FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 19 février 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, allons-y.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement. Nous avons trois invités aujourd’hui.
Nous accueillons Dianne Stewart du Fonds des Nations Unies pour la population. À titre d’information, elle doit partir à 12 h 45. Ne l’oubliez pas.
Par téléconférence, nous avons Sarah Moorcroft, directrice des programmes internationaux pour Street Kids International. Elle est accompagnée par Olivia Lecoufle d’Aide à l’enfance Canada. Elle est conseillère à la protection des enfants. Elles témoignent par téléconférence.
Chers invités, nous allons d’abord écouter vos déclarations, puis nous vous poserons des questions.
Madame Stewart, allez-y en premier, s’il vous plaît.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter avec vous aujourd’hui.
En ce moment même, une jeune fille pauvre de 10 ou 11 ans qui habite fort probablement dans une région rurale éloignée est forcée de quitter la seule maison qu’elle connaît. Elle est effrayée, elle ne comprend pas ce qui se passe et par-dessus tout, elle est impuissante à empêcher la conclusion de la transaction, soit un mariage avec un homme beaucoup plus vieux qu’elle et un parfait étranger. Aujourd’hui marque la fin de son enfance, de son éducation, de ses aspirations et de toute possibilité de réaliser son plein potentiel. C’est une terrible violation de ses droits.
Ce scénario cruel se perpétue encore et encore. Toutes les deux secondes, une fille de moins de 18 ans se marie, et elle le fait majoritairement sans avoir donné son consentement libre, préalable et éclairé. Si la tendance actuelle se poursuit, 142 millions de filles de plus seront mariées avant d’avoir 18 ans d’ici 2020. Environ 16 millions de filles de 15 à 19 ans ont des enfants chaque année, et les complications découlant de la grossesse et de l’accouchement sont la deuxième cause de mortalité parmi les filles de ce groupe d’âge. Bon nombre de ces grossesses sont le résultat de relations sexuelles non consensuelles, et cela se produit 9 fois sur 10 dans des mariages précoces.
Dans bien des pays, l’adolescence est une période où la vie s’ouvre aux garçons, mais se termine pour les filles. Les transitions vitales qui mènent à la vie adulte sont souvent minées ou interrompues par des pratiques néfastes, comme les mariages d’enfants, les mariages précoces ou forcés ou la mutilation d’organes génitaux féminins; par de la violence sexuelle; par une grossesse précoce; et par un accès insuffisant aux services de santé sexuelle et reproductive. Les conséquences des problèmes de santé et de la perte d’autonomie, d’éducation et de perspectives d’emploi sont profondes. Les collectivités et les sociétés en ressentent aussi les répercussions. La majorité des objectifs de développement concernant les sexes, la santé et l’éducation ne seront pas atteints sans traiter de ces questions.
Des millions d’adolescentes et de jeunes femmes vivent dans une extrême pauvreté. Elles travaillent peut-être comme femmes de ménage, occupent des emplois non sécuritaires ou sont exploitées dans l’industrie du sexe. Elles peuvent être des migrantes ou elles peuvent être touchées par un conflit ou une catastrophe, soit des situations dans lesquelles les jeunes femmes et les filles sont souvent très susceptibles d’avoir une mauvaise santé sexuelle et reproductive et d’être victimes de violence et d’exploitation.
Il est inacceptable que ces violations des droits de la personne continuent à menacer la vie et l’avenir d’autant de femmes et de filles. L’UNFPA s’engage clairement à promouvoir et à protéger les droits de la personne, y compris les droits des jeunes et en particulier des adolescentes. Nous sommes d’avis que, lorsqu’elles peuvent faire valoir leurs droits en matière d’éducation et de santé, y compris l’accès à des soins de santé sexuelle et reproductive, et leur droit à un travail décent, elles deviennent de puissants catalyseurs de développement social et économique.
Voilà pourquoi nous avons davantage mis l’accent de notre programme sur les adolescentes en appuyant les gouvernements nationaux et les partenaires locaux grâce à des investissements précis pour aider les adolescentes les plus marginalisées et les plus susceptibles d’être victimes des pires violations des droits de la personne. Nous le faisons en mettant l’accent sur les interventions qui retardent le mariage et la grossesse et qui renforcent l’autonomie des filles et leur participation à la vie civile et qui améliorent leur accès aux réseaux sociaux; en réduisant le taux de décrochage scolaire; en créant un environnement propice au respect des droits des filles; en nous assurant qu’elles ont accès à des soins de santé sexuelle et reproductive, qu’elles ont des droits en la matière et qu’elles ont des connaissances au sujet du VIH-sida et des pratiques; et en augmentant la demande de services de planification familiale de grande qualité axée sur les droits.
Nous remercions le gouvernement du Canada de sa participation active en vue de faire disparaître de telles pratiques néfastes. Le Canada est un proche partenaire stratégique de l’UNFPA, et l’autonomie des adolescentes et la fin des mariages d’enfants font partie intégrante du monde que nous voulons tous. Nous comptons sur le Canada et d’autres partenaires pour défendre de manière proactive ces droits en vue d’attirer l’attention sur ces problèmes dans le cadre de processus politiques, notamment les négociations après 2015. Comme nous l’avons vu dans le monde, les parlementaires peuvent jouer un grand rôle en vue d’éliminer les mariages d’enfants et les mariages précoces et forcés en demandant des réformes législatives.
Mesdames et messieurs, plus du quart de la population mondiale, soit 1,8 milliard de personnes, a de 10 à 24 ans. C’est la plus imposante génération de jeunes de l’histoire. Parmi ce groupe de jeunes, il y a 600 millions d’adolescentes.
On ne peut pas parler de développement durable sans d’abord nous assurer de répondre aux besoins des jeunes, et cela nécessite des investissements et des engagements. D’innombrables données nous prouvent que des investissements dans les jeunes et en particulier les adolescentes présentent d’énormes possibilités qui peuvent vraiment faire toute la différence en vue de régler certains des plus gros défis avec lesquels nous sommes aux prises, y compris l’extrême pauvreté et la discrimination, et de définir une voie plus durable pour le développement.
Par exemple, si nous pouvons nous assurer que la jeune fille dont j’ai parlé au début reste à l’école, n’est pas victime de violence, d’un mariage précoce ou d’autres pratiques néfastes et a accès à de l’information et aux moyens de se protéger contre une grossesse précoce, elle sera alors capable de faire des choix et de réaliser son plein potentiel. Elle, ses frères et des millions d’autres comme elle deviendront de puissants catalyseurs de changement social et façonneront un avenir meilleur pour nous tous.
Merci beaucoup.
Avant de passer à notre prochain témoin, je dois informer le comité que l’appel de la sonnerie est prévu à 12 h 2. Je propose qu’après la déclaration de notre prochain témoin nous fassions rapidement une série de questions avec les trois partis. Nous verrons le temps que nous aurons pour ce faire, mais je m’assurerai que c’est égal pour tout le monde.
Sans plus attendre, passons à notre prochain témoin: Sarah Moorcroft de Street Kids International. Allez-y.
Bonjour. C’est un grand honneur de discuter avec vous aujourd’hui des situations que vivent les enfants et les jeunes dans les pays en développement et du rôle que peut jouer le Canada dans la protection et l’habilitation des enfants et des jeunes.
Avant de débuter, j’aimerais d’abord vous raconter l’histoire de Shewaye.
Shewaye est une orpheline. Son père est mort du VIH-sida lorsqu’elle était jeune, et elle a été forcée de vivre avec son oncle à l’extérieur de la capitale de l’Éthiopie. Elle a été victime d’agressions sexuelles et s’est enfuie lorsque son oncle a essayé de la forcer à entrer dans l’industrie du sexe.
Elle s'est réfugiée dans un établissement du bureau des affaires des femmes, des jeunes et des enfants du gouvernement éthiopien. Elle n’avait ni argent ni perspectives d’emploi, et elle n’avait terminé que ses études primaires. Le bureau gouvernemental est un partenaire dans le projet de partenariats pour la réussite en Éthiopie de Street Kids International; ce projet est financé par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada.
Shewaye a suivi notre cours sur le démarrage d’entreprise pour les jeunes à l’automne 2013. Grâce à notre formation, elle a rédigé un plan d’affaires pour une entreprise de tressage de paniers et a réussi à obtenir un microprêt de 1 000 birrs à 0 % d’intérêt — soit seulement environ 50 dollars canadiens — dans le cadre de notre concours de plans d’affaires. Cette somme lui a été suffisante pour acheter le matériel et les fournitures pour démarrer son entreprise. Elle gagne maintenant 1 000 birrs toutes les trois ou quatre semaines, ce qui est suffisant pour payer son logement, sa nourriture, ses frais d’études et son matériel. Nous l’avons également aidée à ouvrir un compte bancaire avec l’Addis Credit and Savings Institution en vue d’épargner pour ses futures études.
Shewaye n’a que 16 ans; elle est l’une des personnes les plus fortes que j’ai eu l’occasion de rencontrer. Depuis deux ans, j’ai vu Shewaye gagner en confiance. Elle habite maintenant dans sa propre maison et peut maintenant gagner suffisamment d’argent pour s’occuper également de sa jeune soeur. Elle aimerait retourner dans son village où les jeunes ont besoin d’une telle formation en entrepreneuriat, comme elle nous l’a expliqué.
Nos jeunes sont une génération à risque. Les jeunes de moins de 25 ans représentent plus de la moitié de la population mondiale, et environ 90 % d’entre eux habitent dans des pays en développement. Il y en a plus de 81 millions qui vivent en marge de la société et qui ont de la difficulté à subvenir à leurs besoins et aux besoins de leur famille.
La triste réalité, c’est qu’il y a peu ou pas d’emplois disponibles; le taux de chômage mondial chez les jeunes est d’au moins 12,6 % et continue de grimper. Dans certaines régions, ce taux peut même atteindre 30 %. Ce grand nombre de jeunes et le désastreux taux de chômage chez les jeunes peuvent avoir de graves conséquences économiques, sociales et politiques, en particulier dans les pays à faible revenu. Le sous-emploi et le chômage chez les jeunes sont la preuve de l’incapacité de la société à utiliser une main-d’oeuvre essentielle à la stimulation de la croissance économique.
Une faible rémunération du travail et un taux de chômage élevé contribuent grandement à la pauvreté. Le chômage continue d’alimenter l’instabilité, parce qu’il est difficile, en raison de la pauvreté, pour les entreprises et les personnes d’investir dans l’éducation et la santé et de lutter contre la marginalisation, les mauvais traitements et la violence intergénérationnels et liés au sexe. Devant de telles difficultés, bon nombre d’enfants et de jeunes vivent, travaillent et mendient dans les rues. Beaucoup ont été mis à la porte ou se sont enfuis de chez eux pour diverses raisons: la traite des enfants, les mauvais traitements, l’exploitation sexuelle et les mariages précoces et forcés, comme dans le cas de Shewaye.
Il y a également une menace croissante à la sécurité en raison d’une jeune population stagnante et d’une stigmatisation des jeunes exclus du marché du travail pendant de très longues périodes. Les jeunes peuvent devenir impatients et furieux et peuvent ne plus avoir confiance dans les gouvernements, ce qui peut mener à des troubles ou à un conflit civil.
Le secteur des moyens de subsistance des jeunes représente peut-être le plus gros défi, mais c’est peut-être également l’une de nos meilleures possibilités.
Ce que Street Kids International a appris des jeunes marginalisés depuis 25 ans, c’est que les jeunes sont résilients. Ils survivent dans les conditions économiques les plus difficiles de la planète. Ces jeunes feront tout pour survivre, même si ce n’est pas toujours sain: des emplois respectables aux pires formes de travail.
La direction positive ou négative que prendront les actions des jeunes dépend en grande partie de leur motivation, de leurs connaissances et des relations favorables autour d’eux. Les emplois dangereux peuvent avoir des conséquences désastreuses sur leur vie. Par contre, les données démontrent que cela peut également être hautement bénéfique au développement et à la croissance des adolescents durant leur passage à l’âge adulte. Lorsqu’on donne à cette population des occasions d’être autonome et de renforcer sa dignité et qu’on lui donne des habiletés fondamentales en économie et en développement, elle peut prospérer, et elle y arrive.
Street Kids International s’imagine un monde dans lequel les jeunes sont inclus dans leur collectivité comme des participants productifs et positifs et dans lequel ils ont les compétences, les habiletés et la possibilité de faire la transition vers un emploi sécuritaire, décent et durable.
Notre mission est d’éduquer et de donner les moyens aux jeunes vulnérables et marginalisés d’améliorer leur qualité de vie et d’être fiers de leur gagne-pain. Nous y arrivons grâce à des programmes novateurs d’entrepreneuriat et d’emploi reconnus par l’industrie. Nos programmes aident les jeunes à mettre sur pied de petites entreprises, à entrer sur le marché du travail et à en apprendre sur les notions d’affaires de base, le réseautage, les techniques de partenariat, l’établissement d’un budget pour soi et une entreprise, les stratégies d’épargne et les manières de surmonter des défis financiers et de planifier son avenir.
Ce que nous avons constaté, c’est que bon nombre de jeunes dans nos programmes ont peu ou pas d’études ou de compétences en littératie. Par conséquent, nous avons recours à des approches axées sur les jeunes qui nécessitent peu de compétences en littératie, comme les histoires, les jeux, les discussions et les aides visuelles pour que chaque aspect de nos programmes soit significatif et pertinent pour les jeunes. Qui plus est, nous nous appuyons sur leurs propres expériences et leurs propres connaissances pour renforcer leurs capacités de gagner de l’argent de manière sécuritaire et décente.
Au début de l’année, Street Kids International et Aide à l’enfance Canada ont fusionné pour créer une plateforme globale sur les moyens de subsistance chez les jeunes, et cette plateforme comprend une approche axée sur les systèmes en ce qui concerne la protection des enfants et l’égalité des sexes. Aide à l’enfance Canada a toujours été un chef de file en matière de protection des enfants et des jeunes en s’appuyant sur quatre principaux piliers: les lois et les instruments de politique en matière de gouvernance nationale; les services et les systèmes d’aide sociale aux échelles nationale et locale; les changements sociaux en vue de modifier les comportements et les attitudes de personnes, de familles, de collectivités et de gens dans les milieux de l’éducation, de la santé et de l’application de la loi; et la participation des enfants et des jeunes pour établir un dialogue social et mener à une participation réelle des enfants et des jeunes.
Tous ces piliers incluent une compréhension claire et concrète de l’égalité des sexes. Les filles, les garçons et les jeunes femmes et hommes doivent composer avec divers risques et défis liés à la protection des enfants et divers obstacles et possibilités économiques, comme Dianne l’a mentionné plus tôt. Nos deux organismes, Street Kids International et Aide à l’enfance, partagent des approches similaires en collaborant avec les gouvernements et les organismes locaux. Par cette fusion, nous étendrons la portée et les avantages des programmes d’entrepreneuriat et d’emploi de Street Kids grâce à la présence mondiale d’Aide à l’enfance et à une approche axée sur la protection des enfants et l’égalité des sexes en vue de nous assurer que le développement des moyens de subsistance des jeunes protège et habilite nos futures générations.
Aide à l’enfance Canada a dirigé la formation du Réseau international canadien de protection des enfants, qui est une coalition d’ONG canadiennes qui a vu le jour en 2013. Street Kids International, qui fait maintenant partie d’Aide à l’enfance Canada, est un membre important de ce groupe. En nous appuyant sur l’expertise en matière de pauvreté chez les enfants et les jeunes du RICPE, de Street Kids International et d’Aide à l’enfance, nous aimerions présenter quatre recommandations au gouvernement canadien.
Premièrement, nous avons besoin d’une approche globale en ce qui concerne les programmes sur les moyens de subsistance des jeunes. Cette approche doit intégrer les aspects fondamentaux de la protection des enfants et de l’égalité des sexes à toutes les étapes de développement d’un enfant. C’est essentiel en vue de permettre aux enfants de réagir aux diverses vulnérabilités et inégalités et de profiter des occasions qui se présentent pendant qu’ils grandissent, apprennent et acquièrent de la maturité et de trouver leur place dans la société.
Deuxièmement, nous avons besoin de plus d’investissements dans nos jeunes. Cela signifie des investissements dans l’éducation et les formations traditionnelles et alternatives avec des programmes précis concernant l’entrepreneuriat pour les jeunes, l’apprentissage et la formation professionnelle, les habiletés fondamentales, la gestion financière, la littéracie, les conseils sur la recherche d’emploi et le jumelage emploi-travailleur. Nous demandons au gouvernement de soutenir la création d’emplois et la diversification des moyens de subsistance et d’investir pour assurer aux jeunes un accès sécuritaire aux programmes de crédit, d’assurance et d’épargne pour réduire les facteurs économiques de la pauvreté chez les enfants et les jeunes.
Troisièmement, nous avons besoin de financement adéquat pour les moyens de subsistance des jeunes et la protection des enfants en cas de crise. Des dizaines de millions d’enfants et de jeunes sont touchés chaque année par un conflit ou une catastrophe, ce qui a des conséquences désastreuses sur leur bien-être social, émotionnel et économique. Cependant, la protection des enfants et les moyens de subsistance des jeunes comptent parmi les secteurs de l’aide humanitaire recevant le moins de financement.
Quatrièmement, nous recommandons que les partenaires du secteur privé doivent respecter les droits des enfants et les principes d’affaires. Lancés en 2012 par Aide à l’enfance, l’UNICEF et le Pacte mondial des Nations Unies, ces 10 principes orientent les entreprises et les encouragent à respecter et à soutenir les droits des enfants et à évaluer leurs effets dans le milieu de travail, dans la collectivité et sur le marché.
Le développement économique a le potentiel de fournir des avantages à long terme et d'améliorer le niveau de vie au sein des communautés défavorisées. Si on ne prête pas attention aux droits de l'enfant et à sa protection, les entreprises peuvent également avoir des conséquences négatives imprévues, dont un accroissement des pires formes de travail des enfants: des conditions de travail dangereuses, de la violence et de l'exploitation sexuelle.
Pour conclure, les filles et les garçons, les jeunes femmes et les jeunes hommes, représentent notre présent et notre avenir ainsi que la clé pour assurer la paix, la durabilité et la santé au sein des sociétés partout dans le monde. Nous croyons en eux, mais ils ont besoin de notre appui et de possibilités pour construire leur vie et leur avenir.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup à nos témoins.
Je dois maintenant demander aux membres du comité s'ils acceptent de procéder à des séries de questions de cinq minutes, au lieu de sept, étant donné que nous devrons aller voter bientôt. Je tiens à m'excuser auprès des témoins. Je sais que vous nous avez déjà rendu service, mais sachez que vos témoignages sont très importants pour notre rapport. Je vous remercie.
Par conséquent, si le comité le veut bien, je vais accorder cinq minutes à chaque parti. Est-ce que cela vous convient?
Des voix: D'accord.
Le vice-président (M. Paul Dewar):Très bien. Nous allons commencer par le parti de l'opposition.
[Français]
Madame Laverdière, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier pour vos excellents exposés, qui se sont avérés extrêmement instructifs.
Ma première question s'adresse à Mme Stewart.
J'aime votre approche fondée sur les droits à l'égard de la planification familiale, mais vous avez indiqué que le droit à la santé pouvait être brimé par un manque de services de santé sexuelle et génésique. Très concrètement, qu'est-ce que les pays donateurs pourraient faire, selon vous, pour améliorer la situation? Merci.
Merci beaucoup pour votre question.
Je pense qu'il y a deux éléments importants qui font défaut ici. Tout d'abord, il y a un besoin énorme de produits de santé génésique qui n'est pas comblé. À l'heure actuelle, 221 millions de femmes aimeraient utiliser des moyens de contraception et n'y ont pas accès. Ce serait donc une mesure très concrète à prendre et un problème facile à résoudre. Le FNUAP a mis sur pied un vaste programme mondial visant à fournir ces produits aux pays qui ne sont pas en mesure de gérer eux-mêmes la situation, mais évidemment, ce programme est sous-financé. Pour l'instant, seulement pour 2015, il nous manque 100 millions de dollars, et on ne parle pas d'accroître le programme. Il s'agit simplement de répondre à la demande actuelle.
Ensuite, il y a le manque de services adaptés aux jeunes. Pour de nombreuses jeunes filles, l'accès à ce type de services et de produits est limité en raison du peu de services qui sont offerts aux jeunes femmes et aussi du manque d'accessibilité aux services de toutes sortes.
Nous constatons que même les jeunes filles qui sont mariées, qui sont apparemment assez âgées pour être mariées à des hommes adultes, mais pas assez pour avoir accès elles-mêmes à ces services, ne sont pas autorisées à obtenir ces services. Le seul moment où nous pouvons rencontrer ces jeunes femmes, c'est lorsqu'elles viennent nous voir pour leur première, deuxième ou même troisième grossesse, dont l'issue est souvent fatale. Nous devons nous assurer que ces jeunes femmes peuvent recevoir ces services avant de tomber enceintes et d'obtenir toute l'information dont elles ont besoin avant de se marier. Évidemment, il s'agit en partie d'un problème de prévention, mais il y a des millions de jeunes filles qui ont été mariées à l'âge de 15 ou 16 ans et qui sont aujourd'hui âgées de 20 ans. Elles en sont à leur quatrième enfant et n'ont toujours pas accès à des services de contraception ou à des accouchements sécuritaires.
Il y a beaucoup d'autres services qui doivent être mis sur pied, mais ce sont les deux interventions cruciales qui pourraient permettre de prévenir ces décès.
Merci beaucoup. C'est très intéressant.
Vous avez abordé brièvement l'éducation sexuelle en milieu scolaire. Quelles mesures doit-on prendre pour mettre en place des programmes d'éducation à la sexualité, et que peut-on espérer à cet égard?
Je considère que c'est un aspect sur lequel les parlementaires doivent absolument se pencher. Dans de nombreux pays, on se heurte à une question juridique quant à savoir si l'éducation sexuelle peut faire partie d'un programme scolaire.
Nous croyons fermement que des cours de sexualité devraient être offerts dans le cadre des programmes d'études secondaires et être adaptés en fonction de l'âge à chaque étape de l'éducation. De nombreux pays ont des programmes en place, mais même lorsque des lois sont en vigueur, il est très difficile de les mettre en oeuvre. On ne parle pas seulement ici des pays en développement; il s'agit d'un problème à l'échelle mondiale.
Les jeunes ont le droit de comprendre le fonctionnement de leur corps, les différents moyens de protection et les changements que l'adolescence et la puberté apporteront dans leur vie. On est davantage confronté à des obstacles d'ordre sociopolitique que pratique. En collaboration avec nos partenaires de l'UNICEF et de l'UNESCO, nous avons mis sur pied une vaste gamme de programmes scolaires adaptés à la culture locale, qui peuvent être mis en oeuvre dans divers pays à l'intention des différents groupes d'âge. Le défi, c'est de parvenir à les faire accepter. Bon nombre de ces adolescentes, surtout les plus marginalisées, ne vont pas à l'école ou sont sur le point de décrocher. Dans ce cas, comment peut-on les rejoindre? C'est pourquoi nous préconisons une approche communautaire et holistique pour offrir à ces jeunes filles un lieu sûr, au sein de la collectivité, où elles pourront obtenir cette information.
Merci beaucoup, mesdames Stewart et Laverdière.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Brown, du parti ministériel.
Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames, d'être ici ce matin pour discuter avec nous.
J'ai assisté au Sommet des filles l'été dernier, en Angleterre, en compagnie de David Cameron. Le père de Malala était présent et a parlé de façon très éloquente. J'ai pris note de ce qu'il a dit: « Nous devrions travailler auprès des pères de demain. Pourquoi devrais-je être un père différent pour ma fille que pour mon fils? »
J'estime que c'est un dossier important sur lequel nous devons travailler, car ce que vous avez dit, essentiellement, c'est que des changements législatifs sont nécessaires.
Je me suis rendue au Mozambique en mars dernier avec une délégation parlementaire. Il y avait une mesure législative qui devait être déposée à la Chambre. En vertu de cette loi, si une fille de moins de 14 ans était violée et que l'homme en question l'épousait, celui-ci n'était pas accusé de quoi que ce soit et était absous de tout crime. Notre délégation parlementaire a exprimé son désaccord à l'égard de ce projet de loi. Nous nous sommes entretenus avec les citoyens, les parlementaires, les médias, et ce projet de loi a été retiré avant que nous ne partions à la fin de la semaine.
Il faut absolument apporter des changements aux lois.
Je suis ravie de voir que le Malawi a récemment adopté un projet de loi qui empêchera une fille de moins de 18 ans de se marier. Je crois que ce sont des questions auxquelles il faut s'attaquer si on veut régler le problème des mariages précoces et forcés. Sachez qu'il n'y a pas si longtemps au Canada, notre gouvernement faisait passer l'âge du consentement de 14 à 16 ans, parce qu'il estimait que cette mesure allait protéger les jeunes filles ici au pays.
J'aimerais que nous nous penchions sur une question dont on n'a pas encore discuté et sur laquelle vous pourriez nous donner votre opinion. Nous avons consacré 3,5 milliards de dollars à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement de l'après-2015. À notre avis, ce qui est important, c'est toute la question des statistiques de l'état civil et de l'enregistrement des faits d'état civil. Il y a probablement plus de 200 millions d'enfants qui sont nés et au sujet desquels nous n'avons aucune information. On ne peut pas gérer ce qu'on ne peut pas dénombrer.
Pourriez-vous nous dire comment on peut protéger les enfants grâce à cette initiative?
Je vous remercie de vos observations. Je suis parfaitement d'accord avec vous.
Tout d'abord, sachez que l'un de nos principaux modes d'intervention, particulièrement pour les filles les plus marginalisées, consiste à travailler auprès des hommes et des garçons, et à collaborer avec les leaders des villages, car ce sont eux qui feront en sorte qu'on pourra changer les attitudes et les pratiques. On a beau adopter des lois, si les dirigeants et les gouvernements locaux ne les appliquent pas, on n'aboutira à rien. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.
L'un des éléments clés de notre intervention est l'obtention de données. Nous devons être en mesure de savoir où se trouvent ces jeunes filles les plus à risque. Je conviens qu'on ne peut pas protéger ces adolescentes si elles ne sont pas enregistrées nulle part.
L'une de nos priorités... Le FNUAP est l'organisme responsable du recensement. Nous nous assurons que la ventilation des données par sexe et par âge est considérée comme un élément essentiel de toutes les activités de recensement, bien entendu, mais tout commence par l'enregistrement des faits d'état civil. C'est sans contredit un élément de la solution sur lequel nous travaillons avec les gouvernements depuis des décennies pour veiller à ce qu'ils aient les systèmes en place pour recueillir cette information puis l'analyser correctement.
Dans l'une de nos régions d'intervention, par exemple en Zambie, où 42 % des jeunes filles sont mariées avant l'âge de 18 ans, nous collaborons étroitement avec le gouvernement afin de suivre l'évolution de ces mariages d'enfants. Évidemment, le recensement des naissances est nécessaire au dénombrement.
Il n'y a pas de doute que ces données sont fondamentales. Elles constituent d'ailleurs un élément essentiel du Programme de développement pour l'après-2015, et on doit s'assurer que les efforts se poursuivent. Même si on a pris la situation en main, qu'on a établi des objectifs et qu'on a mis au point des indicateurs, on ne doit pas tenir pour acquis que tout est en place.
Si je peux ajouter une chose, vous avez parlé de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. J'aimerais qu'on ajoute les adolescentes parce que je considère qu'elles ont des besoins particuliers. Même si nous savons que les objectifs concernant la santé maternelle, néonatale et infantile n'ont pas été atteints, nous devons tenir compte de la santé des adolescentes dans le processus pour l'après-2015.
De toute évidence, il faut commencer par savoir à quel âge exactement les filles se sont mariées, et l'enregistrement des actes d'état civil est la première étape pour nous permettre d'assurer ce suivi.
Merci, madame Stewart.
Merci, madame Brown.
[Français]
Monsieur Garneau, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci à vous deux pour vos témoignages.
Je crois qu'il convient de féliciter le Canada et le gouvernement pour certains des programmes qu'ils ont mis en place dans le but de protéger les enfants et les jeunes dans les pays en développement. Comme ma collègue du NPD l'a dit, il y a une panoplie de mesures qui peuvent être prises et, selon moi, ce qui manque, ce sont les services en matière de planification familiale, que je considère très importants.
Madame Steward, vous semblez confirmer que ces types de services pourraient nous aider à régler le problème auquel nous sommes confrontés. J'essaie de comprendre la situation sur le plan pratique. Les mariages d'enfants, les mariages forcés, les jeunes filles qui quittent l'école très jeunes, et tout ce que vous avez décrit sont des choses qui doivent nécessairement changer. Toutefois, concrètement, comment s'y prend-on pour changer la situation?
Vous avez indiqué que le fait de discuter avec les aînés des villes et les dirigeants des sociétés tribales était une façon d'attirer l'attention de ceux qui peuvent effectuer des changements. J'essaie de m'imaginer la situation. Lorsqu'on songe aux traditions profondément ancrées comme celles que vous avez décrites, où une jeune fille de 11 ans se marie et qu'à partir de ce moment-là, sa vie se limite à procréer, je ne vois pas comment le fait de discuter avec les leaders du village fera en sorte... Comment peut-on les convaincre qu'au bout du compte, ces changements sont dans leur intérêt et que leurs pratiques sont inacceptables? Comment peut-on faire passer le message? Comment faites-vous, au FNUAP, pour agir dans ce domaine?
Je vous remercie beaucoup pour votre question.
Vous avez raison: c'est tout un défi parce que certaines de ces pratiques existent depuis longtemps. En fait, ces pratiques sont enracinées dans des traditions insensées, mais destinées à protéger les jeunes filles. Selon la coutume, en les donnant en mariage, on les protège en quelque sorte des autres mauvais sorts potentiels.
Je crois que l'un de nos arguments les plus convaincants, et cela fonctionne auprès des chefs locaux, c'est d'offrir d'autres solutions à ces jeunes filles. Évidemment, cela se passe le plus souvent dans les régions rurales appauvries. Comment ces jeunes filles peuvent-elles se sortir de la pauvreté et se délivrer du fardeau qu'elles imposent à leurs parents, qui ont beaucoup trop d'enfants à nourrir? À la base, il y a la question de la planification familiale.
D'une part, il faut donner à ces jeunes filles la possibilité de rester à l'école. Il n'en faut pas beaucoup pour convaincre les chefs et les autorités locales qu'une jeune femme instruite et active sur le plan économique peut gagner plus d'argent et même gérer sa propre entreprise. On a donné des exemples tout à l'heure de jeunes femmes qui jouent un rôle dans la vie économique de leur ville ou de leur village. Ces femmes contribuent davantage de cette façon à la prospérité de leur communauté que si elles se marient et ont cinq ou six enfants. Nous avons de solides arguments économiques pour changer les attitudes à l'égard de ces jeunes filles.
Ce que l'on constate, particulièrement lorsqu'on parle à des chefs traditionnels, c'est qu'ils souhaitent que leurs propres enfants restent à l'école. Leurs filles peuvent fréquenter l'école secondaire ou même l'université, en ville. Il faut donc souvent faire appel à leurs intérêts personnels. Ce fut un argument efficace auprès de bon nombre de ces pères. Il est rare qu'un père ne veuille pas que sa fille améliore sa situation, surtout lorsqu'elle a la possibilité de le faire. Toutefois, s'ils n'entrevoient pas ces possibilités, c'est plus difficile.
On invoque donc des arguments économiques.
D'autre part, il faut donner à ces jeunes filles le pouvoir de se défendre elles-mêmes, en leur fournissant les bons arguments. La plupart de ces jeunes filles comprennent l'importance d'aller à l'école. En fait, elles aiment bien y aller.
Nous avons constaté que les programmes holistiques, dans lesquels les mères peuvent jouer un rôle, donnent de très bons résultats pour de nombreuses adolescentes. Nous faisons participer les mères à ces programmes, en leur donnant les outils et les arguments dont elles ont besoin pour convaincre les décideurs de la famille que ces jeunes filles doivent rester à l'école.
En dehors du contexte des mariages d'enfants en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, là où la situation est problématique, nous avons mis sur pied un programme en Jamaïque, par exemple, où le taux de grossesse chez les adolescentes est très élevé, ce qui est forcément attribuable aux mariages précoces et aux grossesses imprévues. Nous avons remarqué que les interventions qui comprenaient des incitatifs financiers étaient très efficaces pour ramener ces jeunes filles à l'école. On parle ici de jeunes filles pauvres vivant en milieu urbain et dont la famille ne voit pas les avantages de faire des études coûteuses. Pour permettre à ces jeunes filles, qui ont peut-être déjà un enfant, de poursuivre leurs études et éviter qu'elles aient de multiples grossesses, les mesures incitatives financières, qui nécessitent une intervention minimale, se sont avérées très fructueuses.
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Je ne voudrais surtout pas que quelqu'un, en lisant la transcription de nos délibérations, ait l'impression que le Canada n'investit pas dans la planification familiale ni dans la contraception. C'est l'un des grands projets dans lesquels nous investissons, de concert avec Bill et Melinda Gates.
Vous pourrez nous en reparler plus tard, mais je vous remercie. Sauf le respect que je vous dois, il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
Je tiens à remercier nos témoins. Encore une fois, nous vous remercions d'avoir été aussi flexibles. Je sais que vous avez dû réorganiser votre horaire pour témoigner aujourd'hui, et nous vous en sommes très reconnaissants.
J'aimerais également souligner que si vous avez d'autres observations à nous transmettre, n'hésitez pas à communiquer avec la greffière. Cela nous serait très utile. Vos interventions ont été très concises, et nous l'apprécions beaucoup.
C'est tout pour aujourd'hui. Nous allons maintenant voter.
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