:
Bonjour à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre point à l'ordre du jour aujourd'hui est une séance d'information sur la liberté de religion au Nigéria. Nous allons commencer.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins ici à Ottawa, de même qu'à nos deux autres témoins, dont un témoigne par téléconférence et l'autre par vidéoconférence, comme on peut le voir à l'écran.
La première personne que je veux vous présenter est Doug McKenzie, qui est président-directeur général de Voice of the Martyrs. Bienvenue, Doug. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous ce matin. Nous accueillons aussi le révérend Peter Jardine, qui est président du conseil d'administration. Bienvenue, révérend. Nous sommes heureux de vous accueillir aussi.
Nous avons aussi, cette fois par téléconférence, Emmanuel Ogebe, conseiller juridique spécial, Jubilee Campaign. Bienvenue, monsieur.
Et nous avons aussi, par vidéoconférence, Saa Chibok, de la même organisation. Bienvenue, Saa.
Nous commençons habituellement par les exposés, et ce sera vous d'abord, Doug, puis le révérend Peter. Je pense qu'il y aura ensuite une courte vidéo.
Je présume que les deux personnes par téléconférence et vidéoconférence sont là pour répondre aux questions, mais qu'elles ne présentent pas de déclarations préliminaires. Est-ce exact?
:
Nous vous remercions sincèrement de nous accorder le privilège de témoigner. Nous vous savons gré d'écouter notre point de vue. Nous vous remercions aussi d'accueillir nos invités. Nous sommes reconnaissants en particulier au député David Anderson, qui a rendu notre comparution possible.
Comme on l'a mentionné, je suis le président-directeur général d'un organisme de bienfaisance qui a vu le jour au Canada il y a 43 ans et qui s'appelle Voice of the Martyrs. Voice of the Martyrs est établi partout dans le monde et son mandat premier consiste à aider et à prendre soin de ceux qui sont persécutés en raison de leur foi et de leurs croyances religieuses.
Nous sommes plus précisément un organisme chrétien, et donc pas seulement un organisme de bienfaisance enregistré, mais aussi un ordre religieux. Le président de notre conseil d'administration, Peter Jardine, qui m'accompagne aujourd'hui, vous dira aussi quelques mots tout à l'heure. Nous vous présenterons ensuite une courte vidéo.
Nous sommes ici d'abord et avant tout pour vous faire part de faits qui se confirment, ou qui sont en voie de se confirmer au fur et à mesure que nous en apprenons davantage, sur la nature des persécutions.
Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est vous informer, vous et d'autres, le mieux possible afin que vous puissiez prendre de bonnes décisions sur les questions liées à la liberté de religion et aux persécutions religieuses. Nous croyons et voulons insister sur un point — et espérons vous en montrer des preuves ou vous faire entendre des témoignages qui vous le prouveront aujourd'hui —, à savoir que la vaste majorité des persécutions dans le monde à l'heure actuelle sont à l'endroit des chrétiens.
Bien sûr, notre opinion est biaisée, et je vous le dis d'entrée de jeu: nous sommes une mission chrétienne financée en totalité par des donateurs canadiens qui sont en grande partie de confession chrétienne, et même si cela n'empêche rien, c'est un fait.
Nous voulons vous renseigner sur les persécutions à l'endroit des chrétiens qui ont lieu à un endroit dans le monde, et c'est au Nigéria, le pays le plus populeux d'Afrique, et un pays très clairement divisé en deux entre le nord et le sud, le sud étant à dominante chrétienne et le nord étant peuplé principalement de radicaux, de fondamentalistes et d'extrémistes.
Les affrontements qui ont lieu dans ce pays sont un bon exemple des persécutions qui ont lieu partout dans le monde. Aujourd'hui, nous parlons du Nigéria, mais nous pourrions aussi bien parler de tout autre pays aux prises avec ce type de problèmes, mais nous pensons que le Nigéria est un bon exemple, et nous allons vous montrer des preuves aujourd'hui qui vont venir confirmer, espérons-le, ce que nous avançons.
Nous voulons aussi surtout vous présenter une jeune femme nommée Saa, qui a traversé de nombreuses épreuves avec beaucoup de courage, et qui a aussi le courage aujourd'hui, et nous l'en remercions, d'avoir accepté d'être notre invitée, et d'être votre invitée maintenant, pour vous raconter son histoire et répondre à vos questions.
Emmanuel, pour sa part, est quelqu'un avec qui la mission travaille et qui fait un travail incroyable pour défendre les droits de la personne et la liberté de religion, en particulier au Nigéria. Il a déjà témoigné à maintes reprises devant le Congrès américain, il a pris la parole aux Nations Unies et il est considéré comme un expert sur le Nigéria. Nous lui sommes reconnaissants aussi d'être avec nous aujourd'hui. Il est le tuteur légal de Saa.
Je vais maintenant céder la parole au président de notre conseil d'administration, Peter Jardine. Nous vous présenterons ensuite une courte vidéo de quatre minutes, avant de poursuivre avec ce qui est au programme.
:
Je vous remercie de nous avoir invités à vous parler de la persécution.
J'ai vécu ma première expérience de la persécution au début des années 2000. Jusqu'à l'an 2000, je n'avais aucune idée qu'elle se produisait vraiment. À ce moment-là, j'ai visité la Bosnie en compagnie d'un chrétien de l'ouest d'Ottawa. Il m'a parlé de la persécution qui sévissait au Soudan et qu'il connaissait bien. Environ un an plus tard, je suis allé au Soudan du Sud. Ce que j'ai appris là-bas est stupéfiant.
Ce matin, nous parlons surtout du Nigéria. J'ai visité ce pays à quelques reprises dans les années 1980, lorsqu'il était pacifique et qu'à ma connaissance, rien de mauvais ne s'y produisait, du moins pas autant qu'aujourd'hui. Les actes de persécution au Nigéria sont évidemment commis par les membres de Boko Haram, un groupe musulman.
Les actes de persécution commis au Soudan viennent du gouvernement musulman, à Khartoum. On avait tué deux millions de personnes, surtout des chrétiens, avant que je m'y rende pour la première fois. J'ai appris des choses absolument stupéfiantes. Toutefois, l'une des meilleures choses que j'ai apprises en ce qui concerne la persécution, c'est que les chrétiens persécutés ont pardonné à leurs persécuteurs. À cet égard, ils peuvent nous enseigner beaucoup de choses.
Ensuite, après environ sept visites au Soudan du Sud, je suis allée dans l'État d'Orissa, en Inde, où les hindous avaient violemment persécuté les chrétiens lors d'une vague de violence qui n'aurait vraiment pas dû être dirigée contre les chrétiens. En fin de compte, un de leurs dirigeants dans l'État d'Orissa a été assassiné. Un groupe de guérilléros communistes lui a tiré dessus et l'a abattu. Les membres de ce groupe ont déclaré publiquement qu'ils avaient abattu cet homme, mais le résultat immédiat, c'est que les hindous se sont servis de cet événement pour persécuter les chrétiens. Ils ont brûlé des chrétiens vivants dans cet État.
Cela nous a énormément surpris, car nous pensions que l'Inde était un pays civilisé. Les musulmans reçoivent souvent la plus grande partie de la publicité pour leur persécution des chrétiens, mais n'oublions pas que cela se produit également dans d'autres communautés. Ces actes de persécution sont commis par les hindous. En Corée, ils sont commis par le gouvernement.
Je crois qu'il est probablement temps de donner la parole aux autres témoins et de regarder la vidéo.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui.
J'aurais vraiment aimé être là en personne, surtout parce que la Chambre des communes a été le théâtre d'une horrible attaque au Canada qui ressemble à ce que nous vivons quotidiennement au Nigéria. Permettez-moi d'utiliser ce temps pour offrir mes condoléances à votre cher pays relativement à cette récente tragédie.
Permettez-moi également de vous fournir quelques brèves statistiques. Tout d'abord, on a tué plus de chrétiens pendant ce siècle qu'au cours des siècles précédents. Deuxièmement, selon une étude Pew, le christianisme est la religion la plus persécutée dans le monde. Troisièmement, on a tué plus de chrétiens dans le nord du Nigéria en 2012 que dans tout le reste du monde. Le Nigéria comptait donc, à lui seul, plus de 60 % des martyrs chrétiens pendant l'année 2012.
J'aimerais également décrire brièvement la nature des persécutions qui sévissent dans le nord du Nigéria. Elles se divisent en trois grandes catégories: la persécution par l'État, la persécution dans les rues et la persécution par les sectes.
Dans le nord du Nigéria, les gouvernements d'État persécutent les gens en emprisonnant les musulmans qui deviennent chrétiens et en discriminant contre les chrétiens au travail et en leur refusant l'accès aux terres. Ensuite, il y a la persécution dans les rues: les musulmans descendent occasionnellement dans les rues et brûlent des églises, car ils jugent qu'un infidèle a fait quelque chose de mal. Ensuite, il y a les persécutions par les sectes, c'est-à-dire Boko Haram. C'est de la persécution sur les stéroïdes, c'est-à-dire que les membres de cette secte commettent d'innombrables assassinats. Voilà, en résumé, la nature des persécutions dans le nord du Nigéria.
J'aimerais soulever un dernier point. Je suis heureux que le Canada ait désigné Boko Haram comme étant une organisation terroriste étrangère. C'est une campagne que j'ai menée aux États-Unis, et je suis heureux que le Canada l'ait fait sans y être poussé. Toutefois, désigner Boko Haram comme étant une organisation terroriste étrangère, c'est comme créer de la noirceur. Nous souhaitons plutôt allumer de petites chandelles. Que pouvons-nous faire pour mettre fin à ce génocide qui se produit à si grande échelle dans le nord du Nigéria?
Permettez-moi de terminer mon exposé en rendant hommage aux merveilleux missionnaires canadiens qui ont été liés à ma famille pendant plusieurs générations. Nous sommes toujours en communication avec eux aujourd'hui. Ils se cachent. J'aimerais préciser que la chrétienté dans le nord du Nigéria représente une partie de l'héritage canadien [Note de la rédaction: difficultés techniques] dans le nord du Nigéria, et c'est très pénible de voir que les résultats des travaux de tous ces missionnaires formidables sont pillés, brûlés et détruits par les membres de ce vicieux groupe terroriste, c'est-à-dire Boko Haram.
Enfin, j'aimerais vous remercier de vous être penchés sur cet enjeu important qui se déroule dans une région éloignée. Cet enjeu n'obtient pas la même attention et la même couverture médiatique que l'EIIS en Irak, même si une étude sur le terrorisme menée par le gouvernement des États-Unis en 2012 a démontré que Boko Haram était au deuxième rang des pires groupes terroristes du monde, avant l'EIIS.
Merci beaucoup.
Le 14 avril 2014, nous étions tous à l'école vers 23 h 34, où nous étions endormies. Nous avons entendu les membres de Boko Haram arriver dans le village de Chibok. Ils ont commencé à tirer partout. Nous nous sommes toutes réveillées. Nous ne savions pas où aller. Nous sommes toutes sorties de nos chambres et nous nous sommes rassemblées.
J'ai appelé mon père au téléphone. Je lui ai raconté ce qui se passait à Chibok. Il nous a dit de ne pas partir, mais de nous rassembler et de prier, afin que Dieu soit avec nous. Je lui ai dit: « D'accord ». J'étais avec mes amies. Toutes les filles se sont rassemblées dans le foyer.
Les membres de Boko Haram sont entrés dans notre école. Ils sont allés dans les logements du personnel, où habitent nos enseignants. Comme tous les enseignants s'étaient enfuis avant qu'ils entrent dans les logements, ils n'y ont trouvé personne. Personne n'est venu nous dire si nous devions nous enfuir ou rester là. Les membres de Boko Haram sont venus dans le foyer sur les motocyclettes de nos enseignants.
Lorsque nous les avons entendus arriver, nous pensions que c'était peut-être nos enseignants qui revenaient à l'école pour nous dire quoi faire. Nous ne connaissions pas les membres de Boko Haram. Lorsqu'ils nous ont trouvées, ils nous ont dit que nous devions venir ensemble, que nous ne devions pas nous enfuir, et que nous ne devions pas crier. Ils nous ont rassemblées et nous ont demandé où était la machine à fabriquer des blocs de ciment. Nous avons répondu que nous ne le savions pas. Ils nous ont dit que si nous ne leur disions pas la vérité, ils allaient toutes nous tuer.
Ils ont demandé où étaient les garçons. Nous avons répondu que les garçons ne vivaient pas à l'école; ils sont des élèves de jour, c'est-à-dire qu'ils arrivent le matin et rentrent à la maison après la classe.
Ils nous ont demandé où était la nourriture. Ils ont choisi deux filles pour leur montrer l'entrepôt. Ensuite, ils sont revenus avec un gros camion et l'ont chargé de toute la nourriture.
Ils nous ont demandé encore une fois où était la machine à fabriquer des blocs de ciment, et nous avons continué à leur dire que nous ne le savions pas.
Ils nous ont demandé de sortir du foyer et d'aller dans la classe et de nous asseoir ensemble. Nous nous sommes rassemblées. Ils nous ont dit de ne pas courir ou crier, et qu'ils tueraient celles qui le feraient. Ensuite, ils nous ont déplacées dans la classe.
Nous nous sommes assises, et ils ont commencé à brûler tout ce qui se trouvait dans l'école, c'est-à-dire nos livres, nos vêtements, etc. Ils nous ont demandé pourquoi nous étions dans cette école. L'école était-elle importante pour nous? Pourquoi ne nous étions-nous pas mariées? Ils nous ont dit que nous devions quitter l'école et les suivre dans la forêt.
Ensuite, ils nous ont encerclées. Ils étaient à nos côtés, derrière nous et en face de nous. Nous nous déplacions ensemble. Ils ont dit que nous ne devions pas courir et que si nous le faisions, ils allaient toutes nous tuer. Nous les avons suivis dans la forêt, et ils nous ont rassemblées sous un grand arbre. Ils ont amené les camions dans lesquels ils avaient chargé notre nourriture et un grand nombre d'automobiles. Il y avait un autobus et quelques voitures. Nous nous sommes rassemblées. Nous ne pouvions pas grimper dans le camion, car il était grand et long, et ils ont donc amené une petite voiture et d'autres camions. Ils ont dit que nous devrions monter dans la petite voiture et dans les gros camions, et qu'ils viendraient avec nous et qu'il ne nous arriverait rien. Nous avions peur d'entrer dans la voiture. Ils ont commencé à tirer et ils ont dit qu'ils tueraient les filles qui ne montaient pas dans les camions.
Nous avons commencé à monter dans les camions et un grand nombre de filles sont restées derrière, car la voiture n'était pas assez grande pour toutes nous amener. Ils ont demandé à certaines des filles de marcher et nous nous sommes mises en mouvement. Nous étions dans les camions et certaines d'entre nous marchaient. Lorsque nous sommes arrivés dans un petit village, ils ont demandé à certaines des filles de monter dans les camions, car nous allions trop loin et elles ne pourraient pas se rendre là-bas. Certaines d'entre nous étaient assises sur les genoux d'autres personnes. Nous sommes entrées et trois filles sont restées derrière.
Les trois filles sont restées derrière, car il n'y avait pas assez de place pour elles dans la voiture. Ils ont demandé aux filles, l'une après l'autre... Lorsqu'ils ont demandé à la première fille, qui était musulmane, si elle était musulmane ou chrétienne, elle leur a dit qu'elle était musulmane. Ils ont posé la question à la deuxième fille, qui était chrétienne, mais elle leur a dit qu'elle était musulmane. Ils ont demandé à la troisième, et elle leur a dit qu'elle était chrétienne. Lorsqu'elle leur a dit qu'elle était chrétienne, l'un d'entre eux a décidé qu'il ne fallait pas la laisser partir et qu'il fallait la tuer. Certains d'entre eux ont dit qu'il ne fallait pas la tuer, mais qu'il fallait la laisser partir. Mais l'un d'entre eux a dit qu'il allait la tuer. Il a même pointé son fusil sur elle et a dit qu'il allait la tuer. Certains d'entre eux ont dit qu'il ne fallait pas la tuer. Ils ont dit aux filles qu'elles devaient courir et rentrer à la maison, mais que si elles se retournaient pour les regarder, ils allaient toutes les tuer. Les trois filles se sont échappées et sont retournées à la maison.
Ils ont commencé à nous déplacer. Nous marchions dans le bois. Nous étions au milieu de la forêt. Tout ce que nous pouvions voir, c'était la forêt. Nous avons passé un autre village appelé Gagelam. Certaines des filles ont commencé à sauter du véhicule. Certains étaient devant nous et d'autres étaient derrière. Ils n'étaient pas parmi nous, mais sur des motocyclettes derrière nous. Ensuite, il y avait une certaine distance entre nous, car nous étions dans la forêt, au milieu de la nuit, et ils ne pouvaient pas nous voir. Certaines d'entre nous ont sauté du camion pour entrer dans la forêt pour nous cacher. Nous attendions qu'ils soient passés pour tenter de rentrer chez nous.
J'ai dit à mon amie que j'allais sauter du camion. J'aimais mieux mourir pour que mes parents aient un corps à enterrer que d'aller avec eux, car je ne savais pas où ils nous amenaient. Elle m'a dit qu'elle allait sauter avec moi et j'ai accepté. J'ai sauté du camion en mouvement. Elle m'a suivie. Nous sommes entrées dans la forêt. Ceux qui étaient derrière nous sont passés et ensuite, nous voulions retrouver le chemin de la maison. Mon amie s'était blessée à la jambe; elle ne pouvait pas marcher et je ne pouvais pas la transporter. Nous ne savions pas quoi faire au beau milieu de la nuit dans la forêt. Nous avons décidé de dormir dans les bois, car nous ne savions pas où nous étions. Nous nous sommes enfoncées dans la forêt et nous nous sommes assises sous un arbre et nous avons dormi jusqu'au matin.
À six heures du matin, je lui ai dit ce que j'allais faire, car je ne pouvais pas la transporter. Nous ne savions pas où nous étions et nous ne savions pas où aller. J'ai décidé d'aller chercher de l'aide.
J'ai seulement marché un peu avant de rencontrer un berger dans la forêt. Je lui ai demandé de nous aider. C'était un musulman. Je lui ai demandé de nous aider, car mon amie ne pouvait pas bouger, et il pourrait peut-être nous aider et nous montrer le chemin ou la transporter, ou il pourrait peut-être trouver quelqu'un pour nous aider. Il a dit qu'il n'allait pas nous aider du tout et que nous devions attendre jusqu'à 10 heures ou 11 heures, et que des gens passeraient peut-être en se rendant au marché et qu'ils pourraient nous aider et nous ramener à la maison. Je lui ai dit qu'en raison de ce qui était arrivé, si les gens savaient que les membres de Boko Haram étaient passés sur cette route, personne n'irait au marché aujourd'hui. Il a répondu qu'il allait nous aider. Il a transporté mon amie sur sa bicyclette et il nous a montré le chemin. Je l'ai suivi. Nous avons atteint le village de Gagelam que nous avions passé auparavant et nous avons rencontré un homme sur sa motocyclette; il nous cherchait. Il venait de sortir et les gens cherchaient les filles, peut-être celles qui avaient sauté des véhicules, afin de les aider et lorsque nous l'avons rencontré, il nous a demandé d'où nous venions et nous lui avons raconté ce qui était arrivé et il nous a fait monter sur sa motocyclette et nous a transportées jusqu'à Chibok. À notre arrivée à Chibok, nous avons trouvé un homme okada qui nous a ramenées à la maison vers 23 heures.
C'était mon histoire.
:
J'aimerais remercier tous nos témoins, en particulier Saa. Vous avez vécu quelque chose qu'aucun enfant ne devrait vivre. Vous êtes brave de nous raconter votre histoire.
Je vais partager mon temps avec Mme Day. Je poserai donc seulement une ou deux questions et je lui donnerai ensuite le microphone.
J'aimerais souligner que le gouvernement a un Bureau de la liberté de religion. Nous finançons également différents programmes.
J'aimerais demander à mon invité, M. Ogebe, de nous dire ce qu'il aimerait que nous fassions. Pour le compte rendu, j'aimerais dire — et je présume que notre témoin l'a souligné — qu'on ne devrait pas aborder ces enjeux du point de vue des chrétiens ou des musulmans. En fait, nous avons entendu, dans le témoignage de l'une des victimes, que certains musulmans sont d'accord. Honnêtement, je crois que nous devons faire preuve de prudence, car si nous transformons cet enjeu en choc des cultures, nous tombons dans le piège et nous adoptons le point de vue des extrémistes. Je remarque également que selon les données qui ont été fournies à l'échelle mondiale ces dernières années au sujet des personnes touchées par les extrémistes, les musulmans sont autant touchés que les chrétiens. En fait, je vais retrouver les données, mais à l'échelle mondiale, cela touche probablement plus de musulmans que de chrétiens.
Je veux être prudent. Je suis un peu inquiet au sujet de la façon dont on aborde cet enjeu, et j'ai lu quelques témoignages et j'ai consulté les sites Web de quelques-uns de nos invités.
Ma question est simple et elle s'adresse à notre ami.
Selon vous, que devrait faire le gouvernement canadien pour aider à appuyer la personne à votre charge et d'autres enfants et filles qui sont touchés et vulnérables?
:
Je vous remercie beaucoup de cette question.
Je réponds habituellement à cela que nous appelons tous les modérés et les gens de bonne volonté à nous aider à isoler les extrémistes et à préserver notre civilisation, tout comme un berger musulman a aidé Saa à s'en sortir.
Pour répondre à la question plus générale, il est vrai que les Canadiens ont créé un BLR, un Bureau de la liberté de religion, en s'inspirant du modèle américain, et nous espérons qu'il ne fera pas les mêmes erreurs que ce bureau américain. Je sais que son financement est très limité, et nous espérons qu'il va augmenter. Je sais que les fonds ciblent actuellement le dialogue interconfessionnel, mais le fait est que la crise au Nigeria en ce moment ne vient pas d'un problème interconfessionnel: c'est un problème intraconfessionnel, en ce sens que les extrémistes musulmans doivent avoir un dialogue avec les musulmans modérés et convenir que le djihâd violent n'est plus acceptable de nos jours. Le financement du BLR canadien vise le dialogue entre chrétiens et musulmans, alors que Boko Haram tue à la fois des chrétiens et des musulmans modérés. Ces fonds ne ciblent donc pas les principaux actes violents commis au pays.
Nous voudrions aussi des choses comme des bourses. Saa fait partie des cinq ou six filles que nous avons envoyées à l'école aux États-Unis. Le Canada est fort de la tradition anglaise du Commonwealth, comme le Nigeria, il serait donc tout à fait envisageable d'accorder des bourses à ces jeunes filles pour leur permettre de venir étudier au Canada. Si nous pouvions recevoir de l'aide de l'ACDI à cet égard, ce serait utile.
:
Merci infiniment, monsieur Anderson.
Je suis littéralement rentré du Nigeria la semaine dernière, et la situation est pire que tout ce que j'ai vu depuis des années pour les réfugiés. Boko Haram s'est emparé de plus de 30 villes. L'une d'elles, la plus grande, est une ville de 300 000 habitants, que 500 terroristes environ ont réussi à envahir.
Ce genre de perte ne peut pas durer. C'est exactement ce qui s'est passé dans le Nord du Mali, quand 1 000 terroristes ont réussi à envahir la ville de Gao, mais alors les Français sont intervenus pour les faire reculer, parce qu'il y avait là 6 000 citoyens français en danger de mort.
Malheureusement, même si nous avons atteint le même point dans le Nord du Nigeria avec l'occupation de Mubi, les Français n'affluent pas pour nous aider, parce que nous ne sommes pas un pays francophone. Les Britanniques ne viennent pas non plus. Nous vivons une situation horrible sur le plan de la sécurité, des villes entières sont prises, et nous n'avons pas moyen de savoir ce qu'il advient des gens pris à l'intérieur.
Je peux vous parler de quelques-unes des filles qui participent à notre programme. Pendant que j'étais au Nigeria, la semaine dernière, l'une d'elles s'est rendu compte que son oncle et ses cousines avaient été tués. Quand je suis revenu, cette semaine, une autre a appris que son frère s'était fait tuer. Ces filles participent à notre programme d'éducation en ce moment. Si nous ne les avions pas sorties de là, elles se seraient fait tuer elles aussi.
Monsieur Anderson, la sécurité est catastrophique. L'armée nigériane n'est pas aussi efficace qu'elle le devrait. Nous perdons du terrain, et je pense qu'il y a déjà neuf comtés qui sont tombés aux mains des terroristes au moment où nous nous parlons.
:
Je n'ai pas en mains toutes les statistiques nécessaires pour appuyer votre affirmation selon laquelle les chrétiens constituent le groupe le plus persécuté en Afrique, mais je constate qu'il y a aussi des victimes de persécuteurs chrétiens. Ce que Joseph Kony et l'Armée de résistance du Seigneur ont fait aux enfants en Ouganda, au Soudan du Sud et au Congo est absolument horrible. Il se passe la même chose en ce moment en République d'Afrique du Sud, où ce sont des chrétiens qui persécutent des musulmans et qui sont parfois extrêmement violents, même contre des musulmans modérés.
Je ne voudrais donc pas faire de généralisation et prétendre qu'il n'y a que les chrétiens qui sont persécutés. Ils le sont, mais il y a aussi des musulmans qui sont persécutés, des juifs qui sont persécutés, des adeptes du Falun Gong en Chine, si l'on regarde un peu ce qui se passe hors des frontières de l'Afrique. Il y a 43 étudiants qui viennent d'être assassinés au Mexique (nous croyons tous qu'ils ont été assassinés) par les barons de la drogue.
La persécution est un phénomène malheureux partout dans le monde, et pas seulement lorsqu'elle se fonde sur la religion. Elle peut être économique, politique, idéologique. Je pense que la très grande majorité des Canadiens, toutes allégeances politiques confondues, sont contre toutes les formes d'extrémismes, qu'ils soient religieux, économiques, politiques ou autres. Nous essayons de les atténuer, parfois militairement, parfois par de l'aide au développement, parfois par le dialogue. C'est pourquoi je voudrais inciter tous les représentants d'organisations que nous rencontrons à dialoguer avec les autres, parce que c'est probablement la méthode la plus fructueuse à long terme pour atteindre cet objectif d'une plus grande compréhension, d'ouverture et de tolérance et d'amour fraternel.
Je m'excuse, je suis en train de vous faire la morale, et ce n'est pas l'objet de la séance.
J'ai une question pour Saa. Je tiens à vous féliciter du courage dont vous avez fait preuve pour convaincre votre amie de sauter de ce camion avec vous. Depuis que vous avez réussi à rentrer à Chibok, comment est votre vie?
:
Je tiens à remercier nos témoins de leurs observations. Vous brossez tous un portrait assez sombre de ce qui se passe, particulièrement au Nigéria, et j'en suis très attristée.
Même si le Nigéria ne fait pas partie des 25 pays ciblés par le Canada pour le développement, c'est tout de même un pays en développement avec lequel nous travaillons en partenariat, et nous dépensons passablement d'argent au Nigéria. J'aimerais simplement vous rappeler l'information sur notre site Web. Il y est écrit que le « but [du programme de développement international du Canada au Nigéria] est d'aider ce pays à réduire la pauvreté de façon équitable et durable en améliorant sa capacité à mettre ses propres ressources au service de son développement. Le Canada veille principalement à assurer l'avenir des enfants et des jeunes et à stimuler la croissance économique durable dans deux États: Cross River et Bauchi. »
J'ai peur que nous n'arrivions pas à changer quoi que ce soit à la situation si vous me dites que ces jeunes ne peuvent pas retourner à l'école. Nous investissons également énormément d'argent au Nigéria dans la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants. J'aimerais savoir si vous avez des réflexions à nous communiquer ou s'il y a, à votre avis, d'autres domaines où nous devrions investir pour que cet investissement soit plus efficace en ce moment.
Ma deuxième question, c'est si, compte tenu du fait qu'il y a une diaspora nigériane assez importante qui vit au Canada, il y aurait moyen que cette diaspora parle des problèmes que vous observez au Nigéria en ce moment pour exercer une influence positive?
:
Oui. Merci beaucoup de cette question.
Je tiens à remercier le Canada de son soutien au Nigéria sous la forme d'aide au développement.
Permettez-moi de mentionner, au sujet de la diaspora qui vit au Canada, qu'il y a une déconnexion totale entre le Sud et le Nord du Nigéria. Il s'agit essentiellement de deux pays différents qui ont été regroupés par les Britanniques pendant la colonisation. Vous pourrez vous rendre compte que les Canadiens d'origine nigériane que vous rencontrez viennent pour la plupart du Sud. La plupart d'entre eux ne comprennent pas vraiment ce qui se passe dans le Nord du Nigéria ou ne s'y sentent pas liés. Il est difficile pour eux de s'intéresser à la question et de s'engager dans cette lutte s'ils n'ont pas l'information pertinente.
J'aimerais par ailleurs vous recommander vivement, au sujet de l'aide canadienne au développement, de réorienter cette aide pour cibler la crise qui sévit dans le Nord. Il va y avoir des besoins médicaux générationnels, des besoins en éducation générationnels, toutes sortes de besoins qui ne sont pas comblés à l'heure actuelle. Je pense qu'il va falloir repenser toute la stratégie de développement de l'ACDI au Nigéria, particulièrement pour le Nord du pays.
:
Oui, absolument. Boko Haram est un groupe terroriste d'ampleur mondiale. Il est lié aux groupes al-Qaïda et al-Chabaab, et à bien d'autres mauvaises personnes.
Le groupe Boko Haram s'entraîne en fait en Somalie et dans le nord du Mali. Il a des armes provenant de la Libye.
Pour ce qui est du financement, c'est un peu plus suspect, mais nous avons appris que Turkish Airlines transportait des armes par avion au Nigéria. L'Iran a envoyé des armes au Nigéria. Il s'agit donc d'un petit groupe de gens habituellement soupçonnés de terrorisme qui le soutiennent.
Cela dit, ce qui me préoccupe principalement, c'est le lien avec la France, car la France continue de payer des rançons à Boko Haram pour la libération de citoyens français qui ont été enlevés. Cela représente un financement énorme pour Boko Haram, ce qui lui permet de continuer à exécuter des atrocités.
Vous pouvez remarquer que ce groupe qui, il y a quelques années, utilisait habituellement des machettes et de l'essence pour bombarder des églises, utilise maintenant des missiles sol-air et des armes antiaériennes.
J'espère qu'en collaborant avec l'ONU et d'autres partenaires, la communauté internationale pourra bloquer l'armement et le financement de Boko Haram.
Permettez-moi de souligner que dans les efforts que nous déployons pour amener Saa et d'autres personnes ici, des jeunes filles musulmanes, des filles du sud du Nigéria ont aidé pour les passeports, etc. Nous voulons voir un mouvement de musulmans. De la même façon que des combattants étrangers se joignent aux terroristes, il faut que des artisans de la paix se rassemblent et essayent, en ayant recours à la persuasion morale et à des débats idéologiques, ou à des débats théologiques, de persuader ces gens que ce n'est pas le bon moyen. Malheureusement, cela n'arrive pas assez souvent. Il nous faut peut-être créer un cadre pour les gens modérés afin de communiquer avec eux.
C'est pourquoi j'appelle cela un dialogue intraconfessionnel, car vous et moi, qui sommes occidentaux, ne pouvons pas communiquer avec eux dans ce cadre. Selon la charia, dans un palais de justice, notre témoignage ne vaut même pas la moitié de celui d'un musulman. Ils ne nous prendraient pas au sérieux, mais entre musulmans, il peut y avoir un dialogue. De cette façon, je pense qu'on peut espérer éteindre le feu de l'extrémisme idéologique et théologique.
:
D'accord, pas une demi-heure...
Très brièvement, il s'agit simplement de deux budgets portant sur nos travaux actuels. L'un concerne l'étude que nous avons commencée, et l'autre, la séance d'aujourd'hui. Il y a un budget de 22 500 $ et un autre de 2 650 $. Je veux seulement savoir si le comité a des objections.
Il s'agit de la pratique habituelle. Il nous faut voter pour les adopter. Si vous voulez y jeter rapidement un coup d'oeil...
Puisque nous en avons maintenant fait la distribution, avez-vous des questions? Comme je l'ai dit, il s'agit de la pratique habituelle. L'un des montants concerne la réaction du Canada concernant l'EIIL. C'est une étude que nous venons de commencer. L'autre est lié à la comparution par vidéoconférence d'aujourd'hui. Avez-vous des questions?
Si ce n'est pas le cas, je vais poser la question.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: La motion est adoptée.
Merci beaucoup.
:
Si je puis me permettre, l'une des choses qui nous a posé des difficultés auparavant, c'est tenir des réunions de planification appropriées, ce qui permet souvent d'éviter cette situation. C'est ce que je dirais.
J'ignore comment cela s'est produit. Je n'étais pas content, non seulement pour nous, les députés de l'opposition — nous n'avons pas eu le temps de nous préparer; nous avons appris la nouvelle hier —, mais également pour tous les gens qui travaillent ici, sauf peut-être le président, et le président n'était pas non plus au courant.
J'ignore comment c'est arrivé, mais je sais comment nous pourrions éviter que la situation se reproduise. Il s'agirait notamment de tenir des réunions de planification ou de direction comme avant. C'est une solution. De toute évidence, nous ne pouvons pas avoir à la dernière minute... C'est injuste pour les gens qui travaillent ici et qui doivent se préparer. C'est injuste pour tout le monde, et nous ne ferions certainement pas la même chose. Parfois, des choses se produisent; je comprends.
Une voix: C'est le cas ici.