FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 février 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la réaction du Canada face à la violence, aux persécutions religieuses et aux bouleversements perpétrés en Irak, en Syrie et dans la région par l’État islamique en Irak et au Levant.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins de Washington. Merci de prendre le temps de nous faire des exposés aujourd’hui.
Nous accueillons deux membres du Stimson Center: la présidente-directrice générale, Mme Ellen Laipson, et Mme Geneive Abdo.
Nous accueillons également M. Daveed Gartenstein-Ross, agrégé supérieur de la Foundation for Defense of Democracies.
Bienvenue à tous.
Nous allons commencer par entendre Mme Laipson. Nous ferons un tour de table pour les exposés. Une fois que nous aurons entendu vos exposés, nous passerons aux questions des membres pendant une heure et demie, environ.
Madame Laipson, la parole est à vous.
[Français]
Nous sommes très honorées de nous joindre à vous
[Traduction]
même de si loin pour discuter d’un problème qui, de toute évidence, est très grave et très inquiétant.
Les événements survenus au cours des 24 dernières heures ne font qu’aggraver nos préoccupations concernant la montée de l’EIIL et la violence stupéfiante et odieuse qui est infligée dans de petites zones, au moins, du monde arabe.
Je comprends parfaitement les préoccupations du Canada à ce sujet. À mon avis, ces préoccupations sont tout à fait partagées par le gouvernement des États-Unis et d’autres gouvernements du monde occidental. Il s’agit d’une situation dramatique qui nous pousse à nous pencher sur ces problèmes et à nous demander si le monde occidental peut faire quelque chose ou ce que nous pouvons faire pour diminuer non seulement la menace directe à notre endroit, mais aussi celle à l’endroit des honnêtes citoyens du monde musulman.
J’espère que nous garderons tous à l’esprit la dimension humaine et le fait que ce ne sont pas tous les Arabes qui cèdent aux sirènes de l’EIIL. Ils se démènent énormément pour maintenir certaines conventions normales en matière de comportements sociaux et politiques, même pendant l’augmentation de cette menace radicale et extrémiste.
Pendant un certain temps, nous pensions que le problème existait seulement en Syrie et en Irak, mais maintenant, nous comprenons que la Jordanie est menacée et que cela pourrait aussi bientôt être le cas de l’Arabie saoudite. Le Liban a certainement déjà été touché, et il y a également d’autres pays qui seront aux prises avec ce problème pendant un certain temps.
En ce qui concerne la réaction du monde occidental, pendant les 25 années que j’ai passées au gouvernement, j’ai travaillé au dossier du Moyen-Orient. À l’étape où nous en sommes, je crois que nous devrons tous faire preuve d’une certaine humilité en nous demandant, déjà, si c’est un problème que nous pouvons régler, et en acceptant les limites et les défis du rôle que nous pouvons jouer en tant qu’étrangers. Nous devons nous demander si certaines de nos réactions pour lutter contre la violence atroce et les menaces à l’endroit des journalistes et, de façon plus générale, à l’endroit des citoyens innocents ne finissent pas, en fait, par aggraver le problème. J’aimerais simplement que nous soyons conscients de cela, parce que je crois qu’il y a des réactions politiques qui semblent être justifiées à court terme, mais qui, à long terme, finissent par aggraver le problème.
À mon avis, il serait très utile d’essayer de vous donner un aperçu du contexte historique et politique. Comment en sommes-nous arrivés là? Ma collègue, Geneive, se penchera plus attentivement sur la manière dont ces extrémistes communiquent entre eux, sur ce dont ils parlent et un peu sur ce que nous comprenons de ce qui les motive.
Il existe un certain nombre de points de référence historiques qui, à mon avis, sont tous pertinents quand nous essayons de mettre en contexte la montée de l’EIIL: la révolution iranienne de 1979, l’assassinat d’Anwar Sadat en 1981 — ce qui montrait bien que ceux qui étaient considérés, à l’époque, comme étant des musulmans pacifiques et qui s’appelaient des Frères musulmans, avaient été contestés et supplantés par une forme politique d’Islam beaucoup plus violente et extrémiste en Égypte, qui était, après tout, le bastion de la pensée arabe et islamique.
Pour ceux d’entre nous qui sommes d’un certain âge, ces événements sont des faits relativement récents, mais, de façon cumulative, le monde occidental n’a pas réussi à transférer son modèle au monde arabe. Depuis la fin de l’époque coloniale jusqu’à la fin du XXe siècle, les gens ont compris que le projet occidental pour le monde arabe ne fonctionnait pas vraiment. Il est certain que l’intervention américaine de 2003 en Irak, malgré toutes les bonnes intentions et tous les efforts de collaboration avec des Irakiens aux vues similaires en vue de bâtir des institutions modernes, a échoué parce qu’il y avait des forces adverses en Irak et dans la région.
Par conséquent, deux projets ont échoué: celui du monde occidental visant à bâtir un monde arabe qui avait des institutions de type occidental, et celui du monde arabe visant à élaborer une idéologie moderniste, positive et constructive pour leurs citoyens.
Pensons à la succession d’idéologies arabes qui ont été essayées et qui ont échoué, du nationalisme panarabe au nationalisme de chaque pays arabe à diverses formes d’Islam politisé.
Quand le printemps arabe a commencé à la fin de 2010 et en 2011, il y a eu une vague d’espoir qu’au moins certaines personnes dans le monde arabe étaient maintenant prêtes à tenter de nouveau de moderniser, de libéraliser et de démocratiser les systèmes politiques arabes.
Ce qui m'a frappé lors de mes déplacements récents dans la région, c'est la vitesse à laquelle la déception s'est installée, même chez ceux qui ont appuyé les changements en Tunisie, par exemple, avec la venue éphémère au pouvoir d'un parti islamiste modéré, ou le règne d'un an des Frères musulmans en Égypte. La déception qui a suivi a provoqué une radicalisation très rapide de certains jeunes arabes. Il est pour le moins troublant de penser que ceux que le groupe terroriste État islamique en Irak et au Levant, ou EIIL, a réussi à recruter avaient des visées politiques très différentes il y a quelques années seulement. Nous aurons vraiment beaucoup de mal à comprendre qui sont les groupes vulnérables au recrutement de ce mouvement radical.
Mon prochain argument de taille est qu'il faut vraiment considérer la situation comme un combat à la fois au sein du sunnisme et entre les populations sunnites et les chiites. J'espère que Geneive l'expliquera plus en détail. Nous sommes actuellement témoins d'une volonté de tuer d'autres musulmans au sein de l'EIIL. Il ne s'agit pas d'emblée d'une guerre entre la civilisation musulmane et l'Occident, mais d'abord et avant tout de conflits au sein de la civilisation musulmane, de sunnites qui sont profondément en désaccord quant au genre de gouvernance qu'ils désirent. Je crois encore que l'EIIL représente une infime minorité des populations arabes, mais leur agressivité leur permet de contraindre des segments bien plus importants de la population sunnite. Le groupe n'hésite pas à recourir à l'intimidation et à l'extrême violence, bien sûr, pour que les gens continuent à le craindre.
Mais entre les musulmans sunnites et chiites, voilà un autre thème transversal qui a commencé à remplacer la question de l'identité, qui reposait auparavant sur l'appartenance à un pays arabe donné. Désormais, l'identité est plutôt attribuable à l'appartenance confessionnelle.
Le dernier argument que j'aimerais faire valoir, puisque je sais que vous envisagez tous des solutions stratégiques, c'est que les sociétés multiculturelles devraient selon moi s'en tenir aux principaux thèmes qui leur tiennent à coeur, comme la tolérance religieuse et la volonté d'offrir une éducation moderne, de façon à ce que les gens comprennent mieux les autres sociétés, et pas seulement celle dans laquelle ils vivent. J'aimerais que nous nous disions que les solutions stratégiques englobent un très large éventail d'activités, sans nous limiter à une intervention militaire ou à une lutte contre le terrorisme. Je suis d'avis que si notre intervention est trop musclée, nous contribuerons en fait au problème de radicalisation. C'est une des leçons que nous avons apprises, je crois, à la lumière des dynamiques politiques en Irak suivant 2003. C'est inévitable.
Nous pourrions ainsi motiver des gens qui, autrement, n'auraient pas opté pour une voie aussi radicale. Je préconiserais donc une intégration très prudente de différentes stratégies. Il faut comprendre que nous ne serons probablement pas le principal instrument du changement; il s'agit de longs conflits au sein de sociétés et de communautés, et les intervenants externes peuvent être utiles — du moins en périphérie — en atténuant quelque peu la violence et en rassurant un peu ceux dont l'idéologie est plus modérée.
Mais je doute que nous puissions à nous seuls renverser la vapeur de ce qui pourrait être un conflit intergénérationnel au sein de la civilisation musulmane arabe. Le mouvement n'a pas encore touché l'islam asiatique, mais nous devrions garder l'oeil ouvert.
Je vous remercie infiniment de votre attention.
Merci. C'est un honneur d'être ici.
J'aimerais parler des forces et des faiblesses de l'EIIL. À l'heure actuelle, les gouvernements occidentaux et ceux qui luttent contre le terrorisme et le militantisme concentrent leurs énergies sur l'EIIL, comme il se doit. La situation est sans précédent sur le plan de la brutalité du groupe et de l'étendue du territoire contigu qu'il occupe. En revanche, le groupe est aussi particulièrement vulnérable, bien plus que le discours public ne le laisse entendre. Je pense qu'il faut comprendre ses points faibles. Permettez-moi de l'illustrer en disant que le djihadisme est actuellement en pleine croissance. Tout comme Mme Laipson, je pense qu'il s'agira d'un défi générationnel à surmonter. Cela dit, le groupe présente des faiblesses bien réelles qu'il a su camoufler, mais qui finiront par se retrouver au premier plan.
Commençons par ses forces. Je dirais qu'en plus de ses réussites militaires évidentes, l'EIIL arrive extraordinairement bien à diffuser des messages comme on ne l'avait jamais fait auparavant. Si vous examinez ses vidéos, vous constaterez que la qualité de la production est remarquable. Le montage est pratiquement de qualité professionnelle. Le groupe comprend vraiment le petit jeu des médias sociaux, et il sait tirer parti de Twitter et se rapprocher des jeunes, mieux qu'Al-Qaïda n'a jamais vraiment pu le faire. Il tire pleinement avantage de tous les médias sociaux, ce qui constitue un avantage extraordinaire. Vous êtes à même de le constater simplement des actes terroristes qui ont été perpétrés par des loups solitaires l'an dernier. Bien entendu, le Canada a hélas été ciblé deux fois de suite. Mais dans l'ensemble, il y a eu dans 15 États occidentaux au cours de la dernière décennie une moyenne annuelle de 7,3 actes terroristes perpétrés par des loups solitaires, tous types de terrorisme confondus, et pas seulement le djihadisme; on parle de l'extrême droite, de l'extrême gauche, du terrorisme écologique et du reste.
En revanche, il y a eu l'an dernier dans les États occidentaux une proportion plus importante d'attaques de loups solitaires, soit d'individus qui ont agi seuls en s'inspirant de l'EIIL. Je pense que c'est attribuable aux médias sociaux. Le terrorisme est habituellement un phénomène de groupe, car en général, pour convaincre une personne de commettre un geste extrême comme un acte terroriste qui gâchera sa vie, il faut que quelqu'un renforce sa propension à l'extrémisme. Or, les médias sociaux remplacent de plus en plus les activités de groupe d'autrefois. Autrement dit, les médias sociaux peuvent être l'organisation terroriste. Voilà qui modifie les scénarios de radicalisation et accélère le processus. Je dirais donc, d'une part, que les gens sont radicalisés plus rapidement et, d'autre part, qu'ils sont plus nombreux à le faire. Dans le cas de l'EIIL, je doute cependant que le modèle soit durable.
J'aimerais maintenant m'attarder à l'envers de la médaille. Une chose qui préoccupe visiblement le Canada à l'heure actuelle, comme en témoigne le projet de loi C-51, c'est d'essayer de trouver une façon de censurer les communications de l'EIIL. Je pense que les pays occidentaux ont ici une belle occasion de nuire au groupe, mais ils n'en profitent pas. En fait, l'EIIL compte sur l'effet d'entraînement, comme le magazine Dabiq l'a clairement énoncé. Il a réussi à enrôler le propagandiste John Cantlie. C'est assez épouvantable: ce journaliste a été kidnappé, et on le force maintenant à publier une série d'articles de propagande au nom de l'EIIL. Dans un de ces textes parus dans le magazine, il parle de l'effet d'entraînement, un principe fondamental aux yeux de l'EIIL. Il dit que d'autres vont se cramponner à ses réussites, et que le groupe continuera à grandir encore et encore. Voilà comment l'EIIL se perçoit, et il tente désespérément de montrer qu'il est sur une bonne lancée. En fait, nous lui avons bien souvent permis de se faire paraître bien plus important qu'il ne l'est en réalité, ce sur quoi je vais revenir dans un instant.
Le fait est que l'EIIL est en perte de vitesse. Le groupe n'a conquis aucun nouveau territoire majeur depuis octobre, et il est notamment dans l'eau chaude en raison d'attaques aériennes qui ont vraiment détérioré l'état de ses armements lourds. Puisqu'il n'a aucune assise industrielle pour reconstituer ses stocks, il est obligé d'attaquer des bases aériennes et d'autres installations pour s'emparer de chars d'assaut, de véhicules militaires tous terrains et du matériel dont il a besoin pour faire la guerre à la coalition, aux forces du régime Assad et aux forces irakiennes et kurdes.
Le fait de ne pas remporter de combats et de connaître des pertes importantes sur le champ de bataille a contraint le groupe à reculer à Sinjar. La ville de Kobani, qui représentait l'invincibilité de l'EIIL il y a à peine quatre mois, est plutôt devenue un grand symbole de la résistance kurde et du fait que le groupe n'arrive même pas à s'emparer d'une petite ville dans le nord de la Syrie.
Le groupe perd de la vitesse dans la région. En conséquence, il a tenté de montrer qu'il est sur une bonne lancée dans d'autres secteurs. Voilà où je crois que nous devrions mener une opération plus efficace de messages offensifs. Il y a un certain nombre d'exemples où le groupe s'est fait paraître plus important qu'il ne l'est en réalité.
Je pense que le meilleur exemple à ce chapitre est le nord de la Libye, où l'EIIL a réussi à convaincre les médias occidentaux qu'il s'était emparé de la ville de Derna. Même la BBC l'a rapporté. En fait, un article à caractère politique a même été publié il y a quelques jours seulement sur la façon dont le groupe s'est emparé de Derna. C'est faux. Je le sais avec certitude, car lorsque la ville a mis sur pied le Conseil consultatif des moudjahidines, la personne qui en était responsable était membre de la Brigade des martyrs d'Abu Salim, le groupe contre lequel l'EIIL se bat à Derna. Si l'EIIL contrôlait l'ensemble de la ville, ses ennemis ne seraient bien évidemment pas responsables du conseil en entier, dont l'EIIL fait partie à l'échelle locale, et auquel il est subordonné.
Nous devons mieux faire connaître les pertes du groupe. Ce n'est pas une chose que les politiciens peuvent faire en disant à quel point l'EIIL est plus faible que la population ne le croit. En revanche, les médias sont crédibles, et parfois crédules aussi. Leur fournir des renseignements justes sur les pertes de l'EIIL peut freiner l'élan du groupe.
Je ne voudrais pas empiéter sur le temps de parole de Mme Abdo, mais j'aimerais brièvement préciser que le groupe a également commis de graves violations à la loi islamique, même du point de vue d'un salafiste djihadiste. Je pense qu'il est important de comprendre d'où ils viennent. Il n'est pas particulièrement utile de dire que le groupe viole la tradition d'un point de vue modéré, mais certains volets du message sont incroyablement faibles, sur au moins deux plans.
Premièrement, lorsque le groupe a proclamé le califat, il a associé sa propre légitimité à la viabilité à long terme de ce califat. Dans le passé, Al-Qaïda contrôlait le territoire, mais n'a jamais proclamé de califat notamment parce qu'il comprenait que son emprise était éphémère. Le groupe aurait été perçu comme étant trop pressé de le faire. D'autant plus que l'EIIL pourrait fort bien perdre Mossoul avant la fin de 2015, il est important de pouvoir dénoncer publiquement en quoi le groupe ne répond pas aux exigences d'un califat.
Une autre grande faiblesse du groupe dont j'aimerais parler brièvement, c'est qu'une des exigences d'un califat légitime est la présence d'un calife répondant aux critères islamiques appropriés. Or, ce n'est pas le cas d'Abou Bakr al-Baghdadi. Je ne souhaite pas entrer dans les détails, mais je vous invite à communiquer avec vos homologues américains en matière de renseignement pour comprendre très clairement les très graves problèmes que présente Baghdadi du point de vue de la charia.
Le deuxième volet se rapporte aux atrocités que le groupe a commises. En tuant sans discernement des civils musulmans, en levant la djizîa à Mossoul et en assassinant des civils qui étaient sous la protection d'un traité islamique, comme Alan Henning ou Abdul-Rahman Kassig, le groupe a violé l'interprétation salafiste-djihadiste de la loi islamique de sorte que même les érudits d'Al-Qaïda le critiquent. Voilà une autre faiblesse. Les États-Unis, le Canada et les autres pays occidentaux n'ont pas vraiment la crédibilité nécessaire pour se prononcer sur l'interprétation de la loi islamique, mais ils pourraient nuire à la campagne d'information en transmettant des renseignements à ceux qui peuvent dénoncer les infractions. Puisque la grande force du groupe est sa communication, celui-ci est particulièrement vulnérable aux attaques de ce côté. Fort heureusement, le groupe est un adversaire qui s'est mis dans une position bien plus vulnérable qu'il ne le reconnaît.
Merci.
Merci beaucoup.
Je vous souhaite la bienvenue, madame Abdo. Je vais maintenant vous laisser prononcer votre déclaration liminaire.
Merci beaucoup.
Bonjour tout le monde. Je suis honorée de m'adresser à vous ce matin.
Je vais m'attarder au rôle que joue la religion dans les activités de l'EIIL. Je crois qu'il est vraiment important d'en parler parce que certains, surtout au sein des gouvernements, milieux universitaires et médias occidentaux, hésitent quelque peu à envisager sérieusement que la religion fasse partie de l'attrait et des stratégies de recrutement du groupe. Je pense que c'est une erreur.
Je pense également que les autorités musulmanes du Moyen-Orient ont tendance à dire que le problème n'a rien à voir avec l'islam, et qu'il ne s'agit pas véritablement de l'islam. Malheureusement, nous en sommes là 30 années après l'apparition de groupes islamiques déterminants, comme Al-Qaïda, qui est né en Égypte. Nous sommes obligés de nous rappeler que c'est lié à l'islam, car c'est la religion en laquelle ces gens croient. Il y a bel et bien un lien avec la religion.
Je pense qu'il est plus pertinent de se demander: qu'y a-t-il de si attrayant dans l'islam qui puisse inciter des gens de 80 pays à se joindre à l'EIIL? Une réponse qui démontre le rôle prépondérant de la religion dans le pouvoir et l'attrait de l'EIIL est que les discours d'al-Baghdadi et d'autres têtes dirigeantes sont truffés de références au Coran. C'est ainsi que le groupe justifie ses interventions militaires et la majeure partie de ses décisions. Voilà comment il cherche à conférer une légitimité à ses interprétations. Pratiquement tous ses discours comportent des références au Coran.
Le groupe a également recruté des ecclésiastiques de l'Arabie saoudite, du Maroc et du Yémen pour appuyer ses idées et en accroître la légitimité. À ce sujet, nous avons constaté bien des discussions sur la compétition entre Al-Qaïda et l'EIIL depuis l'assassinat du journaliste japonais il y a tout juste 48 heures, ou du moins depuis la diffusion de la vidéo — nous présumons qu'il a été tué au début du mois de janvier. La compétition ne porte pas que sur le pouvoir, comme on l'a dit plus tôt, mais aussi sur l'interprétation de l'islam. Par exemple, Al-Qaïda n'approuve pas vraiment le meurtre d'autres musulmans. Lorsque al-Baghdadi a fondé l'EIIL, il y a eu une querelle vive entre les dirigeants du groupe et ceux d'Al-Qaïda en raison de leurs divergences profondes. Mais ce n'est pas qu'une question de territoire ou du nombre de personnes que l'EIIL arrive à recruter. C'est aussi une question d'interprétation de l'islam.
Je pense qu'une autre grande différence est la façon dont l'interprétation se reflète sur le terrain quant au traitement des minorités religieuses. Je sais que votre comité se préoccupe particulièrement de la persécution pour des motifs religieux, et je vais y revenir un peu plus loin. De toute évidence, l'EIIL ne s'attaque pas uniquement aux chrétiens, qui ont été très nombreux à fuir bien des pays arabes; il s'agit également d'un débat au sein de la société musulmane, comme Mme Laipson l'a souligné, puisque le groupe ne croit même pas que les chiites sont de vrais musulmans. Le débat porte donc sur l'interprétation de l'islam, et c'est une façon de marginaliser d'autres musulmans qui ne font pas partie du groupe, et même de les tuer.
Afin de vous donner un bref aperçu de l'origine de certaines idées de l'EIIL, sachez que les dirigeants d'Al-Qaïda ont publié un livre en Irak qui s'intitule The Management Of Savagery. Le groupe a appliqué certains idéaux et principes du livre de façon encore plus radicale. Un des principes qu'on y retrouve est le fait que la disparition des États multiplie les occasions pour les djihadistes. C'est une excellente période pour ce mouvement. Nous avons évidemment pu le constater. Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles l'EIIL a saisi l'occasion. L'État est défaillant tant en Irak qu'en Syrie, et on retrouve ce genre de situation dans l'ensemble du monde arabe. Le groupe y voit là une occasion à saisir.
Le groupe y voit également une possibilité, car en plus de la chute de l'État nation, la majorité des habitants de certains pays arabes n'ont plus le moindre sentiment d'appartenance envers la citoyenneté. C'est très évident en Irak. Nous savons tous que les sunnites ont été marginalisés par deux gouvernements chiites successifs, ce qui a beaucoup contribué à la popularité de l'EIIL. Le groupe en a tiré parti.
Comme on l'a dit tout à l'heure, il semble aussi que les gens des sociétés arabes ne sont plus des Irakiens, des Égyptiens ou des Libanais, mais plutôt des musulmans chiites ou sunnites. Un autre attrait de l'EIIL est la proclamation du califat, même si bien des musulmans ne sont pas nécessairement d'accord. C'est un concept qu'on retrouve et qui est discuté depuis longtemps dans les sociétés arabes. Un sentiment de défaite et de perte prévaut, car bien des musulmans comparent leur position dans le monde à ce qu'elle était il y a des siècles. Ils ont l'impression d'avoir été vaincus non pas par l'Occident, mais bien par leurs propres dirigeants. Je pense qu'il s'agit là d'un volet très important du califat qui explique pourquoi l'EIIL a pu rassembler les gens et les attirer dans cet État islamique.
Dans ce contexte, je pense que les Occidentaux doivent arrêter de croire que la majorité des musulmans peuvent vraiment contester l'EIIL. Nous en avons parlé après le 11 septembre. Même dans notre pays, les dirigeants de la communauté musulmane n'arrivent toujours pas, de nombreuses années plus tard, à bien expliquer la raison d'être de l'extrémisme. Comme je l'ai dit en début d'exposé, le pire cliché est de dire que le problème n'a rien à voir avec l'islam. Si vous prenez ce qui est arrivé en France, je pense qu'il s'agit d'un très bon exemple de la façon dont les gouvernements et les sociétés de l'Ouest doivent comprendre que certains principes islamiques sont différents. La liberté d'expression en fait partie. Voilà encore un élément qui contribue à l'attrait du groupe: celui-ci reprend des principes islamiques et les interprète d'une façon non seulement défavorable à l'Ouest, mais en plus, qui est acceptable aux yeux d'un grand nombre de musulmans.
Je vais vous raconter une histoire très courte. À l'époque où j'étais journaliste en Iran pour le Guardian il y a bien des années, on célébrait le 10e anniversaire de la fatwa contre Salman Rushdie. J'avais interviewé de nombreux ecclésiastiques de la ville de Qom, où leurs séminaires sont situés, et je leur avais demandé s'ils croyaient que cette fatwa devait encore être en vigueur à ce moment. Ils ont tous répondu par l'affirmative, même les plus modérés, puisqu'ils n'interprètent pas le principe de liberté d'expression de la même façon que l'Occident, m'ont-ils expliqué. La tradition islamique l'interprète différemment. Ils croient qu'il faut baliser la liberté d'expression.
Je vous raconte cette anecdote pour vous démontrer qu'il faut selon moi résister à la tentation de croire que nous pouvons en quelque sorte convaincre les sociétés islamiques de penser comme nous et de comprendre nos principes et nos valeurs morales.
Quel attrait l'EIIL présente-t-il? Il propose des interprétations du Coran qui sont admises au moins par certains musulmans. Le groupe mise non seulement sur le message, mais aussi sur le fait qu'un grand nombre de musulmans ne comprennent vraiment pas leur propre religion. Il y a un puissant mouvement qui parle de la façon dont l'islam a été interprété il y a des centaines d'années. Dans le débat qui fait rage au sein de la société musulmane, voilà encore ce qui distingue l'EIIL de bien des groupes. L'EIIL croit que la véritable pratique islamique devrait être issue de l'époque du prophète. D'autres spécialistes de l'islam affirment le contraire et croient plutôt que les traditions du prophète doivent être adaptées au monde moderne.
J'ai lu, dans VICE News, l'entrevue d'un citoyen canadien du nom d'Abu Usamah, également connu sous le nom de Farah Mohamed, qui affirmait que personne ne l'avait recruté et ne lui avait même dit quoi que ce soit. Il n'a fait qu'ouvrir le journal et lire que l'EIIL respectait le Coran. Il s'est donc mis à lire le Coran et a décidé que le groupe avait raison. Voilà pourquoi il s'est joint à l'EIIL.
Je vais brièvement présenter quelques points supplémentaires.
Mon dernier point porte plutôt sur le déplacement, un des sujets qui vous intéresse, je le sais. Je vais simplement vous présenter quelques chiffres. Avant 2003, la population chrétienne en Irak s'élevait à 1,5 million de personnes, ce qui représentait 5 % de la population. Or, il ne reste plus que 400 000 chrétiens sur place. Il va sans dire que ce n'est pas uniquement attribuable à l'EIIL, mais bien à tout ce qui s'est passé là-bas depuis l'opération. Mais l'EIIL et le conflit entre les chiites et les sunnites ciblent bel et bien les chrétiens. Voilà donc une des nombreuses raisons pour lesquelles les chrétiens sont maintenant persécutés dans le monde arabe.
Merci.
Je vous remercie tous les trois de vos excellents exposés.
Nous allons commencer le premier tour, et chaque intervenant aura sept minutes pour les questions et les réponses.
Je vais commencer par M. Dewar, à ma gauche. La parole est à vous, monsieur.
Je remercie les témoins de leur exposé remarquable. Vos interventions étaient toutes complémentaires, en quelque sorte, comme si vous vous étiez concertés. Les éléments que chacun d'entre vous examine, qu'il s'agisse de comprendre l'histoire, l'attrait du groupe ou son message, et la façon dont l'EIIL ou Daech ont manipulé le tout, sont d'une importance capitale à notre travail. Sachez que notre comité cherche à formuler des recommandations au gouvernement pour qu'il comprenne mieux ce que nous pouvons offrir à la coalition d'une soixantaine de pays qui veulent s'attaquer au problème.
Je tiens à remercier particulièrement le centre Stimson pour son travail. J'ai eu indirectement affaire à vos travaux en 2009, lorsque vous aviez mis le doigt sur les problèmes dont nous commençons tous à prendre conscience. Comme le dernier témoin l'a dit, les groupes minoritaires continuent de se vider.
J'aimerais commencer par l'une ou l'autre des représentantes du centre Stimson.
En ce qui concerne nos possibilités d'action, je comprends bien que nous ne pouvons imposer de solution ni au nord de l'Irak ni à l'ensemble du pays, comme d'autres témoins nous l'ont dit, mais nous devons évidemment faire ce que nous pouvons pour aider. Notre pays a beaucoup d'expérience en matière de problèmes de gouvernance. Je m'intéresse à tout le cadre du fédéralisme et à la souplesse qu'il offre, bien franchement, et j'aimerais au moins voir comment le système peut être appliqué et si nous pouvons apporter une aide à ce chapitre.
De plus, j'ai trouvé l'argument sur l'éducation des plus important. Comme nous l'avons entendu, lorsque l'éducation offre une perception du monde en vase clos, elle alimente vraiment la discorde et donne lieu au genre de recrutement que nous constatons.
J'aimerais simplement connaître l'avis de nos consoeurs du centre Stimson. À votre avis, quelles recommandations stratégiques pourraient être importantes pour le Canada, tant à court qu'à moyen et à long terme, en ce qui a trait à la situation persistante en Irak? À propos de la gouvernance de l'Irak, nous avons vu l'arrivée d'un nouveau gouvernement, et il est à espérer qu'il respectera l'accord de partage des recettes du pétrole à Kirkuk, qui a été conclu avec les Kurdes, et celui de Bagdad, qui a été annoncé récemment.
Selon vous, quelles mesures concrètes pourrions-nous mettre en place pour aider et soutenir le peuple? Voilà une information qui nous serait des plus utile.
Merci beaucoup.
Je suis vraiment ravie de vous voir. Je me rappelle avec beaucoup de plaisir lorsque vous nous aviez accueillis. Le centre Stimson et le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, ou CIGI, un groupe de réflexion canadien, avaient organisé des rencontres avec des Irakiens à Ottawa. Nous avions utilisé des salles de conférence du Parlement afin de discuter plus en détail de fédéralisme.
Permettez-moi simplement de dire quelques mots sur ce qui peut se passer lorsque les esprits se calment dans le monde arabe. Il reste à savoir si plusieurs de ces pays artificiels devront confier des pouvoirs aux régions — qui pourraient être un peu plus homogènes sur le plan ethnique —, et si nous assistons à une évolution graduelle vers la décentralisation du pouvoir et de l'autorité, pour autant que des pays du nom de Syrie et d'Irak existent encore au bout du compte. Il y a selon moi de fortes chances qu'ils soient encore là dans 50 ans, mais ils seront peut-être dirigés fort différemment. Je pense bel et bien que le modèle canadien de fédéralisme peut être une façon de faire, et je sais que le Canada a donné ce conseil à d'autres pays multiculturels.
L'histoire de l'Irak constitue une succession très complexe de réussites et de défaites. Au bout du compte, l'autonomie de la région kurde est encore une chose positive en quelque sorte, tant pour l'Irak que pour les Kurdes. Le peuple a su démontrer qu'il s'autogouverne, et pourtant, il fait encore partie d'un État irakien pratiquant l'échange de revenu.
Chose certaine, les Kurdes se sont comportés de façon très honorable en essayant de repousser l'EIIL, ce qu'ils ont réussi. Ils avaient besoin d'aide. Ils ont eu besoin de l'aide de... Eh bien, il y a apparemment une histoire qui circule, voulant que Barzani aurait dit: « J'ai appelé les Américains, mais ils ne pouvaient pas venir assez vite. J'ai appelé les Turques, mais ils ont refusé. J'ai appelé les Iraniens, et ils étaient ici en huit heures. » Il y a donc encore des doutes à propos du meilleur allié de la région.
Je pense encore que les États-Unis jouent un rôle particulier dans la relation avec le gouvernement régional du Kurdistan, mais la citation précédente vise à illustrer notre vision un peu simpliste voulant que le gouvernement actuel à Bagdad soit pratiquement aussi désolant que le gouvernement Maliki ne l'était. Je dirais qu'il est un peu mieux, et qu'il reconnaît à tout le moins le besoin d'adopter une approche plus inclusive. Toutefois, il reste à voir si nous avons besoin de Bagdad pour assurer la stabilité de l'Irak, et si une certaine décentralisation des pouvoirs et une reconnaissance que le fédéralisme fait peut-être partie de la solution...
À propos de l'éducation, il ne nous appartient pas, encore une fois, de dire au pays comment gérer son ministère de l'Éducation. À mon avis, le Canada, les États-Unis, les Britanniques et d'autres pourraient offrir des bourses d'études et sauver au moins quelques jeunes prometteurs. Sortons-les du pays pour leur offrir une éducation et les exposer à d'autres sociétés multiculturelles tolérantes. Même si les programmes de bourses touchent habituellement un si petit nombre d'étudiants qu'on pourrait se demander comment ils pourraient avoir une incidence sur l'ensemble du pays, l'effet sur la vie personnelle est énorme quand on pense à ce qui se passe lorsque ces gens retournent chez eux et apprennent à être de meilleurs citoyens qu'ils ne l'auraient été s'ils avaient reçu leur formation au pays.
Je tiens à remercier nos témoins d'être avec nous ce matin. Je pense que vos témoignages nous aident beaucoup.
J'aimerais aborder deux ou trois éléments. Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de temps pour chaque intervention.
Vous avez tous... et d'autres témoins nous ont également dit plus tôt que nous ne pouvons pas résoudre ce problème de l'extérieur. Nous avons entendu ce matin que nous ne serons probablement pas les principaux agents de changement. L'autre jour, d'autres témoins ont dit que nous ne devrions vraiment pas nous attendre à ce que la démocratie fonctionne dans le monde arabe d'aujourd'hui.
J'aimerais donc que vous répondiez à cette affirmation. Dans la conjoncture actuelle, est-il possible que des structures démocratiques fonctionnent bien dans le monde arabe?
Mme Abdo, je pense, a expliqué en quoi certains principes sont fort différents de ceux que nous appliquons en Amérique du Nord. Je m'intéresse au rôle que jouent ces principes dans les structures de gouvernance.
Je vous remercie de votre question, qui est fort importante.
Lorsqu'on examine les résultats des sondages, je pense que les plus fiables aux États-Unis proviennent de Pew Forum. La société a réalisé un sondage des plus intéressants sur ce que les musulmans de la société arabe pensent de l'apostasie, par exemple, du fait de couper des mains, et d'autres châtiments et punitions que nous considérons comme étant barbares. Ce qui est très intéressant à mes yeux, c'est qu'un grand pourcentage des gens sondés sont en faveur de ces politiques.
En réponse à votre question, j'ignore quelle est la solution ou comment y parvenir, mais comme vous le soulignez, je pense que nous devons aider les sociétés arabes à adopter une forme différente de gouvernance qui se situe quelque part entre l'extrémisme islamique et la dictature, puisque ce sont les deux pôles qui se disputent le pouvoir depuis maintenant 30 ans. Comme nous l'avons vu, l'une de ces formes de gouvernance l'a emporté sur l'autre à différents moments.
L'Égypte est actuellement dirigée par un gouvernement très répressif, bien plus que tout ce qu'ont fait les Frères musulmans ou même l'ancien président Moubarak. À l'inverse, on retrouve en Syrie et en Irak des groupes islamiques extrémistes qui gouvernent au moins une partie du territoire.
Je pense que l'Occident pourrait notamment être utile en aidant les dirigeants musulmans modérés — je déteste employer ce mot —, la population et la société civile modérée à envisager d'autres formes de gouvernance qui fonctionneraient là-bas. La solution n'est ni la démocratie telle que nous la connaissons ni le califat, pour la plupart. En fait, l'éducation fait partie de la solution.
J'aimerais brièvement parler de l'éducation pour répondre à la question précédente. Ce n'est qu'une réflexion. Il y a un grand mouvement en Europe visant à éduquer les penseurs religieux qui sont nés en Grande-Bretagne ou en France. Les États-Unis ont mis en place il y a 10 ans un programme très efficace, qui est maintenant associé à l'Université de la Californie, à Berkeley, où un séminaire forme les penseurs religieux américains. Je pense que c'est très important lorsqu'on aborde la question des combattants étrangers, car il importe...
... pour les musulmans qui vivent en Occident d'être instruits — s'il l'on parle d'éducation — par des spécialistes qui sont canadiens ou américains, pas des gens originaires du Pakistan, de l'Irak ou de la Syrie.
Je pense que mon temps est presque écoulé, mais j'aimerais savoir ce que cela signifie au plan national.
Peut-être que M. Gartenstein-Ross pourra répondre à ma question.
Pourquoi, de notre point de vue, les membres de la communauté musulmane sont-ils restés aussi silencieux? Ils semblent être incapables de dire où ils se situent face à ces questions dans la société nord-américaine. Est-ce parce qu'ils ne veulent pas répondre, qu'ils ont peur de le faire ou encore parce que ces principes sont différents même dans la communauté musulmane en Amérique du Nord et qu'ils ne sont pas certains de ce que devrait être leur réponse même dans notre société? Pourriez-vous mettre les choses en perspective pour nous?
Nous avons parlé de composer avec l'idéologie. Comment faire ici? J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Je pense que c'est une excellente question.
Dans ses remarques liminaires, Mme Abdo a parlé du fait que la communauté musulmane américaine n'a pas réussi à formuler cette vue radicale, cette réponse radicale à la question de l'extrémisme. J'ai trouvé sa présentation excellente et je crois comme elle qu'il est très important de prendre la religion au sérieux.
Nous vivons en grande partie dans un Occident postchrétien en ce sens que la chrétienté a déjà été au centre même de notre vision de la gouvernance. Ce n'est plus le cas. Notre perception des religions est bien différente de ce qu'elle aurait été au moment où elles ont été fondées. Scott Appelby a écrit un très bon livre intitulé The Ambivalence of the Sacred. Il fait valoir que les politicologues ont, en gros, deux visions de la religion: d'un côté, ils estiment que tout ce que la religion apporte est mauvais et, de l'autre, que tout ce que la religion apporte est bon. Je dirais qu'en Occident, on a plutôt tendance à opter pour la seconde option, à penser que les djihadistes ont tort, bien sûr, parce que la position qu'ils défendent est mauvaise. Mais ce n'est pas nécessairement vrai.
Voilà pourquoi dans ma présentation, j'ai insisté sur le fait que l'EIIL commet des erreurs, des digressions évidentes, même du point de vue d'un djihadiste salifiste. Un spécialiste modéré ne sera pas nécessairement en mesure de simplement défendre l'argument extrémiste, car il s'agit essentiellement d'un argument originaliste, d'une interprétation originaliste de la religion selon laquelle il faudrait laisser de côté des siècles de jurisprudence et le type de savoir qui a changé l'islam et a fait en sorte qu'il s'accorde davantage avec la société moderne. C'est ce qu'a fait la jurisprudence. L'argument salifiste est que tout cela n'est qu'une déviation de la religion; tout cela n'est que bidah, de l'innovation, et qu'il faut en revenir à la façon dont l'islam était pratiqué à l'origine. C'est un argument très convaincant.
Je pense qu'une de nos frustrations est que notre vision de la religion est très étroite, très occidentale et qu'elle ne correspond pas du tout à la perception qu'on en a dans le monde musulman ou même parmi nombre de musulmans en Occident. Cela crée de la frustration. Nous croyons que la religion devrait être quelque chose de positif. Elle devrait être en accord avec les principes démocratiques. Cependant, la religion est une question beaucoup plus complexe. De toute évidence, l'histoire de la chrétienté montre que la question est aussi beaucoup plus complexe que l'interprétation qu'on en fait aujourd'hui.
Merci beaucoup, monsieur Anderson.
Nous allons terminer la première ronde de questions avec M. Garneau, qui aura sept minutes.
Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Gartenstein-Ross.
Je suis d'accord avec vous que l'EIIL manie exceptionnellement bien les médias sociaux pour transmettre ce type de messages et de propagande. Ils créent un paradoxe dans mon esprit lorsqu'ils affichent une vidéo de 20 minutes montrant un pilote jordanien brûlé vif. Une partie de moi est persuadée que cela poussera tout le monde à vouloir vraiment détruire ce groupe. Parallèlement, ils ont manifestement une autre perception de l'effet qu'aura leur vidéo.
Pourriez-vous m'expliquer ce qu'ils visent, selon vous, lorsqu'ils affichent ces vidéos horrifiantes?
Ils ont plus d'un objectif. Ils prennent des personnes qui étaient, jadis, en position d'autorité, comme des journalistes ou des pilotes de chasse, et ils leur font subir les pires humiliations et défaites et, au bout du compte, des morts parmi les plus écoeurantes qui soit.
Je pense au cas du lieutenant al-Kasasbeh, le pilote de chasse jordanien, qui représentait... Au fond, ils expriment les frustrations que leur occasionne la campagne aérienne contre l'EIIL qui a été assez efficace. Non seulement a-t-il été brûlé vif, mais il a d'abord été castré et violé. Il a été traité avec une brutalité extraordinaire, même pour l'EIIL.
Maintenant, pour ce qui est de leur approche en général, je pense qu'ils commettent une erreur. Je l'ai mentionné dès le départ. Ils se trompent de bien des façons, ce qui explique pourquoi l'EIIL est beaucoup plus vulnérable à long terme qu'Al-Qaïda.
Ce type de débat a déjà été soulevé; Mme Abdo a d'ailleurs parlé d'un débat entre Al-Qaïda et Al-Qaïda en Irak, sous le commandement d'Abu Musab a-Zarqawi. Il portait sur la religion, comme elle l'a mentionné, mais aussi sur des questions stratégiques. Al-Qaïda a constaté que l'approche extraordinairement brutale de Zarqawi et ses hommes finissait par susciter une résistance localisée — les milices Sahwa, ou les mouvements d'éveil — qui a fini par faire reculer les troupes d'Al-Qaïda et vraiment les détruire. Il y a un amalgame de facteurs.
Le fait est que leur approche extraordinairement brutale a non seulement retourné les gens contre eux, mais les a aussi poussés à se venger de façon aussi effroyable qu'Al-Qaïda. On en a peu parlé, mais bien des meurtres en représailles et des humiliations sont attribués aux hommes d'Al-Qaïda après la période allant de 2007 à 2008 et leur défaite.
L'EIIL s'en remet beaucoup aux médias sociaux et aux jeunes. Cependant, nous comprenons que ce qui est populaire aujourd'hui ne le sera pas dans deux ans. Voilà pourquoi votre compatriote Justin Bieber ne continuera pas nécessairement à gagner en popularité. La plupart des gens considèrent qu'il a un plafond à atteindre et qu'à un moment donné, il n'aura plus la cote. C'est peut-être déjà fait.
C'est un exemple quelque peu humoristique, mais là où je veux en venir est que la brutalité extrême finira par s'atténuer. J'ai mentionné des façons dont cela pourrait arriver, mais laissez-moi vous parler d'une chose qui, selon moi, se produira à un moment donné — je vous le garantis —, car j'observe les cycles de vengeance en Irak depuis un certain temps.
À un moment donné, un groupe, peut-être qu'il s'agira de forces peshmerga voyous, publiera une vidéo. Ses membres ne révéleront probablement pas leur identité, mais ils prendront un homme de l'EIIL qui, au lieu d'être dans la position de force de celui qui décapite des gens, sera en larmes, humilié et soumis à une mort aussi brutale que celles qu'il a fait subir à ses ennemis.
Pareille démarche aura un effet énorme. Je n'y suis pas favorable, pas plus qu'aux meurtres brutaux en général, mais c'est ce qui finira par se produire. Leurs techniques se retourneront contre eux. À un moment donné, il y aura un règlement de comptes dans le cadre duquel la stratégie d'Al-Qaïda éclipsera celle de l'EIIL, car l'EIIL est allé trop loin.
Vous n'êtes pas censé mener une guerre sur deux fronts. Ils en mènent actuellement une sur au moins six fronts, et nombreux sont ceux qui leur souhaitent une mort atroce. Côté stratégie militaire, ils s'y prennent mal.
Nous avons tendance à concentrer nos efforts sur la défaite militaire de l'EIIL. Vous avez fait remarquer que nous devrions notamment nous attacher à mieux exploiter leur perte d'élan et à montrer plus efficacement comment on s'y prend pour les arrêter et, dans certains cas, retourner leurs efforts contre eux.
Ma prochaine question s'adresse à quiconque d'entre vous voudra y répondre.
L'EIIL a besoin non seulement de l'élan dont vous parlez, mais aussi de financement, de recrues et d'armes. À part les enjeux de gouvernance auxquels il devra faire face après avoir réglé toutes ces questions, à quel point les mesures de l'Occident ou de la coalition sont-elles efficaces pour les empêcher de trouver le financement, les recrues et les armes nécessaires? C'est une question très vaste.
Je doute que nous saurions en détail tout ce que les services de renseignement surveillent, mais j'ai l'impression que nous ne devrions pas trop miser sur notre capacité de les bloquer avec des sanctions bancaires, par exemple. Ils ont littéralement été capables de cambrioler des banques et de recueillir suffisamment de financement à très petite échelle par la contrainte et l'intimidation.
Certaines personnes ont interprété la rançon de 200 millions de dollars qu'ils ont réclamée pour les otages japonais comme le signe qu'ils ont au moins temporairement épuisé leur financement. Leur sentiment de sécurité financière fluctue grandement, mais je pense que dans l'environnement dans lequel ils opèrent, ils sont trop mobiles pour que nous puissions les empêcher d'accéder aux ressources locales. Il est peu probable que nous soyons en mesure d'intervenir de loin et de réussir à bloquer complètement leurs finances, contrairement aux Iraniens ou aux Russes avec leurs sanctions.
Côté armement, je pense qu'ils sont clairement vulnérables puisqu'ils se battent comme une armée conventionnelle et non comme une force d'insurrection. Ils utilisent des chars d'assaut, des Humvees, des véhicules blindés lourds et ils n'ont pas de base industrielle pour se réapprovisionner. C'est la raison pour laquelle les frappes aériennes ont été relativement efficaces.
Je dirais que pour accélérer leur déclin à cet égard, l'une des options est de modifier la cible des frappes aériennes. En ce moment, ces frappes visent d'abord les principaux dirigeants et, ensuite, les opérations cinétiques de l'EIIL. Si nous ciblions aussi le leadership tactique, cela nous aiderait à accélérer leur déclin à cet égard.
Merci beaucoup.
Nous allons amorcer notre deuxième ronde de questions, pour lesquelles vous aurez cinq minutes chacun.
Je vais commencer par M. Hawn.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de s'être joints à nous.
Les témoignages ont été très intéressants, bien que quelque peu décourageants, surtout celui de Mme Abdo. Ce qui me préoccupe, comme vous l'avez fait remarquer, c'est l'impuissance de la majorité des gens dans le monde musulman pour contrer la minorité violente. Comme nous l'avons mentionné, nous ne pouvons pas leur imposer de solutions; ils doivent les trouver eux-mêmes.
Pour ce faire, il faut notamment comprendre l'islam et la gouvernance, comme vous l'avez dit. Dans le monde chrétien, nous avons séparé la religion et l'État, mais il me semble que dans le monde musulman, la religion et l'État ne font qu'un; c'est l'islam qui gouverne. Toutes les mesures qu'ils prennent sont fondées sur le Coran, sur des siècles de jurisprudence. Comment lutter contre cela?
Des personnes qui ont témoigné mardi ont fait valoir que la chrétienté s'est formée sur une certaine période. À mon sens, l'islam a besoin de croître. Cela finira-t-il par se produire? Nous ne pouvons pas attendre pendant 800 ans qu'il grandisse comme l'a fait la chrétienté. Comment faire? Comment faire pour entrer dans les écoles où nous nous préoccupons des enseignements dispensés, et dans les mosquées, et comment faire pour contrôler ce que certaines personnes enseignent au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et ailleurs? Comment faire pour entrer à ces endroits et travailler avec ces gens pour donner du pouvoir à la majorité, réellement changer les choses et commencer à instaurer une séparation de la religion et de l'État dans le monde musulman? Cela se produira-t-il jamais?
Madame Abdo.
Je suis désolée d'être porteuse de mauvaises nouvelles, mais je pense que la question que nous devons nous poser n'est pas celle de savoir comment nous pouvons les forcer à séparer la religion et l'État.
Avant de répondre à la question, je veux simplement faire remarquer que, dans un sens, ce n'est pas la première fois dans la tradition islamique que l'on avance ces types d'idées extrémistes. L'islamisme classique a une longue histoire et compte des spécialistes et idéologues comme Ibn Taymiyyah et Hassan al-Banna. Il y a toujours eu des cycles de pensée radicale qui ont influé sur les sociétés islamiques, bien entendu pas aussi violents que ce que nous voyons aujourd'hui, mais peut-être que c'est simplement une réalité du monde moderne. La technologie contemporaine est meilleure, les armes aussi. Les extrémistes n'opèrent plus comme ils le faisaient dans les années 1990. À cette époque, en Égypte, on attaquait les ministres dans le cadre d'opérations militaires assez primitives. Je crois qu'il faut séparer la technologie et les instruments du monde moderne et la théologie islamique ou faire la distinction entre ce qui relève de la théologie et ce qui relève dans la tradition islamique.
Je vais vous donner un exemple. Les attitudes anti-shiites existent depuis des siècles parmi les sunnites; la différence aujourd'hui, c'est qu'ils disposent d'un nouvel instrument pour exprimer cette intolérance et cette haine: les médias sociaux.
Je pense que ces questions font partie des obstacles, mais que l'histoire moderne de ces mouvements islamiques a montré qu'à un moment donné, l'opinion publique se retourne contre eux, alors tout n'est pas perdu. L'exemple précis dont il a été question depuis la mort tragique du journaliste japonais remonte à 1997, année où al-Gama'a al-Islamiyya, groupe égyptien le plus militant qu'on eut vu depuis un certain temps, a tué un lot de touristes et de musulmans à Luxor, en Égypte. À toutes fins pratiques, cet attentat a marqué la fin du mouvement. Je pense que la question qui se pose maintenant est celle de savoir à encore combien de ces incidents vraiment épouvantables l'EIIL pourra survivre avant que l'opinion publique ne se retourne contre lui de façon signifiante?
Je pense que l'Occident peut essayer d'aider certains dirigeants religieux. Je crois qu'il y a 180 érudits religieux qui ont récemment signé une pétition contre l'EIIL. Comment l'Occident peut-il aider ces personnes à accéder à de plus grandes tribunes pour que les voix des extrémistes ne soient pas les seules que l'on entende? Comme je l'ai mentionné plus tôt, je ne pense pas que les érudits religieux qui s'opposent à l'EIIL, à cette interprétation de l'islam, transmettent leurs messages efficacement, que ce soit en Occident ou dans le monde arabe. Je crois que ce serait une façon pour l'Occident d'intervenir.
C'est tout le temps que nous avions, alors nous devrons peut-être reprendre plus tard.
Madame Laverdière, la parole est à vous pour cinq minutes.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Merci pour ces trois présentations très intéressantes.
Bien sûr, notre but est d'obtenir des recommandations pour l'avenir, mais peut-être que nous aurions intérêt à regarder un peu en arrière pour mieux comprendre comment prendre de meilleures décisions futures.
Vous avez mentionné quelques échecs passés, notamment le printemps arabe — ou peut-être que vous n'avez pas parlé d'échec dans ce cas. Vous avez dit, entre autres, que les jeunes gens qui sont membres de l'EIIL avaient un programme différent il y a quelques années, car ils participaient au printemps arabe.
Qu'aurions-nous pu mieux faire, le cas échéant, pour soutenir le printemps arabe, veiller à ce qu'il fonctionne et éviter que certaines personnes se radicalisent par la suite?
Merci beaucoup. Je devrais clarifier ce point. Je ne veux pas simplifier à outrance ou trop généraliser. Il semblerait que les jeunes Tunisiens soient surreprésentés dans l'EIIL. C'est surprenant pour un pays aussi petit et homogène que la Tunisie que plus de 3 000 jeunes ressortissants aient joint les rangs de l'EIIL. Nous croyons savoir qu'au moins une partie d'entre eux étaient partisans de Nahdha; ils étaient partisans de Rashid al-Ghannushi, qui est aussi proche que l'on puisse l'être d'un penseur islamique réformiste modéré, et ils ont été désenchantés de voir que leur opinion concernant leur relation avec l'État ne changeait pas immédiatement.
Je pense que l'Occident s'est vraiment efforcé d'être utile pendant la première année du printemps arabe. Il a fait une contribution importante, le partenariat de Deauville, et a suggéré toute une série de mesures potentielles. Dans les faits, il n'est pas arrivé à offrir l'aide internationale, la création d'emplois, le soutien au secteur privé et tout cela suffisamment rapidement ou à suffisamment grande échelle. Dans le cas de la Tunisie, nous sommes sur le point de publier un rapport, qui reprend les idées énoncées dans le plan Marshall, sur ce que nous aurions pu faire pendant le printemps arabe. En fait, la Tunisie est le pays où la situation s'est le mieux passée et qui est toujours sur la voie de la réussite, plus que tout autre pays arabe, mais ses propres parlementaires nouvellement élus ne savaient pas comment apporter les changements nécessaires à la législation pour que l'on puisse prendre des mesures au plan économique. Ils n'ont pas réussi à ouvrir le système bancaire, à réunir les conditions propices à une nouvelle initiative économique; on pensait toujours en termes étatistes.
Je crois qu'il reste du travail à faire, mais à l'ère de information médiatique, les gens ont rapidement décidé que le système ne fonctionnait pas — c'est la triste vérité. C'est ce qui s'est produit en Égypte. Ils n'ont pas eu la patience d'attendre que la transformation s'opère. Je ne blâme pas l'Occident pour cet échec. En outre, je dirais que l'Occident a clairement dit que nous voulions répondre aux demandes des Arabes. Nous ne voulions pas décider à leur place de la nature de leur politique. Dans le cas de la Libye, nous avons attendu bien trop longtemps parce que nous attendions qu'un gouvernement libyen incompétent demande de l'aide, mais nous avons dit que nous ne déterminerions pas ce dont ils avaient besoin avant qu'ils nous en fassent la demande. Ils ne pouvaient pas le faire; ils ne savaient pas comment s'y prendre. Des faux pas ont été commis de part et d'autre dès le départ.
Nous ne devrions pas abandonner le printemps arabe. Je pense toujours qu'il marquera dans l'histoire le point tournant où les sociétés arabes ont décidé de prendre position et de demander à avoir plus de pouvoir. Cela ne signifie pas que la route vers la démocratie sera sans embûches, mais je pense que les relations entre l'État et la société sont en train de changer dans le monde arabe. Nous venons simplement d'amorcer le processus.
Si vous avez le temps, peut-être que vous pourriez donner des détails supplémentaires concernant la situation en Jordanie. Comment la percevez-vous? Vous avez mentionné qu'elle commençait à être touchée par les actions récentes de l'EIIL et la réaction de la population aux événements récents.
J'y étais en octobre et j'étais d'avis que les Jordaniens niaient généralement que l'EIIL présentait un problème pour eux à l'échelle nationale. Je crois que, à court terme, les Jordaniens font vraiment front commun, mais ils veulent se battre maintenant. Le roi veut prendre place dans le cockpit d'un avion de chasse. Si j'étais responsable de sa sécurité, je dirais « Vous plaisantez ». Quelle tragédie ce serait si le roi devait se retrouver dans une bataille contre l'EIIL. Je pense que la Jordanie a toujours été un pays vulnérable, mais qui entretient des liens étroits avec l'Occident. C'est donc dire qu'on mettra l'accent sur la sécurité et qu'on renforcera les mesures à cet égard en Jordanie, mais je pense qu'ils survivront.
Merci d'avoir été brève.
Nous allons revenir ici pour terminer la deuxième ronde. Monsieur Goldring, vous avez cinq minutes.
Je remercie les témoins pour leurs présentations.
Madame Abdo, on a mentionné que la chrétienté avait évolué, mais je pense que nous avons vu au cours des dernières années que ce n'est pas nécessairement le cas. On n'a qu'à penser au terrorisme en Irlande ou à l'intervention de ce que Moscou qualifie d'armée orthodoxe, armée qui, dans les faits, persécute d'autres chrétiens orthodoxes en Ukraine au moment où l'on se parle...
Il y a l'Assemblée interparlementaire de l'orthodoxie, qui compte des parlementaires de 25 pays. En fait, ce sont les députés plutôt que les pays qui sont orthodoxes.
Selon vous, cela serait-il utile ou existe-t-il une organisation semblable qui réunisse les parlementaires arabes non seulement des pays arabes, mais aussi des États-Unis, du Canada et d'autres pays?
Une grande partie de cette situation semble être le fruit de sérieux malentendus. Lorsque nous pensons à notre Charte des droits et libertés et à notre liberté d'expression, elles semblent contraires aux croyances d'autres sociétés et cultures. Je crois que les discussions dans ces forums pourraient nous être très utiles pour améliorer notre propre charte des droits.
Pourriez-vous vous prononcer là-dessus, s'il vous plaît?
Merci d'avoir posé la question.
Bien entendu, comme nous devons tenir compte des dirigeants élus dans la plupart des pays après les soulèvements arabes — à l'exception peut-être maintenant de la Jordanie et de la Tunisie — qui ont perdu de la crédibilité, au lieu des parlementaires, nous observons l'émergence d'acteurs non étatiques. Comme je l'ai expliqué, ce sont eux qui sont en conflit. Ce sont eux qui prennent ces types de décisions.
S'il est question de délégations, je crois que dans le cas d'un pays comme l'Égypte, une institution comme Al-Azhar pourrait être utile. Son dirigeant est nommé par l'État égyptien — cela a toujours été le cas —, mais il s'agit d'une institution religieuse. Comme je l'ai mentionné plus tôt, une institution nationale comme celle-là — bien que sa légitimité et le respect que lui portent les sunnites soient discutables — est le genre d'entité avec laquelle l'Occident pourrait peut-être faire affaire dans le type de forum et de format dont vous parlez. Elle a perdu de la crédibilité au fil du temps. Les érudits religieux qui en font partie discutent activement du rôle de l'État dans la religion, de l'interprétation de l'islam. Peut-être qu'elle pourrait jouer un rôle dans le type de système auquel vous faites allusion.
Ces institutions existent partout. On en trouve au Liban. Il y en a des chiites et des sunnites. Elles se sont toutes penchées sur ces questions, mais n'ont pas de façon centralisée d'échanger leurs idées.
Maintenant que ces acteurs non étatiques sont transnationaux, ce qui survient au Liban ne reste plus au Liban. Même chose en Syrie. Il est encore plus nécessaire pour ces types d'institutions, non pas parlementaires, mais religieuses, de se rassembler pour tenter de régler certaines de ces questions.
Je vais vous donner un petit exemple. Il y a deux semaines, une délégation de chefs tribaux de la province d'Anbar est venue à Washington pour faire pression auprès du gouvernement des États-Unis afin qu'il l'aide davantage à combattre l'EIIL. Certaines de ces organisations ne font pas nécessairement partie de l'État, mais elles ont énormément de pouvoir dans les sociétés arabes. Je pense que les gouvernements ont besoin de faire davantage affaire avec ces types d'organisations nébuleuses.
Vous avez parlé de la question en France. Elle a aussi fait l'objet de débats animés au Canada. Notre propre SRC a refusé de diffuser l'image. On a critiqué son refus parce qu'elle ne faisait pas preuve de suffisamment d'ouverture. De toute évidence, cela pose problème. Nous devons trouver des façons d'être plus respectueux des cultures pour ne pas provoquer de représailles inutiles dans certains de ces autres pays et cultures.
Merci beaucoup, monsieur Goldring. C'est tout le temps que vous aviez.
Nous allons maintenant amorcer notre troisième ronde avec M. Anderson. Vous avez cinq minutes.
J'aimerais enchaîner avec Mme Laipson.
Tout à l'heure, vous avez formulé des commentaires au sujet de l'éducation et des bourses. Je crois que nous y sommes tous favorables, mais j'ai en tête la déclaration du jésuite qui disait que si on lui confiait un enfant pendant sept ans, il vous rendrait un homme. Je me demande simplement comment nous pouvons faire pour être efficaces.
L'islam est bien conscient de l'idée qu'il faut instruire les jeunes. Dans quelle mesure serons-nous capables d'approcher un étudiant de niveau universitaire et de lui dire, « Nous allons vous offrir une bourse pour que vous veniez étudier en Amérique du Nord »? À qui devons-nous offrir ces bourses pour être efficaces? Comment traiter cette question? Allons-nous réussir à changer les valeurs fondamentales d'une personne lorsque nous la faisons venir ici à l'âge de 20 ans?
J'aborde cette question avec beaucoup d'humilité. Je suis certaine qu'il y a des gens qui peuvent analyser cette question beaucoup plus soigneusement que moi.
J'avoue que, en offrant des bourses de niveau universitaire, nous essayons, en gros, de maintenir une élite, d'assurer la durabilité d'une élite pro-occidentale. Il n'est pas question de transformer des sociétés — au Maroc, en Égypte, au Yémen et dans les pays densément peuplés — à la base desquelles un groupe démographique n'aura jamais accès aux études supérieures ou du moins aux études supérieures occidentales. Dans un pays comme le Pakistan, quelques bourses occidentales ne remplaceront pas le système de madrasas.
Je ne laisse pas entendre que cette solution serait suffisante, mais je pense qu'elle peut jouer un rôle utile, car nous voulons qu'au moins une partie de l'élite de ces pays conserve des valeurs cosmopolites. Je pense que si l'on regarde l'histoire des dernières décennies, l'on peut voir comment une intervention auprès de jeunes de 18 ans venus faire des études de premier ou de deuxième cycle a pour effet de les inspirer à devenir des chefs de file dans leurs propres pays. Je pense qu'il y a lieu de penser qu'ils contribuent à une bien meilleure relation avec l'Occident.
Cela ne suffit pas. Je ne laisse pas entendre que nous pourrions dispenser suffisamment d'enseignements ou offrir suffisamment de bourses d'études pour transformer ces sociétés à la base. Cela doit se faire dans ces pays mêmes et ce, dès le primaire.
C'est bien.
J'aimerais revenir à un autre commentaire que vous avez fait plus tôt. Vous avez dit que cette théologie ou idéologie ne s'était pas encore rendue en Asie. Cependant, il y a des insurrections islamiques dans divers pays asiatiques, dans des régions où l'on instaure la charia ou l'on réclame qu'elle soit instaurée et où il y a des mouvements séparatistes et ce genre de choses.
Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendiez par là? Cela semble plus international que votre commentaire l'a laissé entendre et cela a une influence dans le monde entier. J'aimerais savoir si vous voulez clarifier cette déclaration ou peut-être la défendre; je ne suis pas certain.
C'est clair que certains de ces débats politiques sur l'islam sont soulevés aux Philippines, en Malaisie, en Indonésie, en Inde, dans des pays qui comptent des minorités ou des majorités musulmanes. Nous avons étudié avec soin la question de savoir si l'on est d'accord avec l'idée d'un califat au Pakistan, par exemple. Nous essayons de voir si l'idée s'est propagée. Cela pourrait se produire, et je suis sûre qu'il existe des particuliers ou des enclaves de personnes qui sympathisent avec l'EIIL dans les pays asiatiques, mais en ce moment, cela semble plus être un phénomène dans le monde arabe que dans le reste du monde musulman.
Encore une fois, je pense qu'il y a lieu de suivre la situation de près.
C'est donc dire que la théorie est habituellement fondée sur le califat, et vous parliez de sa création.
J'ai une question pour M. Gartenstein-Ross. J'ai trouvé vos commentaires concernant la propagande et les messages très intéressants. En fait, quelques témoins en ont parlé.
Selon vous, quelle serait une façon efficace d'interrompre cette pratique? Manifestement, en tant qu'acteurs responsables, nous devons faire ce que nous pouvons en application de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies — non seulement ici, mais aussi dans la région. Avez-vous des idées sur ce point?
J'ai trouvé très intéressant de vous entendre suggérer que Daesh ou l'EIIL est très vulnérable même si le public semble croire qu'il gagne en force et est sur une lancée. Je comprends votre évaluation, mais que pourrions-nous faire pour perturber et entraver efficacement leurs actions, en particulier leurs messages — comme vous l'avez si bien fait remarquer —, leur façon d'utiliser la propagande?
Je vais commencer par la solution la plus immédiate et la moins efficace, qui consiste, manifestement, à retirer les fils Twitter, les vidéos, les trucs du genre, et à faire en sorte que des services comme Twitter ou Facebook le fassent aussi; cela peut avoir un effet perturbateur. Cependant, je pense que pour une campagne de messages, nous cherchons évidemment une solution beaucoup plus raffinée que cela.
Comme je l'ai dit, je ne pense pas qu'une campagne de messages puisse être menée par un politicien qui parle, du haut de son estrade, de la faiblesse réelle de l'EIIL. Au lieu de cela, les États-Unis, le Canada et d'autres pays ayant des activités en Irak détiennent beaucoup de renseignements concernant ce groupe. Je crois qu'il est extraordinairement important de veiller à ce que l'information soit transmise aux bonnes personnes, c'est-à-dire à des médias crédibles, tant en Occident que dans le monde arabe. Cela peut avoir un effet perturbateur.
La première chose à faire serait de montrer leurs pertes, et je pense même qu'il y aurait lieu de préparer des dossiers pour les journalistes décrivant très nettement les pertes que le groupe a essuyées. Il y a, par exemple, une nouvelle étude dans laquelle il est écrit que le territoire de l'EIIL a doublé en Syrie. C'est inexact. J'ai suivi le dossier de très très près. Son territoire n'a pas doublé. Si l'on prend la plupart des gains réalisés par les groupes djihadistes... voyez-vous, les groupes djihadistes gagnent du terrain, mais c'est surtout le front Al-Nosra, principal concurrent de l'EIIL, qui fait des ravages depuis les derniers mois. Même chose en Irak, le fait qu'ils ont perdu Sinjar, qu'ils éprouvent de plus en plus de difficultés au plan logistique et que Mossoul est de plus en plus encerclée, sont les types d'éléments qui peuvent illustrer clairement leur perte d'élan; pour l'instant, ces renseignements ne sont pas diffusés.
On pourrait aussi montrer les cas où ils exagèrent la portée de leurs actions. Ils exagèrent constamment et ont réussi à en faire parler dans les médias. J'ai déjà mentionné Derna, dont ils ont réussi à convaincre divers médias occidentaux qu'ils avaient pris le contrôle alors que ce n'était pas vrai. Ils participent à cette campagne pour donner l'impression que diverses organisations djihadistes s'étaient jointes à l'EIIL alors que ce n'est pas le cas. Ansar al-Sharia, en Tunisie, en est un exemple. Un autre cas est celui dans lequel ils ont réussi à convaincre certains de leurs partisans au sein de la brigade Uqbah Ibn Nafi, également basée en Tunisie, de publier un communiqué leur étant favorable, ce qui a fait que, pendant un certain temps, les gens ont pensé que cette brigade s'était ralliée à l'EIIL. C'est ainsi qu'ils s'y prennent pour faire croire qu'ils ont de l'élan.
Un autre point remarquable est que le 10 novembre, ils ont réussi à convaincre un certain nombre d'organisations de jurer leur allégeance, leur bay'ah, à l'EIIL, exception faite d'Ansar Bayt al-Maqdis, en Égypte. Non seulement elles ont toutes juré allégeance à l'EIIL par le passé, mais elles l'ont fait à maintes reprises. C'est intéressant, non? Cela prouve en fait leur désespoir. Mais nous n'avions pas de message dans lequel nous pouvions informer les journalistes de cette annonce et du fait que ces groupes n'en étaient pas à leur première allégeance. Ils essaient de donner à la chose plus d'importance qu'elle en a vraiment.
Le dernier point porte sur les atrocités commises par l'EIIL. J'ai beaucoup d'échanges sur Twitter avec des partisans de ce groupe, qui sont vraiment agaçants, mais une chose intéressante à leur sujet est qu'ils sont nombreux à ne pas croire les atrocités commises par l'EIIL même quand ce dernier les revendique. Cela me montre que parmi les partisans de l'EIIL en Occident, et même dans le théâtre des opérations, certains ne croient simplement pas les actions du groupe. Comme l'un d'entre eux m'a dit pendant une conversation, ce ne sont que des photos ou cela n'est pas arrivé.
Je pense qu'il faut faire ressortir leurs actions et pouvoir plus efficacement les montrer. Regardez, dans leur propre magazine, Dabiq, ils ont consacré un article complet au rétablissement de l'esclavage sexuel. C'est une de leurs pratiques, en fait. Ils réduisent des femmes à l'esclavage. C'est dégoûtant. On en a parlé dans les médias, mais les atrocités qu'ils commettent sont importantes parce qu'elles sont contraires à leur interprétation extrémiste de la charia, mais aussi parce que, même s'ils arrivent à inventer une justification fondée sur la charia, nombre de leurs partisans sont si profondément troublés par les actes qu'ils commettent qu'ils choisissent de ne pas y croire. C'est en partie notre faute, car nous ne transmettons pas l'information que nous avons aux journalistes, qui pourraient clairement illustrer les actions de l'EIIL.
Pour revenir à ce qui n'est pas arrivé, même après l'incident du 22 octobre survenu à Ottawa, quelqu'un a presque immédiatement affiché un message sur Facebook pour dire que ce n'était pas arrivé et qu'un Canadien avait tout inventé. Eh bien, je peux garantir que tous les gens dans la salle étaient présents ce jour-là et que c'est bel et bien arrivé.
C'est la réponse à ce message qui est importante, à mon avis. Nous avons un grand nombre de djihadistes au Canada. Le SCRS dit qu'il surveille environ 140 individus, mais vous pouvez être certains qu'ils sont beaucoup plus nombreux. Je pense que c'est très efficace, mais que pouvons-nous faire? C'est peut-être une question naïve, mais je sais que les deux hommes qui ont commis ces crimes à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa en octobre n'étaient pas membres de l'EIIS. Le groupe ignorait qui ils étaient, mais ils ont lancé cette campagne de propagande et savent qu'ils ont des grenades disposées un peu partout dans le monde qui peuvent exploser en tout temps. Bien entendu, cela cadre parfaitement avec leurs plans.
Des contre-mesures dont vous avez parlé, à quel point pouvons-nous prendre des mesures musclées en cette période de rectitude politique? Nous avons des communautés au Canada, et vous en avez aussi aux États-Unis, qui sont particulièrement vulnérables. Dans ma ville, Edmonton, la communauté somalienne est particulièrement vulnérable.Trois membres de la communauté somalienne d'Edmonton ont été tués récemment, ce qui a créé un certain émoi. Comment pouvons-nous atteindre ces communautés vulnérables sans être accusés d'être politiquement incorrects parce que nous transmettons des messages préventifs?
Je pense qu'il existe de multiples façons de le faire. La communauté somalienne est un excellent exemple. Aux États-Unis, la communauté somalienne à Minneapolis-St. Paul est passée d'histoire d'horreur à modèle de réussite. C'est un peu plus ambiguë en ce moment.
Au départ, vous aviez un certain nombre de combattants étrangers dans la communauté, bien avant l'EIIS. Vous aviez un certain nombre d'Américains qui s'étaient rendus en Somalie pour combattre le groupe extrémiste Al-Shabaab. Les Canadiens l'ont fait aussi. Même s'il y avait beaucoup d'enthousiasme au départ dans la communauté à l'égard du prédécesseur d'Al-Shabaab, l'Union des tribunaux islamiques, en partie parce que les grands ennemis des Somaliens, les Éthiopiens, avaient envahi... Les deux pays ont un très long passé.
Malgré cette ferveur nationaliste hâtive, les membres des communautés ont vu leurs fils se battre et mourir, souvent tués par leurs propres soi-disant frères d'armes. Ils ont aussi vu le premier kamikaze américain, Shirwa Ahmed, un diplômé de l'école secondaire Roosevelt, qui a changé leur perception des organismes locaux d'application de la loi, qu'ils voient maintenant comme étant un rempart pour empêcher les gens d'entrer au pays plutôt que comme étant l'ennemi. C'est un aspect de ces messages. Je pense que les partenariats communautaires sont importants.
J'étais à Ottawa il y a quelques années pour participer à une conférence sur la radicalisation des jeunes somaliens. Je comprends donc à quel point il est difficile de lutter contre ce problème au Canada, mais il y a un exemple de réussite aux États-Unis. Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre de l'exemple de Minneapolis-St. Paul.
La deuxième mesure est à plus grande échelle. Je pense qu'ils ont une campagne de sensibilisation très efficace en ce moment. À plus long terme, comme je l'ai dit clairement plus tôt, je pense qu'ils auront de graves ennuis. Nous pouvons accélérer les choses en nous assurant que des médias crédibles obtiennent des exemples, comme je l'ai dit plus tôt, de leurs pertes et de leurs atrocités. Cela accélérera la propagation de la toxicité dont ils sont responsables. C'est une raison pour laquelle, même si les jeunes dans le monde islamique ont été grandement inspirés par al-Zarqawi entre 2005 et 2007 et même après son décès, à partir de 2008-2009, il n'était plus une source d'inspiration pour personne.
Ils ont des messages qui agiront sur eux comme des bombes. Plus nous pouvons faire en sorte que cela se fasse rapidement, mieux ce sera.
Permettez-moi de dire une dernière chose: le déclin de l'EIIL n'est pas synonyme du déclin du djihadisme. Je pense que c'est vraiment un défi générationnel, mais plus l'EIIL sera démantelé rapidement, mieux ce sera. Il y a une foule de raisons à cela, dont l'une d'elles fait paraître Al-Qaïda comme étant un groupe plus modéré.
Mme Laipson a parlé de la situation en Jordanie. Le régime jordanien a notamment jonglé avec l'idée qu'Al-Qaïda puisse servir de rempart contre l'EIIL. C'est une raison pour laquelle des ecclésiastiques extrémistes comme Abu Muhammad al-Maqdisi sont libérés de prison. Il a été un mentor pour Zarqawi et était un fidèle d'Al-Qaïda. Il a été l'un des négociateurs jordaniens qui ont essayé de faire libérer le lieutenant al-Kasasbeh.
C'est un exemple qui illustre à quel point cette organisation très extrémiste nous nuit, et ce plus que n'importe quelle autre auparavant. Cela a créé une situation où Al-Qaïda paraissait être un groupe modéré, ce qui est en soi un énorme problème.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons.
Nous allons céder de nouveau la parole au NPD.
Monsieur Toone.
Je tiens à remercier les témoins de leurs déclarations. Elles ont été très éclairantes.
Je m'intéresse surtout au concept général selon lequel nous sommes en présence d'un problème générationnel. Il n'y a donc pas de solution rapide et facile. Nous devons vraiment examiner la situation à long terme.
Si vous me permettez de revenir sur certaines mesures concrètes immédiates que nous pourrions prendre, l'une des mesures dont nous avons discuté était d'ordre financier. Vous avez mentionné que l'EIIL a répondu à ses besoins financiers en procédant récemment à des demandes de rançons de 200 millions de dollars. J'aimerais voir ce que nous avons fait pour essayer de stopper l'enrichissement de l'EIIL. On a également mentionné que le groupe cambriole des banques. J'imagine qu'il vole des banques sur son propre territoire et non pas à l'extérieur. Que faisons-nous pour stopper l'entrée de fonds dans ce territoire? Y a-t-il quelque chose de plus que nous puissions faire?
Le département du Trésor des États-Unis a le pouvoir de travailler avec les banques centrales et commerciales dans de nombreux pays par l'entremise d'autorités de lutte contre le terrorisme existantes. Il y a une grande coopération à l'échelle mondiale pour essayer de mettre fin au financement des activités terroristes.
D'après votre interprétation de nos remarques précédentes, certains de leurs stratagèmes financiers sont très locaux. Nous ne sommes pas sur le terrain en Syrie. Nous ne sommes pas physiquement présents à Mossoul et dans certaines villes que l'EIIL contrôle dans l'ouest de l'Irak. Je pense que nous — si vous parlez des Nord-Américains — ne participons pas directement aux efforts pour stopper le financement de leurs activités. Je pense que nous essayons d'aider les Irakiens et l'opposition syrienne à faire du mieux qu'ils peuvent.
Je ne crois pas, à ma connaissance, que l'EIIL soit financé par de l'argent provenant de sources internationales. Il obtient ses ressources à l'échelle locale ou par l'entremise de dons qui lui sont versés par des filières et des réseaux non officiels.
Les mesures qui pourraient être prises sont assez limitées à cet égard.
Pour ce qui est des personnes déplacées, leur nombre est énorme dans cette région. Les Nations Unies estiment que près de cinq millions de personnes ont besoin d'une forme quelconque d'aide humanitaire. Comment nous en sortons-nous pour ce qui est de l'aide que nous offrons dans cette crise humanitaire?
Je vais me concentrer sur quelques points et j'en évoquerai peut-être d'autres plus tard. Vous avez notamment parlé de l'esclavage sexuel des femmes. Sommes-nous en mesure d'apporter de l'aide à ce niveau? Les ONG interviennent-elles à cet égard? Y a-t-il quelque chose de plus que nous pourrions faire à ce sujet?
Aux États-Unis à tout le moins, nous avons une vaste opération. Nous sommes le pays qui offre le plus d'aide aux Syriens en difficulté. Nous aidons ceux qui sont en Syrie — et il existe des filières très fragiles qui ont été créées pour tenter de venir en aide aux gens qui vivent toujours sur le territoire syrien — et ceux qui sont à l'extérieur du pays.
Je pense que les Nations Unies sont consternées que certaines demandes d'aide d'urgence pour des réfugiés syriens demeurent sans réponse. Je pense qu'elles ont recueilli moins de la moitié de l'argent qu'elles avaient prévu d'amasser dans la dernière année civile. Je ne sais pas quel est leur objectif pour 2015.
Les Turcs ont offert beaucoup d'aide en nature aux réfugiés syriens et ne sont pas trop certains dans quelle mesure ils veulent que la communauté internationale soit leur partenaire. Ils veulent faire leur part eux-mêmes.
Je pense que nous ne pouvons répondre qu'à une petite partie des besoins. Il y a des familles et des enfants syriens en détresse que la communauté internationale n'a pas réussi à aider.
Je vais ajouter quelque chose brièvement au sujet du Liban.
La statistique officielle est que les réfugiés syriens représentent le quart de la population du Liban, et on considère que c'est un chiffre modeste. Je pense que le Liban est un excellent exemple de pays qui pourrait être gravement touché par les réfugiés syriens, car la situation est critique, et ce depuis longtemps, depuis le début de la guerre en Syrie. Le Liban sera-t-il entraîné dans ce litige?
Je pense que les gouvernements occidentaux doivent absolument régler la crise des réfugiés au Liban, car nous ne voulons pas qu'il devienne un autre État en péril.
Les Nations Unies sont complètement débordées au Liban. Il y a des enfants partout dans les rues de Beyrouth — des réfugiés syriens — qui mendient et volent, souvent pas pour leur famille, mais pour envoyer de l'argent à des organisations en Syrie. Il y a des passeurs notamment.
C'est un problème grave à bien des niveaux, car cela nuit à l'économie et à la stabilité politique au Liban. La situation affaiblit le pays et aggrave l'instabilité.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Toone.
Nous sommes maintenant à la quatrième série de questions. Je pense que nous entendrons M. Goldring et M. Garneau, puis nous finirons avec M. Anderson.
Monsieur Goldring, vous avez cinq minutes.
Monsieur Gartenstein-Ross, vous avez mentionné la vulnérabilité de l'EIIL et abordé brièvement son accès à de la machinerie lourde, à des chars d'assaut, à des pièces d'artillerie et à ce genre de matériel pour pouvoir mener ses combats. Quelle incidence les troupes amies, les alliés, ont à cet égard? Y a-t-il un approvisionnement continu et, le cas échéant, d'où provient-il? Vous avez dit qu'il vole le matériel dans les pays voisins, mais est-ce que c'est tout? De toute évidence, il lui faudrait de l'artillerie de longue portée et des chars d'assaut pour ses opérations. Où se procure-t-il cet équipement?
Initialement, l'équipement provenait des bases syriennes qu'il envahissait pour se procurer des véhicules blindés lourds, de l'artillerie, etc. L'EIIL a pris le contrôle d'un certain nombre de ces bases. Lorsqu'il est entré en Irak en juin, il s'est emparé d'une grande partie du territoire, dont un certain nombre de bases irakiennes. Ces opérations lui ont permis de mettre la main sur beaucoup plus de véhicules blindés durant cette période et il a pris le contrôle de certaines de ces bases depuis.
Mais c'est une région où le groupe a des difficultés, car il n'a pris le contrôle d'aucune base au cours des derniers mois. Il a fait de sérieuses tentatives, dont celle en décembre aux bases aériennes d'Assad, mais il s'est fait rabrouer.
Une chose qu'il est extrêmement important de surveiller, c'est lorsqu'il exécute une offensive contre des bases, car il essaie de s'emparer de l'équipement qui s'y trouve. C'est la seule façon que le groupe peut mettre la main sur certaines armes. Il y a d'autres armes qu'il peut se procurer ailleurs, tels que des missiles surface-air. Malheureusement, il y a un marché beaucoup plus grand pour ces missiles, mais il est très difficile de trouver des chars d'assaut et des véhicules militaires tout-terrain, que l'on peut trouver à un nombre très limité d'endroits.
Il y aurait certainement des pannes sur le terrain et des pertes causées par les frappes aériennes également. Ces pertes et son manque d'accès à du nouveau matériel ne placent-ils pas le groupe dans une situation très vulnérable? Il ne peut pas continuer ce qu'il fait uniquement avec des troupes sur le terrain et des fusils.
Oui, absolument.
Pour ce qui est des troubles mécaniques, je crois qu'il a démontré qu'il peut réparer ses véhicules. Il ne perd pas nécessairement des véhicules parce qu'il n'arrive pas à les entretenir. Mais oui, le groupe est vulnérable à cet égard.
Je ferais toutefois une petite mise en garde. Si le groupe ne peut plus combattre comme une armée conventionnelle, il peut décider de se battre comme une force rebelle. Il a mené une offensive très réussie dans la province d'Anbar à la fin de 2014. Elle était dirigée par Omar al-Shishani, qui est un commandant tchétchène. Il a pris d'assaut Anbar et a pris le contrôle la ville de Hit durant cette offensive. Les combattants se sont battus comme une force rebelle et ont envahi le territoire. Ils avaient des forces légères et pouvaient se déplacer rapidement. Ils n'avaient pas ces grosses cohortes, le genre d'opérations que l'EIIS a utilisées dans bien des endroits. S'il se livre à des opérations d'insurrection, cela crée son lot de problèmes, mais au bout du compte, il lui est plus difficile de maintenir le contrôle qu'il a sur certains territoires.
S'il revient à des opérations d'insurrection, quelles sont les troupes qui pourront être déployées, s'il faut des troupes sur le terrain à ce moment-là? La machinerie lourde tombera en panne un jour ou sera détruite par des frappes aériennes.
Cela nous amène à la situation en Irak où, à mon avis, le déclin de l'EIIS n'est pas synonyme du déclin du djihadisme irakien. Même si l'EIIS cessait d'exister, l'organisation serait remplacée par une autre qui, je pense, serait moins brutale, mais vous auriez toujours des problèmes.
Les forces en place pour lutter contre l'insurrection seraient évidemment les peshmergas dans le nord du Kurdistan, les forces de sécurité irakiennes, et les milices soutenues par les Iraniens. L'Iran compte un grand nombre de commandants sur le terrain, y compris ceux dans la force Al-Qods. Un certain nombre de commandants de la force Al-Qods ont été tués en Irak. Il y a donc différentes forces sur le terrain. De toute évidence, il y a également les forces américaines, canadiennes et britanniques.
J'étais à Ottawa lorsque les médias ont révélé que les Canadiens combattaient contre l'EIIS et ne jouaient pas seulement un rôle de soutien. Je sais à quel point c'était une grosse nouvelle. On a donc différentes forces qui luttent contre l'organisation. Mais si l'EIIS ne peut être qu'une force rebelle, alors comme je l'ai dit, il aura plus de difficulté à occuper des territoires, ce qui est en soi un signe de son déclin. Cela va sûrement se produire en Irak, mais pas en Syrie, car on n'a pas vraiment de stratégie pour déloger l'EIIS dans l'est de la Syrie, ce qui signifie qu'il continuera d'être un problème régional pour encore un bon moment.
En ce qui concerne la gouvernance, imaginons que l'EIIS disparaît miraculeusement de l'Irak. Comme vous l'avez souligné, l'Irak est un pays qui a été artificiellement créé après l'accord Sykes-Picot. J'ai eu l'occasion de me rendre là-bas en septembre et de rencontrer des représentants du gouvernement. Le sous-ministre des Affaires étrangères était particulièrement intéressé et j'ai eu une longue conversation avec lui au sujet du fédéralisme, qui a déjà été soulevé dans le contexte actuel.
Le Canada est un système fédéral qui fonctionne remarquablement bien, ce qui tient peut-être du miracle. Cela ne veut pas dire pour autant que les Canadiens en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve sont tous pareils. Nous sommes très différents à bien des égards. J'ai l'impression que les défis en Irak sont beaucoup plus grands, mais le plus gros problème, c'est bien entendu la présence des chiites et des sunnites. Cela m'amène à me demander parfois si, peu importe le type de système de gouvernance en place, on peut faire fi du fait qu'il y a des chiites et des sunnites, qui ne semblent pas trouver le moyen de s'entendre. Y a-t-il un système de gouvernance, autre que les dictatures et les régimes oppressifs, qui peut faire en sorte qu'un pays comme l'Irak fonctionne bien, compte tenu des défis auxquels il est confronté?
L'Irak a une nouvelle constitution que beaucoup de citoyens jugent meilleure que d'autres options, meilleure que le système précédent, car elle leur donne des droits. Je pense que le gouvernement irakien n'a pas accordé suffisamment d'importance au processus de réconciliation. Les leaders de la société civile et les politiciens devraient avoir davantage de rencontres avec des représentants d'autres ethnies ou d'autres religions. L'idée fait son chemin; des politiciens kurdes se rendent à Basra et effectuent des visites pour promouvoir un sentiment d'intérêt et d'identité nationaux. Bagdad pourrait toujours devenir un creuset où se fondent — sinon coexistent — des populations diverses.
Il ne faut pas oublier en outre que les citoyens attendent des services de la part de leur gouvernement. Le sectarisme pourrait être mis en sourdine ou atténué quel que soit le type de gouvernance, qu'il s'agisse d'un gouvernement local ou national, dans la mesure où les services sont fournis. Y a-t-il des services et des écoles publiques, des routes? Cela ferait beaucoup pour atténuer le repli identitaire, car si les gens ne disposent pas des services essentiels, ils ont tendance à se dissocier de leur gouvernement.
Je le répète, dans des pays comme l'Irak, une certaine décentralisation est souhaitable, car elle témoigne que les gens ne vivent plus dans un État autoritaire, mais quel que soit le type de gouvernement, il faut surtout s'attacher à offrir les services essentiels.
On a parlé cet après-midi de l'importance de la communication. M. Gartenstein-Ross y a fait allusion à plusieurs reprises ainsi que M. Dewar. L'un d'entre vous a parlé d'élargir les tribunes où s'exprimeraient les modérés.
J'aimerais poser une question bien précise pour avoir une image claire de la situation.
En Occident, nous avons des fondements ou une culture axés aujourd'hui sur des principes tels que les libertés, surtout la liberté d'expression, les droits de la personne, l'égalité, une certaine dose d'honnêteté, etc. Il semble qu'en Orient, les gens ont des fondements culturels différents. Je pense que vous y avez fait allusion en citant l'incident jordanien où les notions d'honneur et de déshonneur jouent un grand rôle. La fierté et la honte sont des sentiments prédominants dans les rapports avec l'ennemi, chez qui vous voulez susciter des sentiments d'humiliation et de défaite.
Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de modifier notre langage pour aborder la situation un peu plus efficacement. Il y a, au sein de l'islam, des divergences sur l'interprétation de la loi. Pouvons-nous donc utiliser un langage plus efficace pour isoler certains de ces gens? Pouvons-nous utiliser plus efficacement, et cela même dans la culture occidentale, les termes d'honneur, de déshonneur, de honte et de fierté? Nous avons affaire à des collectivités qui n'appuient pas les messages et les actes de l'EIIL. Y a-t-il un moyen de communiquer plus efficacement avec elles? Ma question s'adresse à vous deux. Madame Abdo, vous avez été longtemps au Moyen-Orient et vous, monsieur Gartenstein-Ross, j'aimerais aussi avoir votre point de vue à ce sujet. Est-ce que ces éléments sont pertinents?
Oui, la terminologie est très importante. Encore une fois, je ne veux pas vous annoncer de mauvaises nouvelles, mais la terminologie est vraiment importante, ainsi que les perceptions, mais en un sens je pense qu'il est déjà trop tard.
Je pense que la terminologie est importante si nous voulons, à défaut d'un meilleur terme, cultiver les modérés et ce, pour deux raisons. Il ne s'agit pas seulement de susciter leur intérêt, mais aussi de ne pas les discréditer. Cela a été le cas avec les Frères musulmans d'Égypte, par exemple. Durant l'année où ils ont été au pouvoir, ils ont fait face à un dilemme: se tourner vers les États-Unis pour avoir de l'aide, économique ou politique, et, ce faisant, risquer de se discréditer au sein de la population.
À cet égard, la terminologie est importante. Si les gouvernements occidentaux veulent s'engager d'une façon ou d'une autre, que ce soit au plan diplomatique, au plan de la diplomatie publique ou pour transmettre des messages contraires, la terminologie est importante. Si vous voulez rendre les gens plus forts plutôt que de les amoindrir, les termes que vous utilisez sont très importants.
J'espère avoir répondu à votre question.
J'ajouterai que nous vivons à une époque où les gouvernements disposent de beaucoup plus de tribunes qu'auparavant.
Le département d'État américain a pris une initiative intéressante, bien que controversée au plan de l'efficacité. Il s'agit d'un programme intitulé Pensez-y à deux fois avant de vous laisser prendre, dans le cadre duquel on dialogue avec les djihadistes sur Twitter. Ainsi, pour contrecarrer l'hommage que les djihadistes avaient rendu à Ben Laden qu'ils avaient qualifié de « Lion dans la vie, victorieux dans la mort » le contre-message publié en langue arabe et dans le même format disait: « Dégoûtant dans la vie, humilié dans la mort ».
Le message est intéressant, car différent. Je ne pense pas qu'il soit efficace à 100 %, mais il atteint certainement un but, celui d'avoir une autre tribune par laquelle on peut répondre à ceux qui essaient d'intimider. Je pense que le programme du département d'État tient compte des valeurs d'honneur et de honte, dont il se sert pour contrer la propagande.
Autre point à signaler, il importe que le langage utilisé soit adapté à la tribune. En effet, certaines tribunes utilisent un autre langage que celui d'un premier ministre ou d'un député.
Merci.
Merci beaucoup à tous nos témoins. Nous convenons tous que certains témoignages étaient exceptionnels et nous vous en sommes reconnaissants.
Nous allons perdre l'antenne. Je sais que M. Dewar a une annonce à faire pour tout le groupe, mais en attendant, je remercie tous les témoins d'être venus.
Merci, monsieur le président.
Et encore merci à nos invités.
J'aimerais attirer l'attention du comité sur l'avis d'événement que les membres ont peut-être reçu.
Je parle en tant que président du Groupe parlementaire multipartite pour la prévention du génocide et autre crimes contre l'humanité. De 16 heures à 17 h 30, dans la pièce 238–S de l'édifice du Centre, nous allons tenir une réunion à laquelle participeront un membre du Congrès des Ukrainiens Canadiens et un représentant d'Amnistie internationale. Ceux-ci nous parleront des derniers développements survenus en Ukraine, en Irak et en Syrie, et en particulier de la situation des groupes minoritaires, et des défis auxquels ils font face dans les conflits.
La réunion est ouverte à tous les députés et à leurs employés.
Pour ceux que cela intéresse, j'ai des invitations.
Voilà ce que je voulais signaler, monsieur le président.
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