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Bonjour à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons notre séance d'information sur l'action mondiale contre le paludisme. La séance est ouverte.
Je souhaite la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. Nous avons le Partenariat Roll Back Malaria. Nous entendrons M. Verhoosel, représentant auprès des Nations unies à New York et responsable des relations extérieures. Bienvenue, monsieur. Nous allons vous écouter en premier, quand j'aurai fini de présenter tout le monde.
Aussi pour le Partenariat Roll Back Malaria, nous avons un membre du Sénat du Cameroun, le sénateur Ngayap. Bienvenue, Nous sommes ravis de vous accueillir aussi aujourd'hui.
À côté de lui se trouve Andrea Lucard, vice-présidente exécutive de Medicines for Malaria Venture. Bienvenue. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous.
Nous avons un groupe de témoins très international, aujourd'hui. Nous avons une personne de Genève, une autre du Cameroun et une personne des Nations unies à New York. Nous sommes impatients de vous entendre tous.
Monsieur Verhoosel, nous allons commencer par vous. Nous vous donnons la parole pour sept minutes, puis nous entendrons les déclarations de nos autres témoins, puis nous allons passer l'heure suivante à vous poser des questions et à demander des éclaircissements.
Je vous laisse la parole, monsieur. Nous sommes ravis de vous avoir avec nous. Vous pouvez y aller.
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Merci, monsieur le président.
Je me lance, alors.
[Français]
Merci, monsieur le président et membres du comité.
Mon nom est Hervé Verhoosel. Je représente le Partenariat Roll Back Malaria à l'ONU. Le secrétaire général Ban Ki-moon a fait de la lutte contre le paludisme ou la malaria une priorité de son deuxième mandat. La priorité du Canada dans la santé maternelle des nouveau-nés et la santé des enfants est parfaitement alignée sur cette priorité de la lutte contre le paludisme du secrétaire général de l'ONU.
Il est important, pour l'ONU et pour le Partenariat Roll Back Malaria, de pousser le partenariat public-privé. Je crois comprendre qu'ici, au Canada, il y a aussi un certain intérêt d'impliquer le secteur privé dans le développement et dans la santé. C'est ce que nous faisons en rassemblant autour d'une même table les pays donateurs, les pays endémiques, les organismes de recherche-développement comme Medicines for Malaria Venture — représenté ici par Andrea —, les ONG et toutes les personnes du secteur privé pour coordonner au mieux la lutte contre le paludisme ou la malaria.
[Traduction]
À l'échelle du monde, 3,2 milliards de personnes risquent de contracter le paludisme. Environ la moitié de la population mondiale risque de développer le paludisme, et nous avons un peu moins de 200 millions de cas de paludisme chaque année. Nous avons 584 000 décès.
Ce qui est incroyable, c'est que nous pouvons prévenir et guérir la maladie. Nous avons tout ce qu'il faut aujourd'hui, tous les outils, pour essentiellement sauver 584 000 personnes dans le monde chaque année. C'est l'Afrique subsaharienne qui porte le fardeau de 90 % des cas de paludisme.
Nous savons que nous avons tout ce qu'il faut pour prévenir et guérir la maladie; ce qu'il nous manque, c'est le leadership politique tant dans les pays où le paludisme est endémique que dans les pays donateurs. Les États membres des Nations unies travaillent actuellement à l'établissement de nouveaux objectifs de développement pour l'ONU, et nous espérons que le paludisme conservera une place importante au programme. Nous sommes un peu déçus de savoir que pour le prochain G7, le paludisme n'est plus directement au programme. Nous espérons cependant travailler avec le Japon et obtenir le soutien du Canada pour que le paludisme soit à l'ordre du jour du prochain G7.
Il était important pour nous, de concert avec l'APF, de demander à un de nos collègues de venir, car je ne suis peut-être pas le meilleur témoin pour vous, étant toujours derrière mon bureau à New York. Je pense que personne ne pourrait mieux vous parler du fardeau de cette maladie que le sénateur d'un pays où le paludisme est endémique, pharmacien et économiste de surcroît. C'est la raison pour laquelle, avec votre permission, monsieur le président, je vais prendre moins de sept minutes et demander au sénateur de parler un peu plus de sept minutes.
Comme certains d'entre vous, je vais très souvent en Afrique. Chaque fois, je constate le fardeau que cela représente sur le développement socio-économique du pays. M. Jeffrey Sachs, un économiste, a calculé, il y a quelques années, que l'Afrique enregistre chaque année une perte de productivité équivalant à 12 milliards de dollars. Le sénateur va revenir là-dessus, je présume. Parce que des gens ne sont pas au travail et doivent rester chez eux, étant malades, la perte de productivité s'élève à 12 milliards de dollars.
Le paludisme est également la principale cause d'absentéisme à l'école, tant pour les enfants que pour les enseignants. Le sénateur pourra vous en parler aussi.
Il y a beaucoup de liens entre le paludisme et le développement en général, notamment en ce qui concerne la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.
Nous espérons vraiment obtenir l'appui du Parlement du Canada, de la Chambre des communes du Canada, pour que le Canada continue de soutenir le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Depuis la création du Fonds mondial, le Canada y a contribué 2,1 milliards de dollars, notamment 650 millions de dollars pour les années 2014 à 2016. L'année prochaine, le Japon sera l'hôte de la prochaine assemblée de renflouement du Fonds mondial.
Je peux vous dire qu'aujourd'hui, c'est une organisation qui fonctionne bien et l'argent que le Fonds mondial met à la disposition des pays donne des résultats. Depuis 2000, nous avons réduit de moitié les nombres de décès et de cas de paludisme. De moitié. C'est formidable. Nous avons reçu la moitié de l'argent demandé à la communauté internationale, et nous avons obtenu la moitié des résultats. Nous sommes sur la bonne voie et nous espérons que des pays comme le Canada comprennent, et que vous-mêmes, en tant que députés du Parlement, compreniez que la lutte contre le paludisme représente un bon investissement et qu'elle vous en donne pour votre argent.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je suis Pierre Flambeau Ngayap. Je suis sénateur au Cameroun. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui. Le Canada et le Cameroun ont les mêmes antécédents linguistiques. Nous avons un pays bilingue. Nous parlons les deux langues officielles: le français et l'anglais.
J'utilise surtout le français, en tant que pharmacien, économiste et enseignant à l'université de même que dans mes fonctions au Parlement du Cameroun.
[Français]
Je vous remercie beaucoup.
L'important pour nous, aujourd'hui, c'est le privilège que vous m'accordez, en tant que collègue parlementaire, de vous faire part de l'importance du paludisme. Pour ce faire, je n'utiliserai pas de termes épidémiologiques, puisqu'il est bien connu que cette maladie est endémique et qu'elle sévit principalement dans certaines régions, principalement en Afrique noire, au sud du Sahara. Ce qu'il convient avant tout de faire valoir auprès de vous, c'est l'impact direct du paludisme sur la capacité économique du continent africain.
Je vais vous donner deux ou trois exemples pour démontrer à quel point le paludisme affecte la capacité de notre continent à se développer. Ce continent se développe souvent à l'aide du soutien de pays comme le vôtre. La coopération entre le Cameroun et le Canada est très ancienne et vraiment excellente. Elle est basée sur la compréhension mutuelle qui nous unit.
Le paludisme est une maladie qui touche principalement deux couches importantes de la population en Afrique: les jeunes, ce qui inclut les enfants de 0 à 5 ans, et les adultes, surtout les femmes enceintes. Ces deux catégories de la population, qui sont les plus vulnérables, les plus touchées par cette maladie, sont particulièrement importantes. La jeunesse, pour sa part, porte l'avenir du continent, tandis que la femme est la mère de l'humanité.
Pour ce qui est de la procréation, la femme enceinte est particulièrement vulnérable. Lorsque le paludisme touche une femme enceinte, la capacité de celle-ci d'amener le foetus à terme est diminuée. Le bébé qui est dans le ventre de la mère est souvent prématuré à la naissance. Quand il n'est pas prématuré, sa croissance physiologique ou sa capacité de développement est affectée. En effet, certaines formes de paludisme atteignent le système nerveux. On parle dans ce cas de paludisme neuro-cérébral. Si la femme enceinte n'est pas bien prise en charge pendant sa grossesse, il peut y avoir une double conséquence, c'est-à-dire sur sa propre vie et sur celle du bébé qu'elle porte.
De son côté, l'enfant est particulièrement vulnérable pendant sa prime jeunesse, compte tenu de son état d'enfant, mais cela devient important surtout lorsqu'il commence à fréquenter l'école. Les symptômes les plus importants du paludisme sont la fièvre, les céphalées, la fatigue et les vomissements, qui obligent tous l'élève à rester à la maison. Il ne peut pas aller à l'école s'il souffre de tels symptômes, d'où le taux important d'absentéisme chez les enfants atteints de cette maladie.
Comme les enseignants peuvent eux aussi en être atteints, vous pouvez imaginer le taux cumulé d'absentéisme que cela représente. En fin de compte, cela se traduit par de la sous-productivité, aussi bien pour l'enfant que pour l'enseignant. En effet, l'enfant ne pourra pas se rendre au niveau d'instruction qu'il aurait atteint dans une situation normale, et l'enseignant ne pourra pas mener à terme son programme scolaire auprès des enfants.
Le troisième exemple porte sur les adultes qui travaillent dans une entreprise ou en zone rurale, dans une plantation. Le paludisme génère les mêmes symptômes que chez les enfants. La personne est immobilisée, alitée. En général dans nos pays, le paludisme est à l'origine de 30 à 40 %, sinon plus, des cas d'hospitalisation et jusqu'à 50 % des consultations médicales, en ambulatoire, comme on le dit.
Tous ces facteurs font que le travailleur est sous-productif, fatigué ou absent. Il ne peut pas fournir le rendement qu'il fournirait s'il était en bonne santé. Tous ces éléments ont de très importantes répercussions sur la productivité globale, le rendement de l'économie et le niveau du PIB de la nation. On constate que la productivité globale baisse considérablement, parfois de 30 à 40 %, à cause de l'absentéisme ou de l'incapacité des populations à assumer leurs responsabilités sociales ou économiques normales.
Pour ces raisons, je me suis joint avec plaisir à Roll Back Malaria dans le cadre de cette mission. Il est important que vous entendiez l'un de vos collègues des pays du Sud vous dire à quel point il est important que vous mainteniez l'effort que vous avez toujours fourni pour lutter contre cette maladie. Il faut comprendre que la lutte contre la pauvreté comporte un élément essentiel, qui est le paludisme. Ce dernier est à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté. Les efforts que vous consentez, globalement, pour lutter contre la pauvreté devraient servir en grande partie à la lutte contre le paludisme. Ce serait un moyen particulier de combattre la pauvreté.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je m'appelle Andrea Lucard et je suis vice-présidente à la direction de Medicines for Malaria Venture, MMV, une fondation suisse qui se consacre à la découverte, la mise au point et la distribution de nouveaux médicaments antipaludiques à l'échelle mondiale, y compris au Cameroun, dont vous venez d’entendre parler. MMV est fier de faire partie du partenariat mondial « Faire reculer le paludisme ». Nous nous occupons du développement des nouveaux médicaments qui contribueront à l’atteinte des objectifs ambitieux du partenariat.
[Français]
C'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie de cet honneur.
Bien que les bureaux de MMV soient à Genève, je vous épargnerai mon français de Suisse.
Je continuerai en anglais,
[Traduction]
comme vous pouvez le constater, avec un accent anglo-américain. J’espère être ainsi plus facile à comprendre, et je ne serai pas si gênée. Quoi qu’il en soit, je dois dire que j’ai beaucoup aimé vos observations, très éloquentes. Je dois en obtenir les détails en français pour mes besoins futurs.
Je suis convaincue que mes collègues se joindront également à moi pour reconnaître les efforts déployés depuis longtemps par le Canada dans la lutte contre le paludisme à l'échelle mondiale, et plus particulièrement la politique de développement international du gouvernement portant sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, la SMNE.
Dans mon allocution ce matin, j'aimerais aborder trois points. En premier lieu, vous avez entendu mes collègues parler du fardeau que représente le paludisme, et du fardeau disproportionné que représente le paludisme chez les femmes et les enfants, et vous les avez entendus décrire avec beaucoup d’éloquence les effets sur les communautés et les nations. Je tiens à répéter que le paludisme, bien que mortel, est aussi guérissable à condition qu’il existe des médicaments efficaces et abordables, et que ces médicaments soient mis à la disposition de ceux qui en ont besoin. Cependant, puisque les personnes atteintes de paludisme sont souvent celles qui ont le moins de ressources, créer des médicaments efficaces et abordables ainsi que faciles à acheminer n’est pas une mince affaire.
C’est là que MMV entre en jeu. L'approche traditionnelle de développement de médicaments est guidée par les intérêts commerciaux. On cherche à obtenir un rendement financier en faisant des investissements et en prenant des risques très importants. Cependant, avec l'intensification des pandémies mondiales, cette approche ne fonctionne tout simplement pas pour les maladies négligées ou liées à la pauvreté qui continuent de sévir dans le monde en développement et qui, en réalité, nous affligent tous.
Pour résoudre cela en ce qui concerne le paludisme, MMV tire parti des meilleures pratiques, des connaissances scientifiques et de l'expérience de centaines de partenaires afin de développer de nouveaux médicaments. Nous mettons en commun les fonds versés par les gouvernements de partout dans le monde, y compris le Royaume-Uni, la Suisse, l’Australie, le Japon, la Norvège, l’Irlande et les États-Unis et en tirons le maximum, et nous obtenons des contributions en nature des gouvernements de l’Afrique du Sud et de la Thaïlande. Nous obtenons des fonds du secteur privé, notamment de la Fondation Bill et Melinda Gates, du Welcome Trust et de la Fondation ExxonMobil, aux États-Unis.
En mettant en commun les fonds et le savoir-faire, nous réduisons les risques associés au développement de médicaments pour tous les partenaires et nous sommes en mesure de produire des médicaments plus rapidement et à un coût moindre que suivant le modèle pharmaceutique traditionnel. Le modèle fonctionne. Initialement, en 1999, notre but était de livrer un nouveau médicament antipaludique dans nos 10 premières années de fonctionnement. Il s’agissait d’un médicament pédiatrique destiné à ceux qui étaient le plus à risque. En 2009, nous avions produit deux médicaments — pas un, mais deux —, et ces médicaments ont rapidement été suivis de trois autres qui ont reçu l’approbation réglementaire ou ont passé le processus de préqualification de l’OMS.
Le premier médicament que nous avons développé avec une grande firme pharmaceutique a été utilisé pour traiter 250 millions de personnes dans des pays où le paludisme est endémique. Le deuxième médicament que nous avons développé avec une entreprise internationale du domaine de la santé a donné lieu à 25 millions de cycles de traitement, en particulier — comme l’a mentionné le sénateur au sujet du paludisme cérébral — pour des enfants présentant une affection fébrile grave.
Ces médicaments sont efficaces, mais ils sont loin d’être parfaits. Il y a risque de décès à cause de la résistance, en particulier dans la région du Mékong, et la contagion est possible ailleurs dans le monde. On n’administre pas une dose unique, mais plutôt des doses sur plusieurs jours. De plus, il y a des effets secondaires qui peuvent être gérés, mais ce n’est pas parfait. Il faut en faire plus.
J’en arrive à mon deuxième point, qui est l'objectif que nous avons en commun avec le Canada concernant la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.
Je suis venue en février — oui, je faisais pitié, même si j'avais mes bottes les plus chaudes — pour participer à une table ronde sur le paludisme organisée conjointement par le gouvernement du Canada, Bill Gates et Ray Chambers, l'envoyé spécial de l'ONU pour le paludisme. En fait, hier soir, j'ai communiqué avec son bureau, et il a indiqué qu'ils sont particulièrement contents d'apprendre que le Canada explore des mécanismes de financement créatifs qui s'appuieraient sur des capitaux privés et qui feraient croître les sommes destinées au paludisme et à la santé des enfants en général.
Il y avait à la table ronde de février certains des nombreux partenaires faisant partie du réseau canadien SMNE. Nous avons été chaudement accueillis au sein de ce réseau et nous cherchons à mettre à profit à l'échelle du Canada notre savoir-faire en travail humanitaire, en informatique et en découverte de médicaments de sorte que notre travail puisse encore mieux aider les patients de pays comme le Cameroun. Nous travaillons avec des ONG comme la Fondation Aga Khan Canada et avec des partenaires de développement comme le Consortium de génomique structurelle ainsi qu'avec des représentants gouvernementaux et des parlementaires. Nous essayons aussi de collaborer avec de petites et moyennes entreprises qui possèdent l'expertise en collecte de données dont nous avons besoin pour mesurer notre travail.
Nous devons en faire plus, et nous en faisons plus. J'aimerais vous faire quelques propositions réalisables et vous faire trois recommandations qui contribueront à resserrer ce travail et que le réseau canadien SMNE réalise déjà partiellement.
Comme le sénateur l'a dit, nous avons particulièrement besoin de protéger les femmes enceintes. Il l'a signalé: les femmes enceintes risquent de perdre leur foetus, mais elles courent aussi un risque beaucoup plus grand d'être gravement malades et de mourir si elles contractent le paludisme pendant leur grossesse. C'est une cause majeure d'anémie et d'hémorragie post-partum, laquelle est la principale cause de mortalité maternelle en Afrique. Pour lutter contre cela, il faut plus de recherche permettant de développer des médicaments que les femmes peuvent utiliser en toute sécurité pour prévenir le paludisme pendant le premier trimestre de grossesse. Il faut aussi une meilleure façon d'acheminer ces médicaments que nous savons sûrs, aussi bien pour prévenir le paludisme que pour le traiter, si la femme tombe malade.
La prévention du paludisme pendant la grossesse n'est pas qu'une question de médicaments. Il y a aussi l'utilisation des moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide et d'autres méthodes de prévention du paludisme. Cependant, nous parlons des méthodes médicales.
Il faut aussi protéger les enfants. Le paludisme peut être traité, mais il vaut encore mieux le prévenir. Nous pouvons travailler à mieux faire accepter et à faire utiliser davantage certains médicaments prophylactiques, particulièrement dans la région du Sahel, là où la chimioprévention du paludisme est efficace dans au moins 75 % des cas, moyennant quelques cents par traitement.
Nous espérons qu'un jour, un vaccin résoudra ce problème, mais d'ici là, il nous faut colmater les brèches et faire de la prévention. Pour les enfants qui tombent malades dans les régions rurales, MMV soutient le tout premier médicament à dose unique sous forme de suppositoire pour les cas de paludisme graves. Il a été démontré qu'il réduit de 50 % le risque de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans.
Il faut pour soutenir tout cela un registre qui servirait à faire le suivi de ces médicaments, en particulier pour les femmes enceintes. Nous savons que les registres d'état civil et de statistiques démographiques sont une priorité pour le gouvernement du Canada, et je dois dire en passant que c'est une façon vraiment impressionnante d'envisager le développement international. C'est à la base de notre propre développement, dans nos propres pays — comprendre toute l'importance des registres d'état civil où sont consignés toutes les naissances et tous les décès.
Les registres de grossesse sont prioritaires pour le gouvernement du Canada et le réseau canadien SMNE, mais ils relèvent aussi des systèmes de surveillance de routine approuvés par l'Assemblée mondiale de la Santé. Il est essentiel de surveiller l'innocuité des nouveaux médicaments et de ceux qui sont déjà utilisés dans le traitement du paludisme pendant la grossesse. Il existe des infrastructures de base à cette fin, mais il faut en faire plus, notamment, renforcer les registres de femmes enceintes exposées aux médicaments antipaludiques pour assurer le suivi et évaluer leur incidence sur l'issue de la grossesse, et utiliser ces renseignements pour déterminer et évaluer les signes d'innocuité en vue de donner aux autorités sanitaires locales les outils qu'il faut pour prendre des décisions stratégiques. L'objectif global est de renforcer les systèmes de santé nationaux en Afrique, d'améliorer les soins néonataux et de réduire la mortalité due au paludisme chez les femmes, les nouveau-nés et les enfants.
Nous en faisons plus, et nous pouvons en faire encore plus.
Je vais conclure rapidement en disant que le paludisme demeure l'une des maladies les plus meurtrières à l'échelle mondiale. Le paludisme a d'énormes incidences économiques, comme vous l'avez entendu. Les partenariats public-privé — tout le monde en a parlé — représentent un élément important de la solution, et nous voulons travailler avec le Canada à éradiquer le paludisme pour toujours.
Au nom de mes collègues et partenaires de MMV,
[Français]
je vous remercie encore une fois de m'avoir fourni l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
:
Je vous remercie de votre question.
Le partenariat est très important. Si on lutte contre le paludisme seul de son côté, il n'y aura aucune coordination, le résultat sera moins bon et cela coûtera plus cher. L'idée du partenariat est de réunir l'ensemble des acteurs économiques, les États membres des pays donateurs et des pays endémiques autour d'une même table et de voir qui est bon pour faire quoi. Comment pouvons-nous, pays par pays ou spécialité par spécialité, nous partager le travail? À eux seuls, les pays donateurs n'arriveront jamais à un résultat total, pas plus que l'ONU et les ONG n'y arriveront seuls. C'est uniquement en travaillant ensemble que nous pourrons le faire.
Le travail avec MMV en est un bon exemple. Au sein du partenariat, il y a un conseil d'administration et des sortes de commissions qui ont chacune leur spécialité. Un peu comme ici, nous avons autour de la même table tous les acteurs membres de ces 500 partenaires dont vous venez de parler, madame. Ces acteurs se divisent le travail, ils choisissent les priorités et, surtout, ils développent un plan d'action mondial. Il y a quelques années, nous avons développé pour la première fois un plan d'action mondial, dont la nouvelle édition est complétée. Elle sera sans doute lancée dans les prochains mois.
Ce plan mondial reçoit l'accord de l'ensemble des partenaires et des secteurs pour pouvoir aller dans la même direction en même temps. Les problèmes sont différents aux niveaux régionaux. Le problème du paludisme en Afrique est différent de ce qu'il est dans l'Asie du Sud-Est. Nous parlons avec des partenaires très différents dans l'Asie du Sud-Est où il y a d'ailleurs un problème de résistance aux médicaments, d'où l'importance de la recherche-développement faite par MMV. Malheureusement, en Asie du Sud-Est, il commence à y avoir une résistance aux médicaments, et c'est un réel problème.
Grâce à ce travail avec les différents partenaires, nous pouvons vraiment obtenir de meilleurs résultats sur le terrain. Cela nous aide, par moments, à lutter contre la corruption dans certains pays où c'est une question importante. Cela nous permet aussi d'acheminer au mieux les soins et les interventions. Parfois, le secteur privé réussira mieux à livrer un produit dans n'importe quel village en Afrique, Je ne sais pas si on peut citer des marques ici, mais je parle de toutes ces petites bouteilles noires de Coca-Cola. Pourquoi peut-on trouver une bouteille de Coca-Cola n'importe où en Afrique alors qu'on ne peut pas trouver de moustiquaire? Peut-être qu'une entreprise du secteur privé et l'un de ces 500 partenaires peuvent nous aider à livrer ces moustiquaires dans ce village, et pourquoi pas dans le même camion que les bouteilles de Coca-Cola? Coca-Cola commence d'ailleurs à apporter son aide en distribuant des médicaments, surtout ceux pour le sida.
Chacun de ces 500 partenaires a quelque chose à apporter. Ce n'est pas nécessairement sur le plan financier. Cela peut être sur le plan des connaissances ou de la présence sur le terrain. C'est un partenariat public-privé qui fonctionne très bien et nous sommes très heureux d'avoir ces 500 membres dont MMV fait partie.
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Merci, madame la députée.
Monsieur le président, je crois que le Cameroun est un cas tout à fait typique qui peut être pris en exemple, parce qu'il se trouve au coeur du golfe de Guinée, c'est-à-dire au centre géographique de cette maladie endémique. Ce qu'on peut faire au Cameroun peut facilement être reproduit dans d'autres pays de la sous-région.
On considère en général que les soins liés au paludisme représentent entre 30 et 40 % des dépenses de santé publique. Vous voyez que c'est important: plus du tiers du budget de santé publique est affecté à la lutte contre une seule maladie. Cela montre l'importance de la maladie. C'est plus élevé, dans ces mêmes régions, que la part du budget de santé publique affectée à d'autres pathologies, comme le sida, la tuberculose ou d'autres maladies présentes dans la région. Cela démontre aussi bien l'antériorité de cette maladie — qui est beaucoup plus ancienne que les autres — que sa persistance et sa capacité de se répandre, alors que la pauvreté ne recule pas. En effet, le paludisme est une maladie liée à la pauvreté. Cela montre très bien quelle est l'importance du paludisme dans les politiques de santé publique.
En même temps, il faut noter que si on consacre tant de ressources publiques à la gestion de cette maladie, il faut distinguer les ressources affectées à la prévention et celles affectées au traitement.
En 2012, 10 millions de moustiquaires ont été distribuées gratuitement aux populations du Cameroun, qui compte 23 millions d'habitants. Par conséquent, un peu moins de la population a reçu théoriquement des moustiquaires gratuites.
En 2013, 12 millions de moustiquaires ont été distribuées. Toutes ces moustiquaires sont le produit de vos efforts — ceux de la communauté internationale — puisqu'elles sont distribuées gratuitement.
En un an, il y a eu une évolution positive du nombre de moustiquaires distribuées. Vous voyez bien la distinction entre les 12 millions de moustiquaires distribuées et les 23 millions d'habitants. À peu près la moitié de la population n'a pas encore accès à cette prévention minimale. Les moustiquaires ne coûtent que 3 $. Vous voyez l'effort qu'il faut faire pour réduire la maladie par ce moyen.
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Le budget de ce qu'on appelle le Secrétariat du Partenariat RBM est petit. Il totalise 20 millions de dollars. Autrement dit, nous ne sommes pas une énorme organisation. L'une de nos priorités, pour le moment, est de nous assurer que nous aidons les pays. En somme, le pays est prioritaire. Le soutien au pays endémique lui-même est ce qui compte. Par exemple, de nombreux pays voulaient recevoir du soutien du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, mais avaient de la difficulté à préparer leur demande à cette fin. Une des priorités du partenariat est d'aider les pays quant à la préparation et le suivi de leur dossier. Nous envoyons donc, lorsque c'est nécessaire, des experts techniques du ministère de la Santé pour les aider à élaborer ces présentations.
Une autre priorité est liée au plaidoyer pour le financement mondial. Mon but aujourd'hui n'est pas de faire un plaidoyer pour nous-mêmes, mais bien pour le Fonds mondial et pour le paludisme en général. C'est l'un des objectifs très importants, pour l'instant. Parfois, les autorités politiques ne se rendent pas compte que l'investissement dans la lutte contre la malaria fonctionne bien.
Avec les ONG et le système de l'ONU, que je représente également, nous essayons vraiment de faire comprendre cela aux États membres. Sur le plan technique, nous nous assurons que seuls les médicaments appropriés sont utilisés. Certains pays utilisent encore les anciennes générations de médicaments. C'est de moins en moins le cas maintenant, mais ces médicaments ne fonctionnent plus. Nous voyons à ce que les médicaments et les moustiquaires soient utilisés correctement. Parfois, vous envoyez des moustiquaires qui ne sont pas utilisées correctement par les populations. À l'échelle locale, nous voyons avec les ONG et le ministère de la Santé comment nous pouvons faire en sorte que les moustiquaires soient bien distribuées et bien utilisées.
À ce sujet, je vais vous conter une petite anecdote. Nous recourons beaucoup au football, à la Coupe d'Afrique des nations. Les footballeurs enregistrent des spots publicitaires pour la télévision avec nous afin de dire au petit gamin de 5 ans qui ne nous écoutera pas, mais qui va écouter le footballeur, qu'il doit dormir sous sa moustiquaire la nuit. Tout cet aspect du plaidoyer fonctionne très bien.
Enfin, il y a le fameux plan mondial. Développer un plan d'action mondial auquel tout le monde adhère est en effet une priorité pour nous.