FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 novembre 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement.
Je vais souhaiter la bienvenue à nos trois invités qui sont ici ce matin.
Nous accueillons Mabel van Oranje, représentante de Filles, Pas Épouses: Le Partenariat Mondial pour la Fin au Mariage des Enfants. Bienvenue, Mabel. Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui.
Ashok Dyalchand est membre de l'Institute for Health Management. Bienvenue, monsieur. Je suis heureux de vous avoir parmi nous.
Nous accueillons également Amina Hanga, qui est membre de l'Isa Wali Empowerment Initiative.
Mabel, nous allons commencer par votre déclaration préliminaire. Vous pourrez ensuite présenter vos collègues, et ils nous expliqueront brièvement ce qu'ils font. Il nous restera ainsi un peu de temps pour faire le tour de la salle et poser des questions au sujet de ce qui se passe dans vos diverses organisations.
Je vais vous céder la parole, Mabel, pour votre déclaration préliminaire, s'il vous plaît.
Merci beaucoup, honorable président et chers membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Français]
Je suis ravie d'être avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
C'est très agréable d'être ici en personne et de ne pas avoir à m'entretenir avec vous par vidéoconférence.
Je suis très heureuse d'être accompagnée par mes collègues Amina Hanga, de l'organisation Isa Wali, qui travaille dans le nord du Nigeria pour mettre fin au mariage d'enfants, et M. Ashok Dyalchand, de l'Institute for Health Management, en Inde, qui a participé à la création de Filles, Pas Épouses il y a quatre ans.
Je ne dirai que quelques mots au sujet de Filles, Pas Épouses: Le Partenariat Mondial pour la Fin au Mariage des Enfants. Nous sommes — comme le nom le dit — une association mutuelle, un partenariat-cadre de plus de 400 membres provenant de plus de 60 pays de partout dans le monde. Tous ces membres sont unis dans le cadre de nos efforts pour mettre fin au mariage d'enfants dans le monde. Certains d'entre eux sont de grandes organisations, de grandes ONG, comme CARE, Save the Children et Human Rights Watch. D'autres sont des organisations bien plus petites, comme celles de M. Ashok et d'Amina, qui travaillent à l'échelon local.
Laissez-moi commencer par vous poser une question. Je suis très curieuse de savoir ce dont vous vous souvenez du jour de votre mariage. Était-ce le bonheur? Était-ce le sentiment d'amour? Était-ce une grande fête, peut-être? Ou le jour de votre mariage était-il celui où vous avez dû abandonner vos études? Était-ce le jour où vous avez dû quitter votre famille pour aller vivre avec un homme — ou une femme — mais nous parlons d'un homme — qui a à peu près deux fois votre âge? Était-ce le jour où vous êtes tombée enceinte, alors que vous étiez vous-même encore une enfant?
C'est l'histoire de Geeta, une jeune femme que j'ai rencontrée à Bihar, en Inde, qui a été forcée de se marier à 14 ans. Quand je l'ai rencontrée, elle m'a parlé de la crainte qu'elle a ressentie le jour de son mariage. Elle m'a dit: « J'étais si jeune; je ne savais même pas ce que signifiait le mariage, et, pourtant, parce que j'étais une fille, je ne pouvais rien faire pour l'empêcher. »
L'histoire de Geeta n'est pas unique. En fait, toutes les deux secondes, quelque part dans le monde, une fille est donnée en mariage avant ses 18 ans; c'est une fille, puis une autre, et une autre... En somme, c'est 50 millions de filles qui se marient avant d'avoir 18 ans chaque année. De fait, 700 millions de femmes dans le monde qui sont vivantes aujourd'hui se sont mariées avant leurs 18 ans.
Dans le monde en développement, nous constatons qu'une fille sur trois est donnée en mariage avant cet âge crucial et même qu'une fille sur neuf se marie avant d'atteindre ses 15 ans. Cela arrive parfois à des filles qui sont aussi jeunes que 10 ou 11 ans, voire 6 ou 7 ans. C'est vrai que les jeunes garçons sont parfois soumis, aussi, au mariage, mais la majorité sont des jeunes filles.
Vous vous demandez peut-être où cela se passe. C'est un problème planétaire. Ça se passe dans tous les pays, dans toutes les cultures et dans toutes les religions. Là où c'est le plus fréquent, c'est en Asie méridionale et en Afrique subsaharienne. En Asie méridionale, 46 % des filles sont données en mariage avant 18 ans, et, en Afrique subsaharienne, c'est 39 %. Les taux sont également élevés en Amérique latine: 29 %. C'est environ 18 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Extrême-Orient, c'est 16 %.
Chose inquiétante, nous constatons que, dès qu'un conflit atteint une région du monde — par exemple, les camps de réfugiés syriens maintenant — les taux de mariages d'enfants montent immédiatement en flèche. Pour vous brosser un tableau complet, je préciserai qu'on donne aussi des enfants en mariage dans certaines collectivités de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
Les chiffres sont énormes. Encore pire, les conséquences sont dévastatrices pour les filles, pour leurs enfants, pour les collectivités où ils vivent et, au bout du compte, pour le bien-être des nations dans lesquelles ils vivent. Le mariage d'enfants est une atteinte majeure aux droits de la personne, mais il mine également nos efforts visant à mettre un terme à la pauvreté mondiale.
Laissez-moi vous donner un ou deux exemples. Réfléchissez à ceci: en tant que communauté internationale, nous avons dit que nous voulions mettre fin à la mortalité maternelle. Comment peut-on éliminer la mortalité maternelle quand on a des filles qui accouchent avec un corps de 13 ans ou de 14 ans? Ces fillettes données en mariage sont elles-mêmes encore des enfants.
De fait, si vous n'avez pas plus de 15 ans au moment où vous avez votre premier enfant, les probabilités que vous mouriez en donnant naissance ou que vous ayez des complications sont cinq fois plus élevées que si vous êtes au début de la vingtaine. Dans la même veine, nous constatons que les nourrissons de mères très jeunes sont également beaucoup moins susceptibles de survivre à leur première année de vie. La mortalité infantile est de 60 % plus élevée pour les enfants de ces fillettes données en mariage.
Un autre problème qui, je le sais, est à l'ordre du jour du Canada depuis très longtemps au chapitre du développement, c'est la question de l'éducation. Comment peut-on éduquer les filles et s'assurer qu'elles fréquentent toutes l'école secondaire si elles sont retirées de l'école pour être données en mariage?
Cela n'affecte pas seulement le pouvoir des filles de gagner leur vie. Nous savons que, pour chaque année où la fille reste à l'école, sa capacité de gagner de l'argent pour le reste de sa vie augmente de 10 à 15 %. Nous savons également que l'argent que gagnent les filles et les femmes est habituellement réinvesti dans la collectivité, alors que, malheureusement, les hommes dépensent parfois la majeure partie de l'argent qu'ils gagnent dans les plaisirs de la vie. Comment peut-on s'assurer que les collectivités deviennent plus prospères si on prive les filles d'éducation et de la possibilité de bien gagner leur vie?
En fait, le mariage d'enfants est lié à six des huit objectifs actuels du Millénaire pour le développement qui ont été établis pour faciliter l'éradication de la pauvreté — six sur huit.
Vous vous demandez peut-être pourquoi ces mariages ont lieu. Il y a une chose dont je suis absolument convaincue. Les parents, en général, veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants, y compris leurs filles. Toutefois, la réalité est que, dans certaines circonstances, et dans certaines collectivités, il semble que le fait de donner ses filles en mariage à un très jeune âge pourrait être dans leur intérêt. Pourquoi?
Les facteurs exacts qui contribuent au mariage d'enfants varient d'un contexte à un autre; par conséquent, les raisons pour lesquelles il a lieu en Inde pourraient être légèrement différentes des raisons pour lesquelles il a lieu dans le nord du Nigeria, qui pourraient, encore une fois, être légèrement différentes de celles pour lesquelles cette pratique a cours dans le sud du Nigeria.
Dans l'ensemble, il semble y avoir quatre principaux facteurs. Le premier, c'est la pauvreté. Si vous vivez dans la vraie pauvreté, le fait d'avoir une bouche de moins à nourrir en mariant votre fille pourrait être une solution qui vous permette de mieux prendre soin du reste de votre famille. En outre, la dot et le prix de l'épouse pourraient signifier que le fait de marier votre fille à un jeune âge est, d'un point de vue économique, dans l'intérêt de votre famille.
La deuxième raison, c'est la sécurité. De nombreux parents marient leurs filles à un jeune âge parce que, autrement, les risques qu'elles se fassent agresser sexuellement et, par conséquent, qu'elles ne puissent plus se marier plus tard dans leur vie ou qu'elles déshonorent la famille sont grands. C'est un des facteurs que nous observons dans les camps de réfugiés. Nous ne devrions pas nous faire d'illusions. Le mariage précoce ne constitue pas une solution de rechange sécuritaire pour ces filles parce que nous savons que le taux de violence familiale est beaucoup plus élevé dans le cas des mariages où la fille se marie jeune que dans les cas où la fille se marie plus tard.
La troisième raison, c'est la tradition. Il y a des endroits où les filles se marient jeunes parce que c'est comme ça qu'on fait les choses génération après génération. Si j'ai une fille de 8 ans, une fille de 9 ans ou une fille de 10 ans que je ne donne pas en mariage, on — toute la collectivité — pourrait se retourner contre moi ou contre ma fille et penser qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez elle. Je pourrais subir une pression sociale pour le faire, même si ce n'est pas dans l'intérêt de ma fille ou dans le nôtre, en tant que collectivité.
Enfin, l'inégalité des sexes est un facteur réel. À trop d'endroits dans le monde, les filles sont considérées comme un fardeau dont il faut se débarrasser le plus rapidement possible. La réalité, c'est qu'on n'accorde pas autant de valeur aux filles qu'aux garçons; par conséquent, on donne les filles en mariage tôt parce qu'elles sont des filles.
Les chiffres sont énormes; les conséquences sont dévastatrices, et les facteurs qui contribuent au mariage d'enfants, comme je viens tout juste de le mentionner, sont complexes. Pendant trop longtemps, ce problème n'a pas reçu l'attention qu'il mérite. Ces filles sont essentiellement invisibles, mais un changement est en train de se produire.
C'est grâce à Geeta, de Bihar, qui enseigne maintenant aux jeunes leurs droits, mais qui aide aussi les dirigeants du village à comprendre quelles sont les conséquences nuisibles du mariage d'enfants pour les filles et pour le village. C'est grâce au travail de personnes comme l'archevêque Desmond Tutu et Graça Machel, la veuve de Nelson Mandela, qui ont aidé à inscrire ce problème tabou au programme mondial. Pour nous, c'est parfois difficile de le faire, d'arriver, en tant qu'Occidental et de dire: « c'est mal; ne faites pas cela. » Nous pourrions être rejetés en tant qu'impérialistes culturels. Cependant, lorsque des gens comme l'archevêque Tutu, Graça Machel et Kofi Annan ont commencé à reconnaître ce problème, personne n'a pu les accuser d'être des impérialistes culturels, et ils ont pu entamer un dialogue qui nous permet maintenant tous d'en parler.
Le changement se produit également grâce au leadership du Canada et d'autres pays qui ont compris qu'il est logique d'inscrire fermement le mariage d'enfants au programme du développement international et que c'est une chose intelligente à faire. Je veux vraiment féliciter le Canada pour son approche visionnaire à cet égard. C'est également grâce au travail acharné de M. Ashok et d'Amina, qui travaillent sur ce problème depuis longtemps, mais, maintenant que leurs organisations sont unies sous l'égide de Filles, Pas Épouses, celles-ci peuvent aider à donner une visibilité encore plus grande à ce problème.
Le changement qui est en train de se produire est fascinant. À l'échelle internationale, le mariage d'enfants commence maintenant à être reconnu comme un problème grave. Grâce au leadership du Canada, ainsi qu'à la Zambie, nous espérons que la première résolution substantielle de l'ONU sur le mariage d'enfants sera adoptée plus tard cette semaine. Encore une fois, je veux féliciter le Canada de son leadership fantastique à cet égard. En outre, comme il a travaillé avec beaucoup d'autres États, le Canada a permis de s'assurer que la fin du mariage des enfants deviendra, nous l'espérons, une cible du programme de développement de 2015, celui qui viendra après les objectifs du Millénaire pour le développement. Fait plus important: la sensibilisation mondiale commence aussi par se traduire par un changement sur le terrain. Nous constatons que des pays, où le taux de prévalence est élevé, commencent maintenant à élaborer des plans d'action nationaux, et nous constatons qu'il y a de plus en plus d'argent disponible, notamment pour les organisations locales.
Nous savons que, en fin de compte, le changement doit avoir lieu à l'échelon local, dans la vie des filles, des familles et des collectivités, parce que, comme nous le savons, et M. Ashok peut en témoigner, lorsque les collectivités décident de changer, le mariage d'enfants cesse bel et bien.
Si on travaille à l'échelon local afin de lutter contre une tradition aussi sensible que le mariage d'enfants, on a besoin du soutien d'un mouvement mondial qui facilite l'éducation, la sensibilisation, la mobilisation politique et le soutien financier, mais qui nous permet également d'apprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Voilà pourquoi nous avons créé Filles, Pas Épouses, et c'est pour cette raison que nous sommes si heureux d'être en train de créer, avec le Canada et d'autres pays, ce mouvement planétaire.
Comme le changement ne se fera pas facilement, Filles, Pas Épouses a élaboré une théorie du changement. Nous l'avons fait en collaboration avec plus de 150 experts, y compris des experts canadiens. Nous allons vous en remettre un exemplaire à tous. Il peut avoir l'air impressionnant, mais notre théorie est en réalité assez bien, du fait qu'elle établit les quatre interventions clés qui sont nécessaires pour créer le changement.
La première, c'est l'habilitation des filles. Amina et M. Ashok vont tous deux expliquer cette intervention un peu plus en détail, ce qu'il faut faire pour habiliter les filles.
La deuxième intervention, c'est le dialogue communautaire avec les parents, avec les hommes et les garçons et avec les chefs traditionnels et religieux, afin de les aider à comprendre qu'il y a des solutions de rechange au mariage d'enfants qui sont vraiment dans l'intérêt de la fille et de la collectivité.
La troisième intervention consiste à s'assurer que des recours adéquats sont offerts — des services pour les filles. Nous devons nous assurer que, si ces filles restent en dehors du mariage, elles peuvent aller à l'école. Nous devons nous assurer que, lorsque nous pensons aux services de soins de santé, ils sont adaptés aux besoins des adolescentes. Souvent, quand nous étudions les services de santé, y compris les services de santé sexuelle, ils ciblent les femmes adultes, mais pas les jeunes filles.
La quatrième intervention qui doit avoir lieu, c'est que nous devons nous assurer que des lois interdisent le mariage d'enfants, mais aussi, parce que de nombreux pays sont dotés de telles lois, que ces lois sont vraiment mises en oeuvre et que les pays élaborent des stratégies complètes pour s'attaquer à ce problème. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous observons maintenant ce phénomène dans un certain nombre de pays.
Que signifie tout cela pour le Canada? Comme je l'ai mentionné, le mariage d'enfants s'assortit de nombreux défis liés au développement. La fin du mariage d'enfants, c'est une évolution intelligente et un bon investissement. Cela augmentera au maximum l'incidence de la politique étrangère et des efforts de développement du Canada.
Je sais que votre pays a pris des engagements vraiment impressionnants dans le domaine de la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants. Je remarque également qu'il y a un engagement continu à l'égard du travail sur l'éducation. L'intégration du mariage d'enfants dans ce travail est tout à fait logique et maximiserait en fait l'incidence de ces efforts.
Je pense qu'il est très important de mentionner que l'ampleur du mariage d'enfants est si grande qu'il ne peut s'agir d'un sujet limité à un parti, à un mandat parlementaire ou à un cycle de projet ou de programme. Les efforts visant à éliminer le mariage d'enfants doivent être soutenus et exigent un engagement à long terme.
C'est un enjeu non partisan, et je dois dire que la résolution des Nations Unies, codirigée par le Canada, qui sera adoptée plus tard cette semaine, sera une résolution historique. À l'époque des réductions du budget de l'aide au développement, je pense que c'est merveilleux de voir que le Canada est reconnu dans le monde entier pour son rôle de leadership dans ce domaine.
Si je pouvais formuler cinq recommandations concernant ce que j'aimerais vraiment que le Canada fasse dans l'avenir, ce serait formidable.
Premièrement, je voudrais vous voir continuer de jouer votre rôle de leadership en collaborant avec des pays où le mariage d'enfants est prévalent et en établissant des partenariats étroits avec ces pays.
Deuxièmement, je vous encourage à prendre un engagement à long terme pour poursuivre votre travail dans ce domaine, y compris en affectant un financement et en établissant des programmes à long terme.
Troisièmement, je vous invite à rationaliser le mariage d'enfants dans l'ensemble de votre travail d'élaboration de stratégies, notamment dans le travail lié à la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants ainsi qu'à l'éducation, mais aussi à la violence faite aux femmes, et ainsi de suite.
Quatrièmement, il est essentiel de s'assurer que certaines des mesures de soutien financier offertes par le Canada se rendront vraiment aux organisations locales qui changent les choses dans la vie quotidienne des filles et dans leur collectivité.
Cinquièmement, nous devons élargir les programmes qui fonctionnent. Quand nous voyons qu'une approche est efficace, nous devons nous assurer qu'elle est amplifiée.
Essentiellement, je vous encourage à continuer de changer les choses — directement et indirectement — en tant que monde, nous devons commencer à faire des progrès relativement à ce problème, mais nous devons en faire beaucoup plus vu l'ampleur du problème.
Nous nous rendons compte que notre but qui consiste à changer la norme sociale est difficile à atteindre. Nous savons que le changement ne se fera pas rapidement, mais nous connaissons les stratégies qui fonctionnent pour mettre fin au mariage d'enfants. Encore une fois, nous tentons de définir ces stratégies, et nous apprenons comment y apporter les compétences requises.
Je suis optimiste parce que je suis convaincue que le changement est vraiment possible en une génération. Je le sais parce que, quand je voyage dans les pays où cette coutume est hautement prévalente et que je demande à chaque fille que je rencontre ce qu'elle veut pour ses filles, ces filles me répondent: « Nous voulons que nos filles fassent des études et ne se marient que lorsqu'elles voudront et avec qui elles voudront. »
Si nous pouvons tenir cette génération de filles en dehors du mariage, nous pouvons être convaincus qu'elles ne donneront jamais leurs filles en mariage quand elles grandiront.
Qu'on ne s'y trompe pas: un monde sans mariage d'enfants est un monde où tout le monde est en meilleure santé, mieux éduqué, plus prospère et plus égal. Laissons les filles être des filles, pas des épouses.
Merci, monsieur le président.
Merci. Madame van Oranje, vous allez également présenter vos collègues. Ils pourront peut-être décrire ce qu'ils font dans leur organisation.
Amina travaille pour l'organisation Isa Wali, dans le nord du Nigéria. Je pense que ce serait mieux si elle nous expliquait ce que fait cette organisation.
Bonjour. Merci beaucoup de nous donner cette possibilité d'être ici aujourd'hui pour parler du mariage d'enfants.
Notre organisation, l'Isa Wali Empowerment Initiative, est basée à Kano, ville située dans la partie nord-ouest du Nigéria. C'est une région qui est très conservatrice et très patriarcale.
Les femmes font face à beaucoup de problèmes. On leur accorde peu de valeur. Le mariage d'enfants est répandu, plus particulièrement dans les régions rurales que dans les régions urbaines. En fait, dans les régions urbaines, il y en a de moins en moins, mais, dans les régions rurales, c'est encore très fréquent qu'on donne des filles de 13, 14 ou 15 ans en mariage. C'est parce qu'on n'accorde pas beaucoup de valeurs aux filles.
Le taux de pauvreté est élevé. Le taux d'analphabétisme est élevé. Les gens sont ignorants et n'apprécient pas la valeur de l'éducation, surtout pour les filles.
Nos interventions ont tendance à être axées sur l'habilitation des femmes et des filles, sur le fait de leur offrir une alphabétisation de base, sur la santé maternelle et sur l'habilitation économique.
En ce qui concerne les filles, ou plus particulièrement les mères, nous avons remarqué que, lorsqu'elles participent aux programmes d'alphabétisation de base, elles se rendent compte que l'éducation est très importante, et cela les rend déterminées à s'assurer que leurs filles reçoivent une formation et terminent leurs études.
Par ailleurs, ce que nous constatons, c'est que certaines filles peuvent s'inscrire à l'école, mais, quand elles arrivent à l'école secondaire, elles sont retirées à mi-parcours pour être données en mariage. Parfois, c'est parce qu'elles ont atteint l'âge de la puberté. Leur corps se développe, et elles ont l'air mature, et les parents préfèrent qu'elles soient mariées plutôt que sous l'oeil du public, pour ainsi dire. Ils ont peur que les filles fassent honte à la famille, c'est-à-dire qu'elles puissent avoir des enfants en dehors du mariage ou qu'elles subissent du harcèlement sexuel. Ils préfèrent donner ces filles en mariage.
Ce que nous tentons de faire, c'est de leur faire voir que, tant que les filles ne sont pas éduquées, cela crée tout un tas de problèmes pour les filles, pour leur famille et pour leurs enfants, du point de vue des risques pour la santé maternelle des filles. Pour leurs enfants, c'est la malnutrition. Encore une fois, c'est un cercle vicieux parce que, évidemment, comme la fille n'a pas fréquenté l'école, elle n'en voit pas la valeur, et, par conséquent, ses enfants ne vont pas à l'école. Tout cela ne fait que continuer de se perpétuer; c'est un cercle vicieux.
Il y a des collectivités où les hommes ne veulent pas que leur femme aille à l'hôpital parce qu'ils ne veulent pas que des médecins ou des infirmiers de sexe masculin l'examinent quand elle est enceinte. Nous leur disons donc que, s'ils n'envoient pas leurs filles à l'école, il ne pourra jamais y avoir de femmes médecins. Comment pourrait-il y avoir des infirmières pour s'occuper de leur femme quand elle est enceinte, quand il faut qu'elle accouche?
Dans les écoles, les enseignants sont surtout des hommes. Comment pouvons-nous avoir des enseignantes si les filles n'ont pas le droit de poursuivre leurs études et de recevoir une formation professionnelle, quelle qu'elle soit? Tant que cela ne se produira pas, nous allons continuer d'avoir ces problèmes.
C'est une partie de ce que nous faisons. Bien entendu, cela veut dire que les filles n'ont même pas accès à l'information, que ce soit sur la santé ou sur quoi que ce soit qui a à voir avec des activités économiques.
Quand elles sont mariées, selon la culture, elles ne peuvent pas sortir sans avoir obtenu la permission de leur époux, même en cas de risque pour la santé maternelle. Ce que nous constatons, c'est que la femme a besoin d'aller à l'hôpital parce que c'est l'heure d'avoir son bébé, mais l'époux est sorti. Il est peut-être dans les champs, ou bien en déplacement à l'extérieur de la ville. Elle n'ira pas à l'hôpital parce qu'elle n'a pas la permission de son époux.
Si c'est un cas où la femme a un problème d'éclampsie et qu'elle a des convulsions ou quelque chose du genre, elle meurt parce qu'on ne veut pas la laisser aller à l'hôpital. Sa belle-mère pourrait dire: « j'ai eu tous mes enfants à domicile, alors pourquoi estimes-tu que tu as besoin d'aller à l'hôpital? » C'est également perçu comme un signe de faiblesse de la femme. Le fait qu'elle a dû aller à l'hôpital est perçu comme un échec de sa part, surtout lorsque c'est son premier enfant.
Ce sont les divers problèmes que nous rencontrons; par conséquent, nous tenons beaucoup de séances de formation sur la santé maternelle pour les filles et pour les femmes dans le cadre de l'alphabétisation de base.
En outre, le fait de leur offrir une aide juridique en cas de violence familiale est un autre problème, surtout pour les jeunes filles qui en subissent. Les filles et les femmes ont elles-mêmes tendance à avoir une faible estime de soi. Nous tentons d'offrir une formation sur l'acquisition de compétences de vie afin qu'elles se rendent compte qu'elles ont de la valeur et qu'elles devraient se considérer comme telles.
Merci beaucoup.
Vous allez nous faire un bref résumé de votre organisation, Ashok, puis nous allons faire le tour de la salle parce que je sais que les députés ont hâte de vous poser des questions, eux aussi.
Je viens de l'Inde. C'est un grand pays. En Inde, il y a actuellement 113 millions d'adolescentes. Nous nous attendons à ce que 45 % — c'est la moyenne nationale — se marient avant l'âge de 18 ans, c'est-à-dire 51 millions de filles. Tous les ans, près de 8 à 10 millions d'entre elles se marient et deviennent des mères. C'est l'ampleur du problème.
Nous luttons contre ce problème depuis 1998. Nous nous rendons compte que, si nous n'adoptons pas une approche intégrée, nous ne pourrons pas vraiment régler tous les facteurs déterminants qui donnent lieu au mariage précoce ainsi qu'à la dépendance et à la discrimination que vivent les adolescentes.
Nous mettons en oeuvre trois volets.
Le premier, c'est l'habilitation des adolescentes qui ne sont pas mariées, qu'elles aillent à l'école ou non, en accordant une attention particulière aux filles vivant dans des villages et dans les bidonvilles de l'Inde. Quel résultat attendons-nous de cette habilitation? Nous nous attendons à une amélioration de l'estime de soi et de l'auto-efficacité de ces filles, mais, plus que tout, à ce qu'elles soient capables de négocier avec leurs parents afin de reporter l'âge du mariage et de poursuivre leurs études. Les résultats seront des filles mieux éduquées ainsi qu'un report de l'âge du mariage, qui permettrait de reporter et de prévenir certaines des conséquences très néfastes du mariage précoce.
Ensuite, même si nous tentons de prévenir le mariage d'enfants, nous savons qu'il y a encore des filles qui se marient à un âge précoce et qu'elles vont continuer de le faire. Nous offrons à ces adolescentes mariées un accès de niveau primaire à des services de santé sexuelle et reproductive. La raison pour laquelle nous le faisons est que, selon nos recherches, 75 % de ces adolescentes mariées, des filles qui se sont mariées avant 18 ans, sont exposées à une lourde morbidité, plus particulièrement au moment de la grossesse. Si nous n'allégeons pas ce fardeau de morbidité, elles en subiront les conséquences pour le reste de leur vie.
Le troisième volet du programme intégré consiste à s'occuper des garçons et des jeunes hommes et à les sensibiliser aux différences sexospécifiques, à faire d'eux des personnes bienveillantes et à réduire les taux d'agression sexuelle et de violence familiale dans nos collectivités, car il s'agit d'une charge de morbidité supplémentaire dont souffrent ces filles.
Si nous adoptons une approche intégrée, et si nous procédons à des interventions ciblées auprès des adolescentes, nous sommes persuadés que ce serait une bien meilleure façon de réduire les taux de mortalité maternelle et néonatale dans le monde entier. À l'échelle mondiale, il y a une tendance à la réduction des taux de mortalité maternelle et néonatale. Si nous procédions à des interventions ciblées auprès de ces filles, nous pourrions atteindre nos buts beaucoup plus vite. La raison est très simple. Le taux de mortalité chez ces filles est cinq fois plus élevé que chez les femmes de plus de 20 ans. Tout le monde gagnera si nous nous concentrons sur les adolescentes, mariées et célibataires.
J'aimerais vous parler de cette expérience. Nous le faisons depuis 1998, et, du moins, en Inde, personne n'en a vraiment parlé comme d'un problème important à l'échelle nationale avant 2011, quand nous avons été invités en Éthiopie pour établir Filles, Pas Épouses. Soudainement, depuis trois ans, c'est devenu un problème international. C'est devenu un problème national. Il y a des pays qui en parlent. Des gouvernements sont prêts à faire quelque chose à propos de ce problème grave.
L'une des choses que j'aimerais vraiment vous faire comprendre, c'est que, si nous allégeons l'énorme fardeau de morbidité dont souffrent ces filles, nous allons économiser des milliards de dollars par année. C'est le genre de dépenses qu'engendrent le mariage et la maternité précoces. Ce qu'il faut vraiment que nous fassions, collectivement, c'est nous assurer que cela figure au programme de développement post-2015 parce que, comme je l'ai dit plus tôt, quand il y a de la pression à l'échelle internationale, il y a aussi de la pression à l'échelon national, sur les États ainsi qu'à l'échelon local pour qu'on obtienne des résultats.
Merci.
Merci beaucoup, Ashok.
Nous allons commencer par l'opposition.
Monsieur Dewar, vous avez sept minutes pour la première partie du débat.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie nos invités. Je devrais dire, en tant que député local d'Ottawa, que je vous souhaite la bienvenue ici, à Ottawa. Il y a des liens historiques très étroits entre votre famille royale et notre ville. Je vous souhaite donc la bienvenue.
Il y a énormément de questions à poser, mais je suis assez intrigué par l'idée de nous assurer que nous ne sommes pas perçus comme des étrangers qui débarquent. Je pense que nous devons faire preuve d'un peu d'humilité en racontant notre propre histoire.
Quand ma mère est née, d'un point de vue constitutionnel, elle n'était pas considérée comme une personne, ici, au Canada, parce que l'affaire « personne », que nous connaissons tous, ici, au Canada, déclarant que les femmes étaient des personnes, a eu lieu en 1929. Ici, les femmes n'ont pas eu le droit de vote avant 1918. Je sais que cela semble merveilleux, si on vient d'un autre pays et qu'on n'a pas le droit de vote, ou si on n'est pas considéré comme une personne en tant que femme, d'un point de vue constitutionnel, dans d'autres pays, mais nous devons comprendre que c'est notre histoire et ne pas faire preuve d'arrogance à l'égard de ce que nous tentons de faire actuellement.
Je suis très sensible au fait que, si nous abordons, plus particulièrement...
En passant, je devrais souligner que, habituellement, des femmes siègent à notre comité. C'est un peu bizarre, honnêtement; en temps normal, ma collègue Hélène Laverdière est assise à côté de moi. Mon ami Robert la remplace. Nous avons ici la secrétaire parlementaire Lois Brown. Nous travaillons là-dessus.
Je veux seulement dire que ces aspects dont vous parlez: nous assurer que nous n'allons pas être les agents d'un impérialisme marqué, comme vous l'avez dit, ou du colonialisme, dont il reste des vestiges dans bon nombre de ces endroits... Nous devons travailler au niveau local.
L'un des aspects que nous étudions en tant que comité, ce sont les zones de conflit. Vous avez effleuré cette question. Je mentionne que, quand j'étais en Iraq en septembre avec un collègue, M. Garneau, et le ministère des Affaires étrangères, nous entendions des histoires et nous étions très préoccupés par ce qui se passait là-bas. Je n'ai pas besoin de vous raconter ce qui se passe en Jordanie: les histoires de femmes vendues. Il est clair que cela se passe ailleurs, mais, dans les zones de conflit auxquelles nous avons accès grâce à un financement et à des gens qui travaillent sur le terrain, il me semble que nous n'en faisons pas assez. Il me semble qu'on pourrait en faire plus, en mettant sur pied des écoles qui accompagneraient ces camps de réfugiés et en nous assurant qu'il y a du travail pour que les familles aient de l'argent. C'est un programme qui fonctionne bien. Nous offrons des services de santé les plus solides possible parce que, après tout, nous savons que ces gens ont fui un conflit. Nous savons qu'ils sont en danger. Nous ne devrions pas les exposer davantage au danger.
J'aimerais connaître votre avis, parce que le comité étudie également le cas de l'Iraq et, bien entendu, la situation critique des réfugiés. Vous pourriez peut-être nous raconter comment on entre dans les camps de réfugiés, quel genre de travail on y fait et comment on s'assure que les femmes et les filles, qui sont censées être en lieu sûr dans un camp de réfugiés, ne courent pas d'autre danger, ce qui, malheureusement, est le cas dans certains des camps de réfugiés dont nous parlons.
Mes collègues de Filles, Pas Épouses, eux-mêmes, ne vont pas directement dans les camps de réfugiés et ne font rien sur le terrain. En réalité, nous sommes une organisation de partenariat, ce qui signifie que Filles, Pas Épouses, en soi, est un petit secrétariat qui ne compte même pas 15 employés. Essentiellement, nous facilitons le travail de nos membres, qui sont de plus en plus nombreux, en leur permettant d'apprendre les uns des autres, de communiquer leur expérience, de défendre des causes et de mener des campagnes de sensibilisation ensemble. Nous sommes davantage une organisation qui offre des services qu'une organisation qui offre des programmes. Nous contribuons à l'élaboration d'outils de communication et autres; par conséquent, nous n'avons pas d'expérience concrète du travail dans les camps de réfugiés.
Toutefois, je crois savoir, d'après les gens qui travaillent sur le terrain et d'après certaines de nos organisations partenaires — nous pourrions vous mettre en contact avec certaines d'entre elles, si vous le souhaitez, je pense qu'il s'agit d'un problème beaucoup plus vaste que le seul cas des réfugiés syriens — , c'est qu'on observe une situation où les gens se retrouvent dans ce qui semble être une situation temporaire, dans un camp, et, par conséquent, nous ne comblons que leurs besoins de base: sanitaires et alimentaires. Mais, à trop d'endroits dans le monde, les gens finissent par vivre dans ces camps, pas seulement pendant des années, mais pendant des dizaines d'années.
Je pense que, en tant que communauté internationale, nous n'en faisons pas assez pour adopter une perspective à long terme face à ces gens, notamment en ce qui a trait aux possibilités éducatives et économiques ou autres. Je sais que des efforts semblables à ceux que décrivaient mes collègues sont déployés relativement à l'habilitation des filles et à la sensibilisation des parents et des aînés dans les camps au sujet des dangers du mariage d'enfants, mais, tant que nous ne fournirons pas de bonne solution de rechange, ce sera très difficile de stabiliser ces taux croissants.
J'ai deux ou trois questions rapides, puisqu'il ne me reste que deux minutes.
En ce qui concerne la réforme juridique, d'après ce que vous dites, c'est manifestement la clé. Nous savons que, si les filles et les femmes ont une réelle protection juridique — et j'apprécie le travail d'aide juridique qui est fait —, c'est absolument essentiel. La réforme juridique est évidemment quelque chose sur quoi vous travaillez et que vous défendez, et j'aimerais en savoir plus à ce sujet.
En outre, je suis très heureux de vous entendre parler des OMD post-2015. La question est la suivante: qui s'est engagé à respecter ces objectifs? Avez-vous des champions qui travaillent là-dessus et qui disent que, dans le cadre du débat post-2015, ils seront les champions de ces objectifs?
Je ne suis pas certain que notre gouvernement s'y soit engagé. J'aimerais qu'il le fasse. Y a-t-il d'autres pays qui disent que, en ce qui concerne les OMD post-2015, nous allons universaliser toutes ces idées? Autrement dit, le Canada doit se regarder dans le miroir en plus de parler de tout le monde.
Qui s'engage à atteindre ces objectifs et à agir à titre de champion à cet égard?
Premièrement, en ce qui concerne les objectifs post-2015, pour le moment, tous les états membres ont négocié une ébauche de texte... le groupe de travail ouvert, comme on l'appelle. Il y a maintenant une ébauche de texte, qui contient 17 objectifs et, en moyenne, 10 cibles par objectif.
La fin du mariage d'enfants fait partie de la troisième cible de l'objectif concernant l'égalité des sexes. Le libellé actuel — mettre fin à toutes les pratiques préjudiciables, comme le mariage d'enfants et la mutilation d'organes génitaux féminins — fait notre bonheur. Bien entendu, j'aimerais toujours qu'on emploie des termes plus forts, mais ce libellé fait tout à fait notre affaire.
Le Canada a assurément été l'un des pays qui ont pris la relève des travaux visant à intégrer cet élément, mais il a aussi beaucoup fait pour faire appel à des pays où la prévalence est élevée afin de les faire participer parce que, au bout du compte, nous voulons mobiliser des dirigeants de partout dans le monde à cet égard, pas seulement ceux de quelques pays. Ce que nous ne savons pas, au moment où nous entamons les négociations relativement au document du Groupe de travail ouvert, c'est si des pressions seront exercées en vue de fusionner certaines des cibles. Ce que nous ne voulons pas, c'est que le mariage d'enfants se retrouve seulement associé à la violence contre les filles et les femmes, ou seulement à l'éducation, à la santé maternelle ou à l'égalité. Ce n'est pas ça, le mariage d'enfants. C'est lié à toutes ces choses.
Ce qui est fantastique, c'est que, très souvent, ces objectifs pour le développement sont décrits de manière à ce que nous ne puissions pas les mesurer, et ils sont tous très vagues. Eh bien, vous savez quoi? Nous pouvons mesurer le mariage d'enfants. Non seulement nous le pouvons, mais nous pouvons aussi savoir si nous faisons des progrès à cet égard, et à l'égard d'une foule d'autres enjeux liés au développement.
De ce point de vue, c'est vraiment un très bon objectif, mais nous devons nous assurer qu'il ne sera pas fusionné à d'autres choses. Je sais que le Canada travaille pour que cela n'arrive pas.
Je veux remercier nos invités de leur présence devant nous ce matin.
Vous avez mentionné les cinq priorités sur lesquelles, selon vous, le Canada devrait se concentrer dans l'avenir. Je veux m'attarder plus particulièrement à la quatrième, et peut-être à la cinquième.
Vous avez mentionné qu'une partie du soutien financier devrait être destiné aux organisations locales. Certains d'entre nous vivent très loin des centres bureaucratiques de notre pays, et nous avons souvent l'impression que les programmes qui sont offerts à l'échelon local font l'objet d'une plus grande reddition de comptes et sont habituellement plus efficaces que les choses qui sont offertes à partir d'un endroit lointain.
Je demande à nos deux invités comment le gouvernement canadien peut vous aider à offrir vos programmes sur le terrain, et quels aspects il peut améliorer?
Monsieur le président, concernant la première question, je pense que nous devons tout d'abord déterminer pourquoi nous devons travailler à l'échelon local. Toutes les innovations dont nous parlons qui permettront de reporter le mariage, de prévenir le mariage d'enfants et de protéger les adolescentes mariées sont apportées dans le secteur des ONG. Elles sont apportées à l'échelon local.
Je dirais qu'il y a deux choses qui sont vraiment requises. La première consiste à repérer ces innovations et à pouvoir appuyer le travail novateur effectué dans les divers endroits. La deuxième chose, qui, selon moi, est beaucoup plus importante, c'est que nous ne pouvons pas expérimenter et innover pour le reste de notre vie. Nous devons donner plus d'ampleur à ces expériences et innovations. Nous devons être capables d'évaluer l'efficacité de ces innovations. Nous devons les amplifier et les reproduire. C'est là que, selon moi, il faut envisager l'établissement de mécanismes qui permettront de les recenser, de les évaluer et de les élargir.
Non, non; les innovations le sont, mais, si on prend du recul et qu'on passe la majeure partie de son temps à faire du repérage et de l'évaluation, est-ce efficace sur le terrain? C'est à un autre échelon plus haut, encore une fois.
Je pense que ce genre de recensement et d'évaluation a déjà été fait. En réalité, il s'agit d'être en mesure de trouver où sont ces innovations et de leur donner de l'ampleur.
Je pense aussi qu'il s'agit d'appuyer les organisations locales. Elles sont dans les collectivités. Elles travaillent en étroite collaboration avec elles. Elles ont la confiance des gens. Si les organisations locales recevaient du soutien, elles pourraient joindre plus de gens qu'elles le peuvent actuellement, compte tenu des ressources limitées dont elles disposent.
Je veux parler un peu de la réforme. Elle se produit habituellement lorsqu'on peut convaincre tout le monde dans la collectivité que ce qui se passe présente certains avantages. Je me demande comment vous abordez les hommes dans la collectivité pour les convaincre qu'il y a des avantages pour eux également, parce que, souvent, les gens n'abandonnent pas facilement les structures de pouvoir. Vous avez mentionné des choses comme le fait de donner aux jeunes femmes une formation en soins infirmiers ou en médecine parce qu'il y a une raison à cela. Je me demande quelle approche vous adoptez pour tenter de convaincre les hommes dans la collectivité que le fait d'abandonner le pouvoir qu'ils avaient dans cette relation est une bonne chose à envisager pour eux.
Nous travaillons auprès des intervenants, par exemple des institutions traditionnelles, comme les chefs de village et de district. Une fois qu'on commence à cet échelon, les petits chefs locaux des divers villages et les dirigeants religieux eux-mêmes se font entendre auprès des gens. S'ils parlent, les gens ont tendance à les écouter. Une fois que nous pouvons les persuader qu'il est avantageux que les filles fassent des études, ils transmettront ces messages, et les hommes les écouteront davantage qu'ils nous écouteraient si nous nous contentions de nous adresser directement à eux. Ils sont plus ou moins comme les portiers. Une fois qu'ils acceptent l'idée, les hommes... c'est plus facile pour vous d'aborder la partie féminine des collectivités et de pouvoir travailler conjointement avec elle. Les femmes donnent leur appui, ce qui rend la tâche plus facile que si vous tentiez simplement de faire cavalier seul.
Il y a deux réponses à votre question, monsieur.
La première, c'est que, selon moi, pendant toutes ces années, nous avons lutté contre des problèmes liés aux femmes et aux filles, mais nous n'avons jamais vraiment tenu compte des garçons et des hommes. Nous n'avons jamais cru qu'ils avaient, eux aussi, des problèmes de santé reproductive et sexuelle qui devaient être réglés. L'une des réponses à votre question, c'est que nous devons commencer à régler les problèmes de santé sexuelle et reproductive des hommes également. On retrouve un grand nombre de ces problèmes dans ces collectivités.
L'autre, c'est que, selon moi, les hommes doivent se rendre compte du fait qu'ils ont avantage à ne pas épouser de jeunes filles, puisque, s'ils en épousent une, ils subiront également les conséquences de ce fardeau de morbidité que j'ai mentionné. Eux aussi devront régler ces problèmes.
Comment traite-t-on avec les collectivités? La façon dont nous le faisons — qui a connu du succès, dans la plupart des cas —, c'est d'adopter deux approches. La première est une approche axée sur les normes sociales, où on fait affaire avec l'ensemble de la collectivité pour changer les normes sociales, par exemple, la norme qui tolère la violence familiale. Ce sont les hommes qui pourront changer cette norme. Dans une collectivité, des jeunes garçons ont lancé une campagne selon laquelle les vrais hommes n'épousent pas des petites filles; ils épousent des femmes. Cette campagne a changé toute la norme du mariage précoce dans cette collectivité particulière.
La première, c'est l'échelon des normes sociales, l'échelon de la collectivité, et l'autre, c'est l'échelon des perceptions, où les normes sont perçues à l'échelon individuel. Si on travaille à l'échelon individuel grâce au counseling et à la communication interpersonnelle, on peut changer les comportements des personnes.
Puis-je vous demander comment cela s'applique à la notion d'honneur également? J'ai pris une note ici. Comment pouvons-nous remplacer cette obsession pour l'honneur par un sens des responsabilités?
Nous avons parlé de certaines des formes de violence dans les camps de réfugiés. Paul a soulevé cette question. Quand nous tentons d'étudier le problème de la violence sexuelle dans les camps de réfugiés, par exemple, personne ne veut en parler. Tout le monde veut faire comme si ça n'arrivait pas, parce que c'est en fait une question d'honneur à de nombreux égards.
Je me demande si vous pouviez nous en parler un peu. Comment pouvez-vous changer cette perception culturelle, ou est-ce que cela rejoint ce dont vous venez tout juste de parler?
Monsieur Dyalchand, voudriez-vous donner une réponse très rapide parce qu'il a un peu dépassé la période qui lui était allouée.
Nous n'avons pas d'expérience relativement au travail dans les zones de conflit et avec les collectivités qui souffrent de ce problème, mais des agressions sexuelles sont commises dans d'autres collectivités également. La façon de traiter ce genre de problèmes, c'est, comme je l'ai dit, de faire comprendre aux hommes qu'ils ont tout avantage, qu'ils ont tout intérêt à mettre un terme à cette violence. Il s'agit de changer les caractéristiques de la masculinité dans ces collectivités en changeant la norme sociale.
Désolé, David, vous allez devoir vous reprendre à la prochaine série de questions.
Monsieur Garneau, vous avez sept minutes.
Mesdames et messieurs, je vous remercie pour le travail que vous faites et pour l'avoir expliqué si clairement.
J'ai été frappé par la mention des quatre facteurs: la pauvreté, la sécurité, la tradition et l'inégalité des sexes. Chacun de ces facteurs est, à sa propre manière, un défi de taille; j'ai donc une bonne idée de l'ampleur du problème.
Vous êtes une ONG. Vous avez décrit dans une certaine mesure ce que vous faites pour tenter de faire prendre conscience aux gens du fait qu'il y a bien plus d'inconvénients au mariage d'enfants.
Monsieur Dyalchand, dans le cas de l'Inde, et madame Hanga, dans le cas du Nigéria, les gouvernements de ces pays s'intéressent-ils à cet enjeu? Participent-ils d'une manière ou d'une autre au règlement du problème? Accordent-ils la même valeur à l'élimination du mariage d'enfants que, manifestement, vous lui accordez?
Dans le nord-ouest du Nigéria, plus particulièrement, ce n'est pas vraiment du mariage d'enfants qu'on parle; c'est davantage d'éducation. Je sais que, par exemple, dans l'État de Kano, le gouverneur est très favorable à l'éducation des filles. Il veille à ce qu'elles aient accès au transport en commun pour se rendre à l'école et en revenir et assure la gratuité scolaire, quoiqu'il y ait des frais cachés. Ces frais sont des problèmes qui rendent l'accès aux études difficile pour les familles très pauvres: l'achat d'uniformes, l'achat de livres et des choses de ce genre.
Il y a également beaucoup de soutien pour l'habilitation économique en raison du problème de pauvreté. On accorde aux femmes des bourses pour qu'elles exercent des activités qui génèrent des revenus. De cette façon, c'est ce qui se passe.
Le mariage d'enfants, comme sujet, en soi, n'est pas vraiment soulevé ouvertement. C'est une question très délicate. La communauté est musulmane. Les gens ont tendance à mal interpréter le mariage d'enfants comme quelque chose de religieux, alors qu'en réalité, c'est culturel. On se concentre surtout sur l'éducation; c'est donc de cette façon que nous contournons la question du mariage d'enfants, en fait.
En Inde, plus tôt, en 2014, le gouvernement a proposé une très bonne politique intégrée et complète relative à la santé et au développement des adolescents. Le problème, en Inde, c'est que la formulation a lieu à l'échelon fédéral, alors que la mise en oeuvre a lieu à l'échelon de l'État, et qu'il y a un écart majeur entre la formulation d'une politique et sa mise en oeuvre, simplement parce que c'est le sujet de l'État.
C'est là que je voudrais vraiment appuyer ce que la princesse Mabel a déjà dit. C'est la raison pour laquelle nous devons regarder le travail qui se fait à l'échelon local et l'appuyer à l'échelon de l'État, afin que, si un changement se produit à l'échelon de l'État, nous puissions faire de cet État un exemple et provoquer un changement dans d'autres États ainsi qu'à l'échelon fédéral. C'est le genre de changements au chapitre des politiques et de défense des politiques que nous tentons de réaliser.
Vous avez décrit un milieu rural, où on aborde les chefs de village et on leur parle des désavantages du mariage d'enfants. Ils se rendent compte — nous l'espérons — de l'utilité du message que vous leur avez communiqué, et ils peuvent le transmettre en aval.
Je m'intéresse au milieu non rural, aux villes. L'approche est-elle différente? J'ai l'impression, d'après ce que vous avez raconté, que le mariage d'enfants n'était pas aussi fréquent dans les centres urbains. Pourriez-vous nous parler du défi urbain?
Le taux de mariages d'enfants est vraiment en train de diminuer dans les centres urbains. C'est parce qu'il y a plus d'installations disponibles, comme des écoles et des emplois; par conséquent, les gens peuvent voir les avantages qui sont liés au fait d'avoir reçu une formation. Quand un mélange de gens éduqués et non éduqués vivent ensemble, même ceux qui n'ont pas vraiment fait d'études peuvent constater que ceux qui font des études sont en mesure d'avoir un meilleur style de vie. Cela les encourage à envoyer, aussi, leurs enfants à l'école, alors que, dans les collectivités rurales, ce que l'on constate, c'est que les quelques personnes qui pourraient avoir fait des études ont tendance à migrer vers les régions urbaines et à quitter celles qui n'en ont pas fait, lesquelles restent dans les régions rurales. Si un grand nombre de ces personnes vivent ensemble, et que personne n'a fait d'études, elles n'y voient aucun problème. Même si elles éprouvent beaucoup de difficultés, elles n'accordent aucune valeur à l'éducation. Ce n'est pas vraiment un problème dans les régions urbaines.
Parfois, il s'agit davantage de mariages forcés, mais c'est toujours plus dans les régions rurales qu'on vit ce genre de problèmes. C'est pourquoi nous nous concentrons sur les régions rurales, pas sur les régions urbaines. Bien entendu, il y a beaucoup d'organisations non gouvernementales qui travaillent dans les régions urbaines également; donc beaucoup de possibilités s'offrent.
Si le Canada fournit un financement à une organisation comme la vôtre, comment cet argent sera-t-il utilisé? Je voudrais mieux comprendre ce qui arrive à ce financement, dans les moindres détails.
Ce pourquoi nous utilisons ce financement, c'est pour l'achat de bicyclettes avec lesquelles les filles pourront aller à l'école. Seul un dixième des villages ont des écoles où on enseigne jusqu'au niveau secondaire. Si une fille doit poursuivre ses études, il faut qu'elle se rende dans un village voisin pour pouvoir le faire. Les bicyclettes augmentent leur mobilité. Le fait de leur fournir des bicyclettes est une excellente occasion; c'est une merveilleuse intervention qui leur permettra de poursuivre leurs études.
Nous leur fournissons des tablettes bon marché pour qu'elles puissent acquérir des compétences du XXIe siècle. Pourquoi devraient-elles faire du raccommodage, de la couture ou certaines des autres vieilles choses traditionnelles qui, en fait, n'améliorent pas leur qualité de vie? Ce que nous essayons de faire, c'est leur permettre d'acquérir des compétences modernes qu'elles pourront utiliser dans le cadre de leur carrière, dans l'avenir. C'est vraiment là que l'argent est dépensé. On la dépense pour fournir des soins de santé aux adolescentes. Cela suppose d'énormes coûts, et ce dont nous nous rendons compte, c'est que, si on ne les fournit pas au niveau primaire, si la morbidité n'est pas détectée au niveau primaire et qu'on n'aiguille pas les filles vers les établissements de santé, leur taux de morbidité ne sera pas réglé. C'est essentiellement dans ces domaines liés à l'amélioration de l'éducation, à l'habilitation des filles et à la fourniture de soins de santé.
Merci, monsieur Garneau.
Il ne nous reste qu'à peu près cinq minutes. Nous allons accorder environ deux minutes à M. Goldring, puis nous allons accorder deux minutes à M. Stoffer.
Monsieur Goldring.
Je vous remercie beaucoup de votre présence.
Princesse Mabel, cela fait chaud au coeur de voir comme vous êtes passionnée par cet enjeu très important.
Monsieur Ashok, je suis allé en Éthiopie pour étudier une partie du travail merveilleux que le Canada fait là-bas relativement à l'alimentation des enfants et aux soins liés à l'accouchement. Je vois bien que la question du mariage d'enfants est effectivement une très grande partie de l'enjeu et fait partie du problème. On a brièvement abordé le fait que vous avez un enjeu, aux Nations Unies, pour lequel vous allez obtenir une certaine forme de proclamation des membres, je suppose, et il a été mentionné qu'on pourrait en faire davantage, peut-être, à l'échelon du gouvernement que seulement à l'échelon local.
Il y a aussi un autre échelon. En Éthiopie, il m'a semblé très évident que c'était plutôt le berceau de l'orthodoxie. Il y a les éléments religieux, parce que, au bout du compte, cela se rend jusqu'aux églises communautaires. Pour ne parler que de l'orthodoxie — même s'il y a aussi des musulmans, là-bas, du point de vue de l'orthodoxie —, il y a des organismes mondiaux, et il y a un organisme mondial constitué de parlementaires provenant de près de 25 pays qui siègent et qui discutent de ces types de problèmes.
Ma question vise à déterminer si vous avez envisagé ou non de présenter votre exposé — celui que vous nous présentez aujourd'hui — à des organismes comme ceux-là, qui adressent leurs recommandations directement aux patriarches, aux métropolites de leurs diverses religions. Peut-être que certains avantages sociaux pourraient aussi parvenir jusqu'aux collectivités depuis les échelons supérieurs. S'agit-il d'un moyen envisagé pour aborder la discussion?
Ça l'est, assurément. La réalité, c'est qu'aucune religion ne dit qu'il faut marier ses filles à un jeune âge, mais que, trop souvent, les chefs religieux participent à l'acte du mariage ou, du moins, ils n'en font pas assez pour l'arrêter. Nous connaissons aussi des exemples où les chefs religieux sont dans leur collectivité et disent aux gens que ce n'est pas la bonne chose à faire.
Depuis quatre ans, nous tentons de faire appel, par divers moyens, aux chefs religieux et de les mobiliser. Parfois, nous obtenons une réponse favorable, mais, d'autres fois, c'est très difficile. Malheureusement, le domaine du leadership religieux au grand complet est dominé par les hommes et, très souvent, les filles et les femmes ne sont pas encore assez prioritaires dans leur programme. Nous allons continuer de travailler avec eux parce que nous voyons des ouvertures et que nous observons des chefs religieux éclairés dans toutes les religions, de façon générale, mais aussi à l'échelon local. Nous savons qu'ils seront essentiels à la création du changement que nous voulons observer.
Dans bon nombre de ces pays, bien entendu, les chefs religieux sont plus respectés que leur propre gouvernement. Dans une situation relativement paisible donnée, comme c'était le cas en Éthiopie, je serais tenté de croire que le fait de s'adresser aux plus hauts échelons des religions pour voir s'ils peuvent avoir une incidence sur leurs ouailles...
La « bible du développement » a été élaborée en Éthiopie. Tous les samedis ou dimanches lorsque le sermon est prononcé, il y a des liens avec des enjeux associés au développement. C'est très intéressant, et on veut maintenant traduire cette bible en un « coran du développement ».
Merci beaucoup.
J'ai de nombreuses questions. Ma fille est allée en Tanzanie il y a quelques années, dans le cadre du projet TEMBO. Elle garde le contact avec ces filles et ces femmes au sujet des occasions de formation qu'elles ont eues, et leur croissance et leur développement sont assez étonnants. Honnêtement, je crois que l'éducation, c'est la clé.
Madame van Oranje, nous avons parlé de ce que les gouvernements font. Vous êtes-vous adressée à des organisations comme la Fondation Gates? Son réseau de tablettes et Internet, les possibilités de formation du XXIe siècle... Vous êtes-vous adressée à ces types d'organisation pour obtenir de l'aide?
Personnellement, je veux vous dire, madame [Le député s'exprime en hollandais.]
Nous sommes en contact avec la Fondation Gates. La nouvelle encourageante, c'est que, là où le travail de développement de cette fondation est très axé sur les enjeux liés à l'agriculture et à l'alimentation et sur les problèmes de santé, on s'est maintenant rendu compte que les problèmes délicats, surtout ceux qui concernent les filles et les femmes, doivent être réglés si on veut faire des progrès à l'égard de ces enjeux mesurables. Il y a quelques mois, Melinda Gates a annoncé une initiative importante relativement aux filles et aux femmes, et nous communiquons régulièrement avec elle.
Je peux vous assurer que nous sommes conscients du fait que cette question ne pourrait changer que si tout le monde travaille ensemble. Les gouvernements de nos pays à fort taux de prévalence, des gouvernements comme le vôtre, qui peuvent offrir de l'argent, les institutions de l'ONU, les groupes locaux, les groupes consacrés aux droits de la personne et les chefs traditionnels doivent tous travailler ensemble. Si nous travaillons tous ensemble et que nous créons une approche intégrée, nous pourrons changer les choses.
Nous savons qu'il est très difficile de changer les normes sociales. Le bandage des pieds, en Chine, est un excellent exemple. Cette coutume a existé pendant des centaines d'années. Saviez-vous combien d'années il a fallu avant que cela change? Vingt, parce que, à un certain moment, ce qui était honorable, ce n'était plus de bander les pieds de ses filles, ce qui était devenu honorable, c'était de ne pas bander les pieds de ses filles. Si nous pouvons atteindre ce point tournant grâce au travail de ces personnes, nous aurons un monde sans mariage d'enfants.
Merci.
Merci beaucoup aux témoins.
Nous allons mettre fin à cette partie de la réunion et passer au prochain groupe de témoins.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux prochains témoins.
Nous accueillons Rosemary McCarney, présidente et chef de la direction de Plan International Canada Inc. Bienvenue. Nous sommes ravis que vous soyez là aujourd'hui.
Nous accueillons aussi Jackie Wright, vice-présidente, Programme international, de CARE Canada. Jackie, nous sommes heureux que vous soyez là.
Enfin, nous nous entretiendrons par téléconférence avec Cicely McWilliam, conseillère principale, Politiques, campagnes et média d'Aide à l'enfance Canada. Bienvenue, Cicely.
Je vais demander à Rosemary de faire sa déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à Jacquelyn, et terminerons avec Cicely. Je vous ferai signe lorsque le temps sera venu.
Rosemary, nous vous cédons la parole.
Bonjour. Merci de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais profiter de l'occasion pour vous parler de certaines mesures pratiques que le gouvernement du Canada peut prendre pour intensifier ses efforts en matière de protection de l'enfance dans le monde entier.
Comme le président l'a mentionné, je suis la présidente et chef de la direction de Plan International Canada. Plan International Canada est l'un des organismes de développement les plus anciens et les plus grands du monde. Nous n'avons aucune affiliation religieuse ni politique. Nous oeuvrons dans plus de 80 pays aux quatre coins du monde. Nous aimons dire que nous avons accumulé plus de 75 ans de leçons durement apprises dans le secteur du développement.
Je vous ai entendu poser des questions plus tôt sur la guerre et les conflits. En fait, la création de Plan International Canada remonte à la guerre civile espagnole. Durant ce conflit, nous sommes venus en aide à des enfants qui avaient perdu leurs parents durant ce long conflit civil et qui vivaient dans la rue. Depuis, nous sommes devenus un organisme humanitaire mondial axé sur les droits de l'enfant dans plus de 103 000 collectivités de quelque 80 pays.
Notre démarche de développement communautaire centrée sur l'enfant est fondée sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui oriente notre travail dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la salubrité, des moyens d'existence durable, de l'eau et des conflits. Plan International Canada s'engage à rester au moins 10 ans dans chacune des 103 000 collectivités où il intervient afin de vraiment pouvoir se concentrer sur le renforcement des capacités à ce niveau.
Nous nous réjouissons de la décision du comité de réaliser cette étude. Il était grand temps. Le Canada a vraiment l'occasion d'assumer un leadership mondial dans ce domaine important qui a longtemps été négligé. Nous saluons également la formation des nouvelles unités de protection de l'enfance et des cas de mariages d'enfants au sein du MAECD, et nous sommes heureux de constater l'ouverture au dialogue sur les méthodes que nous pourrions utiliser pour façonner une approche à la programmation et aux politiques afin d'en faire des initiatives de calibre mondial.
J'aimerais souligner deux choses avant de parler des enfants et des mariages d'enfants, précoces et forcés. L'un des commentaires concerne les partenariats avec le secteur privé dans le domaine du développement.
Pour commencer, je veux mentionner le réseau, puisque je représente aussi le Réseau international canadien de protection des enfants. L'une des recommandations formulées concerne la mise en oeuvre des principes des entreprises et des droits de l'enfant. Aux termes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, le Canada a l'obligation de veiller à ce que ses partenaires de développement, y compris les organismes privés, respectent et appuient les droits de l'enfant et la protection des enfants dans leurs activités à l'étranger. Alors que le Canada s'engage de plus en plus dans la voie des partenariats public-privé dans le domaine du développement, ce que nous appuyons tout à fait, des normes et des attentes claires doivent être formulées sur la manière dont nous faisons des affaires à l'étranger.
Dans le cadre d'un processus exhaustif de diligence raisonnable, nous encourageons le gouvernement à promouvoir activement les outils et les ressources nécessaires pour s'assurer que ces principes d'entreprises liés aux droits des enfants sont appliqués. Dans un premier temps, cela inclurait l'intégration des droits des enfants et des principes des entreprises dans les mandats, par exemple, de tous les partenaires du secteur privé du MAECD. Nous recommandons aussi la tenue d'un atelier avec tous les partenaires pertinents afin de mettre au point une conception commune des principes et de la façon dont nous pouvons les appliquer efficacement et travailler en collaboration en utilisant des mécanismes de surveillance, d'évaluation et de responsabilité. Je suis convaincue qu'il s'agit d'un outil extraordinaire. Nous en sommes encore aux premières étapes, et nous estimons qu'il s'agit là d'une très bonne occasion pour le Canada.
La deuxième chose dont j'aimerais parler concerne la postérité des Objectifs du Millénaire pour le développement. Le plan d'action international en matière de développement s'appuie sur les Objectifs du Millénaire depuis 14 ans et demi. La protection de l'enfance ne figurait pas parmi les Objectifs du Millénaire pour le développement, mais des violations incessantes des droits des enfants et de leur protection minent nos réussites générales en matière de développement ainsi que la réalisation de ces objectifs en général. Nous le savons tous, et il ne fait aucun doute que les membres du comité sont très préoccupés par la protection de l'enfance.
Le récent rapport du groupe de travail ouvert fait état de 17 domaines prioritaires pour le Plan d'action après les Objectifs du Millénaire, qui n'incluent pas la protection de l'enfance. Même si nous aimerions voir une initiative autonome liée à la protection des enfants pour la période suivant 2015, le réseau a formulé une série de recommandations précises que nous présenterons après l'audience, notamment, un indicateur pour suivre les progrès réalisés vers l'élimination de la violence contre les enfants et un indicateur pour suivre l'augmentation du nombre de possibilités de travail sécuritaires et décentes pour les jeunes.
Passons à la question des mariages d'enfants, précoces et forcés. Je crois que nous savons tous qu'il s'agit d'un des plus grands échecs dans le domaine de la protection des enfants. Nous souhaitons que le Canada appuie l'inclusion d'un objectif explicite sur l'égalité des sexes, qui inclurait une cible précise pour mettre fin aux mariages d'enfants précoces et forcés dans le cadre de l'après 2015.
En ce qui concerne les mariages d'enfants précoces et forcés, Plan International Canada a rédigé un document d'orientation qui contient les leçons tirées de nos programmes dans ce domaine, que nous présenterons pour étude au comité.
Nous n'avons pas été surpris de constater que l'une des façons les plus efficaces de réduire le nombre de mariages d'enfants est d'augmenter l'accès des filles à au moins neuf années d'études de qualité. Nous savons, d'après nos programmes sur le terrain, les recherches et des données longitudinales, que si nous pouvons permettre aux filles de poursuivre leurs études secondaires, elles sont six fois moins susceptibles de se marier avant d'être adultes comparativement aux filles qui ont seulement terminé leurs études primaires.
Cependant, les écoles où nous envoyons ces filles doivent être sécuritaires. Elles doivent être exemptes de violence sexuelle et sexiste, dont le harcèlement par les professeurs et les pairs, en vue de convaincre les parents que d'envoyer leurs enfants à l'école est une solution plus sécuritaire que le mariage, qui est souvent la principale motivation. Cependant, nos recherches démontrent que la violence contre les filles continue d'être fréquente dans les établissements où nous devrions tous nous sentir le plus en confiance: les écoles.
Nous sommes aussi heureux de constater la grande importance accordée à l'échelle internationale au travail fait par les Nations Unies relativement à la résolution, que, j'en suis sûre, vous connaissez tous très bien. Au cours des dernières années, Plan International Canada a travaillé en étroite collaboration avec les missions canadiennes à New York et Genève en vue de cette résolution. Une résolution solide et raisonnable des Nations Unies est un outil important pour nous permettre de travailler et de tenir les États-nations, les États membres, responsables de faire des progrès en vue de l'élimination des mariages d'enfants, précoces et forcés.
Sur le terrain, dans le cadre des programmes, puisque Plan International Canada est un organisme fondé sur la prestation de programmes, nous demandons au gouvernement du Canada de prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux mariages forcés en élaborant des programmes robustes qui luttent contre les mariages d'enfants précoces et forcés à de multiples niveaux simultanément. Ces mesures devraient comprendre une nouvelle enveloppe de financement réservée aux mariages d'enfants précoces et forcés semblable au mécanisme du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction de l'ancien ministère des Affaires étrangères, parce qu'il est important non seulement que nous réunissions nos paroles et notre poids à l'échelle mondiale, un domaine où le Canada excelle, mais que cela s'accompagne d'une action concrète sur le terrain.
Lorsque le parle d'agir à de multiples niveaux simultanément, j'entends travailler avec les personnes qui contestent activement les mariages d'enfants, précoces et forcés et qui s'y opposent. Nous avons appris que les pratiques exemplaires appliquées par de nombreux pays incluent le dialogue et l'intervention à l'échelle familiale et communautaire. De purs étrangers ne peuvent pas intervenir à l'improviste. Les pratiques exemplaires incluent aussi la participation entre pairs, mobiliser les jeunes, et je peux vous parler des pratiques exemplaires à ce sujet au Bangladesh; mobiliser les dirigeants religieux, traditionnels et communautaires — des pratiques exemplaires dans des endroits comme le Mali; mobiliser les hommes et les garçons, ce que vous avez déjà souligné; et accroître la sensibilisation et l'application de la loi contre les mariages d'enfants lorsque les parents ne savent pas qu'ils enfreignent la loi.
Il est aussi important de ne pas oublier les femmes et les filles qui sont déjà mariées. Nous recommandons que le gouvernement investisse dans des projets d'aide aux jeunes femmes et aux filles qui ont déjà été mariées, y compris un retour aux études, parce qu'il est souvent interdit pour elles d'y retourner une fois qu'elles sont mariées, des possibilités de formation professionnelle et l'accès à des soins de santé maternels, néonatals et infantiles et à tous les soins de santé en matière de reproduction et de sexualité. Nous ne pouvons pas baisser les bras ni abandonner ces enfants qui ont déjà été mariés, parce qu'elles deviendront rapidement les mères-enfants de la nouvelle génération.
Le deuxième et avant-dernier sujet dont je veux parler concerne le renforcement des systèmes. En général, une des plus grandes leçons que nous avons tirées des interventions à l'égard des mariages précoces et forcés tout comme dans le cadre de nos interventions qui touchent à la protection des enfants, c'est que les interventions doivent être ancrées dans des systèmes communautaires de protection des enfants et appuyées par des mécanismes nationaux de protection des enfants. Nous devons être conscients des multiples façons dont un enfant peut être vulnérable afin qu'une intervention n'accentue pas sa vulnérabilité. Par exemple, il ne s'agit pas d'intervenir pour protéger une fille lorsqu'elle est à l'école pour qu'elle soit maltraitée lorsqu'elle rentre chez elle. Nous pouvons nous employer avec l'aide des jeunes à convaincre les parents de ne pas marier leur fille par exemple, mais si nous ne travaillons pas aussi avec les chefs religieux ou traditionnels, la fille pourrait subir des répercussions sociales violentes et graves qui nous ramèneraient plus loin en arrière; nous aurions fait un pas en avant puis deux pas en arrière.
Le Canada est l'un des premiers pays, un des premiers donateurs à vraiment promouvoir le renforcement des systèmes de protection des enfants. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il adopte un point de vue global sur le bien-être social, reconnaissant que la pauvreté et l'exclusion sociale influent sur de nombreux aspects et qu'il y a toute une gamme de facteurs complexes qui contribuent au mariage précoce et forcé des enfants, comme la violence, les catastrophes naturelles, la guerre et les conflits, la traite de personnes, et les pratiques traditionnelles néfastes. Il s'agit d'une approche systémique, comme nous le savons tous.
Je suis consciente des difficultés du point de vue des politiques. Un donateur ne peut pas tout faire. Un seul État membre ne peut pas tout faire. Nous pouvons tout de même veiller à ce qu'une analyse des systèmes soit effectuée avant les investissements, avant de commencer de réaliser des interventions bien intentionnées, afin de cerner les lacunes et déterminer avec qui nous devons établir des partenariats et qui sont les décideurs et les intervenants influents, et de quelle façon nous pouvons coordonner les interventions. Cela renforcera la capacité générale du système de protéger les enfants et les jeunes.
Enfin, je veux parler de l'égalité entre les sexes et de la violence fondée sur le sexe. Si nous voulons que nos interventions soient efficaces, si nous voulons que nos investissements rapportent, nous devons être conscients des causes sous-jacentes de l'inégalité entre les sexes ou de la manière dont les croyances et les pratiques se manifestent de nombreuses façons dans la vie des jeunes filles. Nous pouvons travailler avec les filles elles-mêmes pour qu'elles connaissent leurs droits, mais sans possibilité viable sur le plan économique pour elles, elles sont peu susceptibles d'être en mesure de retarder leur mariage forcé. À une époque, le Canada était un chef de file en matière d'égalité entre les sexes reconnu dans le monde entier. C'est l'heure de reprendre les rênes. Il y a tant d'histoire et d'expérience à ce sujet au sein du MAECD. Le fait d'intégrer la notion d'égalité entre les sexes dans toutes nos interventions et d'appuyer ces enjeux lorsqu'on tente de réduire la vulnérabilité des filles permettra sans aucun doute au Canada de se forger une solide réputation à l'échelle internationale.
À ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur les recommandations de Plan International dans son rapport qui s'intitule « A girl's right to learn without fear ». Le rapport contient des mesures pratiques que le Canada et les gouvernements peuvent prendre pour s'attaquer au problème de la violence fondée sur le sexe dans les écoles et les environs. Il s'agit d'un problème universel. L'enlèvement des étudiantes nigérianes, un crime odieux, n'est qu'un exemple extrême de ce qu'affrontent quotidiennement de 500 millions à 1,5 milliard d'enfants: des violations de leurs droits à la protection, à l'éducation et à leur survie.
Par conséquent, une résolution internationale des Nations Unies sur des investissements sur le terrain dans des programmes intelligents... N'oubliez pas les enfants qui sont déjà mariés. Il faut tenter de renforcer le système. Puis il y a ce besoin, partout, de tenir compte de l'égalité entre les sexes et de lutter contre la violence fondée sur le sexe. Il y a plusieurs choses à faire, et il faut le faire simultanément. Il n'y a pas de hiérarchie ni de séquence à suggérer, parce que la violence contre les enfants est injustifiable, et on peut la prévenir.
Je vous encourage à étudier les solutions présentées dans le rapport. J'espère que nous pourrons façonner un rôle pour le Canada et faire de la protection des enfants l'une de nos priorités en matière de politique étrangère. Il y a beaucoup d'enfants dans le monde entier qui attendent le leadership du Canada.
Merci.
Merci beaucoup, madame McCarney.
Jackie Wright, nous vous cédons la parole. Vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à témoigner au nom de CARE Canada. Gillian Barth, notre présidente et chef de la direction, vous exprime ses sincères regrets. Elle participe à la réunion de notre conseil en ce moment même.
Comme bon nombre d'entre vous le savez, CARE Canada est membre de la fédération CARE International. CARE, comme Plan, existe depuis plus de 75 ans, depuis la Deuxième Guerre mondiale, alors qu'elle produisait alors des colis réconfort, dont nous nous souvenons tous. Bien sûr, nous avons beaucoup évolué depuis, et nous sommes actuellement présents dans plus de 80 pays. Notre approche en matière de développement et d'aide humanitaire est fondée sur l'habilitation des femmes et des filles. En raison de notre expertise dans ce domaine, nous sommes un partenaire majeur de l'Initiative de Muskoka, qui vise à améliorer la santé maternelle, néonatale et infantile. Nous avons aussi reçu un financement du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction pour des programmes visant les enfants, les mariages précoces et forcés, particulièrement au Ghana et en Éthiopie.
Les enjeux que le comité étudie aujourd'hui, la protection des enfants et la prévention de la traite de personnes, les mariages précoces et forcés, la traite sexuelle, la mutilation génitale des femmes et la violence en ligne à l'égard des enfants, sont tous associés de très près à notre mission. Grâce à l'expérience de CARE dans les pays en développement, que ce soit dans le cadre d'un programme à long terme ou d'aide d'urgence, je peux assurément vous parler des défis auxquels nous sommes confrontés tandis que nous tentons de nous attaquer à ces problèmes, à l'exception de la violence en ligne.
La première chose que je dois mentionner, c'est que dans tous les pays où nous travaillons, nous constatons que les filles et les femmes sont touchées de façon disproportionnée par la pauvreté et la discrimination. Cette pauvreté découle de la rareté chronique des produits de première nécessité: de l'eau propre, de la nourriture et la protection contre les maladies mortelles comme la malaria ou la dengue. La lutte pour la survie au moyen de ressources limitées crée inévitablement une hiérarchie sociale, au bas de laquelle on trouve presque toujours les jeunes filles.
Une fois qu'on vous considère comme sacrifiable, il n'en faut vraiment pas beaucoup pour qu'on vous retire de l'école afin d'aider aux tâches ménagères, que vous sautiez des repas durant une saison de vaches maigres ou en temps de crise ou que vous deveniez victime de la violence sexiste.
La « violence sexiste » est un terme de notre jargon. De quoi s'agit-il? Cela veut habituellement dire que des jeunes filles et des femmes sont intimidées et violentées, souvent sexuellement, parce qu'on les perçoit comme étant plus faibles, et trop souvent il n'y a personne pour les aider et elles n'ont pas les connaissances ni les moyens pour se défendre. La vulnérabilité mène à la marginalisation et à l'isolement, ce qui fait en sorte qu'il est encore plus difficile pour les organismes comme le nôtre de joindre ces filles et de les aider.
Le manque d'éducation pour les filles contribue au problème des mariages précoces, à des taux de naissance plus élevés et aux complications au moment de l'accouchement pouvant mener au décès ou à des handicaps permanents parce que le corps d'une fille de 12 ans n'est pas prêt à concevoir ni à donner naissance, et parce qu'une fille de 18 ans ne devrait pas avoir à s'occuper de trois ou quatre enfants, certainement pas sans éducation, sans revenu et sans lieu sûr où vivre.
Bon nombre de ces filles — et nous ne pouvons pas vraiment les qualifier de mères puisqu'elles n'ont jamais décidé d'enfanter avant de devenir adulte — ne vivent pas à proximité d'une installation de soins de santé. Et si c'est le cas, leur époux les décourage souvent d'aller se faire soigner dans une clinique en raison du manque d'argent pour payer les services ou du coût du transport pour s'y rendre.
N'ayant eu accès à aucun soins prénataux, elles enfantent souvent seules, sans le soutien d'un professionnel formé. S'il y a des complications durant l'accouchement, personne n'est là pour fournir une aide d'urgence. Cela signifie que la jeune fille mourra d'une hémorragie sans même savoir ce qui lui arrive. C'est très différent d'une douleur fulgurante. Pouvez-vous imaginer la peur de sentir la vie nous quitter alors même qu'on essaie de la donner?
Puisque leur corps est encore si petit, bon nombre de ces jeunes filles qui survivent à des accouchements difficiles souffriront de ce qu'on appelle des fistules. Sans aller dans les détails médicaux, disons que cette affection consiste en un déchirement de tissus autour de l'os pelvien qui se produit lorsque le travail dure plusieurs jours. Cela rend les filles incontinentes de façon permanente, ce qui ne fait qu'accroître leur niveau d'isolement et leur vulnérabilité.
Dans des zones de conflits, comme on le voit au Soudan du Sud actuellement, la menace et les conséquences de la violence sexiste s'accroissent de façon exponentielle. Pour une description concise, mais très informative de la situation là-bas, je vous invite à lire notre rapport intitulé « La jeune fille n'a aucun droit: Violence sexiste au Soudan du Sud ». J'ai joint une copie du rapport à mon mémoire.
Nous savons que le mariage d'enfant précoce et forcé est une question particulièrement pernicieuse parce qu'elle éloigne encore plus les jeunes filles de ceux qui pourraient les aider. Si elles sont écartées de leur communauté, qu'arrive-t-il à leurs enfants? Qui en prend soin? Qui assume la responsabilité de les protéger de la violence, de l'exploitation et de la négligence?
Que fait CARE pour lutter contre les répercussions des mariages d'enfants précoces et forcés? Dans mon introduction, j'ai mentionné que CARE a reçu du financement du GTSR pour réaliser des projets au Ghana et en Éthiopie. L'année dernière, nous avons réussi à obtenir le financement, mais, malheureusement, lorsque nous l'avons reçu, il ne restait que quatre mois au programme. Même si nous avons réussi à obtenir des résultats, nous avons été limités par le temps.
Notre initiative dans la région du Haut Ghana occidental visait la sensibilisation et l'éducation. En collaboration avec notre partenaire de la société civile, nous avons organisé des ateliers auprès des représentants des autorités locales et des chefs traditionnels pour les sensibiliser aux préjudices liés au mariage d'enfants précoce et forcé. Nous avons aussi créé des groupes pour les filles dans des écoles, ce qui nous a permis de former des filles et des compétences en leadership afin qu'elles puissent communiquer leurs connaissances et avertir leurs pairs et leurs familles. Nous avons organisé un camp de cinq jours où 80 jeunes filles ont reçu une formation plus poussée dans l'espoir qu'elles pourraient devenir des championnes du mariage après l'âge légal qui, au Ghana, est de 18 ans.
En Éthiopie, nous avons utilisé notre programme phare des associations villageoises d'épargne et de crédit, les AVEC, pour renforcer l'autonomie de filles déjà mariées en leur transmettant les notions de base de l'épargne et de la planification financière. Nous avons ainsi créé une plate-forme qui nous a permis d'interagir avec elles et de leur fournir des outils qui les aideront peut-être à devenir plus autonomes.
Même si toutes ces interventions nous inspirent et donnent des résultats, la prévalence des mariages d'enfants précoces et forcés dans un très grand nombre de collectivités reste extrêmement élevée et problématique. Comme je l'ai déjà souligné, les mariages d'enfants précoces et forcés sont une pratique culturelle et intergénérationnelle, mais il s'agit aussi d'une tendance qui est liée aux circonstances économiques. L'élimination d'une pratique qui est à ce point ancrée dans le tissu social ne peut tout simplement pas se faire en quatre mois, ni même en quatre ans d'ailleurs.
À titre de comparaison, examinons une coutume d'ici, au Canada. Vous rappelez-vous dans les années 1960 et 1970, lorsque la plupart des gens ne portaient pas leur ceinture de sécurité? Vous ne serez peut-être pas surpris d'apprendre que l'Ontario, en 1976, a été la première province à rendre le port de la ceinture de sécurité obligatoire, mais il a fallu beaucoup de lobbying des défenseurs de la sécurité routière, beaucoup de campagnes de sensibilisation publique et, bien sûr, un processus progressif en vue de créer la volonté politique de légiférer. Ce changement ne s'est pas fait du jour au lendemain, même au Canada. En fait, dans d'autres régions du pays, il a fallu encore de nombreuses années pour convaincre le public.
Revenons au Ghana et à l'Éthiopie, ou à bon nombre de ces pays où la croyance selon laquelle un homme peut épouser une jeune fille est beaucoup plus ancrée dans la culture que notre croyance selon laquelle nous n'avions pas à porter notre ceinture de sécurité. Nous ne pouvons pas nous attendre à changer rapidement ou facilement les idées et les pratiques transmises et encouragées depuis des générations, surtout lorsqu'elles sont considérées comme essentielles à la survie économique des familles.
Lorsque nous réussissons à toucher les coeurs et à changer les mentalités et que les autorités acceptent d'appliquer les lois en vigueur, qu'arrive-t-il à ces filles? On leur évite peut-être un mariage précoce, mais qui prendra soin d'elles? Souvent, les familles n'en veulent plus, et il n'y a pas de refuge pour elles, aucun service d'aiguillage, aucun organisme de protection de l'enfance comptant un personnel formé qui peut offrir un milieu de vie sécuritaire et une aide à l'éducation. Un financement à court terme ne nous permet pas de mettre en place ce genre de choses. Le financement actuel est peut-être suffisant pour nous dire que nous nous attaquons au problème, mais nous n'avons pas le droit de croire que nous réglons vraiment les problèmes. Si nous voulons obtenir des résultats, de vrais résultats, nous devons faire de ce dossier une priorité à long terme en matière de développement. Cela signifie que le dossier des mariages d'enfants précoces et forcés doit être sur le dessus de la pile sur le bureau du ministre Paradis.
Si nous prenons vraiment cet enjeu au sérieux et que nous voulons que les efforts canadiens aient un impact, les efforts devront être durables et concertés. Un certain nombre d'ONG possèdent une expertise en la matière, et il existe des pratiques exemplaires. Ce dont nous avons besoin, actuellement, c'est de faire de ce dossier une priorité. Il faut aussi de la patience et un financement approprié pour concrétiser notre engagement. Dans le cadre de l'élaboration des objectifs de développement durable pour l'après-2015, nous devons miser sur des solutions de renforcement des systèmes de protection de l'enfance qui permettront de fournir une formation professionnelle et de faire la promotion de l'émancipation économique. Lorsque nous définirons ces solutions, il faudra adopter une approche inclusive. Cela signifie qu'il faut travailler avec les hommes et les garçons, en plus des femmes et des filles, et aussi qu'il faut aller plus loin que de simples efforts de prévention et s'attaquer au drame des filles déjà mariées.
Je vais m'arrêter ici.
Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, madame Wright.
Nous allons maintenant nous entretenir par téléconférence avec Mme McWilliam. Madame, la parole est à vous.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la greffière, et estimées collègues, c'est avec un grand honneur qu'Aide à l'enfance Canada comparaît aujourd'hui devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international pour parler du rôle du Canada en ce qui a trait précisément à la prévention de la traite de personnes et la lutte contre les mariages précoces et forcés.
Je vous transmets les excuses de Patricia Erb, la présidente et directrice générale d'Aide à l'enfance Canada. Elle n'a pas pu être ici aujourd'hui parce qu'elle est en déplacement.
Comme vous le savez, Aide à l'enfance Canada est la principale organisation de protection de l'enfance indépendante à l'échelle internationale. Nous oeuvrons dans 120 pays. Notre création remonte à il y a près de 100 ans, et, en fait, nous fêterons très bientôt cet anniversaire. Nous avons acquis notre expertise en travaillant un peu partout dans le cadre de partenariats avec des organisations et des gouvernements locaux. La protection de l'enfance est un sujet très important pour nous, et l'une des raisons pour lesquelles Aide à l'enfance Canada a joué un rôle de premier plan dans la formation du Réseau international canadien de protection des enfants, dont a déjà parlé Rosemary McCarney. Il s'agit d'une coalition d'ONG canadiennes créée en 2013 pour mettre en commun des connaissances et de l'expérience liées aux programmes de protection de l'enfance et pour mobiliser les gouvernements et le public relativement à cet enjeu essentiel de développement.
Aide à l'enfance Canada croit que la protection de l'enfance est essentielle si l'on veut garantir à toutes les filles et tous les garçons les mêmes droits. C'est simple: si les enfants sont victimes d'exploitation, de violence ou de négligence, il est peu probable qu'ils mèneront une vie saine et qu'ils seront scolarisés et autonomes. Par conséquent, la protection de l'enfance est une condition minimale si nous voulons respecter nos responsabilités politiques et éthiques à l'égard des filles et des garçons.
Cependant, la protection n'est pas une fin en soi. Notre objectif ultime doit être de permettre aux enfants de devenir des citoyens en bonne santé, scolarisés et autonomes. Nous voulons qu'ils deviennent engagés sur les plans politique, social et économique et qu'ils puissent être de jeunes leaders. Pour y arriver, nous estimons que le cadre de protection doit s'appuyer sur les trois approches critiques suivantes: investir dans la participation des enfants et comprendre de quelle façon on peut tirer parti du potentiel de chaque enfant et le maximiser, investir dans la prévention de la violence, y compris les mariages précoces et forcés et la traite d'enfants, et s'attaquer aux causes profondes qui mènent à l'exploitation, à la violence et à la négligence des enfants, en intégrant notre intervention dans une approche systémique de protection de l'enfance.
Évidemment, ces approches doivent s'appuyer sur l'égalité entre les sexes. Il s'agit d'une priorité pour Aide à l'enfance Canada. Selon nous, ces deux thèmes, la protection de l'enfance et l'égalité des sexes, sont inextricablement liés. Nous savons bien que les filles et les garçons sont confrontés à des risques et des défis différents sur le plan de la protection de l'enfance, mais si nous voulons vraiment changer les choses dans la vie des filles et des femmes, il faut faire participer les garçons et les hommes. Nous devons nous attaquer non seulement aux inégalités dont sont victimes les filles et les femmes, mais aussi aux limites que cette discrimination impose aux garçons et aux hommes. C'est seulement en faisant la promotion de l'égalité entre les sexes et en la réalisant que nous pourrons protéger les enfants, mettre fin à la discrimination et promouvoir notre vision d'un monde dans lequel tous les enfants ont le même droit en matière de survie, de protection et de développement.
Pourquoi la participation des enfants est-elle aussi importante? Au bout du compte, les enfants eux-mêmes, même s'ils sont vulnérables, ont un grand potentiel. Ils peuvent aussi nous dire quels sont les principaux risques auxquels ils sont confrontés. Pour vraiment tenir compte de la protection de l'enfance lorsqu'on met sur pied des systèmes et des interventions, il faut écouter les filles et les garçons et créer un espace où ils peuvent obtenir de l'information, développer leur propre compréhension et définir eux-mêmes leur destin et la teneur de notre intervention en tant qu'intervenant dans le domaine du développement.
Un bon exemple de l'importance de cette participation est la traite des enfants. Même si, bien sûr, les enfants sont victimes de traite et qu'il faut améliorer les lois, en assurer une application convenable et renforcer les systèmes de protection de l'enfance pour lutter contre cette activité criminelle, il y a souvent des circonstances qui accentuent le problème, et il arrive que des enfants choisissent de quitter la résidence familiale et leur collectivité pour ensuite être exploités alors qu'ils cherchent un milieu plus sécuritaire ou des occasions économiques. C'est exactement ce que nous avons fait pour lutter contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest, là où, pendant des années, la migration des filles et des garçons était simplement comprise du point de vue de la traite. Ce que nous avons constaté, en écoutant ce que les filles et les garçons avaient à dire, c'est qu'ils partaient pour diverses raisons — la pauvreté, la violence familiale, parfois simplement par soif d'aventure ou pour vivre une nouvelle expérience, parce que cela est enraciné profondément dans leur culture —, et que les problèmes de traite et d'exploitation sont survenus par la suite. Si nous voulons répondre à leurs besoins et vraiment essayer d'atténuer les dangers qui les guettent, il faut comprendre que, au départ, c'est eux qui ont choisi de partir.
La mobilisation des enfants afin qu'ils participent vraiment au processus nous permet de mieux comprendre les causes sous-jacentes et d'atténuer les risques de violence. Nous croyons qu'il est crucial pour le gouvernement du Canada de s'assurer que la participation significative des filles et des garçons est intégrée dans ses efforts de protection de l'enfance, et que les programmes sont planifiés et réalisés en partenariat avec des organisations de la société civile, qui sont les mieux placées pour favoriser cette participation. Les programmes de protection de l'enfance devraient durer suffisamment longtemps et bénéficier des fonds nécessaires pour garantir une participation équitable et significative. Certains de mes collègues ont parlé de l'importance de compter sur un bon cadre de prévention. C'est évidemment important, puisque c'est lié à la compréhension des causes profondes.
En ce qui concerne les mariages d'enfants précoces et forcés, récemment, Aide à l'enfance Canada a travaillé en collaboration avec l'organisation communautaire Nagaad en Somalie dans le cadre d'un programme soutenu par le MAECD. Il est devenu évident que les connaissances tirées de ce partenariat nous ont permis de cerner l'un des principaux facteurs qui expliquent la tenue de mariages précoces dans la région où nous travaillions: l'isolement social. Les parents, comme d'autres l'ont dit, avaient peur que leurs filles perdent leur virginité avant le mariage ou qu'elles soient ostracisées si elles ne trouvaient pas d'époux, alors ils les gardaient à la maison et ne leur permettaient pas d'aller à l'école. Par conséquent, les filles n'étaient pas bien informées des risques, et elles tentaient d'elles-mêmes de fuir la prison familiale. Comme on l'a déjà dit, elles choisissaient souvent elles-mêmes le mariage. Il s'agit d'un autre exemple du fait que, en travaillant avec les collectivités, des organisations communautaires et les filles elles-mêmes, nous avons pu cerner le genre de programmes qui permettrait de sensibiliser et d'aider les jeunes filles à faire des choix différents et d'aider les familles à le faire aussi.
Nous demandons au gouvernement canadien de s'assurer d'adopter une approche holistique lorsqu'il assume son leadership en matière de protection de l'enfance de façon à s'attaquer de façon durable aux causes sous-jacentes et à mobiliser l'ensemble des collectivités pour tenter de mettre fin à la violence dont sont souvent victimes les enfants. Cela exige sans aucun doute un système de protection qui mise sur les mécanismes législatifs et politiques à l'appui des systèmes de services et de bien-être social aux échelons national et local, qui tient compte du cadre culturel et des pratiques connexes et, comme je l'ai déjà dit, qui mise sur la participation des enfants.
Une des choses auxquelles Aide à l'enfance Canada s'est vraiment intéressé, c'est toute la question de la croissance économique durable. La pauvreté est un facteur sous-jacent dans bon nombre de cas lorsqu'il est question de traite et de mariages précoces et forcés. Les Principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l'enfant lancés en 2012 ont été élaborés par Aide à l'enfance Canada, l'UNICEF et The Global Compact des Nations Unies en réaction à un appel de l'ONU qui demandait aux entreprises de mieux veiller au respect des droits de l'enfant. Il s'agit d'un guide qui encourage les entreprises à respecter et à appuyer les droits de l'enfant. Par le truchement de ses ententes avec le secteur privé, le gouvernement du Canada devrait s'assurer que tous ses partenaires respectent les Principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l'enfant.
Tenir compte des vulnérabilités auxquelles les enfants sont confrontés et de leur potentiel, que ce soit au travail ou qu'il s'agisse d'exploitation au travail ou d'exploitation sexuelle au travail... Nous demandons au gouvernement de maintenir ses efforts pour aider les filles et les garçons qui travaillent. Bon nombre des enfants dont on parle et qui peuvent être victimes de traite ou être mariés de façon précoce ou forcée sont aussi des enfants susceptibles de travailler. Et d'autres travaillent déjà. Le fait d'offrir un accès équitable à une éducation de qualité, une formation axée sur le marché et des occasions de travail convenables peut aider à briser le cycle de la pauvreté des familles et des collectivités et le cycle des mariages précoces et forcés et de la traite.
En conclusion, nous demandons au gouvernement canadien de s'assurer que les filles et les garçons peuvent participer de façon équitable et significative à la prise des décisions qui ont un impact sur leur vie et à la détermination des causes sous-jacentes de la violence, à l'établissement des priorités et à la recherche de solutions. Nous lui demandons aussi d'encadrer le travail que nous faisons collectivement — les gouvernements, la société civile et les enfants — grâce à une approche systémique pour s'attaquer à la violence, intégrer une intervention et encourager le secteur privé à vraiment participer à ce travail collectif lui aussi.
Merci de nous avoir donné l'occasion de parler aujourd'hui.
Merci, madame McWilliam.
Je crois savoir qu'il y aura des votes, mais ce n'est pas un problème. Nous pouvons terminer nos travaux. Je propose une série de questions durant laquelle chaque parti aura six minutes. Cela nous amènera à peu près à moins quart. Nous procéderons ainsi même si les cloches sonnent avant, de façon à ce que tout le monde ait l'occasion de poser quelques questions.
Je cède maintenant la parole à M. Dewar. Vous avez six minutes, s'il vous plaît.
Merci à nos témoins. J'aimerais commencer par Mme Wright.
Vous avez dit quelque chose qui a attiré mon attention, au sujet du financement en tant que tel et du fait que vous avez dû attendre que le gouvernement, le ministère, traite votre demande.
Pour commencer, les autres témoins ont-ils eu ce problème? Madame Wright, du point de vue du financement, dans quelle mesure cela a-t-il retardé votre programme? Nous voulons avoir un grand impact ici, et, bien sûr, vous voulez obtenir le plus d'argent possible, et les ressources sont parfois rares. Quel impact cela a-t-il eu sur votre programme? Vous y avez fait allusion. J'aimerais bien savoir si les autres témoins ont eu le même genre d'expérience.
Oui. À vrai dire, c'était une initiative de financement très novatrice, et c'était aussi un peu une expérience d'apprentissage, alors je ne veux pas brosser un tableau trop négatif.
L'impact, c'est que nous avons dû choisir des programmes qui s'appuyaient sur d'autres programmes afin de ne pas avoir à tout recommencer à zéro. En fait, nous avons été très surpris de réussir à faire quelque chose en quatre mois, ce qui semble très court, et ça l'est, mais nous avons réussi à faire quelque chose.
La prochaine occasion arrivera très bientôt, et du financement à plus long terme sera accessible. Nous avons été informés de cette occasion. Je ne sais pas exactement combien de temps le financement durera, mais ce sera beaucoup plus long que durant le premier volet.
Présentez-vous une demande par le truchement du GTSR? Il y a eu... une refonte. Je savais qu'ils allaient tout revoir, et on entend maintenant que rien ne changera. Est-ce ce que vous en avez compris?
J'aimerais demander aux autres témoins s'ils ont eu des expériences semblables, c'est-à-dire s'ils ont dû attendre pour obtenir le financement de programme ou une confirmation connexe.
En fait, je crois qu'il s'agissait de la même tranche de financement qu'a mentionnée ma collègue de CARE. Nous avions peu de temps pour répondre. Comme elle l'a dit, je crois qu'il s'agissait d'un projet novateur. Nous savions que les délais allaient être serrés dès le départ. Nous sommes heureux d'avoir eu de bons résultats en nous appuyant sur des programmes déjà en place.
En général, je crois que la plupart de mes collègues vous diront que le plus important, au bout du compte, c'est que nous devons avoir des processus plus rapides, de notre côté, et qui, en définitive, durent plus longtemps afin de pouvoir travailler efficacement. Je crois que c'est là un bon énoncé général de ce dont nous avons besoin pour pouvoir faire efficacement le travail que nous envisageons.
Si je peux me permettre, madame McCarney, juste avant que vous répondiez, j'ai deux questions pour vous, puis vous pourrez en parler parce que nous avons peu de temps.
Il y a cette question pour votre organisation, mais j'ai deux autres questions liées à votre exposé. L'une concerne — et je suis heureux que vous l'ayez mentionnée, il s'agit selon moi de quelque chose qu'il faut rappeler afin de ne pas l'oublier, et je crois que vous serez tous d'accord là-dessus — ces filles qui sont déjà mariées et, en particulier, leur accès aux services de santé.
Un des éléments de discorde que nous avons avec le gouvernement, c'est que, selon nous, il doit y avoir tout un éventail de choix liés à la santé génésique à l'intention des femmes. Parlez-vous de cet aspect, de l'ensemble des services de santé génésique pour les femmes dont les Canadiennes bénéficient, au Canada, mais qui ne sont vraisemblablement pas offerts dans d'autres pays.
Aussi, il y a le fonds mondial pour l'éducation. Nous attendions une annonce en juin. Nous attendions une annonce récemment. Pouvez-vous nous parler de l'importance de financer cette organisation précise? On peut avoir un impact important en matière d'éducation, comme nous en avons parlé ici, alors, veuillez aborder ce sujet.
S'il reste du temps, j'aimerais savoir ce que les deux autres témoins ont à dire.
Je serai brève.
Pour ce qui est du financement, c'est souvent une question de contexte. Je crois que Jackie et Cicely l'ont toutes deux mentionné. C'est très souvent une question de contexte, qu'il s'agisse de courts délais d'intervention ou d'une nouvelle initiative novatrice. Selon moi, ce qui est plus important, c'est à l'autre bout. On peut démarrer lentement, mais il faut avoir assez de temps pour bien mettre les choses en place et les contrôler et les évaluer de façon à savoir ce qu'on fera ensuite. C'est une question de contexte.
En ce qui concerne les filles déjà mariées, ce qui est très important relativement à ce groupe de femmes, c'est la question de savoir de quelle façon nous pouvons leur redonner un certain pouvoir au sein de leur mariage, un mariage qu'elles n'ont pas choisi. De quelle façon pouvons-nous faire participer les époux, les parents, les beaux-parents, les enseignants et les chefs communautaires, afin que les filles puissent retourner aux études, peu importe si elles sont mariées? Ce qu'on essaie de faire, évidemment, c'est d'atténuer les risques d'une grossesse précoce. Si nous n'avons pas pu arrêter le mariage, nous devrions au moins retarder le plus possible la grossesse: un enfant ne devrait pas enfanter. Le retour aux études est probablement la meilleure façon d'y arriver, parce que nous savons que cela retarde le processus. Au fond, c'est important qu'elles aient accès aux choses auxquelles elles auraient dû avoir accès, comme des soins de santé.
En ce qui concerne toute la gamme des soins génésiques et de santé, dans le cadre de l'initiative sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants du Canada, l'accès à la contraception est une composante importante de l'Initiative de Muskoka depuis 2010. Ce l'est encore. C'est important.
Pour ce qui est de l'accès à des services d'avortement, je crois que les responsables du Réseau canadien sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants ont dit qu'il s'agit d'un domaine dont d'autres donateurs s'occuperont et qu'il y en a déjà qui s'en occupent. Dans la plupart des pays, nous demanderions que ces services soient rares, légaux et sécuritaires, mais dans la plupart des pays où nous travaillons, ce n'est vraiment pas le cas. Ils ne sont ni accessibles, ni légaux. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre des lois des pays où nous travaillons, alors nous sommes limités, peu importe les politiques. D'autres donateurs tentent de changer les lois ou de faire des choses de ce genre. Parfois, ils réussissent, mais d'autres fois, ce n'est pas vraiment très concluant.
Quant aux filles trop jeunes qui ont été mariées de force, notre travail est de les protéger. Nous savons que, s'il y a une solution à ce problème, c'est de permettre aux filles de retourner aux études et d'y rester durant cette étape de leur vie où elles sont très vulnérables. C'est durant la puberté qu'elles sont le plus vulnérables. Je suis mère de trois enfants, et je sais donc que nous sommes tous très nerveux en tant que parents lorsque nos enfants atteignent la puberté. C'est une période très importante.
L'autre élément que mes collègues ont mentionné, c'est l'importance de faire participer les garçons, de s'assurer qu'eux aussi défendent les droits des filles. En raison de la définition très étroite de la masculinité, ils se retrouvent souvent dans des situations qu'ils n'ont pas choisies. C'est d'une importance fondamentale. Eux non plus ne sortent pas gagnants lorsqu'il y a des problèmes d'égalité ou d'inégalité entre les sexes.
Monsieur le président, j'en utiliserai trois ou quatre, puis je céderai la parole à M. Schellenberger.
Pour commencer, je tiens à dire à la représentante de Plan International Canada que j'ai demandé des chèvres pour Noël.
Madame McWilliam, vous avez abordé la question de la mobilisation du secteur privé. Pouvez-vous nous donner une idée précise de la façon dont il faudrait procéder?
Très certainement.
Dans le cas de la traite des enfants, en particulier, on constate que dans le secteur minier et dans les grands chantiers d'infrastructure des pays en développement, il y a un grand risque que des enfants soient victimes de traite et d'exploitation sexuelle. C'est un exemple de situation où une entreprise pourrait faire preuve d'un engagement proactif. Elle pourrait assurer la gestion et la formation de son personnel, des employés des entreprises de sécurité avec lesquelles elle travaille ou du personnel de sécurité qu'elle emploie directement. Ce serait un élément très important. Cependant, les problèmes ne se limitent pas à ceux rencontrés dans ce genre d'endroits.
La pauvreté a un grand impact sur la prévalence des mariages précoces et de la traite d'enfants, comme c'est le cas pour la main-d'oeuvre enfantine. Le fait d'offrir aux parents et aux soignants des enfants un emploi convenable peut avoir un grand impact et pourrait permettre aux enfants de rester à l'école ou d'obtenir une formation professionnelle sans nécessairement se retrouver dans des situations où leur famille se sent obligée, pour des raisons économiques, de se tourner vers des mariages arrangés ou forcés ou de leur demander de quitter le domicile familial afin d'assurer la stabilité économique de la famille.
Merci.
Madame Wright, je crois que je vais vous poser ma prochaine question.
En environ une minute et demie, pouvez-vous me dire si nous devrions assortir notre aide au développement international de conditions? Devrait-on exiger l'atteinte d'objectifs? De telles conditions sont-elles contre-productives? Comme vous le savez, nous voulons que l'argent se rende sur le terrain, et il y a de la corruption dans bon nombre de ces endroits. Devrions-nous assortir notre financement de conditions, ou de telles conditions sont-elles contre-productives?
C'est une question tendancieuse.
Il faut rappeler que les organismes comme les nôtres sont indépendants. Nous ne prenons pas parti. Nous sommes neutres, alors nous ne pourrions pas accepter de conditions politiques. Ces conditions ne nous permettent pas d'avoir accès aux populations vulnérables. Pour ce qui est de savoir si nous pouvons oeuvrer dans un système parallèle, je ne crois pas être qualifiée pour répondre à cette question.
Au bout du compte, pour réussir et pour être efficace, il est très important de compter sur la collaboration du pays. Même s'il y a certains cas de corruption, c'est justement pour cette raison qu'il faut travailler avec... Aide à l'enfance Canada travaille avec les gouvernements et les collectivités, et nous tentons de combler le fossé.
Nous renforçons aussi la résilience des collectivités afin qu'elles puissent demander des comptes à leur gouvernement. Par exemple, dans le domaine de la santé, nous faisons beaucoup de suivi budgétaire, ce qui aide les collectivités à savoir de quelle façon le gouvernement national transfère l'argent au niveau de la collectivité et à s'assurer que les fonds sont dépensés de façon appropriée.
Pour ce qui est de la protection de l'enfance, il y a tellement peu de pays où nous oeuvrons qui ont mis en place des systèmes appropriés avec des ramifications au niveau communautaire que ce type de suivi budgétaire ne serait pas particulièrement efficace puisqu'il n'y a aucun système dont on peut faire le suivi.
Voilà ce que je répondrais à votre question sur ce domaine.
Si nos filles ou nos petites-filles étaient violées ou violentées, nous les prendrions dans nos bras, nous les dorloterions et nous leur offririons de l'amour et du soutien. Vous avez dit que, dans la plupart des pays, ces filles seraient bannies de leur famille. Est-ce un trait religieux ou une tradition?
Eh bien, ni l'un ni l'autre. Ce n'est ni un trait religieux, ni une tradition. Et je dirais que nous ne sommes pas parfaits non plus avec nos propres filles.
Comme nous le savons, et c'est d'autant plus évident depuis quelques semaines, les filles et les femmes hésitent à déclarer ce dont elles sont victimes exactement parce qu'elles seraient stigmatisées ou rejetées ou qu'on remettrait en question la véracité de leurs dires. C'est un fait universel et omniprésent.
Nous savons que, au Canada, une fille sur quatre affirme avoir été agressée sexuellement avant 16 ans, tout comme 15 % des garçons. Je ne me suis jamais retrouvée dans une classe avec des jeunes sans qu'il n'y en ait un, deux, trois, quatre ici et un, deux, trois, quatre là, et, quand même, je me demande... En ce qui a trait au fait de déclarer les agressions et au niveau de confiance nécessaire pour le faire, je crois qu'il est fondamentalement important pour nous de nommer des personnes et de mettre en place des institutions sécuritaires afin que les enfants sentent qu'ils peuvent nous parler. Si on n'y arrive pas au niveau de la famille, peut-on le faire dans les cliniques de soins de santé ou à l'école? Il est tellement important de créer un environnement sécuritaire où les enfants et les filles peuvent déclarer ces abus, un environnement dans lequel ils savent qu'ils recevront le soutien dont ils ont besoin.
Je ne crois pas que c'est propre à une religion ou à certaines sociétés. C'est un problème auquel il faut trouver une solution à l'échelle mondiale: il faut vaincre l'habituation et la normalité de la violence fondée sur le sexe.
Je veux simplement souligner que tout cela a beaucoup à voir avec l'économie. Nous avons tendance à penser à la religion ou à la culture, mais, en fait, parfois, ce n'est qu'une question de survie, et c'est parce qu'il en a toujours été ainsi pour eux, depuis des générations.
Bien sûr, nous comprenons maintenant que ce n'est pas le cas. Nous nous en rendons compte par nous-mêmes, mais aussi, lorsque nous travaillons avec des gens et que nous leur en parlons, ils s'en rendent compte aussi. Cependant, c'est un long, un très long processus.
Merci. Vous auriez probablement eu besoin de plus de 30 secondes pour répondre à cette question aussi. Nous le comprenons bien.
Monsieur Garneau.
Merci aux témoins de tout le travail qu'elles font.
Je crois savoir que nous célébrons ou nous soulignons cette semaine le 25e anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'imagine qu'il nous reste du chemin à faire, y compris dans notre pays, comme vous l'avez souligné.
J'aimerais parler des filles. Je ne veux pas minimiser ce qui arrive aux garçons, et il est évident qu'ils doivent vraiment faire partie de la solution, tout comme les hommes, mais ce sont les filles que l'on force à se marier alors qu'elles sont encore des enfants et qui sont victimes de la traite sexuelle et de mutilation génitale. Plus d'un témoin nous a souligné aujourd'hui l'importance d'autonomiser ces filles, et je suis tout à fait d'accord. Cependant, lorsque je pense au fait d'autonomiser les filles, il me vient à l'esprit certains des obstacles auxquels elles sont confrontées dans certaines religions et en ce qui a trait à certaines traditions culturelles profondément ancrées.
Voici une question pour vous toutes. C'est ma seule question. Pouvez-vous me donner une idée de la mesure dans laquelle les filles deviennent plus autonomes malgré tous les grands défis auxquels elles sont confrontées?
Au bout du compte, nous constatons que, souvent — et je crois que le premier groupe de témoins en a parlé ce matin —, le fait de travailler avec des chefs religieux et des chefs communautaires, dont la plupart sont des hommes, est en fait une très bonne façon de souligner pourquoi le changement est important et en quoi c'est avantageux pour la famille, la collectivité, lorsqu'on autonomise les filles.
C'est quelque chose que nous avons vraiment constaté dans le Nord du Nigeria, où nous avons travaillé dans les régions où est présent le Boko Haram, par exemple, et dans un certain nombre de collectivités... Je crois que vous avez pu le voir avec les parents des jeunes filles qui ont été kidnappées. Ce sont les pères en plus des mères qui affirmaient vouloir que leurs filles soient scolarisées et que, pour eux, c'était l'avenir, ce qui rend encore plus déchirant ce qui leur est arrivé. Nous avons aussi entendu dire que, en zone urbaine, il y a une diminution du nombre de mariages d'enfants, en grande partie parce que la norme a changé, comme ma collègue de CARE l'a dit. Lorsqu'on voit de plus en plus de jeunes autour de nous aller à l'école, et de plus en plus de filles aller à l'école, alors la norme change. En réalité, c'est grâce à cet engagement constant et en raison du fait que l'on répète l'importance de l'éducation et des occasions découlant de l'éducation des filles, non seulement pour elles-mêmes, mais pour leurs collectivités et leurs familles, que l'on pourra vraiment faire pencher la balance et provoquer un changement en ce qui concerne l'autonomisation.
Si on se concentre uniquement sur l'autonomisation des filles, on est moins susceptible de réussir, honnêtement, que si on remet tout cela en contexte et qu'on montre en quoi ce sera bénéfique pour la famille et la collectivité dans son ensemble.
J'aimerais ajouter à ce que ma collègue a dit que l'éducation est ce qui autonomise les filles. Si une fille peut aller à l'école et réussir sa transition à l'école secondaire, si on redéfinit l'éducation primaire ou l'éducation de base comme étant au moins neuf années d'études et qu'on réussit à la faire passer cette étape où elle est vulnérable, elle apprendra quels sont ses droits et elle acquerra la confiance nécessaire pour les faire valoir, alors elle pourra obtenir un bon emploi ou un emploi convenable et aura une valeur dans le ménage parce qu'elle contribuera sur le plan économique. C'est un aspect crucial de l'autonomisation. Cependant, nous ne pouvons pas mettre tout cela sur le dos des jeunes filles. Nous avons besoin de la participation de chefs traditionnels et religieux, comme le sultan de la région de Dosso, au Niger, qui est l'un des plus grands défenseurs de la protection des filles et de l'élimination des mariages précoces et forcés des filles dans un pays où c'est la norme. Il y a les chefs religieux du Zimbabwe, qui, par le truchement du programme du MAECD, se sont réunis et ont produit une émission diffusée à l'échelle nationale et créé une convention qu'ils ont signée et dans laquelle ils affirment qu'ils vont s'efforcer d'y mettre fin. Il faut réunir toutes ces choses. Il y a les briseurs de mariage au Bangladesh, de jeunes garçons qui font du porte-à-porte lorsqu'ils apprennent que le mariage d'un enfant va bientôt être célébré et qui prennent la défense de l'enfant.
Nous ne pouvons pas tout mettre sur le dos des filles. Il faut autonomiser les filles, oui, mais il faut s'assurer que nous respectons tous nos obligations et nos responsabilités.
J'aimerais ajouter qu'il faut remettre tout cela dans le contexte de la pauvreté, de l'injustice de cette pauvreté et des inégalités de pouvoir connexes, et ce, à tous les niveaux. Si nous voulons miser sur une approche holistique, le fait d'adopter un tel point de vue nous aidera beaucoup.
Dans le cadre du programme des associations villageoises d'épargne et de crédit que nous offrons dans de nombreux pays, mais en particulier en Éthiopie, il s'agit d'une plateforme pour favoriser l'émancipation économique des membres de la collectivité — pas seulement des femmes, des hommes et des filles, mais de la collectivité dans son ensemble. Nous savons que c'est l'une des façons les plus efficaces d'autonomiser les collectivités. En effet, si elles sont autonomes et qu'elles ont la capacité de faire des choix différents, et qu'elles ont le revenu nécessaire, elles n'opteront peut-être pas pour la dot d'une épouse enfant. Il faut se pencher sur les causes profondes et les facteurs des inégalités liées à la pauvreté. Je crois que mes collègues ont raison: si notre intervention est trop ciblée, les gens peuvent choisir de ne tout simplement pas écouter.
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