:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Permettez-moi de commencer par présenter les personnes qui m’accompagnent: Gary Walbourne, directeur général, Opérations et ombudsman suppléant en mon absence; et Diane Guilmet-Harris, notre conseillère juridique.
Merci de m’avoir invité à venir vous faire part aujourd’hui de mes réflexions au sujet du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
[Français]
Votre examen est très important, étant donné le rôle crucial que joue le tribunal, c'est-à-dire veiller à ce que les anciens combattants et les autres clients d'Anciens Combattants Canada reçoivent les avantages et les services auxquels ils ont droit.
[Traduction]
Tous les ans, Anciens Combattants Canada rend environ 40 000 décisions avec droit d’appel au tribunal. En raison du nombre élevé de décisions, le ministère n’est pas à l’abri des erreurs, malgré les efforts déployés pour les empêcher. Il est donc important d’avoir un organe indépendant et spécialisé vers lequel les vétérans et les autres clients d’Anciens Combattants Canada peuvent se tourner quand ils sont insatisfaits des décisions rendues par le ministère. Un mécanisme de recours efficace est essentiel pour garantir l’accessibilité aux avantages.
C’était aussi l’avis du Parlement quand il a créé le tribunal en 1995 et lui a confié le pouvoir de modifier ou de renverser des décisions prises par Anciens Combattants Canada s’il juge que les lois régissant les pensions et les indemnités d’invalidité ne sont pas respectées comme il se doit.
Pour remplir, et je cite, les « obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge », le Parlement a demandé au tribunal de rendre des décisions en interprétant sa loi habilitante de façon large et généreuse et, en particulier, l’a enjoint, par l’intermédiaire de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), de tirer les conclusions les plus favorables aux vétérans et aux autres demandeurs, de leur donner le bénéfice du doute au moment d’apprécier les éléments de preuve et de considérer comme vraisemblables les éléments de preuve non contredits.
La situation de plus d’une vingtaine de milliers de vétérans et d’autres demandeurs est meilleure grâce aux décisions rendues par le tribunal depuis sa création.
[Français]
Pourtant, aussi impressionnant que soit ce chiffre, il y a de la méfiance à l'égard du tribunal au sein de la communauté des anciens combattants, et nombreux sont ceux qui se demandent si le tribunal rend ou non ses décisions conformément à sa loi habilitante. Je voulais savoir si ces préoccupations étaient fondées, et c'est pourquoi nous avons effectué l'analyse des jugements des cours fédérales portant sur le tribunal.
[Traduction]
Comme vous le savez, 140 décisions du tribunal ont été portées en appel devant la Cour fédérale, et, de ce nombre, 11 ont été contestées auprès de la Cour d’appel fédérale. Dans chacun des cas, les cours devaient déterminer si le tribunal avait rendu sa décision conformément à la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et aux principes d’équité procédurale. Comme les cours fédérales font une évaluation judiciaire indépendante de la manière dont les questions de droit, de fait et d’équité procédurale ont été traitées dans les causes devant elles, il était logique pour moi d’examiner les jugements des cours portant sur le tribunal.
Avant d’aborder les constatations et les recommandations figurant dans mon rapport, permettez-moi de discuter de la question des statistiques.
[Français]
Depuis sa création en 1995, le tribunal a rendu plus de 119 000 décisions, dont 34 000 auraient peut-être pu faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Penser qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter puisque seulement 140 de ces décisions ont été contestées devant les cours fédérales nuit grandement aux anciens combattants et aux membres actifs des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.
Il existe une foule de raisons pour lesquelles les anciens combattants et les membres en service, malades ou blessés, n'interjettent pas appel auprès de la Cour fédérale. Il y a entre autres la fatigue des processus d'appel et il y a les frais d'avocats, qui peuvent varier de 15 000 $ à 50 000 $. Ainsi, comparer le nombre de contestations faites auprès de la Cour fédérale avec le nombre total de décisions rendues par le tribunal au fil des ans est sans intérêt et trompeur. L'important, c'est ce que la Cour fédérale dit au sujet de ces décisions qu'elle examine.
En effet, je dirais que c'est l'opinion mal fondée selon laquelle il ne s'agit que de 140 décisions et que tout va bien qui explique pourquoi les décisions du tribunal lui ont été renvoyées par la Cour fédérale pour les mêmes motifs au cours d'une longue période de temps. Pour moi, cela signifie que ni le tribunal ni le ministère ne prennent suffisamment au sérieux les jugements de la Cour fédérale.
[Traduction]
Jusqu’en 2009-2010, le tribunal utilisait le pourcentage de décisions de la Cour fédérale confirmant les décisions du tribunal comme indicateur de rendement de l’équité du processus de recours en matière de prestations d’invalidité, et il considérait le processus comme équitable si la cour confirmait 50 p. 100 de ses décisions. C’est inacceptable. Par ailleurs, dans son rapport sur le rendement de 2010-2011, le tribunal n’a pas fait état de cet indicateur du tout; il a plutôt choisi de faire rapport sur la rapidité avec laquelle il rendait ses décisions.
Vous avez sans doute entendu le vieux dicton anglais selon lequel ce qui se mesure se gère. Bien que j’encourage à la fois le ministère et le tribunal à trouver des façons plus rapides de répondre aux besoins des vétérans et des membres en service qui sont malades ou blessés, ils ne devraient pas le faire au détriment de la qualité des décisions rendues.
Donc, pour revenir aux constatations et aux recommandations exposées dans mon rapport, l’analyse indépendante réalisée par le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais a révélé que, dans 60 p. 100 des 140 décisions du tribunal ayant fait l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, cette dernière a statué que le tribunal avait commis une erreur de droit ou une erreur de fait, ou encore, qu’il n’avait pas respecté les principes d’équité procédurale.
Les cinq erreurs les plus courantes ayant incité la Cour fédérale à renvoyer des décisions au tribunal pour fins de réexamen étaient les suivantes: le non-respect de l’obligation d’interpréter de façon large les dispositions de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et de la Loi sur les pensions; le non-respect de l’obligation d’accepter les éléments de preuve non contredits et vraisemblables; le non-respect de l’obligation d’accepter de nouveaux éléments de preuve vraisemblables; le non-respect de l’obligation d’accorder le bénéfice du doute; et le non-respect de l’obligation d’assurer l’équité procédurale en ne fournissant pas des motifs suffisants à l’appui d’une décision ou en ne divulguant pas les preuves médicales prises en considération par le tribunal.
D’après ces constatations, j’ai conclu que les préoccupations des vétérans sont fondées et que le statu quo n’est pas acceptable. Des changements s’imposent. Comme vous le savez, j’ai fait sept recommandations.
Trois recommandations portent sur la nécessité d’avoir une transparence et une responsabilité accrues: améliorer les rapports au Parlement; afficher toutes les décisions du tribunal et de la Cour fédérale sur le site Web du tribunal; et fournir des motifs de décision démontrant clairement que le tribunal a rempli ses obligations conformément à sa loi habilitante.
Deux recommandations visent l’établissement d’un mécanisme officiel permettant d’examiner chaque jugement de la Cour fédérale donnant gain de cause au demandeur, dans le but d’améliorer le processus décisionnel et d’accorder la priorité aux causes renvoyées au tribunal pour fins de nouvelle audience.
Dans mes deux dernières recommandations, je demande que le Bureau de services juridiques des pensions puisse représenter les vétérans devant la Cour fédérale et que des changements législatifs soient apportés pour permettre aux vétérans de recevoir des avantages rétroactivement, à compter de la date de présentation de la demande initiale, si le tribunal rend une décision favorable après que le demandeur a obtenu gain de cause devant la Cour fédérale.
Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a établi un plan pour donner suite aux cinq premières recommandations, et je remercie M. Larlee d’avoir agi aussi rapidement. Cela vous intéressera peut-être de savoir que mon bureau vient d’entamer un examen de suivi pour déterminer si les changements apportés par le tribunal comblent entièrement les lacunes que nous avons relevées. Le rapport sera publié l’an prochain.
[Français]
Pour ce qui est des deux dernières recommandations, je suis présentement en discussion avec le ministre. Il a récemment dévoilé un plan d'action pour réduire les formalités administratives, améliorer l'efficacité et fournir des renseignements plus clairs relatifs aux décisions du ministère. Ces initiatives pourraient réduire les délais et les nécessités de contester des décisions devant la Cour fédérale, mais il s'agit d'un plan. Il faudra voir si les changements apportés répondent aux préoccupations cernées par ces recommandations.
[Traduction]
Pour moi, c’est très simple. Tant que la majorité des décisions du tribunal qui lui sont renvoyées par la Cour fédérale le sont en raison d’erreurs de fait, de droit ou d’équité procédurale, je continuerai à dire que l’équité du processus de recours n’est pas assurée. Mon rapport s’est penché sur le résultat final, les décisions du tribunal comme telles. Votre examen des processus et des activités du tribunal, qui arrive à point nommé, doit tenter de répondre aux questions « Pourquoi? ». Pourquoi le processus ne fonctionne-t-il pas comme prévu? En quoi le processus du tribunal et le processus global du tribunal et du ministère doivent-ils être améliorés?
À mon humble avis, il y a six aspects clés sur lesquels il faut s’arrêter: la structure du tribunal; le processus de sélection des membres du tribunal; la charge de travail; le processus par lequel les jugements de la Cour fédérale sont reflétés dans les décisions du tribunal et du ministère à compter de maintenant; l’assurance de la qualité et l’efficience versus l’efficacité; et, surtout, la culture opérationnelle du tribunal.
Au bout du compte, cependant, c’est une question de culture, et j’aimerais vous expliquer pourquoi.
En 1967, le Comité d’enquête sur l’organisation et le travail de la Commission canadienne des pensions, mieux connu sous le nom de Comité Woods, en plus de formuler des recommandations en matière de réforme, avait documenté l’évolution de l’administration des avantages offerts aux vétérans. Le comité a démontré que, depuis la promulgation de la Loi sur les pensions en 1919, l’intention a toujours été d’avoir un tribunal d’appel pour les vétérans sous une forme ou sous une autre.
Malgré les réformes importantes exécutées au fil des ans, ce but n’avait pas encore été atteint en 1967. Néanmoins, le Comité Woods estimait fermement que la création d’un tribunal d’appel indépendant était essentielle pour garantir l’intégrité du processus de demande de prestations d’invalidité et pour s’assurer que les vétérans ont confiance dans le système.
[Français]
La commission Woods a examiné en détail plusieurs questions qui préoccupaient grandement non seulement les vétérans, mais aussi le gouvernement, notamment les niveaux de dotation, le faible pourcentage d'appels accueillis, le besoin de décisions motivées, la pratique inéquitable consistant à ne pas divulguer de l'information au demandeur ainsi que le non-respect de l'obligation d'interpréter la loi de façon large en faveur des vétérans.
[Traduction]
En 1995, l’objectif du rapport Woods, c’est-à-dire l’établissement d’un tribunal d’appel indépendant, a enfin été réalisé.
Eh bien, nous voilà en 2012, et nous discutons toujours de l’efficacité du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) par rapport aux mêmes problèmes qui ont été débattus depuis 1919, soit les délais de traitement, la composition du tribunal, les motifs des décisions, la divulgation de l’information et l’interprétation large de la législation.
L’histoire nous a montré que, bien que les changements structurels puissent rendre des processus plus efficients et plus efficaces, c’est un changement culturel qui s’impose si on veut répondre aux questions « Pourquoi? » et éliminer la cause fondamentale de nombreuses préoccupations de nos vétérans.
Le changement culturel passe d’abord par la transparence. D’une part, les vétérans doivent connaître toute l’information sur laquelle se fondent les décideurs, et ils ont besoin de décisions bien motivées qu’ils peuvent comprendre et qui ont du sens à leurs yeux. D’autre part, il faut que les décideurs aient toute l’information nécessaire pour rendre des décisions le plus tôt possible dans le processus.
Deuxièmement, le contrôle de la qualité du processus décisionnel est essentiel. Des mesures doivent être mises en place qui permettront au tribunal et au ministère de collaborer afin d’améliorer la « qualité » du processus global plutôt que, comme c’est le cas actuellement, de voir les effets de l’accélération du processus de traitement au début du processus de demande aboutir à l’accroissement de la charge de travail du tribunal à la fin du processus.
Oui, il est important de faire avancer les choses rapidement, mais il est beaucoup plus important de les faire correctement dès le début. Cela va au coeur de la question suivante: pourquoi autant de décisions sont-elles modifiées au palier de révision du ministère et au niveau du tribunal? C’est la question que le ministère a confiée à Mclnnes Cooper en 2007.
Dans son examen du processus décisionnel, le cabinet d’avocats a trouvé que les décisions étaient modifiées au palier de révision du ministère compte tenu d’éléments de preuve additionnels qui, souvent, existaient au moment de la présentation de la demande initiale, mais qui n’avaient pas été inclus dans la demande. Selon Mclnnes Cooper, la qualité du traitement des demandes au stade de la présentation de la demande initiale et du premier palier est dictée par le fait que, que cela soit voulu ou non, l’accent est mis davantage sur les délais d’exécution et la productivité.
Pour ce qui est de la modification des décisions ministérielles au niveau du tribunal, Mclnnes Cooper a cerné trois facteurs contributifs: les témoignages personnels, la représentation dynamique des vétérans par un avocat-conseil des pensions et les nouveaux éléments de preuve.
Le fait que les décisions sont modifiées en faveur des demandeurs à chaque palier de recours est souvent donné comme preuve que le système fonctionne, mais cela peut aussi signifier qu’il y a un problème au début du processus. Je suis convaincu que si on donnait plus de temps et plus d’aide aux demandeurs pour s’assurer que toute l’information requise était disponible avant d’entamer le processus décisionnel, cela diminuerait considérablement la charge de travail du tribunal de sorte qu’il pourrait se concentrer sur les dossiers complexes.
Troisièmement, je propose que les discussions futures sur les questions touchant le processus de demande de prestations d’invalidité portent sur le processus au complet, tant sur les activités du ministère que celles du tribunal.
Quatrièmement, le fait de ne pas interpréter de façon large la législation a des répercussions non seulement sur l’efficience et l’efficacité du système, mais aussi sur la vie d’un nombre trop élevé de nos vétérans et de leur famille.
Si les lois touchant les vétérans étaient interprétées de façon large au début du processus décisionnel — et c’était en effet l’intention initiale de législateurs comme vous — je crois que nous ne verrions pas tous les problèmes que nous voyons aujourd’hui à la fin du processus. Il est crucial de sensibiliser les décideurs du ministère et les membres du tribunal au sens et à l’application de l’expression « interpréter de façon large », d’autant plus que le service militaire et la documentation en faisant état créent souvent des difficultés.
[Français]
En fin de compte, nous devrions viser la mise en oeuvre d'un système plus simple et plus efficace, apte à répondre aux besoins des vétérans et des membres en service qui sont malades ou blessés.
[Traduction]
Comme je l’ai dit auparavant, je crois fermement que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est appelé à jouer un rôle crucial. Fermer le tribunal nuirait grandement aux vétérans et aux membres actifs des Forces canadiennes et de la GRC. Cependant, des changements s’imposent pour restaurer la confiance et garantir l’équité du processus de recours.
:
Oui, bien sûr. C'est une bonne question.
J'en ai parlé un peu lors de ma déclaration préliminaire. Essentiellement, la première recommandation indique que le tribunal utilisait le pourcentage de décisions de la Cour fédérale confirmant les décisions du tribunal comme indicateur de rendement. Je conviens avec vous que 100 p. 100 constitue un objectif. Bien sûr, dans la pratique, un tel pourcentage est impossible à atteindre, mais ce qu'on a voulu faire ressortir, c'est que pendant cette période, les deux causes contestées auprès de la Cour fédérale ont été renvoyées au tribunal pour le même motif. Ce qui était important là-dedans, c'étaient les dénominateurs communs. À l'avenir, on s'assurerait certainement que les décisions renvoyées au tribunal ne présentent pas quelques-uns de ces dénominateurs communs, pour éviter que les mêmes motifs de renvoi ne se répètent sur plusieurs années et afin qu'on tire un enseignement du jugement de la cour qui entraînera l'examen par le tribunal de ce genre de facteurs communs à l'avenir. Cette recommandation est l'une des plus importantes.
La deuxième recommandation préconise que le Bureau de services juridiques des pensions et le tribunal travaillent ensemble lorsque la Cour fédérale rend une décision favorable au demandeur, afin de vérifier si des changements doivent être apportés au processus ou pour réexaminer en priorité les causes renvoyées par la Cour fédérale, de sorte que les demandeurs en attente d'une décision depuis quatre ou cinq ans ne se heurtent pas de nouveau à une grande lenteur.
La troisième recommandation, qui s'appuie sur le premier rapport publié par le Bureau de l'ombudsman, a trait aux motifs des décisions. Il faut une totale transparence. La personne qui a demandé des prestations doit connaître toute la preuve utilisée par le tribunal pour prendre sa décision. Cela est très important. De fait, un rapport qui sera publié dans à peu près deux mois porte sur l'usage que le ministère réserve aux éléments de preuve; il éclairera certainement le fond de la question que soulève cette recommandation.
La quatrième concerne la publication des décisions. Je reviens de nouveau sur ce que j'ai dit au sujet des affaires d'intérêt, soit que les causes jugées d'intérêt par le tribunal ne sont pas tout à fait ce à quoi nous nous attendions. Nous souhaitons, pour assurer une totale transparence, que toutes les décisions, à l'instar de celles de tous les autres tribunaux quasi judiciaires au pays, soient publiées pour le bien de tous.
La cinquième recommandation concerne la représentation devant la Cour fédérale par le Bureau de services juridiques des pensions. Encore une fois, c'est dû au fait que les avocats de ce bureau représentent des vétérans dès la révision ministérielle jusqu'au réexamen par le tribunal, en passant par l'appel devant le tribunal, et que, dans beaucoup de causes, ils informent les avocats bénévoles des détails de l'affaire. Un certain lien se crée entre l'avocat-conseil des pensions et son client, donc cette option rassurerait également ce dernier.
La sixième recommandation a trait à la norme de service. Nous en avons déjà parlé.
La septième et dernière recommandation traite de rétroactivité. Dans un certain nombre de dossiers, la rétroactivité permet de remonter jusqu'à la date de présentation de la demande de prestations, alors que dans d'autres dossiers, on peut remonter jusqu'à la date de la décision. Nous considérons que c'est là une injustice qu'il y a lieu de réparer.
:
Oui, je vais faire quelques observations préliminaires.
Je suis heureux d'avoir l'occasion d'être ici aujourd'hui.
[Français]
Bonjour, monsieur le président.
Je suis accompagné aujourd'hui de quelques membres de l'équipe de la haute direction. Karen Rowell est directrice des Opérations intégrées et Kathleen Vent est directrice par intérim des Services juridiques.
Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de revenir sur les remarques et les préoccupations soulevées par des membres de ce comité et des témoins qui ont comparu devant vous au cours des dernières semaines.
[Traduction]
Vous constaterez, je pense, que nous visons tous les mêmes objectifs. Le tribunal a l’honneur de servir un groupe de personnes très spéciales qui servent le Canada avec une générosité impressionnante. Ces vétérans, membres des Forces canadiennes et de la GRC ainsi que leurs familles, méritent d’être traités avec dignité et respect lorsqu’ils se présentent devant notre tribunal, et nous nous devons en tout temps de les traiter ainsi. Ils ont droit à un traitement équitable tout au long du processus d’appel, à des décisions prises avec ouverture d’esprit et à l’attention d’arbitres qualifiés et impartiaux.
Nous sommes tous convaincus que les causes d’appel de nos vétérans doivent être examinées avec la compassion qui transparaît dans la loi du tribunal. Je fais notamment référence aux articles 3 et 39.
Depuis la dernière fois que nous avons comparu devant vous, vous avez entendu des avocats et d’autres parties intéressées. J’ai suivi les témoignages et j’y ai entendu certaines inexactitudes. Je tiens à corriger les faits en vous expliquant le contexte et en apportant des précisions sur l’engagement du tribunal envers les vétérans.
Dans mon exposé, je vais traiter de trois sujets importants: numéro un, l’équité de la procédure; numéro deux, la transparence et l’impartialité; numéro trois, la culture organisationnelle du tribunal.
Je vais commencer par l’équité de la procédure.
Le processus du tribunal vise à assurer l’équité du régime de prestations pour nos vétérans membres des forces armées et de la GRC et pour leurs familles. Nous désirons offrir aux requérants insatisfaits des décisions reçues de leur ministère l’occasion d’obtenir des prestations supplémentaires et accrues pour les blessures qu’ils ont subies en service.
Nous engageons des arbitres indépendants. Ils examinent les demandes des vétérans avec un regard neuf et écoutent leurs récits au cours d’audiences qui sont de nature non accusatoire.
Nos membres posent généralement des questions pendant ces audiences pour être sûrs de comprendre parfaitement la situation des vétérans. Ils tiennent compte des politiques ministérielles sans nécessairement s’y soumettre et prennent leurs décisions en fonction des preuves que les vétérans leur présentent. Comme notre taux de réussite l’indique clairement, le tribunal modifie les décisions à l’avantage des vétérans.
L’équité pour nous est une mission, et nous nous efforçons de l’appliquer dans tout ce que nous faisons.
J’ai entendu à ce comité de graves questions sur la manière dont nous effectuons notre travail, surtout en ce qui concerne le rôle du personnel du tribunal et les renseignements sur lesquels reposent les décisions de nos membres. Permettez-moi d’y répondre une fois pour toutes.
Les cadres et le personnel du tribunal respectent l’autonomie dont jouissent les membres qui rendent les décisions. Leur rôle est d’appuyer les membres pour les aider à rendre des décisions claires et bien fondées pour les vétérans. Ils le font en conseillant les membres, leur indiquant si leurs justifications sont claires et complètes et s’ils interprètent les lois de manière cohérente. Il ne s’agit que d’une rétroaction visant à améliorer la qualité des décisions que reçoivent les vétérans.
Vous êtes d’accord avec moi, les vétérans méritent de recevoir des décisions qui présentent l’information d’une manière logique et précise, qui expliquent les preuves et les plaidoyers et qui justifient la conclusion avec clarté et simplicité.
La plupart de nos membres sont des profanes qui viennent de partout au Canada et qui se spécialisent dans divers autres domaines. Ils se chargent d’un grand nombre de cas et traitent de questions complexes. C’est pourquoi ils sont heureux de recevoir le soutien des membres de notre personnel spécialisés en questions juridiques et en assurance de la qualité. Les membres ont toute liberté d’examiner ces conseils, puis d’en tenir compte ou de les rejeter. Le droit administratif est très simple: la personne qui entend la preuve rend la décision.
J’ai aussi entendu des questions sur le rôle des taux de décisions favorables rendues au tribunal. Il ne s’agit pas de taux individuels, puisque les décisions du tribunal proviennent de jurys de deux ou trois membres. Il s’agit plutôt des résultats de décisions rendues par les membres du jury que nous fournissons à la demande d’un membre. Ils ne servent pas à évaluer le rendement. Ils n’ont jamais servi à influencer les membres du tribunal pour qu’ils rendent plus, ou moins, de décisions favorables. Ils n’ont servi qu’à entamer un débat sur l’uniformité de la prise de décisions.
J’espère que vous pensez comme moi que les vétérans méritent de pouvoir prédire les résultats de notre prise de décisions, autrement dit que les cas similaires devraient produire des résultats semblables. Le tribunal a établi des structures de formation et de soutien continus ainsi que des lignes directrices, un code d’éthique professionnelle et des normes de rendement pour les arbitres afin que les vétérans soient traités tout au long du processus d’appel avec l’équité et le respect qu’ils attendent de nous. Tous ces outils favorisent la cohérence tout en respectant l’autonomie des arbitres qui rendent les décisions. Cette philosophie nous attire de nouveaux membres des forces armées, des organismes d’application de la loi et du milieu médical qui offrent leur expertise pour servir les vétérans.
Le deuxième domaine dont je voulais parler est celui de la transparence. M. James Ogilvy, du Conseil des tribunaux administratifs canadiens, vous a expliqué qu’il existe différents moyens d’assurer la transparence, notamment en publiant les résultats de toutes les audiences. Nous sommes d’accord avec lui.
Il en coûterait environ 3,5 millions de dollars au tribunal pour faire traduire et dépersonnaliser les quelque 5 000 décisions rendues chaque année pour les afficher rapidement sur le Web. Cette somme constitue le tiers de notre budget, dont la plus grande partie sert à mener des audiences et à produire des décisions pour les vétérans et pour d’autres requérants dans tous les coins du pays. Dans les faits, le tribunal ne pourrait pas absorber ces frais sans nuire à sa prestation de services aux vétérans.
Un organisme tiers comme l’Institut CanLII publierait nos décisions sans frais, mais nous devrions quand même respecter la Loi sur les langues officielles et assumer les coûts de la traduction.
[Français]
Comme vous le savez, nous publions maintenant nos décisions dignes de mention sur notre site Web afin d'accroître la transparence. Elles représentent des décisions instructives qui démontrent comment le tribunal applique la loi dans des cas individuels. Ce sont des versions complètes du texte intégral des décisions du tribunal dont on a retranché certaines données personnelles afin de respecter la vie privée des demandeurs. Elles ne sont pas autrement modifiées ou contrôlées comme on l'a laissé entendre dans le cadre de ce comité.
[Traduction]
Je vous encourage à vous rendre à notre site Web pour y lire certaines de ces décisions. Vous y trouverez aussi les ressources médicales et juridiques dont se servent nos membres et que nous affichons par souci de transparence.
Nous continuerons à y ajouter de l’information et à saisir les occasions de discuter du processus d’appel avec nos intervenants. Pour assurer l’ouverture et la transparence des procédures, les tribunaux tiennent aussi des audiences publiques. Les audiences du tribunal sont publiques, et nous nous faisons un plaisir d’inviter les observateurs. Nous demandons aux intéressés de communiquer avec nous à l’avance par respect des vétérans et des questions personnelles dont on traite à ces audiences ainsi que pour préparer l’aspect logistique de ces visites.
Une fois de plus, j’invite les membres du comité à venir observer une audience. Comme vous l’a dit M. Cal Small de l’Association des anciens de la Gendarmerie royale du Canada, vous pourrez y observer l’absence de formalisme, l’effort que font les membres du tribunal pour comprendre la situation dans laquelle se trouvent les vétérans ainsi que la complexité des cas qu’ils doivent juger.
Enfin, le troisième sujet que je voulais aborder est celui de la culture organisationnelle du tribunal. Nous avons pour mission de servir les vétérans membres des forces armées et de la GRC ainsi que leurs familles. Comme par le passé, les membres du tribunal s’efforcent d’obtenir les preuves qui leur permettront d’accorder des prestations nouvelles ou accrues pour des incapacités liées au service. Notre besoin de preuves n’a pas changé, mais la nature des cas à évaluer est entièrement différente.
Comme le représentant du Bureau des services juridiques des pensions vous l’a expliqué, on conseille aux requérants qui ont de nouvelles preuves à présenter après avoir reçu la décision initiale du ministère de demander un examen interne ou ministériel. Les taux de réussite des premières demandes et des examens ministériels sont plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans le passé. Autrement dit, les vétérans reçoivent maintenant des résultats favorables plus tôt au cours du processus. Par conséquent, le tribunal reçoit moins de cas, mais ceux qu’on lui présente sont moins simples et plus complexes que ceux qu’il recevait auparavant.
Au Canada, les vétérans qui demandent des prestations d’invalidité ont accès à de nombreux paliers de recours sur les décisions qu’ils reçoivent. Certains d’entre eux trouvent cela plus difficile, alors que beaucoup d’autres sont heureux de pouvoir présenter de nouveaux renseignements en tout temps et se prévalent de ces occasions. Les résultats de nos décisions le démontrent, puisque la moitié des décisions d’examen et le tiers des décisions d’appel favorisent les vétérans.
Nous comprenons qu’on trouve le fardeau de la preuve accablant, mais la loi exige que les vétérans démontrent le lien entre leur invalidité et leur service. Certains requérants ne réussissent jamais à établir ce lien. Nous avons clairement entendu le message indiquant que les vétérans veulent savoir qu’ils reçoivent le bénéfice du doute tel que le prévoit la loi sur le tribunal. Nous avons lancé une initiative pour montrer à nos membres comment expliquer clairement la façon dont ils appliquent le bénéfice du doute dans chacun des cas. À titre de président, je continuerai à insister pour que nos membres et notre personnel n’oublient jamais la dette que nous devons aux vétérans qui ont si bien servi le Canada.
En conclusion, je tiens à remercier l’ombudsman des vétérans de nous aider à réaliser notre mission, qui est de bien servir les vétérans membres des Forces canadiennes et de la GRC ainsi que leurs familles. Le tribunal a entendu les recommandations que M. Parent vient de lui présenter, et nous poursuivrons nos améliorations afin de maintenir la confiance du public envers le processus d’appel.
[Français]
J'espère que vos questions, aujourd'hui, vont nous donner l'occasion de préciser davantage notre engagement et le travail que nous faisons au tribunal afin de servir les anciens combattants et leur famille.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus.
Monsieur Larlee, en toute justice pour vous, je ne crois pas que vous auriez pu répondre en à peine deux minutes au témoignage de M. Leduc auquel nous avons assisté l'autre jour et que vous disiez avoir écouté.
Il a affirmé à trois reprises distinctes que la direction et le personnel du tribunal entravaient notre indépendance de décideurs. Il s'était fait dire par James MacPhee, le vice-président, qu'il n'était pas obligé de trancher. Il a dit qu'il était évident qu'ils étaient en train d'être intimidés. Il a également affirmé que la culture de l'ingérence est si flagrante que la direction du tribunal, ses unités juridique et d'assurance de la qualité font pression auprès des membres en se servant de notes de service qui anticipent les décisions favorables, alors qu'elles laissent passer les cas défavorables sans les étudier.
Le tribunal est conscient de la reconfiguration des processus, a-t-il dit en précisant que malheureusement, la mesure aboutirait à des ingérences plus poussées car les dossiers seraient analysés, voire réglés par nos unités juridique et de l'assurance de la qualité avant la tenue des audiences.
Je crois qu'il serait injuste de présumer que vous pouviez vraiment répondre à tout cela en une minute, alors je me demande s'il serait possible qu'à un moment donné, votre tribunal nous transmette une réponse écrite au témoignage de M. Leduc, car il n'était pas favorable au Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à cet égard.
J'ai une autre question et je vous donnerai un exemple. Ken Whitehead de Dartmouth a cumulé 3 660 heures de vol sur Sea King en qualité de navigateur et 4 000 heures de vol d'essai pour tester les vibrations. C'est une ancienne capitaine de corvette, la Dre Heather MacKinnon, médecin de l'air depuis plus de 20 ans, qui a procédé à son examen médical. Je sais qu'il faut s'abstenir de faire des remarques sur un dossier précis, mais la décision du TACRA à l'égard de ce dossier disait avant tout qu'il s'agissait d'un navigateur à bord d'un navire. C'était une erreur. Il était navigateur aérien, travaillant à bord d'hélicoptères. Deuxièmement, le tribunal a affirmé que le témoignage de la Dre Heather MacKinnon n'était pas assez crédible. C'était en août dernier.
Peut-on s'étonner alors que des gens comme moi, représentant les vétérans, se fâchent tellement quand ils entendent parler de ce genre d'erreurs, voulues ou pas, qui affectent la vie d'un vétéran? Il ne s'agit que l'un des nombreux vétérans à qui nous faisons affaire régulièrement.
J'ai donc témoigné, et le tribunal a rendu sa décision; alors si c'est possible, pourriez-vous nous écrire pour nous expliquer comment une décision de cette nature peut être aussi erronée que ça? Quelqu'un a dit qu'il était navigateur à bord d'un navire, alors qu'il ne l'était pas, et que le témoignage médical de la capitaine de corvette à la retraite MacKinnon, une des personnes les plus exemplaires de ce pays, n'était pas assez crédible. Comment croyez-vous qu'elle se sent en lisant cela?
Merci.