CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 16 avril 2021
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à notre réunion de ce vendredi. La séance est ouverte.
Bienvenue à la réunion 23 du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui est diffusée en direct et se tiendra en format hybride, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du 25 janvier 2021.
Avant de commencer, nous devons régler quelques affaires du Comité. Il me faut en effet l'approbation du Comité pour le budget de 2 625 $ pour l'étude concernant la COVID-19. Est-ce quelqu'un pourrait proposer l'approbation de ce montant?
Très bien. Nous avons l'approbation unanime.
(La motion est adoptée.)
La présidente: Autre chose, nous avons reçu un mémoire écrit conjointement par le professeur Dupras et le professeur Parent concernant l'étude sur l'OMC. Il est arrivé après la date limite. Il a été distribué aux membres du Comité. Plaît-il au Comité d'accepter ce mémoire qui est arrivé un peu en retard, étant donné que nous n'avons pas encore commencé l'examen de l'ébauche du rapport?
Je ne vois aucune objection. Je vous en sais gré.
Conformément au paragraphe 108 du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 12 mars 2021, le Comité procédera à l'étude du commerce international du Canada et de sa politique en matière d'investissements: certaines considérations concernant les vaccins contre la COVID-19.
J'aimerais vous présenter nos témoins d'aujourd'hui.
De l'Angleterre, à titre personnel, nous accueillons Simon Evenett, professeur, University of St. Gallen. Des États-Unis, pour le Center for Global Development, Rachel Silverman, chargée de politique; et Prashant Yadav, agrégé supérieur. Du Canada, pour Médicaments novateurs Canada, Pamela Fralick, présidente; et Declan Hamill, vice-président, Affaires juridiques, réglementaires et conformité. De l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Nathaniel Lipkus, ancien membre du conseil d'administration, juriste en propriété intellectuelle et agent de brevets.
Professeur Evenett, vous avez la parole. Je vous en prie.
Merci, madame la présidente.
Je vais passer en revue les points qui étaient mentionnés dans l'avis un par un.
Concernant la dérogation à l'Accord sur les ADPIC, j'aimerais faire valoir les points suivants. Il est impératif d'avoir accès rapidement et de manière équitable aux vaccins contre la COVID-19. La fin n'est pas contestée, ce sont les moyens qui le sont. La question clé est comment parvenir à augmenter rapidement la production. Le point sur lequel on ne s'entend pas consiste à déterminer si la dérogation à l'Accord sur les ADPIC pourrait améliorer les choses.
J'invite les députés à faire la distinction entre ceux qui préconisent de réelles solutions aux difficultés que l'on éprouve actuellement au chapitre des vaccins et ceux qui poursuivent d'anciennes batailles commerciales, principalement dans le domaine de la propriété intellectuelles.
Nonobstant la lettre qui a, semble-t-il, été envoyée par d'anciens chefs de gouvernement au président Biden et qui était mentionnée dans l'édition d'hier du Financial Times et la campagne menée par certaines ONG, je n'ai pas encore lu un seul spécialiste de la production de vaccins prêt à dire qu'un régime de licences obligatoires pour la propriété intellectuelle constitue le principal obstacle à la mise à l'échelle de la production de vaccins contre la COVID-19. J'ai lu des spécialistes des politiques commerciales qui affirmaient de telles choses. Mais je n'ai lu aucun spécialiste de la production de vaccins formuler de telles revendications.
Quand on y réfléchit bien, je trouve que les raisons pour lesquelles ils ne le font pas sont assez claires. À l'heure qu'il est, il devrait être évident que même les firmes qui ont développé la propriété intellectuelle en question ont dû affronter des difficultés assez impressionnantes pour mettre la production à l'échelle. En outre, l'expérience vécue par AstraZeneca au chapitre de la fabrication en sous-traitance envoie un coup de semonce à quiconque serait tenté de croire qu'il peut résoudre ce problème simplement en procédant à un transfert de propriété intellectuelle.
La production de vaccins est un processus complexe et sophistiqué qui nécessite des personnes compétentes et des installations spécialisées. Il est tout à fait vraisemblable que l'obstacle réel se situe au chapitre de la disponibilité des compétences pour gérer ces processus. Je peux comprendre la frustration de certains de nos interlocuteurs qui souhaiteraient adopter une loi, introduire une nouvelle réglementation ou suspendre un accord commercial pour régler ce problème, mais je crains que ce ne soit pas un bon point de départ.
En ce qui concerne l'Accord économique et commercial global ou AECG, et l'assurance que les accords d'achat anticipés du Canada seront respectés, je ne vois pas, en somme, comment l'AECG pourrait aider à cet égard.
Mes remarques porteront principalement non pas sur les fabricants de vaccins, mais plutôt sur les gouvernements des pays où ces fabricants sont installés. En effet, ces gouvernements peuvent recourir à divers moyens, dont certains sont très subtils, pour bloquer les exportations. Bon nombre de ces moyens subtils ont déjà été documentés par mes collègues et par moi-même au cours de l'année qui vient de s'écouler.
Rares sont les accords commerciaux qui contiennent des dispositions, et à plus forte raison, des dispositions robustes, qui restreignent le recours aux contrôles de l'exportation. Des accords comme l'AECG indiquent certainement un degré élevé de bonne volonté et de confiance entre les signataires, mais il reste à déterminer si cette bonne volonté s'exprimera fortement dans des moments de crise. De toute évidence, le manque de rigueur dans les accords commerciaux concernant les restrictions aux exportations est un oubli qu'il faudra corriger à l'avenir.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la capacité de fabrication de vaccins à l'échelle nationale. J'aimerais faire valoir les points suivants.
Premièrement, la production de vaccins chez les Américains s'accroît très rapidement. Dépendamment des choix que feront les États-Unis concernant l'inoculation des enfants et l'accumulation de réserves de vaccins pendant la deuxième moitié de 2021, il se pourrait bien que les États-Unis se retrouvent avec de très importants surplus disponibles. À cet égard, un expert de Londres et moi-même avons distribué ce matin une note indiquant nos prévisions de l'échelle de ces éventuels surplus.
Ce que feront les Américains de ces surplus est la grande question. Déjà, les États-Unis ont prêté au Canada des vaccins d'AstraZeneca, et la Maison-Blanche a fait savoir officiellement qu'elle est en faveur de ce geste en déclarant qu'il est dans l'intérêt des États-Unis de s'assurer que ses voisins ont des vaccins.
À la lumière de ces considérations, il existe une réponse à court terme et une autre à long terme à la question relative à la création d'une capacité de fabrication de vaccins.
À court terme, il faut se rappeler que de tels investissements sont onéreux et qu'il faudra du temps avant de mettre en place cette infrastructure. Il se pourrait bien que vous constatiez au moment où cette nouvelle capacité sera installée, que des vaccins auront déjà été expédiés au Canada depuis les États-Unis et d'autres pays.
Quant à la réponse à long terme à la question, elle pointe vers un précédent qui n'est pas particulièrement prometteur. Depuis 2012, la Corée travaille au développement de son secteur biopharmaceutique. Elle avait aussi juré qu'elle ne serait jamais en reste sur le plan de la capacité de production de vaccins. Toutefois, selon des rapports de presse que j'ai lus, le gouvernement coréen a dépensé plus de deux billions de wons dans ce secteur. Cependant, on n'a pas utilisé de vaccins issus de la production locale pendant la présente pandémie.
En Corée, la vaccination n'a pas commencé avant le 26 février 2021. D'après l'Organisation mondiale de la santé, la Corée avait administré moins de 1,9 million de doses de vaccins en date du 5 avril. C'est tout juste suffisant pour vacciner 2,5 % de sa population. Autrement dit, des efforts étalés sur une décennie en vue de bâtir une capacité de production de vaccins en Corée n'ont pas permis à ce pays de se donner une longueur d'avance pour ce qui est de l'inoculation contre la COVID-19.
Ce que je retiens de l'exemple coréen, c'est que, si on pense à se lancer dans une politique industrielle en vue de construire une production de vaccins locale, il serait avisé de tirer des enseignements des erreurs commises par la Corée. Il faudrait en effet comprendre pourquoi, après avoir dépensé l'équivalent de plus de 2,2 milliards de dollars canadiens en fonds publics, ils furent incapables d'avoir en place des installations de production en mesure d'offrir des vaccins contre la COVID-19 lorsque la crise s'est déclenchée.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour. Je remercie sincèrement les membres de ce Comité de me fournir l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Dans le contexte des inégalités consternantes dans l'accès aux vaccins contre la COVID-19 entre les pays riches et les pays du Sud, comme le sait ce Comité, l'Afrique du Sud et l'Inde ont demandé à l'Organisation mondiale du travail d'adopter une dérogation temporaire aux dispositions relatives à la protection de la propriété intellectuelle concernant les technologies de la santé en lien avec la COVID-19. J'aimerais faire quelques brefs commentaires relativement aux mérites de cette proposition en particulier avant de céder la parole à mon collègue, Prashant Yadav, pour discuter de la complexité d'une mise à l'échelle de la fabrication.
Premièrement, je pense que nous sommes tous d'accord que le Canada a l'obligation morale et tout intérêt à prendre toutes les mesures possibles pour accélérer l'échéancier de la fabrication, de la distribution et de l'administration du vaccin à l'échelle mondiale. Je comprends que l'on ressent une certaine frustration au Canada et dans de nombreux autres pays riches concernant le rythme de la vaccination à ce moment-ci. Néanmoins, les choses vont en s'améliorant.
Toutefois, dans de grands pays africains comme le Nigéria, l'Afrique du Sud, le Kenya et l'Angola, il est toujours vrai que moins de 1 % de la population a été vaccinée. Les projections les plus optimistes suggèrent qu'il faudra attendre environ un an dans bon nombre de ces pays avant d'avoir une couverture vaccinale à grande échelle et l'immunité collective. D'autres suggèrent un échéancier encore plus long, soit 2023 et 2024. La circulation continue du virus créera elle aussi des possibilités continues de mutation, ce qui est susceptible de créer de nouveaux variants qui résistent aux vaccins existants et qui constitueront de nouveau une menace pour des pays comme le Canada.
Finalement, la perspective du retour à la normale et d'une reprise économique complète au Canada alors même que les décès et la dévastation frappent tous les pays du Sud constituerait une politique étrangère désastreuse, suscitant colère et ressentiment justifiés. Le Canada doit par conséquent examiner les mérites de cette proposition précise par rapport à l'objectif de mettre fin rapidement à la pandémie mondiale et d'atténuer ces risques sur le plan moral et pratique.
Dans ce contexte, j'estime toutefois que la dérogation proposée entraînerait des conséquences très limitées, en termes pratiques, par rapport aux efforts pour mettre à l'échelle la fabrication et pour rendre les vaccins contre la COVID-19 disponibles pour les pays pauvres. Cela ne veut pas dire que les brevets ne posent jamais de problème; au contraire. En effet, pour de nombreux médicaments, y compris ceux contre le VIH dans les années 1990, les brevets ont créé un monopole artificiel qui a empêché de nombreux pays du Sud d'avoir accès à des innovations en matière de santé qui auraient pu sauver des vies.
Il est important de comprendre qu'il existe une distinction pratique clé entre les médicaments contre le VIH, par exemple, et les vaccins contre la COVID-19. Les médicaments contre le VIH et les médicaments les plus essentiels sont des composés chimiques relativement simples qui peuvent être reproduits au moyen de l'ingénierie inverse par un fabricant de produits génériques compétent. Dans ces cas, ce sont les brevets, et les brevets seuls, qui empêcheraient un fabricant de produits génériques d'imiter et de vendre ces produits de manière à offrir un accès abordable aux pays à revenu faible ou intermédiaire.
Les vaccins contre la COVID-19, par comparaison, ne peuvent pas être reproduits facilement par ingénierie inverse. Les fabricants de produits génériques nécessitent non seulement les droits de propriété intellectuelle, lesquels pourraient être suspendus au titre de la dérogation à l'application de l'Accord sur les ADPIC, mais aussi l'accès au savoir-faire exclusif, aux lignées cellulaires, aux procédés de fabrication et ainsi de suite, pour produire des versions équivalentes des vaccins approuvés. Avec ou sans dérogation aux droits de propriété intellectuelle, c'est pratiquement impossible à accomplir sans l'assistance active et la coopération de la compagnie pharmaceutique d'origine.
Pour toutes ces raisons, j'estime que l'adoption de la dérogation proposée aurait pour ainsi dire une incidence directe nulle sur la disponibilité des vaccins contre la COVID-19 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cependant, la position du Canada en matière de politique commerciale peut toujours jouer un rôle constructif dans l'amélioration de l'accès à l'échelle mondiale, et il ne doit pas faire preuve d'apathie ou d'indifférence face aux pays pauvres qui ont besoin d'avoir accès en temps opportun à des vaccins abordables.
Les pays du G7 ont utilisé tous les leviers politiques à leur disposition pour accroître le sentiment d'urgence dans l'industrie pharmaceutique afin qu'elle réponde à la demande nationale en matière de vaccins dans leurs pays respectifs au moyen d'accords de licence volontaires, de la fabrication en sous-traitance et de transferts de technologie. Ils devraient utiliser les mêmes outils, tout en tirant profit des initiatives de plaidoyer mondiales, afin de susciter le même sentiment d'urgence eu égard à un accès rapide et abordable à l'échelle mondiale.
Le Canada, de concert avec ses alliés du G7, devrait tirer profit de la campagne visant à déroger aux droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et se servir de sa politique commerciale pour faire pression sur l'industrie pharmaceutique et lui inspirer un sentiment d'urgence vis-à-vis cet objectif. À titre de mesure particulière, par exemple, le Canada pourrait déclarer unilatéralement une politique d'interdiction de représailles pour toute utilisation des mesures d'assouplissement existantes au titre de l'ADPIC — et non l'adoption de cette dérogation — vis-à-vis les technologies en matière de santé liées à la COVID-19 et encourager ses alliés à lui emboîter le pas au moyen d'une déclaration généralisée du G7.
Merci. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue Prashant Yadav pour discuter de façon plus détaillée de la complexité de la fabrication.
Je remercie tous les membres du Comité de me donner l'occasion de vous faire part de mon point de vue sur cette question vraiment cruciale.
Nous reconnaissons l'existence d'un urgent besoin d'augmenter la production de vaccins sûrs et efficaces contre la COVID. Mais il faut aussi garder à l'esprit la nécessité de se doter d'une plateforme de vaccination d'une certaine souplesse afin de pouvoir composer avec les nouveaux variants de la COVID qui nous préoccupent et de nous tenir prêts en prévision de tout autre pathogène dans le futur.
Des estimations provisoires nous montrent que dans l'assemblage — c'est-à-dire dans tous les types de vaccins — nous pourrions avoir une capacité de fabrication suffisante pour atteindre l'immunité collective mondiale d'ici le premier ou le deuxième trimestre de l'an prochain. Toutefois, dans le désassemblage — qui sous-entend des vaccins précis comme les vaccins à ARN messager — la capacité de fabrication globale est aujourd'hui inférieure à la demande potentielle du marché.
Comment faire pour augmenter la capacité de fabrication et l'étendre à des plateformes précises?
Étendre la capacité de fabrication à des lieux de fabrication secondaires supplémentaires représente un processus complexe qui repose sur quatre principaux préalables: un nouveau matériel de fabrication ou des améliorations importantes au matériel existant dans le nouveau lieu; du personnel compétent et aguerri dans le domaine de la chimie, de la fabrication et des systèmes de commande ainsi que des spécialistes de la gestion de la qualité au lieu de réception; un organisme réglementaire robuste dans le pays accueillant le nouveau lieu de fabrication, capable d'évaluer et d'approuver le procédé de fabrication et, finalement, la circulation libre et gratuite des chaînes d'approvisionnement internationales pour les ingrédients des vaccins et le matériel requis, et plus précisément, le matériel à usage unique.
Toutes les entreprises qui ont obtenu l'autorisation de leurs vaccins contre la COVID-19 ont déjà étendu la fabrication à quelques emplacements supplémentaires. Étant donné que la demande à moyen et à long terme pour une capacité de fabrication supplémentaire de vaccins contre la COVID-19 demeure incertaine et que, à ce titre, la viabilité à long terme des nouveaux lieux de fabrication demeure imprécise, les développeurs de vaccins pourraient ne pas être prêts à consentir de nouveaux investissements de capitaux et à engager des frais d'exploitation additionnels liés à l'ajout d'un plus grand nombre de sites de fabrication à leur réseau.
Le soutien public sous la forme de subventions en capital ou de contrats d'achat fermes pourrait contribuer à résoudre cette incertitude de la demande à moyen et à long terme et pourrait inciter les entreprises à élargir encore davantage leur capacité de fabrication dans de nouveaux endroits. Cela renforcerait l'analyse de rentabilisation pour ces entreprises que d'explorer et d'évaluer non seulement les lieux de fabrication de vaccins, mais aussi les lieux de fabrication en sous-traitance ou les lieux de fabrication stériles, lesquels pourraient venir s'ajouter au réseau de fabrication mondial. Dans certains cas, les efforts individuels des entreprises pourraient être encore renforcés si des tierces parties financées par des deniers publics pouvaient travailler à repérer de nouveaux emplacements susceptibles de remplir les critères susmentionnés et d'offrir une capacité de rechange.
Plus important encore, la réussite des efforts actuels en vue d'élargir la capacité existante et tous les efforts visant à accroître la capacité de fabrication nouvelle dépendent de la libre circulation des ingrédients des vaccins et du matériel requis. Je suis convaincu que vous avez entendu parler de la pénurie récente de filtres spécialisés et de sacs à usage unique utilisés dans les bioréacteurs. Cette pénurie pourrait entraîner le risque que les usines de fabrication ne puissent pas produire le nombre suffisant de doses de vaccin. Ce problème vise des usines de fabrication qui ont déjà procédé au transfert de technologie, possèdent le savoir-faire en matière de fabrication, les licences de propriété intellectuelle et tous les autres préalables.
Toute restriction imposée à la circulation mondiale des chaînes d'approvisionnement crée le risque de mettre en péril même la capacité de fabrication existante et de retarder le démarrage de nouvelles installations qui se préparent actuellement à la production de vaccins contre la COVID-19. C'est une question d'une extrême importance qu'il faut aborder par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce et d'autres partenariats commerciaux.
À moyen et à long terme, il faut se concentrer sur quatre principaux aspects pour obtenir une plus grande capacité de production. Le premier consiste à investir dans des lieux de fabrication qui sont polyvalents et qui peuvent facilement passer d'une plateforme de vaccin à une autre. Le deuxième consiste à créer un plus grand bassin de capital humain qui se spécialise dans la fabrication de produits biologiques. Le troisième consister à renforcer encore la coopération en matière réglementaire entre les pays. Et le quatrième consiste à éliminer les obstacles commerciaux et de nature politique dans les chaînes d'approvisionnement pour les vaccins et autres produits de santé critiques.
Merci de m'avoir permis de vous faire part de mes réflexions. Je suis impatient de répondre à vos questions ou de vous aider de quelque manière dans vos travaux.
Merci beaucoup, monsieur Yadav.
Pour les témoins de notre Comité, vous pouvez laisser vos caméras en marche, et ce, même si vous avez terminé votre témoignage afin de pouvoir participer à la période de questions. Sentez-vous bien à l'aise de laisser vos caméras en activité.
Madame Fralick, présidente de Médicaments novateurs Canada, je vous en prie.
Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs, de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette motion visant l'étude de considérations liées au commerce et aux investissements internationaux du Canada et à leur incidence actuelle sur la production et la distribution des vaccins contre la COVID-19 à l'intérieur de nos frontières. Ces efforts, et j'aimerais le souligner, ont été remarquables quant au degré de coopération que nous avons constaté entre les divers gouvernements et nos systèmes de santé durant une période marquée par des difficultés sans précédent. À titre de personne ayant travaillé dans le secteur de la santé pendant la plus grande partie de sa carrière, je tiens à féliciter ce gouvernement d'avoir favorisé sans relâche la santé et la sécurité des Canadiens et d'avoir manifesté son engagement indéfectible à cet égard.
Avant de parler de la portée de votre étude, j'aimerais vous fournir certains renseignements sur Médicaments novateurs Canada et vous expliquer en quoi ils renseignent le point de vue de notre organisation sur certains aspects de la motion actuelle. Au total, nous réunissons 47 entreprises. Ces entreprises procurent 100 000 emplois de grande valeur. Elles apportent annuellement une contribution de 15 milliards de dollars à l'économie canadienne et de 2 milliards de dollars à la recherche et développement. Même si actuellement l'attention porte surtout sur la capacité de biofabrication de notre secteur en matière de vaccins, il est important de se rappeler que même maintenant plus de 500 nouveaux produits et médicaments sont en cours de développement au Canada. Ce travail comprend notamment la découverte et le développement de thérapies contre le cancer ainsi que les maladies rares et infectieuses.
Les Canadiens peuvent être fiers de la manière dont notre industrie a relevé le défi dans la lutte contre la COVID-19 et contre les nouvelles difficultés posées par les variants de ce virus. Depuis le tout début, nos membres se sont concentrés sur la collaboration, notamment entre eux, de même qu'avec les gouvernements, les chercheurs et les patients en vue de mettre au point et de livrer des outils appropriés pour établir le diagnostic, des médicaments pour traiter ceux ont été infectés par le virus, et des vaccins pour stopper sa propagation. C'est l'approche que notre industrie a adoptée au Canada et dans l'ensemble de l'écosystème mondial du secteur.
L'un des aspects de votre étude porte sur une proposition présentée à l'Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, qui vise essentiellement à déroger aux obligations de base des pays au titre de l'Accord sur les ADPIC qui protège la propriété intellectuelle pour un large éventail de technologies en lien avec la COVID-19 pendant la durée de la pandémie. Les défenseurs de cette initiative font valoir que la dérogation aux droits de propriété intellectuelle permettrait d'accroître l'approvisionnement en nouveaux vaccins dans les pays en voie de développement. Il n'existe toutefois aucune donnée probante pour valider cette hypothèse. Nous recommandons que le Canada se joigne aux principaux pays innovateurs dans leur opposition à cette proposition.
Au cœur d'une bataille comme celle que nous livrons actuellement contre la COVID, nous prenons des décisions fondées sur le risque sans analyser en profondeur l'efficacité anticipée et les conséquences potentielles. Nous devons examiner la nature des vaccins eux-mêmes, comme d'autres témoins l'ont déjà mentionné. Ce sont des produits biologiques complexes qui nécessitent des installations de fabrication très spécialisées. Certains des nouveaux vaccins ont été créés au moyen d'une technologie et de procédés avancés qui n'existaient pas il y a seulement quelques années.
Aussi collaborative que l'industrie se soit montrée, nous n'aurions pas pu développer ces vaccins sans le soutien d'un robuste écosystème d'innovation mondial ancré dans la recherche concurrentielle et protégé par des normes reconnues mondialement en matière de propriété intellectuelle. Le vaccin de Pfizer, par exemple, comprend 280 composants, fait appel à 86 fournisseurs et 19 pays. Le partenariat entre Sanofi et BioNTech permettra à cette dernière d'avoir accès à l'infrastructure et à l'expertise nécessaires pour produire 125 millions de doses du vaccin pour l'Europe.
Les entreprises et les gouvernements ont travaillé de concert dans le monde entier à l'identification d'autres fabricants possédant l'expertise, les capacités et les installations techniques requises et ont conclu des partenariats et des ententes en vue d'accélérer et de mettre à l'échelle la production de vaccins. Ce sont là des histoires de réussite qui reposent sur un solide réseau de soutien et de collaboration
Même si nous sommes ouverts et réceptifs à des mesures de nature politique qui contribueraient à améliorer les processus et les échéanciers actuels, celles-ci doivent être fondées sur des données probantes. Certains pourraient faire valoir qu'une situation désespérée incite à recourir à des mesures désespérées, laissant entendre qu'il vaut la peine d'essayer d'éliminer les droits de propriété intellectuelle, compte tenu des enjeux actuels eu égard à la production et à la distribution de la vaccination dans de nombreuses nations.
Comprenons-nous bien: cette mesure ne réglera pas le problème, et elle entraînera des conséquences négatives. L'expansion de la capacité de fabrication de vaccins et de produits biologiques nécessite l'expertise et le savoir-faire pour réussir. Même si les droits de propriété intellectuelle ne constituent plus un problème, ils ne peuvent pas être fabriqués efficacement et de manière sûre en temps opportun sans l'assistance et la collaboration du fabricant d'origine. Toutefois, la dérogation aux droits de propriété intellectuelle proposée créerait des obstacles potentiels aux partenariats actuels en matière de transfert de technologie, obstacles qui à leur tour pourraient influer négativement sur la réponse à la pandémie actuelle.
Il est aussi important de regarder les effets à long terme de telles propositions en détail. Affaiblir les mesures de protection des droits de propriété intellectuelle pour les vaccins nuira en réalité à la réponse mondiale à la pandémie, et aux pandémies que l'on pourrait affronter dans le futur. Cela créera de la confusion dans l'écosystème, et entraînera inévitablement des retards dans la recherche et l'innovation. Cela sapera aussi la confiance dans un système de protection des droits de la propriété intellectuelle qui a fait ses preuves, et qui a permis à l'industrie de collaborer en toute confiance avec le milieu universitaire, les instituts de recherche, les fondations et autres entreprises privées.
Cependant, des améliorations constructives à nos processus actuels pourraient être mises en œuvre. En effet, nous pourrions accroître la capacité de fabrication grâce au transfert de technologie, aux licences volontaires et à des partenariats entre entreprises. Nous pourrions aussi déterminer et corriger des lacunes sur le plan réglementaire, tout en maintenant des normes strictes en matière de sécurité. Nous pourrions éliminer les obstacles à l'exportation afin de prévenir des situations du genre de celle qui s'est récemment produite en Union européenne où des expéditions de vaccins vers d'autres pays ont été retardées ou bloquées.
Les responsables canadiens devraient être félicités pour leur action diligente en vue de renforcer les chaînes d'approvisionnement internationales dans la foulée de cet incident. Cette réaction traduit bien nos atouts essentiels dans la suggestion de solutions multilatérales et l'harmonisation de la réglementation internationale.
Les sociétés biopharmaceutiques travaillent aussi avec des ONG et des partenaires internationaux en vue d'accélérer la livraison des vaccins contre la COVID-19. Notre industrie travaille avec le mécanisme COVAX de l'OMS pour la distribution mondiale de vaccins, lequel a commencé à distribuer, en février de cette année, deux milliards de doses de vaccins dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Des entreprises travaillent aussi avec la Bill & Melinda Gates Foundation, Wellcome Trust et Mastercard sur l'accélérateur thérapeutique COVID-19. Les entreprises innovatrices du secteur des sciences de la vie sont particulièrement bien placées pour collaborer dans le cadre de tels partenariats et savent quels sont les meilleurs partenaires pour contribuer à maintenir un approvisionnement accru
Le rôle de leadership du Canada dans le Groupe d'Ottawa qui est formé de 13 pays membres de l'OMC et qui a été constitué avant la pandémie de COVID afin de mieux coordonner la coopération entre leurs pays, a été un important développement. Le Groupe en question a lancé une initiative en matière de commerce et de santé, décrivant les mesures concrètes qui peuvent être prises par les membres pour renforcer les chaînes d'approvisionnement et faciliter la circulation des fournitures médicales et des médicaments essentiels, y compris les vaccins. Le Groupe a aussi fait la promotion de la mise en œuvre de mesures habilitantes dans le domaine des douanes et des services, notamment en limitant les restrictions à l'exportation, en supprimant ou réduisant temporairement les tarifs sur les produits médicaux essentiels et en améliorant la transparence de manière générale.
Diluer les mesures de protection des droits de propriété intellectuelle aura aussi pour effet de décourager les investissements dans le secteur des sciences de la vie de notre propre pays. À un moment où la pandémie vient tout juste de nous montrer l'importance du secteur des sciences de la vie pour la santé et le bien-être des Canadiens, nous pouvons difficilement nous permettre de soutenir toute mesure susceptible de nuire aux investissements.
La propriété intellectuelle est l'un des principaux éléments que le Canada doit prendre en considération s'il souhaite la croissance de son secteur des sciences de la vie et l'amélioration de sa capacité de biofabrication de manière durable. Même si des améliorations plus poussées au chapitre de la propriété intellectuelle à l'échelle nationale pourraient et devraient être entreprises, le gouvernement du Canada a déjà apporté des améliorations graduelles en matière de droits de propriété intellectuelle dans le secteur des sciences de la vie dans le cadre de l'historique Accord économique et commercial global avec l'Union européenne. Nous sommes également favorables à la conclusion d'un nouvel accord commercial avec le Royaume-Uni en vue de protéger la propriété intellectuelle et de promouvoir une harmonisation plus poussée sur le plan réglementaire.
Ces progrès doivent être renforcés par des règlements plus agiles, un accès public à l'innovation en temps opportun, le perfectionnement des compétences et des talents et d'autres éléments d'une stratégie complète pour les sciences de la vie dont nous aimerions discuter rapidement avec le gouvernement canadien.
Bien entendu, nous pouvons faire mieux. C'est pourquoi tous les changements susceptibles d'avoir une incidence sur le secteur canadien des sciences de la vie et l'industrie pharmaceutique innovatrice devraient être abordés dans le cadre d'une approche pangouvernementale afin d'évaluer correctement les répercussions sur les divers autres composants du secteur. Bien entendu, nous avons déjà formulé de telles recommandations dans le cadre des consultations menées par ce gouvernement sur la biofabrication.
Ces recommandations comprennent notamment des références à l'urgent besoin de suspendre l'entrée en vigueur en juillet 2021 des modifications nuisibles au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ou CEPMB, du moins jusqu'à ce que la pandémie de COVID-19 se soit apaisée.
Les modifications au CEPMB ont un effet déstabilisant sur notre industrie à un moment très délicat. Elles soulèvent une forte opposition, non seulement de la part de l'industrie, mais aussi de groupes de patients et d'intervenants du secteur des sciences de la vie, en raison de préoccupations relatives aux répercussions sur l'accès à des médicaments nouveaux et innovateurs résultant de la capacité future du Canada en matière de sciences de la vie. Nous soutenons que ce sont les entreprises qui font de la recherche innovatrice qui se sont avérées les seules qualifiées pour créer et maintenir des partenariats en vue de maintenir et d'accroître l'approvisionnement.
Les politiques canadiennes en matière commerciale et réglementaire peuvent et doivent être utilisées pour améliorer les conditions d'investissement, assurer l'accélération des approbations, suggérer les solutions les plus efficaces pour corriger les goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement et renforcer nos systèmes de santé partout dans le monde afin de faire bénéficier les citoyens des vaccins le plus rapidement possible.
Nous continuons de favoriser une collaboration et un dialogue améliorés avec le gouvernement fédéral dans le cadre de ces efforts.
Merci beaucoup de votre attention. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions
Merci beaucoup, madame Fralick.
Nous allons maintenant céder la parole à Nathaniel Lipkus. Je vous en prie.
Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs. Je représente l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada ou IPIC, dont je suis un ancien membre du conseil d'administration et un ancien président du comité de la politique commerciale internationale.
Pour ceux qui l'ignorent, l'IPIC est l'association professionnelle des agents de brevet, des agents de marques de commerce et des avocats exerçant leurs activités dans tous les secteurs du droit de la propriété intellectuelle. L'association compte plus de 1 800 membres au Canada, dont des praticiens du droit qui travaillent dans des cabinets d'avocats et des agences de toutes les tailles, y compris les praticiens exerçant à titre individuel, les professionnels de la PI salariés d'une société, des employés du gouvernement et des universitaires. Les clients de nos membres comprennent pratiquement toutes les entreprises, les universités et autres institutions canadiennes qui ont un intérêt dans la propriété intellectuelle, ici au Canada ou ailleurs, de même que des sociétés étrangères titulaires de droits de propriété intellectuelle au Canada.
Aujourd'hui, mes commentaires porteront sur la position du Canada concernant la dérogation à l'Accord sur les ADPIC de l'OMC.
La dérogation vise à supprimer les obstacles en matière de propriété intellectuelle qui empêchent des membres de l'OMC de fabriquer des produits médicaux en lien avec la COVID-19 et d'y avoir accès. L'objectif principal est d'obtenir le plus grand nombre possible de doses de vaccin dans les bras des 7,8 milliards d'habitants de la planète.
Mon organisation, l'IPIC, n'est pas ici pour prendre position à savoir si la dérogation à l'Accord sur les ADPIC ou toute autre solution relative à la PI améliorera l'accès aux vaccins. Notre présence ici vise plutôt à fournir des renseignements nécessaires concernant le cadre des droits de PI et le rôle qu'y joue le Canada. Nous espérons aider le Comité à formuler des recommandations qui établiront le bon équilibre entre une protection efficace des droits de PI et l'impératif que représente l'accès à des produits médicaux essentiels. Je vais faire valoir trois points principaux.
Premièrement, la dérogation à l'Accord sur les ADPIC ne vise pas à améliorer la biofabrication locale ou l'accès aux vaccins canadiens. Elle a pour but de rendre autonomes les pays moins développés.
Deuxièmement, les ADPIC ont été conçus pour se doter de certaines mesures d'assouplissement permettant de répondre à des situations d'urgence nationales en matière de santé. La sensibilité d'une dérogation ou de n'importe quelle solution fondée sur les ADPIC dépend des besoins qui ne sont pas satisfaits au moyen de ces mesures d'assouplissement.
Troisièmement, l'expérience du Canada montre que l'efficacité d'une solution fondée sur les ADPIC mérite d'être considérée et appliquée avec soin.
Mon premier point est que ce Comité ne devrait pas voir la dérogation à l'Accord sur les ADPIC proposée comme un moyen d'améliorer les capacités de fabrication canadiennes ou l'accès aux vaccins contre la COVID-19. L'élimination des obligations au titre des ADPIC autoriserait les membres signataires de l'Accord sur les ADPIC à suspendre les brevets et autres droits de PI sans contrevenir aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC. Pour certains pays, comme l'Afrique du Sud ou l'Inde, pourvu que d'autres obstacles importants déjà mentionnés soient éliminés, cette dérogation pourrait ouvrir la voie à un meilleur accès aux vaccins contre la COVID-19, tant localement que pour l'exportation.
Mais ce n'est pas le cas pour le Canada. Les plus importants accords commerciaux signés par le Canada au cours des 30 dernières années comprenaient notamment des engagements au titre de la PI qui vont au-delà de l'Accord sur les ADPIC. Si les obligations au titre des ADPIC étaient suspendues, le Canada continuerait d'être assujetti à des engagements tels que ceux contenus dans l'Accord Canada-États-Unis-Mexique qui a remplacé l'ALENA, le Partenariat transpacifique et l'AECG. Ces obstacles additionnels signifient que le Canada devrait négocier avec les États-Unis, le Mexique, l'Union européenne et les pays membres du PTPGP pour que la dérogation à l'Accord sur les ADPIC prenne effet dans ces accords au Canada. Après quoi, il faudrait adopter des modifications à l'échelle nationale pour suspendre les dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle au Canada afin de faciliter toute mesure extraordinaire prévue par la dérogation aux droits de PI.
Il est peu vraisemblable que tout cela soit accompli dans un délai suffisant pour permettre l'accès aux vaccins canadiens, le cas échéant. Le Canada bénéficie d'engagements à court et à moyen terme en matière de vaccins, et il est peu probable qu'il soit capable de se lancer dans la biofabrication à grande échelle en vue de l'exportation dans un avenir rapproché.
Mon deuxième point est que la sensibilité d'une dérogation, ou de toute solution fondée sur les ADPIC, dépend des besoins qui ne sont pas satisfaits dans le cadre des mesures d'assouplissement actuelles au titre des ADPIC en matière de santé publique. La pandémie de COVID-19 n'est pas la première crise internationale en matière de santé qui ait incité à repenser les règles internationales relatives à la PI. De fait, le consensus international sur les règles relatives à la PI intégrées dans les ADPIC a été forgé dans le creuset du SIDA.
L'Accord sur les ADPIC, qui a été signé en 1994, a servi à harmoniser au moins l'équivalent de 20 années de protection de brevets pour des inventions pharmaceutiques, mais l'Accord a aussi créé certaines mesures d'assouplissement. En effet, l'article 8 de l'Accord sur les ADPIC autorise les membres à adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition, pourvu que ces mesures soient conformes aux ADPIC.
L'article 31 de l'Accord sur les ADPIC permet à un gouvernement, ou à une tierce partie autorisée par un gouvernement, d'utiliser l'objet d'un brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet. Cette autorisation est appelée licence obligatoire. La portée et la durée d'une telle licence obligatoire seront limitées aux fins auxquelles celle-ci a été autorisée, une telle utilisation sera non exclusive, non incessible et autorisée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur.
Avant d'obtenir une licence, des efforts en vue d'obtenir l'autorisation du titulaire du brevet concernant des conditions commerciales raisonnables devront avoir été faits et avoir échoué. Cependant, il n'est pas obligatoire de chercher à obtenir une licence volontaire dans le cas d'une urgence nationale ou d'autres circonstances d'une extrême urgence, ou dans des cas d'utilisation publique à des fins non commerciales.
Et enfin, l'article 6 de l'Accord sur les ADPIC prévoit les importations parallèles de médicaments brevetés. Les importations parallèles permettent à des pays d'obtenir des médicaments brevetés auprès d'autres pays sans avoir obtenu l'autorisation du titulaire du brevet. Ces importations peuvent être permises par la loi dans les pays qui appliquent la conception de l'épuisement des droits de propriété intellectuelle.
Ces trois mesures d'assouplissement — mesures visant à protéger la santé publique, licences obligatoires sur le marché intérieur et importations parallèles — étaient les seules mesures d'assouplissement disponibles au titre des ADPIC jusqu'à ce que l'on réalise qu'elles étaient inutiles dans le cas du VIH/SIDA. Les pays qui avaient besoin de médicaments contre le SIDA ne possédaient pas la capacité locale de fabriquer les médicaments dont ils avaient besoin.
En 2003, les pays possédant la capacité de fabrication ont été habilités au titre de l'Accord sur les ADPIC à exporter des produits brevetés dans des pays admissibles à les importer ayant une capacité de fabrication de produits pharmaceutiques insuffisante ou inexistante. Les licences obligatoires en vue de l'exportation pouvaient être délivrées dans les quantités nécessaires pour satisfaire les besoins déterminés d'un pays importateur. En outre, les médicaments importés étaient clairement identifiés comme ayant été produits dans le cadre de ce système, et le pays importateur devait prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher la réexportation des produits.
Le bien-fondé d'une dérogation aux droits de PI doit être évalué par rapport aux mesures d'assouplissement que je viens de décrire, en tenant compte des obstacles d'aujourd'hui — et non des obstacles qui prévalaient à l'époque du VIH, mais de ceux qui empêchent la fabrication de produits médicaux contre la COVID-19 et l'accès à ces produits à la lumière de notre expérience collective dans le cadre actuel des ADPIC.
Ce qui m'amène à mon troisième point qui est le suivant: l'expérience du Canada montre que l'efficacité d'une solution fondée sur les ADPIC mérite d'être considérée et appliquée avec soin.
Le Canada a été le premier pays à tenter de mettre en œuvre des licences obligatoires en vue de l'exportation pour permettre l'accès aux médicaments contre le SIDA après que cette maladie eut tué trois millions de personnes en 2003 seulement. La Loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique aurait autorisé les fabricants de médicaments génériques canadiens à produire et à exporter des médicaments dans les pays les moins développés ravagés par le SIDA.
La volonté politique et des entreprises ne manquait pas, mais la mise en œuvre a échoué. On a réussi à exporter que deux expéditions de médicaments. Les restrictions étaient considérées par les fabricants comme difficilement applicables, parce qu'il fallait créer de nouvelles entreprises de fabrication seulement pour pouvoir utiliser les licences, lesquelles n'étaient valides que pour deux ans, et ne pouvaient être renouvelées qu'une seule fois. Il n'existe aucun autre exemple de réussite ailleurs dans le monde à cet égard.
À la même époque, des fabricants de médicaments brevetés contre le SIDA ont commencé à délivrer des licences volontaires à des fabricants de médicaments génériques en vue de fournir des médicaments contre le SIDA aux pays en développement. Cette campagne a démarré lentement vers 2006, mais des millions de médicaments génériques contre le SIDA ont été exportés à des prix dérisoires en l'espace de quelques années. Cette approche a été reproduite pour les médicaments contre l'hépatite C vers le milieu des années 2010. Même si les licences obligatoires locales ont continué de jouer un rôle significatif en permettant l'accès à l'échelle locale à des médicaments essentiels, les fabricants de médicaments brevetés ont mis au point leurs propres solutions d'accès mondial qui ont elles aussi joué un rôle important.
Nous sommes en 2021, et la marmite renfermant les solutions politiques en matière d'accès aux médicaments continue de mijoter alors que nous devons affronter la pandémie de COVID-19. Nous avons appris ce qu'il est possible de faire, ou ce qu'il n'est pas possible de faire avec les ADPIC. Nous avons appris ce que les fabricants de médicaments brevetés ont réussi à faire pour faciliter l'accès à l'échelle mondiale. Une bonne décision concernant la dérogation à l'Accord sur les ADPIC sera fondée sur la détermination des véritables obstacles à l'accès et un ciblage réussi de ces obstacles, en prenant en considération les efforts extraordinaires en matière de santé mondiale consentis depuis des décennies par tout le spectre des parties prenantes.
Pour établir s'il est justifié de recourir à une solution fondée sur les ADPIC, les pays membres devraient déterminer quel genre d'accès aux vaccins contre la COVID-19 sera permis avec cette solution, et ce, au-delà de ce qui est déjà possible grâce aux mesures d'assouplissement des ADPIC. Les membres devraient coopérer en vue de faciliter l'accès et d'éliminer les obstacles à un meilleur accès, qu'il soit imposé par les ADPIC ou autrement.
Si, en revanche, une solution fondée sur les ADPIC est peu susceptible de permettre un accès sensiblement plus rapide ou plus large aux vaccins ou s'il existe d'autres solutions plus efficaces, alors les membres signataires de l'Accord sur les ADPIC devraient se réunir et appuyer d'autres solutions qui faciliteront cet accès. Le Canada ne devrait pas imposer le fardeau de la preuve aux défenseurs ou aux détracteurs de la dérogation aux droits de propriété intellectuelle. Il devrait plutôt entreprendre son propre examen critique et donner son appui à la solution qu'il jugera la plus efficace.
Les buts communs sont des injections et des vies sauvées. Nous, les membres de l'IPIC, applaudissons le Comité qui devrait prendre au sérieux toute initiative susceptible de faciliter l'atteinte de ces buts au Canada et ailleurs dans le monde.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Lipkus.
Nous passons maintenant aux députés, en commençant par Mme Gray, pendant six minutes.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Mes premières questions s'adressent à Mme Fralick, de Médicaments novateurs Canada.
Je vous suis reconnaissance de ce que vous nous avez présenté aujourd'hui sur la propriété intellectuelle en ce qui concerne l'innovation dans le secteur de la biofabrication. Nous savons à quel point il est important de faire parvenir les vaccins contre la COVID-19 aux pays en développement. Si ce ne sont pas les problèmes de propriété intellectuelle qui ralentissent la distribution des vaccins à ces pays développés, quels seraient, selon vous, les problèmes?
Je crois que la réponse à cette question est complexe. Il y a de multiples réponses possibles, des chaînes d'approvisionnement au fait qu'il s'agit d'une technologie révolutionnaire. Par exemple, comme je l'ai mentionné dans mes observations, la technologie que nous utilisons pour la plupart des vaccins actuels n'existait même pas il y a quelques années.
Je vais, en fait, demander à mon collègue, M. Hamill, d'intervenir. Sa spécialité se trouve également du côté de la propriété intellectuelle.
Encore une fois, je vous répondrais rapidement qu'il y a de multiples raisons à cela. C'est pourquoi nous faisons pression pour nous assurer que nous ne nous dirigeons pas trop rapidement vers une solution qui est belle et brillante de l'extérieur, mais qui n'aura pas l'effet escompté en ce qui concerne les objectifs de ce comité particulier.
M. Hamill, avez-vous quelque chose à ajouter?
Merci, madame la présidente, et merci au Comité d'avoir permis à MNC de s'adresser à vous aujourd'hui.
J'aimerais simplement ajouter — et ce point a déjà été abordé par certains des témoins du Comité — que la question des obstacles réglementaires et des entraves aux chaînes d'approvisionnement internationales est actuellement un danger manifeste et réel. Le Canada en a fait l'expérience directe dans le contexte de l'Union européenne et de certaines des mesures prises par celle-ci. Heureusement, et en partie grâce à l'excellent travail des fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada, cela n'a pas été un problème important pour le Canada, mais il l'a été pour d'autres nations.
Les entraves aux chaînes d'approvisionnement mondiales sont certainement un problème important. La coopération en matière de réglementation, pour ce qui est de la reconnaissance des vaccins, est également une question très importante qui doit être réglée.
Excellent. Je vous remercie.
Vous avez en fait répondu à la deuxième question que j'allais poser, alors je vous en remercie.
Votre organisation a laissé entendre publiquement que la relation entre le gouvernement fédéral actuel et votre industrie n'est pas des plus cordiales. Diriez-vous que ce type de relation de travail a un impact sur la rapidité avec laquelle le Canada accède aux doses de vaccin?
Je crois sincèrement qu'il y a un lien. Sans pointer du doigt un gouvernement en particulier, depuis des décennies, cette relation n'est pas, je dirais, « idéale ». Le secteur des sciences de la vie dans son ensemble — l'industrie pharmaceutique en est une partie — n'a pas été considéré comme le contributeur à la santé et à l'économie du pays qu'il est, à notre avis.
En dépit de multiples tentatives de la part de l'industrie et de nos PDG dans le monde — il s'agit d'une industrie mondiale — avant la pandémie, les dirigeants mondiaux s'inquiétaient de certaines des mesures prises par le gouvernement actuel. Ils ont tenté de trouver l'approche plus équilibrée que nous recherchons. Nous comprenons qu'il y a des problèmes de durabilité pour le coût des médicaments, mais il y a aussi une énorme valeur pour l'économie. Nos PDG mondiaux ont tenté de rencontrer M. Trudeau, Mme Freeland et d'autres à au moins quatre occasions au cours des trois dernières années, mais en vain.
Je précise, en passant, que les PDG canadiens ont également travaillé très fort au cours des dernières années pour traiter avec le gouvernement et avoir une conversation plus productive sur la façon dont nous pouvons collaborer, mais avec un « succès mitigé », quoique « sans aucun succès » est probablement plus juste.
Oui, lorsque l'on n'a pas de relation avec l'industrie, il est difficile de réaliser certaines de ses options. L'industrie ne voit pas le Canada comme un pays attrayant à bien des égards, du point de vue de la réglementation, de l'accès, de la PI et de la protection des données, dans lequel venir investir. Bien que le gouvernement ait fait un bon travail d'approvisionnement par le biais d'ententes contractuelles, il n'a tout simplement pas réussi à faire entrer beaucoup de vaccins dans le pays et à le placer en tête de liste.
Merci pour cela. C'est vraiment choquant d'apprendre que vous avez appelé le premier ministre et d'autres dirigeants, et qu'ils ne vous ont pas rappelés. Je suis sûre que ce sera assez choquant pour les gens d'entendre cela, compte tenu de ce qui se passe.
La semaine dernière, le Canada a reçu notre première livraison de COVAX, soit environ 300 000 doses. Nous savons que nous sommes le seul pays du G7 à accepter des vaccins du programme à ce stade, les vaccins actuellement achetés par le biais du programme étant principalement destinés aux pays en développement.
Selon vous, est-il important que le Canada ne s'approprie pas les vaccins destinés aux pays à revenu faible et moyen pour que les pays qui en ont besoin en ce moment puissent obtenir des vaccins?
Je pense qu'il y a une obligation éthique et morale de s'assurer que tous les habitants de ce monde ont accès aux vaccins, absolument.
En ce qui concerne le mécanisme COVAX, il a été très clairement créé dans ce but, mais aussi pour aider les pays qui fournissent les vaccins. Je ne suis pas une experte du mécanisme COVAX, bien que nous en soyons très conscients, évidemment . En fait, j'irais même jusqu'à dire que COVAX, qui est l'un des piliers de l'initiative visant à accélérer l'accès aux outils liés à la COVID... Notre organisme international est cofondateur de cette initiative, nous la soutenons donc pleinement. Je ne suis pas experte en la matière, mais je sais qu'elle a été mise en place pour permettre aux deux actions d'avoir lieu.
Au-delà de cela, je ne peux vraiment pas...
Merci, madame Fralick et madame Gray.
Nous passons à M. Dhaliwal. À vous la parole pendant six minutes, monsieur.
Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, je tiens à remercier tous les intervenants.
Ma question s'adresse à M. Lipkus de l'IPIC.
Il a été indiqué que se concentrer sur la dérogation à l'Accord sur les ADPIC comme une solution magique pour l'accès aux vaccins et leur production ne fonctionnera pas. Premièrement, ai-je raison de dire que les pays signataires de l'Accord sur les ADPIC doivent être pragmatiques et réalistes, et se mettre d'accord sur des solutions réellement efficaces en se fondant d'abord, comme vous l'avez dit, sur la souplesse?
Deuxièmement, étant donné que nous devons d'abord chercher un accord avec les autres pays signataires sur ces considérations plus larges, ai-je raison de dire que ce serait votre recommandation?
J'ai commencé mes observations en disant que nous n'allions pas recommander de solutions, et je suis certain que, si je devais sonder les pays signataires de l'Accord sur les ADPIC, les opinions seraient divergentes.
Ce que je peux dire, c'est qu'une solution pragmatique s'impose. Nous essayons de faire parvenir des vaccins au plus grand nombre possible de personnes, et parler des règles de propriété intellectuelle n'est qu'un moyen parmi d'autres. C'est un outil qui peut se révéler utile. Il se peut qu'une dérogation à l'Accord sur les ADPIC soit une option. Il se peut qu'il y ait quelque chose d'autre qui soit logique, selon la possibilité de mobiliser d'autres capacités.
M. Yadav nous a parlé de quatre obstacles: les équipements de fabrication, les travailleurs qualifiés, les organismes de réglementation et la libre circulation des voies d'approvisionnement. Si quelqu'un propose une solution dans laquelle une dérogation à l'Accord sur les ADPIC s'associe à ces obstacles et conduit à de meilleurs résultats que toute autre solution sur la table, alors nous ne devrions pas l'ignorer.
En même temps, il y a beaucoup de bonnes personnes qui essaient de faire de bonnes choses, et nous devons nous assurer que nous examinons tout. Dans ce domaine, certains diront que plus il y a de fous, plus on s'amuse, mais d'autres diront qu'il y a trop de chefs dans la cuisine. Certaines personnes intelligentes doivent déterminer à qui nous avons affaire ici.
Nous savons tous qu'il a fallu beaucoup d'innovation dans le monde entier pour mettre au point les vaccins contre la COVID. Comment l'incertitude créée par une éventuelle dérogation à l'Accord sur les ADPIC pourrait-elle nuire à l'innovation dans les secteurs des sciences de la vie et de la biotechnologie ?
Il m'est difficile de répondre au nom d'une industrie. Je constate que les représentants de l'industrie sont assis ici et qu'ils peuvent donner leur avis.
Oui, certainement. Merci pour la question.
L'industrie a établi en un temps record un réseau d'accords de licence volontaires avec d'autres parties. Il est intéressant de constater que la propriété intellectuelle semble toujours être au centre de ces questions.
Le PDG du Serum Institute, qui est un énorme producteur de vaccins établi en Inde — il s'agit essentiellement de l'octroi de licences pour le vaccin Oxford-AstraZeneca actuellement, mais il prévoit également produire d'autres vaccins —, s'est vu demander directement s'il y avait un problème de collaboration et de licences volontaires avec les entités initiatrices.
Il a répondu que non, ce n'est pas le problème. Le problème, a-t-il dit, c'est qu'il faut du temps pour mettre en place des installations. L'ampleur des installations nécessaires en ce qui concerne la COVID éclipse largement la capacité existante dans le monde. Les producteurs actuels de vaccins se voient dans l'obligation d'augmenter radicalement leur capacité, et ils le font aussi vite qu'ils le peuvent. Il n'en demeure pas moins que cela prend du temps.
Il se concentre, et c'est de nature publique, sur... Je crois que c'était bien dans le Guardian. Il a dit que son problème relève de difficultés qu'il a avec la FDA des États-Unis et avec l'Agence européenne des médicaments pour ce qui est de l'approbation rapide des médicaments.
Lorsque l'on considère les ADPIC et la souplesse existante, nous devons nous demander quel problème nous essayons de résoudre. Si les accords de licence volontaire et d'autres formes de partenariats de transfert de technologie entre des entreprises innovantes et des entités comme le Serum Institute fonctionnent — tout le monde aimerait qu'ils fonctionnent plus rapidement qu'aujourd'hui, et tout le monde aimerait que la production augmente —, nous devons nous demander si une dérogation à l'Accord sur les ADPIC y contribuera.
L'industrie innovante répond que non. Au contraire, cela perturberait les accords existants qui, même si tout le monde aimerait que les choses aillent plus vite, offrent des avantages réels pour la production de vaccins.
J'espère avoir répondu à votre question.
Merci, monsieur Dhaliwal. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
Merci, monsieur Hamill.
Nous allons maintenant passer à M. Savard-Tremblay, pendant six minutes.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Bonjour à l'ensemble des témoins. Je les remercie de leurs présentations et du temps qu'ils consacrent à cette étude.
Je voudrais poser ma première question à Mme Silverman.
Vous avez évoqué l'idée de lever temporairement les brevets sur les vaccins. C'est une idée qu'on entend de plus en plus. Je comprends le principe et j'y suis même relativement sympathique. Or, cette mesure changerait peut-être moins de choses qu'on le croit, puisque le problème semble être un manque d'usines, de technologies et de main-d'œuvre pour fabriquer les vaccins.
Comment une levée des brevets pourrait-elle combler ces manques?
[Traduction]
Merci beaucoup de cette question.
Je suis d'accord avec vous pour dire que les brevets ne sont pas le principal obstacle, c'est pourquoi je ne pense pas que la dérogation à l'Accord sur les ADPIC sera particulièrement efficace. Toutefois, cela ne veut pas dire que la propriété intellectuelle, au sens large, n'est pas du tout un problème.
Je ferais une distinction entre deux choses. La première est le droit légal de fabriquer un produit, ce que le brevet couvrirait, en gros. Il y a quelques subtilités ici, mais c'est le droit légal de produire un produit. L'autre aspect, c'est la connaissance, le savoir-faire, les secrets commerciaux, les renseignements exclusifs nécessaires pour le faire.
Il existe un processus appelé « transfert de technologie » par lequel un fabricant de produits originaux peut transmettre ces connaissances à une entreprise de fabrication de produits génériques. Il existe encore des entreprises de fabrication de produits génériques qui affirment qu'elles ont la capacité de produire, mais ne le font pas, et qu'elles n'ont pas reçu de transfert de technologie ou de renseignements de la part des créateurs.
Les aspects précis de chaque cas sont un peu difficiles à analyser. Il est difficile d'analyser les aspects économiques pour savoir s'il est réellement viable de faire cela et de l'étendre, ou s'ils ont réellement la capacité nécessaire. Chaque cas est différent.
Cependant, je pense que ce que nous aimerions voir, c'est un peu plus de pression sur les entreprises pharmaceutiques — et cela se fait déjà. Je n'essaie pas de dire que rien de tout cela ne se produit. Ça l'est. Nous aimerions cependant voir un processus par lequel elles évaluent les possibilités de transfert de technologie et de licences volontaires et utilisent la capacité qui existe.
Rien de tout cela n'est une solution miracle, mais dans la mesure où nous pouvons alimenter et motiver l'évaluation et la découverte rapides de ces capacités et contribuer à faciliter les accords de licence volontaire — qui, soit dit en passant, protégeraient la PI dans le cadre de cet accord de licence... Il ne s'agit pas de libérer la propriété intellectuelle pour tout le monde. Il s'agit d'un processus volontaire de transfert et de partage des connaissances sur les technologies et les produits.
[Français]
Je vous remercie de la réponse.
Vous ciblez le problème, finalement. Dites-le-moi si je me trompe, mais, si je résume vos propos, des usines chercheraient néanmoins à obtenir cette technologie, mais elle reste bloquée et ne se transfère pas. Vous ne voyez donc pas de manque d'usines à proprement parler.
Constatez-vous cependant un manque de main-d'œuvre? C'est ce qui a été remarqué jusqu'ici.
[Traduction]
Je vous remercie.
Il est juste de dire qu'il existe de nombreuses installations dans le monde, dont certaines — et je précise « certaines » — peuvent avoir l'équipement nécessaire pour commencer à fabriquer des vaccins contre la COVID de différents types, mais l'équipement n'est qu'une partie des besoins multidimensionnels d'une installation pour que la fabrication soit entreprise. Comme je l'ai souligné précédemment, le fait de disposer de spécialistes de la chimie, de la fabrication et du contrôle formés et...
Monsieur Yadav, ici la greffière. Pourriez-vous lever un peu votre micro? Cela aiderait les interprètes, merci.
Je suis désolé, oui.
Disposer d'un personnel formé en chimie, en fabrication et en contrôle, ainsi que de spécialistes en gestion de la qualité est une condition préalable importante. Même si nous avons des installations dans le monde entier qui disposent du matériel pour fabriquer des vaccins contre la COVID, elles ne disposent pas forcément des ressources humaines nécessaires.
Une façon de voir les choses serait de suppléer leurs ressources humaines à partir de l'entreprise qui a le produit original, mais là encore, ce sont des choses qui nécessitent à la fois un investissement public plus important et du temps et des ressources du côté de l'entreprise innovante.
[Français]
Je vous remercie de la réponse, monsieur Yadav.
Que pensez-vous de l'initiative COVAX, qui vise à fournir des doses de vaccins à un minimum de 20 % de la population?
Nous savons que le Canada y a beaucoup investi et que, pour chaque dose reçue, il en donnera un nombre équivalent à l'étranger. Il a révélé qu'il recevrait entre 1,9 et 3,2 millions de doses du vaccin d'AstraZeneca d'ici la fin de juin.
Est-ce une bonne ou une mauvaise initiative, selon vous? Est-elle incomplète ou insuffisante?
[Traduction]
À mon avis, c'est une très bonne initiative. Pour un grand nombre de pays qui ne disposent pas du financement, du fonds de roulement, de la taille du marché ou de la capacité de négocier eux-mêmes l'accès aux vaccins, il le fait collectivement pour eux. En plus de cela, il leur fournit également une garantie collective d'indemnisation. Par conséquent, de nombreux aspects sont réglés en mettant en commun les besoins de plusieurs pays.
Le défi a été de savoir comment garantir un approvisionnement suffisant à COVAX pour qu'il puisse tenir sa promesse de fournir au moins 20 % à tous les pays. En réalité, nous devrions nous poser la question suivante: pourquoi seulement 20 %? Peut-être devrions-nous utiliser cette structure pour fournir 40 % ou un pourcentage plus élevé encore de couverture pour chaque pays.
Les contraintes actuelles sont liées à l'approvisionnement de COVAX.
Merci, monsieur Yadav.
Nous allons passer à M. Blaikie. Vous avez la parole pendant six minutes, monsieur.
Merci beaucoup.
Nous avons certainement entendu aujourd'hui, et je pense que les députés s'y attendaient probablement dès le départ, qu'un certain nombre de facteurs, au-delà du simple accès à la propriété intellectuelle, entrent dans la fabrication d'un vaccin. La propriété intellectuelle est certainement l'un de ces facteurs. Même dans le cas de la négociation d'un accord de licence volontaire, on peut supposer que cela prend beaucoup de temps et de ressources.
Nous avons maintenant des pays qui se sont adressés à l'OMC pour demander, non pas une exemption générale de l'ensemble de l'infrastructure de la propriété intellectuelle, mais une dérogation temporaire dans un but très précis, qui est de faire en sorte que les recettes des vaccins contre la COVID-19 puissent être utilisées par un échantillon aussi large que possible de l'industrie de la fabrication de vaccins. C'est une recette qui a été bénéfique, et son développement a été rendu possible, non pas par le processus typique faisant appel à beaucoup d'investissements privés et de risques, mais par une quantité considérable d'investissements publics de la part des gouvernements du monde entier, pas seulement du Canada, du monde entier.
Il me semble que le fait de supprimer l'un de ces éléments compliqués contribuerait à accélérer l'expansion de l'offre mondiale. Cela ne veut pas dire qu'on pourra alors surmonter tous les obstacles, mais cela aide à surmonter un des obstacles. Je n'ai entendu personne ici aujourd'hui dire que les droits de propriété intellectuelle ne présentent aucun obstacle à l'expansion de l'offre mondiale de vaccins, mais seulement qu'il s'agit d'un obstacle parmi d'autres. Il me semble que si notre objectif est d'essayer d'augmenter cet approvisionnement, éliminer autant d'obstacles que possible serait judicieux.
En ce qui concerne les questions directes, l'une des choses que je n'ai pas entendues non plus... J'ai entendu que cette dérogation n'est pas une panacée. Bien. En toute équité, je ne sais pas si quelqu'un a prétendu vraiment que c'est le cas. Ce n'est qu'un pas dans la bonne voie. Je ne vois pas en quoi cette dérogation pourrait nuire, dans le sens où elle assouplirait certaines des restrictions typiques en matière de propriété intellectuelle, dans un but très ciblé et pour une durée temporaire.
Je ne sais pas si un témoin souhaite s'exprimer sur cette question, mais il me semble que le fait de retirer cela de la table serait utile. Les installations qui pensent avoir la capacité nécessaire auraient alors la possibilité de l'explorer avec moins de restrictions.
Je vois que Mme Fralick a levé la main. Je vais lui donner l'occasion de répondre.
Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question. C'est un très bon sujet de discussion.
Je vais passer la parole à mon collègue, M. Hamill, dans un instant, mais je voulais faire une remarque rapide avant.
Nous pensons effectivement qu'il pourrait y avoir un préjudice. Je l'ai mentionné dans mes observations, mais nous serions heureux d'en parler plus en détail. L'autre point que je voulais soulever... et vous avez peut-être des renseignements que nous n'avons pas, d'ailleurs. Il se passe tellement de choses dans le monde ces jours-ci qu'il est difficile de suivre le rythme, mais nous n'avons tout simplement pas vu de preuve que l'un des créateurs du vaccin contre la COVID-19, lorsqu'on le lui a demandé, a refusé de céder sa propriété intellectuelle sous licence. Pour autant que nous puissions en juger, le système semble fonctionner.
Bien sûr, l'autre élément que tous les témoins ont mentionné, c'est que ce n'est pas aussi simple que d'avoir — comme quelqu'un l'a dit aujourd'hui — la recette, l'information sur la propriété intellectuelle, pour pouvoir soudainement produire un vaccin. Il y a un aspect pratique derrière cela qui, à notre avis, constitue un obstacle important.
Pour ce qui est du préjudice, de l'affaiblissement d'un processus qui fonctionne bien, je vais demander à M. Hamill de répondre à votre question un peu plus clairement.
J'ai une petite question pour faire suite à ce commentaire, car nous avons déjà entendu aujourd'hui que d'autres éléments entrent en jeu pour pouvoir fabriquer efficacement des vaccins, et c'est une affirmation tout à fait raisonnable. Comme je l'ai dit, je pense que beaucoup de gens ne sont pas surpris de l'entendre.
Nous avons les gouvernements de l'Inde, de l'Afrique du Sud et d'autres pays qui viennent à la table pour poursuivre une initiative qui leur demande du temps et des ressources, afin d'essayer de mobiliser une campagne mondiale auprès de gouvernements qui signent cette dérogation pour soulever cette question à plusieurs reprises à l'Organisation mondiale du commerce. Vous ne pouvez certainement pas penser que ce sera une nouvelle pour eux de découvrir, une fois qu'ils auront un accès plus large à la propriété intellectuelle concernée, qu'il y a d'autres dimensions à la fabrication d'un vaccin. Je trouve très difficile de croire qu'ils ont déployé des efforts pour s'organiser derrière cette dérogation en ignorant le fait qu'un certain nombre de facteurs entrent dans la fabrication d'un vaccin, et qu'ils seront surpris, lorsqu'ils obtiendront la propriété intellectuelle, de constater que les personnes avec lesquelles ils ont travaillé au niveau national ne sont pas capables de produire le vaccin.
Pour moi, entendre parler de ces autres facteurs ne suffit pas. Comme je l'ai dit, je pense que des personnes raisonnables s'attendraient à ce que de nombreux éléments entrent dans ce type de processus de fabrication complexe. Cependant, l'idée que les promoteurs de la dérogation l'ignorent et qu'ils n'ont pas de pistes prometteuses dans leur propre pays, où la propriété intellectuelle est soit le principal obstacle, soit un obstacle important à l'augmentation de leur production, me semble très difficile à croire.
Je vois que nous avons un autre témoin avec la main levée, qui vient de se déplacer sur son écran. Il s'agit peut-être de Mme Silverman et de son collègue de l'institut.
Vous aimeriez peut-être intervenir sur cette question.
Je suis désolée, monsieur Blaikie, mais votre temps est écoulé.
Mme Silverman pourrait peut-être nous donner une brève réponse si elle le veut bien.
Je vais ferai simplement une brève remarque à ce sujet. Je pense que notre collègue de l'Institut de la propriété intellectuelle l'a mentionné brièvement. Une grande partie de l'histoire concernant ces sites d'accès à la médecine est liée aux menaces à la PI, aux licences obligatoires et à d'autres mesures qui permettent ensuite d'obtenir des concessions sur les licences volontaires et d'autres mesures plus volontaires encore.
Je pense que c'est une explication possible. Si vous augmentez la pression sur l'industrie et que vous indiquez clairement que vous êtes prêt à prendre des mesures plus radicales, cela va créer un certain élan autour d'une action volontaire de la part de l'industrie pharmaceutique.
Merci beaucoup, madame Silverman.
Nous allons passer à M. Aboultaif pendant cinq minutes.
Allez-y, monsieur.
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins. C'était une excellente présentation ce matin.
J'ai un article daté du 13 novembre 2020, de Reuters: « La dépendance du Canada à l'égard des contrats d'acquisition des vaccins contre la COVID-19 de fabricants de médicaments comme Pfizer Inc. a mis [...] la vie des Canadiens, et les perspectives de l'économie au cours de la prochaine année, entre les mains de quelques entreprises étrangères confrontées à une demande mondiale écrasante. »
L'article ajoute que « [t]andis que d'autres gouvernements versent des centaines de millions ou des milliards dans le développement de vaccins, le Canada a réservé 1 milliard de dollars canadiens (761 millions de dollars) pour acheter des doses à l'étranger. »
La première question est la suivante: dans quelle mesure pensez-vous que cet article est exact? Deuxièmement, qu'avons-nous fait de mal au Canada, dans cette course contre la montre, pour pouvoir fournir aux Canadiens de meilleurs résultats à un moment aussi difficile?
Je vais commencer par Mme Fralick, puis je passerai peut-être à M. Evenett.
Madame Fralick, allez-y, s'il vous plaît.
Je vous remercie.
Je vais inviter mon collègue à intervenir sur ce point, car je répéterais certaines choses que j'ai dites plus tôt.
Je crois qu'il y a des antécédents de relations moins qu'idéales entre cette industrie et le gouvernement, ce qui a conduit à un environnement commercial très peu attrayant pour l'industrie ici au Canada. Cela a réduit notre capacité nationale, et je pense que c'est de cet aspect de l'article que vous parlez principalement.
Il y a quelques aspects sur lesquels M. Hamill aimerait sûrement intervenir, si vous le voulez bien.
M. Evenett l'a également souligné. Parfois, le fait d'avoir une industrie pharmaceutique robuste ne vous met pas forcément à l'abri des difficultés qui peuvent survenir à la suite d'une pandémie mondiale. Il est clair que c'est utile sur le plan de la politique de santé publique. C'est également utile pour l'économie, mais cela dit, ces choses sont extrêmement difficiles à prévoir et elles sont très difficiles à gérer dans la pratique.
Cependant, pour ce qui est de faire entrer plus d'infrastructures dans le pays, je vais exprimer ici un peu de frustration, car il y a quelque part à Innovation, Sciences et Développement économique Canada une salle pleine de rapports sur l'innovation dans les sciences de la vie au fil des ans. Plus récemment, nous en avons eu un sur les Tables sectorielles de stratégies économiques sur les sciences biologiques et la santé, produit par un groupe de représentants de l'industrie, du milieu universitaire et du gouvernement.
Les sous-ministres de la Santé et d'ISED y ont participé. Ce groupe a publié un rapport sur la façon de construire un secteur des sciences de la vie avec une plus grande capacité au Canada. Il ne portait pas seulement sur la propriété intellectuelle, mais aussi sur les obstacles réglementaires, la fiscalité, les compétences de la main-d'oeuvre, etc. C'était un excellent rapport. Depuis la publication du rapport, il ne s'est pas passé grand-chose.
Au Canada, nous avons l'habitude de réfléchir longuement et sérieusement à l'innovation dans le domaine des sciences de la vie, mais nous ne faisons pas grand-chose. Nous ne mettons pas en oeuvre nos grandes idées. Un bon point de départ serait de revenir à l'étude sur les tables sectorielles, de la réexaminer et de mettre en oeuvre certaines de ses recommandations. En soi, cela ne produira pas nécessairement, comme l'a souligné M. Evenett, des avantages directs pour le vaccin contre la COVID, mais créera davantage d'infrastructures et de capacités dans le pays à moyen et long terme.
Pour être prêts à affronter une pandémie ou tout autre défi en tant que tel, il ne s'agit pas seulement de vaccination. Il y a aussi le dépistage rapide, par exemple. Nous n'étions même pas en mesure de fournir des trousses de dépistage rapide pour faire tourner l'économie et pour assurer la sécurité et la certitude de ce que nous faisons au quotidien.
Si le vaccin doit faire l'objet d'une licence spéciale, d'une licence de propriété intellectuelle, pour être autorisé dans certains pays, je ne vois pas où nous avons échoué. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a eu un gros échec dans la gestion de cette affaire? Au fait, pour ce qui est de la chronologie, nous étions au courant de l'arrivée de la pandémie plusieurs mois avant qu'elle n'atteigne nos frontières. Que pensez-vous de cela?
Je vais demander à Mme Fralick et à M. Evenett de me répondre sur ce point.
Je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Il va falloir que Mme Fralick et M. Evenett répondent brièvement.
Il y a un grand nombre de choses que nous aurions pu faire différemment. Je serai heureuse d'avoir cette conversation avec vous, peut-être hors ligne, pour partager quelques réflexions supplémentaires.
Je dirais brièvement que l'analyse coûts-avantages des investissements dans la production et la mise au point de vaccins était erronée. Nous avons, comme vous l'avez noté, un investissement d'un milliard de dollars de la part du gouvernement canadien. La perte pour l'économie canadienne est bien plus importante. On peut se demander si le résultat aurait été différent si davantage d'argent avait été dépensé et investi sur toute l'étendue de la chaîne d'approvisionnement en vaccins.
À cet égard, l'expérience britannique, où plus de 10 milliards de livres ont été dépensées pour ce faire, vous donne une idée de l'importance des sommes en jeu. Je dirais que l'expérience britannique a démontré un partenariat très étroit entre l'industrie et le gouvernement, ce qui ne semble pas être le cas au Canada.
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins pour cette discussion très intéressante.
M. Lipkus, dans ses remarques préliminaires, a fait ressortir trois articles de l'Accord sur les ADPIC, les articles 6, 8 et 31, qui font état de la souplesse actuelle de l'Accord sur les ADPIC.
Madame Silverman, êtes-vous d'accord avec M. Lipkus en ce qui concerne ces articles? S'agit-il de la souplesse dont vous parliez plus tôt?
Je m'en remets à lui pour le classement des aspects de souplesse, mais oui, de manière générale, c'est la souplesse dont je parlais plus tôt.
Madame Silverman, pensez-vous qu'une telle souplesse est non seulement utile, mais suffisante à ce stade de la pandémie?
Le défi que pose la souplesse de l'Accord sur les ADPIC ne réside pas seulement dans la teneur de la loi ou dans ce qui y est techniquement écrit. Il s'agit de l'applicabilité réelle de cette souplesse. Comme l'a mentionné M. Lipkus, de nombreux pays sont également liés par des accords commerciaux bilatéraux avec les États-Unis, l'Europe, le Royaume-Uni, le Canada ou d'autres pays. Il y a donc une pression supplémentaire liée aux accords commerciaux qui est souvent exercée contre les pays qui essaient de profiter de la souplesse de l'Accord sur les ADPIC. Même si cette souplesse est légale dans le cadre de l'Accord, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de conséquences à essayer de l'exercer.
Je pense que s'il était possible de profiter de cette souplesse sans représailles ou menace de représailles, ou sans contraintes dans le cadre d'autres accords commerciaux bilatéraux, ce serait suffisant. Cependant, dans l'état actuel des choses, c'est problématique.
Je vois.
Nous avons également entendu dans un témoignage précédent qu'il n'y a pas eu, du moins jusqu'à présent, de problème en ce qui concerne l'octroi de ces licences obligatoires ou l'exercice de cette souplesse. Est-ce ce que vous comprenez de la situation actuelle?
Je crois savoir qu'aucune licence obligatoire n'a été accordée jusqu'à présent pour les vaccins contre la COVID. Il est difficile de savoir dans quelle mesure c'est le cas, s'il est impossible qu'une licence obligatoire soit accordée là où elle serait utile, ou si les pays font une analyse coûts-avantages et constatent qu'il y aurait peut-être des avantages, mais qu'il pourrait y avoir des représailles commerciales de la part de nombreux autres pays, et ils décident donc de s'abstenir. Je pense que c'est un peu des deux. Les représailles les font probablement hésiter. Par ailleurs, il n'y a probablement pas d'occasion en or où les avantages justifieraient une telle action.
Je pense que c'est un peu des deux, mais les représailles jouent certainement un rôle.
Merci beaucoup.
Madame Fralick, je crois que vous avez été interrompue plus tôt dans votre conversation avec un autre collègue, lorsque vous avez voulu préciser, avec votre collègue M. Hamill, certains des risques auxquels nous nous exposerions si nous allions de l'avant avec une dérogation à l'Accord sur les ADPIC.
Je ne sais pas si vous vouliez développer ce point, monsieur Hamill.
Merci beaucoup. Je vous remercie d'avoir ramené cette question devant le Comité. Mme Fralick voudra peut-être aussi ajouter quelque chose.
Quoi qu'il en soit, tout d'abord, je m'inscris en faux contre la déclaration faite au sujet du financement de la production du vaccin. Il ne s'agit pas de dire que tout cela a été en quelque sorte financé par les gouvernements. Les gouvernements ont apporté un financement et un soutien important. Cela dépend du fabricant de vaccins, mais ce n'est pas le cas, comme le dépeignent certains, qu'il s'agit d'une sorte de problème où, pour le dire de façon familière, l'industrie a « déjà été payée » et, par conséquent, il n'y a plus rien à récupérer. C'est tout simplement faux. D'énormes investissements ont été engagés.
Dans de nombreux cas, cela a été un échec. D'énormes multinationales spécialisées dans les vaccins, comme Merck, GSK et Sanofi, ont essayé, mais n'ont finalement pas réussi jusqu'à présent en ce qui concerne un vaccin contre la COVID-19. Beaucoup de coûts sont assumés par ces fabricants.
Je suis désolée de vous interrompre, M. Hamill, mais est-ce que cela nous met à risque, peut-être, pour les futures pandémies, du fait de la présence de ces acteurs sur le marché?
Oui, précisément. Ils font des investissements importants. Ils font ces investissements en fonction de règles de jeu qu'ils pensent comprendre. La propriété intellectuelle en fait partie. Pour ce qui est de la planification de leurs activités, de la façon dont ils vont planifier l'expansion de leur production, de la formation de personnel qualifié, du développement des ressources et de la collaboration avec des partenaires dans d'autres pays, ils doivent comprendre les règles du jeu. Si vous avez une situation où les règles peuvent changer parce que quelqu'un décide que c'est une situation où elles doivent changer, cela sera clairement perturbant.
Quant à l'idée qu'il n'y a pas de conséquences, je pense que ce n'est tout simplement pas le cas.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse à M. Hamill et à Mme Fralick.
Dès 2003, le rapport Naylor sur la crise du SRAS critiquait très sévèrement le Canada pour son manque de capacité de recherche scientifique sur le plan national et suggérait que l'on consacre des sommes considérables pour augmenter cette capacité, tout en la liant aux établissements universitaires par l'entremise de plusieurs partenariats.
En février 2020, le Dr Gary Kobinger, un microbiologiste québécois très réputé, a communiqué avec le gouvernement pour lui indiquer qu'il fallait mettre en branle des discussions pour former des partenariats, comme cela se faisait en Grande-Bretagne, par exemple. Donc, dès le début, le Canada aurait pu former des partenariats en vue de la production nationale d'un vaccin.
Tout à l'heure, vous nous avez parlé du manque de communication avec le premier ministre.
Est-ce que l'inaction d'Ottawa nous a fait perdre plusieurs mois?
[Traduction]
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Vous avez bien saisi la situation, je crois. Si je peux me permettre de monter d'un cran, en général, les gouvernements de toutes les couleurs dans tous les pays ne mettent pas l'accent sur la prévention et les systèmes d'alerte rapide.
Pour parler du Canada en particulier, nous n'avons pas bien tiré parti des connaissances que nous avons, qu'il s'agisse du SRAS ou du H1N1, ou de l'étude de certains travaux peut-être réalisés à l'extérieur du Canada, comme ceux de Bill Gates. Ces travaux prévoyaient une pandémie en 2015, je crois. Il y avait de nombreux signaux que de nombreux pays, dont le Canada, auraient dû examiner et auxquels ils auraient dû être mieux préparés.
Au Canada, je l'ai déjà dit et je le dirai avec une note d'optimisme, parce que vous avez une industrie représentée ici par moi et par mon collègue, qui est prête à s'engager avec le gouvernement pour avoir ces conversations difficiles... Nous sommes conscients du fait que c'est une industrie. Il y a toujours un peu de tension, mais nous croyons qu'il y a une bien meilleure solution pour les Canadiens lorsqu'il y a un dialogue régulier entre l'industrie et le gouvernement. Cela n'a pas été le cas. Je crois que cela a été un facteur dans toutes les décisions qui ont été prises en cours de route.
Encore une fois, nous avons des dirigeants mondiaux qui ont l'habitude de rencontrer Boris Johnson — par respect pour notre collègue du Royaume-Uni qui est ici — et Emmanuel Macron, le président américain Biden, le premier ministre Suga, etc. Ils sont perplexes quant à la raison pour laquelle ils n'ont pas été en mesure d'obtenir une rencontre ici au Canada, alors je crois que c'est un aspect important de la question.
Merci beaucoup.
Madame Silverman, j'aimerais revenir sur les remarques que vous avez faites à la fin de ma dernière période de questions.
Je pense que l'une des possibilités ici est que les gouvernements du monde entier montrent qu'ils sont prêts à prendre des mesures plus agressives afin d'être en mesure d'accélérer la fabrication de vaccins. Cela pourrait aider. Je reconnais qu'il y a déjà des efforts au sein de l'industrie pharmaceutique, mais cela pourrait inciter à une collaboration plus rapide et à une coopération plus étendue, et pourrait également jouer un rôle dans certaines des conversations qui, selon les rumeurs, ont lieu aux conseils d'administration de certaines de ces sociétés.
Il est dit qu'ils discutent déjà du moment où ils pourraient augmenter les prix du vaccin contre la COVID-19. Il a été question de prix différentiels: vendre les vaccins à des prix différents selon le pays, en fonction de celui avec lequel ils négocient.
Je me demande si vous voudriez parler de la question de galvaniser les gouvernements à l'OMC pour montrer que d'autres options sont possibles et, comme moyen de pression sur les fabricants existants, pour accélérer leurs tentatives d'expansion dans le cadre du système de licence volontaire et pour que leurs prix restent bas.
Je pense que c'est exactement [Difficultés techniques]. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné que la campagne sur la dérogation à l'Accord sur les ADPIC jouait un rôle et contribuait à créer cet élan et à accroître la pression. Je pense aussi qu'une politique de non-représailles à l'égard de l'utilisation ou de la mention de la souplesse prévue par l'Accord serait très utile dans ce contexte, car elle permettrait aux pays de négocier eux-mêmes avec les sociétés pharmaceutiques en respectant les limites juridiques actuelles et notre cadre régissant la propriété intellectuelle. À mon avis, cette façon de faire avancer les choses répond à certaines des préoccupations de l'industrie concernant l'incertitude et la possibilité de changer les règles du jeu à mi-chemin. Ce sont les règles du jeu, et il n'est pas question de les modifier. Il s'agit d'utiliser les règles telles qu'elles sont établies.
J'aimerais aussi répondre à vos commentaires concernant la tarification par niveau. Nous devons demeurer attentifs aux changements de prix que les sociétés pharmaceutiques pourraient vouloir adopter plus tard, lorsqu'elles percevront que la pression publique entourant la pandémie a diminué. Cependant, la tarification par niveau n'est pas toujours mauvaise. C'est souvent une façon très utile d'assurer l'accès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et un accès universel à des prix abordables pour différents pays, étant donné que les pays n'ont pas tous la même capacité de payer les médicaments, même s'ils respectent la propriété intellectuelle et qu'ils veulent contribuer à l'écosystème global de l'innovation.
Je ne pense donc pas que la tarification par niveau soit nécessairement mauvaise dans la mesure où les prix demeurent abordables dans tous les milieux où ils sont en vigueur.
Merci, madame Silverman.
Monsieur Blaikie, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé.
Nous allons passer à M. Hoback, pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici en ce vendredi après-midi.
Je suis étonné de la rapidité avec laquelle nous avons réussi à mettre au point et à distribuer des vaccins dans le monde entier. Je pense que c'est phénoménal et cela nous montre ce que le secteur privé peut accomplir lorsque des mesures incitatives appropriées sont en place.
Si nous en arrivions à accepter la dérogation, ces sociétés seraient-elles aussi motivées à faire la même chose à l'étape suivante ou en réponse aux variants, ou quelque chose d'autre plus tard? Quel genre de dangereux précédents serait créé?
Madame Fralick, je vais vous demander de répondre à cette question.
Nous avons fait des observations à ce sujet. Mon collègue, M. Hamill, a mentionné que, comme vous et la plupart des membres de votre Comité le savez, les entreprises ont toutes besoin de la plus grande prévisibilité possible. Si une situation change soudainement, il n'y a aucune motivation à investir ou à continuer dans cette voie. Cela aurait un effet très dissuasif sur l'industrie, d'autant plus que nous répétons sans cesse que les choses fonctionnent bien comme elles sont actuellement. Franchement, cela serait considéré comme un acte punitif ou pénible et très perturbateur de la part du gouvernement.
Monsieur Hamill, pourriez-vous…
Je vais peut-être vous arrêter ici, parce que cela dit, et je suis plutôt d'accord avec vous, cela ne veut pas dire que nous n'aiderons pas ces pays. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire preuve de compassion.
Vous avez mentionné quelques idées concernant la formation et qu'il faudrait nous assurer que le processus de fabrication actuel ait une capacité qui pourrait être transférée à ces autres pays afin qu'ils puissent réaliser à l'avenir des projets comme les vaccins contre la COVID et dire: « Oui, nous pouvons le faire. » Nous pouvons proposer différentes choses. Nous pourrions donner des vaccins. Nous pourrions donner l'expertise nécessaire à leur développement.
Ne serait-ce pas une façon d'atteindre l'objectif ultime, qui est de veiller à ce que ces gens soient vaccinés tout en permettant à l'industrie de rester à la fine pointe de la technologie pour nous assurer que les vaccins les plus récents et les meilleurs sont disponibles en tout temps?
L'industrie s'est montrée ouverte et, en fait, elle a proposé ce genre de solutions dès le début de la pandémie. En étant, comme je l'ai dit plus tôt, un membre fondateur du dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la COVID-19, dont le mécanisme COVAX fait partie. Il est très clair qu'ils négocient, et qu'il s'agit de mener des affaires. Il y a une tarification par niveau, comme les témoins précédents l'ont mentionné, qui permet d'assurer que les prix sont abordables pour les pays qui n'ont pas les ressources dont disposent certains pays développés.
L'industrie est très ouverte à un certain nombre d'initiatives. Tout le monde comprend qu'il s'agit d'une pandémie mondiale et que nous avons besoin de solutions. Je ne peux pas parler des ententes individuelles de chaque société, car cela touche des questions délicates sur le plan commercial, mais nous savons que certaines sociétés offrent leurs produits au prix coûtant. Elles ne font aucun profit. Une large fourchette de prix et différents modèles d'approche existent pour permettre aux sociétés d'être viables et de poursuivre leur travail, mais aussi pour s'assurer que tous les citoyens du monde reçoivent un vaccin.
Monsieur Evenett, compte tenu de votre travail au sein de l'Union européenne, quels éléments examinez-vous pour ce qui est de la manière la plus efficace et la plus rapide de vacciner les populations des pays du tiers monde?
La seule chose que nous devons faire, c'est de garder ces chaînes d'approvisionnement ouvertes de façon à avoir les ingrédients nécessaires à la fabrication des vaccins et d'assurer leur distribution. Tout ce qui peut entraver cette chaîne sera une source importante de problèmes.
La caractéristique de la production de vaccins est qu'elle est habituellement concentrée géographiquement. Il y a beaucoup de concentration ici en Europe, mais aussi dans des pays comme l'Inde. Il est primordial de convaincre les gouvernements de ne pas réglementer les exportations et de ne pas fragmenter le marché unique, ce qui pourrait se produire en vertu des traités actuels de l'Union européenne si différents pays, comme la Belgique, décident d'interdire les exportations.
La politique commerciale est extrêmement importante si nous voulons vraiment assurer la distribution. C'est très important pour l'aspect commercial de la production de vaccins, parce que la plupart des pays, autres que les plus importants, doivent pouvoir faire des exportations pour justifier la construction d'installations de ce genre et un investissement aussi risqué.
Existe-t-il une stratégie — encore plus globale — qui serait meilleure que l'Accord sur les ADPIC pour atteindre ces objectifs?
Si cela signifie qu'il faut accroître la capacité dans certains de ces pays du tiers monde, pourquoi ne pas emprunter cette voie pour nous assurer que cette capacité existe, non seulement pour lutter contre la COVID, mais pour tout ce qui pourrait se produire par la suite? Pourquoi n'avons-nous pas appris avec le sida, par exemple, que ce genre de capacité devait exister dans les pays du tiers monde?
C'est une excellente question.
J'aimerais aussi parler de la pandémie de grippe H1N1, qui s'est terminée beaucoup plus rapidement que prévu. Comme mes collègues l'ont dit, plusieurs fabricants de vaccin se sont sentis lésés parce que la pandémie a pris fin plus tôt. Ils ont fait des investissements massifs et n'ont pas été en mesure de récolter les fruits de sources de revenus précises.
Je pense que nous avons vraiment besoin que le secteur public et le secteur privé comprennent les risques associés aux investissements dans les vaccins et qu'ils structurent les contrats d'approvisionnement publics et les incitatifs financiers de façon à développer la capacité qui garantira que le monde dispose d'une grande capacité de production de vaccins.
Cependant, il ne faut pas oublier que d'avoir la capacité de produire des vaccins et pouvoir ensuite la convertir pour réponse à une nouvelle pandémie sont deux choses très différentes. Il faut avoir la capacité de base, mais il faut aussi pouvoir en changer l'orientation. Cela prend du temps. Néanmoins, il serait beaucoup mieux de l'avoir que de ne pas l'avoir.
Merci beaucoup, monsieur Evenett.
Je suis désolé, monsieur Hoback. Votre temps est écoulé.
C'est maintenant au tour de M. Sarai, pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins. Ils ont partagé avec nous leurs très impressionnantes expériences et connaissances.
J'aimerais féliciter les industries qui ont développé des vaccins de manière très rapide et accélérée. Le modèle actuel nous prouve que si des investissements sont faits dans la recherche et le développement et que tout le monde se rassemble, nous pouvons trouver des solutions très rapidement.
Cela dit, monsieur Evenett, vous avez dit que vous vouliez que les règles commerciales soient renforcées afin que les vaccins parviennent aux bonnes personnes au bon moment. Cependant, la production de vaccins est concentrée. Ce modèle fonctionnait auparavant. Il semble qu'il fonctionnait auparavant. C'est sur ça que nous comptions. C'est ce à quoi le monde entier s'attendait et c'est ce que le Canada a fait. Il a investi dans ce modèle. Il a conclu des ententes avec des organismes. Il a essayé de le faire avec certains des meilleurs pays sur le plan des bonnes relations commerciales.
Cependant, comme quelqu'un l'a dit plus tôt, aux grands maux les grands remèdes. Les pays ne respectent pas exactement ces règles lorsque les choses vont mal et que leur propre population commence à dire: « Moi d'abord, et les autres ensuite. »
Qu'en pensez-vous? Ne s'agit-il pas d'un appel à l'augmentation de la capacité de production intérieure, même si elle n'est pas concentrée et même si elle n'est peut-être pas aussi rentable à l'avenir? Le gouvernement devra peut-être déployer des efforts — comme nous l'avons fait en Saskatchewan et au Québec — pour accroître la production à l'avenir.
Ne pensez-vous pas que les pays augmenteront le nombre d'installations de production intérieure afin de ne plus se retrouver dans cette difficile situation?
J'aimerais faire deux observations.
Tout d'abord, je tiens à faire une mise en garde au sujet de l'expérience coréenne. La Corée en était exactement au même point il y a 10 ou 15 ans. Elle a tiré exactement les mêmes leçons que vous en avez tirées, et elle a énormément dépensé pour établir une industrie de production de vaccins qui n'a pas répondu aux attentes dans la situation actuelle. Le fait qu'elle ait une capacité de production de vaccins est, tout au plus, une condition non nécessaire à la réussite.
La solution de rechange que je proposerais serait d'avoir un approvisionnement beaucoup plus intelligent. Le PDG d'une société pharmaceutique a dit qu'il voulait s'approvisionner en Suisse parce que sa population n'était que de sept millions de personnes et qu'elle avait la capacité de produire des dizaines de millions de doses. Même si le gouvernement suisse avait besoin de vacciner tous les Suisses, il resterait encore énormément de vaccins...
Monsieur Evenett, il serait impossible de savoir si la Suisse trouverait un vaccin à un moment comme celui-ci, en cas de pandémie. Il faut prévoir une protection avec plusieurs industries et plusieurs pays.
Je conviens qu'il faut se protéger, mais n'oubliez pas qu'il y a une différence entre la mise au point de vaccins et la fabrication en sous-traitance de vaccins, et qu'il y a en Suisse, par exemple, des fabricants en sous-traitance qui sont particulièrement bons. Je pense qu'une combinaison d'approvisionnement plus intelligent et d'approvisionnement diversifié, un aspect sur lequel je suis tout à fait d'accord avec vous, offre une autre option que celle de consacrer beaucoup d'argent au renforcement de la capacité de production, qui pourrait ne pas être dirigée au bon endroit.
Je suis d'accord pour dire que l'approvisionnement est primordial, et le Canada a essayé de s'approvisionner auprès des pays qui nous semblaient les meilleurs. Pour ce qui est de la recherche, il faut ouvrir la porte à tout le monde et ensuite choisir ce qui, selon nous, est le plus prometteur pour obtenir les résultats.
Est-il positif d'avoir des capacités de production, comme le Serum Institute of India, qui ne met pas nécessairement au point son propre vaccin, mais qui peut avoir des installations autorisées, ce qui, d'après ce que nous avons entendu, a été très efficace? Avoir ce genre d'installations ici...
Je pense qu'obtenir l'autorisation n'a pas été un gros obstacle, mais les lacunes de cette installation l'ont été. Pour le Canada, il pourrait être important d'avoir cela à l'avenir. Peu importe par qui elle est réalisée, nous pourrions avoir une capacité de production nationale, non seulement pour nous aider nous-mêmes, mais aussi pour aider les autres.
Monsieur Yadav, je peux peut-être m'adresser à vous. Vous voyez les choses d'un point de vue mondial. Le Canada devrait-il y consacrer des ressources pour éviter d'être pris au dépourvu?
Je ne pense pas qu'obtenir l'autorisation fut le problème, mais que la production l'a été. Ce que nous avons remarqué, puisque certains de nos membres siègent au Comité du commerce, au Comité Canada-États-Unis et à d'autres, c'est que — bien sûr —, cela paraît bien sur papier, mais lorsque les temps sont durs, même pendant qu'on charge un avion en Chine, quelqu'un paie plus cher et vos marchandises sont déchargées et transférées dans un autre avion-cargo. Par contre, en ayant notre propre capacité nationale, nous serions probablement protégés contre ce genre d'événement à l'avenir.
J'aimerais ajouter deux choses. Premièrement, M. Evenett a cité l'exemple de la Corée du Sud. Bien que je suis généralement d'accord pour dire que la Corée du Sud n'a pas été en mesure de vacciner autant de gens que d'autres pays, SK Bioscience en Corée du Sud est effectivement un fabricant du vaccin d'AstraZeneca et sera un fabricant du vaccin de Novavax après son approbation. Les investissements faits par la Corée du Sud ont donc eu des retombées positives. Nous ne pouvons pas dire qu'ils sont complètement inutiles. C'est le premier point.
Le deuxième point est que, compte tenu de ce que nous avons vu concernant la réglementation commerciale et les contrôles à l'exportation, si nous supposons que l'avenir ne permettra pas qu'une telle situation se produise et qu'un traité mondial l'empêche de se produise, alors il n'est peut-être pas nécessaire de penser que chaque pays doit envisager la question de la fabrication nationale.
Si nous supposons que le scénario futur comportera encore des contrôles à l'exportation semblables, la question importante est la suivante: si le Canada ou n'importe quel autre pays envisage de se doter d'une capacité de fabrication nationale — un type de fabrication en sous-traitance —, comment cette affaire peut-elle rester viable de sorte que l'installation de fabrication ne réponde pas seulement aux besoins en cas de pandémie, mais qu'elle ait une demande constante pour fournir quelque chose qui est nécessaire en temps normal? Comme M. Evenett l'a dit, l'installation doit être suffisamment souple pour pouvoir passer d'une plateforme vaccinale à une autre, ou d'un type de vaccin à un autre, afin que sa demande globale demeure viable.
Ces aspects devraient être examinés au moment d'envisager à la fabrication au Canada.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Sarai. En passant, je vous souhaite bon anniversaire, monsieur Sarai.
Nous passons maintenant à Mme Gray, pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente. J'aimerais poser quelques questions à M. Evenett.
Premièrement, pourriez-vous nous parler de l'importance pour les producteurs de vaccins de collaborer avec les fabricants du monde entier pour s'assurer que les vaccins produits sont conformes aux normes et qu'ils sont efficaces, en particulier dans les cas où le contrôle de la qualité pourrait présenter des risques si les vaccins sont produits en vertu de la dérogation à l'application de l'Accord sur les ADPIC?
L'un des messages récurrents que l'on entend de la part des fabricants et des concepteurs de vaccins est qu'il faut trouver des installations de fabrication qui respectent les pratiques exemplaires, y compris les normes les plus élevées à l'égard de la sécurité et de la conformité réglementaire. C'est quelque chose qui devrait être pris très au sérieux.
S'il y avait une dérogation à certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC et une liberté de production, je suppose qu'il y aurait des préoccupations à cet égard. Toutefois, on peut supposer que la production se ferait dans les pays qui permettraient d'utiliser la dérogation, de sorte que les risques toucheraient la population de ces pays, ce qui pourrait se révéler une situation très insatisfaisante du point de vue de la santé.
Merci.
Vous avez écrit au sujet des normes imprécises dans les mesures de l'Union européenne. Le Canada ne figure pas précisément sur la liste des pays exemptés de l'Union européenne, tout comme une centaine d'autres pays. On nous a dit que ce n'était pas une préoccupation, parce que des pays comme le Japon et l'Australie n'étaient pas non plus exemptés. Toutefois, depuis ce temps, le Japon a déclaré que les restrictions de l'Union européenne avaient déjà une incidence sur son calendrier d'approvisionnement en vaccins, et une livraison de vaccins à l'Australie a également été bloquée.
Pensez-vous qu'il s'agit d'une préoccupation ou d'un problème important dont le Canada devrait s'inquiéter?
Oui, je considère que c'est une préoccupation. Nous voyons de plus en plus de preuves en Europe de ce qu'on appelle un effet paralysant; c'est-à-dire que certains fabricants de vaccins ne demandent même pas l'autorisation d'exportation, parce qu'ils appréhendent un refus de la part des autorités nationales et de la Commission européenne. Dans ces circonstances, rien ne garantit que les intérêts du Canada sont protégés.
Merci. Cela m'amène à ma prochaine question.
Une autre préoccupation que vous avez soulevée, dans une publication sur les contrôles des exportations exercés par l'Union européenne, concerne les décisions liées aux autorisations. Même si les expéditions de vaccins sont autorisées, ces mesures peuvent, au final, allonger le délai entre le moment où une expédition est préparée et son arrivée dans le pays destinataire.
Quels types de délais d'attente le Canada pourrait-il connaître dans la réception des vaccins par rapport à un pays expressément exempté de ce genre de mesures?
Comme vous le savez sans doute, une entreprise qui veut obtenir une autorisation des autorités européennes doit fournir des renseignements. Les renseignements sont vérifiés par les autorités nationales et Bruxelles vérifie ensuite le travail des autorités nationales. Tant Bruxelles que les autorités nationales peuvent demander des renseignements additionnels. Tout ce processus retarde les exportations possibles.
Encore une fois, la façon dont les choses se dérouleront variera beaucoup d'un État membre à l'autre. Cette situation doit nous préoccuper, et c'est pourquoi j'ai écrit à ce sujet plus tôt cette année.
Pour que ce soit bien clair, êtes-vous en train de dire que nous ne saurions pas si une livraison de vaccins était refusée? Cette décision ne serait pas vraiment annoncée ou nous ne serions même pas au courant. Cela se produirait simplement et nous ne saurions pas pourquoi?
C'est un premier point. Le deuxième serait que nous ne serions même pas au courant des cas où un fabricant de vaccins en Europe n'a pas demandé l'autorisation parce qu'il s'attendait à ce que la demande soit refusée. Nous n'en saurions rien non plus. C'est exactement pour ça que le système de l'Union européenne n'est pas transparent à l'heure actuelle.
Ce qui nous préoccupe en partie, c'est qu'en ignorant ce qui est prévu dans les différents contrats, nous ne pouvons pas savoir ce qui est attendu et quelles sont les autorisations ou les obligations à respecter dans les différents contrats, parce qu'il n'y a eu aucune transparence à cet égard.
Ce que vous dites, en fait, c'est que parce qu'il n'y a pas eu de transparence avec les contrats, nous ne saurions pas ce qui a été approuvé. Nous ne saurions même pas quels sont les problèmes, parce qu'il n'y a pas eu de transparence au cours du processus.
Est-ce une juste évaluation de la situation?
Il y a beaucoup de non-transparence, tant dans le processus de passation de marchés que dans le processus d'autorisation des exportations. Toutefois, en me préparant pour la réunion d'aujourd'hui, j'ai consulté le site Web du gouvernement du Canada et on y trouve des calendriers de livraison précis. Je suppose que ces calendriers sont fondés sur les contrats conclus par le Canada. Il serait donc possible de comparer les dates de livraison prévues avec ce que le Canada reçoit effectivement pour déterminer s'il y a ou non des retards.
Madame la présidente, je suis vraiment inquiet lorsque les représentants de l'industrie mondiale se lancent dans les attaques politiques partisanes. Se plaindre de ne pas avoir de réunion est davantage une question de style que de fond.
Monsieur Lipkus, j'ai une question pour vous. Vous avez mentionné les articles 8, 31 et 6 de l'Accord sur les ADPIC, et vous avez aussi mentionné que des modifications avaient été apportées en 2003 pour apporter des assouplissements. Si je vous ai bien compris, il n'est pas nécessaire de réagir de façon impulsive pour lutter contre la pandémie actuelle en modifiant l'Accord sur les ADPIC. C'est bien ça?
À mon avis, il y a actuellement une certaine souplesse d'un côté du spectre, et une dérogation revient essentiellement éliminer complètement le droit d'auteur, les brevets, les dessins industriels et les secrets commerciaux, ce qui représente une énorme exclusion de l'Accord sur les ADPIC.
Les mesures d'assouplissement actuelles peuvent fonctionner à condition que les fabricants possibles qui répondent à toutes les exigences en matière de capacité puissent s'y conformer: ils doivent pouvoir préciser le besoin, comprendre exactement ce qu'ils vont devoir fabriquer et prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que ces vaccins sont correctement identifiés et non réexportés. Si les fabricants répondent aux exigences de l'Accord sur les ADPIC et sont en mesure de faire ces choses, alors la souplesse prévue est suffisante.
Si, d'un autre côté...
Merci, monsieur Lipkus.
Madame la présidente, j'aimerais céder le temps qu'il me reste à ma collègue Mme Bendayan.
Merci, monsieur Arya.
Madame la présidente, si vous me le permettez, j'aimerais poser quelques questions à M. Evenett à la suite de sa discussion avec Mme Gray, parce que c'est un dossier qui me tient à coeur et sur lequel je travaille assez attentivement avec le ministre du Commerce international.
Monsieur Evenett, comme vous l'avez souligné, il y a un calendrier en ligne qui permet à tous les Canadiens de savoir quand les livraisons prévues arriveront. Je vois que vous êtes d'accord. Je pense qu'il s'agit d'un point important à souligner, parce qu'en consultant ce calendrier, nous savons si une livraison arrive ou non, et l'historique des derniers mois depuis l'adoption des mesures de contrôle des exportations nous montre qu'aucune de nos livraisons n'a été refusée ou retardée en raison de l'autorisation d'exportation.
Je comprends votre préoccupation, bien sûr, mais convenez-vous que nous saurions si un entrepreneur ou un fabricant n'a même pas demandé une autorisation d'exportation? Nous avons les dates devant nous.
Je présume que le gouvernement du Canada sait ce qu'il a commandé et ce qui est livré dans les aéroports canadiens.
Je crois que c'est très clair.
L'effet paralysant dont j'ai parlé plus tôt est quelque chose que nous avons observé en Europe. Il ne s'applique peut-être pas encore aux exportations vers le Canada, mais votre collègue me posait des questions sur les risques et pas précisément sur des résultats concrets.
C'est exact, et nous avons réussi à nous assurer que toutes les expéditions canadiennes reçoivent les autorisations d'exportation, et l'Union européenne nous a assuré à maintes reprises que ce serait toujours le cas.
Nous n'avons vu qu'un seul cas de refus d'une demande d'autorisation d'exportation, et c'était vers l'Australie et pour le vaccin d'AstraZeneca, qui est vraiment la cible de ces restrictions à l'exportation si nous analysons vraiment les choses en détail.
Seriez-vous d'accord?
Merci, monsieur Evenett.
J'aimerais revenir à un échange précédent. Je crois que c'était avec Mme Fralick et au sujet de nos investissements dans la recherche et le développement et le secteur des sciences de la vie au cours des dernières décennies, comme vous l'avez mentionné, je crois.
Je comprends ça. J'ai quelques statistiques qui montrent que nous avons considérablement réduit les investissements en recherche et développement au niveau fédéral de 2014 à 2017, et même avant cela par rapport à d'autres pays de l'OCDE.
Croyez-vous que les compressions imposées à la recherche et au développement et aux sciences de la vie au Canada au cours de ces premières années — je pense surtout, bien sûr, aux années 2007 à 2011 pendant lesquelles, je crois, il y a eu le plus grand nombre de compressions — ont eu une incidence sur l'industrie et sur notre capacité d'en stimuler la croissance?
La réponse simple, c'est oui. Il s'agit certainement d'un signe parmi tant d'autres qui montre que le secteur des sciences de la vie en général n'est pas considéré comme un secteur fort et susceptible de contribuer à l'économie et à la santé du Canada.
Merci, madame Fralick.
Je suis désolé, madame Bendayan. Je vais essayer de voir s'il reste du temps à la fin.
Nous allons passer à M. Savard-Tremblay pour deux minutes et demie.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Selon un article de Reuters du 13 novembre 2020, le fait que le Canada s'en soit remis à des contrats d'approvisionnement pour obtenir des vaccins contre la COVID-19 auprès de fabricants de médicaments comme Pfizer a mis la vie quotidienne des Canadiens et les perspectives économiques pour l'année à venir entre les mains de quelques entreprises étrangères faisant face à une demande mondiale écrasante.
L'article ajoute aussi que, alors que d'autres gouvernements consacrent des centaines de millions ou des milliards de dollars à la mise au point de vaccins, le Canada a consacré 1 milliard de dollars à l'achat de doses de vaccins à l'étranger.
Dans quelle mesure cet article est-il exact?
Je laisserai quiconque répondre à cette question.
[Traduction]
Je vais commencer et peut-être que mon collègue ou M. Everett aimerait répondre aussi.
Je n'ai pas de comparaison à l'échelle mondiale, mais je n'ai cessé de dire que les investissements dans le secteur des sciences de la vie et dans l'industrie des médicaments novateurs n'ont pas été importants au Canada.
J'aimerais ajouter, parce que je n'ai pas eu l'occasion de le faire, que ce que nous avons vu au cours des derniers mois, l'attention du gouvernement actuel envers cette industrie, a été remarquable. Je trouve que c'est une très bonne nouvelle sur ce qui peut se passer au Canada. Je ne peux m'empêcher de penser à ce que nous avons peut-être laissé sur la table au cours des années précédentes et à ce qui sera peut-être notre avenir, et d'espérer que le gouvernement commencera à reconnaître et à apprécier cette industrie, non seulement en la considérant comme un centre de coûts, mais aussi comme un centre de valeur.
Nous avons hâte de voir ce que le gouvernement fera à l'avenir.
J'ajouterais que le Canada est, évidemment, une fédération et qu'une stratégie et une politique efficaces en matière de sciences de la vie impliquent la participation des gouvernements provinciaux, notamment le Québec et l'Ontario. Les gouvernements de l'Ontario et du Québec — les gouvernements du premier ministre Legault et du premier ministre Ford — sont déjà intéressés. Ils comprennent l'importance des sciences de la vie et sont prêts à emboîter le pas et à faire les choses différemment à l'avenir.
Merci beaucoup. Votre temps est écoulé, monsieur Savard-Tremblay.
Passons maintenant à M. Blaikie, pour deux minutes et demie.
Merci.
Un certain nombre de nos témoins d'aujourd'hui ont parlé de l'importance du degré de certitude pour l'investissement dans l'industrie pharmaceutique. Je pense qu'il ne fait aucun doute que l'industrie pharmaceutique a fait du très bon travail à l'échelle mondiale pour se doter d'un régime de propriété intellectuelle qui offre beaucoup de certitude et de protection à l'égard des prix dans son industrie.
J'ai du mal à croire qu'une dérogation ciblée et temporaire à certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC pour la fabrication d'un vaccin contre la COVID-19 pourrait vraiment compromettre ce cadre plus général de certitude. Elle n'aurait certainement pas pu interrompre les investissements à moyen ou à long terme dans lesquels l'industrie était engagée avant la pandémie, car personne ne la voyait vraiment venir. Nous vivons une période d'incertitude. Tout le monde vit dans l'incertitude. Le secteur public a fait des investissements massifs pour atténuer les risques liés à la plupart des vaccins disponibles. Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que je pense qu'il est tout à fait approprié d'accorder un certain allègement à l'application du régime habituel afin d'accroître l'approvisionnement mondial, même si ce n'est qu'un élément de ce qui doit être fait pour réaliser cet objectif.
En ce qui concerne la prise de position pouvant être faite à l'Organisation mondiale du commerce à l'égard de l'adoption de la dérogation, Mme Silverman nous a dit, entre autres, qu'il existe des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux qui pourraient constituer des obstacles pour certains pays qui voudraient profiter d'une dérogation à l'Accord sur les ADPIC.
N'est-il pas vrai, madame Silverman, que le fait d'avoir une entente à l'OMC pourrait aider les pays qui tentent d'obtenir d'autres exemptions à des accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux à obtenir ces exemptions? Ne serait-il pas plus avantageux de commencer par l'OMC et d'aller jusqu'au bout de ces accords plutôt que d'avoir des pays qui se battent sur tous les fronts sans qu'il y ait de consensus international ou de décision?
Je vous remercie d'avoir posé cette question.
C'est un peu compliqué. Dans un sens, je pense que vous avez raison. Si cette mesure était adoptée à l'OMC, ce serait certainement un signe soutien de la part des États membres sous-jacents de l'OMC qui ont conclu des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux qui s'appliqueraient autrement. Leur appui indiquerait qu'ils sont disposés à se montrer plus souples. Ce signe peut être envoyé d'autres façons. Ce n'est qu'une des nombreuses façons de le faire. Je conviens que ce serait un signe.
Je pense que ce qui est compliqué ici, c'est que... Encore une fois, je suis d'avis que la dérogation elle-même n'a pas beaucoup de valeur sur le plan pratique, mais une campagne sur la dérogation, la menace de la dérogation et la menace d'octroi obligatoire de licences peut encourager les bons comportements. Dans un sens, si vous adoptez la dérogation, vous éliminez dans une certaine mesure ce levier. Les sociétés pharmaceutiques peuvent dire: « Pourquoi devrions-nous faire l'effort de le faire? Vous avez adopté la dérogation. Allez-y. »
Je pense que la dynamique est compliquée. Il y a un effet de levier parce que l'industrie pharmaceutique y voit un précédent très négatif et une source d'incertitude qui n'est pas vraiment liée à cette pandémie en particulier, mais qui est liée à l'avenir de l'ensemble de l'industrie.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à souligner les commentaires de Mme Bendayan, qui a parlé des années précédentes et essayé de trouver des coupables, mais je ne crois pas que ce soit très productif. Si vous remontez à un gouvernement précédent et à un autre gouvernement précédent, vous en arriverez bientôt à jeter le blâmer sur John A. Macdonald. On peut dire sans se tromper que les libéraux ont présenté quatre ou cinq budgets avant la COVID et qu'ils ont dépensé plus d'un billion de dollars. S'ils voulaient faire quelque chose, ils avaient amplement le temps et l'argent pour le faire.
Je remercie toutes les personnes qui ont présenté des observations aujourd'hui. Je repense à mes années dans le domaine de la fabrication. Il faut énormément de temps et d'expertise pour établir une simple usine… il faut des ingénieurs, des électriciens. Établir une usine qui fonctionne bien, c'est une chose. L'établir de façon à ce qu'elle fonctionne bien et sans résidus... Dans le cas qui nous occupe, il faudrait une installation qui fonctionne bien pour produire des vaccins de classe mondiale.
Il y a beaucoup à dire ici, et j'espère que tous ceux qui travaillent dans la politique, la gouvernance et la fonction publique ont appris une leçon très précieuse à la lumière de notre manque de capacité de production nationale et de l'incapacité d'obtenir des vaccins lorsque nous en avons besoin.
Je regarde par exemple ce qui se passe en Australie, l'exemple récent offert par CS, qui produit d'importantes quantités de vaccins AstraZeneca. C'est un modèle que nous devons examiner pour avoir la capacité de faire des achats ici et de fabriquer ici ce qu'il faut pour protéger nos citoyens, et pour que nous puissions ensuite être généreux envers le reste du monde.
Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire au sujet de l'exemple de CSL en Australie et des choses positives qui se passent actuellement là-bas?
J'ai lu des articles à ce sujet. Je crois comprendre que CSL était un candidat qui essayait de produire un vaccin, mais qu'il n'a pas réussi. Les installations de production existaient, CSL respectait les normes réglementaires — ce que l'un de vos clients a souligné comme étant très important —, et le gouvernement australien a effectivement lié le contrat d'approvisionnement à l'exigence qu'il y ait un certain niveau de fabrication locale. Encore une fois, une certaine protection a été intégrée. C'est peut-être le genre d'approvisionnement souple et intelligent qui pourrait être fait, mais il faut noter que les Australiens devaient d'abord avoir les installations avant de pouvoir franchir cette étape.
Oui, et c'est un très bon point.
Mon entrée en la matière visait à montrer à quel point il est compliqué d'établir les installations de production les plus élémentaires, sans parler d'une installation de production de vaccins de calibre mondial.
Quelqu'un d'autre souhaite-t-il faire un bref commentaire à ce sujet avant que le temps ne soit écoulé?
À titre d'information pour les membres du Comité, Derek Lowe a publié il y a quelques mois un excellent article intitulé « Myths of Vaccine Manufacturing ». Cela vaut la peine d'en prendre connaissance pour comprendre en quoi consiste la fabrication de vaccins. Il explique que la discussion entourant la dérogation à l'Accord sur les ADPIC et la propriété intellectuelle est un peu hors sujet dans le contexte des enjeux liés à la fabrication. Nous pouvons vous en fournir une copie.
Merci, monsieur Lobb.
Je remercie beaucoup tous les témoins de nous avoir fourni des renseignements très précieux et très intéressants alors que nous étudions un plan complexe et d'une importance cruciale. Nous devons apprendre le plus possible de tous nos témoins. Nous vous remercions d'être ici, surtout M. Evenett, qui nous a parlé depuis l'Angleterre par vidéoconférence. Merci à tous.
Nous sommes vendredi, alors passez un merveilleux week-end et nous nous reverrons lundi.
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