible de le faire d'une manière appropriée, mais la province n'a pas voulu faire l'effort d'agir de manière conforme au droit international. La province a donc fait une tentative, mais a abandonné parce que cela n'a pas fonctionné.
    Lorsque j'ai travaillé pour le ministère de l'Agriculture de la Nouvelle-Écosse, j'ai proposé une série de moyens permettant de dédommager les agriculteurs pour les mesures qu'ils avaient prises en matière de développement durable. Cette proposition a été rejetée, probablement au niveau du sous-ministre, parce qu'il pensait que nous ferions l'objet de poursuites en vertu du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
    On a donné des exemples de pays européens qui avaient mis en œuvre des politiques semblables. Je pense que ce sont des exemples où le silence compte vraiment; on n'en entend jamais parler.
    Monsieur Aboultaif, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente. J'aimerais également remercier les témoins qui comparaissent aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à M. Van Harten, qui a demandé l'annulation du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, ou notre retrait de ce mécanisme.
    Pour ma première question, j'aimerais savoir si cela pourrait nuire à nos soldes commerciaux en matière d'investissements, en particulier dans le cadre des grands accords que nous avons mis en œuvre. Deuxièmement, comment l'industrie réagit-elle ou peut-elle réagir à de telles initiatives?
    Permettez-moi d'abord de préciser que le retrait ne se fera pas rapidement. Il s'échelonnera sur une génération.
    À mon avis, pour nous retirer complètement des obligations que nous avons assumées en vertu des traités existants, nous devrions généralement donner la priorité au retrait, lorsque c'est possible en fonction du traité et du contexte, et certainement ne plus signer de RDIE.
    Quelles seront les répercussions sur nos relations en matière d'investissement et sur les investisseurs canadiens à l'étranger? Je pense qu'il est très difficile de prévoir comment les relations en matière d'investissement et les avantages économiques de l'investissement, qui sont visiblement énormes, sont touchés par les traités actuels sur les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, sans parler des futurs traités liés à ce mécanisme et d'un retrait potentiel.
    Je dirais que le risque de répercussions négatives découlant simplement d'un retrait des traités liés au RDIE est faible, et nous pouvons le réduire encore plus si nous nous retirons de manière calme et non provocatrice, ce qui a été essentiellement l'approche adoptée par l'Afrique du Sud lorsque ce pays s'est retiré de ses traités bilatéraux d'investissement qui autorisaient l'application du RDIE au cours des 10 dernières années. Le pays s'est retiré tout en rassurant les investisseurs étrangers sur l'existence d'autres mesures de protection, et une nouvelle loi a été adoptée pour rendre ces protections plus fiables en Afrique du Sud.
    Oui, les investisseurs canadiens à l'étranger n'auront plus accès aux mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États prévus par des traités, mais les actifs qui préoccupent le plus de nombreux investisseurs, ce sont les très gros actifs de plusieurs milliards de dollars que nous ne voulons pas laisser complètement ouverts aux abus de la part d'un gouvernement étranger. Dans ces cas, il y a toujours un ensemble très complexe de contrats entre l'investisseur étranger et les entités étatiques du pays hôte. Une grande multinationale dispose d'une grande capacité à négocier des contrats qui protègent ses intérêts, notamment en prévoyant un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. En effet, on peut inclure ce mécanisme dans le cadre d'un contrat, ce qui entraîne essentiellement le même processus. Je pense que c'est préférable pour les pays d'accueil, car ils peuvent être plus sélectifs quant aux moments où ils font ces concessions extraordinaires de leur souveraineté et de leur souplesse réglementaire.
    Il s'ensuit que dans le cadre d'un plan de retrait progressif, il faut s'assurer que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États fondé sur un contrat soit bien connu des grands investisseurs canadiens à l'étranger et que ces derniers aient la capacité de recourir à ce moyen de protection.
    Deuxièmement, les investisseurs peuvent se prévaloir d'une assurance contre le risque politique. M. Warner en a parlé. Cette assurance pourrait être soutenue par l'État et pourrait être offerte sur le marché. Toutefois, c'est loin d'être un processus parfait. En effet, je tiens à préciser que les assureurs sont beaucoup plus intelligents que les rédacteurs des traités, car ils limitent leurs obligations. Dans un contrat d'assurance contre le risque politique, il n'y a pas d'obligation d'assurer contre le manquement au traitement juste et équitable. Il y a des garanties contre les risques les plus évidents et les plus contrôlables, par exemple la nationalisation et l'expropriation, contre lesquels nous devrions certainement protéger les investisseurs.
    Je pense que les investisseurs canadiens subiront certains revers. Ils ne seront pas aussi bien lotis, mais si on tient compte de l'ensemble des avantages pour le Canada, ainsi que ce que nous perdons sur le plan financier et ce que nous perdons en matière de capacité à répondre à une future crise... Je vous le dis, lorsque la crise suivante surviendra, les intervenants du gouvernement remercieront le ciel de ne pas avoir à s'inquiéter des risques liés au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, qui se chiffrent en milliards de dollars. Il vaut donc la peine de s'assurer que les Canadiens peuvent être protégés même lorsqu'une multinationale, pour quelque raison que ce soit, se bat très fort en coulisses pour nous empêcher de faire ce qui est dans l'intérêt supérieur des Canadiens. Nous devons tout simplement éliminer cet obstacle.
    Je pense qu'un investisseur canadien qui prend le temps de réfléchir et d'examiner la situation se dira qu'il peut réussir à se protéger avec le soutien du gouvernement, et qu'il est également Canadien et qu'il peut donc comprendre l'importance de protéger notre pays contre ces risques généraux.
    Tout cela peut sembler un peu provocateur, j'en suis sûre, mais ce n'est pas mon intention. Il y a longtemps que je préconise une réforme du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. J'en suis arrivé à la conclusion qu'il faut agir simplement, se retirer du mécanisme et ensuite le réformer. Il faut éviter de rester bloqué à l'intérieur de ce mécanisme.
(1225)
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons passer à Mme Bendayan, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'alimenter la discussion de ce matin grâce à leurs observations très réfléchies.
    Par souci de transparence, je dois mentionner qu'avant de me lancer en politique, j'étais avocate en arbitrage commercial international et, à ce titre, j'ai représenté plusieurs entreprises — y compris certaines des sociétés qui font notre fierté ici, au Québec, comme Bombardier — contre des États étrangers en vertu de dispositions d'arbitrage, qui ressemblent à ce que M. Van Harten vient de décrire concernant les dispositions sur le règlement des différends entre investisseurs et États, ou RDIE, prévues dans les contrats. J'ai également participé à quelques procédures de RDIE aux termes de nos accords commerciaux. Cela dit, et sans vouloir mettre de l'avant mes opinions, je pense qu'il est important de discuter de la façon dont le Canada devrait s'y prendre, surtout au moment de négocier de nouveaux accords commerciaux.
    Avant de poser ma question, j'aimerais apporter une précision ou une correction. M. Van Harten a affirmé que ce sont les États-Unis qui ont demandé que les dispositions relatives au RDIE soient retirées du nouvel ALENA. Je pense qu'à moins d'avoir été présents dans la salle, nous ne devrions pas présumer de la façon dont ces négociations se sont déroulées ou de la position que le Canada a défendue dès le départ.
    Par ailleurs, en ce qui a trait à la conversation précédente sur l'accord de transition entre le Royaume-Uni et le Canada, je précise que les dispositions en matière de RDIE sont suspendues dans le cadre de cet accord et qu'elles n'entreraient en vigueur que beaucoup plus tard si celles de l'AECG devaient être ratifiées, ce qui, comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui et comme nous le savons tous, ne se produira probablement jamais.
    Permettez-moi de passer à une question de fond, qui s'adresse peut-être à M. Warner et à M. Herman.
    Je me demande si vous pourriez nous dire, de manière générale, ce que vous pensez de l'adoption d'une approche au cas par cas. Il y a peut-être lieu de recourir au mécanisme de RDIE dans certaines situations mettant en cause des partenaires commerciaux précis, alors que dans d'autres circonstances — par exemple, lorsque nous avons affaire à des partenaires dont le système judiciaire nous inspire une grande confiance —, ce mécanisme pourrait s'avérer inutile.
    Commençons peut-être par M. Herman.
(1230)
    Tout d'abord, madame Bendayan, la réputation dont vous jouissiez avant votre carrière politique est bien connue, et ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine vous sont reconnaissants de votre participation à ces procédures.
     Je voudrais simplement faire une observation sur le retrait des dispositions actuelles en matière de RDIE. Notre premier traité investisseur-État est celui conclu avec la Russie. J'invite M. Van Harten à répondre, à un moment donné, à la question suivante: est-il dans l'intérêt du Canada de se retirer de ce traité avec la Russie?
    Votre question, madame Bendayan, est de savoir si nous devrions procéder au cas par cas. Je crois que c'est une approche viable. Nous éliminons les différends entre investisseurs et États dans le cadre de notre accord avec les États-Unis. Nous faisons de même, à toutes fins utiles, aux termes de notre accord avec les Européens. Quels en sont les effets sur les intérêts canadiens? Si nous ne sommes pas soumis à l'arbitrage de ce genre de différends dans le cas d'investisseurs américains et européens, comment les intérêts canadiens seront-ils en quelque sorte menacés?
    Là où je veux en venir, c'est que le retrait des traités actuels de protection des investissements étrangers est semé d'embûches. Pour en revenir à votre argument, il est possible, à l'avenir, d'adopter une approche sélective et de décider dans quelles circonstances nous devons invoquer certaines dispositions en matière de RDIE, parallèlement aux garanties qui ont été intégrées dans les dispositions de l'AECG et qui prévoient un processus d'appel et un tribunal d'arbitrage permanent. Voilà qui, selon moi, améliore remarquablement le système, et une telle démarche pourrait faire partie d'une politique future pour tout nouveau traité que le Canada cherche à négocier.
    Merci beaucoup, monsieur Herman.
    Je suis désolée, madame Bendayan, mais votre temps est écoulé. Il vous reste 18 secondes.
    M. Warner pourrait-il faire une observation?
    Allez-y, monsieur, mais soyez bref.
    Très brièvement, je suis d'accord avec M. Herman pour une grande partie de ce qu'il a dit à ce sujet.
    J'estime qu'en réalité, une des conséquences pour le Canada, c'est que d'autres pays demanderont à obtenir un traitement équivalent, maintenant que nous avons retiré ces dispositions de notre accord avec les États-Unis. Voilà, à mon avis, ce qui attend le Canada.
     Merci, monsieur Warner.
    Nous allons maintenant entendre M. Hoback, qui dispose de cinq minutes.
(1235)
    En fait, monsieur Warner, vous soulevez un bon point. Lorsqu'on fait affaire avec des pays où l'on estime avoir vraiment besoin de mesures de protection appropriées en matière de RDIE en raison de leurs systèmes judiciaires ou politiques, comment peut-on négocier cet aspect dans un tel contexte?
    C'est difficile. Ce sont justement ces pays qui, à l'occasion d'une négociation, ne manqueront pas de nous dire: « Eh bien, si vous n'aviez pas besoin de ces dispositions dans votre accord avec les États-Unis, pourquoi les ajouterions-nous à notre entente avec vous? »
    Je ne sais pas comment nous allons répondre. Il se peut que l'intérêt d'avoir une entente soit si important qu'ils finiront par y adhérer. À mon avis, ce sera l'une des conséquences involontaires du dernier cycle de négociations de l'ACEUM, qui n'a pas encore eu lieu, mais nous aurons beaucoup de mal à imposer cela. Chose certaine, dans le cas de gros joueurs... Par exemple, l'Indonésie pourrait très bien refuser notre proposition, car c'est également un pays très nationaliste.
    Un des aspects qui me posent problème, c'est que les autres partis affirment qu'il s'agit d'un enjeu énorme pour le Canada. Or, lorsque je fais un retour en arrière et que j'examine le bilan, je constate que le Canada a perdu huit affaires et en a gagné neuf. Nous avons versé 219 millions de dollars en dommages-intérêts et environ 95 millions de dollars en frais juridiques. Pourtant, nous avons reçu des investissements étrangers directs d'une valeur de quelque 410 milliards de dollars.
    Quelle est l'ampleur du problème au Canada? À quel point est-ce restrictif? Sommes-nous inquiets des investissements au Canada, comme c'est le cas sous le gouvernement actuel, dont les politiques dissuadent les gens d'investir au Canada? Cherchons-nous davantage à protéger les Canadiens qui investissent à l'extérieur du Canada? Comment pouvons-nous aider une petite entreprise qui a peut-être un chiffre d'affaires de 10 millions de dollars et qui souhaite percer un nouveau marché — disons celui de l'Europe ou des États-Unis —, mais qui veut s'assurer d'être protégée? Elle ne peut pas acheter cette protection; il ne s'agit pas d'une grande multinationale qui va s'adresser aux tribunaux et intenter des poursuites contre un État ou le gouvernement fédéral aux États-Unis. Que pouvons-nous mettre en place, à part le mécanisme de RDIE, pour protéger ces petites entreprises?
    Je suppose qu'une fois que ces dispositions seront exclues de l'accord avec les États-Unis, nous serons essentiellement contraints de politiser à nouveau tous les différends en matière de commerce et d'investissement. La liste des différends avec les États-Unis englobe un tas de sujets, allant du bois d'œuvre à Keystone, et j'en passe.
    Le Canada ne peut pas consacrer tout son temps et toute son attention aux questions touchant les États-Unis. Je ne sais pas s'il est vraiment souhaitable de tout remplacer. En l'absence d'un mécanisme de RDIE, nous serons appelés à dépenser beaucoup plus d'argent, me semble-t-il, afin d'aider les entreprises canadiennes à intenter des poursuites aux États-Unis.
    Justement, monsieur Warner, pouvez-vous nous parler de l'achat d'assurance?
    Il est possible de souscrire une assurance contre les risques politiques auprès d'EDC. Disons que l'entreprise sera effectivement indemnisée à cet égard. Qui finira par payer la facture si c'est EDC qui verse cette prime d'assurance ou cette police? N'est-ce pas, en fait, le contribuable canadien? Y a-t-il d'autres entreprises qui souscrivent une assurance-risques auprès d'EDC? S'il devait y avoir un versement massif, qui aurait à payer la note au bout du compte? Est-ce le gouvernement canadien ou le gouvernement étranger qui a nationalisé l'entreprise canadienne ou pris des décisions arbitraires contre elle?
    À mon sens, si c'est EDC qui paie, alors c'est nous qui, en fin de compte, assumerons ce risque en tant que contribuables canadiens. Cela fait partie, encore une fois, des conséquences involontaires de certaines de ces propositions.
    Monsieur Van Harten, j'ai déjà posé une question à M. Warner au sujet de ces petites entreprises. Elles n'ont qu'un chiffre d'affaires de 10 millions de dollars, et elles décident de se lancer sur les marchés internationaux parce que nous les avons encouragées à devenir des PME exportatrices. Supposons qu'elles investissent, par exemple, dans un entrepôt de distribution ou quelque chose de ce genre dans un autre pays. Comment protéger leurs investissements? Que faisons-nous pour elles?
    Monsieur Hoback, c'est une question tout à fait légitime et importante.
     Je veux certes appuyer les entrepreneurs canadiens qui font des affaires à l'étranger. Je leur tire mon chapeau. Pour ma part, je ne suis qu'un universitaire. Comme on dit dans le film SOS Fantômes, « le secteur privé veut des résultats ». J'ai donc le plus grand respect pour eux.
    Je tiens à vous dire, en toute honnêteté, que le mécanisme de RDIE ne les aidera pas parce que ces entreprises n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites. Quand on a affaire à un pays comme la Russie ou la Chine, même si on a gain de cause, après avoir dépensé des millions ou des dizaines de millions de dollars en frais judiciaires, pensez-vous que le pays va vraiment payer la note?
    Les Russes, vous savez, pourraient ne pas payer le montant. Que peut-on faire dans ce cas? Il faut alors poursuivre les actifs russes dans tous les pays du monde, en brandissant une sentence arbitrale et un traité d'investissement. C'est génial pour les avocats et les arbitres. Je vous le dis bien franchement: à moins qu'il ne s'agisse d'actifs de plusieurs centaines de millions de dollars, les avantages liés à une éventuelle protection des investisseurs canadiens... Il faudra chercher ailleurs pour obtenir une protection.
    Autrement dit, dans le cadre de nos accords commerciaux, nous devons trouver un autre mécanisme pour protéger ces petites et moyennes entreprises. Est-ce bien cela?
(1240)
    Veuillez répondre brièvement.
    Oui, nous avons besoin d'un mécanisme d'État à État. Ce serait plus utile. Il faut tenir compte des contrats, mais à certains égards, les conditions du marché sont impitoyables. Il faut donc prendre des décisions en conséquence.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sarai, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à M. Van Harten.
    À l'instar d'autres députés, j'ai encore des sentiments mitigés sur la question du règlement des différends entre investisseurs et États. Comme M. Hoback vient de nous le rappeler, nous avons gagné un peu plus de causes que nous en avons perdues.
    Quels sont les risques éventuels liés à l'absence d'un mécanisme de RDIE, en particulier pour les PME qui se lancent sur le marché mondial et, surtout, dans le cas de nouvelles technologies susceptibles d'entraîner des perturbations ou des innovations, que d'autres États pourraient déplorer ou chercher à interdire au moyen de mesures de protection?
    Dans la plupart des cas, le mécanisme de RDIE fondé sur des traités ne sera d'aucun secours pour les entreprises si la valeur des actifs en cause dans l'autre pays est inférieure à plusieurs centaines de millions de dollars. Il devrait y avoir une approche structurée en matière de retrait pour gérer l'intérêt du Canada et celui des investisseurs canadiens afin que ceux-ci continuent d'avoir suffisamment de mesures de protection adaptées à leurs besoins.
    Par exemple, la plus grande priorité a toujours été l'ALENA. Nous ne sommes plus soumis aux dispositions de l'ALENA sur le RDIE; c'est formidable, nous pouvons cocher cette case et remercier la ministre Freeland. Je lui ai d'ailleurs envoyé un courriel à ce moment-là pour la remercier d'avoir, en gros, réclamé pour le Canada ce que les Américains réclamaient pour eux-mêmes. En effet, les Américains voulaient maintenir ces dispositions pour le Canada et le Mexique, mais se soustraire de leurs obligations en la matière. Eh bien, c'était hors de question pour le gouvernement canadien, et je vous en remercie.
    À part cela, j'estime qu'il faut maintenir provisoirement l'AECG et se débarrasser des dispositions sur le RDIE. Faites-le discrètement, mais assurez-vous que ces dispositions seront exclues. De plus, ne vous contentez pas de laisser aux États membres de l'Union européenne la possibilité de ne pas ratifier l'accord. Faites clairement savoir que les dispositions sur le RDIE ne seront jamais appliquées dans le cadre de l'AECG. Je serai alors très heureux pour le Canada.
    Ensuite, en ce qui concerne le Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, nous avons vraiment fait fausse route. Sur le coup, nous cherchions à modifier le mécanisme de RDIE aux termes de l'AECG et nous nous apprêtions à nous en retirer dans le cadre de l'ALENA. Prenons l'exemple de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie: ces deux pays ont conclu des accords parallèles dans le cadre du PTPGP, qui font que ce mécanisme ne s'applique pas entre eux. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas conclure de tels accords parallèles avec ces mêmes pays dans le cadre du PTPGP.
    Pour ce qui est des traités bilatéraux d'investissement, c'est une autre paire de manches, mais si vous tenez à protéger les PME canadiennes, il y a lieu de prendre des mesures beaucoup plus importantes, à une échelle plus réduite, comparativement aux réclamations de grande envergure dans le cadre du mécanisme de RDIE fondé sur des traités.
    Je vous remercie.
    Je vais poser la même question à M. Herman.
    D'après vous, comment pouvons-nous modifier le mécanisme de RDIE pour les ententes futures, ou dans les accords actuels ou parallèles, comme M. Van Harten l'a dit, afin de continuer à protéger nos intérêts lorsqu'ils sont injustement lésés par différents États, tout en protégeant notre souveraineté et nos propres lois en matière d'environnement et de travail?
    Comme je l'ai dit, nous n'avons plus de mécanisme de RDIE avec les Américains, ce qui élimine une grande partie des risques. Je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter outre mesure des dispositions de RDIE avec les Européens. Rien de tel ne se produira, selon toute vraisemblance.
    Où se situent les intérêts canadiens? J'ai du mal à comprendre l'idée selon laquelle nous devons abroger les traités en vigueur et nous retirer des accords de protection des investissements étrangers qui existent déjà. Je ne comprends pas comment une telle démarche pourrait favoriser les intérêts canadiens. Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe. Cela pourrait être souhaitable d'un point de vue théorique, mais pourquoi nous retirerions-nous des traités qui offrent sans conteste des avantages aux Canadiens et qui ne les désavantagent pas sur le plan des intérêts canadiens?
    Nous pourrions négocier l'élimination des dispositions de RDIE aux termes d'accords bilatéraux dans le cadre du PTPGP. Je ne pense pas que le Canada risque fort d'être attaqué par des investisseurs étrangers de la région de l'Asie-Pacifique. C'est possible, mais je pense que le mécanisme de RDIE suscite beaucoup de réactions. Franchement, je crois que nous devons prendre du recul et déterminer où se situent les intérêts canadiens. Je ne parle pas de grands intérêts théoriques, mais bien d'intérêts canadiens concrets.
(1245)
     Merci, monsieur Herman.
    Passons maintenant à M. Savard-Tremblay. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie.
     Plusieurs intervenants ont parlé de la nécessité de conserver ce mécanisme. Certains ont dit qu'il fallait le maintenir à tout prix et que l'ensemble des traités le reproduisait. Or ce n'est pas tout à fait vrai. Le nouvel ALENA, l'ACEUM, ne reconduit pas ce mécanisme.
    J'aimerais poser la question suivante à M. Warner, qui s'est prononcé en faveur du mécanisme.
    Depuis l'entrée en vigueur de l'ACEUM, il y a huit mois, le fait que ce mécanisme ne soit pas reconduit a-t-il eu des conséquences notables?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que la réponse à votre question, c'est que nous ne nous sommes pas encore vraiment retirés de l'ALENA du point de vue du règlement des différends entre investisseurs et États. Cela aura lieu l'année prochaine, car il y a maintenant une période de transition. Nous n'en avons donc pas encore constaté les effets.
    Quelqu'un a mentionné Keystone. Fait intéressant, lorsque l'ALENA était en vigueur, TransCanada, comme on l'appelait alors, avait lancé une procédure de règlement des différends entre investisseurs et États, mais elle a décidé de l'annuler lorsque Donald Trump a adopté un décret pour permettre la réalisation du projet. Curieusement, durant la période de transition actuelle, TC Energy n'a pas relancé une mesure similaire, ce qu'elle est tout à fait en droit de faire. Bref, je n'ai pas de réponse exhaustive à donner, mais il s'agit d'une question que je me pose sans cesse.

[Français]

    Ce n'est pas grave. Je vous remercie de votre effort.
    Les États-Unis et le Canada ont des systèmes de justice développés. Ce sont deux États de droit, capables de trancher eux-mêmes des différends.
     Pourquoi cela ne suffit-il pas?

[Traduction]

    Je pense que la réalité est que cette façon de faire ne fonctionne pas. Un cas célèbre dans le contexte de l'ALENA était l'affaire impliquant Loewen, un salon funéraire. C'est l'une des plus anciennes que vous pouvez lire. De nombreuses personnes l'ont publiée. Il s'agit d'une affaire dans laquelle l'investisseur canadien — enfin, c'est ce que nous pensions — a été très mal traité dans un système judiciaire américain. Quel est le recours en pareil cas? En fin de compte, il n'a pas obtenu ce qu'il voulait du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, mais je me demande vers quel autre mécanisme cette personne aurait pu se tourner.
    Comme j'ai mentionné plus tôt le travail du professeur Armand de Mestral, je dois dire que je ne suis pas certain que, en vertu du droit canadien, pareil investisseur puisse appeler de certaines décisions où les municipalités ou les provinces agissent de façon arbitraire au Canada. Voilà pourquoi, à mon avis. Ce sont les cas paradigmatiques dans lesquels le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États peut être utile.
    Merci beaucoup, monsieur Warner.
    Merci à nos témoins. Nous allons vous permettre de partir. Merci pour les excellents renseignements que vous nous avez donnés. Nous avons des affaires du Comité à régler.
    La parole est maintenant à M. Savard-Tremblay.
    Vous avez deux motions. Voulez-vous parler de la première?

[Français]

    Ce sont des motions de régie interne. La première se lit comme suit:
Que tous les documents présentés dans le cadre des travaux du Comité et qui ne proviennent pas d’un ministère fédéral ou qui n’ont pas été traduits par le Bureau de la traduction soient préalablement soumis à une révision linguistique par le Bureau de la traduction avant d’être distribués aux membres.
    Je crois que la version anglaise vous a également été envoyée.
(1250)

[Traduction]

    La motion proposée fera-t-elle l'objet d'une discussion? J'ai prévu 10 minutes pour ces deux motions.
    Madame Bendayan, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente. Je serai très brève.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Savard-Tremblay.
    Je suis tout à fait d'accord. Il me semble que c'est déjà le cas, dans la pratique. Néanmoins, je suis prête à voter en faveur de votre motion afin de formaliser le tout.

[Traduction]

    Madame Gray, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Nous devons examiner cette question d'un point de vue pratique et fonctionnel. Il pourrait ne pas toujours être possible de tout faire passer par le Bureau de la traduction. Un autre comité a décidé d'utiliser aussi d'autres ressources pour traduire ses documents. Je crois qu'un autre comité a approuvé cette proposition.
    Je propose une modification pour ajouter aussi « d'un bureau de député ou d'un bureau de recherche de parti », si ce libellé convient.
    Si l'on se limite au Bureau de la traduction, les délais d'exécution pourraient ne pas toujours être respectés, et il existe des personnes tout à fait compétentes au sein des différents partis politiques dans les bureaux des députés.
    Allez-y, madame Bendayan.

[Français]

    J'aimerais entendre les commentaires de M. Savard-Tremblay sur l'amendement qui a été proposé. Il ne me semble pas nécessaire, mais j'aimerais tout de même connaître l'avis de la personne qui a présenté la motion.
    Je réfléchis aux tenants et aux aboutissants. C'est un amendement avec lequel nous pourrions composer, à mon avis, mais la forme d'origine me semble convenir davantage en ce qui a trait au Bureau de la traduction.
    Madame Gray, pouvez-vous proposer une formulation précise pour que nous soyons certains de saisir correctement chacun des mots et leur importance dans la motion?

[Traduction]

    Monsieur Hoback, nous vous écoutons.
    Au comité spécial Canada-États-Unis, nous avons en fait adopté cet amendement. Il n'a pas bloqué le comité, ce qui nous a permis de faire les choses rapidement. Cependant, il nous a tout de même permis de trouver les ressources dont les députés du Bloc ou toute personne parlant français avaient besoin pour obtenir la documentation appropriée en temps opportun. C'était un bon compromis au sein de ce comité. Il semble bien fonctionner. C'est peut-être quelque chose que nous pouvons aussi faire ici.
    Monsieur Savard-Tremblay, sommes-nous d'accord pour donner suite à votre motion modifiée, ou vouliez-vous que Mme Gray apporte des éclaircissements?

[Français]

    J'aimerais bien obtenir une précision sur le libellé, s'il vous plait.

[Traduction]

    Madame la greffière, pouvez-vous réitérer cet amendement?
    On ajouterait « d'un bureau de député ou d'un bureau de recherche de parti » après « ministère fédéral ».

[Français]

    La version française se lit comme suit:
Que tous les documents présentés dans le cadre des travaux du Comité et qui ne proviennent pas d'un ministère fédéral, d'un bureau de député ou d'un bureau de recherche de parti, ou qui n'ont pas été traduits par le Bureau de la traduction, soient préalablement soumis à une révision linguistique par le Bureau de la traduction avant d’être distribués aux membres.
(1255)
    Cela me convient.

[Traduction]

    Monsieur Hoback, la parole est à vous.
    Madame la présidente, pouvez-vous lire la motion modifiée dans son intégralité?
    Allez-y, madame la greffière.
Que tous les documents présentés dans le cadre des travaux du Comité et qui ne proviennent pas d'un ministère fédéral, d'un bureau de député ou d'un bureau de recherche de parti, ou qui n'ont pas été traduits par le Bureau de la traduction, soient préalablement soumis à une révision linguistique par le Bureau de la traduction avant d’être distribués aux membres.
    Que tous ceux qui appuient la motion modifiée veuillent bien dire oui.
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Nous allons revenir à M. Savard-Tremblay pour l'autre motion.

[Français]

     Oui. Elle se lit comme suit:
Que la greffière informe chaque témoin à comparaître devant le Comité que des essais techniques par l’équipe de soutien de l’Administration de la Chambre doivent être effectués afin de vérifier la connectivité et l’équipement utilisé afin d’assurer la meilleure qualité sonore possible; et que la présidence informe le Comité, au début de chaque réunion, de tout témoin qui n’a pas effectué les essais techniques requis.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La motion proposée fera-t-elle l'objet d'une discussion?
    Allez-y, madame Gray.
    Merci, madame la présidente.
    Nous pensons que c'est une bonne idée; c'est un bon protocole.
    Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter?
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Merci beaucoup à tous.
    Passez une bonne semaine. Nous nous reverrons vendredi, si ce n'est avant.
    La séance est levée.
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