FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 14 mai 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étude de la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement, j'ouvre la séance.
Je souhaite la bienvenue aux représentants des deux organismes qui témoigneront aujourd'hui. Je présente d'abord Lorna Read, chef des opérations, et Samantha Nutt, fondatrice et directrice exécutive de War Child Canada. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître ici aujourd'hui. Est aussi présente Evelyne Guindon, vice-présidente, Programmes internationaux, de Right To Play. Je suis heureux de vous revoir.
Commençons avec War Child Canada. Vous aurez 10 minutes pour votre déclaration préliminaire, après quoi je céderai la parole à Right to Play.
Madame Nutt.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous cet après-midi.
[Traduction]
C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous cet après-midi. Depuis 20 ans, j'ai travaillé comme médecin à l'ONU, puis, en tant que fondatrice et directrice exécutive de War Child Canada, je me suis occupée du problème des enfants et des femmes qui ont grandement besoin de notre protection dans les zones de guerre un peu partout au monde.
Ma collègue, Mme Lorna Read, a également une vingtaine d'années d'expérience dans ce domaine. Nous avons toutes deux à peu près 68 ans. Nous sommes tout à fait ravies que le comité permanent ait choisi de se pencher sur ce problème cet après-midi.
Je commencerai par un bref aperçu du contexte dans lequel oeuvre War Child, parce que les difficultés à assurer la protection dans les milieux où nous travaillons sont, il va sans dire, parmi les plus graves et les plus complexes qui existent au monde. Nous nous trouvons dans des pays en conflit et en après-conflit, où le risque de violence, de mauvais traitements et de menaces qui, dans de tels contextes, plane continuellement sur les enfants, en particulier sur les filles, est d'une extrême gravité. La violence sexuelle, la pauvreté et le manque d'accès à l'éducation, l'absence de toute espèce d'infrastructure judiciaire efficace, le climat d'impunité, la prolifération sans frein des armes légères, sont autant de facteurs qui menacent très concrètement la sécurité et le bien-être des enfants, mais spécialement des filles.
Néanmoins, nous avons constaté dans le cadre de notre travail à l'étranger que, même dans des situations aussi complexes, il existe des moyens très bien connus, bien établis, notamment en ce qui concerne les filles, de protéger les enfants et de diminuer les risques auxquels ils sont confrontés à moyen et à long terme. Je vous donnerai des exemples, qui ne sont aucunement exhaustifs. En premier lieu, il y a des espaces protégés dans les communautés ainsi que dans les camps pour personnes déplacées et les camps de réfugiés. Il y a des projets d'alphabétisation et des programmes d'éducation destinés aux enfants ainsi qu'à leurs familles et fournisseurs de soins. Ce dernier point est très très important. Nous pensons souvent à l'éducation des enfants sans reconnaître aussi l'importance, dans ce processus, de l'alphabétisation et de l'éducation de leurs fournisseurs de soins et des répercussions que cela a sur le bien-être des enfants. Au chapitre de l'accès à justice, il y a les efforts pour promouvoir, particulièrement au niveau communautaire, une culture qui respecte et défend les droits des enfants et des jeunes. Il peut s'agir de mécanismes tant formels qu'informels. Lorsqu'il est question de mécanismes formels, nous pensons le plus souvent à la primauté du droit, à la formation des membres de l'appareil judiciaire, à la formation des policiers, au maintien et au renforcement de ces infrastructures locales. Mais il peut s'agir aussi de mécanismes informels. Par là nous entendons les mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends qui existent au niveau communautaire pour régler les conflits, ainsi que pour renforcer et promouvoir les droits des enfants. L'accès à un revenu, en particulier pour les mères, est un autre facteur reconnu pour l'énorme différence qu'il apporte en matière de protection des enfants contre les méfaits et les mauvais traitements.
Parmi ces facteurs, les données obtenues au cours des 30 dernières années indiquent que le soutien à l'éducation et l'augmentation ou l'amélioration des niveaux de revenu, en particulier celui des femmes, sont ceux dont la corrélation est la plus forte avec les problèmes de protection dont nous discutons aujourd'hui. Par cela, je veux dire qu'il est établi que l'éducation et le niveau de revenu réduisent les taux ou la prévalence des mariages précoces et forcés. Ils réduisent la probabilité d'une participation des enfants et des jeunes dans le commerce du sexe. Ils ont une énorme influence sur la formation des vues adoptées par les communautés en matière de mutilation génitale féminine. Nous savons que les filles et les femmes qui ont atteint au moins le niveau des études secondaires ont beaucoup plus tendance à désapprouver la mutilation génitale féminine et à ne pas en favoriser la pratique.
Nous savons que l'amélioration de l'éducation et du niveau de revenu influe grandement aussi sur la réduction des taux de fertilité partout au monde et renforce la santé et le bien-être des enfants, notamment ceux de moins de cinq ans. Le facteur qui détermine plus que tout autre si un enfant dans le monde en développement vivra jusqu'à sa cinquième année est sans aucun doute l'accès de sa famille – de sa mère en particulier – à l'éducation et à un revenu.
Pour résumer les données de recherche recueillies depuis trois décennies dans ce domaine, il est clair et incontestable que la corrélation entre, d'une part, l'éducation et le développement économique et, d'autre part, la protection des enfants et des jeunes est, sans exception, forte et positive dans tous les pays en développement. J'insiste sur ce point: sans exception.
Cependant, pour tirer pleinement profit de ces effets bénéfiques, la stratégie du Canada au chapitre de l'aide humanitaire d'urgence devrait évoluer de façon à refléter ces réalités en maintenant la priorité accordée aux programmes de protection dans le cadre de notre stratégie d'intervention précoce.
Dans bien des cas, la priorité va aux besoins humains fondamentaux, qui revêtent évidemment une importance extrême, et nous fournissons donc nourriture, eau potable, abris, couvertures et soins de santé, toutes choses qui sont essentielles pour assurer la survie des enfants en situation critique, mais ici également nous pourrions faire davantage. Une aide humanitaire comportant des mesures de soutien direct à l'éducation, telles que l'apprentissage accéléré et l'alphabétisation des femmes et au développement économique, telles que l'acquisition de compétences par les jeunes liées directement aux besoins du marché et aux activités génératrices de revenu pour les familles, est aussi cruciale, même dans la phase de première émergence d'une crise.
Prenons l'exemple de la Syrie, d'où Lorna et moi sommes revenues récemment. Une intervention extraordinaire a été organisée pour alléger les souffrances causées par la tragédie en cours dans cette région du monde. Cette intervention visait massivement sur les besoins humains fondamentaux à court terme.
D'après ce que nous avons vu dans les camps, notamment en Jordanie et au Liban, et dans les communautés, vous constaterez que, même à ces premiers stades, du fait que les familles sont incapables de trouver du travail — et dans certains cas, en Jordanie, elles n'ont pas le droit de travailler —, de réelles lacunes apparaissent relativement à la protection des enfants et les risques auxquels ils sont exposés sont accrus. En effet, les familles font sortir leurs enfants pour gagner un revenu. Parfois, ce sont par des moyens illicites, comme la prostitution, ou par d'autres activités, comme la mendicité dans les rues ou le travail forcé. Nous constatons également que les familles sont plus enclines à marier leurs filles à un plus jeune âge et nous avons connu certains cas de trafic d'enfants.
De nouveau, les possibilités d'éducation et de développement économique offertes aux familles à ces stades critiques ont un effet très positif sur la protection des enfants et l'atténuation de ces risques. Il importe donc que nos approches soient holistiques à cet égard. L'éducation en soi, celle qui n'est pas assortie de possibilités d'emploi et d'activités génératrices de revenus en aval, produit habituellement un effet beaucoup amoindri par rapport à ce qu'on constate chez les jeunes qui bénéficient d'une programmation bien agencée de ce genre. Ces jeunes sont alors en mesure de poursuivre leurs études, puis d'allier leur éducation avec leur gagne-pain et l'acquisition de nouvelles compétences. Ainsi, en leur offrant un ensemble de mesures beaucoup plus complet, on leur permet de gagner un revenu et on les protège contre des maux ultérieurs, même dans les pays en conflit.
Pour dire les choses simplement, ou au moins les résumer, notre position est que la stratégie d'aide humanitaire du Canada, pour réussir, devrait toujours cibler les enfants et les jeunes qui sont le plus à risque. Par « le plus à risque », j'entends ceux qui vivent dans une pauvreté extrême et ceux qui se trouvent dans une zone de guerre. De plus, nous devrions envisager très sérieusement d'élargir notre définition des secours d'urgence pour y inclure ces autres importants aspects qui vont au-delà des besoins humains fondamentaux et comprennent l'éducation, l'emploi, les espaces sécuritaires et la protection. Reconnaissant que pour avoir un effet réel dans ces domaines, pour faire en sorte que notre aide ait des retombées maximales, il faut prévoir autre chose qu'un financement par tranches de six mois ou d'un an. Il faut compter une génération avant de voir les effets d'une aide bien gérée.
S'agissant de la protection des enfants, des cycles de financement de trois à cinq ans au minimum, même dans les phases d'urgence, offrent une structure et une continuité permettant aux familles d'entretenir des perspectives plus optimistes, de ne pas craindre pour leur avenir et de ne pas s'engager dans des activités à haut risque pour elles-mêmes et leurs enfants.
Sur ce, je laisse la place à ma collègue de Right To Play, qui a aussi une déclaration préliminaire.
Je pense que nous aurons les questions par la suite, n'est-ce pas?
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Evelyne Guindon. Cette fois-ci, je vais faire ma présentation en anglais.
[Traduction]
Je suis vice-présidente de Right To Play, responsable de ses programmes internationaux, et c'est pour moi un grand honneur d'être ici aujourd'hui pour vous parler d'une question qui est au coeur de mon engagement personnel en tant que travailleuse en développement et en aide humanitaire et défenseur des droits de l'enfant depuis plus de 25 ans.
Right To Play, pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas bien, est un organisme mondial qui utilise le pouvoir transformateur du jeu pour éduquer les enfants en situation d'adversité et renforcer leur autonomie. Par la pratique des sports et des jeux, Right To Play aide, chaque semaine, plus d'un million d'enfants améliorer leur avenir tout en inspirant un social changement social durable dans plus de 20 pays. Cet organisme a été fondé en 2000 par Johann Olav Koss, quadruple champion olympique, et a son siège à Toronto. Nos programmes sont animés par plus de 600 employés à l'étranger et 16 400 entraîneurs bénévoles locaux dans les collectivités où nous travaillons.
Nous sommes donc engagés à promouvoir le développement holistique des enfants et de leurs communautés. La protection des enfants est le fondement même de tout le travail accompli par Right To Play. Nos programmes, qui ciblent les enfants dans les régions en développement, les milieux de réfugiés et les zones déchirées par des conflits, font que les enfants sont en sécurité et aussi protégés. Il importe de signaler que notre politique sur la protection des enfants confirme notre engagement légal et moral à l'égard de la sécurité des enfants dans tous nos programmes. Nous obligeons notre personnel, nos partenaires et nos bénévoles à se conformer aux normes les plus élevées en matière de sécurité et de protection des enfants, mais nous collaborons aussi avec les gouvernements, nous travaillons avec la société civile et avec le secteur privé pour les soutenir dans leurs efforts de responsabilisation.
D'entrée de jeu, je veux féliciter le comité d'avoir accordé la priorité à cette question. Il était important que nous commencions vraiment à en parler, et j'en suis très heureuse. Il est important également que vous sachiez tous que le Canada a une solide réputation, qui remonte au début des années 2000, d'être une voix écoutée et respectée à l'échelle mondiale dans ce domaine. Plus récemment, en 2012, le Plan d'action national de lutte contre la traite de personnes est venu la renforcer. Puis, il y a eu le dépôt à l'Assemblée générale des Nations Unies, de la toute première résolution sur le mariage des enfants, le mariage en bas âge et le mariage forcé. C'était il y a tout juste un an, en 2013. Ensuite, il y a eu l'engagement de 3 millions de dollars pour la mise en application de normes minimales de protection des enfants dans l'action humanitaire et la mise sur pied récente de l'unité de protection des enfants au MAECD. Ce sont là autant d'actions dont nous pouvons tirer fierté et inspiration.
Me basant sur cela, je crois que nous avons, en tant que Canadiens, la crédibilité voulue. Nous avons la confiance de nos partenaires dans le secteur privé, les gouvernements, les organismes de l'ONU et société civile, et je pense que nous sommes en très bonne position actuellement pour contribuer à diriger les efforts mondiaux de protection des enfants et des jeunes. C'est pourquoi je tâcherai aujourd'hui de mettre en lumière le point de vue unique de Right To Play sur cette question complexe issue et de présenter quelques recommandations très précises touchant les points que, à notre avis, le gouvernement du Canada devrait cibler. Nous avons formulé ces recommandations en nous fondant sur les constatations clés que nous avons faites depuis 15 ans dans 20 pays, surtout en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, et aussi récemment ici au Canada.
Avant d'aborder ces recommandations précises, je tiens à souligner que protéger les enfants contre le trafic, la mutilation génitale féminine, l'exploitation sous toutes ses formes est un travail incroyablement complexe et j'en donnerai comme exemple une situation qui m'est présente à l'esprit, qui s'est produite récemment au Mali.
Nous étions en train de collaborer avec le gouvernement sur la rédaction de textes de loi, qui se faisait grâce à des programmes financés par le gouvernement canadien, mais nous avions plus récemment commencé à travailler avec une série de clubs. Nous mettons sur pied des clubs de protection des enfants dont l'un des buts est de dépister et de signaler les cas de mauvais traitements infligés aux enfants. À la suite des activités de formation et de sensibilisation aux droits des enfants et aux mauvais traitements des enfants, nous avons constaté, en particulier dans une localité appelée Bougouni, une augmentation subite du nombre de cas signalés de mauvais traitements. Les lois, les systèmes, étaient en place, mais ce qui a changé la situation c'était la présence de ces clubs de protection des enfants. Nous avons pu voir que cela a mené récemment à la première arrestation et condamnation d'un trafiquant d'enfants au Mali. Ce sont donc des choses dont nous savons qu'il est important de les imbriquer les unes aux autres. Cela concerne les systèmes, mais aussi les mécanismes communautaires.
Je vais en venir à certaines recommandations basées sur des exemples de ce genre, et il n'en manque pas.
Le premier point que je veux faire valoir est que, dans les enjeux de protection des enfants et ceux qui les touchent plus généralement, mais tout particulièrement pour ce qui concerne leur protection, nous estimons qu'il est crucial que la voix des enfants se fasse entendre en premier. Les enfants doivent avoir des occasions réelles et inclusives d'exprimer leurs vues et d'engager un dialogue mutuellement respectueux avec les adultes et qu'ils doivent pouvoir agir pour que la protection des enfants soit efficace.
Nous devons donner aux enfants les moyens de devenir des agents actifs de leur propre sécurité et leur garantir une place à la table. En adoptant des approches participatives, comme dans les sports, les jeux et les clubs de protection des enfants, nous pouvons renforcer les comportements positifs, développer chez les enfants les compétences de vie et les connaissances nécessaires pour se protéger eux-mêmes et leurs camarades et instaurer un changement durable à mesure que ces enfants grandiront et façonneront leur propre communauté.
Les sommets et parlements d'enfants peuvent constituer, parmi d'autres, des mécanismes très efficaces. Right To Play a aidé des enfants parmi les plus oubliés et les plus bâillonnés à faire entendre leur voix et à amener des changements au sein de leur collectivité et de leur nation. Toutefois, nous sentons le besoin d'en savoir davantage sur ces mécanismes. Il existe actuellement un besoin crucial de recherches afin de déterminer quelles pratiques fonctionnent et quelles sont à mettre au point. Nous devons créer des outils d'évaluation en vue d'assurer l'authenticité et le niveau correct de représentation et d'engagement des enfants. Il s'agit pour nous d'un besoin très important, et c'est l'une des raisons qui nous a amenés à le mettre au tout premier rang.
En deuxième lieu, pour produire des résultats concrets, nous devons intégrer la protection des enfants dans toutes les interventions. Pour contrer le plein éventail des facteurs qui contribuent à la violation de leurs droits, la protection des enfants doit faire partie intégrante des autres interventions. Par exemple, le travail en santé des nouveau-nés s'imbrique dans celui de l'enregistrement des naissances. Cela est d'importance capitale. Les questions d'éducation, nous pouvons parler avec assurance, vu notre expérience étendue dans ce domaine. Il faut consacrer plus d'efforts à développer les compétences et à obtenir l'engagement des éducateurs et des leaders de la jeunesse. Nous devons obtenir un effet multiplicateur sur les investissements que le Canada fait en éducation préscolaire, primaire et secondaire et introduire une méthodologie axée sur l'enfant. Voilà quelque chose que nous, Canadiens, tenons pour acquis et qui se reflète jusque dans l'aménagement de nos salles de classe, mais il n'y a pas si longtemps que nous-mêmes étions assis en rangs et que les enseignants avaient le droit de nous frapper.
Les méthodologies axées sur l'enfant sont cruciales, et c'est par ce moyen que nous pourrons aider non seulement à réduire les châtiments corporels, mais aussi à instaurer un milieu d'apprentissage sécuritaire et convivial pour l'enfant. Quand je visite des écoles dans les pays en développement, je trouve désolant de voir tant de salles de classe comptant 80 ou 100 élèves, et où le châtiment corporel demeure une pratique acceptée. Dans plus de 78 pays, le châtiment corporel en salle de classe est toujours légal. C'est l'une des choses que nous devons examiner.
L'autre chose qui est au coeur de cette question est la nécessité de faire de la protection des enfants une question transsectorielle en aide au développement. Je suis assez âgée pour me souvenir de l'époque où l'égalité des sexes était un thème nouveau. L'égalité des sexes est de nos jours une composante transsectorielle normative de notre travail d'aide au développement. J'espère voir le jour où il en sera de même de toutes les différentes initiatives que nous finançons, dans lesquelles nous investissons et pour lesquelles nous nous engageons au Canada.
La troisième recommandation est de renforcer les capacités et les mécanismes communautaires. Cela doit être au coeur de toute intervention efficace. Comme je l'ai déjà mentionné, les systèmes et les lois ne peuvent pas par et en eux-mêmes protéger les enfants. Le renforcement des capacités communautaires a une importance capitale dans la prévention des risques pour les enfants. Nous avons vu directement comment les communautés solides et bien outillées peuvent être la force motrice de la sensibilisation aux problèmes de protection des enfants et les prévenir, les contrôler et y répondre.
J'ai un exemple qui s'est produit récemment au Bénin, où Right To Play travaille avec des groupes appelés « comités de sauvetage des enfants », selon l'expression des enfants dans les communautés. Composés d'enfants, de membres de la communauté et du chef du village, ils jouent un rôle de prévention et d'intervention dans les cas d'atteintes aux droits des enfants et de protection. Nous travaillons dans des communautés qui ont été le théâtre de très graves violations.
Récemment, dans l'une de ces communautés, une fille de 16 ans a été agressée sexuellement par son frère. Dans sa culture, elle aurait été obligée de l'épouser en guise de sacrifice aux dieux de la pluie. Le comité a signalé le cas au centre de promotion sociale, qui s'est entendu avec le roi pour offrir un sacrifice substitutif. Dans ce cas, le comité, en collaboration avec la société civile et par le truchement de programmes subventionnés par le gouvernement, a aidé la jeune fille avoir accès des services de protection des enfants. Elle a pu bénéficier d'un soutien juridique, médical, matériel et psychosocial. Cet exemple illustre comment ces systèmes doivent fonctionner en coopération avec les systèmes communautaires.
Le Canada a besoin d'investir dans ces mécanismes communautaires qui accroissent les forces communautaires existantes et qui renforcent les rapports entre les réseaux communautaires et les efforts locaux et nationaux.
La quatrième recommandation porte sur la collaboration et la coordination, choses que nous, Canadiens, pensons assez bien maîtriser. Nous savons que la communauté mondiale reconnaît de plus en plus que l'exploitation des enfants et la violence à leur endroit demeurent un obstacle majeur à l'atteinte des buts généraux de développement et compromettent les gains très importants réalisés en matière de santé, d'éducation et de croissance économique. Des efforts concertés pour ancrer solidement la protection des enfants dans le dialogue mondial et pour coordonner et cibler les efforts à l'échelle mondiale sont nécessaires.
La constitution d'alliances regroupant les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les dirigeants politiques, la société civile, le secteur privé ainsi que les enfants et les jeunes eux-mêmes à tous les niveaux — local, national et international — est cruciale. Nous avons constaté directement l'efficacité de cette approche.
Je veux donner quelques exemples où cette notion de collaboration s'est révélée très efficace. Le premier, que nous connaissons, est l'initiative de Muskoka, qui a porté sur la santé maternelle et celle des nouveau-nés et des enfants. Elle procédait pour une large part d'un effort de collaboration et du regroupement de diverses initiatives. Le Canada a joué un rôle de leadership en agissant comme rassembleur. Un autre exemple est le Renforcement de la nutrition, une initiative peu connue mais à incidence élevée, dont le Canada s'est fait le promoteur et pour laquelle il a regroupé des spécialistes du domaine de la nutrition, qui a mené à des investissements dans de nombreux pays par d'autres gouvernements et des donateurs du secteur privé. La collaboration a une importance capitale.
En cinquième et dernier lieu, je veux faire écho à ce que disaient mes collègues à War Child Canada, à savoir qu'il faut accorder la priorité à la protection des enfants, qui est essentielle non seulement dans le domaine du développement, mais également dans celui de l'aide humanitaire. À Right To Play, nous avons aussi constaté directement comment l'instauration de milieux protecteurs contribue à la sécurité et au bien-être des enfants avant, durant et après une situation d'urgence.
Pour conclure, alors que le Canada étudie le rôle qu'il peut jouer dans le domaine de la protection des enfants et des jeunes, faisant porter l'accent sur la prévention de la traite des êtres humains, des mariages précoces et forcés, du commerce du sexe, de la mutilation génitale féminine et des abus en ligne des enfants, des efforts ciblés pour soutenir une participation efficace des enfants, une coordination et une collaboration solides entre les secteurs et les parties prenantes, des approches multisectorielles pour supprimer les obstacles à la protection des enfants et les risques pour les enfants, sont nécessaires pour assurer non seulement la survie des enfants, mais aussi leur bien-être.
Comme nous soulignons le 25e anniversaire de la Convention relative aux droits de l'enfant et le 10e anniversaire de Un Canada digne des enfants, le moment est tout indiqué pour nous d'assumer un vrai leadership dans le domaine de la protection des enfants à l'échelle mondiale.
Vu la présence de solides réseaux canadiens, tels que le réseau international de protection des enfants du Canada, d'ONG internationaux de premier plan, tels que Right To Play et War Child, tous deux reconnus mondialement, mis sur pied au Canada par des Canadiens et ayant leur siège social au Canada, et la collaboration du gouvernement du Canada, nous avons collectivement en main les solutions qu'il faut. Ensemble, nous pouvons exercer une réelle influence et aider à assurer à chaque enfant sa sécurité et les moyens pour réaliser son plein potentiel.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup.
Nous voici à la première ronde de questions.
Monsieur Dewar, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos invitées. Les deux exposés qu'elles nous ont livrés étaient très concis et seront très utiles à nos travaux. Vous êtes les premiers témoins à comparaître devant nous pour cette étude, et je vous remercie encore d'être venus.
Je commencerai par War Child Canada. Les événements récents survenus au Nigeria et en République centrafricaine sont de bons exemples de la façon d'aborder la question de la protection des enfants et peut-être aussi de la manière d'innover et d'améliorer l'approche. Je pense qu'on peut dire, dans le cas du Nigeria, qu'il y a un État établi, mais qui a des difficultés à s'imposer dans le Nord du pays, comme nous le savons. Bien qu'il s'agisse de l'économie ayant la plus forte croissance, il y a dix millions d'enfants, dont six millions sont des filles, qui ne fréquentent pas l'école. Il va sans dire que les récents événements ont capté l'attention du monde entier. Dans le cas qui nous occupe, nous avons l'impression d'un gouvernement qui semble par moments peu disposé à assumer réellement ses responsabilités en vertu de certaines de ces conventions internationales.
Dans le cas de la République centrafricaine, il y a un pays qui paraît être un État, mais, au fond, pas vraiment dans l'acception ordinaire de ce terme. Il semble incapable de remplir son obligation de protéger les enfants. Ainsi, nous sommes en présence de deux gouvernements, l'un réticent à intervenir et l'autre incapable de le faire.
J'ai été frappé par les points que vous avez exprimés, madame Nutt, concernant le renforcement des capacités souhaitables — en d'autres termes, les moyens d'une intervention souhaitables — et le fait qu'elles doivent être adaptées à différentes situations. Je viens de décrire deux situations récentes dont nous sommes saisis. Vous avez mentionné la Syrie, pays qui a fait l'objet d'une étude que le comité vient d'achever.
La question consiste à savoir comment nous pourrions intégrer cela dans l'intervention de secours. Je conviens avec vous de la nécessité d'aller au-delà des abris, de l'eau potable et des autres secours essentiels qui sont ordinairement associés à la protection des enfants. Mais dans le cas du Nigeria, par exemple, il semble y avoir une réticence à agir de la part de l'État et, dans le cas de la République centrafricaine, une incapacité d'agir.
Dans votre énumération des aspects entourant la protection des enfants, vous avez souligné le besoin d'élargir notre approche et d'assurer des lieux sécuritaires et des possibilités d'éducation et d'emploi — et là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous —, des projets de rémunération en espèces du travail par exemple, ainsi que des écoles qui fonctionnent le plus tôt possible. Mais comment réaliser cela dans les deux cas que j'ai soulevés?
Merci de votre question, d'ailleurs très réfléchie.
Lorna, voulez-vous y répondre ou préférez-vous que je le fasse?
Je commencerai avec quelques points, puis je vous laisserai poursuivre.
Je pense qu'un enseignement que nous avons certainement tiré de notre expérience est la nécessité de pouvoir agir en temps opportun. Nous avons besoin de cette capacité sur le terrain et d'avoir en place un mécanisme d'intervention qui ne vise pas seulement ou principalement, comme l'a fait valoir Samantha, les besoins immédiats, mais qui dès le départ cherche à obtenir l'engagement de la communauté locale, des partenaires locaux et des gens sur le terrain — ceux qui le sont déjà et ceux qui le seront, quels que soient la situation et les scénarios — et de les faire participer à une sorte de dialogue sur ce que nous voyons comme moyens d'intervention et de prévention.
Nous avons donc besoin de mécanismes d'intervention correspondant aux problèmes qui pourraient constituer des préoccupations immédiates pour les enfants et les communautés. Mais il nous faut aussi intégrer sans tarder un dialogue sur la prévention dans la stratégie à long terme. Je pense que dans les deux cas, nous voyons l'urgence d'une situation dont la nature devient de plus en plus apparente. Les mécanismes ne sont pas nécessairement en place pour permettre à un organisme — c'est notre sentiment à War Child — d'être en mesure d'arriver sur le terrain en temps voulu pour entamer le genre de dialogue qui, nous le savons, sera productif à long terme.
Quels sont les obstacles? Excusez-moi de vous interrompre, mais cette question m'intéresse vivement.
La sécurité est le principal obstacle, et les ressources nécessaires pour l'assurer autant que possible dans un tel environnement. Je pense, de plus, que le débat dans lequel nous sommes engagés porte sur la définition de ce qui constitue une situation nécessitant des secours humanitaires, le moment auquel un mécanisme d'intervention doit jouer et l'aspect qu'il doit prendre. D'après notre expérience, dans ces situations — comme dans les deux que vous avez mentionnées — l'intervention sera de longue durée, et c'est un investissement à long terme qui est nécessaire le plus tôt possible. Ce serait l'intervention la plus efficace.
Les collectivités voient dans d'autres situations l'argent arriver par jets et elles ne savent pas pour combien de temps; elles ne savent pas si le financement qu'elles reçoivent dans l'immédiat ne se tarira pas dans six mois ou un an. Ainsi est compromise la capacité d'avoir d'entrée de jeu le genre de dialogue qui instaure la confiance et permet d'établir l'infrastructure nécessaire localement pour être efficace, et le demeurer à long terme.
Je voudrais faire écho à cela. L'important, c'est la capacité de déployer rapidement les ressources et de garantir qu'elles seront là pour une période plus longue. Mais je serai franche avec vous, parce que je crois que…
C'est un défi qui se pose à nous partout au monde. Nous sommes au Darfour, au Soudan, tâchant de composer avec le régime d'Omar al-Bashir; nous sommes au Soudan du Sud, à Malakal, qui vient d'imploser, où nous menons des initiatives de protection avec des enfants; et nous sommes dans l'Est du Congo. Travailler avec des gouvernements qui ne veulent ou ne peuvent pas répondre aux besoins de protection de leur propre population est, malheureusement, chose courante dans notre champ d'activité. La vraie réponse à votre question est que les ONG ne sont pas, par et en eux-mêmes, la solution, mais peuvent faire partie de la solution à condition que la situation soit bien gérée, avec rapidité et avec efficacité.
Dans ces conditions, je dirais que si vous regardez l'exemple de la République centrafricaine ou celui du Nigeria, même dans ces contextes où les gouvernements sont incapables ou réticents, avec les genres de liens décrits plus tôt par Lorna, avec un bon modèle de programmation suscitant un engagement réel et efficace des intervenants locaux, permettant de déterminer immédiatement les lacunes et besoins de protection, permettant d'identifier ceux des intervenants locaux — pas les intervenants étrangers, mais bien les locaux — qui sont en mesure de répondre dans l'immédiat, qui ont la légitimité voulue et qui bénéficient du soutien de la communauté locale, si vous pouvez réellement travailler avec des organismes canadiens pour renforcer la capacité d'intervenir avec une efficience et un efficacité beaucoup plus grandes et si les locaux savent qu'une relation plus longue et plus valable, comportant un investissement à long terme, si toutes ces conditions sont réunies, vous avez alors surmonté l'essentiel des difficultés.
Cela ne veut pas dire que vous pourrez empêcher tous les cas qui se présentent, mais cela signifie que vous aurez une présence assez forte et un degré de résilience assez élevé dans la population pour être en mesure de vous attaquer, à tout le moins, aux problèmes à mesure qu'ils surgissent.
M. Paul Dewar: Merci, monsieur le président.
J'espère que j'aurai assez de temps, monsieur le président, parce que j'ai beaucoup de questions.
Madame Nutt, à quel point intervenez-vous dans une situation? Quels sont les indices que vous recherchez? Y a-t-il des choses que vous pouvez faire de façon proactive lorsque vous voyez un conflit qui commence à poindre? Intervenez-vous à ce moment-là ou devez-vous attendre que le conflit éclate pour de bon?
Nous parlions aussi de collaboration. Y a-t-il d'autres partenaires avec qui vous pouvez travailler? En Syrie, par exemple, nous savons que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge sont sur le terrain. Collaborez-vous avec ces organismes?
Merci de vos questions.
Oui, nous le faisons. Tout notre modèle de programmation est basé sur la collaboration avec les organismes communautaires locaux, les organismes non gouvernementaux locaux et les communautés locales. Nous avons aussi une collaboration passablement étendue avec d'autres organismes internationaux sur le terrain. À titre d'exemple, nous entretenons des relations très étroites avec l'UNICEF, le PNUD, l'UNHCR et d'autres organismes, en partie parce que nous sommes un organisme très spécialisé.
Pour ce qui est de la manière dont nous décidons où nous allons travailler et des mécanismes nous permettant de déterminer quels en sont les besoins, il s'agit d'un processus itératif dont notre bureau s'occupe sans cesse, dans les pays où nous travaillons et dans ceux où nous pensons que nous devrions être. Ce sont les ressources, rien de plus, qui le plus souvent contraignent les prises de décision. La sécurité, toutefois, est un aspect de nos activités que nous prenons très au sérieux, et nous examinons donc ce facteur avec soin.
Il existe un certain nombre de différents mécanismes d'alerte rapide. Ce n'était certes pas une surprise pour nous et notre équipe que le Soudan du Sud ait implosé comme il l'a fait. Le moment de l'implosion a été une surprise pour tous, mais non le fait qu'elle se soit produite; beaucoup de signes laissaient voir ce qui allait se produire.
Je vous dirais que ce n'est pas parfait, mais nous avons trouvé, au fil du temps, que si nous pouvions tenir bon contre les hauts et les bas et les inévitables flux et reflux qui marquent les périodes de conflit et d'après-conflit dans les pays en guerre civile, que la lutte est rarement intense longtemps, ni tout à fait apaisée longtemps, même durant les périodes entre conflagrations. Mais un organisme qui prêt à tenir le coup, qui se montre plein de résilience et de résolution, a tôt fait de convaincre ses partenaires locaux et les communautés locales qu'il est là pour une longue période, et cela aussi contribue au succès de son programme.
Nous l'avons constaté en Afghanistan, où nous avons été sur le terrain plus de 12 années, avec un financement de l'ACDI et d'autres partenaires, maintenant du MAECD. Nous l'avons constaté dans l'Est du Congo et ailleurs. Il y a cette impression que les organismes internationaux arrivent, s'installent, plantent leurs drapeaux partout, courent à droite et à gauche pour des activités de prestige et de grande visibilité et, dès que les caméras cessent de tourner, que l'intérêt du public commence à fléchir, que les donateurs se désintéressent, que c'est alors que tous les gains réalisés s'évaporent peu à peu. C'est alors aussi qu'on constate la corruption locale à un niveau plus élevé et divers autres signes, pour la simple raison que les gens cherchent à obtenir ce qu'ils peuvent pour aussi longtemps qu'ils le peuvent. Jusqu'à ce que nous rompions avec cette façon de faire, que nous abandonnions les attitudes qui en procèdent, que nous commencions à faire des investissements à long terme, ce scénario risque fort de se répéter.
C'est pour nous un processus constant de déterminer où nous pourrons faire le travail le plus utile, quels sont les risques de sécurité pour notre personnel et qui sont ceux sur place chez qui il vaut la peine d'investir. Nous n'arrivons pas sur le terrain avec une version arrêtée de ce que nous pensons devoir faire. À notre arrivée, nous posons des questions, nous menons des évaluations exhaustives des besoins, nous parlons aux spécialistes locaux et étrangers, nous déterminons les lacunes et nous nous penchons sur les stratégies de protection — l'accès à justice, l'éducation, y compris l'apprentissage accéléré, les lieux sécuritaires et protégés pour les enfants et les possibilités d'emploi et de développement économique — pour les enfants et les jeunes.
Vouliez-vous ajouter quelque chose?
J'espère que ce que le travail que vous accomplissez, madame Guindon, fait partie d'un ensemble configuré pour faire en sorte que certaines des pierres que vous posez sont bien en place. Nous parlions un peu plus tôt, vous et moi, de certaines vos activités qui se déroulent en Chine. Pourriez-vous en dire un mot au comité?
La Chine est un pays où nos initiatives de développement ont été menées de concert avec Right To Play China, un legs des Jeux de Beijing. C'est la recherche qui est le domaine de prédilection en Chine, et c'est le milieu universitaire qui est réellement intéressé à étudier ces questions, notamment celles qui portent sur la main-d'œuvre enfantine. Ce que nos activités ont suscité là-bas, c'est une communauté de chercheurs intéressés à faire des recherches dans ce domaine.
Les divers cadres de développement sont chacun uniques à leur façon. De nouveau, comme je l'ai déjà mentionné, l'approche communautaire est d'une extrême importance. Elle l'est avant tout pour ce qui est de la préparation aux situations d'urgence. Comme nous sommes présents dans beaucoup de pays où des conflits sont latents, où la violence est susceptible d'éclater, je pense qu'une telle préparation est capitale.
Ce qui est également très important, c'est d'être alignés sur nos partenaires des Nations Unies — l'UNHCR et l'UNICEF sont des partenaires clés avec qui nous travaillons, comme c'est sans doute aussi le cas pour War Child — et de travailler selon un modèle collectif; c'est n'est qu'une question de gros bon sens. Mais c'est le travail au niveau communautaire et l'instauration d'une relation de confiance avec la communauté qui sont vraiment critiques.
Tant mieux.
Vous avez parlé des mesures disciplinaires appliquées dans les écoles. Ma fille est actuellement en Afrique orientale, où elle enseigne l'anglais aux 4e et 5e années dans une école primaire à Tarkwa, au Ghana. Lorsqu'elle a signé ses documents d'embauche, le directeur lui a remis une canne en lui disant « Voici ce que nous utilisons pour la discipline. » Ma fille lui a répondu qu'elle n'allait pas diriger sa salle de classe de cette façon. Le directeur lui a dit que « les enfants d'y attendent. C'est ainsi que nous fonctionnons. » Ma fille a répété son refus, mais cela a créé d'autres difficultés du fait que les enfants ont su qu'elle n'utiliserait pas la canne pour les discipliner, et elle a donc dû trouver d'autres moyens pour assurer la discipline dans sa salle de classe. C'est simplement ainsi que les choses étaient.
Avez-vous des communications avec les ministres de l'Éducation dans les pays en développement pour les aider à comprendre que les enfants vivent ce qu'ils apprennent?
Si vous pouviez répondre à la question en cinq secondes, j'apprécierais grandement.
Des voix: Oh, oh!
Je peux répondre en disant qu'il existe une grande masse de données de recherche qui montrent que les enfants ont de meilleurs résultats scolaires et veulent aller à l'école s'ils se retrouvent dans environnement sécuritaire. Il existe un grand nombre de gouvernements, que nous pourrions nommer, qui ont pris ce virage.
L'essentiel est que nous avons investi beaucoup, consenti un immense effort, pour amener les enfants à fréquenter l'école, et il nous faudra maintenant en faire davantage pour savoir ce qui se passe au juste dans les salles de classe et nous pencher sur la qualité de l'éducation et la sécurité.
Chose très intéressante, en Afghanistan, nous avons eu des résultats directs qui montrent — j'en parle juste pour souligner la nature générale de ce phénomène — une diminution sensible des châtiments corporels dans les communautés où nos activités d'éducation ciblaient les mères. Voilà un exemple d'effet d'entraînement : à mesure que les mères progressaient dans leur éducation, les châtiments corporels ont diminué au foyer, puis, avec le temps, dans l'environnement plus large des enfants. C'est réellement très intéressant.
Vous avez dépassé vos six secondes, mais de très peu.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Hsu, je suis heureux de vous voir ici. La parole est à vous pour sept minutes.
Merci, Monsieur le président.
J'aimerais revenir ce que Mme Nutt a dit sur le besoin d'élargir la définition des secours d'urgence pour y inclure, j'imagine, des choses comme la création et le maintien d'espaces sûrs, l'alphabétisation et l'éducation, ainsi que le renforcement des capacités communautaires.
Dans cette perspective, j'aimerais comprendre ce que le gouvernement ferait différemment, quelles sont les politiques qui changeraient et qui, au sein du gouvernement, agirait différemment. Je réfléchis, à l'avance, à ce que pourrait contenir le rapport du comité et à la façon dont le gouvernement pourrait réagir à cela.
À votre avis, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait changer — ou plutôt quelle partie du gouvernement fédéral devrait faire les choses différemment?
Je vous remercie pour cette question.
Il y a déjà eu des changements au sein de ce qui était l'ACDI et qui s'appelle maintenant le MAECD, pour ce qui est de la façon d'aborder ce qu'on appelle normalement l'AHI ou aide humanitaire internationale. Habituellement, lorsqu'une crise éclate, comme par exemple en Syrie, on procède par appel de propositions et il y a un certain montant qui est annoncé pour appuyer les efforts humanitaires déployés dans cette région du monde.
Depuis quelques années, nous sommes plus disposés à examiner ce qui serait normalement considéré comme des activités non urgentes — l'éducation, l'alphabétisation, les lieux protégés pour enfants, entre autres — et à les inclure dans les activités financées. Historiquement, par contre, on a toujours accordé la priorité et la préférence à des annonces qui ont des résultats plus élevés par habitant, mais qui coûtent moins cher, et qui se concentrent sur les besoins de base — la nourriture, l'eau, les abris, les couvertures et les vaccins. Et ça s'explique, car on peut comprendre qu'il faut évidemment s'assurer que les gens aillent bien avant de participer à ces autres activités. Nous comprenons tout à fait cela. Toutefois, si, dans cette stratégie d'intervention en cas d'urgence, on n'inclut pas l'éducation, formelle et informelle; l'alphabétisation, formelle et informelle; des activités pour les jeunes, formelles et informelles, nous ratons, très tôt, l'occasion de créer un environnement plus protégé pour les filles.
Êtes-vous donc en train de dire que le gouvernement fédéral, lorsqu'il décide de la façon de dépenser ses fonds en aide d'urgence, devrait préciser tout cela? Et y a-t-il un ministre qui soit responsable de cela?
Non, je crois que le gouvernement devrait être plus ouvert à l'idée d'inclure une aide financière pour ce genre d'activités. Pour l'instant, lorsque ces annonces sont faites, il arrive souvent qu'on ait déjà décidé que ce sera la Croix-Rouge pour ceci et MSF pour cela. Cela est parfaitement légitime, mais on rate alors une belle occasion.
Où est-ce qu'on prend les décisions concernant le financement? C'est au Bureau du premier ministre, c'est aux Affaires étrangères, c'est à l'ACDI, c'est...
Ce n'est pas nouveau; ça dure depuis 15 ans. Nous avons travaillé sur le terrain en ayant des conversations, à l'interne et à l'externe, avec les gens de l'ACDI , pour leur demander d'élargir la définition de ce qu'ils considèrent comme de l'aide humanitaire d'urgence. Ça se passe donc à ce niveau-là.
À cela, j'ajouterai également qu'en ce qui concerne les autres choses que le gouvernement peut faire, il y a bien évidemment la signature et la ratification du traité sur le commerce des armes, ce qui, selon moi, aurait dû être fait depuis longtemps. Il n'y a aucune raison valable qui nous en empêche. On sait qu'en endiguant la prolifération des armes de petit calibre, on peut grandement réduire les menaces de violence envers les femmes et les enfants, dans le monde entier, mais particulièrement dans les régions instables.
D'accord, il nous faut nous occuper de ce traité.
D'après leur langage corporel, je devine que nos autres témoins désirent peut-être ajouter quelque chose.
Non, je suis tout simplement entièrement d'accord. Je crois que dernièrement, il y a eu un réel dialogue entre le volet humanitaire traditionnel et le volet qui concerne davantage le développement à long terme. Je crois qu'on a du mal à trouver une façon de créer une synergie entre les deux et à voir à quoi cette synergie ressemblerait. On se demande comment le gouvernement pourrait élaborer un mécanisme de financement qui permettrait de jeter un pont entre les deux, car ils ont toujours été traditionnellement séparés.
Nous savons, à la lumière des Objectifs du Millénaire pour le développement, que la non-réalisation d'un grand nombre de ces objectifs est largement imputable à la majorité d'extrême... aux gens qui vivent dans ce que l'on appelle la pauvreté extrême, ainsi que dans les États ravagés par les conflits, où vit la majorité de ces populations. C'est exactement dans ces contextes, exactement dans ces États, que l'on envoie, par à-coups, des fonds d'aide humanitaire à court terme, notamment les fonds communs de l'ONU. Mais il peut s'écouler de longs intervalles entre ces fonds ponctuels et l'arrivée de sources de fonds plus stables. On peut alors très facilement assister au retour du conflit et on peut voir comment ces situations deviennent cycliques et peuvent perdurer.
[Note de la rédaction: inaudible].... tout en ayant des fonds d'urgence communs. Cela dure de six à douze mois. Nous intervenons au niveau des moyens de subsistance, nous travaillons avec les jeunes. Nous savons que lorsque ces jeunes ont des possibilités d'emploi, ils sont beaucoup moins enclins à se joindre à des milices ou courent beaucoup moins le risque de se faire recruter par des milices. Et pourtant, lorsque vous avez ces fonds à petites doses, pendant six à douze mois, vous ne pouvez pas maintenir ou ancrer les types de changement dont vous parlez.
Ainsi, le gouvernement fédéral devrait examiner la situation au Darfour et envisager une période de trois à cinq ans, pour voir comment il pourrait utiliser à bon escient et à long terme les ressources du Canada. C'est bien cela?
J'ajouterai, dans le même ordre d'idée, l'exemple de Dadaab. Vous avez une génération d'enfants qui ont grandi dans ce camp et lorsque la crise éclate, on y accorde notre attention, mais eux, on les oublie. L'occasion qui existe dans ce camp, pour l'avenir de la Somalie, elle est juste là. Mais, une fois de plus, nos organisations sont déjà poussées bien au-delà de leurs capacités.
Pour ce qui est des choses que nous ferions différemment, je dois me faire l'écho de ce qui a été dit, à savoir que, dans ce cas-ci, il s'agit de placer la protection des enfants au cœur du financement humanitaire. Le Canada, qui fait partie des généreux donateurs au Programme alimentaire mondial, ainsi que le HCR et l'UNICEF, doivent demander à ce que la protection des enfants occupe une place centrale dans leur intervention.
En outre, il existe, à l'heure actuelle, une nouvelle possibilité, étant donné que le commerce et le développement font partie du même ministère. On a également la possibilité de collaborer sur des questions de développement à long terme et sur les questions relatives au travail des enfants. Le gouvernement peut se joindre aux efforts de la communauté des ONG et du secteur privé — c'est là une possibilité intéressante pour nous.
Merci beaucoup.
C'est tout le temps dont nous disposons, Monsieur.
Passons maintenant à M. Anderson. Vous disposez de cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
Je vous remercie, Monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins d'être avec nous, aujourd'hui.
J'aimerais vous poser la question à l'opposé de celle que vous a posée Mme Brown. Sa question portait sur le moment où vous intervenez. La mienne est la suivante : Est-ce que, ou plutôt, quand est-ce que vous vous désengagez, après être intervenus? Restez-vous sur les lieux pour élargir vos activités ou bien est-ce que vous vous retirez pour ensuite vous rendre ailleurs?
J'aimerais savoir ce que font vos deux organisations.
Dans le cas de War Child, que ce soit bon ou pas, cela vient illustrer une réalité que nous avons soulignée cet après-midi. La plupart des situations où War Child est intervenue durent maintenant depuis plus de 10 ans, car la plupart sont des conflits qui perdurent. Nous avons connu toutes sortes de fluctuations dans les niveaux d'intensité de ces conflits.
Pour notre organisation, idéalement, nous décidons de nous retirer lorsque les capacités locales existent — les partenaires locaux qui ont ayant participé aux activités de renforcement des capacités, à nos côtés, et aux travaux sur le terrain — et quand on nous fait signe qu'ils vont poursuivre les travaux, eux-mêmes, et qu'ils sont en quelque sorte prêts à aller de l'avant. Dans la plupart des pays où nous sommes présents actuellement, cette capacité n'existe pas encore, en raison de la poursuite des conflits. Mais nous avons connu d'autres situations où cette décision s'est certainement présentée et il s'agit alors de croire que la communauté locale est capable de prendre les rênes en main et de continuer toute seule.
Je crois que, pour nous, tout dépend de l'environnement. Tous les jours, nous travaillons dans l'objectif de pouvoir nous en aller. C'est le cas dans bon nombre de communautés, où nous œuvrons pour renforcer les capacités locales et nous avons des coordonnateurs locaux, des bénévoles locaux.
Il y a des pays où cela a été possible, où nos interventions ont été courtes. Je dois dire que bon nombre des pays avec lesquels nous travaillons, qu'il s'agisse des territoires palestiniens... et à l'heure actuelle, nous sommes présents en Jordanie. Il s'agit d'un pays, où notre présence était très légère, mais où, malheureusement, elle est désormais beaucoup plus intense. Il y a des pays comme le Bénin, où je crois que nous pourrons nous retirer d'ici cinq à dix ans, car nous travaillons de concert avec quelques donateurs et nous serons en mesure de leur laisser un système d'éducation bien différent.
Dans d'autres communautés, c'est un peu différent. La situation est plus précaire.
Mme Reid a parlé de travailler avec des mères et de réduire les niveaux de châtiment corporel, et j'aimerais revenir là-dessus.
Pourriez-vous nous parler un peu du rôle des parents et nous dire comment vous abordez la chose? J'imagine que vous êtes confrontés à toutes sortes de situations et de réalités, là-bas, mais j'aimerais savoir comment vous abordez les parents et le rôle parental, notamment lorsque vous parlez de la protection des enfants, avec vos organisations?
Pour nous, il s'agit en fait d'un des piliers de notre programmation. Avant tout, nous avons ce que nous appelons notre programme axé sur les enfants, avec des mécanismes de protection, au premier plan de ce modèle. Mais nous y avons aussi inclus les environnements protecteurs et les points interaction pour les enfants. Les parents jouent bien évidemment un rôle primordial au sein de ce modèle et ils sont très souvent le point d'entrée pour la programmation de War Child, lorsqu'on commence l'évaluation des besoins et quand on essaye de cerner les risques les plus élevés.
Dans notre situation précise, les choses sont très souvent liées à la situation, à la maison, en fonction des circonstances du conflit. Il s'agit donc de nous assurer que les mères et les femmes à la tête de familles ont elles-mêmes accès à une éducation, à des moyens de subsistance et aux genres de circonstances transformatrices qui auront ensuite des retombées positives sur leurs enfants.
Avec les pères, c'est différent. Très souvent, les pères font davantage partie de nos efforts de sensibilisation. Il s'agit souvent de sensibiliser les hommes, dans les communautés, pour qu'ils comprennent l'importance du travail auprès des femmes et des enfants. L'Afghanistan me vient en tête comme un exemple de programme réussi. Nous nous sommes vraiment concentrés sur les mères, sachant que ce sont elles les principales protectrices des enfants et sachant que nous pourrions ensuite travailler plus directement avec les enfants. Mais cela a nécessité une bonne dose de compréhension et de quasi-approbation des hommes dans ces communautés, qu'ils s'agisse des pères, comme parents, ou des chefs religieux.
Je crois qu'il est primordial d'impliquer les parents. Une fois de plus, pour une organisation comme la nôtre qui se concentre sur les enfants, grâce au travail que nous faisons avec les parents, en tant que dirigeants communautaires, mais aussi à titre de personnes d'influence, nous avons un grand nombre de programmes auxquels participent des enfants qui ont le pouvoir d'agir et qui peuvent retourner chez leurs parents, dans leurs communautés, et apporter des changements, des changements qui ont une incidence sur leur santé et sur leur éducation. Ça marche dans les deux sens, mais, pour nous, les parents sont et doivent demeurer au coeur même de tous nos programmes.
Merci encore, Monsieur le président.
Je suis content que vous ayez mentionné le traité sur le commerce des armes. J'allais justement vous poser cette question, mais vous y avez déjà répondu. Je me contenterai d'implorer le gouvernement de reconnaître cette nécessité, car les effets sur les enfants sont indéniables, notamment dans des endroits comme l'Afrique. Nous le constatons, à l'heure actuelle, et j'espère que nous jugerons bon de signer ce traité très bientôt.
En ce qui a trait à certaines résolutions de l'ONU, celle sur les enfants dans des conflits armés ou celle du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, certains États membres ont pris des engagements et ont adopté des programmes. En fait, notre gouvernement dispose d'un plan d'action sur les femmes, la paix et la sécurité. Nous avons parlé de la protection des enfants. D'après ce que vous avez vu, de la part d'autres États membres, où nous situons-nous? À votre avis, où en est le Canada, actuellement, par rapport à la mise en oeuvre de ces résolutions, aussi bien celles sur la protection des enfants, notamment les enfants dans les conflits armés — et il y a, bien évidemment, un lien direct, ici — et celle sur les femmes, la paix et la sécurité, la Résolution 1325 du Conseil de sécurité et les résolutions subséquentes, après ça?
Il apparaît très clairement que les femmes sont des agentes de changement, ici, comme vous l'avez mentionné dans votre exposé. Toutefois, à la lumière du fait que ces résolutions existent depuis quelques années et à la lumière du fait que les gouvernements ont eu le temps d'y répondre et de prendre des mesures concrètes, comment vous semblent les choses sur le terrain, dans le cadre de votre travail? Quelles sont les améliorations que nous pouvons apporter pour renforcer et améliorer les résolutions que nous avons signées?
Je vais commencer par War Child.
Je suis de ceux qui pensent qu'il est toujours possible d'améliorer tout ce que nous faisons. Je dirais certainement que la visibilité du Canada n'est pas aussi grande lorsqu'il s'agit de protection, en tout cas pas dans les régions où nous travaillons. L'exception que je signalerais est celle de la Syrie, car nous avons certainement eu une très haute visibilité dans les camps de réfugiés, en Jordanie. On pourrait également dire la même chose au sujet d'Haïti, où nous avons eu une visibilité bien plus grande.
Mais lorsqu'on parle de... il ne faut pas oublier que la plupart de notre programmation se déroule en Afrique — dans l'est du Congo, dans le sud du Soudan, au Darfour, dans le nord de l'Ouganda et ailleurs. La participation du Canada dans ces situations a été moindre, dans certains endroits, à l'exception du Soudan du Sud, car nous avons joué un rôle beaucoup plus proéminent, là-bas, dans ces domaines.
Je crois qu'il y a eu un virage : les activités à grande visibilité auxquelles nous participons se concentrent généralement, comme je l'ai indiqué, sur ces grosses annonces d'interventions à court terme, en réponse à une crise ou à une catastrophe naturelle. Par ailleurs, ces grosses annonces ont tendance à concerner, admettons, les fonds communs de l'ONU, ce qui a déjà été mentionné. Le Canada, on le comprend, est bien moins en mesure d'être visible dans ces circonstances, car on ne voit pas que le pays joue un rôle très important, au niveau diplomatique ou, pour le moins, au sein du mouvement humanitaire. Il n'y a rien que nous fassions de considérable qui soit visible, qui fasse les manchettes ou qui façonne et influence les politiques, dans ce domaine. C'est précisément le contexte dans lequel nous travaillons. Là-dedans, il y a quelques exceptions, dont l'Afghanistan et le Soudan du Sud, entre autres.
Si vous regardez de qui s'est passé en Europe, par exemple, avec un meilleur alignement de la stratégie de lutte contre le sida, au sein du DFID, et avec les pays scandinaves qui se sont engagés à atteindre ou qui ont déjà atteint et même dépassé la barre de 0,7 %, nous avons beaucoup de retard à rattraper. Je crois que nous disposons d'une grande marge de manoeuvre pour nous définir sur la scène internationale comme étant un pays qui s'investit profondément dans les droits de la personne, la protection des enfants et la protection et la promotion des droits des femmes et des filles, dans le monde entier. Mais il nous incombe à tous de saisir cette plate-forme; d'aborder notre aide de manière plus concertée et plus progressive et à plus long terme pour cibler les pays les plus à risque; et d'arrêter de tourner en rond avec des annonces en réaction à une crise — pour véritablement nous investir à long terme.
Nous faisons de bonnes choses, mais nous pouvons en faire plus.
Permettez-moi d'en confirmer ou simplement d'en souligner certaines. Vous avez dit que le Royaume-Uni faisait un bon travail et vous avez mentionné les pays scandinaves. Y a-t-il un pays en particulier qui ressort...
C'est tout le temps dont nous disposons.
Je tiens à remercier grandement nos témoins. Je suis certain que vous auriez pu continuer une autre heure. C'est toujours un défi, vu le temps limité dont nous disposons.
Nous allons suspendre la séance, le temps d'accueillir notre prochain groupe de témoins.
Merci encore.
Encore une fois, bienvenue à tous.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos deux témoins qui vont nous accompagner pour la dernière heure.
De Vision mondiale Canada, nous accueillons Elly Vandenberg, qui est directrice principale, Politiques et promotion des intérêts.
Nous sommes heureux de vous revoir. Vous êtes une habituée de notre comité et nous sommes ravis de vous accueillir à nouveau.
De l'UNICEF, nous recevons Susan Bissel, qui est directrice associée de la Division des programmes, Protection des enfants.
Susan, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes également ravis de vous accueillir.
Je vais vous demander, à toutes les deux, de nous faire votre déclaration liminaire et, ensuite, nous passerons aux questions des députés. Je crois que la cloche retentira à 17 h 15 et nous allons donc essayer de terminer nos travaux peu après. Nous allons essayer de nous en tenir plus strictement au temps de parole de chacun.
Madame Vandenberg, vous disposez de 10 minutes.
Bonjour.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette importante étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement.
[Traduction]
Vision mondiale Canada, pour ceux qui ne nous connaissent pas, est une organisation chrétienne d'entraide, de développement et de défense des droits, fonctionnant comme une fédération, et présente dans une centaine de pays. Nous utilisons un modèle de développement à long terme basé sur la communauté. Nous sommes une organisation consacrée aux enfants, et à leur protection contre les maltraitances, les négligences, l'exploitation et toutes les formes de violence. Nous sommes ravis d'être ici pour participer à ce comité.
Je voudrais aujourd'hui faire quelques recommandations sur le rôle que peut jouer le Canada pour protéger les enfants et les adolescents. Pour que vous compreniez bien la manière dont il faut aborder les choses, je vais commencer par une histoire qui se passe au Bangladesh où je me trouvais récemment.
Shabira, qui a maintenant 15 ans, vient d'une famille très pauvre. Enfant, elle travaillait dans une usine de crevettes pour apporter un revenu supplémentaire à sa famille. Après des années d'épreuves, son oncle l'a vendue à une maison close en Inde. Elle y a été sexuellement exploitée pendant un an jusqu'à ce que la police la trouve et l'amène dans un refuge local.
N'ayant reçu aucune éducation, Shabira n'a pas compris ce qui lui arrivait. Elle voulait à tout prix rentrer chez ses parents au Bangladesh et s'est enfuie du refuge. Elle s'est adressée à un groupe d'hommes pour demander de l'aide, et ils ont fini par la violer.
Lorsque des membres de la communauté l'ont trouvée et ont entendu son histoire, ils l'ont emmenée voir les bénévoles de Vision mondiale Inde, qui ont contacté Vision mondiale Bangladesh pour qu'elle soit rapatriée dans sa famille. Une fois rentrée, elle a reçu des soins médicaux, mais elle était trop jeune pour comprendre ce qui lui était arrivé.
À 15 ans, Shabira est à présent une jeune adolescente marquée sur le plan physique et émotionnel.
J'aime beaucoup travailler pour Vision mondiale, mais ce genre d'histoire me brise le coeur. Je vous ai raconté cette histoire pour vous aider à comprendre l'interconnexion des enjeux liés à la protection de l'enfance. Je souhaiterais qu'il y ait une chose précise à faire pour protéger les enfants tels que Shabira, mais notre expérience nous a enseigné qu'il faut avoir une approche holistique pour s'attaquer aux enjeux de la protection de l'enfance. Cette approche part de l'enfant.
Vous savez, lorsque j'essaie d'expliquer l'approche systémique à ma mère, c'est difficile. L'autre jour, alors que j'essayais d'expliquer cela dans un cadre familial, j'ai dit, vous savez, ce que nous voulons dire par approche systémique, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule chose à faire pour une fille comme Shabira. L'approche systémique place l'enfant au centre: nous renforçons cet enfant et nous renforçons l'environnement protecteur autour de cet enfant.
Cela inclut différents éléments. Cela inclut ses parents — vous avez posé des questions tout à l'heure sur le rôle des parents — cela renforce la communauté, cela renforce le gouvernement et les différents corps du gouvernement, et cela renforce les organismes internationaux. Alors il faut renforcer l'enfant et renforcer le système de protection, le bouclier, autour de l'enfant.
L'histoire de Shabira nous donne quelques exemples de la complexité et de l'interconnexion des problèmes de protection de l'enfance. Nous savons qu'il est impossible de traiter ces problèmes séparément.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples des interventions de Vision mondiale auprès d'enfants tels que Shabira, et beaucoup de filles de sa communauté.
[Français]
le fait que Shabira n'ait jamais mis les pieds dans une salle de classe limite ses possibilités et la rend vulnérable, une fois de plus, à l'exploitation. Notre travail consiste à lui fournir l'accès à une éducation de bonne qualité ainsi qu'à une formation professionnelle, de façon à ce qu'elle acquière les compétences nécessaires pour réaliser son rêve, soit celui de travailler dans une petite entreprise.
[Traduction]
Nous enjoignons aussi les gouvernements locaux et nationaux à promulguer et à faire appliquer des lois qui augmentent l'âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles.
Par le biais de Voix et action citoyennes et de l'approche que pratique Vision mondiale de la défense des droits au niveau local et de la responsabilisation des autorités locales, nous mobilisons les filles, les garçons, les parents et les dirigeants pour qu'ils changent les normes de genre discriminatoires et pour qu'ils puissent proposer des opportunités sociales, économiques et civiles différentes pour les filles. Cela donne un petit échantillon des nombreuses interventions qui sont nécessaires si l'on veut aider quelqu'un comme Shabira à se réaliser complètement, et si l'on veut créer un environnement sûr pour elle et pour tant d'autres.
En ce qui concerne les recommandations de Vision mondiale, il n'existe pas de solution miracle pour la protection de l'enfance, mais le gouvernement du Canada peut continuer à contribuer aux efforts qui sont faits pour créer un environnement protecteur pour les enfants par des actions diplomatiques, commerciales et de développement.
Je voudrais citer trois domaines dans lesquels le Canada peut provoquer un changement réel et durable pour la protection de l'enfance. Le premier, c'est l'élimination des pires formes de travail des enfants en investissant dans la formation professionnelle et en développant les possibilités pour les jeunes de trouver un emploi sûr et décent. Le deuxième, c'est de prévenir les pratiques néfastes, le mariage des enfants par exemple, en investissant dans les registres de naissance et dans l'enseignement, formel et informel. Enfin il faut protéger les enfants dans les situations d'urgence en créant en priorité des espaces sûrs pour les enfants.
Pour ce qui est de l'élimination des pires formes de travail des enfants en investissant dans la formation professionnelle et en développant les possibilités pour les jeunes de trouver un emploi sûr et décent, et de l'élimination de l'exploitation et de l'esclavage des enfants, ce sont les priorités absolues de Vision mondiale. C'est aussi une priorité pour les Canadiens. Avec notre campagne No Child For Sale, nous avons découvert que les Canadiens sont très investis sur cette question. Ils nous ont demandé de travailler avec les principaux acteurs afin de protéger les enfants. En fait, un récent sondage Ipsos Reid a montré que 86 % des Canadiens veulent que le gouvernement canadien s'assure que les entreprises canadiennes ne cautionnent pas, directement ou indirectement, de mauvaises conditions de travail dans d'autres pays, y compris le travail des enfants.
Ces efforts combinés donnent de bons résultats. Les derniers chiffres indiquent que le nombre d'enfants exposés au danger, à la saleté et à des conditions dégradantes dans le cadre de leur travail a fortement baissé, passant de 115 millions en 2008 à 85 millions actuellement. Cela dit, les progrès sont trop lents. Il y a encore 85 millions d'enfants qui souffrent et subissent les pires formes de travail. Nous ne sommes pas en train de parler de distribution de journaux ou de coups de main à la ferme. Il s'agit de travaux sales, dangereux et dégradants. Nous encourageons le Canada à se joindre à Vision mondiale pour s'attaquer au travail des enfants et pour considérer qu'il s'agit là d'une priorité urgente et mondiale.
Pour commencer, le Canada peut contribuer à la mise en application complète de la feuille de route pour 2016 de l'Organisation mondiale du travail qui vise à l'élimination des pires formes de travail des enfants, par deux moyens: poursuivre le développement et les investissements dans l'éducation et la formation pour les enfants et les jeunes, mais aussi soutenir la création d'emplois et la diversification des moyens de subsistance pour que les jeunes aient accès à des emplois sûrs et décents.
L'objectif de Vision mondiale est de continuer à promouvoir le dialogue en faveur de la protection des enfants, tant avec le secteur privé qu'avec les Canadiens, pour garantir que les pires formes de travail des enfants —travaux sales, dangereux et dégradants — pour faire l'objet d'une traçabilité dans les chaînes d'approvisionnement globales. Ce n'est pas facile. Nous ne savons pas vraiment comment faire, mais nous voulons ouvrir le débat.
Deuxièmement, je veux insister sur l'importance de la prévention contre les pratiques néfastes, telles que les mariages d'enfants, en investissant dans les registres de naissance et l'enseignement. Le Canada a vraiment pris l'initiative pour en finir avec les mariages précoces et les mariages forcés.
[Français]
Les mariages d'enfants ainsi que les mariages précoces et forcés constituent une violation des droits des enfants. Ils sont également un obstacle majeur à la réduction de la pauvreté et, plus généralement, à la réalisation des objectifs de développement.
[Traduction]
Au-delà de son engagement auprès des Nations-Unies, nous encourageons le gouvernement du Canada à investir dans l'enseignement formel et informel, en particulier pour les filles, dans le cadre d'actions de développement à long terme, mais aussi d'actions humanitaires. Encourager les garçons et les filles à s'inscrire à l'école leur permet d'avoir un éventail de choix plus large pour leur avenir, de développer leurs compétences, leurs connaissances et la confiance en eux dont ils ont besoin pour sortir du cycle de la pauvreté.
Nous apprécions le soutien généreux qu'apporte le Canada à l'initiative No Lost Generation, qui est un exemple concret d'investissement dans l'enseignement dans des pays en difficulté.
Il est important de souligner que dans des pays où les enfants n'ont pas la possibilité d'aller à l'école en tant que telle, nous devons investir dans un enseignement souple et informel — comme par exemple l'enseignement par les pairs — qui transmet aux enfants des compétences qui leurs seront utiles dans leur vie quotidienne.
Nous encourageons aussi le Canada à soutenir les registres universels de naissance comme outil majeur pour s'assurer que tous les enfants bénéficient d'une protection légale contre l'exploitation. Comme nous l'avons constaté pour les investissements que nous avons faits dans la santé maternelle, la santé des nouveau-nés et des enfants, pour pouvoir apporter l'aide dont ont besoin les enfants et leurs mères, il faut savoir qui ils sont.
Enfin, il y a la protection des enfants dans les situations d'urgence, en aménageant des espaces sûrs pour les enfants. Il serait très difficile de protéger une enfant telle que Shabira si le Bangladesh était touché par des inondations ou par un conflit.
[Français]
Vision Mondiale est reconnue depuis longtemps, soit depuis plus de 50 ans, pour sa capacité à répondre aux urgences humanitaires. Notre expérience nous a démontré qu'en raison de la complexité des situations d'urgence et de leurs conséquences sur les enfants, le processus de prévention doit se focaliser sur la sensibilisation des enfants et de leur famille aux dangers liés à la violence et à l'exploitation sexuelle, à la traite des personnes, au travail des enfants, mais également aux moyens de se protéger.
[Traduction]
Hélas, les conflits continuent de détruire la cohésion sociale, et de nombreux enfants se retrouvent isolés et séparés des adultes qui les protégeaient. Cela les expose à de fortes violences, y compris des violences basées sur le genre, à l'exploitation, aux maltraitances et aux privations.
En temps de crise humanitaire, le Canada peut concrètement garantir que la création d'espaces sûrs pour les filles et les garçons soit une priorité vitale. Les espaces sécurisés destinés aux enfants de Vision mondiale sont un moyen important pour offrir des soins, de l'aide et une protection aux enfants dans les situations d'urgence.
Pour conclure, je voudrais que vous imaginiez que les milliers d'enfants que j'ai rencontrés se tiennent derrière moi, des enfants qui voudraient pouvoir s'adresser à vous eux-mêmes — qui voudraient avoir la possibilité que j'ai aujourd'hui — pour vous dire ce dont ils ont besoin pour être protégés. Nous devons sans cesse chercher de nouvelles manières de travailler ensemble pour atteindre notre objectif et en finir avec les pires formes de travail des enfants en mettant la priorité sur la formation et l'accès pour les jeunes à des emplois sûrs et décents. Chacun d'entre nous est responsable de la protection des enfants, surtout des plus vulnérables.
Vision mondiale, aux côtés d'autres partenaires, collabore avec les gouvernements nationaux et les communautés pour renforcer l'environnement protecteur autour des enfants afin d'éviter qu'on leur fasse du mal. Ce qui nous encourage c'est que les enfants et les familles se font entendre pour plaider en faveur d'un changement dans leurs communautés.
La campagne No Child For Sale de Vision mondiale indique que les Canadiens sont prêts à agir pour protéger les enfants et attendent la même chose de leurs dirigeants. Il y un consensus pour dire qu'aucun n'enfant de doit être à vendre. Imaginons que ma main représente l'enfant et que chaque doigt représente les actions que nous devons accomplir: renforcer l'enfant, renforcer le système de protection, renforcer la famille, et renforcer les communautés, le gouvernement et les organisations internationales. Mon petit doigt représente le renforcement de notre participation à vous et à moi, en tant qu'individus et indique que nous avons tous un rôle à jouer dans la protection de l'enfance.
Merci d'avoir invité Vision mondiale Canada aujourd'hui et de prendre en compte notre point de vue dans cette étude importante. J'attends vos questions.
Il y a de cela 30 ans, j'ai passé deux étés à travailler à la mise à jour de l'index des règles de procédure des comités de la Chambre des Communes. C'est un plaisir de revenir ici. Cette expérience m'a appris que je ne devais pas blasphémer. C'était classé à la lettre « B ».
Merci beaucoup d'avoir invité l'UNICEF. Je ne peux pas imaginer de meilleure raison de venir au Canada que celle qui nous réunit aujourd'hui pour cette conversation très importante, à un moment particulier de l'histoire de l'humanité.
Pensez à ce qui se passait en décembre 2012. Malala venait de se faire tirer dessus au Pakistan. Nous avons tous été témoins, surtout par le biais des médias, de viols collectifs en Inde. Le gouvernement russe condamnait des enfants à vie dans des institutions, empêchant leur adoption aux États-Unis. La guerre faisait rage en Syrie. Et des enfants dans une petite école à Newton, au Connecticut, non loin de l'endroit où j'habite actuellement, étaient tués par balle.
Je pourrais poursuivre encore et encore. Le tableau est violent, et se prolonge en ce moment même dans le nord du Nigéria, avec cet enlèvement de masse et les possibilités de viols, de mariages, de trafics et même de vente d'enfants.
Il est temps de dire que trop c'est trop et de placer la protection de l'enfance au centre de la scène internationale. Il est vrai qu'il n'y a jamais eu autant d'enfants sauvés de maladies que l'on peut prévenir. Ils vont à l'école, accèdent à l'eau potable, et les installations sanitaires ont énormément progressé. Alors que les pays poursuivent leur développement économique, les problèmes de base se résolvent, en partie tout au moins. Ce qui demeure, c'est une longue liste de problèmes de protection de l'enfance, du travail des enfants au trafic, des mutilations génitales et l'excision des filles, du mariage des enfants, de la vente d'enfants, de la maltraitance en ligne, etc. Hélas, aucun pays n'est immunisé contre la violence, les abus, la négligence et l'exploitation des enfants.
J'ai passé ma vie à oeuvrer pour que le monde se réveille et protège les enfants de tout cela. En tant que directrice associée, au quartier général de l'UNICEF, je voudrais vous donner quelques informations sur la protection des enfants, et partager avec vous la manière dont nous envisageons cette protection à l'avenir. Nous espérons que cette façon de voir est partagée par le gouvernement du Canada.
L'équité fait partie intégrante de cette perspective. Les programmes de protection de l'enfance doivent miser sur la recherche et l'obtention de résultats pour les enfants marginalisés et exclus. De nombreux enfants qui souffrent de violences souffrent aussi de la pauvreté, mais pas tous. La pauvreté n'explique pas les pratiques néfastes, la violence à l'égard des enfants, et la discrimination systématique de certains pans de la société. L'équité au sein de l'humanité sera effective lorsque tous les enfants seront protégés tout le temps.
Dans le courant du mois — je ne suis pas censée avoir cela, mais ils m'en ont passé une copie — nous allons publier un rapport sur la violence, avec des données mises à jour. Je vais en parler un peu.
Nous avons également publié en juin dernier un rapport basé sur des faits concernant les mutilations génitales et l'excision des filles, que nous avons lancé à Washington, ainsi qu'un autre rapport sur les registres de naissance en décembre dernier. Ce rapport à venir sur les violences sera notre prochaine publication majeure; il y en aura aussi un autre cette année sur le mariage des enfants. Je serais ravie de transmettre au comité les liens pour accéder à ces données — celles-ci — à la fin du mois.
Je voudrais commencer par ce qu'Elly a eu la pertinence d'évoquer tout à l'heure, la question des registres de naissance. À l'UNICEF nous appelons cela le passeport pour une protection à vie de l'enfant. Sans un enregistrement correct, sans document légal l'enfant court un grand risque d'être vendu, acheté, d'être l'objet de trafics et d'autres maltraitances. Bien souvent, un enfant sans certificat de naissance se voit refuser la délivrance d'un diplôme, ou pire encore, l'accès à l'école.
Arrêtons-nous un instant sur ce chiffre: 230 millions d'enfants de moins de 5 ans dans les pays du sud n'ont pas de certificat de naissance.
Chaque année, 1,2 million d'enfants font l'objet de trafics. Ce chiffre est ancien, et nous pensons que c'est une nette sous-estimation de la réalité. Pour 800 victimes de trafic, un seul trafiquant est condamné.
Ajoutez à cela les millions d'enfants dont Elly a parlé qui se font exploiter et travaillent dans des conditions abrutissantes et destructrices, et vous commencez à être obsédés par ce tableau, non pas parce qu'il est intéressant, mais parce qu'il est tout simplement inadmissible.
J'ai rencontré et travaillé avec des enfants dont le soi-disant travail consiste à trier des monceaux d'immondices pour chercher des débris utilisables, et d'autres qui sont envoyés tous les jours dans des mines de diamants et qui ne connaissent pas la lumière du jour. Nous sommes en 2014, pas en 1768, et ce n'est pas tolérable.
Le rapport sur la violence que nous allons publier bientôt indique que la violence conjugale est une chose courante pour les adolescentes mariées. En Ouganda, on atteint les 67 %. Il s'agit de filles âgées de 15 à 19 ans. En République Démocratique du Congo, c'est 70 %
Les données sur l'intimidation nous indiquent que dans de nombreux pays les étudiants de 13 à 15 ans craignent tous les jours pour leur vie. Dans les Îles Salomon par exemple, 64 % des garçons et 68 % des filles déclarent avoir reçu des menaces au cours du mois précédent, il en va de même pour les enfants au Ghana, en Ouganda, au Sri Lanka pour ne citer que quelque pays.
Permettez-moi de passer de ce tableau très sombre à des idées visionnaires que nous essayons de mettre en oeuvre.
Ces idées ont un certain nombre de caractéristiques communes: un monde centré sur la protection des millions d'enfants qui ont été sauvés de morts évitables; une main-d'oeuvre professionnelle; des services sociaux financés et soutenus; un monde dans lequel les dirigeants, le service public et privé sont des défenseurs passionnés et des défenseurs indéfectibles de la protection de l'enfance; un monde engagé dans un mouvement général pour prévenir la violence faite aux enfants; un monde dans lequel les jeunes — on les appelle les millenials apparemment, j'en ai un à la maison — se préoccupent et s'engagent pour la protection de l'enfance, un monde dans lequel les droits de tous les enfants sont effectifs.
Pour nuancer toutes ces informations négatives, je veux rapidement dire, dans le style propre à l'UNICEF, que nous faisons beaucoup de progrès. J'ai la chance d'avoir accompagné l'UNICEF au cours de ces 25 dernières années dans ce processus en constante évolution qu'est la protection des enfants. Je voudrais humblement suggérer que notre organisation est parfaitement à même de promouvoir sa présence et son leadership, mais cela doit se faire en partenariat avec les gouvernements, y compris celui du Canada. Leadership et partenariat sont les deux manières dont j'aime caractériser les choses.
Deux décennies de travail acharné et de défense des droits sans relâche effectués par de nombreuses agences — Vision mondiale en est une — nous ont aidés à en arriver là. Je veux dire l'UNICEF et les nombreuses autres organisations de l'ONU et des organisations de la société civile. Partant de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'UNICEF et d'autres ont évolué, passant de programmes axés sur les problèmes et les réponses à apporter à des programmes systémiques et holistiques qui s'attaquent aux vulnérabilités multiples et sous-jacentes qui caractérisent les enfants et leurs familles.
Lors de la session des questions-réponses, il a été dit que le secteur est guidé par les résolutions du Conseil de Sécurité, l'Assemblée générale des Nations Unies a approuvé des directives relatives à la protection de remplacement, et d'autres normes dont nous ne disposions pas auparavant. La protection de l'enfance est visible et nécessaire, mais cette victoire de la défense des droits crée beaucoup d'attentes.
Dans le secteur de la protection de l'enfance, nous avons, et c'est important, une stratégie. Elle comprend... et c'est vraiment encourageant d'entendre tous les témoins présents aujourd'hui parler de renforcer les systèmes de prévention, d'aide aux victimes de violences et, en même temps s'attaquer aux normes sociales pour renforcer les choses favorables et changer celles qui ne sont pas favorables aux enfants.
Nous faisons tous partie d'une communauté de protection de l'enfance qui grandit en nombre et en efficacité. Cette communauté partage un langage, sinon commun, en tout cas semblable. Ce n'était pas le cas il y a 20 ans.
Néanmoins, il subsiste un manque d'exemples de programmes évolutifs pour obtenir des résultats pour les enfants. Je veux en citer un ou deux, dont un dont vous pouvez tous être très fiers. Votre récent soutien à l'UNICEF au Ghana est très prometteur. Il s'agit d'une bourse substantielle qui permettra à l'équipe d'adapter ses efforts aux besoins de protection de l'enfance. De tels investissements sont rares. Il doivent être encouragés. Nous travaillons souvent à l'échelle de petits projets, ce qui freine l'obtention de résultats vraiment systémiques et durables. Tous les regards sont donc tournés vers le Ghana.
Le second exemple, c'est l'Éthiopie où le gouvernement et ses partenaires renforcent la protection de l'enfance et le système de protection sociale grâce à un soutien financier important, en l'occurrence le gouvernement des États-Unis. Une certaine volonté politique et la collaboration des acteurs de la protection de l'enfance devraient donner des résultats mesurables dans les cinq ans. Cela comprend une augmentation du nombre d'enfants dans des familles stables, une diminution du nombre d'enfants vivant en institution, un système judiciaire plus fort et un système de protection sociale.
Au niveau régional, en Europe de l'Est, le travail permet d'éviter la mise en institution d'enfants. Des enfants souffrant de handicaps légers étaient placés en institutions pour différents motifs. En s'attaquant à ces motifs, et en soutenant et en renforçant les familles, nous assistons à un changement positif et durable. Ces efforts apportent les preuves de la mise en place de programmes évolutifs, avec de très bons résultats.
Pour prendre un dernier exemple, à la fin de l'année prochaine, 17 pays auront mené des études de haute qualité au sein des foyers concernant les violences faites aux enfants. Un nombre croissant de plans d'action généraux menés par des gouvernements sont mis en place. Ce qui est important c'est que la direction de ces programmes intègre des acteurs de l'enseignement, de la justice, de la protection sociale et d'autres. Ils ont une approche systémique.
À l'interne, le secteur fait face à d'énormes défis en matière de défense des causes, et ceux qui réclament la protection des enfants réclament les mêmes investissements que ceux réalisés dans les secteurs de la santé, de l'alimentation et de l'éducation des enfants. Les professeurs Shiffman et Smith ont cherché à savoir pourquoi les dirigeants politiques priorisent certaines initiatives mondiales en santé alors que d'autres retiennent à peine l'attention. Ils nous ont appris que quatre facteurs principaux semblent influencer les enjeux et pourquoi ces enjeux deviennent des priorités. Ces quatre facteurs sont la puissance et les idées des acteurs ainsi que le contexte politique et les caractéristiques des enjeux. À l'heure actuelle, la protection des enfants présente ces quatre facteurs. Mais le secteur a besoin d'une voix, de volonté politique et de ressources financières.
Alors, si vous pardonnez mon audace, j'ai deux choses très importantes à demander au Canada, nation reconnue comme étant en tête de file dans la défense des femmes, des enfants et des droits humains. S'il vous plaît, continuez à ajouter votre poids et votre engagement à ce travail crucial. Vous avez produit d'énormes résultats pour la protection des enfants du Ghana qui sont touchés par les conflits armés ou qui sont forcés d'y participer.
Ensuite, s'il vous plaît, ajoutez votre voix aux discussions post-2015. Il faut présenter clairement l'objectif de la prévention de la violence contre les enfants parmi les objectifs que le monde se fixe. Mon équipe dit souvent que si vous n'êtes pas à la table, vous êtes au menu, et vous avez été au menu tout au long des OMD.
Encore une fois, merci de m'avoir invitée. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de participer à notre discussion aujourd'hui.
Merci beaucoup.
Je vais proposer que nous fassions une série de questions de sept minutes chacune. Nous ne répondrons pas tout de suite à l'appel de la cloche, mais je crois que de cette façon tout le monde aura l'occasion de s'exprimer.
Paul, vous avez sept minutes.
Je vais me discipliner, monsieur le président.
Le président: Ah! Les belles promesses...
M. Paul Dewar: D'abord, madame Vandenberg, vous avez parlé du Bangladesh. Nous venons de tenir des audiences sur le Bangladesh, alors vous tombez bien.
Voudriez-vous que le gouvernement du Canada fasse preuve d'initiative en appuyant les entreprises canadiennes — parce qu'il est bien évident qu'elles ont un rôle à jouer là — qui prennent des mesures comme de signer l'accord? Je suis sûr que vous avez entendu parler de l'accord négocié sur la lutte contre les incendies et sur la sécurité des immeubles au Bangladesh.
Le gouvernement canadien devrait-il assumer le rôle de signer cet accord primordial que, comme vous le savez probablement, une société canadienne a déjà signé?
Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
Je viens de visiter le Bangladesh, et il m'a semblé voir partout des tragédies sur le point d'éclater. Selon nos partenaires au Bangladesh, cet accord est la meilleure solution pour le problème de la sécurité dans les lieux de travail, alors nous les avons encouragés à l'appuyer. Nous menons à l'heure actuelle une campagne intitulée No Child For Sale. C'est vraiment une campagne de sensibilisation.
Les Canadiens veulent agir. Beaucoup eux ont été scandalisés et bouleversés en apprenant que des vêtements canadiens, certains des vêtements qu'ils portaient et qu'ils avaient achetés, avaient été confectionnés dans l'usine qui s'est effondrée au Bangladesh, alors ils veulent agir. D'après les résultats de nos sondages, les Canadiens seraient prêts à payer plus cher pour des vêtements qui n'ont pas été confectionnés en forçant des enfants à travailler.
C'est un problème complexe, nous en sommes conscients. Nous ne savons pas exactement comment faire en sorte que les chaînes d'approvisionnement soient entièrement transparentes, mais nous savons que nous pouvons agir pour changer les choses. Il y a eu cet accord sur la sécurité dans les lieux de travail au Bangladesh. Nos partenaires disent que, pour le moment, c'est la meilleure solution.
Il y a un autre aspect à ce problème, et vous l'avez brièvement mentionné: comment le gouvernement peut-il demander aux Canadiens, aux citoyens et aux collectivités d'appuyer la défense des causes et le partenariat dans le cadre des initiatives de protection des enfants, parce qu'il est clair — vous l'avez souligné dans votre façon de le dire et de le démontrer avec vos mains — que nous avons tous un rôle à jouer?
Selon vous, que pourrait faire le gouvernement du Canada pour amener les Canadiens à participer à ce rôle? D'abord, il peut agir du côté de ses achats, c'est logique. Voyez-vous d'autres choses que le gouvernement pourrait faire auprès des citoyens canadiens et les groupes communautaires et autres pour participer à la promotion de la protection des enfants?
Eh bien, je me fie à l'expérience que nous avons acquise dans le cadre de ce que nous appelons Citizen Voice and Action que je crois avoir mentionné plus tôt. C'est l'outil de responsabilisation sociale que nous utilisons pour la défense locale des causes dans les pays où nous travaillons.
Cet outil n'est pas cher. Il faut un peu de temps pour apprendre à l'utiliser, mais il sert à aider les gens de la localité — ce qui comprend les enfants et les jeunes, qui adorent cet outil parce que leur engagement donne des résultats immédiats. Cet outil les aide à poser des questions sur la responsabilité de leur gouvernement local de répondre à leurs besoins particuliers.
Alors quand vous allez dans une communauté et que vous demandez aux enfants et aux jeunes de quoi ils ont besoin, ils vous décrivent très clairement leurs besoins et les façons d'y répondre. Ils ne comprennent pas bien le rôle de leurs gouvernements locaux. Dès qu'ils apprennent à lire un budget, un plan de développement local, le plan communautaire de leur localité, ils sont en mesure de poser des questions.
Nous avons découvert qu'ils n'ont pas de relations antagonistes avec leur gouvernement local, parce que celui-ci désire collaborer avec les résidents et répondre à leurs besoins. En utilisant cet outil dans le domaine de la santé, par exemple, nous avons vu une augmentation incroyable du nombre de sages-femmes qualifiées, parce que les familles ont dit qu'elles en avaient besoin.
Quant à la protection des enfants, j'imagine qu'ils demanderaient clairement qu'on réponde à leurs besoins de sécurité dans les lieux de travail, surtout pour les jeunes.
Voilà ma réponse.
Il me reste juste deux minutes, donc je vais m'adresser à l'UNICEF.
Madame Bissell, vous avez indiqué où nous en sommes dans nos OMD. Dans le cadre des discussions post-2015 qui ont lieu — j'ai hâte d'entendre ce que le gouvernement nous annoncera à ce propos, parce qu'il est clair que le Canada doit assumer un rôle — nous voulons essayer de... Les gens parlent d'une approche mondiale ou universelle à ces enjeux, et je trouve que c'est merveilleux.
Où placeriez-vous la protection des enfants dans ce programme? Où en sommes-nous? Devrions-nous souligner cet enjeu beaucoup plus fortement pour être sûrs qu'il fera partie des discussions et des objectifs post-2015? Dans l'affirmative, comment nous y prendre?
Où nous plaçons-nous? Tout dépend de la journée, si c'est lundi ou jeudi, parce que le roulement est continuel.
Nous nous appelons le « C-six », les organismes centrés sur les enfants qui se sont unis pour les défendre, avec le Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence contre les enfants. Alors nous sommes assez bien placés maintenant, mais selon moi, nous ne pouvons pas nous relâcher un instant.
Par exemple, le Canada à New York soutient fermement la protection des enfants dans tous les contextes — autant dans les conflits armés que non armés — alors, nous organisons deux ou trois choses qui aboutiront à une rencontre des dirigeants en septembre. Mais, dès le mois de juin, nous continuerons à faire pression sur les gouvernements. En fait, nous avons préparé ensemble une liste d'indicateurs éventuels. Nous avons travaillé avec des spécialistes de la mesure pour préparer quelques suggestions à cet effet.
Nous collaborons beaucoup avec Jeff Sachs et son groupe pour nous prévaloir de leur influence, mais si le Canada ajoutait son poids dans la conversation, je crois que ce serait très important.
Merci beaucoup.
Madame Vandenberg, pendant les Fêtes de Noël, mon épouse et moi avons eu l'immense bonheur d'adopter un enfant du Malawi, Elizabeth. Elle a huit ans et vient d'une famille d'agriculteurs. Elle ne travaille pas et elle adore l'école, alors elle s'instruit.
Il est probablement facile de mettre sur pied certaines des choses dont vous nous avez parlé dans des régions relativement stables. À l'heure actuelle, le Malawi est relativement stable. Mais dans les régions déchirées par la guerre et dans certains des pays où l'on ne respecte pas les lois, cela doit être très, très difficile. Il y a de la corruption et tout se ligue même contre l'éducation.
Mais si j'ai bien compris, l'investissement dans l'éducation en Afghanistan, et dans l'éducation des filles, était l'un des aspects primordiaux de l'initiative du gouvernement canadien dans ce pays. Oui, nous y avons envoyé des soldats, mais avec cela nous avons soutenu l'éducation des filles et nous offrons plus d'éducation.
Pourriez-vous nous parler un peu de ce qui se passe dans des pays plus stables comme le Malawi et de ce qui pourrait se passer en Afghanistan et des changements que nous y avons apportés?
Je vais commencer par répondre à votre question sur les régions déchirées par la guerre.
C'est pour cela que je soulevais le problème des espaces d'accueil pour les enfants. Il y a des personnes-ressources qui, en cas d'urgence, fournissent des espaces d'accueil sécuritaires et une éducation informelle. On peut accomplir beaucoup de travail sur les normes des sociétés, pour changer ces normes sur les mariages forcés, sur la main-d'oeuvre enfantine et sur le rôle des sexes dans ces espaces d'accueil pour les enfants.
Dans les autres environnements, il y a l'éducation formelle et informelle. Il est important que les enfants aillent à l'école et qu'ils reçoivent un enseignement de qualité, mais il faut aussi leur enseigner ce dont ils ont besoin pour s'adapter à leur vie quotidienne, et c'est l'éducation entre camarades.
J'ai amené un groupe de députés au Cambodge et en Thaïlande, et nous avons vu le travail extraordinaire que font les enfants pour s'éduquer et se protéger mutuellement. Nous avons vu une initiative spéciale pour les garçons intitulée My Son. Ils viennent tard le soir avec des lanternes, les jeunes viennent de la rue et se réunissent avec ces jeunes garçons. Il était très important de permettre à leurs camarades de leur dire ce qu'il faut faire pour protéger un enfant.
Ce sont quelques exemples qui me viennent à l'esprit.
Madame Bissell, comment l'UNICEF et d'autres partenaires coordonnent-ils la solution mondiale à la protection des enfants?
Nous suivons un plan en 10 volets. Je ne vous décrirai pas tous ces volets, mais je vais commencer par deux ou trois des plus importantes.
D'abord il y a une initiative à laquelle nous travaillons depuis deux ans et que nous allons lancer en septembre en Inde, qui s'appelle Know Violence — et le « no » est en rouge. C'est une initiative mondiale d'éducation sur la prévention de la violence envers les enfants. Il ne s'agit pas d'apprentissage passif. Des chercheurs universitaires, des professeurs et autres dans le monde entier axent leur recherche sur l'ampleur de ce problème, et un second groupe se penche sur les solutions qui le préviendront efficacement, et puis ils présentent les résultats de leurs recherches.
Lincoln Chen — je ne sais pas si quelqu'un ici a entendu parler de lui — est un grand professionnel de la santé publique. Il a accepté de présider le groupe qui dirige cette initiative. Amartya Sen a accepté de coordonner le processus. Nous allons publier des articles. Nous demanderons à la chaîne BBC de diffuser des choses. Nous allons pousser toujours plus fort avec ce que les sciences nous diront au sujet de la prévention et de l'élimination de la violence contre les enfants. C'est une des initiatives, et elle nous mobilise tous dans le monde entier.
Un autre des huit volets de ce plan consiste à exhorter les universitaires partout dans le monde — les professeurs et leurs hiérarchies — à considérer la protection des enfants comme une discipline d'étude sérieuse, comme un sujet interdisciplinaire. Il ne s'agit pas d'un acte de charité. C'est en fait du travail scientifique très important. Nous avons un comité consultatif international composé d'universitaires de l'Inde, du Mexique, d'Afrique du Sud, d'Écosse, d'Éthiopie et de deux ou trois autres pays, et nous cherchons à travailler dans les régions francophones de l'Afrique, alors nous nous occupons de quelques problèmes linguistiques. Ce n'est qu'un début, et l'Université Harvard offre la toute première spécialisation de maîtrise en protection des enfants. Nos conseillers experts dans le monde entier développent rapidement ce domaine d'étude dans leurs pays et dans les universités de leurs pays.
Le troisième volet incroyablement dynamique est une initiative de communication que mon patron, le directeur général Tony Lake, a lancée en juillet dernier. Cette initiative sur l'élimination de la violence s'est avérée plus efficace que tout ce que l'UNICEF a organisé dans toute son histoire. Je suis sûre que certains d'entre vous ont vu le message d'intérêt public très connu et incroyablement puissant de Liam Neeson. Cela ne concerne pas Liam Neeson. L'astuce est de rendre visible ce qui est invisible. Ce qui s'est passé, c'est que l'entité mondiale a créé une plate-forme pour le niveau local de tous les pays du monde afin de reconnaître le travail excellent d'un grand nombre d'organismes de la société civile qui travaillaient dans l'ombre et pour reconnaître de petits projets. Cette initiative nous a permis de tenir cette conversation sur le plan mondial d'une manière beaucoup plus légitime.
Je vous dirai que j'ai passé cinq ans de ma vie au Bangladesh. Quand j'y suis arrivée en 1992, le gouvernement ne voulait pas discuter avec moi de main-d'oeuvre enfantine. Regardez où nous sommes parvenus aujourd'hui. Il y a plusieurs initiatives très dynamiques menées à l'échelle mondiale.
Pour en revenir au gouvernement du Canada, nous travaillons depuis quelque temps avec une nouvelle unité de protection des enfants. J'en suis très heureuse. J'ai passé toute la matinée avec ces gens-là pour établir des stratégies, des plans et des projets. Je suis persuadée que plus le Canada s'engagera à cela et y augmentera sa voix et son leadership, plus les autres pays se joindront à nous.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Vandenberg, vous avez dit qu'il est important d'investir dans l'éducation formelle et informelle afin de prévenir les sévices que subissent les enfants, et vous nous avez donné quelques exemples d'éducation informelle que les jeunes se donnent sur l'adaptation à la vie quotidienne. Je me demande si vous pourriez nous donner plus de détails à ce propos.
Plus particulièrement, qu'est-ce que le gouvernement du Canada pourrait ou devrait faire pour encourager cela? Quel type de mesures le gouvernement du Canada devrait-il adopter et comment ces mesures se concrétiseraient-elles sur le terrain pour les enfants?
Merci d'avoir posé cette question.
J'étais tellement concentrée sur ma réponse à la question de M. Dewar au sujet de la défense des causes dans les pays au niveau local que je n'ai pas vraiment répondu à votre question sur ce que le gouvernement du Canada devrait faire.
En termes très généraux, le gouvernement peut assumer un rôle dans le commerce, la diplomatie et le développement. En commerce, il s'agit d'examiner la chaîne d'approvisionnement et le type d'accords que nous avons conclus. Il faut veiller à ce qu'on n'engage pas de main-d'oeuvre enfantine. Il faut examiner l'éducation informelle qui se fait entre camarades dans les rues du Cambodge. Et en ce qui concerne les liens directs entre ces choses, nous devons veiller à offrir des choix sécuritaires à ces enfants. Il ne suffit pas de savoir que vous avez besoin de protection et que vous ne devriez pas participer à la main-d'oeuvre enfantine, mais il faut pouvoir trouver des occasions d'emploi convenable.
Dans le domaine de la diplomatie, le gouvernement canadien a très bien su souligner le problème particulier des mariages précoces forcés. L'éducation informelle permet d'éliminer les causes profondes du mariage précoce forcé. Il s'agit de donner une éducation sur la discrimination, sur les normes sociales, sur les idées qu'ont les mères et les grands-mères au sujet de l'âge auquel leurs enfants devraient se marier et des pressions qu'elles subissent pour marier leurs enfants aussi tôt que possible. Donc de nouveau, tout cela est lié à l'éducation informelle.
En ce qui concerne la manière d'insérer tout cela dans nos programmes de développement, je suis très heureuse de constater l'intérêt du ministre du Développement pour la protection des enfants. J'ai hâte de voir le Canada assumer le rôle de leadership dont il a fait preuve dans le cas de la santé des mères et des nouveau-nés et l'appliquer à la protection des enfants. J'ai hâte que nous investissions dans des interventions qui ont fait leurs preuves, dont les coûts ne sont pas très élevés et qui apportent vraiment du changement dans la vie des enfants.
D'accord. Donc il y a un potentiel d'investissement dans le domaine du développement.
Je voudrais vous demander comment l'enregistrement des naissances se fait vraiment, de nouveau du point de vue de ce que le gouvernement du Canada pourrait faire. Je suppose qu'il faudrait pour cela la collaboration du gouvernement local ou d'organismes locaux. De quelle façon le gouvernement du Canada peut-il influencer ce qui se fait au niveau local? Que se passe-t-il quand vous essayez d'encourager l'enregistrement des naissances?
Nous pouvons répondre à cette question en équipe, parce que nous avons toutes deux mentionné ce sujet. Je pense que c'est une bonne façon de présenter à nouveau l'approche systématique, parce que je vais aborder la question du point de vue communautaire, et Susan pourra nous parler des organismes internationaux.
Au niveau communautaire, les dirigeants d'églises, par exemple, ont un rôle important à jouer lorsqu'ils discutent avec les conjoints qui viennent les consulter avant de se marier. Ils peuvent leur dire que ce n'est probablement pas une bonne idée parce qu'ils sont trop jeunes. Il y a le rôle qu'a la collectivité de savoir ce qui se passe dans les relations. Les dirigeants confessionnels ont aussi un rôle clé à jouer quand ils enregistrent les mariages. Ce sont des exemples très pratiques au niveau communautaire.
Nous avons découvert, dans le domaine de la santé, des mères et de leurs nouveau-nés et des programmes de protection des enfants que, si vous n'avez pas de certificat de naissance, vous n'existez pas. Vous n'avez pas accès aux services qu'il vous faut. Donc le gouvernement du Canada a pour rôle d'encourager l'enregistrement des naissance dans le cadre de ses programmes. C'est une chose qui ne coûte pas cher et qu'on peut ajouter à la liste des éléments des programmes que nous soutenons.
Vous voudrez peut-être ajouter quelque chose à cela.
Bien sûr, très brièvement.
Il existe à ce sujet un mouvement mondial encourageant qui réunit divers organismes régionaux sur cette question. Je vais vous parler brièvement d'une rencontre tenue à Addis Ababa la semaine dernière avec l'Union africaine. Il y a dans toute l'Afrique une motivation incitant à l'enregistrement des actes et des statistiques de l'état civil.
Nous parlons d'enregistrement des naissances parce qu'il s'agit de l'élément le plus pertinent de cette approche systémique à la protection des enfants. Il faut pour cela défendre cette cause — et le Canada pourrait s'en charger — auprès d'autres gouvernements afin qu'ils accordent la priorité à l'enregistrement des naissances. On pourrait très évidemment aussi offrir du soutien financier. Dernièrement, l'Union européenne a envoyé d'énormes sommes à cette fin. Dans les pays mêmes, les intervenants de la protection des enfants dirigent cette initiative en liaison avec les secteurs de la santé et les groupes confessionnels et autres. Mais en général, on pousse à la création d'une entité centrale d'enregistrement des actes et des statistiques de l'état civil qui fasse un travail de haute qualité. Elle doit répondre à six ou sept critères, dont la protection des données, et ainsi de suite.
Je voudrais remettre au comité le guide que nous avons préparé en décembre pour le distribuer à toutes les personnes sur le terrain afin qu'elles comprennent bien les rudiments de la mise en sur pied d'un organisme d'enregistrement des naissances. Nous avons vu que, ailleurs dans le monde, quand un pays améliore l'enregistrement de ses actes et de ses statistiques d'état civil, il se concentre avant tout sur l'enregistrement des naissances. Alors le Canada pourrait promouvoir cette cause dans toutes sortes de rencontres... Nous savons que, dans deux ou trois semaines, dans le cadre de son sommet à Toronto, le Réseau canadien sur la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants présentera un groupe d'experts sur l'enregistrement des actes et des statistiques d'état civil.
Je vais m'arrêter là.
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