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Je déclare ouverte la 24
e séance du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui est diffusée sur le Web et se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021.
Je souhaite la bienvenue à tous mes collègues en ce beau lundi matin, le début, j'espère, d'une semaine très fructueuse.
Conformément à l'article 108 du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 12 mars 2021, le Comité poursuit son étude sur le commerce international du Canada et sa politique en matière d'investissements: certaines considérations concernant les vaccins contre la COVID-19.
J'aimerais accueillir nos témoins de ce matin.
Nous accueillons Me Brian Daley, associé chez Norton Rose Fulbright Canada. Il témoigne à titre personnel. J'espère qu'il pourra se connecter à la réunion du Comité.
Nous accueillons aussi M. Marc-André Gagnon, professeur agrégé à l'École d'administration et de politique publique, à l'Université Carleton.
Représentant la Chambre de commerce du Canada, nous avons M. Mark Agnew, vice-président, Politique et international. Enfin, nous entendrons M. Brad Sorenson, directeur général de Providence Therapeutics.
Monsieur Gagnon, la parole est à vous.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de venir discuter avec eux. Mon intervention portera sur la propriété intellectuelle liée aux vaccins contre la COVID-19, ainsi que sur les manières d'augmenter la production manufacturière de ces vaccins au Canada et à l'étranger.
Je suis professeur agrégé à l'École d'administration et de politique publique de l'Université Carleton. Je me spécialise en économie politique dans le secteur pharmaceutique et j'ai plus de 150 publications à mon actif. Mis à part mon rôle de témoin expert pour Justice Canada dans le cadre d'un procès en 2020 à la Cour supérieure du Québec sur la réglementation des prix des médicaments brevetés, je n'ai aucun conflit d'intérêts à déclarer.
Au début de la pandémie de COVID-19, il a été impressionnant de voir comment des chercheurs de partout dans le monde ont collaboré à partir des principes de la science ouverte en échangeant systématiquement des données, que ce soit pour séquencer le génome du virus, suivre son évolution et ses variations ou produire le matériel de protection ou de détection.
Au Canada, le gouvernement fédéral a adopté, dès mars 2020, la Loi sur les mesures d'urgence visant la COVID-19, le projet de loi , permettant le recours pendant six mois à des licences obligatoires pour toute technologie liée la COVID-19, afin de contrer de potentielles pénuries. Cette mesure n'a pas été renouvelée en septembre 2020, mais le gouvernement fédéral peut la renouveler à tout moment, au besoin.
En mai 2020, l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, mettait sur pied le COVID-19 Technology Access Pool, ou C-TAP, fondé sur les principes de la science ouverte, pour favoriser l'échange de l'expertise et des savoirs liés aux technologies permettant de combattre la COVID-19. Le Medecines Patent Pool, ou MPP, financé par Unitaid, a aussi élargi son mandat pour permettre la mise en commun des brevets liés à la COVID-19.
Au départ, c'était très intéressant. On croyait se diriger vers un effort scientifique axé sur la collaboration technologique et l'échange de données afin que chaque pays puisse maximiser son effort de guerre contre la COVID-19. Malheureusement, les vieux réflexes de la science propriétaire des brevets et des monopoles technologiques ont vite repris le dessus. Aucune firme n'a encore accepté de mettre en commun ses technologies avec le C-TAP ou le MPP.
Chaque firme travaille plutôt en silo dans le but de maximiser ses revenus. D'ailleurs, les firmes propriétaires de vaccins se sont généralement montrées très réticentes à négocier des accords de licence pour permettre l'augmentation de la production. AstraZeneca s'est montrée plus flexible que les autres, mais cela faisait partie des conditions que l'Université d'Oxford avait fixées pour qu'elle puisse fournir le vaccin. Puisque les revenus potentiels des firmes dépendent de leur capacité à maintenir un contrôle sur le savoir-faire technologique, ce n'est rien de surprenant.
Chaque firme cherche à contrôler le plus possible ce qu'elle possède comme propriété intellectuelle sur les vaccins, plutôt que de permettre des accords de licence et la maximisation de la production globale.
Même si les gouvernements ont investi plus de 14 milliards de dollars dans la mise au point des vaccins, on continue de considérer normal que ces derniers restent entièrement monopolisés par le secteur privé. La mise au point des vaccins contre la COVID-19 des firmes Moderna, AstraZeneca, Johnson & Johnson et Novavax a été subventionnée à cent pour cent par des investissements publics ou des organismes sans but lucratif. Pourtant, le vaccin reste monopolisé par un brevet appartenant à la firme.
En donnant la priorité aux droits de propriété des firmes plutôt qu'aux impératifs de la santé publique internationale, on se retrouve dans la situation actuelle, où chaque pays joue du coude afin de se mettre en file devant les portes des firmes pour que celles-ci acceptent de lui vendre des doses et les livrent le plus rapidement possible chez lui, plutôt que chez le voisin. Peu importe les priorités de la santé publique, c'est chacun pour soi. C'est du nationalisme vaccinal.
Toutefois, le Canada se positionne assez bien dans ce jeu du nationalisme vaccinal. Il a réussi à obtenir un maximum de doses équivalant à 500 % de ses besoins, et près du quart de la population canadienne est déjà vaccinée.
Malgré tout, ce jeu est extrêmement problématique en soi. Les retards de production chez Pfizer, Moderna et AstraZeneca ont créé d'immenses tensions sur le plan du commerce international. Au lieu de participer ensemble à l'effort de guerre pour produire le maximum de vaccins, les pays travaillent les uns contre les autres pour distribuer les vaccins à l'échelle internationale en fonction des priorités des firmes.
En date du 19 avril 2021, plus de 800 millions de doses de vaccins ont été administrées partout dans le monde. Ces doses ont été administrées dans une proportion de 82 % dans les pays riches, alors qu'elles l'ont été dans une proportion de seulement 0,2 % dans les pays à faible revenu, surtout grâce à l'initiative COVAX. On estime que les pays les plus pauvres devront attendre jusqu'à 2024 pour faire vacciner leur population. De plus, Pfizer vient d'annoncer que son vaccin risque de nécessiter des rappels, soit une troisième dose, et même, peut-être, des rappels annuels par la suite, ce qui risque de prolonger davantage les retards pour les pays à faible revenu.
Le Canada possède des capacités de production de vaccins. Pourquoi ne sont-elles pas utilisées en ce moment pour l'effort de guerre contre la COVID-19?
À la fin de janvier, le Canada a annoncé un investissement de 126 millions de dollars dans le Conseil national de recherches Canada afin de développer les capacités de production de vaccins.
Le Conseil national de recherches Canada est situé sur l'avenue Royalmount, et, de l'autre côté du stationnement, se trouve la compagnie PnuVax. Depuis des mois, les dirigeants de PnuVax disent qu'ils ont à leur disposition une chaîne de montage autorisée par Santé Canada et qu'ils sont prêts à commencer à produire un vaccin. Toutefois, ils n'arrivent pas à conclure des contrats de licence avec les différentes firmes, et le Canada ne les aide pas à négocier avec celles-ci. Le Canada a une capacité de production qui n'est pas utilisée en ce moment.
Récemment, Biolyse Pharma, qui est située à St. Catherines, en Ontario, a demandé quant à elle d'inscrire les produits contre la COVID-19 sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets. Cela lui permettrait de produire et d'exporter le vaccin de Johnson & Johnson sous licence obligatoire, par exemple en recourant au Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM. Le Canada refuse pourtant de modifier l'annexe 1 de manière à permettre à une entreprise canadienne de produire des vaccins pour les pays à faible revenu dans le cadre d'une pandémie. C'est absolument inacceptable.
En ce moment, une centaine de pays, dirigés, entre autres, par l'Inde et l'Afrique du Sud, demandent à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, de suspendre les droits de propriété intellectuelle liés à la COVID-19 pour faciliter l'échange technologique et permettre un accroissement de la production vaccinale d'ici la fin de la pandémie.
La suspension de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou l'Accord sur les ADPIC serait un outil beaucoup plus intéressant que le recours aux flexibilités actuelles incluses dans l'Accord. Je parle de l'article 31 de l'Accord, selon lequel chaque pays doit obligatoirement obtenir une licence. Un pays qui demande une licence obligatoire peut l'obtenir, mais il doit ensuite se débrouiller par lui-même pour mettre en œuvre cette licence obligatoire au sein du pays, alors qu'une suspension des dispositions de l'Accord liées aux produits visant à traiter la COVID-19 permettrait aux différents pays de collaborer véritablement afin de mettre à contribution leur capacité de production. L'Afrique du Sud et l'Inde ont des capacités de production vaccinale qui ne sont pas utilisées en ce moment à cause du manque de flexibilité de l'Accord sur les ADPIC.
Toutefois, le Canada, les États-Unis, l'Europe, le Royaume-Uni et la Suisse s'opposent de manière catégorique à une telle suspension de l'Accord sur les ADPIC. À bien des égards, le Canada semble avoir choisi de faire partie du problème plutôt que de la solution.
Dans son intervention devant l'OMC le 10 décembre 2020, le Canada a menti de manière éhontée — et je pèse mes mots. J'utilise très rarement ce genre de langage. En effet, le Canada a soutenu que les mesures flexibles actuelles de l'Accord sur les ADPIC étaient suffisantes. Il a dit qu'une telle dérogation n'était pas nécessaire puisque le Canada mettait à disposition son Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM, pour permettre aux pays à faible revenu d'obtenir les traitements nécessaires lorsqu'ils se dotent de licences obligatoires sans avoir de capacité manufacturière locale.
En fait, le RCAM est en ce moment une atrocité bureaucratique tellement inefficace qu'un pays y a eu recours une seule fois, en 2007. Le Rwanda y a eu recours afin d'obtenir des traitements contre le SIDA, et il a par la suite dénoncé l'ineptie du système. Ce système ne fonctionne pas. Il vise plutôt à compliquer l'accès aux médicaments en période d'urgence sanitaire.
La Chambre des communes avait même voté en faveur d'une réforme du Régime canadien d'accès aux médicaments en 2013, car on le jugeait complètement inefficace. Toutefois, les délais de ratification par le Sénat ont été tellement longs que cette réforme est morte au Feuilleton.
Le 10 décembre dernier, le Canada est même venu prétendre sans rire que le fait que personne ne recourait au Régime canadien d'accès aux médicaments était la preuve qu'on n'avait pas besoin de flexibilité et donc que l'Accord sur les ADPIC n'avait pas besoin d'être suspendu. C'est encore une fois inacceptable. J'ai rarement été aussi embarrassé d'être Canadien que lorsque j'ai pris connaissance de cette déclaration carrément malintentionnée du Canada devant le défi mondial aussi crucial que constitue la COVID-19.
Le Canada doit cesser de faire partie du problème. Premièrement, il doit dès maintenant inscrire les produits de santé contre la COVID-19 sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets. Selon certaines rumeurs, dès cette semaine, un pays demandera au RCAM de produire des vaccins contre la COVID-19. Toutefois, en ce moment, le Canada ne peut pas le faire, car il n'a pas inscrit ces produits sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets.
Deuxièmement, il faut soutenir dès maintenant une dérogation à l'Accord sur les ADPIC pour l'ensemble des produits contre la COVID-19 et encourager toutes les initiatives visant à permettre une mise en commun des technologies en science ouverte pour tous les produits liés à la COVID-19 par des groupements de brevets que sont le C-TAP et le MPP. Je compte sur le Canada pour qu'il se place du bon côté de l'Histoire en cette période de pandémie.
Je suis à votre disposition si vous désirez me poser des questions.
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Madame la présidente, membres du Comité, c'est un plaisir d'être de retour au Comité permanent du commerce international.
Cette étude arrive à un moment critique, compte tenu de la campagne de vaccination en cours au Canada et dans le monde. J'ai le privilège, à la Chambre de commerce du Canada, de travailler avec de nombreux chefs de file de l'industrie des sciences de la vie. Comme vous pouvez l'imaginer, notre collaboration a été encore plus étroite ces 12 derniers mois.
À l'instar de nombreux Canadiens, je repense aux 13 derniers mois et je constate à quel point l'industrie a bougé rapidement. En vue de ma comparution, j'ai survolé la couverture de presse du printemps de 2020. On affirmait alors que la mise au point d'un vaccin prendrait 12 à 18 mois, mais l'industrie l'a fait beaucoup plus rapidement. Cet effort considérable ne doit pas être oublié. Ce n'est pas un vain commentaire rétrospectif; je vise plutôt à souligner l'importance d'appuyer l'innovation dans l'industrie des sciences de la vie.
Le Comité entendra d'autres témoins qui œuvrent dans cette industrie et qui sont mieux placés pour traiter de science. Je vais donc aborder la question du point de vue du commerce.
Je veux d'abord parler de la question de la dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle, ou Accord sur les ADPIC qui touche au commerce. La propriété intellectuelle est un élément essentiel pour soutenir l'écosystème d'innovation qui crée des médicaments qui sauvent des vies. Je viens de mentionner le rythme effréné de l'innovation pour la création de vaccins contre la COVID-19. Les travaux de R-D sont des activités à forte intensité de capital et de main-d’œuvre. Sans protections solides de la propriété intellectuelle, l'innovation que nous avons vue l'année dernière sous l'impulsion de l'industrie aurait été considérablement entravée et n'aurait certainement pas été aussi rapide, car les infrastructures adéquates pour la mise au point de vaccins n'auraient pas été en place.
Rien ne démontre que les droits de propriété intellectuelle nuisent au déploiement des vaccins à l'échelle mondiale. Les problèmes sont plutôt liés à l'augmentation de la production et aux chaînes d'approvisionnement très complexes pour la fabrication de vaccins contre la COVID-19. À lui seul, par exemple, le vaccin Pfizer nécessite 280 composants que la société obtient auprès de 86 fournisseurs répartis dans 19 pays. À cela s'ajoutent les exigences extrêmement complexes pour l'entreposage, qu'on appelle parfois les chaînes du froid, comme vous avez pu le voir dans les médias. Sans vouloir m'étendre indûment là-dessus, il ne suffit pas d'expédier quelques flacons de vaccins dans une glacière remplie de blocs réfrigérants; c'est beaucoup plus complexe que cela. En ce sens, la proposition de dérogation en matière de propriété intellectuelle est une solution à un problème qui n'existe pas, car cela ne réglerait en rien les problèmes sous-jacents de la chaîne d'approvisionnement, comme les pénuries de particules lipidiques pour lesquelles BioNTech a reçu l'aide de la société Merck, l'année dernière.
Il est aussi important d'adopter une perspective à plus long terme et de reconnaître que la mise en œuvre potentielle d'une dérogation à l'Accord sur les ADPIC aurait des effets durables sur les entreprises, notamment sur leurs décisions d'investissements futurs en R-D et en fabrication. Évidemment, on peut aussi craindre des représailles réciproques à mesure que les pays s'engageraient dans cette voie.
Il convient également de souligner qu'un processus existe déjà, comme vous venez de l'entendre, en vertu de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC, permettant aux gouvernements d'avoir recours aux licences obligatoires. Puisqu'un processus est déjà prévu, avec garanties, qui plus est, une dérogation générale à l'Accord sur les ADPIC est, en fait, un mécanisme inutile.
Étant donné tout cela, nous espérons que le gouvernement n'appuiera pas la proposition de dérogation à l'Accord sur les ADPIC qui fait l'objet de discussions à Genève.
J'aimerais maintenant parler brièvement des mesures de l'Union européenne sur l'exportation des vaccins.
La Chambre de commerce du Canada s'est fermement opposée aux mesures qui pourraient restreindre l'exportation de vaccins. Ce n'est pas seulement dans l'intérêt du Canada en raison de notre manque de capacité nationale de bioproduction, mais aussi parce que la pandémie de COVID-19 est un problème mondial qui exige une distribution de vaccins à l'échelle mondiale.
Notre principale préoccupation concernant les mesures de l'Union européenne visant l'exportation est double.
Premièrement, la directive accorde à la Commission européenne et aux États membres un important pouvoir discrétionnaire en matière d'application. Je suis bien placé pour savoir qu'Affaires mondiales Canada, notamment la et l'ambassadrice Ailish Campbell, ont travaillé très fort en coulisses, et nous en avons vu les avantages, puisqu'aucune expédition vers le Canada n'a été bloquée jusqu'à maintenant. On ne peut pas en dire autant de l'Australie, comme les membres du Comité l'auront sans doute constaté dans les récents reportages des médias.
Deuxièmement, la réglementation de l'Union européenne crée un précédent très nuisible à d'autres administrations, ce qui risque de rendre beaucoup plus acceptable ce genre de comportement, de sorte que d'autres pays pourraient être plus portés à emboîter le pas. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos homologues de chambres de commerce du monde entier pour faire savoir aux décideurs de l'Union européenne que nous ne devrions pas poursuivre en ce sens. Nous espérons que l'Union européenne concentre plutôt ses efforts sur l'approbation automatique et la création d'un mécanisme fondé sur la transparence.
J'aimerais discuter brièvement de certaines mesures qui pourraient être prises, sur le plan commercial, pour assurer la souplesse des chaînes d'approvisionnement des vaccins.
Premièrement, pour compléter mes propos sur les restrictions à l'exportation, les pays doivent fournir plus de précisions sur les restrictions à l'exportation et leur utilisation à des fins politiques. L'an dernier, on entendait souvent que les restrictions à l'exportation devaient être « ciblées, proportionnées, transparentes et temporaires ». Le Canada peut être un acteur de premier plan dans les discussions mondiales visant l'adoption de mesures concrètes pour y arriver. La prochaine réunion des ministres du Commerce du G7 et le Sommet des dirigeants du G7 pourraient être des occasions de progrès. Il y a en outre les prochaines discussions bilatérales avec le Royaume-Uni.
Deuxièmement, le Canada devrait continuer à jouer un rôle de premier plan dans l’initiative du Groupe d’Ottawa en matière de commerce et de santé et au sein de l'Alliance mondiale pour la facilitation des échanges. Étant donné la complexité des chaînes d'approvisionnement en vaccins, nous pouvons appuyer les pays en développement, notamment en leur fournissant le savoir-faire nécessaire pour l'importation de produits afin de vacciner leurs populations le plus rapidement possible.
Troisièmement, le Canada devrait continuer de participer aux efforts actuels de l'OMC, sous la direction de Mme Ngozi, pour ce qu'on appelle la « troisième voie » sur le partage volontaire des connaissances. Cela demeurerait conforme à l'esprit de l'article 31(b) de l'Accord des ADPIC, qui exige des consultations avec les titulaires de droits.
La Chambre de commerce internationale a examiné la question et étudie l'idée d'un centre d'échange de renseignements pouvant servir de forum pour apaiser les tensions sur un enjeu déjà très délicat de façon à ce que les discussions sur les chaînes d'approvisionnement soient fondées sur des faits. Nous espérons que le Comité et Affaires mondiales Canada seront en mesure d'approfondir cette question.
Merci beaucoup de l'occasion de comparaître. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de me joindre à vous aujourd'hui.
Les vaccins à ARN messager sont la technologie vaccinale la plus efficace de la planète. L'Union européenne a annoncé son intention d'utiliser exclusivement des vaccins à ARNm à partir de 2022. En pratique, même s'ils n'en ont pas fait l'annonce publiquement, les États-Unis ont choisi les vaccins à ARNm plutôt que d'autres pour leur population, comme le démontrent leurs modes d'acquisition et de distribution des vaccins, sans compter la position prudente de la FDA sur les vaccins contre la COVID-19 à base d'adénovirus.
Je constate d'après de nombreux articles de presse que le Canada est maintenant en concurrence active pour les doses de rappel pour 2022. À ce jour, seuls les fabricants de vaccins à ARNm ont annoncé publiquement qu'ils travaillaient sur une version de leurs vaccins adaptée aux variants pour les doses de rappel de 2022. Donc, je ne peux que conclure que la négocie avec Pfizer et Moderna, au nom du Canada, pour réserver des doses de vaccins de rappel à ARNm pour les Canadiens, pour 2022.
Providence Therapeutics est le seul fabricant de vaccins à ARNm au Canada. Même si nous avons transmis au gouvernement du Canada des données cliniques préliminaires indiquant que nous avions un vaccin à ARNm qui était possiblement le meilleur de sa catégorie, et même si nous avons fourni, avec nos partenaires, une avenue claire pour la fabrication de dizaines de millions de doses, le gouvernement canadien n'a pas communiqué avec nous concernant ses besoins en vaccins pour 2022. Nous serions heureux de le faire, et une telle approche cadrerait avec tous les contrats que le Canada a conclus avec des fabricants de vaccins étrangers à l'été 2020. En outre, cela permettrait de poursuivre la fabrication du vaccin à mesure qu'il franchit les étapes du processus réglementaire avec Santé Canada, comme ce fut le cas pour les fabricants étrangers de vaccins en 2020.
Si des engagements sont pris rapidement, Providence Therapeutics pourra fournir suffisamment de vaccins de rappel pour chaque Canadien d'ici le premier trimestre de 2022. Le Canada a l'occasion d'être le premier pays au monde à vacciner sa population entière avec un vaccin à ARNm conçu pour protéger contre les variants.
Dès le premier jour, Providence Therapeutics s'est préparée à donner la priorité aux besoins du Canada. Toutefois, outre les promesses d'achat de la province du Manitoba, nous n'avons reçu aucune indication que le Canada souhaite réserver des doses de notre vaccin pour 2022. Nous avons cependant reçu des demandes sérieuses de divers pays concernant l'achat de vaccins en 2022.
L'industrie des vaccins contre la COVID-19 vaut des centaines de milliards de dollars. Pour donner une idée de l'ampleur de l'industrie, le Canada a lui-même payé 8 milliards de dollars pour des vaccins contre la COVID-19 en 2021 seulement. Une partie de cette activité économique pourrait stimuler l'économie canadienne et créer un marché d'exportation, au lieu d'accroître les coûts d'importation du Canada.
Providence Therapeutics sera un acteur important de l'industrie des vaccins contre la COVID-19. Ici, au Comité permanent du commerce international, nous sommes tous conscients que le Canada peut et doit être un exemple pour les autres pays en faisant confiance aux vaccins fabriqués au Canada et en les achetant. Dans ce contexte, ne serait-il pas navrant que la première promesse d'achat d'importance pour un vaccin fabriqué au Canada provienne d'un acheteur étranger? N'est-il pas impensable que nous soyons obligés d'exporter des vaccins de calibre mondial alors que la vie et le gagne-pain des Canadiens sont menacés? Aucun de nous ne souhaite cela. En agissant rapidement, le Canada peut empêcher cette malheureuse possibilité.
J'aimerais demander officiellement au Comité de songer à adopter une résolution visant à obtenir du gouvernement du Canada, s'il s'entête à ne pas saisir l'occasion d'acheter les vaccins de Providence Therapeutics, la promesse qu'il n'empêchera pas l'exportation de nos vaccins produits au Canada vers des pays étrangers. Mieux encore, je vous demande d'envisager d'adopter une motion encourageant le gouvernement du Canada à appuyer la fabrication de vaccins au Canada en s'approvisionnant auprès de fournisseurs canadiens.
Voilà pour la déclaration que j'avais préparée. Toutefois, compte tenu des commentaires des autres témoins, j'aimerais ajouter que la situation de propriété intellectuelle des vaccins à ARNm est beaucoup plus complexe que ce qui a été présenté ici. Alors que mes pairs laissent entendre qu'ils sont favorables au partage de la propriété intellectuelle — Moderna a dit qu'elle ne ferait pas respecter les brevets —, la réalité, c'est que ses vaccins ont été séquencés et que ce séquençage a été publié. Ils sont identiques à 90 %.
En réalité, la seule protection de la propriété intellectuelle de l'ARN messager est liée à l'administration à base de lipides. Ce contrôle est détenu par une entreprise canadienne appelée Genevant, dont les droits sont bafoués et ne sont pas protégés. Providence Therapeutics a une licence, que nous avons obtenue de Genevant, et nous respectons les règles. Nous sommes prêts — nous négocions avec divers autres pays, comme je l'ai mentionné — à effectuer un transfert de technologie. La vente de doses ne m'intéresse pas; je veux vendre de la capacité. Voilà comment nous mettrons fin à cette pandémie.
Nous allons communiquer avec l'OMS afin de discuter des façons dont nous pouvons travailler avec elle. Nous avons été contactés par un consortium africain; nous examinons la question. Nous avons eu des discussions avec le gouvernement du Mexique. Nous ne nous limitons pas aux pays industrialisés: nous nous concentrons sur le problème mondial.
Nous avons besoin de l'appui du Canada. Les divers ministères du pays doivent échanger des renseignements afin de savoir ce qui est fait.
Providence Therapeutics a partagé des données démontrant que notre produit est plus sûr et entraîne moins d’effets indésirables que ceux de nos pairs. Notre chaîne du froid pour l'entreposage à long terme et le transport se situe à -20 °C, et nous avons déjà deux mois de données sur l'entreposage réfrigéré. Nos réponses immunologiques sont supérieures. Toutes ces informations seront confirmées publiquement lorsque nous divulguerons nos données au public après la finalisation de notre rapport sur essais de phase I. Cela dit, le gouvernement du Canada y a actuellement accès, aux fins d'examen.
Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. Nous essayons d'aider le gouvernement canadien à comprendre que nous avons cette technologie, une technologie de classe mondiale, à portée de main.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis un partenaire chez Norton Rose Fullbright à Montréal, où je suis le chef du groupe international des affaires pharmaceutiques et des sciences de la vie.
Je me spécialise dans les litiges relatifs aux brevets pour les produits pharmaceutiques et les appareils médicaux, ce qui me permet de comprendre comment les détenteurs de droits de propriété intellectuelle, PI, perçoivent et font valoir leurs droits, tant au Canada qu'à l'étranger.
Les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes et ne représentent pas nécessairement celles de Norton Rose Fullbright.
Je vais parler un peu des chaînes d'approvisionnement et de la fabrication nationale et des répercussions pour le Canada à la lumière de la pandémie de COVID-19. Je parlerai brièvement de certains des contrôles qui existent déjà au Canada sur les brevets, y compris les licences obligatoires, puis j'aborderai un peu plus le contexte international de la propriété intellectuelle en ce qui concerne certains des accords commerciaux internationaux du Canada. Je parlerai de certains des mécanismes d'application de la loi qui sont disponibles dans le cadre de ces accords, puis j'aborderai plus précisément la question de l'Accord sur les ADPIC.
Comme nous le savons tous, la fabrication de nombreux biens s'est déplacée au cours des dernières décennies vers des lieux offrant des économies d'échelle, des coûts plus faibles ou des régimes fiscaux et réglementaires plus favorables. Les produits médicaux ne font pas exception. Par exemple, la Chine et l'Inde sont devenues des fabricants importants d'ingrédients pharmaceutiques actifs et de formes posologiques finales au cours des dernières décennies.
Les dispositifs médicaux et l'équipement de protection individuelle sont souvent fabriqués à l'étranger. Comme M. Agnew l'a mentionné dans sa déclaration, nous avons beaucoup appris de la COVID-19. Nous avons vu des retards d'approvisionnement et une concurrence pour des fournitures difficiles à trouver. Nous avons vu des accumulations ou des restrictions à l'exportation par certains pays, et nous avons vu de l'ingérence politique dans les accords d'approvisionnement.
Cela nous amène à la question, à laquelle je pense que vous avons commencé à répondre au cours des 13 derniers mois, de savoir si le Canada devrait augmenter la production nationale de certains produits médicaux de première nécessité, en particulier ceux qui sont liés à la COVID-19. Dans de nombreux cas, la réponse est clairement « oui ». L'équipement de protection individuelle, par exemple, sera essentiel dans cette pandémie et dans les pandémies futures, et nous devrions maintenir des stocks adéquats et avoir des sources d'approvisionnement nationales.
Lorsqu'il est question de médicaments, de vaccins et d'appareils médicaux, la réponse est moins claire. Il n'est pas pratique d'avoir une chaîne d'approvisionnement entièrement nationale; il y a simplement trop de médicaments, trop de composantes et trop de dispositifs.
Comme nous l'avons vu, et comme M. Sorenson l'a expliqué, une partie des vaccins qui sont disponibles à l'heure actuelle utilisent une technologie de pointe qui n'est disponible que dans très peu d'endroits. Néanmoins, les activités en R-D nationales et la capacité de fabrication de vaccins sont cruciales pour notre pays.
Dans un article que j'ai publié avec quelques collègues à la fin de l'année dernière, et qui, je crois, m'a valu d'être invité à prendre la parole aujourd'hui, nous avons proposé une solution hybride qui permettrait de mettre en place des chaînes d'approvisionnement régionales pour les fournitures complexes sophistiquées. Cela nous permettrait de conserver des économies d'échelle. Elles nous permettraient également de tirer parti des accords commerciaux que nous avons déjà en place, comme ceux conclus avec l'Union européenne, les États-Unis et le Mexique. Dans ces circonstances, nous aurions affaire à des partenaires commerciaux qui ont des normes comparables en matière d'environnement, de sécurité et de travail, et des normes qui sont souvent appliquées par ces accords commerciaux internationaux. Nous partageons généralement des valeurs et des systèmes politiques semblables avec ces partenaires commerciaux.
Conjointement à cette approche régionale, nous continuerions de mettre au point un approvisionnement national fiable pour les produits essentiels, tels que l'équipement de protection individuelle et les vaccins. Nous sommes tous au courant de la fabrication des masques N95 au Canada par la société 3M, ainsi que de l'accord récent avec Sanofi concernant la capacité de fabrication de vaccins au Canada. Ce sont là de bons exemples de mesures pour stimuler l'approvisionnement national, et le gouvernement peut et devrait continuer à encourager les entreprises canadiennes novatrices dans ce domaine également.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, les médicaments et les vaccins ne sont pas les seuls à pouvoir être brevetés. Les appareils médicaux et l'équipement de protection individuelle peuvent également être brevetés, et c'est cette complication qui rendrait la dérogation à l'Accord sur les ADPIC très difficile à mettre en pratique même si c'était une bonne idée, et je suggérerai plus tard que ce n'est pas le cas. Pour encourager l'approvisionnement national, il faut respecter les droits des détenteurs de propriété intellectuelle, et plus particulièrement les détenteurs de brevets. Les brevets sont le type de protection de la propriété intellectuelle le plus pertinent dans ce domaine.
Comme vous le savez sans doute, il y a déjà des mesures obligatoires en place en vertu de la Loi sur les brevets, et il est possible d'octroyer des licences obligatoires en cas d'urgence nationale. L'un des problèmes, c'est que le concept d'urgence nationale n'est pas clair.
La Loi sur les brevets ne précise pas non plus comment les titulaires de brevets seraient indemnisés dans ces cas-là. L'article 19.4 de la Loi sur les brevets a été mis en œuvre en mars dernier, au début de la pandémie. Il autorisait le commissaire aux brevets d'autoriser l'utilisation d'inventions brevetées, y compris par des parties privées, dans la mesure nécessaire pour répondre à l'urgence de santé publique. Elle prévoyait que les titulaires de brevets devaient recevoir une « rémunération adéquate ». Cette disposition a expiré en septembre de l'année dernière, et elle n'a jamais été utilisée.
Cela illustre bien le fait que permettre de passer outre les droits de propriété intellectuelle n'est pas une bonne idée, et nous avons vu au cours de l'année écoulée que ce n'est pas nécessaire, du moins dans le contexte canadien.
Le Canada est signataire de plusieurs accords internationaux, tels que l'ACEUM et l'AECG. Ces deux accords, ainsi que l'Accord sur les ADPIC, permettent aux gouvernements d'autoriser l'utilisation d'inventions brevetées dans des situations d'urgence nationale sans l'autorisation du titulaire du brevet. Là encore, il n'y a pas de définition claire de ce qui constitue une urgence nationale, et la déclaration unilatérale d'une urgence nationale par un pays pourrait donner lieu à des plaintes ou à des représailles de la part des autres membres du traité.
Cela m'amène à la demande précise de dérogation à l'Accord sur les ADPIC. Comme nous le savons, certains membres de l'OMC ont demandé une dérogation temporaire aux obligations de l'Accord sur les ADPIC en matière de propriété intellectuelle en réponse à la COVID-19. À mon avis, cette demande pose de multiples problèmes.
Premièrement, et comme l'a mentionné M. Agnew, nous n'avons connaissance d'aucun exemple concret qui justifierait une telle dérogation. La proposition initiale, que vous pouvez trouver sur le site Web de l'OMC, cite un exemple, mettant en cause le gouverneur du Kentucky et les masques N95, datant d'avril de l'année dernière. C'est le seul exemple que j'ai vu sur le site de l'OMC.
La demande réclame également une exemption très vaste aux dispositions 1, 4, 5 et 7 de la partie II de l'Accord sur les ADPIC. Une fois de plus, rien ne prouve que les droits de propriété intellectuelle ont nui à la réponse internationale à la COVID-19.
Un autre point, qui n'a pas été abordé, est que même si on essayait de mettre en œuvre ce type de dérogation, il n'existe aucun moyen pratique de relever les brevets individuels qui ont trait à la lutte contre la COVID-19. De nombreuses personnes ont axé leurs efforts sur les vaccins, par exemple, mais examinons un autre outil important dans la lutte contre la COVID-19, un appareil médical tel qu'un respirateur. Les respirateurs en tant que tels ne sont pas brevetés. Ce qui est breveté, ce sont certaines fonctions que ces appareils remplissent, ou les composantes qui y sont incorporées. Ces brevets peuvent être détenus par le fabricant du respirateur, par des sociétés connexes ou même par des fournisseurs indépendants. Le fabricant du respirateur peut acheter des composantes brevetées à des tiers ou les fabriquer sous licence. Il n'y a pas de moyen facile de déterminer quels brevets sont pertinents et, comme je l'ai dit, il s'agit d'une renonciation ou d'un renoncement total aux droits de brevet pour une période indéterminée. Rien ne garantit que cette mesure permettra d'accroître la capacité de fabrication, de renforcer les chaînes d'approvisionnement ou d'améliorer la distribution aux pays moins riches.
Il y a aussi le risque que le non-respect généralisé des droits de propriété intellectuelle conduise à l'entrée sur le marché de produits de qualité inférieure ou facilite même l'entrée de produits contrefaits dans la chaîne d'approvisionnement internationale. Les détenteurs de droits peuvent accorder, et accordent souvent, des licences sur leur technologie à des entreprises de confiance, qui sont en mesure d'appliquer un contrôle strict de la qualité. À mon avis, c'est une meilleure solution qu'une renonciation générale aux droits de propriété intellectuelle.
Ce sont mes remarques, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de la question.
Il faut comprendre que, pendant longtemps au Canada, la capacité publique en matière de fabrication de vaccins était très élevée. Il y a une différence importante entre la capacité de production publique et la capacité de production privée. Dans le cas de la capacité de production publique, ce sont les autorités publiques qui décident quelles devraient être les priorités quant à l'utilisation de ses infrastructures. Ici, il est beaucoup question de propriété intellectuelle. Dans ce domaine, il y a un grave problème d'ordre général. Les incitatifs en matière de propriété intellectuelle ne cadrent pas toujours avec les impératifs de santé publique. On a donc besoin d'outils supplémentaires afin de produire ce dont on a besoin lorsque les incitatifs en matière de propriété intellectuelle ne sont pas suffisants.
Pendant longtemps, il y avait les Laboratoires Connaught, à Toronto. Au Canada, cette entreprise était centrale en matière de fabrication de vaccins. Il y avait aussi l'Institut Armand-Frappier, dans la région de Québec. Les Laboratoires Connaught ont été vendus à la firme Sanofi. Dans le cas de l'Institut Armand-Frappier, il y a eu un partenariat public-privé, qui est devenu IAF-Biochem Pharma, et qui a par la suite été vendu à la multinationale Shire. Celle-ci a ensuite vendu des pièces bout à bout. Les installations pour la fabrication de vaccins sont alors devenues la propriété de GlaxoSmithKline. Elles existent toujours, mais ce sont maintenant des firmes privées qui décident dela manière dont on les utilise. Elles le font selon les priorités de leurs actionnaires, et non selon les priorités de santé publique.
Lorsqu'on a privatisé l'Institut Armand-Frappier, l'argument avancé était simple: le public ne devait pas marcher dans les plates-bandes de l'entreprise privée, contre qui on ne devait pas exercer une concurrence déloyale. Or, il s'agissait de capacités de production absolument nécessaires. Il faut davantage de capacités de production publique. Or, on vient d'annoncer un genre de retour. Le gouvernement a en effet annoncé qu'il allouerait une somme de 126 millions de dollars au Conseil national de recherches du Canada. Toutefois, on vient d'annoncer un investissement public-privé d'un demi-milliard de dollars destiné à la firme Sanofi, qui possède les infrastructures des Laboratoires Connaught, à Toronto. Cet accord est encore confidentiel et l'on ne sait pas encore qui pourra décider des priorités quant à l'utilisation de ces installations. À mon avis, cette situation est extrêmement problématique.
Je vous donne l'exemple d'une autre pandémie, celle du virus Ebola. Le Canada a mis au point dans le secteur public le vaccin contre l'Ebola. Par la suite, il a fait ce qu'il fait toujours, c'est-à-dire qu'il a vendu la licence à une firme privée pour qu'elle se charge de la fabrication du vaccin. Cette firme n'a rien fait pendant 10 ans. Il a fallu attendre la nouvelle éclosion d'Ebola pour que, tout à coup, un genre de mouvement de panique ait lieu. On a alors simplement revendu la licence à la compagnie Merck pour qu'elle fabrique le vaccin.
Bien des gens étaient très fâchés qu'une petite compagnie achète à bas prix une licence publique et la revende à très haut prix à une grande firme. Pour ma part, j'étais scandalisé par le fait qu'on ait dû attendre la mort de 10 000 victimes de l'Ebola pour que ce vaccin, que nous avions nous-mêmes mis au point, soit fabriqué. C'est inadmissible. Ce sont des situations où les incitatifs financiers en matière de propriété intellectuelle ne répondent pas aux besoins de santé publique dans leur ensemble.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Avec votre permission, je poursuivrai les questions que j'avais commencé à poser à M. Agnew.
Monsieur Agnew, je reviens sur les propos d'un collègue, tantôt, sur l'actuelle troisième vague. Bien sûr, je suis extrêmement préoccupée par la situation, en Ontario notamment, tout comme mes collègues, j'en suis certaine, mais le fait de corréler vaccins et troisième vague, c'est, d'une certaine manière, simplifier une question très complexe.
Des pays comme le Chili, où le taux de vaccination a été extraordinaire, connaissent également une troisième vague. Nous voyons bien aussi la situation du Canada. Actuellement, par le nombre quotidien de vaccinations par habitant, nous sommes au deuxième rang mondial et, parmi les pays du G20, nous serions au troisième, derrière le Royaume-Uni et les États-Unis, ce qui s'appelle se trouver en bonne compagnie.
Notre gouvernement est déterminé à accélérer au plus vite le rythme des vaccinations, mais, bien sûr, la troisième vague et ses causes présentent un certain nombre de situations et de complexités.
Monsieur Agnew, avez-vous l'impression que nos gens d'affaires, notamment, sont mobilisés contre ce problème. D'après vous, que pourrait faire le gouvernement, y compris, bien sûr, continuer d'aider les importations de vaccins? D'après vous, manque-t-il quelque chose à notre stratégie?