Passer au contenu
;

HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 octobre 2003




· 1335
V         Le vice-président (M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ))
V         M. Terence Young (président, Drug Safety Canada)
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Terence Young
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Terence Young
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Terence Young

· 1340

· 1345
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))
V         Mme Deanna Groetzinger (vice-présidente, Communications, Société canadienne de la sclérose en plaques)

· 1350
V         Mme Kris McDonald (bénévole et membre, Société canadienne de la sclérose en plaques)
V         Mme Deanna Groetzinger

· 1355
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         M. Terrence Young
V         M. Réal Ménard

¸ 1400
V         M. Terrence Young
V         M. Réal Ménard
V         M. Terrence Young
V         La présidente
V         M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD)

¸ 1405
V         M. Terrence Young
V         M. Brian Masse
V         M. Terrence Young
V         M. Brian Masse
V         M. Terrence Young
V         M. Brian Masse
V         Mme Deanna Groetzinger

¸ 1410
V         Mme Kris McDonald
V         M. Brian Masse
V         Mme Kris McDonald
V         La présidente
V         M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.)

¸ 1415
V         Mme Deanna Groetzinger
V         M. Jeannot Castonguay
V         Mme Deanna Groetzinger
V         M. Terrence Young
V         M. Jeannot Castonguay

¸ 1420
V         M. Terence Young
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Terence Young
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Terence Young
V         M. Jeannot Castonguay
V         La présidente
V         M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.)
V         M. Terrence Young
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Andy Troszok (vice-président, Normes, Canadian International Pharmacy Association)

¸ 1435

¸ 1440
V         La présidente
V         Mme Della Croteau (registraire adjoint, directrice des programmes, Ontario College of Pharmacists)

¸ 1445
V         La présidente
V         M. Ray Chepesiuk (commissaire, Conseil consultatif de publicité pharmaceutique)

¸ 1450
V         La présidente
V         M. Jeff Poston (directeur général, Association des pharmaciens du Canada)

¸ 1455

¹ 1500
V         La présidente
V         Mme Ruth Mallon (vice-présidente, Services de pharmacie, Ontario Pharmacists' Association)
V         La présidente
V         Mme Ruth Mallon
V         La présidente
V         Mme Ruth Mallon

¹ 1505
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         Mme Ruth Mallon

¹ 1510
V         M. Réal Ménard
V         M. Ray Chepesiuk
V         M. Réal Ménard
V         M. Ray Chepesiuk
V         M. Réal Ménard
V         Mme Ruth Mallon
V         M. Réal Ménard

¹ 1515
V         La présidente
V         M. David Thomson (directeur général, Ontario Pharmacists' Association)
V         M. Réal Ménard
V         M. Jeff Poston
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Ray Chepesiuk

¹ 1520
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Jeff Poston
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Andy Troszok
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Gilbert Barrette

¹ 1525
V         M. Andy Troszok
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Brian Masse
V         M. Ray Chepesiuk
V         M. Brian Masse
V         M. Ray Chepesiuk
V         M. Brian Masse
V         M. Ray Chepesiuk

¹ 1530
V         M. Jeff Poston
V         M. Brian Masse
V         M. Andy Troszok
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         Mme Bonnie Brown

¹ 1535
V         M. Jeff Poston
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Jeff Poston
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Jeff Poston
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Andy Troszok

¹ 1540
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown

¹ 1545
V         M. Ray Chepesiuk
V         Mme Bonnie Brown
V         M. Ray Chepesiuk
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         Mme Bonnie Brown
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         Mme Bonnie Brown
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Jeannot Castonguay
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Jeannot Castonguay
V         Mme Della Croteau

¹ 1550
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Jeff Poston
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Jeff Poston
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         M. Jeannot Castonguay
V         Le vice-président (M. Réal Ménard)
V         La présidente
V         Dr David McCutcheon (sous-ministre adjoint, Direction des services de santé, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario)
V         Mme Susan Paetkau (directrice, Direction des programmes de médicaments, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario)

º 1615
V         Dr David McCutcheon

º 1620
V         Mme Susan Paetkau

º 1625
V         Dr David McCutcheon

º 1630

º 1635
V         La présidente
V         M. Réal Ménard

º 1640
V         Mme Susan Paetkau
V         M. Réal Ménard
V         Mme Susan Paetkau
V         M. Réal Ménard
V         Dr David McCutcheon
V         M. Réal Ménard
V         Mme Susan Paetkau
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Jeannot Castonguay

º 1645
V         Dr David McCutcheon
V         M. Jeannot Castonguay
V         Dr David McCutcheon
V         M. Jeannot Castonguay
V         Dr David McCutcheon
V         M. Jeannot Castonguay
V         Dr David McCutcheon

º 1650
V         M. Jeannot Castonguay
V         Dr David McCutcheon
V         M. Jeannot Castonguay
V         Dr David McCutcheon
V         La présidente
V         M. Gilbert Barrette
V         Dr David McCutcheon

º 1655
V         M. Gilbert Barrette
V         Dr David McCutcheon
V         Mme Susan Paetkau
V         La présidente
V         Mme Susan Paetkau

» 1700
V         La présidente
V         Mme Susan Paetkau
V         La présidente
V         Dr David McCutcheon
V         La présidente
V         Dr David McCutcheon
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 066 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

·  +(1335)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)): Je déclare la séance ouverte. Nous allons commencer.

    Nous accueillons deux groupes de témoins cet après-midi. Bienvenue à vous.

    Nous allons commencer par Drug Safety Canada et poursuivrons par la Société canadienne de la sclérose en plaques.

    Pour Drug Safety Canada, nous entendrons Terrence Young. Vous avez la parole, monsieur, pour cinq minutes.

+-

    M. Terence Young (président, Drug Safety Canada): Merci.

    La présidente n'est pas là?

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Elle devrait arriver sous peu.

+-

    M. Terence Young: Très bien. Je posais la question, parce qu'elle représente ma circonscription.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Elle sera ici dans cinq minutes.

+-

    M. Terence Young: Est-ce que cela fait partie de mes cinq minutes, monsieur le président?

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Oui!

    Nous allons commencer et quand Mme Brown arrivera, elle assumera la présidence.

+-

    M. Terence Young: Merci.

    Je m'appelle Terrence Young et je suis président de Drug Safety Canada. Cet exposé et le travail que nous faisons sont directement liés au cas de Vanessa Young, ma fille, qui est morte en mars 2000 à l'âge de 15 ans à cause d'un médicament délivré sur ordonnance, le Prepulsid.

    Les médicaments sont un sujet extrêmement important parce qu'il se trouve que 10 000 Canadiennes et Canadiens meurent chaque année à cause de médicaments vendus sur ordonnance. C'est comme si un 747 plein s'écrasait tous les deux mois et demi quelque part au Canada. Tous les médicaments ont des effets secondaires. Pas uniquement quelques-uns : tous!

    Pourtant, la plupart de ces décès auraient pu être évités. Ils se produisent parce que les entreprises les plus rentables du monde, les grands laboratoires pharmaceutiques, font tout ce qu'elles peuvent pour que nos institutions, nos médecins et nos patients n'entendent et ne disent que de bonnes choses au sujet de leurs médicaments. Les grands laboratoires déversent tellement d'argent sur nos institutions que la critique est étouffée et que les gens ordinaires n'ont absolument aucun moyen de savoir ce qui est sûr et ce qui ne l'est pas.

    Les grands laboratoires pharmaceutiques inondent d'argent nos institutions, sensées faire preuve d'esprit critique — des gouvernements aux hôpitaux en passant par les universités et les groupes de patients — de l'argent qui se présente sous diverses formes comme des redevances et des dons.

    Certains d'entre vous me connaissent et connaissent l'histoire de ma famille. Je suis tout sauf un radical. Je suis ex-député conservateur d'un parlement provincial. La mort de Vanessa nous a pris complètement par surprise. Nous n'avions aucune idée que le médicament qu'elle prenait était dangereux, et c'est le cas des 5 000 autres personnes qui ont entrepris des poursuites contre Johnson et Johnson aux États-Unis et au Canada pour essayer d'obtenir quelque compensation, afin de tirer une certaine justice de tout cela.

    La semaine où Vanessa est morte a marqué, pour moi, le début d'une odyssée et, dans les trois années et demie qui ont suivi, j'ai découvert une grande vérité : l'industrie des grands laboratoires pharmaceutiques est corrompue du plus haut au plus bas échelon. En trois ans et demi, je n'ai pas constaté que Santé Canada ait fait quoi que ce soit de marquant pour rendre le système plus sûr.

    Par ailleurs, la sécurité des médicaments n'est pas aussi compliquée que ce que les compagnies pharmaceutiques voudraient bien nous le faire croire. Quand on cherche à décoder leurs mises en garde pour savoir si leurs médicaments sont sûrs, on s'aperçoit qu'elles ont abondamment recours aux avis en petits caractères, à un jargon trompeur et à des données trompeuses. Pour nous donner envie d'acheter leurs pilules, elles ont recours à des annonces télévisées et à des brochures enjoleuses destinées à être comprises par des gens ayant tout au plus une sixième année. Elles veulent que nous nous pliions aux ordonnances médicales, parce qu'elles savent quelque chose que la plupart des gens ignorent : la majorité des médecins ne lisent pas plus que nous les mises en garde relatives aux médicaments.

    Avant d'aller plus loin, je tiens à féliciter le gouvernement pour deux de ses initiatives : le fait d'avoir interdit aux sociétés de faire des dons à des partis politiques afin de réduire leur influence, et le fait d'avoir fait du Canada le premier pays à se doter d'un système d'exportation vers les pays du Tiers Monde de copies de médicaments brevetés peu coûteux. Ce sont deux excellentes initiatives et c'est tout à fait ce qu'il faut faire.

    J'ai trois grands alliés dans la tâche que j'ai entreprise. D'abord, la vérité. Deuxièmement, je peux compter sur un extraordinaire réseau par courriel auquel participent des militants dévoués et compétents. C'est fantastique! Nous recevons quotidiennement des messages par courriel et des articles qui paraissent dans des revues savantes. Et puis, je vous ai, vous aussi. J'ai accès au Parlement du Canada. J'estime que vous êtes là pour la bonne raison et nous comptons sur vous pour agir.

    Quels changements va-t-il falloir apporter?

    Tout d'abord, même après trois ans et demi, nous n'avons encore pas réglementé les informations publiées dans les brochures s'adressant aux patients afin de les prévenir comme il se doit. Cela constitue notre première recommandation, la plus importante de toutes.

    Deuxièmement, la déclaration des effets secondaires possibles des médicaments délivré sur ordonnance est purement volontaire, si bien que les données imprimées sur les emballages, dans les avertissements, dans les monographies et celles qui paraissent dans la plupart des médias, sont des mensonges. Les effets secondaires sont beaucoup plus graves et 100 fois plus nombreux.

    Troisièmement, nous dépensons des millions de dollars en nouveaux médicaments qui sont de plus en plus chers et qui ne sont pas meilleurs que ceux qu'ils viennent remplacer. Nous devrions en revenir à la règle norvégienne. On ne devrait autoriser aucun nouveau médicament destiné à traiter une maladie quelconque au Canada à moins que son efficacité ne soit prouvée et qu'il soit plus sûr que celui qu'il est sensé remplacer. Quelques patients pourraient en mourir, quelques-uns seraient mieux soignés et dans tous les cas nous économiserions des milliards de dollars au régime de soins de santé.

    Quatrièmement, nous permettons encore aux examinateurs des médicaments de Santé Canada de tenir des rencontres privées, à huis clos, avec les représentants de laboratoires pharmaceutiques. Ces rencontres ne font l'objet d'aucun procès-verbal. Autrement dit, ceux qui pourraient permettre aux grands laboratoires pharmaceutiques de gagner 100 millions de dollars en approuvant leurs médicaments se réunissent en privé, dans des salles fermées. Imaginez ce que cela donnerait s'il s'agissait d'un juge dans une affaire au civil ou au pénal. Il faut créer un organisme de la sécurité des médicaments qui soit indépendant du gouvernement, qui soit autonome et qui devienne un partenaire de premier plan dans le cadre d'un système de soins de santé intégré.

    Cinquièmement, les choses sont en train de tourner pour le pire et non pour le mieux. L'industrie du médicament a convaincu notre gouvernement d'investir 190 millions de dollars afin d'accélérer l'homologation des médicaments. Les Américains ont fait la même chose en 1993. Or, depuis 1997, ils ont dû retirer de la vente sept grands médicaments qui avaient tué ou handicapé des centaines de milliers de personnes. Le Prepulsid en fait partie. Le Canada n'a pas à imiter les Américains qui veulent tester leurs médicaments sur la population. Quand une maladie ne met pas de vies en danger, il n'y pas à se presser pour homologuer le médicament sensé la traiter.

    Sixièmement, les grands laboratoires et les médias font tout ce qu'ils peuvent pour que la publicité directe au consommateur soit autorisée, mais je crains que si cela était autorisé, ce serait la plus importante menace pour la sécurité publique au Canada de même, il faut le dire, que pour la liberté d'expression. Nous sommes de plus en plus exposés à des publicités pessimistes destinées à nous faire peur et à nous pousser dans les cabinets médicaux pour réclamer pilules et cachets.

    Permettez-moi de vous montrer très rapidement une publicité parue dans le Oakville Beaver. Vous l'avez peut-être vue, madame la présidente. On peut y lire qu'un homme sur six sera atteint de cancer de la prostate et on donne un numéro 1-800 où appeler. Or, ce numéro n'existe pas et on n'a jamais eu l'intention de répondre au bout du fil. L'annonceur voulait simplement vous attirer sur sa page Internet pour vous fidéliser à Metroland et au Toronto Star. Les compagnies pharmaceutiques investissent des sommes astronomiques dans nos journaux qui veulent absolument éviter toute controverse au sujet des médicaments.

    Les grands laboratoires pharmaceutiques ont acheté la première page de couverture du dernier numéro de Macleans. On peut y lire «Five Ways to Make Canadians Healthier», c'est-à-dire cinq façons d'améliorer la santé des Canadiens. À l'intérieur il y a un cahier publicitaire. Voici les publicités des compagnies pharmaceutiques qui valent chacune 30 000 $ environ. Voici celle de Bayer et celle du Canadian Lipid Nurse Network, sans doute financée par Pfizer afin de promouvoir son Lipitor; et une autre d'AstraZeneca, qui occupe la page centrale.

·  +-(1340)  

    J'essaie depuis des mois d'amener Macleans et d'autres médias à imprimer un article que je juge très important pour la sécurité sanitaire. Il porte sur un médicament appelé EPREX qui est contre-indiqué en injections sous-cutanées partout en Europe depuis décembre dernier. Santé Canada refuse d'agir. Macleans ne veut pas publier l'article, parce que cela lui coûterait beaucoup trop de revenus potentiels. C'est la même chose avec les autres magazines et revues.

    Voici une autre publicité, en fait une publicité déguisée pour le Lipitor. On peut lire qu'il faut faire vérifier son cholestérol. C'est très intéressant. Le Lipitor est le médicament le plus vendu dans le monde qui rapporte 5 milliards de dollars par an mais on n'a jamais prouvé qu'il réduisait les risques de crise cardiaque. Il en va de même pour les autres médicaments destinés à réduire la cholestérolémie.

    Ce sont là autant d'exemples du phénomène d'inondation des médias par l'argent des grands laboratoires, ce qui nous empêche de connaître la vérité. On ne nous dit jamais rien sur la façon de nous protéger.

    Tenez, voici le Globe and Mail de ce matin et un encart dont j'évalue le prix à une centaine de milliers de dollars. À l'endos, il y a une publicité de la margarine Becel avec la photo d'un scalpel. Vous devriez donc manger de la Becel pour éviter une chirurgie cardiaque, ce qui est une autre prétention non prouvée. Le reste de l'encart déborde de publicités sur les médicaments. C'est ce que font maintenant les grands laboratoires.

    Si c'est ce que les compagnies pharmaceutiques peuvent faire, si elles peuvent faire directement mousser leurs produits auprès du consommateur, nous ne verrons jamais d'articles négatifs à leur sujet dans les médias. Nous nous heurtons déjà à un problème de concentration de la propriété des médias. Cependant, comme les compagnies pharmaceutiques disposent de budgets de commercialisation quasi illimités, nous risquons de ne jamais rien voir d'autres que leurs publicités. Cela constitue une véritable atteinte à la liberté d'expression et je vous implore de régler ce problème, d'intervenir tout de suite.

    Les compagnies pharmaceutiques continuent d'offrir aux médecins des voyages en Jamaïque afin d'obtenir d'eux des faveurs par la suite, afin de les amener à penser qu'ils ont une dette de gratitude. Allez donc sur le site internet de Rx & D. Cliquez sur le petit mot «compliance», c'est-à-dire conformité, qui apparaît dans le coin et vous découvrirez qu'au cours des deux dernières années, la compagnie a offert à des médecins des vacances de ski à Whistler et des week-ends d'escapade en Jamaïque, avec bonne nourriture et bonnes boissons à la clé. Ce genre de voyage est censé s'inscrire dans le cadre d'une éducation médicale continue. En fait, il est simplement question de donner l'impression à ces médecins qu'ils ont une dette de gratitude. Cela va à l'encontre des règles qui régissent les compagnies pharmaceutiques, mais savez-vous à combien peut se chiffrer leur amende en cas d'infraction? 15 000 $. Leur imposer une amende de 15 000 $ équivaut, dans votre cas, à perdre 5 ¢ ou 10 ¢ dans la rue. Ce n'est rien! Elles enfreignent constamment ces règles. Elles distribuent des télécopieurs, des télévisions et des magnétoscopes, des échantillons gratuits et des tasses de café. Il faudrait arrêter tout cela. Il faudrait les obliger à adopter un système semblable à celui imposé aux parlementaires.

    Les médecins légistes qui enquêtent sur les décès causés par les médicaments, comme ils l'ont fait à sept reprises à cause du Prepulsid à l'Hôpital Joseph Brant, appliquent une norme de preuve beaucoup plus stricte que n'importe quel tribunal dans le monde : la norme du lien causal. Il s'agit d'une norme clinique. À cause de cela, nous sommes dans la stricte impossibilité de conclure qu'un médicament peut avoir causer la mort de quelqu'un. Il faudrait plutôt appliquer la norme de l'association, c'est-à-dire se poser la question de savoir si le décès est associé à l'utilisation d'un médicament. La norme du lien causal dans le domaine de la santé, comme dans le cas du tabac, est destinée à protéger les compagnies pharmaceutiques pour qu'elles n'aient pas à retirer leurs médicaments du marché. Nous devrions leur demander d'appliquer la norme de l'association.

    Je vais vous dire ce que signifie vraiment la norme actuellement utilisée. À cause de la notion de lien causal, on peut affirmer que jamais aucune cigarette n'a causé de cancer du poumon, puisqu'on n'a jamais pu prouver de rapport de cause à effet entre le tabagisme et le cancer. C'est la norme utilisée. Les compagnies pharmaceutiques sabrent le champagne chaque fois qu'elles apprennent qu'il a été impossible de prouver quoi que ce soit contre elles. Toutefois, si l'on appliquait les bons critères, on pourrait établir des associations entre les décès et l'utilisation de médicaments.

    Les compagnies pharmaceutiques traitent leurs brevets comme s'il s'agissait de leur propriété absolue, sans égard aux urgences sanitaires publiques constatées dans le monde. Je suis conservateur, mais je ne pense pas que qui que ce soit devrait jamais de brevet sur une molécule. Si le génome humain revêt une quelconque importance pour la santé publique, on ne devrait autoriser personne à le posséder. Ce devrait être la même chose pour les molécules. Je ne sous-entends pas que les compagnies pharmaceutiques ne doivent pas obtenir un juste rendement pour leurs investissements sur un certain nombre d'années, ni qu'il faudrait les traiter différemment des compagnies téléphoniques ou autres qui ont un monopole. Il demeure que personne ne devrait pouvoir détenir de droit sur une molécule.

    Nous avons assisté à un spectacle particulièrement déplorable, il y a deux ans, quand 26 compagnies pharmaceutiques ont intenté des poursuites contre le gouvernement d'Afrique du Sud pour l'empêcher de sauver la vie de quelques-uns des 26 millions de séropositifs du sous-continent. C'est répugnant!

    Je vais vous laisser sur une dernière réflexion, si vous me le permettez. Quelqu'un a peut-être lu le roman John Le Carré intitulé «La constance du jardinier». C'est un roman qui raconte l'histoire d'une compagnie pharmaceutique fictive et d'un médicament également fictif qui tue des centaines de personnes. Fiction? Eh bien, d'après toutes mes recherches, le scénario est tout à fait réaliste. Voici ce qu'écrit l'auteur à la toute fin de son livre :

Avec un peu de chance, je n'aurai pas à passer le reste de ma vie devant les tribunaux ou à subir pire sort parce que, de nos jours, on ne peut être sûr de rien. Je peux vous dire une chose, cependant : au fur et à mesure que je m'enfonçais dans la jungle de l'industrie pharmaceutique, je me rendais compte que mon récit était aussi éloigné de la réalité qu'une carte postale de vacances peut l'être des lieux visités.

·  +-(1345)  

    Je vous invite donc, mesdames et messieurs les députés, à faire preuve de courage. Je vous demande de mettre un terme à l'influence déplacée que les grandes compagnies pharmaceutiques exercent sur nos institutions, sur les médias et sur la profession médicale, et je vous demande de penser d'abord et avant tout aux patients. Les mesures que vous prendrez nous permettront de mettre un terme à ce scandale et de sauver des milliers de Canadiens et de Canadiennes qui risquent de mourir chaque année, outre que vous vous retrouverez au côté des anges.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Young et bienvenue parmi nous.

    Nous allons maintenant passer à la Société de la sclérose en plaques, avec Deanna Groetzinger qui est vice-présidente aux communications et Kris Mcdonald qui est bénévole et membre.

+-

    Mme Deanna Groetzinger (vice-présidente, Communications, Société canadienne de la sclérose en plaques): Merci beaucoup, je m'appelle Deanna Groetzinger. Je vais débuter, puis je céderai la parole à Kris.

    La Société canadienne de la sclérose en plaques se réjouit de pouvoir vous faire part de sa position sur les questions relatives aux médicaments prescrits, questions qui concernent les personnes souffrant de cette maladie.

    La sclérose en plaques est une maladie chronique qui atteint le système nerveux central et qui, malheureusement, conduit souvent à des handicaps sévères. D'après les études, le Canada présente l'un des taux de sclérose en plaques les plus élevés dans le monde. Diagnostiquée normalement entre 20 et 40 ans, la sclérose en plaques est la maladie simple du système nerveux la plus répandue chez les jeunes adultes au Canada.

    Vous avez reçu notre mémoire qui s'attarde sur le problème du prix élevé des médicaments et de l'accès aux pharmacothérapie, de même que sur l'importance de la recherche en santé pour les Canadiennes et les Canadiens atteints de SEP.

    Avant que je ne résume certaines de nos recommandations, je vais passer la parole à Kris McDonald qui va vous parler de sa propre expérience.

·  +-(1350)  

+-

    Mme Kris McDonald (bénévole et membre, Société canadienne de la sclérose en plaques): Merci.

    Je suis atteinte de sclérose en plaques. Mes premiers symptômes sont apparus en 1975. À l'époque, il était très difficile de diagnostiquer la SEP et il a fallu que j'attende 10 ans, soit en 1985, pour qu'on me déclare atteinte de sclérose en plaques.

    Je ressens quotidiennement les dégâts occasionnés par cinq ou six attaques survenues au cours de ces 10 années. J'ai été en partie écartée de mon travail d'assureure médicale, dans les domaines de l'assurance-vie et de l'assurance-invalidité, et je travaille actuellement comme conseillère auprès de la Société canadienne de la sclérose en plaques pour toutes les questions d'assurance, puisque j'essaie d'expliquer le monde complexe de l'assurance aux gens qui ne sont pas de l'industrie.

    J'ai pu occuper divers postes à temps partiel pour lesquels j'étais surqualifiée à cause de mes problèmes de mobilité, mais il fallait que je travaille à temps partiel. Je suis handicapée à 100 p. 100 depuis 1997.

    Comme la sclérose en plaques est généralement diagnostiquée entre 20 et 40 ans, ce sont des jeunes qui sont frappés de plein fouet dans la force de l'âge, au moment où ils créent une famille et entreprennent une carrière professionnelle. L'IRM a permis d'accélérer l'établissement des diagnostics, diagnostics que l'on pose maintenant chez les gens beaucoup plus jeunes.

    Quatre médicaments homologués par le gouvernement fédéral sont disponibles depuis le milieu des années 90. Ils ralentissent le rythme des attaques, ils les espacent et en atténuent la gravité, ce qui permet donc de réduire voire d'éliminer le genre de handicap dont je suis atteinte. Il demeure qu'il faut entamer les traitements très tôt, avant l'apparition des dégâts neurologiques avec lesquels je dois composer au quotidien.

    Ces médicaments sont onéreux, puisqu'ils coûtent en moyenne entre 12 000 et 24 000 $ par an. Ils sont bien sûrs hors de portée de la plupart des Canadiennes et des Canadiens qui ne disposent pas d'assurance-médicaments ou qui ne reçoivent pas un appui financier quelconque du gouvernement. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes n'ont pas droit à ce genre de médicaments et ne peuvent prétendre à un appui financier au même titre, pour les mêmes coûts ni dans les mêmes délais.

    Je vais vous en donner quelques exemples. En Nouvelle-Écosse, une fois que leur dossier a été accepté, les gens ne paient que les honoraires des pharmaciens et les coûts éventuels d'expédition pour obtenir les médicaments. En Ontario, le processus d'autorisation, de l'étape de l'ordonnance à celle du paiement des médicaments, peut prendre jusqu'à six mois pour que le patient puisse effectivement prendre son médicament. Le Québec, quant à lui, fait preuve de célérité et se montre généreux dans tout ce qui touche aux médicaments. D'un autre côté, à Terre-Neuve, seuls les plus pauvres peuvent prétendre à un appui financier du gouvernement et au remboursement de leurs médicaments.

    Je sais qu'il s'agit-là de règlements provinciaux sur lesquels vous ne pouvez intervenir, mais l'accès aux médicaments pour une personne souffrant de sclérose en plaques ne devrait pas dépendre de son lieu de résidence, de son salaire ou du fait qu'elle dispose ou non d'une assurance-médicaments.

    Deanna va maintenant vous expliquer en quoi, selon la Société de la sclérose en plaques, votre comité pourrait aider tous les Canadiens et toutes les Canadiennes atteints de cette maladie.

    Merci.

+-

    Mme Deanna Groetzinger: Merci.

    Comme Kris vient de vous l'expliquer, l'accès aux médicaments délivrés sur ordonnance est un problème important pour les personnes atteintes de sclérose en plaques. Le coût est particulièrement préoccupant. Elle vous a aussi dit que les médicaments qui permettent de traiter la SEP sont très chers, leur coût variant de 12 000 à 24 000 $ par an. Nous nous réjouissons de l'engagement pris par les premiers ministres, en 2003, lors de la signature portant sur le renouvellement de l'accord sur les soins de santé, soit garantir un accès raisonnable à une assurance destinée à atténuer l'impact catastrophique des médicaments d'ici la fin de l'exercice financier 2005-2006. Nous exhortons, toutefois, le gouvernement à réduire d'au moins 12 mois cette échéance.

    Une autre de nos recommandations concerne l'accès aux médicaments. Nous insistons pour que l'examen des produits thérapeutiques s'effectue de façon transparente et efficace, dans des délais convenables. Aujourd'hui, le délai d'approbation des nouveaux médicaments au Canada est de 717 jours, soit le double de l'objectif de 355 jours que le gouvernement fédéral s'était fixé. Celui-ci doit s'efforcer d'assurer aux Canadiens ayant besoin de médicaments un accès plus rapide et plus constant à des médicaments améliorés et nouveaux par le biais d'une étude réglementée et d'un système d'approbation efficace, disposant de bonnes ressources, rigoureux et complet.

    Tout, cependant, ne s'arrête pas une fois le médicament homologué. Le gouvernement doit veiller à ce que soient adoptées des stratégies et des normes de surveillance active après la mise en marché afin de permettre d'évaluer la sûreté et l'efficacité des médicaments de façon opportune, adéquate et précise pour que l'information soit communiquée aux consommateurs.

    Il arrive trop souvent que les gens ne sachent pas où on en est dans le processus. Ils font part à leur médecin traitant des éventuels effets secondaires ou de tout problème leur donnant à penser qu'ils ne devraient pas poursuivre leur pharmacothérapie. Toutefois, ils ne savent pas si leurs préoccupations sont transmises aux autorités compétentes.

    Enfin, le gouvernement fédéral doit fournir un financement stable et adéquat à la recherche en santé pour permettre aux chercheurs canadiens de faire progresser les connaissances menant à des traitements nouveaux et améliorés. Nous nous réjouissons bien sûr des efforts déployés dans le cadre des IRSC.

    Nous constatons, par ailleurs, que la recherche sur les cellules souches présente un énorme potentiel pour les personnes atteintes de sclérose en plaques, car elles pourraient permettre de véritables percées susceptibles de conduire à la découverte d'un vrai remède à la SEP. Nous applaudissons le gouvernement pour avoir déposé en Chambre et adopté une loi qui vise à encadrer la recherche sur les cellules souches au Canada.

    Je conclurai en disant que la Société canadienne de sclérose en plaques vous est reconnaissante de lui avoir donné la possibilité de vous exposer son point de vue sur ce sujet important. Nous avons hâte de prendre connaissance des résultats de votre examen et nous nous réjouissons de pouvoir dialoguer sur ce sujet avec vous aujourd'hui.

·  +-(1355)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer aux questions, à commencer par M. Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

    Monsieur Young, je veux que vous sachiez que votre témoignage est évidemment très précieux pour ce comité. Notre présidente nous avait parlé des preuves et de votre situation. Je me rappelle, bien sûr, avoir entendu parler du combat que vous avez mené, mais je ne me rappelle pas--veuillez m'en excuser--le nom de la compagnie qui a commercialisé ce produit. J'aimerais que vous puissiez nous le rappeler.

    Une fois connus les événements que vous nous avez relatés, qu'est-ce que cette compagnie-là a fait, à votre connaissance, pour changer la situation?

    Je reviendrai ensuite sur des recommandations précises que vous nous avez proposées.

[Traduction]

+-

    M. Terrence Young: Merci beaucoup de poser cette question.

    La compagnie s'appelle Johnson et Johnson; c'est la même qui fait la poudre pour bébé, le talc que nous avons utilisé sur Vanessa quand elle était bébé.

    Qu'a fait la compagnie à ce sujet? Absolument rien tant qu'on ne le lui a pas imposé. Une lettre du type «Cher docteur» a été envoyée en février 2000 par télécopieur à tous les médecins du Canada, mais il était trop tard.

    En revanche, aux États-Unis, la compagnie avait affiché un avertissement sur le même médicament, le Propulsid ou Cisipride, parce que le président des États-Unis lui avait ordonné de le faire, pas officiellement, mais en coulisse. À ce moment-là, le président Clinton prenait de l'oméprazole et du Propulsid. Il aurait pu en mourir, s'il en avait trop pris ou s'il l,avait fait au mauvais moment. On s'en est rendu compte plus tard et la Maison Blanche a ordonné ou plutôt invité la compagnie à volontairement apposer une mise en garde encadrée de noir sur son médicament. Les patients américains ont donc été véritablement avertis par une étiquette portant la mention «May be fatal» (médicament pouvant être mortel).

    J'ai demandé à la compagnie ce qu'elle avait fait au Canada : rien, m'a-t-on répondu, elle n'a apposé aucune mise en garde.

    Quand l'avertissement a été diffusé, en février, notre médecin de famille ne l'a même pas vu. Il était en vacance en Floride et il ne nous a pas appelés pour nous demander d'arrêter le traitement. Nous n'avons absolument pas été prévenus. Vanessa est morte. À ce stade, Santé Canada a finalement ordonné à la compagnie pharmaceutique de retirer ce médicament du marché, mais cela ne s'est pas fait avant plusieurs mois, soit le 7 août plus précisément, pour une raison ou une autre.

    En fait, les compagnies pharmaceutiques négocient avec les fonctionnaires de Santé Canada. Elles tiennent des réunions privées avec eux et elles les considèrent comme de véritables partenaires.

    La Dre Wendy Arnott, qui est vice-présidente—en fait elle n'est pas médecin, mais elle a un doctorat, et c'est pour cela qu'on l'appelle couramment «docteure», comme je viens de le faire—a témoigné lors de l'enquête sur le décès de Vanessa pour dire que la compagnie considérait Santé Canada comme son meilleur client. Si Santé Canada est le meilleur client de Johnson et Johnson, qui donc protège les patients canadiens?

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Vous dites donc que Santé Canada a deux manquements que l'on peut clairement identifier: les fonctionnaires du ministère ont tardé à exiger une mise en garde règlementaire, tel que leur rôle aurait dû l'exiger, et ils ont tardé à retirer le médicament du marché. Mais le médicament n'est toujours pas autorisé au Canada.

    Est-ce que je comprends bien le sens de votre témoignage?

¸  +-(1400)  

[Traduction]

+-

    M. Terrence Young: C'est tout à fait cela. La compagnie n'a pas affiché la même mise en garde au Canada qu'aux États-Unis et quand Santé Canada lui a demandé de le faire, en janvier 2000, elle a négocié avec le ministère pendant quatre ou cinq semaines et a retardé l'apposition de la mise en garde jusque après le décès de Vanessa.

    Le médicament a ensuite été retiré du marché, mais il y a quelque chose de très intéressant, et c'est pour cela que je prétends que les grandes compagnies pharmaceutiques n'ont aucune éthique : Johnson et Johnson continue de vendre ce médicament dans plus de 40 pays parce qu'on ne lui a pas ordonné d'arrêter de le faire. La société est prête à voir mourir un certain nombre de personnes. C'est dans ses calculs de base. Elle sait combien les poursuites risquent de lui coûter et c'est ainsi qu'elle fait des affaires.

    Soit dit en passant, six mois après le décès de Vanessa, j'ai commandé du Prepulsid sur Internet. Il était vendu au Vanuatu, île à proximité de la Nouvelle-Zélande. On y vend encore le Prepulsid qu'on écoule au Canada par Internet. Les gens là-bas nous ont dit qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se passait, ce qui est tout à fait risible. La compagnie pharmaceutique paie une société appelée IMS qui est au courant de toutes les ordonnances que rédigent votre médecin et tous ses confrères au Canada, pas uniquement cos ordonnances, mais absolument toutes les ordonnances. La société en question demande à ses médico-commerciaux de visiter les médecins qui rédigent beaucoup d'ordonnances. Ce sont ceux que les médico-commerciaux vont voir avec le bras chargés de cadeaux et toutes sortes de propositions comme des dîners gratuits et autres. Ils ne s'intéressent pas à ceux qui ne prescrivent pas beaucoup de médicaments. La compagnie sait donc parfaitement ce qu'elle fait et elle est tout à fait disposée à continuer de vendre ce médicament et voir augmenter le nombre de morts qu'il occasionne, tant que ses frais juridiques demeurent dans la limite du raisonnable.

    Je dois vous dire que la même compagnie, Johnson et Johnson, fait exactement la même chose dans le cas d'un autre médicament : l'EPREX. Celui-ci a été contre-indiqué pour les injections sous-cutané dans les pays d'Europe, en décembre 2002.

    Au Canada, on refuse d'agir. Santé Canada refuse de faire quoi que ce soit et décréter le médicament contre-indiqué. Ma question est donc la suivante : combien de gens ont fait des réactions sévères et ont peut-être même perdu l'usage des reins au point de devoir des dialyses pour le restant de leurs jours, depuis décembre dernier, c'est-à-dire au moment où Santé Canada et Johnson et Johnson ont enfin décidé de contre-indiquer l'EPREX en utilisation sous-cutané?

    Ce genre de relation est déplacée et j'estime que Santé Canada ne sert strictement à rien dans ce genre de situation.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Au fond, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait un système de monitorage et d'encadrement beaucoup plus rigoureux de Santé Canada; c'est la première revendication que vous attendez de nous. J'ai de la difficulté à m'imaginer que malgré toute la publicité, malgré tout le combat que vous avez mené depuis plusieurs années, Santé Canada continue d'être aussi négligent face à ces questions.

    Avez-vous récemment été en contact avec des fonctionnaires de Santé Canada? Avez-vous été en contact avec la division des produits thérapeutiques et pharmaceutiques?

[Traduction]

+-

    M. Terrence Young: Merci. Ma réponse est non. Je n'ai pas communiqué avec Santé Canada. Je trouve que le ministère est dans un trou noir, je n'obtiens aucune réponse directe, on me donne des documents verbeux qui ne veulent rien dire. Très honnêtement, j'ai trouvé ce ministère particulièrement malhonnête. Je vais vous en donner un bon exemple.

    Un pharmacien de l'Hôpital Memorial Joseph Brant de Burlington, en Ontario, a effectué une étude après le décès de Vanessa; il y démontre que sept patients sur 10 hospitalisés prennent du Propulsid, ce même médicament qui a tué Vanessa. On avait prescrit ce médicament, alors qu'il était contre-indiqué, à sept personnes sur 10 qui sont mortes. Il est possible qu'elles seraient mortes de toute façon, c'est une possibilité. Il demeure que Santé Canada était en possession de ce rapport depuis un an et demi, qu'il l'a camouflé et que, pour savoir ce qu'il contenait, le journal de l'Association médicale canadienne a dû se prévaloir de la Loi sur l'accès à l'information.

    Nous réclamons la constitution d'un organisme indépendant chargé des médicaments, organisme qui ne dépendrait pas du gouvernement et qui n'aurait rien à voir avec la direction actuelle de Santé Canada. Organisme qui serait chargé d'émettre des mises en garde appropriées, en langue claire, pour que les gens puissent les comprendre. Ces mises en garde stipuleraient non seulement comment se protéger contre de tels médicaments, mais donneraient aussi une liste de médicaments de remplacement à laquelle les patients auraient directement accès.

    Nous demandons que, quand un patient leur font part d'effets secondaires, le médecins envoient une télécopie ou se branchent sur Internet pour déclarer à Santé Canada qu'ils pensent être en présence d'effets secondaires du médicament prescrit. Ils devraient préciser l'âge du patient, son état et les symptômes dont il a fait part. Ce serait un système de pré-alerte absolument fantastique qui permettrait de sauver des vies.

    Santé Canada n'a rien fait de constructif en trois ans et demi pour essayer de régler l'un ou l'autre de ces problèmes. Le ministère publie des documents, emploie de beaux mots, mais ne fait jamais rien.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Young.

    Monsieur Masse.

+-

    M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, madame la présidente.

    Je vais enchaîner sur le même thème, mais je voudrais que nous parlions un peu plus de ce que vous avez dit à propos des réunions privées entre Santé Canada et les compagnies pharmaceutiques et du fait qu'elles ne font l'objet d'aucun procès-verbal. De quel genre de preuve disposez-vous pour affirmer que ces réunions ont effectivement lieu et qu'il s'y dit des choses qui sont contraires à la politique en vigueur?

    Je suis troublé d'apprendre qu'une telle chose se produise.

¸  +-(1405)  

+-

    M. Terrence Young: Eh bien, cette façon de faire est pourtant avalisée par le gouvernement qui a encouragé les fonctionnaires de Santé Canada à travailler en partenariat avec les compagnies pharmaceutiques, d'où le gros problème auquel nous faisons face. Ce genre d'attitude est bien sûr déplacé.

    Je dois vous dire qu'il y a des dénonciateurs au sein de Santé Canada qui me racontent tout en chuchotant au bout du fil. Ils me disent qu'ils ont tellement peur de perdre leur emploi et leur retraite qu'ils ne veulent pas s'exprimer tout haut.

    Bien sûr, il y en a d'autres qui l'ont fait. Malheureusement, certains eux font partie d'un groupe différent au sein du ministère, celui qui s'occupe de la vaccination animale; il s'agit de la Dre Margaret Haydon et d'autres qui se sont offusqués de certains dérapages.

    Je me suis entretenu avec une dame, que je juge particulièrement crédible, qui est une ancienne employée de Santé Canada et qui connaît très bien la situation. Il s'agit de la Dre Michèle Brill-Edwards, personne très crédible, qui a sacrifié son emploi pour s'être exprimée tout haut. Elle a payé le prix. C'est une des premières personnes à m'avoir expliqué la façon dont on s'occupe de ces médicaments au ministère.

    Je suis plus que d'accord avec vous : cette façon de faire est totalement inappropriée. Les grandes compagnies pharmaceutiques déploient des trésors d'imagination pour influencer nos institutions. Elles le font aussi dans le cas des médias et des politiciens. Notre ex-ministre de la Santé de l'Ontario dirige maintenant Rx & D. Il est l'un des principaux porte-parole des entreprises de Rx & D.

    Les grands laboratoires offrent des emplois à des personnes clés : «nous aurions besoin de quelqu'un comme vous dans notre organisation» leur disent-ils clin d'oeil à l'appui. Pour un examinateur des médicaments à Santé Canada, qui travaille d'arrache-pied pour 70 000, 80 000 ou au maximum 90 000 $ par an, l'idée de gagner 150 000 $ en travaillant pour l'un des grands laboratoires pharmaceutiques peut être très alléchante. Il y en a toujours qui finissent par franchir le pas.

    Ce genre de relation est totalement inacceptable.

+-

    M. Brian Masse: Vous avez parlé d'EPREX. Que fait actuellement le Parlement européen dans ce cas?

+-

    M. Terrence Young: Eh bien, tous les pays européens ont contre-indiqué l'utilisation de l'EPREX en injection sous-cutanée. Ce médicament peut être injecté directement sous la peau et les Européens se sont rendus compte qu'une personne sur 5 000 risque d'avoir une réaction violente. Les personnes traitées pourraient se retrouver sur dialyse pour le reste de leurs jours et ne pas pouvoir bénéficier d'une greffe de rein, ce qui a amené les autorités à contre-indiquer le médicament.

    Soit dit en passant, le mot «contre-indication» est lourd de signification. Il veut dire que vous ne devez jamais utiliser le médicament sous telle ou telle forme parce que les avantages qu'il procure ne seront jamais suffisants pour compenser les risques. Bien des médecins l'ignorent. Ils pensent qu'il faut simplement s'abstenir d'utiliser un médicament dans la forme prescrite. Pourtant, le terme est très puissant.

    En Europe, l'interdiction est devenue loi, mais Santé Canada continue de traîner la patte. Ce que je crois – mais je n'en ai personnellement aucune preuve directe – c'est que les gens de Johnson et Johnson sont en train de négocier avec le ministère pour essayer de ralentir le processus et de gagner la sympathie des fonctionnaires. Entre-temps, Johnson et Johnson continue de visiter les médecins et de les inviter par voie publicitaire à inciter tous leurs patients à utiliser l'EPREX en injection intraveineuse qui, d'après les dossiers, serait plus sûre. Une fois tout le monde sur intraveineuse, il n'y aurait plus autant d'obstacles pour prescrire l'EPREX en sous-cutané même si c'est contre-indiqué. Quoi qu'il en soit, le jeu consiste à retarder le processus et à nier les faits.

+-

    M. Brian Masse: Que s'est-il passé aux États-Unis à ce sujet?

+-

    M. Terrence Young: Les États-Unis ont une version différente du médicament qui ne provoque apparemment pas les mêmes réactions. Les Américains ne s'en soucient pas.

+-

    M. Brian Masse: Bien. Ma prochaine question va s'adresser aux gens de la Société canadienne de la sclérose en plaques.

    J'aimerais que nous revenions sur ce que vous avez dit au sujet de l'accès à des médicaments abordables. J'ai travaillé pour l'Association pour personnes ayant des déficiences physiques; j'oeuvrais pour des chercheurs d'emploi qui souffraient de SEP mais à différents stades de la maladie. Les personnes handicapées au Canada sont surreprésentées dans la population des sans emplois et elles ne touchent aucune prestation. Le chômage chez elles est environ 50 p. 100 plus élevé que dans les autres groupes de la population.

    Vous êtes-vous entretenu avec vos membres au sujet des appuis particuliers dont ils peuvent bénéficier? Vous avez parlé de l'assurance au titre de l'impact catastrophique des médicaments, mais quel genre de discussion à l'interne avez-vous avec les gens relativement à leur situation financière, au coût de la vie et à leurs conditions de vie, étant donné qu'il leur faut ajouter le prix de différents médicaments à leurs dépenses courantes?

+-

    Mme Deanna Groetzinger: Je commencerai après quoi je laisserai sans doute le soin à Kris de compléter ce que j'aurai dit.

    Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le taux d'emploi des personnes atteintes d'un handicap : il est très, très bas. Notre société ne fait pas assez pour s'occuper des personnes handicapées et pour les former afin de leur permettre de trouver un emploi et de les maintenir dans la population active.

    Votre exemple, Kris, est un cas d'école. Vous êtes demeurée active le plus longtemps possible avant de prendre un emploi à temps partiel. Mais quand quelqu'un quitte un emploi à temps plein, il perd en général le bénéfice de son régime d'assurance-médicaments, à moins que son conjoint ou sa conjointe n'en ait un. Le cas échéant, c'est là que l'on doit s'en remettre aux différents programmes provinciaux. Comme Kris l'a si bien dit, ces programmes varient énormément d'une province à l'autre. Il y en a qui sont bons et il y en a d'autres qui sont mauvais.

    Le tableau que nous avons joint à notre mémoire illustre, je crois, très bien le problème. Voilà pourquoi, dans l'accord sur la santé et dans les recommandations de M. Romanow, nous avons été heureux de trouver la promesse d'essayer au moins d'atténuer un peu le problème, parce que les personnes atteintes de sclérose en plaques doivent prendre des médicaments qui sont très coûteux, ce qui est un énorme problème.

¸  +-(1410)  

+-

    Mme Kris McDonald: Dans mon travail de bénévole à la Société sur la SEP, je réponds aux questions que les gens adressent à la Société au sujet des prestations d'assurance, du genre : «Comment puis-je avoir accès à un régime d'assurance-médicaments?» Les malades pour qui le diagnostic est récent travaillent encore, mais à cause de leurs antécédents médicaux, ils ne pourront pas obtenir d'assurance-invalidité à long terme, ce qu'il leur faudrait dans le cas de la SEP.

    Comme je ne suis pas une championne de l'industrie de l'assurance, je n'ai aucun problème à expliquer ce qu'elle fait. On donne donc mon numéro de téléphone à ceux et à celles qui s'adressent à la Société sur la SEP pour obtenir des renseignements au sujet de l'assurance. Je leur consacre en général une heure ou une heure et demie, pour essayer de cerner leur problème et de leur expliquer ce qu'ils peuvent faire.

    Par exemple, s'il leur faut remplir un questionnaire contenant des questions médicales, il est évident qu'ils ne pourront espérer obtenir une assurance collective ou une assurance invalidité à long terme. Toutefois, s'ils travaillent pour un employeur ayant un nombre important d'employés, en sorte que le groupe ou le nombre de personnes assurées ne subit pas les effets de l'augmentation associée à des polices individuelles, l'employeur ne pose pas de questions médicales. Ce que je recommande à mes interlocuteurs c'est donc de se trouver un emploi chez des gros employeurs.

    Mon conjoint, par exemple, travaille pour une importante société de fonds communs de placement qui compte 500 employés. Quand il a commencé à travailler pour eux, il a fait attention pendant sa période de stage, qui est généralement de 90 jours; la société s'est contentée de prendre son nom, sa date de naissance, le nom de sa conjointe et tout le monde a été inscrit au régime d'assurance collective. La compagnie n'a posé aucune question médicale, si bien que mes antécédents n'ont pas posé problème. Je suis donc couverte en vertu d'un régime d'assurance-médicaments. Cependant, si vous travaillez pour un employeur qui compte 12 employés, il va forcément vous poser des questions médicales et, dès l'instant où vous déclarerez être atteint de SEP ou d'une affection grave – et je suis certaine que vous en avez entendu parler durant vos audiences – vous n'obtiendrez pas d'assurance.

    Les personnes atteintes de SEP dans la région de Toronto ont la chance que je sois entièrement gagnée à leur cause. J'aimerais bien passer à l'échelle nationale, mais je ne pense que le monde soit prêt pour qu'il y ait plus d'une personne comme moi.

+-

    M. Brian Masse: C'est un grave problème, parce que la plupart des employeurs sont de petits employeurs et qu'il est extrêmement rare que des personnes handicapées trouvent du travail auprès de gros employeurs, si bien que c'est une arme à double tranchant.

+-

    Mme Kris McDonald: Effectivement.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Masse.

    Nous allons maintenant passer à M. Castonguay.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à nos invités.

    D'abord, je dois dire aux gens de la Société canadienne de la sclérose en plaques que j'ai très bien compris qu'il peut souvent en coûter entre 1 000 $ et 2 000 $ par mois aux gens qui sont aux prises avec cette maladie, pour se procurer des médicaments.

    Vous avez également mentionné que vous étiez heureuses de voir la position des premiers ministres lors de l'entente de février 2003, où on a ciblé des fonds pour les coûts exorbitants des médicaments.

    Je réalise aussi qu'il y a des gens qui n'ont pas la sclérose en plaques, mais qui gagnent moins de 20 000 $ par année et qui doivent payer 500 $ par mois de médicaments pour d'autres problèmes, qu'il s'agisse d'hypertension, de diabète ou autre chose.

    D'abord, selon vous, à quel montant devrait-on établir les coûts exorbitants? Avez-vous une idée à cet égard, ou favorisez-vous plutôt un système de pharmacare pancanadien? Un peu comme on le fait pour les soins de santé actuels, le pharmacare serait là pour tous les Canadiens et serait payé à même un système de taxation pancanadien également. Pensez-vous que l'on devrait s'orienter vers cela plutôt que vers les coûts exorbitants des médicaments?

¸  +-(1415)  

[Traduction]

+-

    Mme Deanna Groetzinger: Nous estimons qu'une formule d'assurance pancandienne serait beaucoup plus raisonnable. Nous avons effectivement insisté sur cette formule dans nos exposés à M. Romanow et au sénateur Kirby. Je crois qu'au final plus de gens en seraient satisfaits.

    Cela dit, la recommandation a été prise en compte et je vois que les choses ont bougé dans le cadre de l'accord sur la santé. Il convient d'aller davantage dans ce sens. Ce serait beaucoup mieux que la situation actuelle. Nous pensons que cela serait bénéfique pour la population, notamment pour les Terre-Neuviens. Ce serait bénéfique aussi pour les Néo-Brunswickois qui n'ont que peu de chances d'obtenir une couverture hors assurance collective ou s'ils ne sont pas au bien-être.

    Nous nous réjouissons des petites étapes qui viennent d'être franchies. Dans un monde idéal, il serait mieux que les gens atteints de SEP bénéficient d'un programme davantage inclusif.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay: Est-ce que vous seriez prêtes à subir une augmentation du taux de taxation pour nous permettre, justement, d'avoir un système pancanadien, réalisant que si certains individus qui gagnent 20 000 $ par année doivent acheter pour 500 $ de médicaments par mois, cela devient peut-être un coût exorbitant pour eux? J'essayais de savoir ce qu'est un coût exorbitant pour les médicaments. À quel moment le système public doit-il entrer en ligne de compte?

[Traduction]

+-

    Mme Deanna Groetzinger: Je ne peux vous parler qu'en mon nom pour vous dire si je serais ou non disposée à payer davantage d'impôts. Je crois que je le serais. En revanche, il faudrait que le gouvernement dépense cet argent de façon judicieuse.

    Vous avez tout à fait raison. Le terme «catastrophique» revêt un sens différent selon le niveau de revenu des personnes. Nous pourrions certainement examiné les programmes déjà en vigueur au Québec et en Ontario. Dans ces provinces, il y a des échelles progressives. Je crois qu'un système progressif fondé sur le revenu serait logique.

    Ceux qui ont eu affaire à des programmes provinciaux qui fonctionnent en sont très heureux. Il y a toutes sortes d'enjeux qui se rattachent aux différents types de programmes, mais je crois qu'une approche axée sur le revenu satisferait bien davantage nos membres que le système actuel marqué par les disparités.

+-

    M. Terrence Young: Puis-je faire une remarque, madame la présidente? Merci beaucoup. C'est une question très importante.

    Nous consacrons quelque 15 milliards de dollars par an aux médicaments vendus sur ordonnance au Canada et ce montant augmente très vite. Une grande partie de cet argent est consacrée à des médicaments qui ne font rien et qui sont inutiles.

    Je vais vous en donner des exemples. Des laboratoires offrent actuellement des médicaments destinés à soigner la timidité. Il y a aussi des médicaments pour soigner ceux qui magasinent trop, ceux qui perdent leurs cheveux, ceux qui ont des brûlures d'estomac, ceux qui souffrent de stress, ceux qui se sentent fatigués, ceux qui ont faim et ceux qui ont des trous de mémoire. On consacre donc énormément d'argent à des médicaments tout à fait inutiles.

    Si nous invoquons la règle norvégienne, qui consiste à n'homologuer que les médicaments dont il est prouvé qu'ils sont meilleurs et plus sûrs que ceux qu'ils sont censés remplacer sur le marché, nous pourrions économiser des centaines de millions de dollars et disposer ainsi de plus d'argent pour ceux et celles qui en ont vraiment besoin.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je crois savoir qu'ils sont en train de mettre au point un médicament qui vous permettra de réduire... votre consommation de médicaments!

[Français]

    J'ai une petite question. Vous avez mentionné:

[Traduction]

    Rares sont les médecins qui lisent les paragraphes en petits caractères.

[Français]

    Que suggérez-vous que l'on fasse pour améliorer cette situation? Je suis très conscient que lorsque les compagnies pharmaceutiques sortent des feuillets avec des choses écrites en gros caractères et d'autres écrites en tout petits caractères, les probabilités sont que les petits caractères ne seront pas lus.

    Comment pourrait-on améliorer cette situation?

¸  +-(1420)  

[Traduction]

+-

    M. Terence Young: Merci de poser cette question. Nous voulons d'abord obtenir la création d'un organisme indépendant sur la sécurité des médicaments. Deuxièmement, nous voulons que l'on remette des dépliants d'information à tous les patients. Ces dépliants devraient être rédigés en langage clair pour que tout le monde puisse les comprendre et ils devraient énumérer les dangers ainsi que les contre-indications et les médicaments de remplacement. Il faudrait aussi créer un système de consentement du patient, comme celui qui existe pour les chirurgies.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je crois savoir que certaines pharmacies le font déjà. Est-ce que ce devrait être obligatoire pour toutes les pharmacies...?

+-

    M. Terence Young: Oui, mais je pense qu'il faudrait que cela soit imposé, réglementé et approuvé par un organisme indépendant chargé de la sécurité des médicaments. Les pharmacies achètent des logiciels pour administrer tout ce qui concerne les médicaments dont certains viennent des États-Unis ou d'ailleurs. Une partie des mises en garde remises aux clients sont dangereuses, parce qu'elles ne font pas état des véritables dangers des médicaments vendus. Elles ne font que donner aux clients une fausse impression de sécurité.

    Par exemple, quand on lit la mise en garde du Prepulsid que nous achetions – je l'ai encore à la maison – rien ne permet d'imaginer que le médicament présente un danger quelconque. L'avertissement dit simplement que si l'on a ceci ou cela, il faut consulter son médecin. On pourrait penser que le médicament ne pose aucun danger quand, en fait, ce n'est pas forcément le cas.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Ainsi, vous dites qu'il faudrait créer un organisme indépendant chargé de fournir cette information.

+-

    M. Terence Young: Pour fournir cette information, s'assurer qu'elle est à jour, veiller à ce que les gens la comprennent et s'assurer qu'elle parvienne aux patients pour qu'ils puissent juger par eux-mêmes.

    Soit dit en passant, tous les médecins ont, dans leur cabinet, un livre appelé «Compendium des spécialités pharmaceutiques», le CPP. J'ai très souvent demandé à des patients s'ils avaient jamais vu leur médecin consulter un CPP. Eh bien, ils le font rarement, parce qu'ils sont convaincus qu'ils savent tout. Pourtant, ils devraient vérifier les contre-indications, parce que la prise simultanée de deux ou trois médicaments peut donner lieu à des centaines de milliers de contre-indications, comme c'est le cas chez bien des personnes âgées. Ils devraient vérifier les contre-indications, mais ce qu'il y a de plus drôle, c'est que les compagnies pharmaceutiques contrôlent même ce type de document. Elles contrôlent tout ce qui y apparaît.

    Le seul ouvrage dans lequel j'ai trouvé des informations honnêtes et directes sur les médicaments délivrés sur ordonnance s'intitule Worst Pills, Best Pills. Il est publié par un organisme d'intérêt public sans but lucratif, installé à Washington, appelé Public Citizen, dont le cofondateur est Ralph Nader. Je le recommande à toutes les familles. Regardez ce qu'il contient avant de prendre des médicaments.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Castonguay.

    Monsieur Barrette, mais brièvement. Nous avons dépassé notre temps et je vais vous permettre deux questions.

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Je comprends votre antipathie à l'endroit des compagnies pharmaceutiques; après ce que vous avez vécu, cela se comprend très bien. Ce que vous nous rappelez comme publicité, on l'a entendu à d'autres endroits, et à sa face même, c'est beaucoup.

    Ma question est peut-être indiscrète. Comment votre organisation va-t-elle chercher son financement pour subsister?

    Mon autre question n'est pas reliée à cela du tout. Si vous aviez une recommandation à faire à Santé Canada pour améliorer la situation--car il semble y avoir des zones où il y a de la place pour l'amélioration--quelle serait-elle?

    Pour ce qui est du financement, vous n'êtes pas obligé de répondre à ma question, si vous ne voulez pas le faire.

[Traduction]

+-

    M. Terrence Young: Merci. Je vais me faire un plaisir de vous répondre.

    Nous sommes en train de constituer en société Drug Safety Canada. Pour l'instant, elle ne compte que quelques membres de ma famille et d'autres personnes que je connais et qui militent en faveur de la sécurité des médicaments. Pour l'instant, c'est moi qui la finance entièrement. Je n'accepterai jamais d'argent des grandes sociétés. En outre, je n'accepterais pas d'argent des gouvernements, même s'ils me le proposaient, parce que j'estime que mon indépendance est importante. C'est ainsi que fonctionne Public Citizen à Washington et je crois que c'est très important de faire la même chose.

    Pour ce qui est de l'amélioration du système, je m'en remettrais à un organisme indépendant du gouvernement chargé des médicaments, comme le Bureau de la sécurité aérienne. Après un écrasement d'avion d'Air Canada avec mort d'hommes, il ne nous viendrait certainement pas à l'idée de demander à la compagnie de faire enquête. Il existe un bureau indépendant qui fait des enquêtes à la suite d'accidents du genre et qui permet de connaître la vérité. Il nous faut des mises en garde adaptées pour les patients, il nous faut pouvoir faire rapport des réactions indésirables. J'ai avec moi un document que j'aimerais vous faire remettre, s'il vous intéresse, dans lequel on trouve toute une liste de recommandations en vue d'améliorer la sécurité du système. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Barrette.

    Au nom du comité, je vous remercie de vous être rendu à notre invitation, monsieur Young. Comme vous avez l'expérience de député provincial en Ontario, vous comprenez bien sûr que le gouvernement puisse être lent. Toutefois, je dois vous dire que nous avons parlé à plusieurs reprises du décès de Vanessa, autour de cette table, décès qui a sans doute été un catalyseur des travaux actuels du comité quand il a choisi d'étudier les médicaments délivrés sur ordonnance.

    Nous n'avons pu le faire immédiatement, à cause d'un mandat qui nous avait été précédemment confié – des projets de loi à étudier et des travaux à effectuer à la demande du ministre – mais dès l'instant où nous avons pu dégager un peu notre calendrier, nous avons décidé de nous pencher sur ce sujet.

    Au nom des députés qui sont en tournée dans l'ouest et qui sont absents aujourd'hui, ainsi qu'au nom de tous les membres du Comité de la santé, je tiens à vous féliciter pour votre travail. Nous espérons pouvoir vous apporter notre appui et soutenir vos recommandations. Merci pour les résultats de recherche que vous nous avez fournis, pas uniquement aujourd'hui, mais dans les lettres que vous nous avez envoyées et à l'occasion de bien d'autres contacts.

    Je tiens aussi à remercier nos témoins. Merci de vous êtres déplacés. Cette partie de la séance est maintenant terminée et nous allons demander à notre prochain groupe de témoins de s'approcher.

¸  +-(1425)  


¸  +-(1433)  

+-

    La présidente: Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance.

    Nous allons passer au prochain groupe de témoins, à commencer par Andy Troszok et John Myers de la Canadian International Pharmacy Association.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Andy Troszok (vice-président, Normes, Canadian International Pharmacy Association): Merci.

    Bonjour, madame la présidente et bonjour mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Andy Troszok et je suis vice-président aux normes de la Canadienne International Pharmacy Association, également connue sous le sigle de CIPA. Je suis pharmacien licencié et je possède ma pharmacie.

    Je suis accompagné de l'avocat général de la CIPA, John Myers, ainsi que de notre conseiller en matière de réglementation, Randy Stephanchew.

    Je tiens, avant tout, à remercier le comité de nous donner cette occasion de venir lui exposer la position de la CIPA au sujet de la vente de médicaments par la poste que pratiquent des pharmaciens canadiens licenciés s'adressant à des patients américains. Il est malheureux que nous n'ayons pas eu l'occasion de vous exposer notre point de vue quand vous êtes passé à Winnipeg au début octobre, mais nous allons nous rattraper aujourd'hui. Nous vous avons fait distribuer une trousse d'information qui explique les services de pharmacie à distance que nous offrons à des patients étrangers.

    Notre organisme, la Canadian International Pharmacy Association, a été créée en novembre de l'année dernière. Elle représente des intérêts de pharmacies canadiennes licenciées qui offrent des services à l'échelle internationale. Cet organisme a été mis sur pied pour énoncer des normes en matière de prestation de services pharmaceutiques par correspondance, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières du Canada. La CIPA s'est ainsi dotée d'un programme d'agrément des pharmacies qui est semblable à celui en place aux États-Unis.

    Je tiens à préciser certaines choses. Ce nouveau genre d'activité a été baptisé «pharmacie par Internet» ce qui est une grossière erreur. Nous ne sommes pas d'accord avec la vente de produits pharmaceutiques par Internet ni avec la vente de médicaments qui sont normalement prescrits mais qui, dans ce cas, sont distribués sans présentation d'ordonnance. Nous ne sommes pas d'accord avec les spam. Nous ne sommes pas d'accord avec la non-divulgation des informations pharmaceutiques ni avec le fait que les patients ne peuvent accéder aux services de pharmaciens.

    Nous sommes en revanche d'accord avec le fait que des pharmacies canadiennes dûment licenciées envoient des médicaments vendus sur ordonnance à des patients américains.

    Je vais prendre quelques minutes pour vous expliquer le marché de la pharmacie transfrontière qui existe depuis des décennies. Les patients américains traversent la frontière en voiture, à pied ou, comme on l'a vu plus récemment, en autobus pour venir s'approvisionner chez nous. Il y a même un sénateur du Minnesota qui a dépensé tout son salaire pour permettre à des Américains dans le besoin de venir au Canada en autobus afin d'avoir accès à des médicaments abordables d'importance vitale.

    Notre client type est une personne âgée qui est dans le besoin. Ce n'est ni moi ni mes collègues au Canada qui avons créé ce marché. Il existe parce que les personnes âgées et les personnes dans le besoin aux États-Unis ont un grand besoin de médicaments à cause des prix exorbitants de ce genre de produits pour ceux et celles qui sont mal assurés ou non assurés.

    Selon certains estimations de l'ampleur de ce marché, les patients américains dépenseraient actuellement quelque 800 millions de dollars au Canada. Cet argent reste ici, chez nous, parce que les pharmacies qui vendent ces produits sont exploités par des entrepreneurs canadiens indépendants. Nous avons ainsi créé des milliers d'emplois, non seulement des emplois de pharmaciens, mais aussi des emplois de techniciens, de réceptionnistes et de vendeurs, en particulier dans des provinces où il existe un besoin, comme au Manitoba.

    Nous desservons actuellement plus d'un million de clients. On recense quelque 120 pharmacies au Canada qui honorent les ordonnances de patients américains dont 90 p. 100 sont des pharmacies de quartier indépendantes qui servent en tout premier lieu des Canadiens mais qui ont étendu leur pratique pour servir les patients américains.

    Une importante question se pose : pourquoi ont-elles besoin d'un autre marché de ce type? Eh bien, c'est à cause des grands conglomérats présents au Canada, des grandes chaînes multinationales que possèdent les conglomérats américains et qui montrent la porte de sortie aux pharmacies indépendantes. Celles-ci doivent pouvoir faire concurrence aux autres sur ces marchés. Il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis où il n'existe quasiment plus aucune pharmacie indépendante.

    Comment les patients américains peuvent-ils obtenir des médicaments prescrits au Canada? Tout d'abord, il leur faut une ordonnance de médecin, ils doivent consulter un médecin agréé aux États-Unis. Une fois leur ordonnance en main, ils peuvent se rendre à la pharmacie de quartier ou acheminer leur ordonnance par le système de pharmacie par correspondance aux États-Unis, qui est très vaste et qui reçoit quelque 30 p. 100 de toutes les ordonnances dressées aux États-Unis. Ils peuvent aussi s'adresser au Canada et faire honorer leur ordonnance par la poste ou encore ils peuvent franchir la frontière en voiture et se rendre directement dans une de nos pharmacies.

    Toutefois, comme il s'agit de patients à distance, nos normes sont plus strictes que lorsque nous avons à faire à des patients en personne et nous avons besoin d'informations plus détaillées. Nos patients doivent soumettre un profil de santé détaillé, un peu comme ils le font quand ils se rendent dans un cabinet de médecin.

¸  +-(1435)  

    Nous recueillons des informations statistiques et les vérifions, nous recueillons aussi des informations médicales et sur les médicaments. Nous demandons à nos patients de signer une entente qui ne nous décharge en rien de notre responsabilité. En fait, elle la renforcerait plutôt. Elle précise que le patient américain consultera un médecin de soins primaires aux États-Unis. Elle explique les droits des patients relativement aux problèmes pharmaceutiques qu'ils soulèvent.

    Une fois tous ces documents remplis, l'ordonnance est exécutée par une pharmacie canadienne licenciée qui doit se plier à des normes de pratique très strictes stipulées par les organismes provinciaux de réglementation de la pharmacie. Les pharmacies qui offrent des services à l'échelle internationale respectent les règlements provinciaux et fédéraux pour ne pas dire qu'elles les dépassent. Ces pharmacies doivent appliquer des normes très élevée de soins aux patients, de professionnalisme et d'éthique.

    Je me propose de vous parler de deux aspects qui ont fait l'objet d'une mésinformation auprès de ce comité.

    Il y a tout d'abord le manque de pharmaciens. J'ai obtenu mon diplôme de pharmacien il y a huit ans et, à cette époque, il y avait effectivement une pénurie de spécialistes dans mon domaine. La pharmacie par correspondance, utilisée aux États-Unis, n'existait quasiment pas. La croissance de l'industrie pharmaceutique au Canada a été exponentielle, surtout dans le cas des grandes chaînes multinationales. Les pharmacies offrent maintenant des services de 24 heures sur 24 et la demande de pharmaciens a triplé. Au cours des cinq dernières années, les pharmacies américaines ont mené un recrutement très dynamique dans le milieu en offrant, par exemple, des salaires élevés pour attirer les nouveaux diplômés canadiens, outre que les conditions de travail sont nettement meilleures qu'ici.

    On recense 8 331 pharmacies licenciées au Canada. Celles qui offrent des services de prescription aux patients américains représentent moins de 1,5 p. 100. J'ai du mal à croire que nous sommes responsables de la pénurie de pharmaciens au Canada.

    Sur une note plus positive, il existe à Winnipeg une pharmacie qui vend par correspondance; elle dessert maintenant trois hôpitaux ruraux de la province et envisage d'offrir ses services à sept maisons de retraite rurales. Je vous le demande : connaissez-vous une chaîne de pharmacie multinationale qui envisage d'offrir des services ruraux dans des régions éloignées au Canada?

    Parlons maintenant de la pénurie de médicaments. Il y a huit ans, quand j'ai débuté dans la profession, il y avait effectivement des pénuries de médicaments et, le plus souvent, il s'agissait de pénuries temporaires. Comme l'honorable Dave Chomiak vous l'a dit lors de votre séance à Winnipeg, en général les pénuries temporaires sont dues à un problème de manufacture, d'approvisionnement en matière première ou de difficultés sur le plan de la distribution en gros. Je n'ai pas entendu parler récemment de cas où des patients n'auraient pas reçu leurs médicaments au Canada parce que des pharmacies canadiennes offrent des médicaments vitaux à des patients étrangers.

    Les grands laboratoires contrôlent l'approvisionnement de tous les produits pharmaceutiques de marque au Canada. S'il y a un manque de médicaments au Canada, c'est à cause des compagnies manufacturières de produits pharmaceutiques de marque qui ne veulent pas approvisionner ce marché pour protéger les monopoles qu'elles ont établis à coup de brevets et des prix exorbitants aux États-Unis.

    Nous avons des lois au Canada, comme celle sur la concurrence et celle sur les brevets qui, je pense, vont nous permettre d'empêcher que ces monopoles ne contrôlent nos soins de santé et nos médicaments prescrits.

    Je vous remercie pour le temps que vous nous avez accordé et je suis prêts à répondre à vos questions.

¸  +-(1440)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons passer au Ontario College of Pharmacists, représenté par la registraire adjointe, Della Croteau, et le directeur, Greg Ujiye.

+-

    Mme Della Croteau (registraire adjoint, directrice des programmes, Ontario College of Pharmacists): Merci d'avoir invité l'Ontario College of Pharmacists à faire un exposé au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

    L'Ontario College of Pharmacists a pour mission de réglementer la pratique de la pharmacie par le biais de la participation de la population et de la profession, conformément aux normes de pratique qui ont pour objet de s'assurer que les pharmaciens dispensent à la population des services et des soins pharmaceutiques de qualité.

    Dans l'exécution de ses objectifs, le collège s'est fixé pour tâche de servir la population et de protéger ses intérêts. Il réglemente la pratique des pharmaciens et des pharmacies et veille à la sécurité de la distribution des médicaments et de la prestation des services en Ontario. Toutefois, le collège ne réglemente pas les pratiques commerciales quotidiennes des pharmaciens ni des pharmacies, à moins que celles-ci n'aient un effet négatif sur l'intérêt du public. Le collège ne réglemente pas les manufacturiers ni le système d'agrément des médicaments et il ne fait pas non plus de commentaire sur ces processus.

    Nous voulons vous faire part de nos remarques sur l'augmentation du prix des médicaments. Sous l'effet du vieillissement de la population, la consommation de médicaments va augmenter. Cependant, il convient d'examiner la question de leur prix dans le contexte du coût total des soins de santé ainsi que de la qualité de vie du public. Il n'existe que très peu de médicaments qui soignent des maladies. La plupart des pharmacothérapies ne font que traiter des symptômes et éviter les complications associées aux états chroniques. Ainsi, si l'on examine le prix des médicaments sans se demander s'ils permettent ou non de réduire les coûts pour le système de soins de santé en général, on risque de le trouver disporportionnellement élevé.

    La gestion de l'utilisation des médicaments, grâce à une intervention précoce, à l'application de directives relatives aux pharmacothérapies, comme permet de le faire la médecine fondée sur les constats, le fait de se concentrer sur les soins des patients et sur les résultats obtenus de même que le resserrement de la collaboration entre les différents intervenants des soins de santé sont autant d'éléments qui permettront de maîtriser les coûts et de parvenir à une meilleure reddition de comptes vis-à-vis des budgets dépensés. La mise en oeuvre d'un modèle de pratique axée sur la collaboration et tourné vers le patient devrait permettre d'améliorer le rendement du budget de santé.

    Il conviendrait de surveiller les effets néfastes des médicaments ainsi que les pratiques de prescription en tant que mesure d'amélioration de la qualité, en collaboration avec les intervenants du milieu des soins de santé.

    Du côté de la publicité directe auprès du consommateur et de la commercialisation des produits, il faudrait que les consommateurs et les fournisseurs puissent avoir accès à de véritables informations plutôt qu'à de la publicité destinée à faire mousser les produits et à favoriser leur promotion. Tous les résultats d'essais et d'études, qu'ils soient positifs ou négatifs, devraient faire l'objet d'une divulgation complète pour éviter les éventuels préjugés de la personne ou de l'organisation présentant les données et devraient préciser le nombre d'essais effectivement réalisés. Il faudrait apprendre aux fournisseurs de soins de santé comment analyser et comprendre les résultats des études. Cela leur permettrait d'aider la population qui se pose des questions sur des produits dont elle aurait pu entendre parler ou à propos desquels elles auraient pu lire.

    Il ne faudrait pas se concentrer exclusivement sur l'accès aux médicaments par les consommateurs et les professionnels de la santé, mais plutôt sur l'accès aux thérapies appropriées. C'est l'insistance que l'on place sur les médicaments qui en stimule le coût. Nous devons modifier la façon dont nous percevons les médicaments. Il faut les considérer dans le cadre d'une thérapie contre la maladie et non pas en tant que thérapie elle-même. Par exemple, les pharmaciens sont non seulement formés pour conseiller les patients au sujet de médicaments destinés à abaisser leur taux de lipides, mais aussi pour les inciter à modifier leur mode de vie. Les nouveaux médicaments ne font pas forcément mieux. Il faudrait se concentrer sur les preuves cliniques et se demander quelle thérapie peut convenir le mieux au patient. Des thérapies adaptées et une intervention précoce peuvent éviter de devoir recourir à des médicaments voire à d'autres services de santé.

    Passons aux problèmes de mauvaise utilisation, d'abus et d'assuétude médicamenteuse dans la population en général. Il est difficile de protéger la population dans ces cas-là. La mauvaise utilisation, l'abus et l'assuétude ne sont pas la même chose et il faudra chercher à corriger chacun de ces cas de figure par l'application de meilleures pratiques de coopération. Il convient de s'interroger sur les obstacles qui empêchent les fournisseurs de soins de collaborer entre eux. Il a été prouvé que les compétences des pharmaciens et les services qui sont offerts suivant un modèle de coopération sont efficaces dans l'administration des pharmacothérapies et que cela permet d'éviter la mauvaise utilisation ou l'abus de médicaments. Il sera également important de créer des centres de nouveaux traitements et d'éduquer les fournisseurs de soins de santé dans les domaines spécialisés que constitue l'abus de médicaments et la pharmacodépendance.

    Voilà qui met un terme aux réactions dont l'Ontario College of Pharmacists voulait vous faire part à la suite de vos questions. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos éventuelles questions et nous vous remercions de votre attention.

¸  +-(1445)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer au Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, avec Ray Chepesiuk, commissaire, et Gloria Bowes, vice-présidente.

+-

    M. Ray Chepesiuk (commissaire, Conseil consultatif de publicité pharmaceutique): Merci.

    Bonjour, je m'appelle Ray Chepesiuk, et je suis commissaire au Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, ou CCPP.

    J'ai à mes côtés aujourd'hui ma collègue Gloria Bowes, vice-présidente du conseil d'administration du CCPP, et qui représente le conseil de l'Association canadienne des éditeurs médicaux. Gloria est aussi employée du Collège des médecins de famille du Canada.

    Dès le début des années 70, la publicité trompeuse entourant les médicaments préoccupait déjà les gouvernements, d'où la création du CCPP en 1976 à titre d'organisme indépendant à but non lucratif; officiellement avalisé par Santé Canada. Tous les principaux intervenants concernés sont représentés au CCPP dans le but d'exprimer des jugements avisés, équilibrés et conformes au code détaillé du CCPP qui régit présentement la publicité pharmaceutique à l'intention des professionnels de la santé.

    Le conseil est formé de représentants de trois associations professionnelles de la santé, de trois associations professionnelles pharmaceutiques, de représentants de l'industrie de la publicité et des publications médicales, ainsi que de deux groupes de consommateurs. À titre de commissaire, je suis chargé de diriger un personnel professionnel dûment formé composé majoritairement de pharmaciens d'expérience, dans le but d'assurer un service efficace de précontrôle.

    Pour vous donner une idée du volume d'annonces qui passe entre nos mains chaque année, sachez qu'en 2002, nous avons examiné plus de 3 200 annonces différentes, brochures, livrets, annonces sur internet, lettres de marketing et autres documents destinés à des professionnels de la santé. Le CCPP administre également un processus de résolution des plaintes.

    Bien que, techniquement, notre mandat se limite à l'examen de documents s'adressant aux professionnels de la santé, Santé Canada appuie également le rôle consultatif du CCPP dans l'examen de la publicité axée sur les consommateurs.

    Après près de trois décennies d'expérience dans la réglementation de la publicité pharmaceutique, nous sommes ouverts à des partenariats qui façonneront l'avenir. Dans le cadre d'un important exercice de planification stratégique entrepris par le CCPP l'an dernier, nous avons mené de nombreuses consultations avec les responsables gouvernementaux, et divers groupes de consommateurs, de professionnels de la santé et de l'industrie. Dans le contexte de ces consultations, nous avons réaffirmé plusieurs convictions.

    D'abord et avant tout, un contrôle réglementaire de la publicité pharmaceutique s'impose, et il importe de protéger la population par l'application efficace et équitable de règlements régissant la publicité pharmaceutique.

    Nous avons également réaffirmé que l'efficacité et l'efficience du CCPP dans la prestation des services de précontrôle revêt une grande importance pour un marché bien réglementé. Nous sommes également heureux de pouvoir confirmer que le CCPP est appuyé par le gouvernement, l'industrie, les consommateurs et les professionnels de la santé.

    Enfin, nos consultations approfondies ont permis de consolider notre confiance envers ce modèle de précontrôle qui a fait ses preuves au Canada depuis maintenant 27 ans. À la différence du modèle utilisé aux É.-U., où les plaintes sont examinées après la publication des annonces, un système de précontrôle offre une meilleure protection aux Canadiennes et aux Canadiens. Toutefois, nous reconnaissons également que le contexte des politiques publiques continue d'évoluer et le CCPP est prêt à poursuivre son important rôle réglementaire après la refonte des règlements.

    Bien des choses ont changé au cours de la dernière décennie, ce qui influe sur le débat entourant la publicité pharmaceutique. Nous savons que les gouvernements fédéral et provinciaux encouragent les Canadiennes et les Canadiens à devenir des patients «habilités» et «informés» afin que nous soyons tous de véritables partenaires dans nos décisions en matière de santé. Les Canadiennes et les Canadiens semblent vouloir assumer ce rôle de consommateurs informés et cherchent à se renseigner sur différentes questions de santé, souvent sur l'Internet, pour s'informer sur les maladies et les traitements. Malheureusement, Santé Canada a de la difficulté à réglementer Internet.

    De plus, bien des gens ont exprimé leur inquiétude face à l'assaut quotidien des publicités pharmaceutiques américaines au Canada, assaut qui pourrait semer la conclusion chez les Canadiennes et les Canadiens, surtout lorsque les annonces traitent de produits n'ayant pas encore été homologués au Canada.

    Enfin, nous sommes conscients que la constitutionnalité même de la réglementation actuelle a été mise en doute par certains intervenants. À la lumière de tous ces facteurs, nous comprenons que les règles régissant la publicité sur les médicaments pourraient changer dans un avenir rapproché et que le processus de renouvellement législatif de Santé Canada pourrait fort bien être l'instrument de toute réforme.

    En terminant, je tiens à ce que la position actuelle et future du CCPP soit bien claire. À titre d'organisme de réglementation bien établi, le CCPP n'a pas pour fonction d'élaborer ou de façonner les politiques, mais plutôt de veiller à leur application. Le message le plus important que nous souhaitons communiquer au comité, quelle que soit l'issue du débat actuel entourant la PDMO, c'est que nous sommes fermement convaincus que le principe de précontrôle devrait demeurer au coeur du système de réglementation de la publicité pharmaceutique.

    Par ailleurs, nous avons déjà recommandé vivement aux responsables du processus de renouvellement législatif de voir à l'amélioration des méthodes d'application de la réglementation. De plus, le CCPP est prêt à s'adapter à tout changement apporté au système de réglementation et à continuer d'assurer des services efficaces et efficients de précontrôle au nom de Santé Canada.

¸  +-(1450)  

    Nous nous réjouissons de l'occasion que vous nous avez données de nous présenter devant vous aujourd'hui, et anticipons avec confiance la discussion qui va suivre.

    Je vous ai apporté des exemplaires des normes d'examen de la publicité sur les médicaments au Canada, le code du CCPP, ainsi que l'exemplaire actuel de la mise à jour du CCPP dans laquelle nous publions les décisions relatives aux plaintes, décisions auxquelles tout le monde peut accéder sur notre site Internet. Je vous ai aussi apporté des copies de la fiche technique relative à l'examen de la publicité sur les médicaments qui décrit le rôle du CCPP par rapport à Santé Canada.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à l'Association des pharmaciens du Canada avec M. Poston qui en est le directeur général.

    Monsieur Poston, comme nous avons beaucoup entendu parler des associations de pharmacie, vous pourriez peut-être tout de suite passer à votre position.

+-

    M. Jeff Poston (directeur général, Association des pharmaciens du Canada): Merci, madame la présidente.

    Je représente l'Association des pharmaciens du Canada. Nous sommes l'association nationale de fait qui représente tous les pharmaciens peu importe le lieu où ils pratiquent. Nous ne représentons ni les pharmacies à succursales multiples ni l'industrie pharmaceutique. Comme nous le savons, l'essence même des médicaments est compliquée. Le concept du produit chimique présent dans une petite pilule qui peut vous tuer, vous sauver la vie ou réveiller un pénis en panne est difficile à comprendre pour la poupart des gens. Même leur nom est incompréhensible pour bon nombre d'entre eux. Le développement, la réglementation, la distribution et l'utilisation des médicaments sont des phénomènes complexes.

    Les connaissances sur les médicaments sont immenses. À l'APHC, nous publions des renseignements sur les médicaments et il y en a beaucoup. La recherche continue à montrer les problèmes liés à l'utilisation des médicaments. Les résultats découlant des campagnes menées contre les médicaments non désirés démontrent qu'il y a du gaspillage; la révision de l'utilisation indique le respect du traitement. D'autres études révèlent un sous-traitement, c'est-à-dire que des patients qui pourraient tirer avantage de certains médicaments ne les reçoivent jamais. La liste des études démontrant que les patients ne prennent pas leurs médicaments selon les prescriptions ou qu'ils arrêtent de les prendre avant terme continue à s'allonger. On assiste toujours au retrait de certains médicaments du marché en raison d'effets secondaires non reconnus auparavant.

    On peut dire tout simplement que nous savons beaucoup de choses sur les médicaments, mais il existe un fossé considérable lorsqu'il s'agit d'appliquer ce que nous savons aux soins des patients. Un certain nombre de rapports indépendants — le Lowy Inquiry en Ontario, le Forum national sur la santé, et plus récemment la Commission sur l'avenir des soins de santé au Canada — ont tous reconnu le besoin urgent de mieux utiliser les pharmaciens comme solution principale pour améliorer la qualité de l'utilisation des médicaments et obtenir une meilleure valeur pour l'argent que nous dépensons en produits pharmaceutiques. Par conséquent, je demande avec instance aux gouvernements d'utiliser les pharmaciens pour surveiller et ajuster le traitement des patients qui suivent un traitement à long terme; réduire les pertes créées par une mauvaise prescription non nécessaire; apprendre aux patients à bien utiliser leurs médicaments; déceler, traiter ou guider les patients dont le bien-être est en danger en raison d'un sous-traitement médicamenteux; déceler et rapporter les événements liés aux effets secondaires et aux erreurs de médicaments; examiner, évaluer et gérer de façon éclairée les patients en soins à domicile ayant des problèmes liés à des médicaments en ce qui concerne la gestion des médicaments.

    Cependant, en tant que professionnel de la santé qui se trouve vraiment en première ligne, le pharmacien doit jouer un rôle plus vaste dans le domaine des soins de santé. Donnons le pouvoir nécessaire aux pharmaciens en tant que vrais fournisseurs de soins primaires; pour un grand nombre de patients, ils représentent déjà le premier point de contact au sein du système de soins de santé. Le gouvernement devrait payer les pharmaciens pour traiter les conditions simples, comme les allergies saisonnières, afin d'alléger le fardeau des médecins de famille. Il devrait utiliser les pharmaciens pour déceler les problèmes comme le diabète, le taux élevé de cholestérol et l'hypertension, plus tôt, et référer les patients aux médecins. Il faudrait utiliser les pharmaciens comme sentinelles pour déceler les problèmes de santé publique et comme messagers pour vaincre les peurs du grand public.

    Pourquoi les gouvernements devraient-ils utiliser les pharmaciens de cette façon? Tout d'abord, ils sont accessibles. Nous avons plus de 7 500 pharmacies communautaires et environ 800 dans les hôpitaux. Les horaires d'ouverture des pharmacies sont pratiques. On estime à 8 millions les visites quotidiennes dans les pharmacies communautaires au Canada.

    Deuxièmement, les pharmaciens ont cinq années d'études universitaires, principalement axées sur la connaissance et l'utilisation des médicaments; la plus grande partie de cet apprentissage permet aux pharmaciens d'appliquer leurs connaissances directement aux soins des patients. Les pharmaciens doivent également suivre les exigences les plus strictes pour tenir à jour leurs compétences professionnelles après l'obtention de leur permis d'exercice.

    Troisièmement, tous les sondages d'opinion effectués auprès des consommateurs montrent la confiance que le public a envers les pharmaciens, et le récent travail important d'un groupe de discussion indique que les patients considèrent les pharmaciens comme étant fiables, bien informés et surtout disponibles au moment opportun pour leur offrir une consultation personnelle.

    Pour rendre possibles ces changements, les gouvernements doivent réviser les mesures législatives et appuyer le développement de nouveaux modèles de pratique de la pharmacie comme partie intégrante de la réforme des soins de santé primaires. Les pharmaciens doivent se préparer à travailler différemment et à développer de nouvelles relations en tant que membres de l'équipe de soins de santé primaires.

    Comme je l'ai mentionné au début de mon discours, le développement, la réglementation, la distribution et le paiement des paiements sont des phénomènes complexes. En tant qu'association, nous sommes très intéressés et actifs en ce qui concerne les aspects plus vastes des politiques touchant la pharmacie.

    Par conséquent, en terme de politique générale, que devraient faire les gouvernements? Il faut demander aux gouvernements de concentrer leurs efforts sur une utilisation de qualité et l'obtention d'une meilleure valeur pour l'argent dépensé et non pas sur le contrôle brut des coûts. Ils devraient : mettre en oeuvre les Accords sur la santé; appuyer l'étude des médicaments courants comme première étape vers les normes d'accès et vraisemblablement une liste de médicaments nationale; établir un centre de gestion nationale des médicaments pour développer et diffuser les meilleures pratiques de prescription et d'utilisation des médicaments; s'opposer aux demandes de publicité directe aux consommateurs; ne pas instituer de plans centralisés d'achat en gros à l'échelle nationale; éviter de confier l'approbation d'un médicament et le contrôle de son prix au même organisme. De plus, les gouvernements devraient financer des programmes de gestion de médicaments en soins primaires et inclure les médicaments et les services des pharmaciens dans le regroupement des services de base pour soins à domicile.

¸  +-(1455)  

    En ce qui concerne les problèmes plus particuliers, nous croyons que les gouvernements : devraient réserver l'utilisation médicale de la marijuana aux patients inscrits dans des essais structurés; travailler en collaboration avec les États-Unis pour mettre en oeuvre les lois actuelles afin de mettre fin aux échanges frontaliers de drogues et à leur effet négatif possible sur la vie des Canadiens ayant accès à ces drogues.

    Enfin, ils devraient apprendre de l'expérience du NIHB en ce qui concerne la méthadone, comme pire exemple de décision d'un gouvernement qui a choisi de prendre le plus faible dénominateur commun et d'en faire une politique nationale de santé.

    Je vous remercie.

¹  +-(1500)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous avons un dernier groupe de pharmaciens à accueillir, l'Ontario Pharmacsists' Association, avec Ruth Mallon, vice-présidente, et David Thomson, directeur général.

+-

    Mme Ruth Mallon (vice-présidente, Services de pharmacie, Ontario Pharmacists' Association): Vous avez gardé les meilleurs pour la fin.

+-

    La présidente: Tout ce que j'espère, c'est que vous ne nous direz pas la même chose que les autres.

+-

    Mme Ruth Mallon: Non, je crois que ce sera légèrement différent.

+-

    La présidente: Très bien. On nous a plusieurs fois répété qu'il fallait confier un rôle plus actif et mieux intégré aux pharmaciens. Nous avons entendu cet argument au moins six fois durant nos déplacements.

+-

    Mme Ruth Mallon: Eh bien, je vais aller dans le même sens.

    Je m'appelle Ruth Mallon et je suis vice-présidente des services de pharmacie à l'Ontario Pharmacists' Association. Je suis accompagnée de David Thomson, pdg de notre organisation, qui répondra aux questions les plus difficiles. Nous sommes une association bénévole de professionnels au service des pharmaciens et nous comptons quelque 5 300 membres en Ontario.

    Les questions sur lesquelles votre comité se penche sont bien sûr importantes pour nos membres. Toutefois, plusieurs études ont paru ces derniers temps et je suis sûre que le comité permanent en tient compte pour éviter tout dédoublement. Je me limiterai donc aujourd'hui à de questions qui sont importantes pour nos membres et qui ont trait au mandat de votre comité.

    Vous nous avez tout d'abord demandé de vous faire part de nos remarques sur l'augmentation des prix.

    Il convient de faire la différence entre les prix des médicaments et les dépenses en médicaments. Pour ce qui est des prix, les représentants du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés vous expliqueront sans doute que les prix des médicaments brevetés au Canada n'ont pas beaucoup augmenté ces dernières années. Il en va de même du prix des médicaments génériques, qui sont demeurés relativement stables. Cependant, mon association, l'OPA, s'inquiète de la récente évolution du prix des produits pharmaceutiques.

    En Ontario, les pharmaciens ont dû assumer plusieurs augmentations de prix au cours des dernières années. Le gouvernement provincial n'a pas réagi à ces augmentations parce que, dans la majorité des cas, il n'en a pas ressenti les effets à cause des mécanismes de remboursement en place. Ce faisant, ce sont les pharmacies qui les ont absorbées. On nous dit que les augmentations de prix se situent dans la fourchette autorisée par le CEPMB, mais les pharmaciens craignent que cette situation n'aille en empirant. Les augmentations subies menacent déjà la viabilité des pharmacies de la province.

    L'augmentation des prix est peut être due à l'exportation de médicaments du Canada vers les États-Unis, ce qui pourrait être la première étape, pour les compagnies pharmaceutiques, dans le sens d'un alignement des prix canadiens sur les prix américains. C'est une situation sérieuse et la demande en provenance des États-Unis est en train d'augmenter. Il ne se passe pas un jour sans que nous entendions parler d'un autre État qui se dote d'un système permettant d'acheter des médicaments auprès de sources canadiennes. Nous exhortons le gouvernement fédéral à agir avant que les patients canadiens ne soient confrontés à des problèmes de pénurie de médicaments et à des factures de médicaments de plus en plus élevées.

    S'agissant des dépenses en médicaments, nous savons que les dépenses du secteur privé et du secteur public sont en train d'augmenter dans la fourchette de 11 à 20 p. 100. C'est vrai dans toutes les provinces et à l'échelle internationale. L'augmentation de ces dépenses s'explique en partie par la disponibilité de nouveaux médicaments destinés à prévenir la maladie. On peut, par exemple, penser aux médicaments pouvant prévenir les problèmes rénaux chez les diabétiques. Il existe de plus en plus de médicaments entièrement nouveaux destinés à traiter des maladies, comme ceux utilisés pour l'Alzheimer et la sclérose en plaques.

    Comme la population vieillit, il faut s'attendre à ce que les dépenses de médicaments continuent d'augmenter. En soi, ce problème n'est pas très grave, parce qu'on pourrait soutenir que l'on investit aujourd'hui afin d'éviter des traitements coûteux plus tard. Malheureusement, les soins de santé fonctionnent très souvent en vase clos. Les hôpitaux libèrent les patients plus tôt après leur avoir donné des médicaments et les envoient se faire traiter par des infirmières à domicile. Les hôpitaux économisent, mais les budgets consacrés aux soins communautaires et aux médicaments sont fortement sollicités. Les médicaments qui maintiennent les patients hors des salles d'urgence ne font rien économiser aux employeurs.

    Le message qu'il faut retenir ici, c'est que nous voulons mettre en garde votre comité pour qu'il ne se concentre pas uniquement sur le budget des médicaments, mais qu'il tienne également compte des coûts pouvant être évités dans d'autres domaines de la santé.

    L'augmentation des dépenses en médicaments exerce des pressions énormes sur les contribuables et les employeurs. En réaction à ce phénomène, les gestionnaires des régimes d'assurance-médicaments ont incorporé un certain nombre de mécanismes afin de réduire les dépenses. Malheureusement, personne n'est parvenu à limiter de façon marquée la poussée des dépenses, sans compter que l'institutionnalisation de ce genre de mécanisme a eu des effets indésirables non attendus sur les professionnels de la santé. Les pharmacies doivent assumer un fardeau administratif énorme à cause de ces mécanismes, dans un environnement où il manque de pharmaciens et, pire encore, où il faudrait que les pharmaciens puissent se consacrer davantage à la surveillance de la consommation des médicaments plutôt qu'à la rédaction de formulaires d'assurance.

    L'OPA exhorte votre comité à chercher des façons d'améliorer la recherche sur les médicaments. En général, quand un nouveau médicament arrive sur le marché, le fabricant a effectué des études pour comparer l'efficacité du produit par rapport à des placebos ou à l'absence de traitement. Il serait intéressant, pour les praticiens, que les nouveaux médicaments fassent l'objet d'une comparaison objective avec ceux qui existent pour le traitement de maladies identiques.

    Je terminerai sur le message plus important que je veux vous transmettre aujourd'hui – afin de me limiter dans le temps, j'ai laissé mon mémoire de côté – message qui est essentiellement de vous inviter à appuyer les pharmaciens. Le gouvernement de l'Ontario cherche à nous appuyer dans notre rôle de gestion des médicaments. Pour y parvenir, cependant, nous devons avoir accès aux informations concernant les patients, ce qui suppose une certaine collaboration entre les intervenants. Les pharmaciens qui travaillent dans les hôpitaux et dans le milieu des soins de longue durée font d'intéressantes percées dans le domaine des soins à dispenser aux patients et ils ont accès à de vastes quantités d'informations, contrairement à leurs collègues qui travaillent en milieu communautaire.

¹  +-(1505)  

    Pour y parvenir, nous pourrions recourir aux technologies de l'information. Le gouvernement se doit d'investir dans des systèmes qui favoriseront la circulation des données disponibles, afin d'améliorer l'efficacité des traitements, ainsi que l'accès à des informations vitales grâce auxquelles les professionnels des soins de santé pourront optimiser leurs interventions.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je vais poser cinq questions, alors j'apprécierais obtenir des réponses courtes et précises.

    Les témoignages des associations de pharmaciens tranchent un peu avec les intérêts des consommateurs qui nous été présentés. Ma première question s'adresse à vous, madame Mallon. Le lien que vous établissez entre l'exportation des médicaments aux États-Unis et le coût des médicaments ne me semble pas évident. J'aimerais que vous puissiez me le démontrer.

    Deuxièmement, vous avez dit que les pharmaciens absorbent une part de la hausse du coût des médicaments, ce qui ne me semble pas évident non plus. Vous savez que nous avons reçu plusieurs témoins. Lorsqu'on essaie de comprendre la hausse du coût des médicaments en termes de pourcentages, on nous dit que 65 p. 100 de la hausse des coûts des médicaments provient du manufacturier, que 30 p. 100 va au pharmacien et que 5 p. 100 va au grossiste. J'aimerais que vous nous expliquiez rapidement, en trois minutes, le lien entre l'exportation et le coût des médicaments, et que vous nous disiez comment les pharmaciens peuvent absorber une partie du coût des médicaments, alors que c'est un programme qui est réglementé, en principe.

    J'aurai ensuite trois autres questions, mais qui ne s'adresseront pas à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Ruth Mallon: Nous avons été démarchés par des compagnies pharmaceutiques qui nous ont demandé de ne pas apporter notre appui à la vente de médicaments par correspondance à l'étranger. Elles parlent des pressions que les sièges sociaux exercent sur elles pour qu'elles augmentent les prix au Canada et faire en sorte que ce genre de commerce cesse. Je n'ai pas de preuve qu'il existe un lien direct, mais ce phénomène est de plus en plus courant après avoir commencé, il y a cinq ans, par un simple petit médicament. Il y a maintenant 300 ou 400 médicaments qui font l'objet d'augmentations de prix.

    C'est un problème en Ontario. Si les pharmaciens absorbent la hausse des prix, c'est qu'ils sont remboursés par les régimes d'assurance-médicaments du privé et de l'Ontario, et qu'il y a une tolérance dans les remboursements pouvant atteindre 10 p. 100.

    Les laboratoires publient un formulaire. Ils disent que vous payez 10 $ plus une marge bénéficiaire de 10 p. 100, ce qui donne 11 $. Cependant, le pharmacien n'achète pas le produit pour 10 $, mais pour 10,99 $ afin qu'il puisse faire un cent de marge. Par ailleurs, nos honoraires sont fixes et c'est ce qui m'amène à dire que les pharmaciens absorbent les augmentations de coûts. Avant, nos bénéfices étaient de 10 p. 100 mais cet argent revient maintenant à la compagnie pharmaceutique ou au grossiste.

¹  +-(1510)  

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: D'accord, merci.

    Je m'adresse maintenant au Conseil consultatif de publicité pharmaceutique. Je suis très heureux de connaître votre existence, mais en même temps, j'ai l'impression que vous êtes assez émasculés quant à vos pouvoirs, dans la mesure où je comprends que votre rôle est plutôt consultatif. Vous savez que beaucoup de témoignages qui ont été portés à l'attention du comité faisaient état du fait que Loi sur les aliments et drogues, qui régit les principales dispositions concernant la publicité en lien avec les professionnels de la santé ou avec les consommateurs, fait l'objet de violations. On a commencé nos travaux avec une copie du journal de la Société canadienne du cancer qui affichait une publicité sur un produit, alors que c'est illégal.

    Je vous pose donc la question suivante. Avez-vous les moyens de vos politiques ou vous limitez-vous simplement à un rôle consultatif, mais sans aucun outil et sans aucune capacité de coercition?

[Traduction]

+-

    M. Ray Chepesiuk: Nous sommes, d'abord et avant tout, un conseil consultatif, mais nous travaillons en liaison avec Santé Canada et appliquons une politique selon laquelle nous référons au ministère toutes les questions relatives à la sécurité des patients, aux plaintes qui nous sont communiquées ou aux allégations concernant la sécurité des patients en relation avec l'utilisation ou la promotion de médicaments. C'est le ministère qui applique la politique et nous ne prenons aucune décision.

    Nous nous occupons principalement des différends commerciaux. Par ailleurs, tous les problèmes relatifs au préavis de conformité, c'est-à-dire avant qu'un médicament n'ait été autorisé pour être commercialisé au Canada, sont transmis à Santé Canada de même que les plaintes relatives à la publicité directe au consommateur.

    Nous entretenons donc un relation de travail avec Santé Canada en ce qui concerne l'application des règlements. Nous allons faire les premiers pas et, comme je le disais, nous disposons d'un processus de règlement des plaintes grâce auquel nous pouvons prendre les premières mesures correctives.

+-

    M. Réal Ménard: Ce que je voulais savoir, c'est quels sont les pouvoirs dont vous disposez?

[Français]

Si quelqu'un est en infraction, quels pouvoirs avez-vous?

[Traduction]

+-

    M. Ray Chepesiuk: Nous imposons abord des pénalités, nous interceptons et détruisons les produits, nous les rappelons. Nous demandons aux compagnies d'émettre des lettres de mesures correctives. Nous en avons obtenu quatre l'année dernière. À ce que je sache, Santé Canada n'en a demandé aucune dans la même période.

    En général, les compagnies se conforment à nos requêtes. Dans le cas contraire, nous avons le pouvoir de loger une plainte auprès de Santé Canada et de demander que notre décision soit respectée. Santé Canada est investi d'un pouvoir ultime en ce qui concerne les règlements sur la publicité des médicaments au Canada. Nous sommes un organisme qui s'occupe de la surveillance et de l'application au quotidien, dans toute la mesure du possible, et nous formulons des conseils au sujet des règlements.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

    En ce qui concerne l'ensemble de l'industrie pharmaceutique, je crois qu'il y a beaucoup de députés autour de cette table qui sont inquiets de l'espèce de trafic d'influence qui existe de la part de certaines compagnies pharmaceutiques, particulièrement les compagnies pharmaceutiques innovatrices, à l'endroit des professionnels de la santé, dont vous êtes. Une des formes de ce trafic d'influence est toute la question des cadeaux et des échantillons.

    Est-ce que vous êtes au courant que certains de vos membres reçoivent des échantillons et des cadeaux, et est-ce qu'il y a des liens à faire avec la prescription de certains produits? Ne pensez-vous pas qu'il devrait y avoir un code d'éthique ou même un registre avec des déclarations obligatoires des échantillons qui sont mis en circulation par les compagnies pharmaceutiques?

    Je pourrais peut-être adresser ma question à la très volubile Mme Mallon d'abord et demander à d'autres d'y répondre ensuite.

[Traduction]

+-

    Mme Ruth Mallon: Il veut parler des compagnies pharmaceutiques qui font preuve de créativité et qui distribuent cadeaux et échantillons. Nous avons toujours été d'avis que le fait de remettre des échantillons risque de porter tort à la qualité des soins prodigués au patient parce que les pharmaciens n'ont aucune trace des échantillons qui leur sont remis. J'estime que l'on pourrait faire autrement que de remettre des échantillons gratuits aux patients. Il y a des entrepreneurs très dynamiques qui appliquent déjà d'autres formules dans l'est du Canada.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Mais est-ce que vous êtes informés par l'une ou l'autre de vos associations, madame Croteau, madame Mallon ou les autres, que cette pratique-là est répandue? Est-ce que vous vous en inquiétez? Et est-ce que vous souhaitez une intervention législative ou réglementaire?

¹  +-(1515)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Thomson.

+-

    M. David Thomson (directeur général, Ontario Pharmacists' Association): Merci, madame la présidente.

    Permettez-moi tout d'abord d'apporter une précision. Les échantillons sont remis par les médecins, dans leur cabinet quand ils reçoivent des patients.

    Pour ce qui est des remises professionnelles consenties au Canada, il faut savoir qu'elles constituent une importante source de revenu pour les pharmaciens et les pharmacies en Ontario et ailleurs. C'est une pratique commerciale normale et ces remises doivent être déclarées à l'impôt.

    Quoi qu'il en soit, je vais vous expliquer cela en partie. Comment cet argent est-il utilisé? En grande partie pour améliorer la qualité des soins au patient. Je vais vous donner un exemple, qui est en fait un cas vécu. Une personne de 70 ans se présente dans un cabinet de médecin d'une petite ville de l'Ontario qui vient juste de perdre un autre médecin emporté par une crise cardiaque. Il y a 4 200 nouveaux patients dans cette ville et les médecins sont particulièrement sollicités. On a diagnostiqué un diabète chez la personne en question que l'on envoie à la pharmacie pour qu'elle achète un appareil de contrôle de la glycémie et bien d'autres choses. Le pharmacien va passer 45 minutes à une heure pour conseiller cette personne, qui est plus ou moins en état de choc – après avoir appris qu'elle était diabétique et qu'elle devrait maintenant se piquer le bout des doigts pour prendre sa glycémie. Combien le pharmacien obtient-il pour ce genre de service en Ontario? Il obtient 6,54 $.

    Nous avons constaté, au fil des ans, que les frais d'exécution d'ordonnance servent de plus en plus à dédommager les pharmaciens pour ce genre de conseil. Tous ces cas ont été étayés.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Vous pensez qu'il n'y a pas d'échantillons qui circulent auprès des pharmaciens et que seuls les médecins, comme professionnels de la santé, reçoivent des échantillons? Vous pensez que les pharmaciens n'en reçoivent pas?

[Traduction]

+-

    M. Jeff Poston: C'est aux médecins que l'industrie remet principalement ces échantillons ou ces trousses d'évaluation clinique, comme elle les appelle. D'après ce que je crois savoir, elle ne remet que très peu d'échantillons de médicaments non prescrits aux pharmaciens et aucun échantillon de médicament prescrit.

    En fait, nous avons essayé de collaborer avec l'industrie à plusieurs reprises pour essayer de remplacer les programmes de distribution d'échantillons. Nous nous accrochons toujours sur le fait que les médecins se servent des échantillons remis par l'industrie pour donner des médicaments aux patients qui ne bénéficient pas d'un régime d'assurance-médicaments. Quand nous les attaquons sur ce plan, les médecins disent que c'est le seul mécanisme qui leur permet de distribuer des médicaments à des personnes qui n'ont pas d'assurance et qui ne peuvent pas se permettre d'en acheter.

    Nous avons cherché à mettre sur pied des programmes de bordereaux pour médicament et nous estimons que, grâce au traitement en ligne des demandes de remboursement, nous pourrions remplacer les actuels programmes de distribution d'échantillons. Comme ma collège de l'Ontario le disait, il existe déjà des régimes expérimentaux, mais ils ne sont pas encore devenus des programmes nationaux de grande échelle.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Barrette.

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette: Merci, madame la présidente.

    Bonjour. J'ai deux ou trois petites questions. En ce qui concerne la publicité, d'après ce que je vois actuellement, comme citoyen ordinaire, il y a beaucoup de promotion. On appelle cela de l'information, mais selon moi, c'est beaucoup plus de la publicité partisane, puisqu'on a quelque chose à vendre.

    Comment pouvez-vous intervenir à cet égard pour assurer la protection des citoyens? On en a vu ce matin et on peut en voir à chaque jour.

[Traduction]

+-

    M. Ray Chepesiuk: Tout d'abord, nous contribuons à réglementer la publicité, publicité qui est définie dans la Loi sur les aliments et drogues. Il s'agit d'un élément légal et nous devons être prudents dans la façon dont nous nous acquittons de notre mandat et de ce que nous pouvons faire.

    Techniquement, la loi ne réglemente pas l'information et c'est un autre problème auquel Santé Canada est confronté. Nous nous sommes plaints auprès du ministère qui nous a dit qu'il ne s'agit pas de publicité, mais d'information et qu'il ne peut donc rien faire. La situation est très délicate, très complexe en ce qui a trait à la publicité et à la définition légale qu'on peut y raccrocher. La Loi sur les aliments et drogues définit foncièrement la publicité comme tout moyen utilisé pour promouvoir la vente d'un produit. Si vous estimez que quelqu'un essaie de vous vendre un produit, techniquement parlant vous avez à faire à la de publicité. C'est un des messages que nous essayons de communiquer aux entreprises quand elles veulent définir ce qui constitue de la publicité et ce qui n'en est pas. Les compagnies font cela fréquemment, parce qu'elles savent, d'un point de vue législatif, que l'information n'est pas réglementée. La situation est donc délicate.

    La publicité au consommateur ne relève techniquement pas du mandat du Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, du moins pas encore, mais de celui de Santé Canada.

¹  +-(1520)  

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Je crois que Jeff veut ajouter quelque chose.

+-

    M. Jeff Poston: C'est une excellente question pour ce qui est de la différence entre promotion et information.

    Pour être juste envers Santé Canada, il faut dire que le ministère est en train de préparer de nouvelles exigences pour ses monographies de produits. C'est notre association qui publie le CPP dont il a été question plus tôt. Le contenu du CPP constitue les monographies des produits officiellement approuvés par Santé Canada. Eh bien, le ministère envisage d'exiger que les manufacturiers préparent à l'intention des patients des dossiers d'information qui seront intégrés au CPP. Je pense donc pouvoir dire que nous avons normalisé l'information des patients dans une certaine mesure.

    En revanche, il n'y a pas de solution miracle. Les patients devront parler avec leur pharmacien et leur médecin au sujet de leur état, parce qu'il est très dangereux de se fier à des informations à caractère général. Rien ne remplacera jamais les bonnes discussions entre patients et médecins et pharmaciens au sujet des traitements à prendre et de ce qui peut fonctionner pour eux ou pas. En fin de compte, pour qu'une pharmacothérapie fonctionne il faut qu'elle soit adaptée aux besoins du patient et la seule façon d'y parvenir, c'est de faire directement participer les professionnels de la santé.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Avez-vous une autre question?

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette: Oui, s'il vous plaît.

    En ce qui a trait à la publicité, certaines recherches indiquent qu'il y a davantage de dollars en publicité qu'il n'y en a en recherche pour les médicaments. Cela m'inquiète beaucoup et je ne pense pas être le seul. C'est une observation.

    J'ai de la difficulté à concilier le rôle du pharmacien, qui peut être aussi bien consultant que consulté, et le rôle du pharmacien virtuel, comme je l'appelle, soit celui sur Internet. N'y a-t-il pas un risque de surconsommation ou encore un risque que l'ordonnance soit émise sans qu'il y ait eu un échange? L'Internet, c'est assez en ligne. Aussi bien M. Poston que M. Thomson ont mentionné que le rôle du pharmacien est celui de consulter et d'échanger avec le patient. Sûrement que M. Troszok peut répondre à cette question.

[Traduction]

+-

    M. Andy Troszok: Oui, je vais répondre à cette question.

    Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100 pour dire que les pharmacies qui vendent sur Internet ne permettent pas aux patients d'accéder aux médecins ou aux pharmaciens et, quant à moi, il s'agit d'actes illégaux, illégitimes et non professionnels qui ne devraient pas exister. Ce n'est pas cette industrie que nous représentons. Nous représentons les pharmacies qui vendent par correspondance, des pharmacies canadiennes licenciées. Nous téléphonons à chacun de nos patients pour leur offrir la possibilité de s'entretenir avec un pharmacien afin d'obtenir des conseils sur les médicaments à prendre à long terme. Nous pharmaciens sont en contact avec des pharmacies et avec des médecins aux États-Unis afin d'offrir un service continu. Nous ne vendons pas de narcotiques. Nous ne vendons pas de médicaments utilisés dans les soins aigus. Nous ne vendons que des médicaments salutaires d'entretien utilisés dans les maladies chroniques. Nos patients peuvent appeler un numéro 1-800 de n'importe où pour parler avec un de nos pharmaciens.

    Au congrès de l'ACSP de cette année, à Vancouver, j'ai présenté certaines techniques novatrices qu'utilisent nos pharmaciens pour communiquer avec des patients sans que ceux-ci aient à quitter le confort de leur résidence. Nous estimons qu'il s'agit d'une technologie de pointe permettant aux pharmaciens d'offrir des soins de santé.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Y a-t-il une autre question?

+-

    M. Gilbert Barrette: Je cherche juste à mieux comprendre. Dans votre document, vous avez mentionné qu'ils n'ont plus besoin de voyager en autocar, que vous allez compléter leurs ordonnances et qu'ils peuvent le faire en ligne.

¹  +-(1525)  

[Traduction]

+-

    M. Andy Troszok: Le système en ligne ne nous sert qu'à faire de la publicité, tout comme n'importe quelle organisation de pharmacies au Canada se sert d'Internet pour annoncer son existence – Shoppers Drug Mart le fait en permanence – et les gens peuvent se servir des sites pour nous envoyer leurs renseignements personnels.

    L'Internet est un tout petit élément de notre vaste pratique. Nous offrons un service de pharmacie par correspondance. Les soins des patients sont notre priorité et nous y veillons. En défense du système, j'affirmerai que nous offrons des soins d'un niveau aussi élevé que n'importe quelle pharmacie moyenne au Canada, pour ne pas dire plus élevé.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Avez-vous d'autres questions? Cela termine votre intervention.

    M. Brian Masse.

[Traduction]

+-

    M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.

    Je vais adresser ma première question au Conseil consultatif de publicité pharmaceutique. Dans quelle proportion Santé Canada donne-t-elle suite à vos recommandations? Avez-vous des statistiques relatives aux avertissements ou aux plaintes et aux mesures prises?

+-

    M. Ray Chepesiuk: Vous voulez parler des mesures prises par Santé Canada. Un peu plus tôt cet après-midi, quelqu'un a dit que le fonctionnement de Santé Canada ressemblait à un trou noir.

Nous avons amélioré les communications pour obtenir des rétroactions de Santé Canada. Dans le passé, il nous est arrivé d'adresser des plaintes au ministère et de ne jamais savoir ce qu'il en était advenu. Nous n'avions pas de résultats. Au cours de l'année dernière. les agents chargés de la conformité ont commencé à nous écrire pour nous expliquer ce qu'ils avaient fait, mais ce n'est pas rapide.

Nous disposons d'un délai de 15 jours pour donner suite à une plainte. Cela fait cinq ans que je suis commissaire et j'ai envoyé à Santé Canada trois cas de non-conformité accompagnés des recommandations du CCPP, pour demander une intervention. Nous avons envoyé d'autres plaintes sur les publicités directes au consommateur, sur la publicité par Internet et sur la publicité durant une période de préavis de conformité.

    Je vais vous donner un exemple récent. Le 15 octobre dernier, j'ai reçu une lettre d'un agent de la conformité de Santé Canada dans laquelle on m'indiquait que la compagnie avait pris les mesures correctives appropriées. J'avais envoyé ma lettre de plainte à Santé Canada le 10 janvier 2003. Il n'est pas rare qu'il nous faille attendre deux mois, mais un cas de publicité directe au consommateur a nécessité une année complète. J'ai reçu une lettre à ce sujet et je ne savais absolument pas ce dont il était question, parce que ma requête était déjà vieille d'un an.

    Je ne dirai pas que le CCPP est entièrement parfait, mais si, dans notre relation avec Santé Canada, le ministère nous appuie parfaitement, nous pouvons résoudre la plupart des cas.

    Vous savez peut-être que la Loi sur les aliments et drogues prévoit une amende de 5 000 $ ou une peine d'emprisonnement en cas de publicité trompeuse. Ce sont les choix que nous avons. Ce sont des options. Pour faire respecter la loi, Santé Canada doit traîner des gens en cour et appliquer la démarche juridique.

    Le processus que nous appliquons n'est pas fondé en droit. Nous pouvons faire preuve de souplesse dans notre intervention et recourir à d'autres solutions. Vous savez, la pire pénalité que vous puissiez imposer à une compagnie est de la dénoncer publiquement. Si vous dénoncez ce qu'elle fait publiquement, elle ne l'apprécie pas, parce que ce n'est pas bon pour son avenir commercial.

    Je crois savoir que Santé Canada se penche sur le processus d'application à l'occasion de la révision de la loi. Nous avons été consultés relativement aux autres méthodes de règlement des plaintes, c'est-à-dire sur la façon d'imposer des pénalités et sur la gradation des pénalités à imposer. Cela fait actuellement défaut dans le système. C'est tout ou rien.

+-

    M. Brian Masse: Personnellement, j'ai l'impression que votre organisation a davantage besoin de se réinventer que de se renouveler.

    Permettez-moi d'enchaîner; dites-moi, qui finance votre organisation ou plutôt comment gérez-vous votre...?

+-

    M. Ray Chepesiuk: Elle est financée par la rémunération des services que nous rendons. Nous émettons des avis et les compagnies ou les clients nous paient en retour. Nous avons un barème pour chaque type d'examen que nous effectuons. Nous exigeons aussi des honoraires pour nos opinions. Nous dispensons des séances de formation aux compagnies, séances que nous faisons payer.

+-

    M. Brian Masse: Ne serait-il pas plus intéressant de disposer d'un organisme indépendant financé par les fonds publics? J'ai l'impression que nous sommes en présence d'un conflit d'intérêt. Je me tourne vers vous pour obtenir une opinion sur ma publicité et je dois vous payer pour cela. Finalement, vous dépendez de ce processus pour être financé.

+-

    M. Ray Chepesiuk: N'oubliez toutefois pas que Santé Canada avalise le processus et que, sans cet aval, le ministère peut tout arrêter. Si cela se passait, notre organisation n'existerait plus. Si le ministère n'avalisait pas le processus, personne ne s'adresserait à nous. Tout serait gratuit.

¹  +-(1530)  

+-

    M. Jeff Poston: J'ai une remarque à faire à ce sujet. Vous vous rappelez sans doute que la publicité n'est qu'une des sources auxquelles ont accès les médecins de famille et les pharmaciens pour prendre leurs décisions relatives aux médicaments prescrits.

    L'un des très importants programmes de gestion de la pharmacothérapie que nous avons élaboré au Canada est ce qu'on appelle la formation continue en pharmacothérapie, formation dans le cadre de laquelle des pharmaciens – dans certains cas il a aussi s'agi d'infirmières qualifiées – aident les médecins à rédiger leurs ordonnances conformément aux guides de pratique clinique.

    Ce que nous réclamons en fait, dans notre présentation, c'est qu'une partie de l'argent disponible dans le fonds de réforme de la santé soit investie dans des programmes de gestion de la pharmacothérapie pour que les professionnels de la santé puissent contribuer à l'amélioration des décisions relatives aux pharmacothérapies plutôt que de devoir s'en remettre à la publicité comme principale source d'information.

+-

    M. Brian Masse: Une brève question, monsieur le président. Excusez-moi, mais je devrai partir après cela.

    Ma question s'adresse à la Canadian International Pharmacy Association. Vous avez dit que l'on manquait de pharmaciens. C'est ce que vous indiquez dans votre mémoire. Vous avez déclaré qu'il y a pénurie de pharmaciens. Que pourrions-nous faire pour améliorer cette situation et pour offrir des débouchés d'emploi?

    Deuxièmement, j'aimerais au moins entendre votre version des faits sur ce que nous pourrions faire pour atténuer les craintes des Canadiens qui pensent ne pas pouvoir recevoir de médicaments appropriés parce que des pharmacies offrent des services par correspondance ou par Internet?

+-

    M. Andy Troszok: Je peux répondre à cette question. Tout d'abord, nous devons nous pencher sur la question de l'efficacité des pharmacies. Grâce à nos services de vente par correspondance, nous avons pu nous inscrire en prolongement de certains hôpitaux qui exécutent les ordonnances de façon centralisée.

    Nos pharmaciens ne sont plus confinés à un rôle technique qui consiste à compter puis à remettre cachets et pilules, parce que nous leur confions un rôle clinique qui les amène à faire des vérifications ou à appeler les patients. Steve Long, qui est responsable des services hospitaliers de l'Autorité de santé régionale de Calgary, vient juste de déplacer 32 pharmaciens qui n'étaient que des distributeurs de cachets pour leur confier une mission auprès des médecins. Nous suivons un processus à peu près identique.

    J'ai rencontré Gary Mar, le ministre de la Santé de l'Alberta. Il m'a dit : «Que pourriez-vous faire pour notre province? Peu m'importe ce que vous faites chez les Américains, je veux savoir ce que vous faites chez nous.» Ce que nous voulons faire, c'est offrir des services de distribution de médicaments d'entretien dans les régions éloignées de l'Alberta – et dans le reste du Canada – et voir comment nous pouvons travailler avec les grandes organisations pour être plus efficaces.

    Comme Jeff Poston l'a dit, on critique sans cesse les pharmacies parce qu'après avoir obtenu leur diplôme au bout de cinq ans d'études spécialisées, ils sont confinés à compter des cachets. Le processus ne change pas. Les pharmacies qui sont ouvertes 24 heures sur 24 ne font que stimuler la demande en services de pharmacie. Je crois que nous devons réévaluer tout cela. J'estime qu'il nous faut confier des rôles plus valorisants aux pharmaciens.

    J'estime aussi que nous devons leur offrir d'autres possibilités. Certaines statistiques montrent qu'après cinq ans de pratique, 30 à 40 p. 100 des pharmaciens quittent les pharmacies communautaires. Pourquoi cela? À cause des conditions de travail? Parce que les sociétés qui les emploient sont la propriété de non-pharmaciens qui leur dictent ce que eux doivent faire? Parce que les pharmaciens exercent au sein de grandes chaînes où la pharmacie est le département le moins important du magasin?

    Les raisons sont multiples. J'estime que nous devons faire preuve de novation, que nous devons être créatifs. Rien ne pourra étouffer les idées nouvelles d'un pharmacien. Les grandes sociétés multinationales ne peuvent certainement pas les réprimer en leur disant «Ce n'est pas bien, cela limite nos profits».

    Quant à votre deuxième question, elle concerne les résultats nets. Comme Ruth l'a dit, des compagnies pharmaceutiques viennent la voir pour lui dire : «Il faut arrêter cela, sans quoi nous allons augmenter nos prix». Nous devons respecter notre politique en matière des prix au Canada et notre système de négociation par le truchement du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Regardez ce qui s'est passé en Europe, il y a 15 ans, dans le domaine de l'importation. Cela nous montre que le système peut fonctionner et que tout le monde peut en bénéficier.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci. Cela termine l'échange avec notre collègue du NPD. Nous donnons maintenant la parole à Mme Brown.

[Traduction]

+-

    Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup.

    J'ai l'impression d'être Alice au pays des merveilles ou quelque chose du genre, parce que les témoins ne cessent de nous répéter des soi-disant mauvaises nouvelles : ce sont de mauvaises nouvelles ce que nous entendons aujourd'hui, puisqu'on nous dit qu'il n'y a pas de débouchés d'emplois pour les pharmaciens au Canada; ce sont de véritables mauvaises nouvelles que les Américains veuillent acheter nos produits canadiens; et ce sont de véritables mauvaises nouvelles que notre balance commerciale penche dans le bon sens.

    En fait, la seule mauvaise nouvelle pour moi, c'est que les multinationales, qui contrôlent l'approvisionnement des produits pharmaceutiques au Canada, nous menacent. Elles nous menacent en nous disant que les Canadiens n'auront plus suffisamment de médicaments s'ils continuent d'agir ainsi.

    Pourquoi feraient-elles cela? Pourquoi une compagnie voudrait-elle ne plus nous vendre de produits?

    Elles estiment qu'elles sont en train de vendre la même quantité de produits au Canada où le prix est réglementé qu'aux États-Unis où il ne l'est pas. Plutôt que de vendre un cachet à 80 ¢ l'unité au Canada, elles le vendent aux États-Unis à un dollar.

    Et puis, nous nous mettons à penser à nos obligations internationales – non pas que je m'estime entièrement responsable envers les Américains, parce qu'en fait ils ont les problèmes qu'ils se sont eux-mêmes créés. Les Américains ne réglementent pas le prix des produits pharmaceutiques. Ils ont des gens qui n'ont aucune assurance en la matière, comme chez nous, mais ils en ont bien plus qu'ici. Ici, les pauvres peuvent au moins acheter des médicaments à un prix abordable.

    Et voilà que les multinationales viennent nous intimider, comme elles l'ont fait en Afrique du Sud en menaçant de ne plus fournir de médicaments pour le sida, ce qui les a amenées à traîner ce pays devant un tribunal. Je ne comprends même pas pourquoi nous cédons à ce genre de menace.

¹  +-(1535)  

+-

    M. Jeff Poston: Je vous dirai ceci : si, dans n'importe laquelle des provinces que vous représentez, 20 p. 100 de vos médecins servaient une clientèle américaine plutôt qu'une clientèle canadienne, vous envisageriez la chose de façon différente.

+-

    Mme Bonnie Brown: J'étais au Manitoba, et les gens n'ont jamais rien dit de ce que font 20 p. 100 des médecins.

+-

    M. Jeff Poston: Selon une statistique, 20 p. 100 des pharmaciens du Manitoba vendent de façon quasiment exclusive des médicaments prescrits à des clients américains.

    Vous pourriez reprendre le même argument et l'appliquer à l'autre côté de la frontière. Devrions-nous exporter notre système de soins de santé vers les États-Unis? Si nous le faisions, nous priverions une partie de la population canadienne de ce genre de services.

    Vous avez parlé de nos obligations internationales. Eh bien, parmi les défis auxquels nous sommes confrontés ici, il y a le fait que le processus réglementaire et la tarification des médicaments sont éminemment nationaux. Jusqu'ici, nous n'avons pas encore pleinement cerné la question de la transparence qu'internet a instaurée en matière de prix des médicaments. Autrement dit, nous ne disposons pas encore de mécanismes qui nous permettent de nous lancer sur les marchés mondiaux dans le domaine des produits pharmaceutiques. Nous travaillons encore sur des marchés nationaux isolés, dans le cadre de régimes nationaux de réglementation des médicaments pour le plus grand bénéfice de nos citoyens, régimes nationaux qui contrôlent et réglementent les prix.

    Dans ce genre de situation de commerce parallèle, ce que M. Troszok a dit au sujet du problème vécu en Europe est très intéressant.

    Dans son rapport, l'Institut Fraser – et je ne suis pas un inconditionnel de cet institut – présente de façon très intéressante le problème que peut constituer le commerce parallèle, mais il nous ramène à nos obligations internationales en vertu de l'ALENA.

    Le commerce parallèle qui se déroule actuellement avec les États-Unis enfreint-il l'ALENA? Quelles sont nos obligations en vertu de l'ALENA?

+-

    Mme Bonnie Brown: Je pensais que l'ALENA était sensée permettre ce genre de chose. Vous pouvez être certains d'une chose, c'est que si le prix d'un produit quelconque était moins élevé aux États-Unis qu'au Canada et que nos compatriotes traversent la frontière en voiture pour aller en prendre livraison ou fassent une commande par la poste pour se le faire envoyer au Canada, il n'y aurait de levée de bouclier ni chez les Américains, ni chez nous.

+-

    M. Jeff Poston: D'un autre côté, il y a l'argument qu'avancent les Américains. Personnellement, je prétends qu'il faut se méfier de leurs allégations parce qu'ils citent une clause de l'ALENA concernant la protection de la propriété intellectuelle, clause qu'ils prétendent être enfreinte par le commerce parallèle.

    Je ne suis pas ici pour défendre l'Institut Fraser.

+-

    Mme Bonnie Brown: J'aimerais que M. Troszok ou M. Myers réponde à mes questions et réagisse à votre intervention.

+-

    M. Andy Troszok: Eh bien, vous soulevez les mêmes questions que nous et c'est pour cela que nous avons l'impression d'offrir un service valable aux patients américains.

    En revanche, je conteste la notion des 20 p. 100. J'ai dit que, sur les 8 300 pharmacies licenciées au Canada, 120 se livrent à ce genre d'activité dont 90 p. 100 à l'échelle canadienne et à l'échelle internationale. Je ne vois pas d'où viennent les 20 p. 100 de ressources que nous consacrons à ce genre de pratique.

    En revanche, le commerce parallèle permet à des pharmaciens indépendants, qui se sont démenés pour survivre et pour offrir des services cliniques à des patients canadiens, de pouvoir faire concurrence aux pharmacies multinationales et de réussir dans les régions urbaines ou les régions rurales.

    Monsieur Poston, j'aimerais que vous me montriez d'où viennent les 20 p. 100 de médecins ou de pharmaciens qui se consacrent exclusivement à la prestation de services de prescription à l'échelle internationale. Il n'y a aucune preuve qui aille dans ce sens.

¹  +-(1540)  

+-

    Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup.

    J'ai deux autres questions à poser. Je ne vois pas pourquoi M. Chepesiuk affirme que l'examen préalable des publicités donne de bons résultats, puisqu'il n'est pas obligatoire. Quand une société annonce dans des magazines ou par voie de bulletins, et qu'il s'agit de publicités que vous n'avez pas autorisées d'avance parce qu'elles ne vous ont été soumises, on n'en entend pas parler avant que quelqu'un s'en plaigne. Comme personne ne semble savoir, à part peut-être ce groupe de témoins, qu'il est possible de se plaindre au sujet d'annonces de produits pharmaceutiques qui sont contraires aux règles, personne ne proteste.

    Vous avez également déclaré que vous appliquez la politique. Je ne dis pas que vous ne faites pas un bon travail dans la limite des paramètres que vous avez indiqués. Je sais que vous faites du bon travail, mais vous ne pouvez faire respecter une politique sans disposer d'un mécanisme assorti de sanctions. Nous avons cru comprendre que Santé Canada essaie d'obtenir la conformité volontaire, plutôt que de l'imposer par l'application de sanctions.

+-

    M. Ray Chepesiuk: C'est tout à fait ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que nous avons demandé à Santé Canada, à l'occasion du réexamen de la loi, d'améliorer les mesures d'application d'un point de vue réglementaire et législatif.

    Pour tout vous dire, Santé Canada n'a pas vraiment le pouvoir d'imposer des pénalités véritables. Pour l'instant, nous imposons des pénalités que les sociétés n'honorent pas. De plus, la destruction de produits et l'expédition de lettres énonçant les mesures correctives coûtent cher.

+-

    Mme Bonnie Brown: Mais quand on songe aux énormes budgets dont disposent les compagnies pharmaceutiques, au fait qu'elles peuvent faire passer des annonces dans les journaux pendant une semaine... Pensons, par exemple, à l'encart paru dans le Globe and Mail que le témoin précédent nous a montré.

+-

    M. Ray Chepesiuk: Permettez-moi de vous corriger sur un point. Nous n'examinons pas les publicités destinées aux consommateurs. C'est parfois une chose que conçoivent mal les gens qui disent ne pas savoir où s'adresser pour se plaindre.

    Nous examinons les publicités qui sont destinées aux professionnels de la santé. C'est cela notre mandat.

+-

    Mme Bonnie Brown: Ah bon, mais cela ne nous a pas été expliqué ainsi. On nous a laissé entendre que vous vous occupiez de n'importe quel genre de publicité. En fait, vous avez pour mandat d'autoriser les publicités qui s'adressent aux professionnels, mais les compagnies pharmaceutiques peuvent annoncer ou faire des publicités de rappel à l'intention du public, sans avoir à se soumettre à un processus d'agrément.

+-

    M. Ray Chepesiuk: Aucun code n'impose d'obtenir une autorisation préalable dans ce cas. Ce n'est pas dans notre code.

+-

    Mme Bonnie Brown: Étiez-vous présent lors de l'exposé de M. Young?

+-

    M. Ray Chepesiuk: Oui!

+-

    Mme Bonnie Brown: Dans son témoignage, il a en quelque sorte résumé tout ce que nous avons entendu dans notre tournée du pays. Untel aura pu insister sur deux des arguments de M. Young, untel sur deux autres, mais ce témoin a tout synthétisé dans son intervention, parce qu'il est très sérieux dans ce qu'il fait.

    Estimez-vous que les publicités qui vous sont soumises ajoutent vraiment quelque chose, sans distorsion, à l'information dont dispose déjà le consommateur ou pensez-vous au contraire que celui-ci serait mieux informé par un petit dépliant que lui remettrait son pharmacien en même temps que ses médicaments?

    Je ne vois pas ce que font vraiment ces publicités, si ce n'est que de stimuler l'imagination des gens.

+-

    M. Ray Chepesiuk: Soyons clair. Est-ce que vous parlez de publicité aux consommateurs ou de publicité aux professionnels de la santé? Ce sont deux choses bien différentes.

+-

    Mme Bonnie Brown: Nous sommes bien sûr préoccupés par les deux aspects, mais la question qui nous intéresse directement aujourd'hui est celle de la publicité aux consommateurs.

    Même pendant votre exposé, je n'ai pas compris que vous ne vous intéressez qu'aux publicités destinées aux professionnels. Santé Canada nous a donné l'impression que vous pré-autorisez toutes les publicités.

+-

    M. Ray Chepesiuk: Ce n'est pas le cas.

+-

    Mme Bonnie Brown: C'est ce qu'on nous a dit.

    N'est-ce pas ce que vous avez compris, monsieur le président?

+-

    M. Ray Chepesiuk: Nous émettons des avis au sujet des publicités directes au consommateur, parce que Santé Canada nous a récemment demandé de le faire.

    Pour tout vous dire, en 1996, le ministère a mis sur pied un atelier de consultation chargé d'examiner les publicités directes au consommateur, mais rien depuis lors n'a changé dans la loi. Ce qui a changé, c'est le marché.

+-

    Mme Bonnie Brown: Estimez-vous qu'il faille s'adresser aux professionnels par voie de publicité dans leurs magazines et revues ou que ces publicités sont uniquement destinées à faire vivre ces imprimés?

¹  +-(1545)  

+-

    M. Ray Chepesiuk: Du point de vue de l'annonceur, la publicité sert à influencer.

+-

    Mme Bonnie Brown: Tout à fait.

+-

    M. Ray Chepesiuk: C'est fondamentalement ce à quoi sert la publicité.

    Mais la publicité est aussi la meilleure source de sensibilisation. Si tel n'était pas le cas, pourquoi verrait-on autant de panneaux «Canada»? Le gouvernement du Canada a lui-même énormément recours à la publicité. J'étais récemment au SkyDome pour une partie de base-ball, et j'ai vu le panneau «Canada» sur la clôture du champ droit. Je me suis alors demandé pourquoi on voulait me vendre le gouvernement du Canada pendant une partie de base-ball? En fait, on voulait simplement me sensibiliser au fait que quelqu'un, quelque part fait quelque chose pour moi. Je suppose que c'est à cela que sert la publicité du gouvernement du Canada.

    Il en va de même pour les compagnies pharmaceutiques qui veulent sensibiliser le lecteur à l'existence de leurs produits et qui fournissent en même temps suffisamment d'informations sur les avantages qu'ils procurent. Nous pourrions vous montrer des publicités qui sont relativement informatives, notamment à propos de la sécurité des médicaments. C'est un des rôles que nous jouons à l'étape de l'autorisation préalable : nous cherchons à garantir un juste équilibre dans les publicités qui paraissent.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Ce sera votre dernière question.

+-

    Mme Bonnie Brown: Ce ne sera pas une question, mais un commentaire que je vais vous adresser, monsieur le président.

    Tout d'abord, j'ai l'impression que Santé Canada ne nous a pas brossé un portrait très clair de la situation. On nous a laissé entendre que toutes les annonces, pas uniquement celles qui s'adressent aux professionnels, sont soumises au processus d'examen préalable.

    Il y a toute la question de la sensibilisation du lecteur, mais d'après la plupart des témoins que nous avons entendus, la publicité est partiale et elle ne donne pas une bonne idée de la situation. Les publicités que nous avons relevées dans les magazines ne donnent pas une bonne idée des produits, il ne s'agit pas d'informations, mais simplement de publicité pour faire mousser les ventes.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Je crois que nous devrons réinviter les gens de Santé Canada.

+-

    Mme Bonnie Brown: Tout à fait.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Castonguay, vous pouvez poser une dernière question, s'il vous plaît.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Merci beaucoup, monsieur le vice-président. Encore une fois, votre présence ici est très importante pour nous.

    Madame Croteau, vous nous avez dit qu'on mettait peut-être un peu trop l'accent sur l'accès aux médicaments et qu'on devrait plutôt mettre l'accent sur l'accès aux thérapies appropriées. Je crois que votre remarque est très appropriée et je vous remercie d'avoir apporté cette nuance au comité; nous allons sûrement en tenir compte maintenant.

    Vous avez également parlé de l'importance d'une plus grande collaboration entre les professionnels de la santé. On entend cela assez souvent. Personnellement, je crois à l'importance d'une approche en équipe en matière de soins de santé. Au point de vue pratique, cependant, comment y arrive-t-on? Comment arrive-t-on à cette plus grande collaboration entre les différentes professions? Très souvent entre des individus de différentes professions, il semble y avoir des espèces d'ententes pratiques locales--je suis moi-même médecin et j'ai vu cela régulièrement--, mais lorsque les professions se parlent, il semble qu'il y ait des accrochages et que cela ne veuille pas prendre son envolée.

    Avez-vous des suggestions dans ce sens-là? Qu'est-ce que vous faites ici, en Ontario, dans ce sens-là? Avez-vous des discussions avec l'association médicale ou l'association infirmière ou d'autres associations de professionnels de la santé? Nous, du côté du gouvernement canadien, que pouvons-nous faire pour favoriser une telle collaboration? Je ne crois pas qu'on puisse légiférer sur cela, à moins que vous nous suggériez de prendre cette approche. J'aimerais entendre vos commentaires.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): À qui s'adresse votre question, monsieur Castonguay?

+-

    M. Jeannot Castonguay: À Mme Croteau, monsieur le vice-président.

[Traduction]

+-

    Mme Della Croteau: Je pense effectivement que ce problème doit être réglé par le biais de la formation. En regroupant pharmaciens, infirmières et médecins dans nos séances de formation, en examinant les rôles de chacun et en apprenant aux participants à appliquer un modèle de collaboration, nous pourrons reproduire la même chose au sein des collectivités.

    Comme nous sommes un organisme de réglementation ontarien – mais je pense que c'est la même chose dans toutes les provinces – nous avons affaire à un ensemble de lois qui régissent les différentes pratiques. Malheureusement, nous sommes en concurrence, chacun se disant «Ça, c'est mon travail, ça m'appartient,» plutôt que de se dire «Essayons de faire le mieux pour le patient».

    Il n'est pas rare que les pharmaciens doivent se démener pour obtenir les ordonnances des médecins, parce qu'à cause du système en place, pour rester dans les limites de la loi, nous ne pouvons délivrer de médicaments que sur présentation d'une ordonnance de médecin. Les pharmaciens ne pourraient-ils pas, en collaboration avec les médecins, délivrer eux-mêmes des médicaments en tant que première étape? Plusieurs professionnels de la santé ne peuvent émettre des ordonnances différentes à différents patients. Nous devons tout regrouper à un niveau pour qu'il n'y ait qu'un seul dossier de santé et que tout le monde puisse avoir accès à ce dossier.

    C'est donc un modèle difficile à élaborer au sein d'une collectivité. Dans une petite collectivité, les choses peuvent bien se passer, mais ce peut-être beaucoup plus difficile à Toronto, par exemple, parce qu'un pharmacien peut être appelé à honorer l'ordonnance d'un médecin qui travaille dans un hôpital universitaire du centre-ville, pour un patient d'Oakville.

    J'estime qu'un grand nombre de praticiens de première ligne pourraient offrir ce genre de service, mais il faut, avant tout, que les autres professionnels de la santé soient tenus au courant de ce qui se passe. C'est ce que la nouvelle loi essaie de régler. Ainsi, les professions devraient être moins cloisonnées, mais le problème n'est pas encore réglé, il existe encore des débordements d'une pratique sur l'autre et nous nous battons entre nous plutôt que de nous demander comment nous pourrions collaborer afin d'offrir de meilleurs soins aux patients.

¹  +-(1550)  

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je suis très conscient que cela demande évidemment un changement de culture au niveau de chacune de nos associations respectives. Présentement, d'un point de vue pratique, est-ce que vous voyez des discussions? Est-ce que c'est sur l'écran radar des différentes associations? Il faudrait au moins en parler et s'entendre pour mettre le client, le Canadien qui a besoin de soins, au centre de nos intérêts. On prétend tous être là pour le patient, mais d'un point de vue pratique, je ne suis pas sûr que nos associations... J'aimerais savoir si les associations en discutent.

    Comme individu, très souvent, dans un contexte un à un, je pouvais parler avec le pharmacien ou avec l'infirmière, et on faisait des de petites ententes ensemble afin, puisqu'on travaillait pour atteindre le même objectif, de ne pas se marcher sur les pieds et d'échanger de l'information.  Mais à l'échelle des associations, est-ce qu'on en discute?

    Ma question s'adresse à n'importe qui veut y répondre.

[Traduction]

+-

    M. Jeff Poston: Nous avons émis une déclaration conjointe avec l'Association médicale canadienne et l'Association des pharmaciens du Canada relativement à l'optimisation des pharmacothérapies. Cela remonte à cinq ans maintenant et nous envisageons de la réviser, parce qu'il y est question du rôle respectif des pharmaciens et des médecins relativement à l'optimisation des pharmacothérapies.

    Nous envisageons de revoir et de réviser ce texte afin de tenir compte des problèmes que soulève la constitution d'équipes de soins primaires. Comme Mme Croteau le disait, nous envisageons cela pour l'avenir.

    Par ailleurs, nous venons juste de lancer des discussions avec l'Association médicale canadienne au sujet des ordonnances en ligne et de la manière dont nous devons nous y prendre pour exploiter pleinement cette technologie de l'information afin, nous l'espérons, de régler une grande partie des problèmes dont votre comité a entendu parler, c'est-à-dire la nécessité de transmettre rapidement aux médecins et aux pharmaciens toute information relative aux effets néfastes et aux effets secondaires des médicaments et la nécessité de faire circuler l'information pour que les patients obtiennent de meilleurs soins.

    Nous estimons donc que les technologies de l'information sont très prometteuses et nous avons entamé des discussions avec les médecins, au niveau de leur association nationale. Il demeure qu'il va nous falloir faire davantage de travail à l'échelon provincial.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Que pensez-vous que notre comité devrait recommander à Santé Canada ou au gouvernement afin d'aller dans ce sens?

+-

    M. Jeff Poston: Dans une certaine mesure, tout ce qui pourrait favoriser la constitution d'équipes de soins de santé primaires et de l'adoption de l'accord sur la santé constituerait une bonne première étape. L'accord sur la santé prévoit un cadre de politique assorti d'un mécanisme de financement pouvant faire débloquer les choses. J'estime donc qu'il serait important d'inciter les gouvernements à appuyer et à mettre en oeuvre l'accord sur la santé. Le cadre existe déjà.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Castonguay, est-ce que vous permettez qu'on arrête ici, ou si vous voulez poser une autre question?

+-

    M. Jeannot Castonguay: Non, merci. Je vais respecter votre direction, monsieur le vice-président.

+-

    Le vice-président (M. Réal Ménard): Vous êtes un homme à la fois charmant et compréhensif.

[Traduction]

    Je tiens à vous remercier de vous être rendus à notre invitation. Vous allez recevoir des exemplaires de notre rapport dès que la présidente l'aura déposé à la Chambre des communes. Je vous remercie beaucoup.

    Nous allons suspendre la séance pour un certain temps.

¹  +-(1555)  


º  +-(1613)  

+-

    La présidente: Je déclare la séance ouverte et j'accueille maintenant les représentants du ministère de la Santé et des soins de longue durée de l'Ontario, plus précisément le sous-ministre adjoint, direction des services de santé, David McCutcheon, et Susan Paetkau, directrice des programmes de médicaments.

    Vous avez la parole.

+-

    Dr David McCutcheon (sous-ministre adjoint, Direction des services de santé, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario): Merci beaucoup de votre invitation. Nous nous sentons privilégiés de pouvoir vous parler de certains des aspects liés au programme d'assurance-médicaments de l'Ontario dont s'occupe le ministère de la Santé de l'Ontario.

    Nous allons vous faire notre exposé après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vais inviter Susan Paetkau à commencer la présentation.

+-

    Mme Susan Paetkau (directrice, Direction des programmes de médicaments, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario): Bonjour.

    Le régime d'assurance-médicaments de l'Ontario couvre environ 20 p. 100 de la population de la province, mais nous payons tout de même un peu moins de la moitié du coût total des médicaments vendus sur ordonnance en Ontario. Nous assurons toutes les personnes âgées, les personnes qui bénéficient de soins à domicile et de soins dispensés dans les établissements de longue durée, et nous offrons aussi une couverture pour les médicaments onéreux que nous avons baptisée Trillium et qui varie en fonction du revenu des prestataires. Les personnes qui doivent acheter des médicaments très coûteux n'ont à assumer qu'une franchise oscillant entre 3 et 4 p. 100 de leur revenu.

    Comme les autres provinces, nous assurons toutes les personnes qui bénéficient de l'aide sociale, et elles sont environ 2 millions en Ontario. Nous payons en moyenne 1 200 $ par bénéficiaire. Les personnes âgées à faible revenu, celles qui bénéficient de soins à domicile ou de soins de longue durée en établissement, et les personnes handicapées doivent, en général, subir des coûts plus élevés que les personnes âgées ayant des revenus supérieurs ou que les personnes inscrites au programme Ontario au travail.

    Trillium est un programme intéressant. À l'heure où toutes les provinces envisagent de se doter d'une couverture pour médicaments onéreux, vous remarquerez que le prix moyen par bénéficiaire l'année dernière a oscillé aux environs de 1 400 $. Cependant, nous assurons tous les membres de la famille, dès qu'une famille est admissible à ce programme. En général, nous assurons celui ou celle qui doit assumer des coûts de médicaments très élevés et, par répercussion, deux, trois voire quatre autres membres de la même famille.

    Voici un aperçu de notre programme. Je vais laisser à David le soin de vous parler des thérapies les plus utilisées.

º  +-(1615)  

+-

    Dr David McCutcheon: Il y a tout d'abord les médicaments pour l'appareil cardiovasculaire. Dans ce cas, nous sommes tout autant préoccupés par la sous-utilisation de ces médicaments que par d'autres facteurs. Le plus important, c'est que les patients prennent comme il faut ce genre de médicaments afin d'éviter les complications pouvant être associées aux maladies cardiovasculaires.

    Nous sommes très préoccupés par le fossé qui existe dans les soins des maladies chroniques, surtout des maladies cardiovasculaires, mais nous nous préoccupons également du diabète et de l'hyperlipidémie parce que nous finissons par devoir traiter les complications de ces maladies. Nous sommes inquiets de voir qu'environ 30 p. 100 des patients ne prennent leurs médicaments hypolipédémiants trois années seulement après la première ordonnance. On peut donc parler d'un grave problème de sous-utilisation. Cette sous-utilisation nous préoccupe autant que la surutilisation que l'on peut constater dans le cas des antibiotiques, par exemple.

    Il convient, ici, de faire remarquer que les médicaments destinés à l'appareil gastro-intestinal, par exemple, sont particulièrement onéreux. Une grande partie des coûts que nous assumons est associée aux inhibiteurs de la pompe à protons. Comme vous le voyez, au fil des ans, on a noté une très forte augmentation à ce chapitre, puisque nous sommes passés de 206 millions de dollars en 2001 à 265 millions en 2002-2003. Il s'agit d'une augmentation très marquée et de la plus forte augmentation que l'on peut attribuer à des maladies seules. Nous sommes donc préoccupés par l'utilisation des médicaments et par leur prix.

    Pour le reste, je vous invite à consulter la diapositive numéro 4 de vos imprimés où vous pourrez constater que les médicaments destinés à l'appareil cardiovasculaire et ceux destinés au système nerveux central ont progressé de 14 p. 100, et qu'on enregistre 28 p. 100 de progression dans le cas des médicaments hors classification. Une grande partie de cette croissance est due au Plavix, qui est un médicament relativement nouveau destiné à combattre l'agrégation des plaquettes. Comme vous pouvez le voir, les médicaments gastro-intestinaux représentent une progression de 13 p. 100 et les autres accusent une augmentation également importante.

    Nous connaissons actuellement un taux de croissance annuel de 14 p. 100 à peu près, ce qui sollicite énormément le programme d'assurance-maladie.

º  +-(1620)  

    Susan.

+-

    Mme Susan Paetkau: Je vais vous donner une idée des coûts d'administration du programme.

    Au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons subi des taux de croissance d'environ 15 p. 100, après avoir connu des progressions légèrement inférieures dans la fin des années 90. Vous constaterez qu'il y a un creux en 1996-1997, époque où nous avons introduit le principe de la quote-part dans notre programme. Nous offrons actuellement l'un des programmes provinciaux les plus généreux. Les personnes âgées à revenu élevé doivent assumer une franchise de 100 $, puis des coûts de 6,11 $ par ordonnance. Tous les autres bénéficiaires ne paient que 2 $ par ordonnance, à l'exception de ceux inscrits à Trillium qui ont une franchise initiale correspondant à 3 ou 4 p. 100 de leur revenu. Ils doivent ensuite payer 2 $ par ordonnance. Voilà qui explique le fléchissement constaté dans la croissance à cette époque.

    Les augmentations marquées de 10 à 15 p. 100 constatées en 2000-2001 sont dues à l'arrivée de deux nouvelles catégories de médicaments – ou du moins à leur mise en marché et au fait que nous avons commencé à les rembourser dans le cadre d'un autre régime. Il s'agit de médicaments pour l'Alzheimer et des COX-2 qui sont des agents anti-inflammatoires. Nous nous attendons à ce que ce genre de progression des prix se poursuive dans l'avenir et elle pourrait même s'accélérer si nous consentons des augmentations de prix des médicaments, ce que nous n'avons bien sûr pas prévu dans notre régime, ou si de nouveaux médicaments vedettes venaient envahir le marché.

    Vous constaterez, à partir des détails que je vous ai donnés plus tôt, que nous recueillons quelque 300 millions de dollars en quote-part.

    La page suivante vous donne les projections détaillées de nos coûts. Comme vous pourrez le constater, le PMO qui couvre les personnes âgées et les personnes soignées à domicile ou dans des établissements de soins de longue durée, représente le volet le plus important de notre programme. Nous nous attendons, cette année, à devoir dépenser 2 milliards de dollars pour ces bénéficiaires. Trillium est un volet relativement peu important de nos dépenses, puisqu'il représente environ 150 millions de dollars cette année, même s'il progresse à raison de 25 p. 100 par an. Nous l'avons lancé en 1995-1996 et avons connu depuis une progression de 25 p. 100 par an.

    Le programme des médicaments spéciaux est un reliquat du passé. Il s'agit d'un programme axé sur la maladie qui assure certains médicaments. Nous n'avons ajouté aucun médicament ni aucune maladie aux listes que nous avions dressées au début des années 90, car les médicaments les plus récents sont maintenant couverts par notre programme Trillium.

    Vous constaterez qu'avec tous ces programmes, nous avons dépensé un peu plus de 2 milliards de dollars l'année dernière et nous nous attendons à dépenser plus de 3 milliards par an pour les trois prochaines années.

    Pour les bénéficiaires de l'aide sociale, nous consacrons environ 500 millions de dollars. Il s'agit-là d'une réduction notoire par rapport au milieu des années 90, parce que l'économie s'est ressaisie, mais aussi parce que nous imposons des critères beaucoup plus stricts pour assurer les personnes inscrites à l'aide sociale en Ontario.

    Nous allons maintenant vous parler un peu du prix des médicaments dans les différentes catégories abordées jusqu'ici. Nous revoyons les prix au fur et à mesure de l'inscription de nouveaux médicaments au formulaire et nous les comparons à ceux des produits existants afin de déterminer si nous allons les inscrire ou pas. Cette activité tient également compte de l'efficacité comparative des médicaments et de leur rentabilité.

    Les produits de marque sont essentiellement réglementés par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés dont nous acceptons toutes les décisions. Pour les médicaments à sources multiples, nous appliquons notre propre politique qui consiste à rembourser les produits génériques à hauteur de 70 p. 100 du prix des produits de marque et nous exigeons que le second générique ne coûte que 63 p. 100 du prix d'un médicament de marque déposée. Les troisième et quatrième génériques sont au même niveau.

    Il n'existe actuellement aucun mécanisme, ni fédéral ni provincial, pour les produits non brevetés provenant de source unique. Nous avons assisté à une certaine croissance au cours de la dernière décennie dans ce domaine et nous nous attendons à ce que la progression se poursuive sans le bénéfice d'une réglementation.

    Comme je le disais plus tôt, nous appliquons depuis 1994 une politique de gel des prix et nous n'acceptons aucune augmentation de prix des produits. Nous n'envisageons de consentir d'augmentation que si une compagnie nous consent une compensation sous la forme d'une réduction appliquée à un autre produit de valeur égale. En général, toutefois, il n'y a pas d'augmentation de prix. D'ailleurs, au cours des trois dernières années, il nous a été très difficile de faire respecter cette politique, surtout à la faveur du débat qui a cours aux États-Unis et de l'apparition des pharmacies sur Internet.

    Nous sommes passés d'un non-respect des prix d'environ 3 p. 100 à 16 p. 100 l'année dernière et nous savons que cette proportion est sans doute plus élevée encore parce que les pharmaciens absorbent eux-mêmes une partie des augmentations. Ces niveaux correspondent à la période qui a précédé l'augmentation des prix généralisée ou sélective décrétée par les compagnies pharmaceutiques.

    Nous avons un comité multipartite qui examine actuellement la question de l'évolution des prix à l'occasion de l'examen global de notre programme. L'année dernière, nous avons rencontré les industries des produits de marque et les industries des produits génériques. Nous nous attendons à devoir composer avec cela dans l'année à venir.

    Nous estimons que le gouvernement fédéral pourrait faire preuve de leadership du côté des produits non brevetés, qu'ils soient à source unique ou multiple. Il a été admis, dans le cadre de l'accord sur la santé, que les provinces devraient collaborer avec le gouvernement fédéral dans le domaine de l'établissement des prix.

    Pour ce qui est de l'approbation de nouveaux médicaments, vous savez parfaitement que le gouvernement fédéral envisage la sécurité et l'efficacité des nouveaux médicaments par rapport aux données recueillies sur les placebos. Quand nous envisageons de coucher un produit sur le formulaire, nous tenons compte de données comparatives d'efficacité, de sécurité et de rentabilité. Autrement dit, nous examinons les autres produits comparables existants dans le formulaire, mais les mécanismes économiques dans le domaine des produits pharmaceutiques sont tels que les médicaments peuvent permettre de réaliser des économies en aval, que ce soit sous la forme d'autres produits, de séjours en hôpital, de visites aux salles d'urgence, etc.

    En règle générale, quand un manufacturier veut faire inscrire un produit dans notre formulaire, il doit nous adresser une demande. Nous nous fondons sur les avis du comité d'appréciation des médicaments et des thérapeutiques, comme nous le faisons depuis le milieu des années 70. Nous examinons donc les nouveaux produits, non seulement pour ce qui est des entités chimiques nouvelles et de l'extension des gammes existantes, mais nous revoyons aussi les produits existants sur le formulaire afin d'actualiser nos listes et de mettre à jour les données concernant les médicaments.

    À la suite des changements apportés au cours des trois dernières années, où l'on a assisté à un effort déterminé en vue d'améliorer certaines activités fédérales-provinciales, nous ne revoyons plus que 20 p. 100 environ des produits génériques. Nous nous en remettons essentiellement à l'examen des bioéquivalents réalisé par Santé Canada. Dans le courant de la prochaine année, nous allons essayer de tout harmoniser.

    Nous participons aussi très activement au processus d'examen des médicaments d'emploi courant. Nous souhaitons qu'il soit aussi rigoureux et de la même qualité que celui que nous avons en Ontario et qu'il soit réalisé dans des délais appropriés.

    Comme je le disais, nous collaborons à l'amélioration de la prise de décision concernant le formulaire et à la réduction des dédoublements. Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, nous aimerions que le ministère réduise les délais d'examen en vue d'homologuer de nouveaux médicaments, surtout dans le cas des médicaments révolutionnaires susceptibles de traiter des maladies graves.

    Au cours des dernières années, nous avons constaté que le gouvernement fédéral a pris du retard par rapport à d'autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous estimons qu'il y a place à l'amélioration sur le plan des délais d'exécution et de la transparence.

º  +-(1625)  

+-

    Dr David McCutcheon: Passons aux effets indésirables et aux pratiques de prescription des médicaments, à la modernisation suivie du formulaire qui passe par l'analyse des dernières données relatives à la sécurité et à l'efficacité des médicaments, de même qu'à leur utilisation. J'estime qu'il est important, pour nous, de pouvoir compter sur un processus d'acquisition des données qui soit à la fois efficace et rentable.

    D'importants efforts de coopération ont été déployés afin de surveiller et d'améliorer l'utilisation, mais pour l'instant, ils sont ponctuels. Nous les avons entrepris avec les associations de fournisseurs de soins, c'est-à-dire les associations de médecins et de pharmaciens, de même qu'avec les fabricants de produits pharmaceutiques dans des circonstances particulières, comme pour certaines drogues, catégories de drogues ou même certaines maladies.

    Nous avons demandé à l'IRSS d'effectuer pour nous un examen de l'utilisation des médicaments axé sur les résultats, mais nous l'avons fait de façon ponctuelle, plutôt que de façon stratégique ou systématique.

    Nous sommes favorables à la promotion des pratiques exemplaires dans la prescription et l'utilisation de médicaments, par le truchement de plusieurs stratégies. Nous estimons qu'il est très important d'intégrer les pharmaciens dans les groupes de soins primaires, de sorte que pharmaciens et médecins travaillent ensemble dans le cadre d'une équipe afin d'améliorer les résultats des traitements. Notre gouvernement a fait de cet élément un aspect important du régime de santé.

    Nous estimons que le défi, en revanche, se situe sur le plan du transfert des connaissances afin que les cliniciens et les consommateurs de soins de santé disposent d'informations accessibles, indépendantes et fiables. Certes, une grande partie des informations provient des fabricants de produits, parce qu'ils veulent favoriser la distribution de leurs médicaments.

    L'aide à la prise de décision par les médecins et les pharmaciens, notamment grâce à des dossiers de santé électroniques, nous intéresse beaucoup dans le cadre des systèmes Smart de l'organisme de santé. La mise en oeuvre des dossiers de santé électroniques, du moins en ce qui concerne les données de base, constitue un important projet à nos yeux.

    En outre, nous nous intéressons à la connectivité des systèmes d'information relatives aux médicaments afin de fournir aux médecins les renseignements dont ils ont besoin sur les expériences effectuées, et cela à partir de données recueillies par le PMO et combinées à celles émanant des services d'urgence des hôpitaux.

    En outre, nous administrons des projets de financement et de participation, comme celui de l'Institute for Safe Medication Practices et celui du Safe medication Support Service. Nous essayons d'étendre notre action en matière de sécurité à tout ce qui est soins primaires et soins communautaires.

    Comme je le disais tout à l'heure, nous voulons nous doter de stratégies plus efficaces en matière de gestion des maladies chroniques.

    Il faudra que le gouvernement fédéral orchestre le travail d'évaluation d'après mise en marché effectué par les provinces, travail qui porte notamment sur la collecte des résultats, sur les taux d'utilisation et sur les données de sécurité pour l'ensemble du système de soins de santé au Canada. Nous croyons qu'il y aurait beaucoup d'avantages à recueillir ce genre de données, non seulement pour en savoir plus sur la sécurité des médicaments, mais aussi pour ce qui est de l'utilisation des médicaments.

    Le programme qui concerne la fabrication de produits pharmaceutiques ne s'intéresse pour l'instant ni à l'analyse ni au suivi des activités de marketing et de lobbying de l'industrie. Les fabricants de médicaments de marque ont recours à des canaux multiples, comme les publications professionnelles, la vente au détail et la distribution d'échantillons de médicaments pour promouvoir leurs produits et influencer les médecins dans leurs choix. Les manufacturiers sont particulièrement efficaces dans la distribution rapide de leurs produits sur le marché.

    Nous regrettons de ne pouvoir être aussi efficaces qu'eux pour ce qui est des directives sur les pratiques cliniques et d'autres axes d'intervention. Il est évident que si nous avions les mêmes effectifs qu'eux, nous pourrions faire beaucoup pour améliorer la qualité des soins dans le cas du diabète et d'autres maladies.

    Les fabricants de produits génériques, quant à eux, consentent des réductions et des ristournes promotionnelles généreuses aux pharmaciens afin de les influencer dans leurs choix de médicaments génériques. Nous estimons ces montants à 300 millions de dollars au Canada, ce qui en fait un problème non négligeable. Cela peut représenter jusqu'à 55 p. 100, selon nous, ce qui n'est pas rare à cause de la concurrence serrée qui existe dans l'industrie du produit générique.

    L'Ontario favorise la transition du savoir sur la valeur thérapeutique et la rentabilité des médicaments, par le biais de sources indépendantes. Notre processus DQTC est particulièrement efficace pour examiner la rentabilité des médicaments. Ce qui nous inquiète, c'est que les directives sur les pratiques cliniques tiennent rarement compte de l'efficacité des traitements. Or, c'est un aspect très important pour nous quand vient le temps de déterminer ce que nous devons inscrire au formulaire et qui doit payer en conséquence.

º  +-(1630)  

    Nous estimons qu'il faudrait amener les médecins et les pharmaciens à travailler en collaboration afin d'améliorer les soins pharmaceutiques. Ce genre d'efforts se feraient au niveau des soins, plutôt que sur l'industrie, et consisterait à faire participer les patients.

    Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait faire preuve de leadership en appuyant l'application des pratiques exemplaires et en orchestrant les efforts déployés par les provinces et la profession en vue d'améliorer la gestion des pharmacothérapies et de réglementer la commercialisation des produits pharmaceutiques.

    Ma dernière diapositive concerne la gestion de la pharmacothérapie. Le ministère est d'accord avec l'approche intégrée de gestion des soins de santé destinée à garantir l'utilisation optimale des médicaments, y compris avec la mobilisation adaptée et efficace des professionnels de santé autour des soins donnés aux patients. Nous jugeons donc très important d'opter pour la constitution d'équipes interdisciplinaires et l'utilisation plus efficace des pharmaciens au niveau des pharmacies.

    Nous devons aussi veiller à faire activement participer les patients, étant donné qu'ils sont maintenant davantage renseignés sur les médicaments que par le passé grâce aux différents moyens mis à leur disposition. Il faut que les gens assument une plus grande responsabilité à leur niveau, surtout les patients atteints de maladies chroniques, pour s'assurer qu'ils respectent les protocoles de soins.

    Le groupe de fournisseurs de soins que nous constituons n'est pas encore assez efficace dans l'habilitation du patient, du client des services que nous dispensons, parce que nous ne lui communiquons pas toute l'information dont il a besoin pour déterminer ce qu'il doit faire pour traiter une maladie chronique.

    Nous pensons que les pharmaciens pourraient jouer un rôle beaucoup plus important, comme cela s'est fait dans les hôpitaux. Nous aimerions que la «révolution tranquille», qui a eu lieu dans les hôpitaux dans les années 70, soit reproduite au niveau du système de soins primaires ou du système communautaire afin que le travail des pharmaciens corresponde essentiellement en une intervention clinique ou en des interventions cognitives, plutôt qu'à des opérations de commercialisation ou de commerce pur.

    Nous avons récemment pris acte, à l'échelle internationale, du fait que les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle nouveau en matière de soins primaires, comme dans le cadre du programme national de collaboration des services de gestion de médecine, au Royaume-Uni, qui favorise la collaboration entre pharmaciens et médecins en soins primaires. Il y a aussi le programme australien d'examen des pharmacothérapies à domicile en fonction duquel les médecins et les pharmaciens sont payés pour examiner de façon détaillée les médicaments donnés aux patients. Il y a aussi les stratégies de Kaiser Permanente aux États-Unis, principalement axées sur la gestion des risques cardiaques, sur la prévention du diabète et sur la surveillance des anticoagulants, stratégies qui se sont avérées excellentes dans la gestion des maladies chroniques.

    Nous croyons donc que le gouvernement fédéral pourrait fournir un financement de base qui servirait à la mise en oeuvre et à l'évaluation des initiatives provinciales de gestion des pharmacothérapies. Tout le monde pourrait sortir gagnant de cette situation, parce que le gouvernement fédéral insisterait sur une meilleure information du patient au sujet de la sécurité des médicaments et que les provinces travailleraient au niveau d'une amélioration de l'utilisation des pharmacothérapies, ce qui permettrait d'en arriver à un meilleur respect des schémas posologiques.

    Voilà qui met un terme à la partie structurée de notre présentation. Nous aurions pu facilement dépasser les 10 minutes allouées car, comme vous l'avez constaté, nous sommes très intéressés par le thème de votre étude auquel nous adhérons pleinement.

º  +-(1635)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons commencer les questions par M. Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Merci, madame la présidente. Vous êtes tellement imprévisible; si je m'attendais à cela!

    Je vais d'abord m'assurer que je comprends bien le tableau de la page 6. Dans les coûts que vous avez eus ou que vous aurez en 2003-2004, seulement 20 p. 100 de la population de l'Ontario est assurée en vertu d'un régime public d'assurance-médicaments. Est-ce bien ce que je peux en comprendre?

    Alors, c'est 20 p. 100. Pensez qu'au Québec, c'est trois fois plus. Je pense que parmi les cinq ministères provinciaux de la Santé qui ont comparu devant nous, c'est le taux d'assurance le plus bas. Peut-être est-ce là une conséquence de la révolution du bon sens, mais je ne vous poserai pas de questions politiques, puisque ce n'est pas mon genre.

    Je voudrais savoir si vos services d'analyse politique ont étudié quelles seraient les conséquences pour l'Ontario, qui a la couverture la moins généreuse de tous les ministères provinciaux de la Santé qui se sont présentés devant nous, s'il y avait une entrée plus rapide de médicaments génériques dans le système.

    Je ne sais pas si vous vous rappelez, madame la présidente, mais les fonctionnaires de Santé Canada nous ont dit, lors de notre première réunion, que les autres provinces s'alignaient sur l'Ontario en ce qui concerne le remboursement des médicaments génériques. Ce que je comprends, c'est que l'Ontario rembourse 70 p. 100 du coût pour le premier médicament générique et que pour les médicaments génériques subséquents, il y a des coûts de remboursement décroissants. Mais vous êtes évidemment tributaires de l'entrée des médicaments génériques dans le système.

    Avez-vous des données à l'interne dont vous pourriez nous faire part? S'il y avait une entrée plus rapide de médicaments génériques dans le système, qu'est-ce que cela pourrait vouloir dire, par rapport au coût du système, pour le 20 p. 100 de la population qui est assuré, puisque c'est votre responsabilité en tant que pouvoir public?

º  +-(1640)  

[Traduction]

+-

    Mme Susan Paetkau: La première chose que je tiens à dire à propos des 20 p. 100, c'est que nous n'assurons que 20 p. 100 de la population mais que nous assumons un peu moins de la moitié des dépenses de médicaments en Ontario. Nous assurons donc les patients qui semblent utiliser le plus de médicaments. La majorité des ontariens est assurée par des compagnies privées. Personne n'est oublié parce que notre programme Trillium couvre tout le monde. Ce sont simplement les franchises qui sont plus élevées pour les salaires élevés. Elles représentent environ 3 p. 100 du revenu dans le bas de la fourchette et 4 p. 100 dans le haut. Absolument tout le monde est assuré. Je sais que le volet de notre programme qui concerne les personnes âgées est très généreux par rapport à ce qui se fait dans la plupart des autres provinces. Les personnes âgées à revenu élevé ne paient que 100 $ en partant, puis 6,11 $ par ordonnance et les personnes âgées à revenu faible paient 2 $ par ordonnance.

    Pour ce qui est des effets des médicaments génériques, je crois que les autres provinces ont emboîté le pas à l'Ontario en matière de rationalisation et d'harmonisation par rapport au système de détermination des bioéquivalences de Santé Canada. Nous nous efforçons de mettre notre formulaire à jour sur une base trimestrielle en sorte que nous y ajoutons systématiquement de nouveaux médicaments de marque et des médicaments génériques.

    Je sais que certains souhaitent que les produits génériques soient immédiatement disponibles, dès leur homologation par Santé Canada ou dès que le ministère fédéral a déterminé leur bioéquivalence. À en juger d'après la moyenne des trois dernières années, nous estimons que cela ne nous permettrait de réaliser que 2 millions de dollars d'économie environ, parce que nous ne gagnerons que deux mois dans l'ajout de produits génériques. Toutefois, dans le cas des produits génériques vedettes, et nous en avons eu un cette année, le Symvostatin, les économies réalisées étaient...

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Attendez que je m'assure de bien comprendre. Présentement, il y a une Loi sur les brevets, qu'on ne peut pas vraiment changer parce que l'OMC... Le Canada est allé en arbitrage obligatoire et la loi a été modifiée avec l'adoption, il y a quelques années, du projet de loi S-17; je ne me rappelle jamais si c'était en 1999 ou en 2000. Il y a un problème concernant ce 20 ans, parce que le Règlement de liaison fait que ce n'est plus 20 ans mais 21, 22 ou 23 ans. C'est un débat qui appartient à l'industrie et qui appartient au Comité de la santé.

    Pour votre part, vous dites c'est que si on était plus rigoureux, qu'on s'en tenait au 20 ans et que les médicaments génériques entraient plus tôt dans le système, il y aurait une économie marginale. Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

+-

    Mme Susan Paetkau: Non, la perspective est différente ici. Je ne parle pas du tout du Règlement de liaison. Tout ce que je dis, c'est qu'au lieu d'inscrire de nouveaux produits génériques tous les trois ou quatre mois, nous allons le faire automatiquement dès qu'ils seront homologués par le gouvernement fédéral. Nous n'avons effectué aucune analyse des coûts supplémentaires que le Règlement de liaison impose au système, et nous ne nous sommes pas interrogés sur la position que doit adopter l'Ontario à cet égard.

+-

    M. Réal Ménard: Voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Dr David McCutcheon: Je tiens simplement à préciser que nous nous concentrons actuellement sur l'amélioration de notre processus après approbation du médicament et sur l'accélération de sa mise en marché. C'est sur cet aspect que nous nous sommes concentrés jusqu'ici, sur ce que l'Ontario peut faire afin de distribuer ces médicaments le plus rapidement possible. L'actuel examen stratégique des médicaments a pour objet de déterminer les différentes stratégies qui permettront d'y parvenir, comme la mise à jour mensuelle du formulaire ou un resserrement des délais d'homologation par le gouvernement. Voilà les stratégies que nous sommes en train d'analyser.

    Nous nous sommes concentrés sur les domaines qui relèvent de notre compétence. Nous nous sommes demandés comment nous pouvons accélérer la mise en marché des médicaments. C'est cela qui nous intéresse. Pour vous dire bien franchement, nous laissons au gouvernement fédéral le soin de s'occuper des questions qui le concernent.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: D'accord.

    Madame, ce sera ma dernière question parce que, malheureusement, je devrai retourner à Ottawa après. Vous avez dit que dès que l'accord de bioéquivalence est donné par Santé Canada, vous inscrivez le médicament générique, qui, à titre de premier produit générique, est remboursable à 70 p. 100.

    Pouvez-vous nous parler un peu de l'accord de bioéquivalence? Quels sont les délais réglementaires ou administratifs de Santé Canada? Est-ce qu'il y a des lacunes? Est-ce qu'il y a des choses que vous voulez partager avec nous à ce sujet?

[Traduction]

+-

    Mme Susan Paetkau: Nous avons harmonisé les formes posologiques pour les médicaments solides administrés par voie orale. Nos spécialistes et ceux de Santé Canada ont consacré les trois dernières années à examiner les médicaments pour lesquels il pouvait y avoir problème. À la suite de ce processus en deux étapes, nous sommes parvenus à une entente stipulant que les procédures du fédéral nous satisfont et qu'elles répondent à nos normes.

    Je crois que, dans les années 70, le gouvernement fédéral ne se préoccupait pas beaucoup d'interchangeabilité ni de bioéquivalence, à l'époque où les provinces ont lancé leur programme, ce qui fait que nous nous étions dotés de notre propre programme et que nous avions acquis nos propres compétences en la matière.

    Dans le courant des années 90 – je pense que c'était en 1995 – nous avons adopté certaines normes, si bien que nous pouvons maintenant nous en remettre à Santé Canada. Nos spécialistes ne voient aucun problème dans les formes posologiques pour les médicaments administrés par voie orale, notamment pour ceux qui apparaissent dans des index thérapeutiques limités. La plupart des autres provinces se penchent encore sur cette question.

    Nous nous tournons à présent vers d'autres formes posologiques, comme les solutions, les aérosols et les pommades. Nos spécialistes travaillent sur ces dossiers de façon bilatérale et, l'année dernière, nous avons invité d'autres personnes à s'asseoir à notre table. Comme nous avons constaté une certaine résistance chez les autres provinces, nous avons décidé de poursuivre nos discussions bilatérales avec le gouvernement fédéral et de faire part des résultats aux autres.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

    Je dois partir, malheureusement.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Ménard et merci d'avoir partagé la présidence avec moi. Vous avez fait du bon travail.

    Monsieur Castonguay.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay: Merci, madame la présidente.

    Merci à nos invités. Au tout début, vous nous avez parlé, entre autres, des médicaments pour faire baisser le taux de cholestérol. Vous nous avez donné l'exemple du Lipitor, je crois, et vous avez dit qu'une de vos inquiétudes était que parfois les gens ne le prennent plus trois ans après que le diagnostic a été posé. Cela vous inquiète qu'il y ait une sous-utilisation, parce que cela pourrait entraîner d'autres dépenses dans le système de santé, si j'ai bien compris.

    Avez-vous une idée de la raison pour laquelle il y a une sous-utilisation, à ce moment-là?

º  +-(1645)  

[Traduction]

+-

    Dr David McCutcheon: C'est exact. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on peut avoir déterminé un besoin pour un patient, qu'on lui prescrit un médicament mais que l'intéressé arrête de le prendre au bout d'un certain temps. C'est un problème dans le cas des hypolipédémiants, par exemple, qu'il faut prendre toute sa vie. La question qui se pose à nous est de déterminer le genre de stratégie à appliquer pour aider les patients à continuer de prendre ce médicament.

    C'est un des exemples que j'ai donnés pour montrer que nous ne dépensons peut-être pas assez dans certains domaines, parce que dans ce cas, les hypolipédémiants ont un effet protecteur de l'appareil cardiovasculaire et, si les patients arrêtent de les prendre, nous nous devrons ensuite payer pour traiter des infarctus aigus du myocarde, des ACV ou des cas de morbidité aiguë.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Je comprends, mais est-ce qu'on sait pourquoi les gens ne prennent pas leurs médicaments? Est-ce parce qu'ils ne peuvent pas l'acheter ou parce qu'ils ne veulent simplement pas le prendre?

+-

    Dr David McCutcheon: Comme ces médicaments sont payés par le programme, ce n'est pas forcément un problème d'inaccessibilité. Je ne sais pas pourquoi, avec le temps, après avoir pris un médicament quelques années, les gens se disent que son effet va se poursuivre ou encore qu'ils ont changé leur régime alimentaire ou que sais-je encore. C'est un problème qu'il convient effectivement d'étudier de très près, parce qu'il nous préoccupe beaucoup.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay: Alors, je pourrais conclure que, finalement, il faudrait éduquer les patients quant à l'importance de consulter un professionnel de la santé avant de cesser de prendre des médicaments comme ceux-là.

    Évidemment, on peut voir que le prix des médicaments augmente d'année en année. Est-ce que vous avez des données qui nous permettraient de voir si, d'autre part, il y a des économies plus grandes dans le domaine des soins de santé dans l'ensemble? En effet, si, à cause des médicaments qu'on prescrit, on prévient des crises cardiaques ou des hospitalisations, alors on peut peut-être investir 100 $ ici, mais épargner 1 000 $ ailleurs. Est-ce qu'on a des données là-dessus? On a demandé cela à d'autres témoins, mais ils n'en avaient pas. Est-ce que vous avez des données à ce sujet ici, en Ontario?

[Traduction]

+-

    Dr David McCutcheon: Excusez-moi, je n'ai pas de statistiques, mais nous aimerions beaucoup en avoir.

    Plusieurs études ont été effectuées, comme l'étude Lichtenberg aux États-Unis, bien qu'il soit difficile d'envisager ce problème sous l'angle macro-économique. Nous aimerions entreprendre des études économiques prospectives sur la valeur des médicaments par rapport à la prévention des complications en aval. Nous aimerions entreprendre une étude à longue échéance pour savoir exactement à quoi cela tient, mais c'est effectivement ce que nous constatons.

    Le système DQTC, qui consiste à déterminer s'il y a lieu ou non d'inscrire un médicament dans le formulaire, tient compte de son efficacité, notamment de l'évitement des coûts en aval pour le système.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle sur ce plan? On nous parle d'augmentation du prix des médicaments mais, personnellement, j'estime que nous devons envisager ce problème dans le contexte global du système de soins de santé. Estimez-vous que nous devrions jouer un rôle pour aller chercher cette information?

+-

    Dr David McCutcheon: J'estime qu'il est très important de mettre la main sur ce genre de données ou de faire en sorte qu'on puisse l'obtenir quelque part, autrement dit que l'on commande une étude, que l'on s'adresse à des chaires ou que l'on établisse des centres d'évaluation des médicaments. C'est le genre de choses qu'il faudrait faire. Nous devons pouvoir compter sur un groupe indépendant qui étudierait la question, parce que nous obtenons une grande partie de l'information à l'étape de l'introduction d'un médicament. Nous devons déterminer si les résultats annoncés au moment de l'introduction d'un médicament sur le marché se confirment ou pas durant la vie de ce produit.

    Dans notre examen des stratégies sur les médicaments, nous avons étudié la possibilité de lister les produits de façon conditionnelle. Ainsi, un médicament pourrait être introduit sur le marché et nous pourrions récupérer des données le concernant afin de déterminer si la rentabilité annoncée lors de sa mise en marché se vérifie trois à cinq ans plus tard.

º  +-(1650)  

+-

    M. Jeannot Castonguay: Autre chose. Vous dites que la province de l'Ontario est d'accord avec la promotion des pratiques exemplaires en matière de prescription et d'utilisation des médicaments par le biais d'une intégration des pharmaciens au sein de groupes de soins primaires. Est-ce qu'il existe déjà de nombreux groupes de ce genre? Ce programme existe-t-il déjà? Est-il uniquement offert dans les hôpitaux ou l'est-il dans les collectivités? J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.

+-

    Dr David McCutcheon: Pour l'instant, il faut savoir que le gouvernement précédent a approuvé un projet pilote qui consiste à faire collaborer entre les pharmaciens et les médecins dans le cadre des soins primaires. Nous avons aussi lancé des activités de recherche à ce sujet.

    Il y a, par exemple, le projet SMART à Hamilton, dans le cadre duquel un pharmacien, effectivement détaché dans un cabinet de médecin, a eu accès aux dossiers des patients, a pu prendre rendez-vous avec les patients et a recommandé des changements de prescription. On a constaté une amélioration de l'utilisation et une correction des problèmes de sous-utilisation ou de surutilisation. En outre, une véritable relation efficace a pu être instaurée entre le pharmacien et le médecin. Comme le gouvernement aimerait étendre ce modèle, il a prévu un budget et il va lancer des appels d'offres le plus tôt possible pour aller de l'avant.

    Par ailleurs, dans son programme politique, la toute nouvelle équipe au pouvoir avait indiqué que les équipes de santé familiale étaient importantes au chapitre de la stratégie des soins primaires. Ce document fait spécifiquement mention de la présence de pharmaciens au sein des équipes en question. Nous sommes intimement convaincus que nous allons pouvoir instaurer des liens très étroits entre médecins et pharmaciens et améliorer les soins apportés aux patients.

    Il convient, par ailleurs, de préciser que les pharmaciens de la province n'ont pas été inactifs sur le plan clinique. Loin de moi l'idée de vous dire qu'ils n'ont rien fait. Les pharmaciens, forts de leur pratique professionnelle, ont dispensé des conseils cliniques appréciables aux patients.

    Le problème, c'est qu'ils n'ont pas accès aux dossiers cliniques qui sont très importants. Grâce à une pratique axée sur la collaboration, sur le travail en commun, nous pourrons bénéficier de l'avis de pharmaciens ayant accès aux rapports de radiographie, aux rapports de laboratoire ou à tout autre élément des dossiers médicaux, en sorte qu'ils fassent pleinement partie des équipes soignantes, plutôt que de se retrouver sur un îlot, éloignés du médecin.

+-

    M. Jeannot Castonguay: Si je comprends bien, il s'agit plus que d'un projet pilote à ce stade. Vous avez déjà la preuve que cela donne des résultats.

+-

    Dr David McCutcheon: Nous avons la preuve que cette relation peut exister, pour le plus grand bénéfice des patients, et qu'il faut maintenant l'étendre.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Barrette.

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette: Merci. Je m'excuse de vous avoir faussé compagnie

[Traduction]

pour m'absenter deux ou trois minutes, mais j'ai raté la plus grande partie de votre exposé.

    Que pensez-vous de la participation du gouvernement fédéral au régime national d'assurance-médicaments?

+-

    Dr David McCutcheon: Ce que l'Ontario aimerait, avant tout, c'est que la plupart des autres provinces nous rattrapent dans certains des programmes que nous administrons. Je ne sais pas quelle sera la position de notre nouveau gouvernement en ce qui concerne le régime d'assurance-médicaments, et je ne peux donc pas vous répondre pour l'instant, mais nous estimons que l'équivalent provincial est très intéressant et qu'il s'agit de l'un des meilleurs programmes au Canada pour ce qui est du niveau de prestations offert.

    Nous ne pensons pas que nous allons nous arrêter là. Nous croyons qu'il faut réexaminer en permanence tout cela et nous sommes justement en train d'étudier la façon dont le programme est administré et nous nous penchons aussi sur les questions de vérification et autres.

    Nous allons consulter notre ministre pour déterminer quels autres examens il voudrait que nous entreprenions, mais étant donné qu'il n'est en poste que depuis quelques jours, je n'ai pas encore eu l'occasion d'avoir ce genre d'échange avec lui. Vous voudrez bien excuser cette réponse vague, mais c'est parce que je ne peux pas encore vous dire ce que sera la position officielle de la province à ce sujet.

º  +-(1655)  

+-

    M. Gilbert Barrette: Ce sera ma dernière question.

    À la page 9, au dernier paragraphe, vous dites que le gouvernement fédéral doit appuyer la création d'un lien avec le programme de post-commercialisation de la province, et ainsi de suite. Est-ce que c'est le prochain Conseil de la santé qui va assumer cette responsabilité?

+-

    Dr David McCutcheon: Nous voulons nous doter d'un système qui nous permette de recueillir des données et de les analyser correctement. Nous n'avons aucune réserve en ce qui concerne la politique à un niveau supérieur. En revanche, nous sommes beaucoup plus préoccupés parce qui se passe sur le terrain et par la façon dont nous pouvons obtenir des informations au sujet de l'expérience des patients et des médecins pour les regrouper à l'étape de l'introduction de nouveaux médicaments ou tout au long de la vie d'un médicament pour déterminer ce qu'il donne. Il existe une série d'indications pour chaque médicament et la question est de savoir si les choses évoluent sur ce plan dans le temps et si l'on ne prescrit pas le médicament pour d'autres utilisations que celles pour lesquelles il a été homologué. Voilà certaines des préoccupations que nous avons.

    Par ailleurs, dans les essais cliniques, l'administration des médicaments est particulièrement contrôlée mais quand on en arrive au stade du traitement, ce n'est plus le cas et il y a lieu de se demander si les taux de complication demeurent les mêmes ou augmentent et si un médicament est utilisé pour une population tout entière plutôt que pour un petit groupe, comme c'était le cas lors des essais cliniques? Voilà le genre d'utilisation qui nous intéresse et qui pourrait nous enseigner beaucoup quant à l'interaction qui existe entre le pharmacien, le patient et le médecin.

+-

    Mme Susan Paetkau: Nous aimerions beaucoup voir un resserrement des liens entre le médecin, le pharmacien et le patient pour que nous puissions régulièrement recueillir des données sur le résultat et la sécurité des traitements, au point de service, afin d'en faire rapport au ministère fédéral.

    Pour l'instant, les rapports sur les effets néfastes des médicaments ne sont pas systématiques. Ainsi, il faut parfois attendre longtemps pour se rendre compte que certains effets secondaires de médicaments peuvent être graves. C'est pour cela que des médicaments ne sont retirés du marché qu'au bout de cinq ou dix ans. Il n'existe pas de mécanisme de rapport systématique, c'est ce qui nous inquiète et c'est pourquoi nous estimons qu'il faudrait en bâtir un en première ligne.

+-

    La présidente: Au début de nos audiences, des témoins nous ont dit que les formulaires utilisés dissuadent les médecins de faire rapport des problèmes rencontrés. Aujourd'hui, quelqu'un a dit quelque chose de très intéressant : apparemment, pour établir la dangerosité d'un médicament, il faut prouver qu'il existe une relation de cause à effet. Apparemment, on n'est même pas parvenu à prouver une telle relation, d'un point de vue scientifique, entre le tabac et le cancer du poumon.

    Le témoin dont je parle recommandait que l'on simplifie la méthode appliquée pour rendre compte des réactions néfastes et qu'on applique un critère d'association plutôt qu'un critère causal afin d'éviter qu'un médecin ait à conclure hors de tout doute que la réaction est causée par le médicament. On lui permettrait plutôt de tenir compte de l'âge, du poids et de l'état général du patient pour conclure : «Voici ce que j'ai prescrit et voici ce qui s'est produit». Les données ainsi recueillies pourraient être centralisées quelque part. Nous pourrions alors disposer d'un système de pré-alerte qui serait nettement meilleur que celui qui se traduit actuellement par des délais d'attente de 10 ou 15 ans.

    Est-ce que vous êtes d'accord avec cela et estimez-vous que le gouvernement fédéral devrait...?

+-

    Mme Susan Paetkau: Nous sommes tout à fait d'accord. J'estime que c'est une responsabilité conjointe.

    Il faut que les données soient recueillies en première ligne, là où les soins sont dispensés avant de les regrouper de la façon la plus simple...

»  -(1700)  

+-

    La présidente: Il faut que ce soit facile.

+-

    Mme Susan Paetkau: La solution réside peut-être dans le passage à des dossiers médicaux électroniques, mais il faut surtout que médecins, pharmaciens et patients collaborent pour faire rapport de ce genre de données que nous pourrons analyser ensuite.

    Il faut aussi que ces données soient plus largement diffusées. Les rôles qui incombent aux gouvernements fédéral et provinciaux n'impliquent pas vraiment le partage d'informations, mais plutôt l'exercice d'une responsabilité individuelle. Dans notre travail d'évaluation des médicaments en Ontario, nous avons constaté que nous ne pouvons accéder à certaines des informations que Santé Canada a utilisé pour analyser le même produit et que nous nous trouvons à faire la même chose et à assumer le même genre de coûts que ce ministère. Nous pensons donc qu'il faut améliorer ce genre de relation pour de faire en sorte que nous collaborions dans ce domaine. C'est très important.

    À l'heure où beaucoup de médicaments nouveaux arrivent sur le marché, nous sommes obligés de nous en occuper au cas par cas. Nous documentons nos exigences pour les décisions relatives au remboursement, mais nous aimerions pouvoir verser tout cela dans une base de données d'évaluation des produits après leur mise en marché. Nous recueillerions donc systématiquement des données sur les résultats des traitements, sur la sécurité des médicaments et sur leur utilisation afin de pouvoir déterminer, en première ligne, comment évoluent les choses. Pour l'instant, nous faisons tout cela aux titres du remboursement et du respect des critères énoncés au départ, plutôt que de chercher à déterminer ce qui se passe en cours de route et nous continuons de dépendre de l'industrie pour obtenir les données nécessaires. Nous croyons qu'il faut également recueillir ce genre de données de façon indépendante.

+-

    Dr David McCutcheon : Permettez-moi d'ajouter qu'à nous tous, nous avons imposé un énorme fardeau aux médecins. Notre régime provincial d'assurance-médicaments dispose d'un système à usage limité ainsi que d'un système en vertu de l'article 8. Le système en vertu de l'article 8 correspond à un examen clinique individuel visant à établir une approbation prospective de ce qui sera nécessaire avant qu'un patient reçoive un médicament et je crois que, pour l'instant, nous recevons près de 150 000 demandes par an.

    Nous imposons donc un énorme fardeau administratif aux médecins, quand on pense qu'environ 6 750 médecins de famille ou 8 000 à 9 000 spécialistes – ou probablement moins – font ce genre de demandes.

    J'estime donc que nous aurions beaucoup à gagner d'un système d'intelligence artificielle, fondé sur les dossiers de santé électroniques et sur les ordonnances électroniques.

    J'estime que le gouvernement fédéral, par son influence sur l'inforoute de Santé Canada, pourrait envisager de mettre sur pied des systèmes d'information efficaces afin de contribuer au regroupement des dossiers de santé électroniques et à l'instauration de connexions avec les bases de données des pharmacies. Ainsi, les rapports exigés pourraient être produits à la demande, au niveau des applications même des technologies de l'information.

+-

    La présidente: Bien.

    Merci beaucoup de vous êtres déplacés. Je sais que vous avez eu une journée chargée et que vous avez dû prendre contact avec un nouveau ministre, ce qui est toute une tâche en soi. Il se trouve que nous le connaissons et je peux vous garantir qu'il est facile de s'entendre avec lui.

+-

    Dr David McCutcheon: Nous avons déjà eu quelques réunions avec lui. Il est non seulement facile de s'entendre avec lui, mais il est enthousiasmé par son travail. Nous nous attendons donc à vivre une période très animée au ministère de la Santé dans les jours et les semaines qui viennent.

+-

    La présidente: Je n'en doute pas.

    Merci de vous êtres déplacés et merci pour le travail que vous faites quotidiennement pour les Canadiennes et les Canadiens dans le domaine des soins de santé.

+-

    Dr David McCutcheon: Merci beaucoup. Ce fut un privilège.

-

    La présidente: Merci.

    La séance est levée.