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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 avril 2021

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 24e séance du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui est diffusée sur le Web et se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021.
    Je souhaite la bienvenue à tous mes collègues en ce beau lundi matin, le début, j'espère, d'une semaine très fructueuse.
    Conformément à l'article 108 du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 12 mars 2021, le Comité poursuit son étude sur le commerce international du Canada et sa politique en matière d'investissements: certaines considérations concernant les vaccins contre la COVID-19.
    J'aimerais accueillir nos témoins de ce matin.
    Nous accueillons Me Brian Daley, associé chez Norton Rose Fulbright Canada. Il témoigne à titre personnel. J'espère qu'il pourra se connecter à la réunion du Comité.
    Nous accueillons aussi M. Marc-André Gagnon, professeur agrégé à l'École d'administration et de politique publique, à l'Université Carleton.
    Représentant la Chambre de commerce du Canada, nous avons M. Mark Agnew, vice-président, Politique et international. Enfin, nous entendrons M. Brad Sorenson, directeur général de Providence Therapeutics.
    Monsieur Gagnon, la parole est à vous.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de venir discuter avec eux. Mon intervention portera sur la propriété intellectuelle liée aux vaccins contre la COVID-19, ainsi que sur les manières d'augmenter la production manufacturière de ces vaccins au Canada et à l'étranger.
    Je suis professeur agrégé à l'École d'administration et de politique publique de l'Université Carleton. Je me spécialise en économie politique dans le secteur pharmaceutique et j'ai plus de 150 publications à mon actif. Mis à part mon rôle de témoin expert pour Justice Canada dans le cadre d'un procès en 2020 à la Cour supérieure du Québec sur la réglementation des prix des médicaments brevetés, je n'ai aucun conflit d'intérêts à déclarer.
    Au début de la pandémie de COVID-19, il a été impressionnant de voir comment des chercheurs de partout dans le monde ont collaboré à partir des principes de la science ouverte en échangeant systématiquement des données, que ce soit pour séquencer le génome du virus, suivre son évolution et ses variations ou produire le matériel de protection ou de détection.
    Au Canada, le gouvernement fédéral a adopté, dès mars 2020, la Loi sur les mesures d'urgence visant la COVID-19, le projet de loi C-13, permettant le recours pendant six mois à des licences obligatoires pour toute technologie liée la COVID-19, afin de contrer de potentielles pénuries. Cette mesure n'a pas été renouvelée en septembre 2020, mais le gouvernement fédéral peut la renouveler à tout moment, au besoin.
    En mai 2020, l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, mettait sur pied le COVID-19 Technology Access Pool, ou C-TAP, fondé sur les principes de la science ouverte, pour favoriser l'échange de l'expertise et des savoirs liés aux technologies permettant de combattre la COVID-19. Le Medecines Patent Pool, ou MPP, financé par Unitaid, a aussi élargi son mandat pour permettre la mise en commun des brevets liés à la COVID-19.
    Au départ, c'était très intéressant. On croyait se diriger vers un effort scientifique axé sur la collaboration technologique et l'échange de données afin que chaque pays puisse maximiser son effort de guerre contre la COVID-19. Malheureusement, les vieux réflexes de la science propriétaire des brevets et des monopoles technologiques ont vite repris le dessus. Aucune firme n'a encore accepté de mettre en commun ses technologies avec le C-TAP ou le MPP.
    Chaque firme travaille plutôt en silo dans le but de maximiser ses revenus. D'ailleurs, les firmes propriétaires de vaccins se sont généralement montrées très réticentes à négocier des accords de licence pour permettre l'augmentation de la production. AstraZeneca s'est montrée plus flexible que les autres, mais cela faisait partie des conditions que l'Université d'Oxford avait fixées pour qu'elle puisse fournir le vaccin. Puisque les revenus potentiels des firmes dépendent de leur capacité à maintenir un contrôle sur le savoir-faire technologique, ce n'est rien de surprenant.
    Chaque firme cherche à contrôler le plus possible ce qu'elle possède comme propriété intellectuelle sur les vaccins, plutôt que de permettre des accords de licence et la maximisation de la production globale.
    Même si les gouvernements ont investi plus de 14 milliards de dollars dans la mise au point des vaccins, on continue de considérer normal que ces derniers restent entièrement monopolisés par le secteur privé. La mise au point des vaccins contre la COVID-19 des firmes Moderna, AstraZeneca, Johnson & Johnson et Novavax a été subventionnée à cent pour cent par des investissements publics ou des organismes sans but lucratif. Pourtant, le vaccin reste monopolisé par un brevet appartenant à la firme.
    En donnant la priorité aux droits de propriété des firmes plutôt qu'aux impératifs de la santé publique internationale, on se retrouve dans la situation actuelle, où chaque pays joue du coude afin de se mettre en file devant les portes des firmes pour que celles-ci acceptent de lui vendre des doses et les livrent le plus rapidement possible chez lui, plutôt que chez le voisin. Peu importe les priorités de la santé publique, c'est chacun pour soi. C'est du nationalisme vaccinal.
    Toutefois, le Canada se positionne assez bien dans ce jeu du nationalisme vaccinal. Il a réussi à obtenir un maximum de doses équivalant à 500 % de ses besoins, et près du quart de la population canadienne est déjà vaccinée.
    Malgré tout, ce jeu est extrêmement problématique en soi. Les retards de production chez Pfizer, Moderna et AstraZeneca ont créé d'immenses tensions sur le plan du commerce international. Au lieu de participer ensemble à l'effort de guerre pour produire le maximum de vaccins, les pays travaillent les uns contre les autres pour distribuer les vaccins à l'échelle internationale en fonction des priorités des firmes.
    En date du 19 avril 2021, plus de 800 millions de doses de vaccins ont été administrées partout dans le monde. Ces doses ont été administrées dans une proportion de 82 % dans les pays riches, alors qu'elles l'ont été dans une proportion de seulement 0,2 % dans les pays à faible revenu, surtout grâce à l'initiative COVAX. On estime que les pays les plus pauvres devront attendre jusqu'à 2024 pour faire vacciner leur population. De plus, Pfizer vient d'annoncer que son vaccin risque de nécessiter des rappels, soit une troisième dose, et même, peut-être, des rappels annuels par la suite, ce qui risque de prolonger davantage les retards pour les pays à faible revenu.
(1115)
    Le Canada possède des capacités de production de vaccins. Pourquoi ne sont-elles pas utilisées en ce moment pour l'effort de guerre contre la COVID-19?
    À la fin de janvier, le Canada a annoncé un investissement de 126 millions de dollars dans le Conseil national de recherches Canada afin de développer les capacités de production de vaccins.
    Le Conseil national de recherches Canada est situé sur l'avenue Royalmount, et, de l'autre côté du stationnement, se trouve la compagnie PnuVax. Depuis des mois, les dirigeants de PnuVax disent qu'ils ont à leur disposition une chaîne de montage autorisée par Santé Canada et qu'ils sont prêts à commencer à produire un vaccin. Toutefois, ils n'arrivent pas à conclure des contrats de licence avec les différentes firmes, et le Canada ne les aide pas à négocier avec celles-ci. Le Canada a une capacité de production qui n'est pas utilisée en ce moment.
    Récemment, Biolyse Pharma, qui est située à St. Catherines, en Ontario, a demandé quant à elle d'inscrire les produits contre la COVID-19 sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets. Cela lui permettrait de produire et d'exporter le vaccin de Johnson & Johnson sous licence obligatoire, par exemple en recourant au Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM. Le Canada refuse pourtant de modifier l'annexe 1 de manière à permettre à une entreprise canadienne de produire des vaccins pour les pays à faible revenu dans le cadre d'une pandémie. C'est absolument inacceptable.
    En ce moment, une centaine de pays, dirigés, entre autres, par l'Inde et l'Afrique du Sud, demandent à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, de suspendre les droits de propriété intellectuelle liés à la COVID-19 pour faciliter l'échange technologique et permettre un accroissement de la production vaccinale d'ici la fin de la pandémie.
    La suspension de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou l'Accord sur les ADPIC serait un outil beaucoup plus intéressant que le recours aux flexibilités actuelles incluses dans l'Accord. Je parle de l'article 31 de l'Accord, selon lequel chaque pays doit obligatoirement obtenir une licence. Un pays qui demande une licence obligatoire peut l'obtenir, mais il doit ensuite se débrouiller par lui-même pour mettre en œuvre cette licence obligatoire au sein du pays, alors qu'une suspension des dispositions de l'Accord liées aux produits visant à traiter la COVID-19 permettrait aux différents pays de collaborer véritablement afin de mettre à contribution leur capacité de production. L'Afrique du Sud et l'Inde ont des capacités de production vaccinale qui ne sont pas utilisées en ce moment à cause du manque de flexibilité de l'Accord sur les ADPIC.
    Toutefois, le Canada, les États-Unis, l'Europe, le Royaume-Uni et la Suisse s'opposent de manière catégorique à une telle suspension de l'Accord sur les ADPIC. À bien des égards, le Canada semble avoir choisi de faire partie du problème plutôt que de la solution.
    Dans son intervention devant l'OMC le 10 décembre 2020, le Canada a menti de manière éhontée — et je pèse mes mots. J'utilise très rarement ce genre de langage. En effet, le Canada a soutenu que les mesures flexibles actuelles de l'Accord sur les ADPIC étaient suffisantes. Il a dit qu'une telle dérogation n'était pas nécessaire puisque le Canada mettait à disposition son Régime canadien d'accès aux médicaments, ou RCAM, pour permettre aux pays à faible revenu d'obtenir les traitements nécessaires lorsqu'ils se dotent de licences obligatoires sans avoir de capacité manufacturière locale.
    En fait, le RCAM est en ce moment une atrocité bureaucratique tellement inefficace qu'un pays y a eu recours une seule fois, en 2007. Le Rwanda y a eu recours afin d'obtenir des traitements contre le SIDA, et il a par la suite dénoncé l'ineptie du système. Ce système ne fonctionne pas. Il vise plutôt à compliquer l'accès aux médicaments en période d'urgence sanitaire.
    La Chambre des communes avait même voté en faveur d'une réforme du Régime canadien d'accès aux médicaments en 2013, car on le jugeait complètement inefficace. Toutefois, les délais de ratification par le Sénat ont été tellement longs que cette réforme est morte au Feuilleton.
    Le 10 décembre dernier, le Canada est même venu prétendre sans rire que le fait que personne ne recourait au Régime canadien d'accès aux médicaments était la preuve qu'on n'avait pas besoin de flexibilité et donc que l'Accord sur les ADPIC n'avait pas besoin d'être suspendu. C'est encore une fois inacceptable. J'ai rarement été aussi embarrassé d'être Canadien que lorsque j'ai pris connaissance de cette déclaration carrément malintentionnée du Canada devant le défi mondial aussi crucial que constitue la COVID-19.
    Le Canada doit cesser de faire partie du problème. Premièrement, il doit dès maintenant inscrire les produits de santé contre la COVID-19 sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets. Selon certaines rumeurs, dès cette semaine, un pays demandera au RCAM de produire des vaccins contre la COVID-19. Toutefois, en ce moment, le Canada ne peut pas le faire, car il n'a pas inscrit ces produits sous l'annexe 1 de la Loi sur les brevets.
(1120)
    Deuxièmement, il faut soutenir dès maintenant une dérogation à l'Accord sur les ADPIC pour l'ensemble des produits contre la COVID-19 et encourager toutes les initiatives visant à permettre une mise en commun des technologies en science ouverte pour tous les produits liés à la COVID-19 par des groupements de brevets que sont le C-TAP et le MPP. Je compte sur le Canada pour qu'il se place du bon côté de l'Histoire en cette période de pandémie.
    Je suis à votre disposition si vous désirez me poser des questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gagnon. Je suis certaine qu'il y aura beaucoup de questions.
    Nous passons maintenant à M. Agnew, s'il vous plaît.
    Madame la présidente, membres du Comité, c'est un plaisir d'être de retour au Comité permanent du commerce international.
    Cette étude arrive à un moment critique, compte tenu de la campagne de vaccination en cours au Canada et dans le monde. J'ai le privilège, à la Chambre de commerce du Canada, de travailler avec de nombreux chefs de file de l'industrie des sciences de la vie. Comme vous pouvez l'imaginer, notre collaboration a été encore plus étroite ces 12 derniers mois.
    À l'instar de nombreux Canadiens, je repense aux 13 derniers mois et je constate à quel point l'industrie a bougé rapidement. En vue de ma comparution, j'ai survolé la couverture de presse du printemps de 2020. On affirmait alors que la mise au point d'un vaccin prendrait 12 à 18 mois, mais l'industrie l'a fait beaucoup plus rapidement. Cet effort considérable ne doit pas être oublié. Ce n'est pas un vain commentaire rétrospectif; je vise plutôt à souligner l'importance d'appuyer l'innovation dans l'industrie des sciences de la vie.
    Le Comité entendra d'autres témoins qui œuvrent dans cette industrie et qui sont mieux placés pour traiter de science. Je vais donc aborder la question du point de vue du commerce.
    Je veux d'abord parler de la question de la dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle, ou Accord sur les ADPIC qui touche au commerce. La propriété intellectuelle est un élément essentiel pour soutenir l'écosystème d'innovation qui crée des médicaments qui sauvent des vies. Je viens de mentionner le rythme effréné de l'innovation pour la création de vaccins contre la COVID-19. Les travaux de R-D sont des activités à forte intensité de capital et de main-d’œuvre. Sans protections solides de la propriété intellectuelle, l'innovation que nous avons vue l'année dernière sous l'impulsion de l'industrie aurait été considérablement entravée et n'aurait certainement pas été aussi rapide, car les infrastructures adéquates pour la mise au point de vaccins n'auraient pas été en place.
    Rien ne démontre que les droits de propriété intellectuelle nuisent au déploiement des vaccins à l'échelle mondiale. Les problèmes sont plutôt liés à l'augmentation de la production et aux chaînes d'approvisionnement très complexes pour la fabrication de vaccins contre la COVID-19. À lui seul, par exemple, le vaccin Pfizer nécessite 280 composants que la société obtient auprès de 86 fournisseurs répartis dans 19 pays. À cela s'ajoutent les exigences extrêmement complexes pour l'entreposage, qu'on appelle parfois les chaînes du froid, comme vous avez pu le voir dans les médias. Sans vouloir m'étendre indûment là-dessus, il ne suffit pas d'expédier quelques flacons de vaccins dans une glacière remplie de blocs réfrigérants; c'est beaucoup plus complexe que cela. En ce sens, la proposition de dérogation en matière de propriété intellectuelle est une solution à un problème qui n'existe pas, car cela ne réglerait en rien les problèmes sous-jacents de la chaîne d'approvisionnement, comme les pénuries de particules lipidiques pour lesquelles BioNTech a reçu l'aide de la société Merck, l'année dernière.
    Il est aussi important d'adopter une perspective à plus long terme et de reconnaître que la mise en œuvre potentielle d'une dérogation à l'Accord sur les ADPIC aurait des effets durables sur les entreprises, notamment sur leurs décisions d'investissements futurs en R-D et en fabrication. Évidemment, on peut aussi craindre des représailles réciproques à mesure que les pays s'engageraient dans cette voie.
    Il convient également de souligner qu'un processus existe déjà, comme vous venez de l'entendre, en vertu de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC, permettant aux gouvernements d'avoir recours aux licences obligatoires. Puisqu'un processus est déjà prévu, avec garanties, qui plus est, une dérogation générale à l'Accord sur les ADPIC est, en fait, un mécanisme inutile.
    Étant donné tout cela, nous espérons que le gouvernement n'appuiera pas la proposition de dérogation à l'Accord sur les ADPIC qui fait l'objet de discussions à Genève.
    J'aimerais maintenant parler brièvement des mesures de l'Union européenne sur l'exportation des vaccins.
    La Chambre de commerce du Canada s'est fermement opposée aux mesures qui pourraient restreindre l'exportation de vaccins. Ce n'est pas seulement dans l'intérêt du Canada en raison de notre manque de capacité nationale de bioproduction, mais aussi parce que la pandémie de COVID-19 est un problème mondial qui exige une distribution de vaccins à l'échelle mondiale.
    Notre principale préoccupation concernant les mesures de l'Union européenne visant l'exportation est double.
    Premièrement, la directive accorde à la Commission européenne et aux États membres un important pouvoir discrétionnaire en matière d'application. Je suis bien placé pour savoir qu'Affaires mondiales Canada, notamment la ministre Ng et l'ambassadrice Ailish Campbell, ont travaillé très fort en coulisses, et nous en avons vu les avantages, puisqu'aucune expédition vers le Canada n'a été bloquée jusqu'à maintenant. On ne peut pas en dire autant de l'Australie, comme les membres du Comité l'auront sans doute constaté dans les récents reportages des médias.
    Deuxièmement, la réglementation de l'Union européenne crée un précédent très nuisible à d'autres administrations, ce qui risque de rendre beaucoup plus acceptable ce genre de comportement, de sorte que d'autres pays pourraient être plus portés à emboîter le pas. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos homologues de chambres de commerce du monde entier pour faire savoir aux décideurs de l'Union européenne que nous ne devrions pas poursuivre en ce sens. Nous espérons que l'Union européenne concentre plutôt ses efforts sur l'approbation automatique et la création d'un mécanisme fondé sur la transparence.
    J'aimerais discuter brièvement de certaines mesures qui pourraient être prises, sur le plan commercial, pour assurer la souplesse des chaînes d'approvisionnement des vaccins.
    Premièrement, pour compléter mes propos sur les restrictions à l'exportation, les pays doivent fournir plus de précisions sur les restrictions à l'exportation et leur utilisation à des fins politiques. L'an dernier, on entendait souvent que les restrictions à l'exportation devaient être « ciblées, proportionnées, transparentes et temporaires ». Le Canada peut être un acteur de premier plan dans les discussions mondiales visant l'adoption de mesures concrètes pour y arriver. La prochaine réunion des ministres du Commerce du G7 et le Sommet des dirigeants du G7 pourraient être des occasions de progrès. Il y a en outre les prochaines discussions bilatérales avec le Royaume-Uni.
    Deuxièmement, le Canada devrait continuer à jouer un rôle de premier plan dans l’initiative du Groupe d’Ottawa en matière de commerce et de santé et au sein de l'Alliance mondiale pour la facilitation des échanges. Étant donné la complexité des chaînes d'approvisionnement en vaccins, nous pouvons appuyer les pays en développement, notamment en leur fournissant le savoir-faire nécessaire pour l'importation de produits afin de vacciner leurs populations le plus rapidement possible.
    Troisièmement, le Canada devrait continuer de participer aux efforts actuels de l'OMC, sous la direction de Mme Ngozi, pour ce qu'on appelle la « troisième voie » sur le partage volontaire des connaissances. Cela demeurerait conforme à l'esprit de l'article 31(b) de l'Accord des ADPIC, qui exige des consultations avec les titulaires de droits.
(1125)
    La Chambre de commerce internationale a examiné la question et étudie l'idée d'un centre d'échange de renseignements pouvant servir de forum pour apaiser les tensions sur un enjeu déjà très délicat de façon à ce que les discussions sur les chaînes d'approvisionnement soient fondées sur des faits. Nous espérons que le Comité et Affaires mondiales Canada seront en mesure d'approfondir cette question.
    Merci beaucoup de l'occasion de comparaître. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Agnew.
    Nous passons à M. Sorenson.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de me joindre à vous aujourd'hui.
    Les vaccins à ARN messager sont la technologie vaccinale la plus efficace de la planète. L'Union européenne a annoncé son intention d'utiliser exclusivement des vaccins à ARNm à partir de 2022. En pratique, même s'ils n'en ont pas fait l'annonce publiquement, les États-Unis ont choisi les vaccins à ARNm plutôt que d'autres pour leur population, comme le démontrent leurs modes d'acquisition et de distribution des vaccins, sans compter la position prudente de la FDA sur les vaccins contre la COVID-19 à base d'adénovirus.
    Je constate d'après de nombreux articles de presse que le Canada est maintenant en concurrence active pour les doses de rappel pour 2022. À ce jour, seuls les fabricants de vaccins à ARNm ont annoncé publiquement qu'ils travaillaient sur une version de leurs vaccins adaptée aux variants pour les doses de rappel de 2022. Donc, je ne peux que conclure que la ministre Anand négocie avec Pfizer et Moderna, au nom du Canada, pour réserver des doses de vaccins de rappel à ARNm pour les Canadiens, pour 2022.
    Providence Therapeutics est le seul fabricant de vaccins à ARNm au Canada. Même si nous avons transmis au gouvernement du Canada des données cliniques préliminaires indiquant que nous avions un vaccin à ARNm qui était possiblement le meilleur de sa catégorie, et même si nous avons fourni, avec nos partenaires, une avenue claire pour la fabrication de dizaines de millions de doses, le gouvernement canadien n'a pas communiqué avec nous concernant ses besoins en vaccins pour 2022. Nous serions heureux de le faire, et une telle approche cadrerait avec tous les contrats que le Canada a conclus avec des fabricants de vaccins étrangers à l'été 2020. En outre, cela permettrait de poursuivre la fabrication du vaccin à mesure qu'il franchit les étapes du processus réglementaire avec Santé Canada, comme ce fut le cas pour les fabricants étrangers de vaccins en 2020.
    Si des engagements sont pris rapidement, Providence Therapeutics pourra fournir suffisamment de vaccins de rappel pour chaque Canadien d'ici le premier trimestre de 2022. Le Canada a l'occasion d'être le premier pays au monde à vacciner sa population entière avec un vaccin à ARNm conçu pour protéger contre les variants.
    Dès le premier jour, Providence Therapeutics s'est préparée à donner la priorité aux besoins du Canada. Toutefois, outre les promesses d'achat de la province du Manitoba, nous n'avons reçu aucune indication que le Canada souhaite réserver des doses de notre vaccin pour 2022. Nous avons cependant reçu des demandes sérieuses de divers pays concernant l'achat de vaccins en 2022.
    L'industrie des vaccins contre la COVID-19 vaut des centaines de milliards de dollars. Pour donner une idée de l'ampleur de l'industrie, le Canada a lui-même payé 8 milliards de dollars pour des vaccins contre la COVID-19 en 2021 seulement. Une partie de cette activité économique pourrait stimuler l'économie canadienne et créer un marché d'exportation, au lieu d'accroître les coûts d'importation du Canada.
    Providence Therapeutics sera un acteur important de l'industrie des vaccins contre la COVID-19. Ici, au Comité permanent du commerce international, nous sommes tous conscients que le Canada peut et doit être un exemple pour les autres pays en faisant confiance aux vaccins fabriqués au Canada et en les achetant. Dans ce contexte, ne serait-il pas navrant que la première promesse d'achat d'importance pour un vaccin fabriqué au Canada provienne d'un acheteur étranger? N'est-il pas impensable que nous soyons obligés d'exporter des vaccins de calibre mondial alors que la vie et le gagne-pain des Canadiens sont menacés? Aucun de nous ne souhaite cela. En agissant rapidement, le Canada peut empêcher cette malheureuse possibilité.
    J'aimerais demander officiellement au Comité de songer à adopter une résolution visant à obtenir du gouvernement du Canada, s'il s'entête à ne pas saisir l'occasion d'acheter les vaccins de Providence Therapeutics, la promesse qu'il n'empêchera pas l'exportation de nos vaccins produits au Canada vers des pays étrangers. Mieux encore, je vous demande d'envisager d'adopter une motion encourageant le gouvernement du Canada à appuyer la fabrication de vaccins au Canada en s'approvisionnant auprès de fournisseurs canadiens.
    Voilà pour la déclaration que j'avais préparée. Toutefois, compte tenu des commentaires des autres témoins, j'aimerais ajouter que la situation de propriété intellectuelle des vaccins à ARNm est beaucoup plus complexe que ce qui a été présenté ici. Alors que mes pairs laissent entendre qu'ils sont favorables au partage de la propriété intellectuelle — Moderna a dit qu'elle ne ferait pas respecter les brevets —, la réalité, c'est que ses vaccins ont été séquencés et que ce séquençage a été publié. Ils sont identiques à 90 %.
(1130)
    En réalité, la seule protection de la propriété intellectuelle de l'ARN messager est liée à l'administration à base de lipides. Ce contrôle est détenu par une entreprise canadienne appelée Genevant, dont les droits sont bafoués et ne sont pas protégés. Providence Therapeutics a une licence, que nous avons obtenue de Genevant, et nous respectons les règles. Nous sommes prêts — nous négocions avec divers autres pays, comme je l'ai mentionné — à effectuer un transfert de technologie. La vente de doses ne m'intéresse pas; je veux vendre de la capacité. Voilà comment nous mettrons fin à cette pandémie.
    Nous allons communiquer avec l'OMS afin de discuter des façons dont nous pouvons travailler avec elle. Nous avons été contactés par un consortium africain; nous examinons la question. Nous avons eu des discussions avec le gouvernement du Mexique. Nous ne nous limitons pas aux pays industrialisés: nous nous concentrons sur le problème mondial.
    Nous avons besoin de l'appui du Canada. Les divers ministères du pays doivent échanger des renseignements afin de savoir ce qui est fait.
    Providence Therapeutics a partagé des données démontrant que notre produit est plus sûr et entraîne moins d’effets indésirables que ceux de nos pairs. Notre chaîne du froid pour l'entreposage à long terme et le transport se situe à -20 °C, et nous avons déjà deux mois de données sur l'entreposage réfrigéré. Nos réponses immunologiques sont supérieures. Toutes ces informations seront confirmées publiquement lorsque nous divulguerons nos données au public après la finalisation de notre rapport sur essais de phase I. Cela dit, le gouvernement du Canada y a actuellement accès, aux fins d'examen.
    Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. Nous essayons d'aider le gouvernement canadien à comprendre que nous avons cette technologie, une technologie de classe mondiale, à portée de main.
    Je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Merci.
(1135)
    Merci beaucoup, monsieur Sorenson.
    Nous passons à Me Daley, s'il vous plaît.
    Je suis un partenaire chez Norton Rose Fullbright à Montréal, où je suis le chef du groupe international des affaires pharmaceutiques et des sciences de la vie.
    Je me spécialise dans les litiges relatifs aux brevets pour les produits pharmaceutiques et les appareils médicaux, ce qui me permet de comprendre comment les détenteurs de droits de propriété intellectuelle, PI, perçoivent et font valoir leurs droits, tant au Canada qu'à l'étranger.
    Les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes et ne représentent pas nécessairement celles de Norton Rose Fullbright.
    Je vais parler un peu des chaînes d'approvisionnement et de la fabrication nationale et des répercussions pour le Canada à la lumière de la pandémie de COVID-19. Je parlerai brièvement de certains des contrôles qui existent déjà au Canada sur les brevets, y compris les licences obligatoires, puis j'aborderai un peu plus le contexte international de la propriété intellectuelle en ce qui concerne certains des accords commerciaux internationaux du Canada. Je parlerai de certains des mécanismes d'application de la loi qui sont disponibles dans le cadre de ces accords, puis j'aborderai plus précisément la question de l'Accord sur les ADPIC.
    Comme nous le savons tous, la fabrication de nombreux biens s'est déplacée au cours des dernières décennies vers des lieux offrant des économies d'échelle, des coûts plus faibles ou des régimes fiscaux et réglementaires plus favorables. Les produits médicaux ne font pas exception. Par exemple, la Chine et l'Inde sont devenues des fabricants importants d'ingrédients pharmaceutiques actifs et de formes posologiques finales au cours des dernières décennies.
    Les dispositifs médicaux et l'équipement de protection individuelle sont souvent fabriqués à l'étranger. Comme M. Agnew l'a mentionné dans sa déclaration, nous avons beaucoup appris de la COVID-19. Nous avons vu des retards d'approvisionnement et une concurrence pour des fournitures difficiles à trouver. Nous avons vu des accumulations ou des restrictions à l'exportation par certains pays, et nous avons vu de l'ingérence politique dans les accords d'approvisionnement.
    Cela nous amène à la question, à laquelle je pense que vous avons commencé à répondre au cours des 13 derniers mois, de savoir si le Canada devrait augmenter la production nationale de certains produits médicaux de première nécessité, en particulier ceux qui sont liés à la COVID-19. Dans de nombreux cas, la réponse est clairement « oui ». L'équipement de protection individuelle, par exemple, sera essentiel dans cette pandémie et dans les pandémies futures, et nous devrions maintenir des stocks adéquats et avoir des sources d'approvisionnement nationales.
    Lorsqu'il est question de médicaments, de vaccins et d'appareils médicaux, la réponse est moins claire. Il n'est pas pratique d'avoir une chaîne d'approvisionnement entièrement nationale; il y a simplement trop de médicaments, trop de composantes et trop de dispositifs.
    Comme nous l'avons vu, et comme M. Sorenson l'a expliqué, une partie des vaccins qui sont disponibles à l'heure actuelle utilisent une technologie de pointe qui n'est disponible que dans très peu d'endroits. Néanmoins, les activités en R-D nationales et la capacité de fabrication de vaccins sont cruciales pour notre pays.
    Dans un article que j'ai publié avec quelques collègues à la fin de l'année dernière, et qui, je crois, m'a valu d'être invité à prendre la parole aujourd'hui, nous avons proposé une solution hybride qui permettrait de mettre en place des chaînes d'approvisionnement régionales pour les fournitures complexes sophistiquées. Cela nous permettrait de conserver des économies d'échelle. Elles nous permettraient également de tirer parti des accords commerciaux que nous avons déjà en place, comme ceux conclus avec l'Union européenne, les États-Unis et le Mexique. Dans ces circonstances, nous aurions affaire à des partenaires commerciaux qui ont des normes comparables en matière d'environnement, de sécurité et de travail, et des normes qui sont souvent appliquées par ces accords commerciaux internationaux. Nous partageons généralement des valeurs et des systèmes politiques semblables avec ces partenaires commerciaux.
    Conjointement à cette approche régionale, nous continuerions de mettre au point un approvisionnement national fiable pour les produits essentiels, tels que l'équipement de protection individuelle et les vaccins. Nous sommes tous au courant de la fabrication des masques N95 au Canada par la société 3M, ainsi que de l'accord récent avec Sanofi concernant la capacité de fabrication de vaccins au Canada. Ce sont là de bons exemples de mesures pour stimuler l'approvisionnement national, et le gouvernement peut et devrait continuer à encourager les entreprises canadiennes novatrices dans ce domaine également.
    En ce qui concerne la propriété intellectuelle, les médicaments et les vaccins ne sont pas les seuls à pouvoir être brevetés. Les appareils médicaux et l'équipement de protection individuelle peuvent également être brevetés, et c'est cette complication qui rendrait la dérogation à l'Accord sur les ADPIC très difficile à mettre en pratique même si c'était une bonne idée, et je suggérerai plus tard que ce n'est pas le cas. Pour encourager l'approvisionnement national, il faut respecter les droits des détenteurs de propriété intellectuelle, et plus particulièrement les détenteurs de brevets. Les brevets sont le type de protection de la propriété intellectuelle le plus pertinent dans ce domaine.
(1140)
    Comme vous le savez sans doute, il y a déjà des mesures obligatoires en place en vertu de la Loi sur les brevets, et il est possible d'octroyer des licences obligatoires en cas d'urgence nationale. L'un des problèmes, c'est que le concept d'urgence nationale n'est pas clair.
    La Loi sur les brevets ne précise pas non plus comment les titulaires de brevets seraient indemnisés dans ces cas-là. L'article 19.4 de la Loi sur les brevets a été mis en œuvre en mars dernier, au début de la pandémie. Il autorisait le commissaire aux brevets d'autoriser l'utilisation d'inventions brevetées, y compris par des parties privées, dans la mesure nécessaire pour répondre à l'urgence de santé publique. Elle prévoyait que les titulaires de brevets devaient recevoir une « rémunération adéquate ». Cette disposition a expiré en septembre de l'année dernière, et elle n'a jamais été utilisée.
    Cela illustre bien le fait que permettre de passer outre les droits de propriété intellectuelle n'est pas une bonne idée, et nous avons vu au cours de l'année écoulée que ce n'est pas nécessaire, du moins dans le contexte canadien.
    Le Canada est signataire de plusieurs accords internationaux, tels que l'ACEUM et l'AECG. Ces deux accords, ainsi que l'Accord sur les ADPIC, permettent aux gouvernements d'autoriser l'utilisation d'inventions brevetées dans des situations d'urgence nationale sans l'autorisation du titulaire du brevet. Là encore, il n'y a pas de définition claire de ce qui constitue une urgence nationale, et la déclaration unilatérale d'une urgence nationale par un pays pourrait donner lieu à des plaintes ou à des représailles de la part des autres membres du traité.
    Cela m'amène à la demande précise de dérogation à l'Accord sur les ADPIC. Comme nous le savons, certains membres de l'OMC ont demandé une dérogation temporaire aux obligations de l'Accord sur les ADPIC en matière de propriété intellectuelle en réponse à la COVID-19. À mon avis, cette demande pose de multiples problèmes.
    Premièrement, et comme l'a mentionné M. Agnew, nous n'avons connaissance d'aucun exemple concret qui justifierait une telle dérogation. La proposition initiale, que vous pouvez trouver sur le site Web de l'OMC, cite un exemple, mettant en cause le gouverneur du Kentucky et les masques N95, datant d'avril de l'année dernière. C'est le seul exemple que j'ai vu sur le site de l'OMC.
    La demande réclame également une exemption très vaste aux dispositions 1, 4, 5 et 7 de la partie II de l'Accord sur les ADPIC. Une fois de plus, rien ne prouve que les droits de propriété intellectuelle ont nui à la réponse internationale à la COVID-19.
    Un autre point, qui n'a pas été abordé, est que même si on essayait de mettre en œuvre ce type de dérogation, il n'existe aucun moyen pratique de relever les brevets individuels qui ont trait à la lutte contre la COVID-19. De nombreuses personnes ont axé leurs efforts sur les vaccins, par exemple, mais examinons un autre outil important dans la lutte contre la COVID-19, un appareil médical tel qu'un respirateur. Les respirateurs en tant que tels ne sont pas brevetés. Ce qui est breveté, ce sont certaines fonctions que ces appareils remplissent, ou les composantes qui y sont incorporées. Ces brevets peuvent être détenus par le fabricant du respirateur, par des sociétés connexes ou même par des fournisseurs indépendants. Le fabricant du respirateur peut acheter des composantes brevetées à des tiers ou les fabriquer sous licence. Il n'y a pas de moyen facile de déterminer quels brevets sont pertinents et, comme je l'ai dit, il s'agit d'une renonciation ou d'un renoncement total aux droits de brevet pour une période indéterminée. Rien ne garantit que cette mesure permettra d'accroître la capacité de fabrication, de renforcer les chaînes d'approvisionnement ou d'améliorer la distribution aux pays moins riches.
    Il y a aussi le risque que le non-respect généralisé des droits de propriété intellectuelle conduise à l'entrée sur le marché de produits de qualité inférieure ou facilite même l'entrée de produits contrefaits dans la chaîne d'approvisionnement internationale. Les détenteurs de droits peuvent accorder, et accordent souvent, des licences sur leur technologie à des entreprises de confiance, qui sont en mesure d'appliquer un contrôle strict de la qualité. À mon avis, c'est une meilleure solution qu'une renonciation générale aux droits de propriété intellectuelle.
    Ce sont mes remarques, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à tous les témoins.
    Nous allons commencer la période de questions des membres du Comité.
    Monsieur Aboultaif, allez-y. Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins de leur excellent témoignage ce matin.
    Nous savons que les Européens ont mis en place un mécanisme temporaire de transparence et d'autorisation des exportations. C'est un mécanisme protectionniste — nous le savons —, même s'il est temporaire. Je pense que la pandémie est également temporaire. Par ailleurs, nous voyons l'Inde et l'Afrique du Sud demander une dérogation, avec des réactions de la part des industries, bien sûr, et aussi des opinions d'intellectuels et d'entreprises sur la dérogation et le protectionnisme.
    Au Canada, nous avons l'habitude de ne pas être en mesure de protéger la propriété intellectuelle, et nous avons perdu de grosses affaires, des occasions. Nous devons nous rappeler que nous sommes des chefs de file sur de nombreux fronts, que ce soit au niveau pharmaceutique, technologique ou autre, mais nous semblons échouer. Nous sommes actuellement confrontés à une pénurie d'approvisionnement au Canada. Il y a des retards pour les bons de commande que nous avons en place. Cela pourrait être lié à des pénuries dans la fabrication ou à des difficultés du côté de la fabrication, mais cela nous affecte au bout du compte. Cela nous empêche d'ouvrir notre économie aussi tôt que d'autres pays, comme les États-Unis et Israël.
    Monsieur Sorenson, vous avez la technologie. Vous avez la capacité. Vous avez parlé au gouvernement. J'étais un homme d'affaires avant de me lancer dans la vie politique. Comment le gouvernement peut-il mieux travailler avec vous? C'est très important. La sécurité de nos approvisionnements à tous les niveaux est très importante, surtout maintenant avec la pandémie. Comment considérez-vous que le gouvernement travaille avec vous? Quels changements aimeriez-vous voir pour pouvoir disposer des capacités dont nous avons besoin?
(1145)
    Merci, monsieur Aboultaif.
    Jusqu'à présent, le gouvernement a travaillé de manière plutôt efficace en ce qui concerne les essais cliniques. Nous avons reçu le soutien du CNRC. Nous en sommes à la phase II avec le CNRC. Nous avons soumis notre demande au Fonds stratégique pour l'innovation pour la phase III.
    J'ai confiance qu'à mesure que notre programme progresse dans le cadre des essais cliniques, nous obtiendrons le soutien approprié du gouvernement du Canada pour les essais cliniques.
    Quand avez-vous commencé à parler au gouvernement, si vous ne voyez pas d'inconvénient à répondre à cela?
    Eh bien, la phase I a été annoncée l'an dernier. Nous avons été pressentis par le CNRC pour la phase II des essais cliniques. Nous avons un excellent dialogue depuis que la phase I a commencé. Ce processus s'est poursuivi. Il a commencé il y a environ deux mois, alors que nous nous préparions à conclure notre essai de la phase I et à publier les données. Bien que le CNRC soit plafonné à 10 millions de dollars, ce qui n'est certainement pas suffisant pour réaliser les essais de la phase II et de la phase III, le CNRC, par l'entremise des fonctionnaires, a augmenté notre financement par l'entremise du Fonds stratégique pour l'innovation. Cela s'est produit il y a environ trois semaines. Nous travaillons actuellement avec le Fonds stratégique pour l'innovation.
    Est-ce que j'aimerais que cela aille plus vite? Oui, mais les travaux progressent, et je crois qu'ils continueront de progresser et que nous obtiendrons le soutien dont nous avons besoin pour nos essais cliniques.
    Une partie du défi que nous avons, pour parler des défis précis, c'est la nécessité d'avoir des vaccins comparateurs. Cet élément d'information a été communiqué au comité des finances la semaine dernière. Je l'ai communiqué à de nombreux ministères au Canada. J'attends toujours une réponse...
    Merci...
    ... il y a un certain nombre de mesures. Ce qui nous manque vraiment, c'est le soutien à la fabrication. On dirait que tout le soutien à la fabrication est ciblé sur une installation. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un soutien pour aller acheter les matières premières afin de pouvoir commencer à fabriquer des vaccins importants.
    J'ai personnellement — personnellement — garanti cette semaine 5,5 millions de dollars sur un contrat d'achat de lipides pour que nous puissions respecter nos délais. Je ne sais pas quoi faire d'autre. Nous avons besoin que le gouvernement s'engage, et qu'il s'engage rapidement, si nous voulons avoir des échéances qui répondent aux besoins des Canadiens et qui correspondent à la situation en cours. La pandémie mondiale sévit toujours. Elle est toujours critique.
    C'est ce qui fait vraiment défaut. C'est ce dont j'ai besoin. J'ai besoin de cet engagement à l'égard de l'approvisionnement en matières premières pour que nous puissions acheter ces matières premières.
(1150)
    Merci.
    J'ai entendu hier...
    Monsieur Aboultaif, soyez très bref, s'il vous plaît.
    Merci. Je pense que je dispose de 30 secondes.
    C'est 40 secondes.
    Je vais poser une petite question ici.
    Certaines provinces envisagent de conclure des accords pour acheter des vaccins. En avez-vous entendu parler? Qu'en pensez-vous?
    D'après ce que je comprends, elles ne peuvent vraiment rien faire au niveau international. C'est pourquoi le Manitoba nous a pressentis, et nous signerons un accord définitif avec la province cette semaine. Nous avons également eu des discussions avec l'Ontario. Cette discussion est en quelque sorte en pause pour le moment. La province a du pain sur la planche.
    D'après ce que je peux voir, l'Alberta a pris une voie différente. Elle a demandé des propositions parce qu'elle cherche à bâtir l'industrie. La proposition que nous avons pour la province est actuellement évaluée par PricewaterhouseCoopers.
    Merci, monsieur Sorenson.
    Nous allons maintenant entendre M. Sarai pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous nos témoins. Vous êtes très perspicaces dans vos domaines respectifs.
    Monsieur Sorenson, vous avez terminé la phase I et vous en êtes aux essais à la phase II, n'est-ce pas?
    Les essais de la phase I sont terminés. La dernière visite de suivi pour notre sujet aura lieu demain. Nous consignerons alors toutes les données. L'ORC qui nous appuie rédigera le rapport. Ce rapport devrait être disponible d'ici quatre ou cinq semaines.
    Je crois que nous avons reçu du financement du gouvernement fédéral de l'ordre de 5 millions de dollars. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Quelle est la date d'approbation prévue, si tout se déroule bien dans vos essais de la phase II?
    Nous avons besoin d'une phase II et d'une phase III afin de recevoir une autorisation d'utilisation d'urgence. Nous nous sommes adressés à Santé Canada pour pouvoir combiner les essais de la phase II et de la phase III, et Santé Canada a jugé qu'il serait plus approprié de séparer ces essais. Cela rallonge le programme d'environ trois mois.
    Nous espérions avoir un vaccin approuvé en octobre ou en novembre. J'espère que notre vaccin sera approuvé en janvier ou en février 2022.
    À l'heure actuelle, le vaccin n'est pas approuvé. Vous espérez encore qu'il soit approuvé. Nous avons certainement bon espoir d'obtenir un vaccin fabriqué au Canada, et le vôtre est très prometteur. Cependant, à l'heure actuelle, est-il exact de dire qu'il n'est pas approuvé et que vous vous attendez à ce qu'il soit approuvé à la fin de l'année ou au début de 2022?
    C'est exact.
    Si nous attendons l'approbation avant de commencer la fabrication, en raison des délais de fabrication, nous devons commencer dès maintenant si nous voulons que les doses soient prêtes lorsque l'autorisation sera obtenue.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Me Daley. Vous avez dit que les solutions hybrides sont probablement les meilleures pour la création de chaînes d'approvisionnement régionales, de même que pour la mise à profit des accords commerciaux existants. Les accords commerciaux pourront-ils à eux seuls nous protéger?
    Ce que nous avons remarqué en situation de pandémie, c'est que malgré les accords commerciaux, les gouvernements détournent parfois l'équipement de protection individuelle dès qu'il est déposé sur le tarmac. Ailleurs, nous avons vu se manifester l'intérêt national et le désir de ne pas voir les vaccins partir pour l'étranger.
    Pensez-vous que les accords commerciaux pourront à eux seuls nous protéger, dorénavant? Devons-nous plutôt instaurer une production nationale afin que les produits sous licence puissent être fabriqués ici, même si le brevet et le produit sont détenus ailleurs?
     Je ne pense pas que les accords commerciaux puissent nous protéger dans toutes les situations imaginables. Comme nous l'avons vu dans les situations d'urgence, les pays, comme les individus, veillent à leur intérêt primordial, et ils le feront toujours. Néanmoins, je pense qu'une approche régionale nous permet de nous appuyer davantage sur des personnes avec lesquelles nous entretenons des relations de confiance à long terme, de sorte que ce type de problèmes risque moins de se poser à l'avenir.
    Nous constatons depuis un an qu'une grande partie de notre approvisionnement provient de pays avec lesquels nous n'avons pas de très bonnes relations et avec lesquels les relations se détériorent. Je pense que le modèle régional réduirait certains des risques, mais on ne peut jamais les éliminer tous.
    Quelle serait la meilleure solution pour cela? Est-ce que c'est d'avoir plus d'installations de production et de recherche et développement ici?
    Comme vous pouvez le constater, vous ne pouvez pas toujours parier qu'un fabricant canadien trouvera la solution. Vous devez couvrir votre mise partout. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est le Canada qui a réalisé les plus gros achats, mais nous avons dû faire le tour du monde pour obtenir suffisamment de doses pour le Canada, et cela pourrait être le cas à l'avenir également.
    Quelle est la meilleure façon de maintenir une chaîne d'approvisionnement sécurisée pour le Canada?
(1155)
    Je pense que vous avez raison de dire que nous devons augmenter notre capacité nationale. Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est la leçon que nous avons apprise au cours de la dernière année. Nous avons constaté certaines des faiblesses que présente une chaîne d'approvisionnement mondiale très dispersée.
    Cela dit, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, l'univers des produits pharmaceutiques, des appareils médicaux et des vaccins est trop vaste et trop complexe pour que même les très grands pays puissent le gérer seuls. Il n'est tout simplement pas possible pour le Canada d'être complètement autosuffisant pour tous les dispositifs médicaux ou produits pharmaceutiques dont nous pourrions avoir besoin.
    Accroître la capacité nationale, favoriser la recherche et le développement et encourager les entreprises canadiennes novatrices est une excellente idée, et je pense que c'est quelque chose que nous devrions faire, mais nous ne serons jamais complètement autosuffisants.
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Agnew. Je sais que vous avez dit que vous êtes plutôt du côté du commerce et non de la recherche, mais je comprends que la reprise économique dépend de la vaccination de masse. Comment pensez-vous que les huit millions de doses supplémentaires du vaccin Pfizer que le gouvernement a récemment obtenues vont contribuer à accélérer la reprise économique et à soutenir les entreprises canadiennes?
    Eh bien, je suppose qu'en fin de compte, c'est aux provinces qu'il incombe de les distribuer rapidement, et il est certain que tout ce qui permet de faire entrer plus de vaccins dans le pays est utile, mais nous devons avoir une meilleure infrastructure sous-jacente pour faire parvenir les vaccins aux gens. À notre avis, l'une des choses qui aideraient, par exemple, serait de donner la priorité aux travailleurs essentiels, pour la vaccination. Avoir plus d'équipement est utile, mais encore faut-il le distribuer une fois qu'il est arrivé au pays.
    Merci beaucoup, monsieur Sarai.
    Nous allons passer à M. Savard-Tremblay, qui dispose de six minutes.

[Français]

    Madame la présidente, il y a eu des problèmes liés au son tout à l'heure, mais l'équipe technique ne m'a pas appelé pour vérifier cela.
    Pouvez-vous me confirmer que le son est bon et que vous m'entendez bien maintenant?

[Traduction]

    Oui, nous vous entendons bien, monsieur.

[Français]

    C'est parfait.

[Traduction]

    Votre temps commence maintenant.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour à tous.
    Je remercie les témoins de leur présentation.
    Monsieur Gagnon, jadis, nous avions une expertise au Québec. Nous n'avons qu'à penser, entre autres, à l'Institut Armand-Frappier, qui ne semble plus vraiment exister aujourd'hui. Qu'est-ce qui a bien pu se passer et comment cela peut-il contribuer à nous faire prendre conscience qu'il ne s'agit pas de la marche à suivre?
    Au cours de la dernière année, et même depuis la crise du SRAS, en 2003, nous avons laissé passer de nombreuses occasions d'acquérir notre propre expertise.
    Qu'est-ce qui n'a pas été fait, et que devrions-nous faire à partir de maintenant?
     Je vous remercie de la question.
    Il faut comprendre que, pendant longtemps au Canada, la capacité publique en matière de fabrication de vaccins était très élevée. Il y a une différence importante entre la capacité de production publique et la capacité de production privée. Dans le cas de la capacité de production publique, ce sont les autorités publiques qui décident quelles devraient être les priorités quant à l'utilisation de ses infrastructures. Ici, il est beaucoup question de propriété intellectuelle. Dans ce domaine, il y a un grave problème d'ordre général. Les incitatifs en matière de propriété intellectuelle ne cadrent pas toujours avec les impératifs de santé publique. On a donc besoin d'outils supplémentaires afin de produire ce dont on a besoin lorsque les incitatifs en matière de propriété intellectuelle ne sont pas suffisants.
    Pendant longtemps, il y avait les Laboratoires Connaught, à Toronto. Au Canada, cette entreprise était centrale en matière de fabrication de vaccins. Il y avait aussi l'Institut Armand-Frappier, dans la région de Québec. Les Laboratoires Connaught ont été vendus à la firme Sanofi. Dans le cas de l'Institut Armand-Frappier, il y a eu un partenariat public-privé, qui est devenu IAF-Biochem  Pharma, et qui a par la suite été vendu à la multinationale Shire. Celle-ci a ensuite vendu des pièces bout à bout. Les installations pour la fabrication de vaccins sont alors devenues la propriété de GlaxoSmithKline. Elles existent toujours, mais ce sont maintenant des firmes privées qui décident dela manière dont on les utilise. Elles le font selon les priorités de leurs actionnaires, et non selon les priorités de santé publique.
    Lorsqu'on a privatisé l'Institut Armand-Frappier, l'argument avancé était simple: le public ne devait pas marcher dans les plates-bandes de l'entreprise privée, contre qui on ne devait pas exercer une concurrence déloyale. Or, il s'agissait de capacités de production absolument nécessaires. Il faut davantage de capacités de production publique. Or, on vient d'annoncer un genre de retour. Le gouvernement a en effet annoncé qu'il allouerait une somme de 126 millions de dollars au Conseil national de recherches du Canada. Toutefois, on vient d'annoncer un investissement public-privé d'un demi-milliard de dollars destiné à la firme Sanofi, qui possède les infrastructures des Laboratoires Connaught, à Toronto. Cet accord est encore confidentiel et l'on ne sait pas encore qui pourra décider des priorités quant à l'utilisation de ces installations. À mon avis, cette situation est extrêmement problématique.
    Je vous donne l'exemple d'une autre pandémie, celle du virus Ebola. Le Canada a mis au point dans le secteur public le vaccin contre l'Ebola. Par la suite, il a fait ce qu'il fait toujours, c'est-à-dire qu'il a vendu la licence à une firme privée pour qu'elle se charge de la fabrication du vaccin. Cette firme n'a rien fait pendant 10 ans. Il a fallu attendre la nouvelle éclosion d'Ebola pour que, tout à coup, un genre de mouvement de panique ait lieu. On a alors simplement revendu la licence à la compagnie Merck pour qu'elle fabrique le vaccin.
    Bien des gens étaient très fâchés qu'une petite compagnie achète à bas prix une licence publique et la revende à très haut prix à une grande firme. Pour ma part, j'étais scandalisé par le fait qu'on ait dû attendre la mort de 10 000 victimes de l'Ebola pour que ce vaccin, que nous avions nous-mêmes mis au point, soit fabriqué. C'est inadmissible. Ce sont des situations où les incitatifs financiers en matière de propriété intellectuelle ne répondent pas aux besoins de santé publique dans leur ensemble.
(1200)
    Je vous remercie.
    Au sujet de la propriété intellectuelle, quelques représentants de l'industrie nous ont parfois affirmé que les dérogations relativement aux brevets seraient inutiles, le problème étant le manque de capacité de production et de main-d'œuvre.
    D'après ce que je comprends, vous ne partagez pas ce point de vue.
    Je ne le partage absolument pas. Il y a une capacité de production au Canada et dans d'autres pays. Il faut comprendre que la situation est complexe dans le cas des vaccins. De plus, on parle ici de vaccins à ARN messager. La complexité est très importante. Même si l'on a la recette qui indique comment fabriquer le vaccin, il sera très difficile de faire en sorte qu'une firme commence à le produire le lendemain matin. Il faut une collaboration, un échange de savoir-faire technologique.
    Actuellement, nous ne disposons pas des capacités qui pourraient permettre cet échange. Si l'on essaie de collaborer, d'échanger et de permettre la mise en œuvre des capacités actuelles en matière de fabrication de vaccins, on risque de faire l'objet de poursuites en vertu de l'Accord sur les ADPIC ou de dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Selon moi, c'est extrêmement problématique.
    Nous avons maintenant des outils pour augmenter la production, écourter cette pandémie et faire en sorte qu'il y ait pour les entreprises canadiennes une relance économique plus rapide, mais nous ne les utilisons pas, sous prétexte qu'il faut préserver la propriété intellectuelle.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur. Je suis désolée de vous interrompre.
    Monsieur Blaikie, vous avez six minutes.

[Français]

    Monsieur Gagnon, je vous invite à terminer votre intervention.
    Je vous remercie.
    Je voulais dire que c'est BioNTech qui a mis au point le vaccin de Pfizer, et, par la suite, c'est Pfizer qui l'a produit. C'est l'Université d'Oxford qui a mis au point le vaccin AstraZeneca. Au début, cela devait être une licence non exclusive à AstraZeneca, mais, au bout du compte, cela a été changé pour une licence exclusive. En ce qui concerne le vaccin Moderna, il a été entièrement financé par le secteur public.
    Maintenant, on vient nous dire que c'est grâce à la propriété intellectuelle que l'on a réussi à mettre au point ces vaccins, mais c'est faux. Il y a une différence. La propriété intellectuelle, en ce moment, permet à certaines grandes firmes de réaliser d'importants profits. Financièrement, elles ont intérêt à s'assurer qu'on mette le moins possible en commun le savoir sur ces vaccins, car tant qu'elles exercent un contrôle sur ce savoir technologique, elles peuvent maintenir leur marge de profit. C'est cela qui est inacceptable.
(1205)
    Nous entendons aussi dire qu'il y a des prix différentiels qui ne reflètent pas nécessairement les coûts de production et de transport, mais nous n'avons toujours pas de bonnes informations publiques sur les prix que les entreprises demandent pour leur vaccin.
    Monsieur Gagnon, selon vous, à quel point est-il important que nous ayons accès non seulement aux données liées à la fabrication des vaccins ainsi qu'aux technologies, mais également aux informations sur les profits réalisés?
     Il est très difficile d'évaluer à quel point les entreprises privées agissent dans l'intérêt public et de façon transparente, ce que les gouvernements devraient faire aussi, puisque les informations sur les profits qu'elles tirent de leurs vaccins sont aussi confidentielles. Il est donc difficile de savoir à quel point elles abusent des fonds publics qu'elles ont déjà reçus et des propriétés intellectuelles pour faire des profits qui ne sont pas divulgués, et ce, pendant une crise mondiale.
    Je vous remercie de cette excellente question.
    En fait, c'est un gros problème que nous avons actuellement et qui touche les médicaments brevetés de manière générale, y compris les vaccins. Simplement, nous sommes dans un marché où tout se fait en dessous de la table, par des accords confidentiels. Tout le monde est dans le secret. En tant qu'analyste de l'extérieur, je ne peux même pas savoir qui paie quoi et selon quelles conditions. C'est devenu le nouveau marché du médicament: pour un produit essentiel pour la santé publique, tout est fait en dessous de la table et il n'y a aucune transparence concernant qui fait quoi derrière tout cela.
    L'un des cas de figure est la compagnie Moderna. Encore une fois, il n'y a eu aucun investissement privé pour la découverte du produit, et Moderna demande le plus haut prix parmi tous les vaccins. En fait, elle a même gagné le prix Shkreli, qui est décerné au plus grand abuseur du système public.
    Moderna a été financée d'abord et avant tout par le gouvernement américain. Dans l'entente confidentielle conclue avec le gouvernement américain, on peut donc s'attendre à ce que le prix demandé aux États-Unis soit extrêmement bas. En revanche, Moderna peut demander des prix extrêmement élevés à l'étranger et maintenir une marge de profit pour un produit dont elle n'a pas financé la mise au point. Il n'y a eu aucun investissement privé dans la mise au point de ce produit.
    On entend fréquemment dire qu'on doit laisser la production et la distribution du vaccin au secteur privé, car c'est la façon de faire la plus efficace. Cependant, avons-nous vraiment les données nécessaires pour déterminer si le système de production de l'industrie privée que nous avons pendant cette crise est vraiment le plus efficace?
    Devons-nous le prendre comme une profession de foi, parce que nous n'avons pas assez de données pour en faire une évaluation adéquate?
    C'est une excellente question.
    Je rappelle que, lorsque l'on parle de propriété intellectuelle ou de marchés privés, on dit que c'est la meilleure façon de faire avancer la science.
    En ce moment, pour les maladies rares, l'Institut-hôpital neurologique de Montréal a décidé de passer complètement en science ouverte. Le Structural Genomics Consortium a fait de même. Pour les chercheurs, la propriété intellectuelle est aujourd'hui devenue d'abord et avant tout un obstacle pour faire de la recherche et découvrir de nouveaux produits.
    Évidemment, dans le monde des affaires, on dit que ce n'est pas le cas, puisque c'est la meilleure façon de maintenir des niveaux de profits très élevés. Par contre, sur le plan de la recherche, de la découverte et de la mise au point de nouveaux produits, la propriété intellectuelle devient de plus en plus un obstacle, et cela, on ne le prend pas en compte.
    Au cours des premiers mois de la pandémie, tout a fonctionné en science ouverte et nous avons avancé à pas de géants. Le modèle de la science propriétaire en cas d'urgence sanitaire, comme on le voit maintenant, est davantage un système qui alimente des dynamiques parasitaires ou des dynamiques de gonflement des prix, qui ne répondent pas nécessairement aux besoins actuels en matière de santé publique.
(1210)
    Puisque que nous parlons du...

[Traduction]

    Je suis désolée, monsieur Blaikie, mais votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour de M. Lobb, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais simplement vous donner un peu de contexte. Je viens de l'Ontario et je pense que nous vaccinons de 110 000 à 120 000 personnes par jour environ, comme vous le savez tous. Nous avons probablement la capacité d'en vacciner entre 400 000 et 500 000 par jour. Dans ma région de Huron—Bruce, et si vous voulez aller jusqu'à Grey, la population dépasse à peine 200 000 personnes. Dans certaines de nos cliniques, nous pouvons vacciner 2 000 personnes par jour. À Hanover, ils ont déjà administré 3 500 vaccins en une seule journée.
    Le problème en Ontario et dans ma région, c'est l'approvisionnement. Tous les témoins qui participent à la réunion d'aujourd'hui le savent. C'est la cause de toutes les fermetures et de la situation que nous connaissons en Ontario.
    La question est de savoir comment obtenir plus de vaccins, non seulement pour le Canada et l'Ontario, mais aussi pour le reste du monde.
    Je regarde M. Sorenson là-bas, et je pense à sa lettre ouverte au premier ministre dans laquelle il a indiqué qu'à un moment donné, en 2021, il y aurait une capacité de production potentielle de 50 millions de doses. Est-ce dans vos propres installations ou dans le cadre d'un consortium?
    En ce qui concerne notre production de 2021, il y a deux étapes pour les vaccins à ARN messager. Il y a d'abord l'étape de la substance médicamenteuse qui sert à la production de l'ARNm. Cette étape se déroule dans le Dakota du Nord, et nous avons déjà réservé cet espace pour nous. Il s'agit d'une installation qui possède une vaste expérience. Nous avons déjà procédé au transfert de la technologie, de sorte qu'ils savent comment faire ce dont nous avons besoin pour la production à grande échelle.
    La deuxième partie du processus se déroule à Winnipeg, au Manitoba, chez Emergent BioSolutions. Nous leur transférons la technologie ce mois-ci pour qu'ils sachent comment faire la partie formulation du processus, et ensuite ils font le remplissage-finissage.
    Avec cette seule capacité existante, une fois que nous aurons lancé le processus, la raison pour laquelle nous pouvons nous engager à livrer 50 millions de doses à ce moment-là est que nous serons prêts à démarrer. Si nous avions acheté les matières premières en janvier, nous aurions pu être opérationnels en juillet et lancer la production. Cela nous aurait permis de fabriquer 50 millions de doses. Nous n'avons pas obtenu le soutien pour les matières premières. Nous ne pourrons pas être opérationnels avant septembre. Nous pourrions tout de même produire des dizaines de millions de doses.
    Tout est là. Il suffit de démarrer.
    Je ne suis pas dans votre secteur d'activité, alors vous allez devoir être indulgent avec moi pour cette question. Si j'ai bien compris, Moderna — vous avez parlé de certains aspects de Moderna — a publié une sorte de lettre ouverte ou d'engagement ouvert pour dire que sa propriété intellectuelle est disponible.
    Je suis probablement naïf, mais dans l'intervalle, pendant que vous faites cela, pourquoi ne pas simplement les intégrer et profiter de leurs approbations?
    Je suis désolé, monsieur Lobb, mais ce n'était qu'un exercice de relations publiques. En réalité, Moderna et tous les fabricants d'ARNm savent que dans le domaine de l'ARNm, il y a très peu de propriété intellectuelle. C'est un secret commercial.
    Vous pouvez partager votre propriété intellectuelle. Vous pouvez partager la séquence de votre ARNm, mais la façon dont vous l'avez optimisé, les codons que vous avez utilisés et votre processus de purification sont des secrets commerciaux. Moderna ne va pas partager cela. Ils vont partager leur propriété intellectuelle, mais personne ne saura quoi en faire. S'ils ont adopté cette position, c'est pour avoir l'air d'être au-dessus de la mêlée alors qu'ils piétinent la propriété intellectuelle d'une entreprise canadienne pour la livraison. C'était une manœuvre stratégique.
    Eh bien, je vous remercie de cette réponse honnête, bien sûr.
    Maître Daley, j'ai siégé au comité de l'industrie et au comité de la santé au fil des ans, et on discute depuis des années des droits de propriété intellectuelle du point de vue de l'éducation et du partenariat avec des entreprises ou avec un jeune qui a une idée géniale. Ces arguments et débats sur la question de savoir à qui appartient la propriété intellectuelle, que ce soit l'étudiant ou l'université, durent depuis très, très longtemps.
    Je me demande si le Canada ne devrait pas envisager un partenariat avec les États-Unis et le Mexique afin que nous puissions former une seule zone économique. Lorsque le prochain problème se présentera — une pandémie ou autre chose —, il n'y aura pas qu'une opération Warp Speed, mais trois pays qui devront collaborer de façon égale pour profiter des avantages dont jouissent les États-Unis à l'heure actuelle.
    Est-ce possible, ou est-ce une utopie?
(1215)
    Il y a deux réponses à cette question, ou du moins deux aspects d'une réponse à cette question.
    Le premier élément est que votre idée va dans le sens de ce que j'ai dit, à savoir qu'une stratégie régionale de production de produits destinés à lutter contre des pandémies telles que la COVID est souhaitable; cette région comprend les États-Unis et le Mexique. C'est certainement quelque chose que j'encouragerais.
    Quant à la question de savoir si ces pays seraient disposés à fusionner leurs régimes de propriété intellectuelle, je n'ai pas les compétences nécessaires pour y répondre. Je m'attends à ce que des pays comme les États-Unis insistent pour conserver le contrôle de leurs propres lois sur la propriété intellectuelle. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas trouver des moyens de partager la technologie et de coopérer les uns avec les autres dans les domaines où nos intérêts sont les mêmes.
    Merci, maître Daley.
    Nous passons maintenant à Mme Bendayan, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leur présentation aujourd'hui.
    Monsieur Gagnon, vous avez parlé de l'importance de la mise en commun du savoir-faire technologique. Je connais bien le domaine puisque mon père est chercheur en médecine. Je ne suis donc pas en désaccord avec plusieurs de vos remarques concernant l'importance de la science ouverte.
    Il y a quelques jours, nous avons entendu plusieurs témoins experts dire que le problème n'est pas nécessairement l'Accord sur les ADPIC de l'OMC. Le problème est que plusieurs pays dans le monde, notamment presque tous les pays en développement, n'ont pas les capacités nécessaires. Même s'il y avait une dérogation à l'Accord, cela ne résoudrait pas le problème.
    Quel est votre avis à ce sujet?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Ma principale réponse est que cela n'est pas le point de vue de l'OMS, qui considère aussi qu'à l'heure actuelle, des capacités de production de vaccins ne sont pas utilisées.
    Ce qu'il est important de comprendre, c'est que nous avons créé un système où la capacité de profits dépend de la capacité de maintenir un contrôle sur le vaccin. Il serait important de promouvoir un système où l'incitatif financier ferait en sorte que, plus on vaccine de gens et plus on produit de doses dans le monde, plus on peut faire de profits.
    Ce système serait tout simple à mettre en place. On achète le vaccin, on le transmet à une communauté de brevets et on donne ensuite à la compagnie un revenu de 4 % pour chaque vaccin qu'elle a produit. À partir de là, la compagnie a tout intérêt à maximiser la mise en commun des savoir-faire et la collaboration avec les différents pays et producteurs pour...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais mon temps de parole est très limité.
    Vous parlez de créer un autre système. L'enjeu qui se profile est très pointu. Il s'agit de savoir si le Canada accorde ou non sa voix aux pays en développement, qui demandent la dérogation à l'Accord sur la propriété intellectuelle. Selon plusieurs témoignages, cela ne résoudra pas le problème actuel du jour au lendemain.
    Selon moi, un système de remplacement est la solution à long terme. Actuellement, la suspension des dispositions liées aux ADPIC pour les produits liés à la COVID-19 est le premier pas nécessaire pour se sortir du marasme dans lequel on se trouve ainsi que pour essayer de concevoir un système de remplacement pour certains types de produits pour l'avenir.
(1220)
     Je vous remercie.

[Traduction]

    Je vais maintenant m'adresser à Brian Daley. Par souci de transparence, je tiens à préciser que Me Daley et moi étions collègues chez Norton Rose lorsque j'étais en pratique privée.
    Maître Daley, vous avez entre autres mentionné une chose qui a assurément piqué mon intérêt et, très franchement, suscité mon inquiétude, soit le contrôle de la qualité. Vous avez mentionné vers la fin de votre déclaration liminaire la possibilité que des éléments ou des produits entrant dans les chaînes d'approvisionnement ne fassent pas l'objet d'un contrôle de qualité suffisant, ce qui pourrait avoir une incidence sur la santé et la sécurité des Canadiens et, franchement, de tous les gens.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Certainement, madame Bendayan. Je vous remercie.
    Comme je l'ai dit, j'ai lu la demande d'exemption sur le site Web de l'OMC. Elle est formulée en termes très généraux. Prenons l'exemple des droits de brevet. Elle demande simplement une suspension en bloc, essentiellement dans plusieurs pays.
    Si vous étiez un titulaire de droits de propriété intellectuelle et que vous souhaitiez concéder une licence pour la production de votre produit breveté dans un autre pays, vous concluriez un accord de licence avec un tiers. Dans cet accord de licence, vous auriez des dispositions relatives au contrôle de la qualité. Vous diriez que votre produit doit répondre à certaines normes. C'est ainsi que l'on procède normalement.
    Si vous dites simplement que tous les paris sont ouverts, que tous les droits de brevet sont suspendus, vous n'avez aucun contrôle sur ceux qui vont fabriquer ces produits, qui vont utiliser ces inventions brevetées, et c'est là que vous perdez le contrôle du processus. Je pense que c'est un aspect que la demande d'exemption n'aborde tout simplement pas, pour autant que je sache.
    Merci beaucoup, maître Daley.
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé, madame Bendayan.
    C'est au tour de M. Savard-Tremblay, qui a deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Gagnon, on a pu constater que, dans le cadre de l'initiative COVAX, on ne parvenait pas toujours à conclure des contrats avec les firmes. Le Canada, par exemple, est prêt à payer plus cher, et il prétend que c'est un très grand succès.
    Est-ce votre opinion?
    Non, ce ne l'est pas.
    La réponse, sur le plan international, était au départ la mise en place d'une communauté de brevets. Les firmes étaient très réticentes à y participer. Elles ont plutôt appuyé l'instauration de cette plateforme d'achat qu'est COVAX, qui respecte entièrement la propriété intellectuelle.
    Ce que je comprends, c'est que la mise en place d'une communauté de brevets, question que vous avez abordée tout à l'heure, est l'une des solutions que vous suggérez.
    Oui, c'est tout à fait cela. C'est le cas du C-TAP, ou même du MPP.
    Au sujet de COVAX, le problème est qu'on se retrouve à inclure un concurrent de plus dans l'espèce de guerre de nationalisme vaccinal où règne le « chacun pour soi ». L'initiative COVAX n'a pas réussi à être concurrentielle sur un marché où les pays les plus riches peuvent offrir des prix beaucoup plus élevés pour les doses de vaccins. Au bout du compte, COVAX a toujours de gros problèmes en matière d'approvisionnement.
    C'était néanmoins une initiative intéressante et c'était bien que le Canada y participe. Par contre, si le pays réserve encore une fois des doses de vaccins à hauteur de 500 % de ses besoins ailleurs pour faire concurrence à l'initiative COVAX, il ne fera plus partie de l'initiative. On est en train de la tuer dans l'œuf, pour ainsi dire.
    On est donc en train de tuer dans l'œuf cette initiative. Au lieu d'être une espèce d'arrimage global, COVAX devient une initiative parmi d'autres.
    Est-ce que cela reflète bien vos propos?
    Oui, c'est tout à fait cela.
    COVAX devient un concurrent parmi d'autres sur un marché mondial qui est dysfonctionnel. Ce ne sont que les pays les plus riches qui reçoivent les doses. Les pays à faible revenu ont seulement reçu 0,2 % de l'ensemble des vaccins actuels qui ont été distribués sur les 2,5 milliards de doses obtenues. On a ici un véritable problème: COVAX ne réussit pas à remplir son mandat.
    La directrice générale de l'OMC, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, a dit qu'il y avait une troisième voie: il faudrait encourager les firmes à faire plus d'ententes de licence avec différents partenaires. Cela est évident. Normalement, si les firmes avaient eu dès le départ un intérêt à maximiser les ententes de licence un peu partout, on aurait pu justement mettre véritablement à profit l'ensemble des capacités de production de vaccins dans le monde. Cependant, très rapidement, mis à part AstraZeneca...
(1225)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur. Je suis désolée de vous interrompre.
    Nous passons maintenant à M. Blaikie, pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Gagnon, lorsque nous parlons de ce qui est proposé, c'est-à-dire une exemption temporaire et ciblée aux dispositions de l'ADPIC à l'OMC, on a souvent l'impression que certains témoins au Comité laissent entendre que les gouvernements qui demandent cette exemption ne comprennent pas les complexités de la production de vaccins.
    Nous entendons beaucoup parler de l'importance de la confidentialité des accords commerciaux de la part des entreprises qui produisent des vaccins. Puis, en ce qui concerne l'exemption, on nous dit que les gouvernements devraient divulguer les entreprises de leurs pays qui pourraient être en mesure de produire des vaccins, et les conditions qui s'appliqueraient, s'ils avaient une exemption des droits de propriété intellectuelle.
    Est-il normal que les gouvernements consacrent autant de temps, d'énergie et d'efforts à demander une exemption des droits de propriété intellectuelle s'ils ne croient pas qu'il existe une capacité nationale inexploitée qui pourrait réellement se traduire par la production de plus nombreux vaccins?
    C'est presque comme si nous étions censés croire qu'il s'agit d'une sorte de projet secondaire de cheval de bataille politique que les gouvernements, en pleine crise, ont décidé d'entreprendre — soit qu'ils ne croient pas que cela produirait des résultats, soit qu'ils ne comprennent pas assez bien l'industrie et ne parlent pas aux acteurs de l'industrie nationale.
    Est-il plausible qu'ils consacrent autant de temps et d'énergie à quelque chose qui ne promet pas d'augmenter l'offre de vaccins?
    Contrairement à Moderna, il ne s'agit pas d'un simple exercice de relations publiques. Il existe une capacité réelle et inexploitée de fabrication de vaccins qui n'est pas pleinement utilisée, et l'OMS est également d'accord avec cette affirmation.
    Que faisons-nous maintenant? Cette capacité est là, et nous dressons des obstacles pour nous assurer de ne pas l'utiliser.
    N'oubliez pas qu'il y a cette idée que nous allons faire vacciner tout le monde et que tout sera terminé. Non. Nous devrons peut-être répéter les vaccinations. De nouveaux variants du virus pourraient aussi émerger. Nous sommes là-dedans pour un très grand bout de temps. Concentrons-nous sur cinq ou six entreprises et frappons à leur porte tous les six mois afin d'obtenir de nouvelles doses.
    Ce n'est pas la façon de gérer une urgence mondiale de santé publique.
    Merci, monsieur.
    Je suis désolée, monsieur Blaikie, mais votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à Mme Gray, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Sorenson, de Providence Therapeutics.
    Beaucoup de gens seraient choqués d'apprendre qu'en tant qu'entreprise canadienne, vous avez reçu des demandes sérieuses d'autres pays pour l'achat de vaccins, mais aucune demande du Canada, à l'exception du Manitoba.
    Vous avez mentionné que vous souhaitez non seulement produire des vaccins à ARNm pour le Canada, mais aussi en exporter, notamment vers des pays en développement qui en ont besoin. Vous avez mentionné dans votre témoignage la société Genevant, « dont les droits sont bafoués et ne sont pas protégés », selon vous.
    Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là?
    Avant de s'appeler Genevant, cette société a porté le nom d'Arbutus, et celui de Tekmira avant cela. Beaucoup d'entre vous se souviennent peut-être de Tekmira à cause de la crise d'Ebola en Afrique. Tekmira a beaucoup fait parler d'elle dans les journaux canadiens. Avant cela, c'était une autre société.
    Le groupe Genevant, qui se trouve à Vancouver, existe depuis probablement 20 ans. Il détient toute la propriété intellectuelle fondamentale liée aux nanoparticules lipidiques qui sont utilisées pour les médicaments à ARNm. Elle s'est défendue avec succès contre Alnylam, Acuitas et Moderna dans le passé, et contre de nombreuses autres sociétés. C'est maintenant une société privée. Elle est passée par quelques itérations différentes, mais elle détient cette technologie fondamentale. Nous avons obtenu une licence de Genevant.
    Je ne parlerai pas de l'entreprise à tort et à travers. Vous pouvez vous adresser à ses représentants et leur parler. Il est assez clair que sa technologie n'est pas respectée par la communauté internationale, en particulier par ceux qui gagnent actuellement des milliards de dollars en vendant des vaccins à ARNm.
(1230)
    Merci.
    Vous avez dit que le Canada avait déboursé 8 milliards de dollars pour des vaccins anti-COVID. Notre avenir serait-il mieux assuré si nous investissions dans des usines canadiennes de production de vaccins à ARNm plutôt que de compter uniquement sur des importations de vaccins assujetties à d'éventuelles mesures de contrôle des exportations, comme actuellement, et plutôt que de nous fournir auprès de COVAX, lequel est mieux adapté aux pays en développement?
    Tout ce que je peux faire remarquer, c'est que les vaccins à ARNm, comme on l'a dit dans votre comité, sont les plus coûteux, et il y a une explication. C'est une question de qualité. Le PDG de Pfizer a fait remarquer que le prix des vaccins s'envolera, et non le contraire.
    Pour répondre à la question de M. Blaikie, sur nos profits, nous n'avons rien à cacher. Le prix coûtant d'une dose est de 5 $ canadiens, et, actuellement, nous bénéficions de l'appui de tiers. La canadianisation des opérations le fera baisser. Faites vos calculs et tirez-en vos conclusions.
    Dans toute cette histoire, les grandes compagnies pharmaceutiques n'ont aidé personne et n'ont pensé qu'à elles-mêmes. Johnson & Johnson a reçu un milliard de dollars du gouvernement américain — un milliard! —, et, au moment de l'approbation de son vaccin, 5 millions de doses étaient prêtes pour la distribution. Si j'avais un milliard… Je ne parviens pas à comprendre comment la première compagnie pharmaceutique du monde en importance peut obtenir un milliard, sans contrepartie, et n'avoir que 5 millions de doses prêtes pour la distribution.
    D'accord.
    Il me reste peu de temps, mais je tiens à vous en poser, rapidement, deux ou trois autres.
    Alors que vous vous préparez en vue de la fabrication, ici, au Canada, une fois vos installations agrandies, combien de vaccins pourriez-vous fabriquer mensuellement ou hebdomadairement ou annuellement? Quel est l'ordre de grandeur?
    À l'installation d'Emergent, à Winnipeg, nous avons une ligne spéciale de fabrication qui, moyennant de très légères mises à niveau, qui coûteraient environ 5 millions de dollars, nous pourrions produire 200 millions de doses par année.
    Encore une petite question. Je pense avoir le temps.
    Vous avez 20 secondes.
    Prévoyez-vous que votre vaccin pourrait être accessible aux pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire?
    C'est actuellement mon objectif.
    Excellent!
    Merci, madame la présidente.
    De rien.
    Madame Bendayan, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Avec votre permission, je poursuivrai les questions que j'avais commencé à poser à M. Agnew.
    Monsieur Agnew, je reviens sur les propos d'un collègue, tantôt, sur l'actuelle troisième vague. Bien sûr, je suis extrêmement préoccupée par la situation, en Ontario notamment, tout comme mes collègues, j'en suis certaine, mais le fait de corréler vaccins et troisième vague, c'est, d'une certaine manière, simplifier une question très complexe.
    Des pays comme le Chili, où le taux de vaccination a été extraordinaire, connaissent également une troisième vague. Nous voyons bien aussi la situation du Canada. Actuellement, par le nombre quotidien de vaccinations par habitant, nous sommes au deuxième rang mondial et, parmi les pays du G20, nous serions au troisième, derrière le Royaume-Uni et les États-Unis, ce qui s'appelle se trouver en bonne compagnie.
    Notre gouvernement est déterminé à accélérer au plus vite le rythme des vaccinations, mais, bien sûr, la troisième vague et ses causes présentent un certain nombre de situations et de complexités.
    Monsieur Agnew, avez-vous l'impression que nos gens d'affaires, notamment, sont mobilisés contre ce problème. D'après vous, que pourrait faire le gouvernement, y compris, bien sûr, continuer d'aider les importations de vaccins? D'après vous, manque-t-il quelque chose à notre stratégie?
(1235)
    Merci pour la question.
    On peut penser à deux ou trois choses. D'abord, les entreprises sont avides de clarté, particulièrement en ce qui concerne les conséquences des variants préoccupants pour leurs opérations. On voit que d'autres pays exigent maintenant le port d'autres types de masques. Ce serait un exemple de ce que je veux dire. À mesure que les taux de vaccination augmentent, je me pose également beaucoup de questions sur ce que je peux faire, comme Canadien, après avoir reçu ma première ou ma deuxième dose. Voilà un autre élément qui a besoin de clarté à l'échelle nationale.
    Nous devons vraiment augmenter notre efficacité, pour notamment rendre le dépistage plus rapide. Actuellement, les entrepôts regorgent de trousses de dépistage rapide, pour les services fédéraux ou ceux des provinces, et nous devons rendre plus de lieux de travail, au Canada, en mesure d'effectuer un dépistage rapide. Une lacune importante, actuellement, est de ne pas confier plus de responsabilités à des profanes et de ne pas amener les provinces à changer les règles.
    Merci beaucoup, monsieur Agnew.
    Nous avons fourni aux provinces et aux territoires des tests de dépistage rapide. Avez-vous l'impression qu'ils servent sur le terrain? Les provinces et les territoires les ont-ils déployés sur le terrain?
    Les résultats ont été inégaux.
    En Ontario, en dépit de l'allure de la troisième vague, on s'est efforcé de les distribuer. Nos homologues des chambres de commerce de Cambridge et de Kitchener-Waterloo ont redoublé d'efforts, mais il est certain que d'autres provinces ont été moins désireuses d'autoriser d'autres personnes à se charger de plus de travail.
    Merci.
    Voici une question pour Me Daley.
    Un témoin, au début de la semaine, nous a parlé de certaines mesures d'assouplissement déjà prévues dans l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Il en a cité trois articles qui aideraient ainsi les pays en développement à avoir accès à des vaccins et il a encouragé tous les pays à s'en servir.
    Que pensez-vous des mécanismes dont on peut se prévaloir grâce à cet accord, notamment de leur efficacité?
    Merci, madame Bendayan.
    Je ne connais pas suffisamment les détails de l'accord pour vraiment vous répondre. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne crois pas qu'une renonciation absolue aux droits attachés aux brevets soit la solution, mais j'appuie certainement toutes les mesures que la communauté internationale pourrait prendre pour encourager la production dans d'autres pays.
    Le même témoin nous a également prévenus contre une dérogation à l'accord, qui se répercuterait sur notre propre secteur des sciences de la vie, au Canada, et qui risquerait de décourager l'innovation dans les entreprises canadiennes du secteur. Êtes-vous d'accord avec lui?
    Oui, et il faut se rappeler deux ou trois choses. Certains ont dit que les droits de propriété intellectuelle empêchaient la mise au point de nouveaux médicaments et qu'un accès universel à la propriété intellectuelle de source ouverte serait génial.
    Malheureusement, il ne voient qu'un aspect de la réalité. Il faut investir énormément de temps, d'argent et de ressources pour transformer une idée en produit autorisé, et, pour réussir, il faut toute une infrastructure déjà en place. Sinon, nous n'obtiendrons pas le type de propriété intellectuelle dont nous avons besoin.
    Il ne faut pas oublier que l'obtention de vaccins en un temps record n'a été rendu possible que par de grandes compagnies bien financées, qui possédaient les ressources nécessaires à ce type de travail. Faute d'infrastructures favorables, nous n'aurions pas ces grandes compagnies aux reins solides pour affronter le prochain ensemble de problèmes qui nous assailliront.
    Merci, maître Daley.
    Monsieur Aboultaif, vous disposez de cinq minutes.
    Merci d'avoir soulevé de nouveau la question.
    Je reviens à M. Sorenson.
    Je suis très curieux d'en savoir davantage sur les préparatifs à faire. Quel que soit le gouvernement, ma conviction profonde est que c'est habituellement les lourdeurs administratives qui entravent l'innovation à une période très importante et très critique, laquelle commande la célérité dans la lutte contre la pandémie et la recherche de solutions.
    Monsieur Sorenson peut-il nous dire quel est le principal obstacle qui empêche sa compagnie de mettre au point le vaccin et d'en commencer la production, sachant que le Royaume-Uni, en moins de 10 mois, a su se doter d'une capacité de production de vaccins et de s'en servir? Ce pays nous devance de beaucoup par sa production de vaccins par habitant.
(1240)
    Nous pouvons produire des vaccins. Le travail que vous décrivez a été fait au Canada. Tous les procédés de fabrication, la chaîne d'approvisionnement, tout ce dont nous avons besoin pour commencer à produire des vaccins à ARNm au Canada, tout ça, c'est en place. Il ne manque que les capitaux pour assurer l'approvisionnement en matières premières et les périodes d'exploitation en usine.
    Nous avons proposé au Fonds stratégique pour l'innovation un budget pour l'investissement dans l'équipement d'essais cliniques, mais les responsables du Fonds nous ont clairement prévenus que leur mandat se limitait strictement aux essais cliniques et qu'il n'englobait pas le passage de l'activité industrielle à une échelle plus grande.
    Je leur ai demandé s'ils pouvaient me mettre en contact avec… J'ai eu des discussions avec le Comité des finances. Je suis en pourparlers avec lui. Bien honnêtement, je ne suis pas tellement au courant de qui prend ce genre de décisions au gouvernement. C'est peut-être la ministre Anand, de Services publics et Approvisionnement Canada.
    Si j'avais une commande… Je ne demande pas une subvention. Je contracterais un prêt sans intérêt; je prendrais un dépôt de garantie sur une commande. Peu importe les modalités. J'ai seulement besoin de capitaux pour faire démarrer la fabrication.
    Nous y avons consacré des milliards. D'autres entreprises canadiennes ont reçu de belles commandes d'achat d'équipement de protection individuelle.
    Pourquoi pas? De combien avez-vous besoin en capitaux? Je sais que ce pourrait être de l'ordre de quelques millions, mais ce n'est rien par rapport à nos dépenses jusqu'ici. Dans ce cas-ci, c'est essentiel, parce que la solution ne sera pas valable seulement pour aujourd'hui. Des entreprises comme la vôtre, c'est la voie de l'avenir, sachant que nous en avons encore pour des décennies avec les vaccins et les problèmes les concernant.
    De combien avez-vous besoin en capitaux? Pourquoi n'avez-vous pas pu les obtenir? Pourquoi? Vous dites que vous ne savez pas à qui vous adresser. C'est inquiétant.
    Nous parlons à qui veut bien écouter.
    Comme je l'ai dit, ça peut se résumer comme suit: nos coûts sont de 5 $ la dose. 80 % de ces coûts, 4 $, sont ceux des matériaux, qu'il faut payer d'avance. Dans ce contexte, où la demande de ce type de produit est si forte, nous devons nous engager d'avance pour 6, 7 ou 8 mois, pour nous assurer ces chaînes d'approvisionnement. Si vous voulez 50 millions de doses, c'est simple: 50 millions fois 4 $ font 200 millions. Pour s'approvisionner suffisamment pour un cycle de production de 200 millions d'unités, le coût s'élèverait à 800 millions de dollars.
    La réalité, c'est qu'arrivés à ce point, nous pourrons vendre des vaccins et nous servir des recettes pour continuer à nous approvisionner.
    J'espère que ma réponse n'était pas compliquée.
    Permettez que je vous pose une question comme entre gens d'affaires. Si le gouvernement passait une commande d'achat à votre entreprise, ne seriez-vous pas en mesure de vous en servir pour obtenir des fonds qui permettraient la production?
    Absolument. On me demande pourquoi je ne m'adresse pas aux marchés financiers, si mon produit est si bon. C'est que nous sommes à un point d'inflexion de la courbe. Effectivement, nous nous adresserons aux marchés de capitaux. Nous attirerons beaucoup de capitaux au Canada, mais pourquoi est-ce que je le ferais en étant désavantagé par rapport à d'autres compagnies qui ont reçu un appui considérable de leur gouvernement et pourquoi, en agissant ainsi, est-ce que je désavantagerais mes actionnaires actuels?
    Je connais nos données. Je sais qu'elles nous permettront de conclure des ententes. Faute d'obtenir les mises de fonds initiales du Canada, nous les obtiendrons ailleurs. Le problème, c'est que nous aurons promis la production à l'étranger et que nous la délocaliserons alors que le Canada en a besoin.
    Merci, monsieur Sorenson.
    Monsieur Arya, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question est pour M. Agnew.
    Nous deux, monsieur Agnew, sommes des partisans des accords de libre-échange. Nous en avons discuté également pendant des séances antérieures. Nous avons, par exemple, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique et l'Accord économique et commercial global. Ils nous ont rendus dépendants de nos partenaires pour l'approvisionnement en marchandises et en services essentiels. Maintenant, en raison de la situation, croyez-vous que notre dépendance à l'égard des produits pharmaceutiques essentiels, en raison des accords de libre-échange, revient nous hanter?
(1245)
    Les gouvernements disposent depuis toujours, dans le cadre des accords commerciaux, de beaucoup de latitude dans l'interprétation des exemptions qu'ils peuvent invoquer au nom de la sécurité nationale et de la santé publique. Ça revient nous hanter uniquement dans la mesure où ces accords n'ont jamais vraiment été conçus pour nous protéger dans ces types de situations. Si l'Union européenne décidait, demain, d'immobiliser une livraison, je ne crois pas que nous pourrions en saisir un tribunal en invoquant…
    Est-ce que ça signifie que nous devons élaborer une nouvelle stratégie d'autosuffisance pour les marchandises essentielles, indispensables au maintien du bon fonctionnement de notre société?
    Oui, et cela comprend la capacité de fabriquer des biens, de s'approvisionner en intrants et de fournir du financement, comme le disait M. Sorenson. Il faut également mettre en œuvre les mécanismes nécessaires en matière de réglementation et de travail.
    Je vous remercie.
    Madame la présidente, ma prochaine question s'adresse à Me Brian Daley.
    Maître Daley, vous avez parlé d'une approche raisonnable. Si je ne me trompe pas, vous suggérez essentiellement l'adoption d'une approche raisonnable qui créera l'interdépendance nécessaire pour garantir que les approvisionnements seront là quand nous en aurons besoin, si je comprends bien, et vous êtes contre la dérogation.
    Vous avez mentionné l'ACEUM et l'AECG. Ces accords offrent des solutions, mais elles ne semblent pas avoir fonctionné — ou il est possible que les solutions actuellement accessibles ne donnent pas de résultats dans l'immédiat. Qu'en pensez-vous?
    Eh bien, comme l'un de mes collègues l'a dit plus tôt, nous avons des fournisseurs qui respectent leurs contrats avec nous, et nos principaux partenaires commerciaux n'ont donc pas entravé l'approvisionnement du Canada.
    Lorsque je suggère d'adopter une approche régionale, il s'agit de raccourcir certaines des chaînes d'approvisionnement et de limiter le nombre de pays avec lesquels nous traitons, afin de réduire les risques.
    Comme chacun le sait, en cas de crise, vous ne serez jamais en mesure de faire respecter ce qui est essentiellement un contrat entre États. Ce contrat ne sera jamais respecté en cas de crise. En effet, les gens agiront toujours dans leur propre intérêt pendant une crise, mais je pense que réduire le nombre de personnes dont nous dépendons nous permettrait d'atteindre un niveau de sécurité plus élevé, même si la notion de sécurité absolue ne se concrétisera jamais.
    Je pense avoir entendu des points de vue différents. En effet, M. Marc-André Gagnon semble suggérer que la capacité de production n'est pas une contrainte, alors que Mark Agnew semble laisser entendre que la capacité de production est effectivement une contrainte.
    Monsieur Marc-André Gagnon, pouvez-vous aborder cette question, s'il vous plaît?
    Il ne s'agit pas de savoir si la capacité de production est une contrainte ou non. Il s'agit plutôt de savoir si nous avons une capacité de production qui n'est pas utilisée en ce moment.
    La réponse à cette question, c'est oui. On peut alors se demander pourquoi il en est ainsi. À cet égard, tenter de maintenir le système en place n'aidera pas à renforcer la capacité de production.
    Nous avons M. Sorenson parmi les témoins, mais Donald Gerson, de PnuVax, par exemple, pourrait vous raconter exactement la même histoire. Il éprouve les mêmes problèmes lorsque son entreprise tente de commencer à produire des vaccins. Si notre gouvernement ne fait pas tout en son pouvoir pour aider ces entreprises et leurs partenaires, ou s'il ne produit pas lui-même les vaccins par l'entremise d'une capacité de fabrication publique, nous sommes essentiellement coincés dans la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
    Monsieur Agnew, qu'en pensez-vous?
    En ce qui concerne mes commentaires précédents, lorsque j'ai mentionné l'aspect manufacturier, je parlais expressément de la dérogation à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ce n'est pas en agitant une baguette magique sur la dérogation à l'Accord sur les ADPIC pendant six mois qu'on fera soudainement disparaître les problèmes de capacité dans d'autres pays. Je tenais donc à apporter cette nuance.
    Je vous remercie beaucoup.
    Votre temps est écoulé, monsieur Arya. La parole est maintenant à M. Savard-Tremblay. Il a deux minutes et demie.

[Français]

    Monsieur Gagnon, vous avez parlé de l'OMC. Croyez-vous que des pans des accords mêmes devraient être revus ou modifiés, autrement dit, qu'ils devraient faire l'objet d'une réforme?
(1250)
    C'est une bonne question.
    Parlez-vous des accords commerciaux régionaux, comme l'Accord économique et commercial global, ou AECG?
    Oui, l'AECG est un bon exemple.
    Selon certains articles, au moment où l'AECG a été conclu, rien ne laissait présager qu'une crise allait obliger les signataires à déroger à certaines dispositions de l'Accord.
    En fait, il y a une différence entre un accord et l'interprétation qu'on peut faire d'un accord. L'Accord sur les ADPIC a été adopté au milieu des années 1990. À partir de ce moment, on a essayé d'interpréter cet accord au moyen de ce qu'on appelle les clauses ADPIC-Plus.
    Cela a été extrêmement problématique. L'OMC a dû adopter la Déclaration de Doha, et on a dû accepter qu'il y ait une plus grande flexibilité. On a effectivement constaté, et très rapidement, que l'Accord sur les ADPIC était très mal outillé sur le plan de la santé publique et qu'il ne permettait pas de répondre aux urgences sanitaires.
    Il y a donc certainement des choses à changer dans les accords, mais tout dépend de la manière dont on les interprète.
    Comme M. Daley l'a dit, la définition d'urgence sanitaire n'est toujours pas claire. Les pays devront se battre pour déterminer ce qui constitue une véritable urgence sanitaire. Le SIDA demeure une urgence sanitaire en Afrique, mais on n'utilise pas les différentes clauses des accords pour répondre à cette urgence.
    Le Canada doit arrêter de préconiser l'approche des ADPIC-plus. Cette interprétation essaie de réduire les choses le plus possible.
    Le fait de ne pas suspendre l'Accord sur les ADPIC est une chose. Toutefois, le fait de ne pas inclure les produits contre la COVID-19 dans l'annexe 1 de la Loi sur les brevets est un non-sens. Cela fait en sorte que l'on ne peut avoir recours aux mesures flexibles prévues dans l'Accord sur les ADPIC pour ces produits. C'est inacceptable.
    Si l'on veut davantage de résultats, il faut suspendre l'Accord sur les ADPIC. Cela permettrait une meilleure mise en commun des technologies et des savoir-faire, en plus de donner un gros coup de main à l'effort de guerre actuel contre la COVID-19.
     Je vous remercie.

[Traduction]

    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé, monsieur Savard-Tremblay.
    La parole est maintenant à M. Blaikie. Il a deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sorenson, nous savons qu'en raison de la hâte liée au lancement de la campagne de vaccination, le Canada est très dépendant de certaines grandes sociétés pharmaceutiques. Je pense que c'est un euphémisme. Nous savons également qu'à mesure que la pandémie se poursuivra, si les vaccins contre la COVID-19 doivent faire partie d'un programme de vaccination régulier, il me semble qu'il serait dans l'intérêt à long terme des Canadiens de pouvoir compter sur un marché et un approvisionnement national plus compétitifs, mais le comportement du gouvernement, qui ne soutient pas vos activités à Calgary et à Winnipeg, nuit aux efforts en ce sens.
    Craignez-vous que les impératifs à court terme de la campagne de vaccination actuelle poussent le gouvernement à se comporter de manière à décourager la concurrence à long terme?
    Je ne suis pas certain de ce qui se passe dans les négociations que le Canada mène avec ces grandes sociétés pharmaceutiques en vue d'un approvisionnement supplémentaire, et je ne sais donc pas si des restrictions sur la concurrence sont envisagées dans le cadre de ces négociations ou non. J'espère certainement que ce n'est pas le cas…
    Ce que vous semblez dire au Comité aujourd'hui, c'est que vous et votre entreprise avez une approche assez ouverte et transparente. Pensez-vous que les grandes entreprises respectent la même norme et que, si elles ne le font pas, elles devraient le faire? À votre avis, à quoi cela ressemble-t-il concrètement?
    J'ai l'avantage d'avoir une entreprise privée sur laquelle j'exerce un grand contrôle, et je n'ai donc pas besoin de passer par un conseil d'administration et des actionnaires et toutes les exigences liées à une société cotée en bourse pour offrir ce type de transparence. De plus, il y a évidemment des différences de prix entre les pays, et j'ai donc un avantage de ce côté. Je peux donc être beaucoup plus ouvert et transparent, et j'ai permis au Manitoba de divulguer notre entente d'achat une fois que l'entente définitive sera signée. Je n'ai aucun problème avec cela, mais il est injuste de dire que j'agis mieux que ces entreprises, car je suis dans une situation différente.
(1255)
    Monsieur Gagnon, pourriez-vous nous dire rapidement dans quelle mesure, à moyen terme et au cours des prochaines années, nous continuerons d'avoir besoin de vaccins?
    Dans la perspective des politiques publiques, cela devrait-il devenir une énorme source de profits pour les grandes sociétés pharmaceutiques ou cela continuera-t-il à relever de l'intérêt public? L'absence d'efforts continus en matière de vaccination entraîne un coût pour l'économie, et ce n'est vraiment pas le genre de chose qui devrait faire l'objet de profits privés. Nous devrions à tout le moins être en mesure de vérifier si ces profits sont excessifs.
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Vous avez tout à fait raison, et n'oublions pas qu'un grand nombre d'entreprises se sont engagées à ne pas faire de profits pendant la pandémie. Toutefois, lorsque la pandémie sera déclarée comme étant terminée, les campagnes de vaccination devront essentiellement se poursuivre pendant des générations, et nous n'avons aucune idée du coût qui sera établi pour ces futurs vaccins.
    Je vous remercie, monsieur.
    Monsieur Hoback, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais également remercier les témoins.
    Monsieur Agnew, l'Union européenne a présenté la liste des restrictions qui seront mises en oeuvre sur l'exportation des vaccins. Le Canada n'a pas obtenu d'exemption. Cela ne vous inquiète-t-il pas?
    Oui, cela me préoccupe.
    J'ai entendu dire qu'une entente verbale ne signifie rien si vous n'êtes pas sur la liste des exemptions.
    Oui, il est vrai qu'il y a un grand pouvoir discrétionnaire, et un envoi pourrait donc être bloqué à tout moment.
    Maître Daley, vous avez parlé de la création de chaînes d'approvisionnement et de la possibilité d'établir des chaînes d'approvisionnement plus globales avec d'autres pays qui ont les mêmes intérêts. De nombreuses personnes disent la même chose un peu partout dans le monde.
    Une chose qui me préoccupe, c'est que dès le début, notre gouvernement a compté sur la Chine pour s'approvisionner, mais nous n'avons pas d'ALE avec la Chine. Il y a également un certain nombre d'autres enjeux sur lesquels nous ne nous entendons pas avec la Chine.
    Est-ce une approche prudente ou serait-il préférable de travailler avec le Royaume-Uni et peut-être la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, afin de veiller à posséder la capacité nécessaire pour répondre aux besoins de tous les membres de ce groupe, par exemple?
    Eh bien, c'est en grande partie ce que je suggère, c'est-à-dire qu'il faut mettre en place une stratégie plus régionale et plus limitée en ce qui concerne les chaînes d'approvisionnement. Comme je l'ai dit, cela nous donne les avantages liés aux économies d'échelle, mais cela réduit aussi au moins un niveau de risque de nos chaînes d'approvisionnement.
    D'accord, je vous remercie.
    Monsieur Sorenson, lorsque vous avez parlé de votre usine, vous avez dit que vous aviez déjà signé un accord. Est-ce que cette usine n'est pas utilisée en ce moment? Si elle ne l'est pas, pourquoi ne fabrique-t-elle pas de vaccins pour Pfizer ou une autre entreprise en ce moment, jusqu'à ce qu'elle soit prête à accueillir votre produit? Pourquoi reste-t-elle inoccupée et n'est-elle pas utilisée?
    Monsieur Hoback, il ne s'agit pas simplement de décider que nous allons fabriquer ceci et cela. Comme l'ont mentionné les témoins, il faut plus qu'une simple recette. Il faut effectuer un transfert de technologie. Il faut également effectuer une vérification de l'installation et de toutes les étapes du contrôle de la qualité visant tous les critères de mise en production. Vous pouvez voir ce qui se passe aux États-Unis, où 15 millions de doses du vaccin de Johnson & Johnson ont été perdues.
    On peut donc faire valoir, dans ce cas, l'argument selon lequel il ne suffit pas de donner la formule à d'autres pays. Il vaudrait mieux s'assurer d'avoir un bon système solide pour produire des vaccins ici, au Canada, ou dans un autre pays qui a les mêmes intérêts. Nous pourrions dire à ce pays que nous avons la capacité de l'aider, et que nous allons l'aider en lui donnant la propriété intellectuelle et en la partageant, plutôt qu'elle soit volée dans une situation qui n'est peut-être pas sécuritaire pour les gens qui reçoivent ce produit au bout du compte. Ce raisonnement est-il juste?
    Oui. L'approche de Providence à cet égard est… Les pays avec lesquels nous discutons envisageaient en fait de construire conjointement une usine de fabrication dans ce pays, de donner la formation nécessaire et d'exercer un contrôle sur la qualité des produits de cette usine.
    Nous sommes ouverts au transfert de technologie. Nous sommes ouverts à l'idée de partager la technologie pour permettre aux Australiens de fabriquer des vaccins pour eux-mêmes, mais notre entreprise s'attend à ce que certaines normes et certains processus soient suivis, afin que notre vaccin ne soit pas produit de façon inappropriée.
    Monsieur Sorenson, avant la crise liée à la COVID-19, la VIDO, ici à Saskatoon, en Saskatchewan, menait d'excellentes recherches sur les différents variants et les différentes souches de la COVID. Il y a deux ou trois ans, l'organisme a présenté une demande pour ouvrir une usine de fabrication dans le cadre des grappes, mais sa proposition est restée sans réponse. Pourquoi cette initiative n'est-elle pas relancée et pourquoi ces types d'investissements ne sont-ils pas réalisés aujourd'hui? Si nous savons que cette crise va durer, pourquoi ne faisons-nous pas ces investissements ici, au Canada?
    Encore une fois, je trouve cela très frustrant, car nous sommes prêts à investir dans d'autres pays et à acheter leurs produits, mais si nous voulons obtenir quelque chose du Canada, il semble que nous devions plutôt aller le chercher aux États-Unis, qu'il s'agisse d'appareils électroniques, de vin ou d'autres produits. Maintenant, ce sont les vaccins.
    Pouvez-vous m'expliquer cela? C'est peut-être une question injuste.
(1300)
    Je ne peux pas aborder des cas précis, monsieur Hoback. Ce que je peux dire, toutefois, c'est qu'on semble mettre l'accent sur la fabrication et sur l'ouverture de grandes usines de remplissage et de finition pour être en mesure de couper un ruban et montrer que nous fabriquons ces produits ici.
    La vérité, c'est qu'il y a une surconstruction de la capacité de fabrication à l'échelle mondiale. Tout le monde fait la même chose que le Canada, c'est-à-dire qu'on construit des usines partout. Dans cinq ans, si la pandémie actuelle s'atténue, ou même si elle ne fait que ralentir, nous aurons une telle surabondance de capacités de biofabrication que ce sera à couper le souffle.
    Ce qu'on n'aura pas, ce sont les produits qui alimentent ces installations. Outre Providence, il y a des entreprises fantastiques qui mènent des activités de recherche et développement au Canada. Nous ne cessons de parler de la fabrication, mais la fabrication viendra là où il y a des produits qui sont au point. À Providence, nous n'avons pas eu à créer de nouvelles usines pour poursuivre nos activités. Nous avons créé un produit efficace et nous avons trouvé et obtenu les moyens de fabrication nécessaires. N'importe quel autre groupe peut faire la même chose.
    Cela s'inscrit dans l'éternel argument sur la recherche au Canada, c'est-à-dire que nous sommes excellents en recherche, mais que nous sommes terribles pour ce qui est de la mise en marché…
    Oui, c'est bien cela.
    … et nous donnons donc le résultat de nos recherches à un autre pays comme la Chine, qui en tire ensuite des produits à mettre sur le marché.
    Comment pouvons-nous changer cela?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur Sorenson.
    Honnêtement, j'ai une stratégie pour cette situation. En effet, j'ai travaillé avec la Fondation Terry Fox, la Princess Margaret Cancer Foundation, l'Alberta Cancer Foundation et l'Institut ontarien de recherche sur le cancer. Nous allions valider cette méthode dans le domaine du cancer, mais ces travaux sont en suspens à cause de la pandémie. Si quelqu'un souhaite en savoir plus, n'hésitez pas à vous informer. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails au cours de cette réunion.
    C'est dommage.
    Je vous remercie.
    Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui de leurs précieux témoignages. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    À titre d'information pour les membres du Comité, je propose que nous terminions l'examen des deux ébauches de rapports le vendredi 30 avril et que nous commencions notre étude sur l'exportation canadienne de technologies vertes, propres et à faible teneur en carbone le 1er mai. Les noms de tous les témoins que vous suggérez devraient nous parvenir d'ici mercredi prochain.
    Merci beaucoup à tous et passez une excellente journée.
    La séance est levée.
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