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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 056 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 avril 2015

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement.
    J'aimerais vous présenter très brièvement les témoins avant que nous n'allions plus loin. Nous recevons Eva Slawecki, directrice exécutive par intérim de la Société canadienne de santé internationale. Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui.
    Nous accueillons également James Chauvin, membre du conseil d'administration de la Société canadienne de santé internationale. Bienvenue à vous, monsieur. Nous sommes heureux de vous recevoir.
    Nous accueillons aussi ici, à Ottawa, David Morley, président et chef de la direction d'UNICEF Canada. Bienvenue, monsieur.
    Par vidéoconférence de Toronto, nous allons entendre Zulfiqar Bhutta, codirecteur du Centre for Global Child Health, qui fait partie du Hospital for Sick Children. Bienvenue, docteur Bhutta. Nous sommes heureux que vous puissiez vous joindre à nous par vidéoconférence de Toronto.
    Je vais commencer par vous, monsieur Morley. Nous allons ensuite entendre M. Chauvin et pour terminer, le Dr  Bhutta, qui témoigne de Toronto.
    Monsieur Morley, la parole est à vous.
    Merci infiniment, monsieur le président. C'est un honneur pour l'UNICEF d'être représenté ici aujourd'hui.
    À titre d'organisme de l'ONU, l'UNICEF travaille dans un plus grand nombre de pays et sauve plus d'enfants que toute autre organisation humanitaire. UNICEF Canada a été fondé il y a 60 ans, et nous faisons partie de la grande famille de l'UNICEF pour faire tout ce qu'il faut afin que les enfants survivent et s'épanouissent, grâce à un vaste éventail de services qui vont des soins de santé et de l'immunisation jusqu'à l'approvisionnement en eau propre, en passant par la nutrition, l'éducation et la protection contre la violence. Au Canada, nous favorisons la politique publique et les pratiques les plus susceptibles de contribuer au respect des droits de l'enfant, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, au Canada comme ailleurs dans le monde.
    L'UNICEF et le Canada travaillent depuis longtemps en partenariat afin d'améliorer la santé et le bien-être des enfants dans le monde. Depuis des dizaines d'années (plus de 30 ans), le gouvernement du Canada figure parmi les 10 gouvernements qui donnent le plus généreusement à l'UNICEF, et nous travaillons en partenariat afin de répondre aux besoins les plus urgents des enfants et de leur famille dans des domaines comme la santé, la nutrition, la protection, l'éducation et l'aide d'urgence.
    Malgré tous les progrès réalisés au cours des 25 dernières années, nous savons qu'il y a encore 17 000 enfants qui meurent chaque jour de causes évitables, alors qu'il y aurait des interventions simples à faible coût pour les sauver. Presque le tiers de ces décès pourrait être évité grâce à des vaccins. L'immunisation est l'un des outils de santé publique les plus efficients, et l'UNICEF est le chef de file mondial de l'approvisionnement en vaccins. Nous devons continuer d'appuyer les efforts de vaccination dans le monde comme ici, au Canada.
    Parmi les progrès importants des dernières années, notons la quasi-éradication de la polio. L'an dernier, on ne recensait plus qu'environ 400 cas de la maladie dans des endroits du monde difficile d'accès. De même, il y a un partenariat entre l'UNICEF et Kiwanis pour lutter contre le tétanos maternel et néonatal, qui a permis de réduire le nombre de pays touchés de 59 à 24 au cours des 15 dernières années.
    Nous avons également des partenariats avec le secteur privé canadien. La diarrhée est l'une des principales causes de décès chez les enfants, et nous collaborons en Inde avec Teck Resources, de Vancouver, afin d'élargir l'accès à un traitement efficace contre la diarrhée et de renforcer le système de santé dans les collectivités les plus marginalisées de l'Inde. Nous sensibilisons les travailleurs de la santé à l'efficacité et à l'utilisation des suppléments de zinc, de même que des sels de réhydratation orale et nous travaillons à renforcer les chaînes d'approvisionnement locales pour que même les enfants les plus difficiles à joindre aient accès à ces traitements.
    Presque la moitié des décès infantiles qui surviennent chaque année sont attribuables en partie à la malnutrition. Je tiens à monter aux députés ce bracelet, qui sert à mesurer le tour de l'avant-bras. Comme je ne suis pas médecin, c'est ce qui m'aide à saisir ce que signifie la malnutrition.
    Le biceps d'un enfant ne change pas beaucoup entre l'âge de six mois et ce celui de cinq ans, donc on peut placer ce petit bracelet qui mesure le tour de l'avant-bras autour du biceps de l'enfant, tirer ici, puis voir s'il est ou non mal nourri. Veuillez m'excuser, ceux d'entre vous qui ont une formation médicale seraient mieux placés que moi pour vous expliquer le concept. Si l'indicateur se trouve dans la partie verte du bracelet, l'enfant est suffisamment nourri, mais s'il se situe dans le jaune ou le rouge, il y a malnutrition. Un enfant qui souffre de malnutrition chronique (c'est la partie en jaune) a le bras pas plus gros qu'un deux dollars. Voilà ce qu'est la malnutrition. Non seulement cause-t-elle la moitié des décès, mais elle contribue énormément à l'arrêt de croissance.
    Presque 200 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'arrêt de croissance. Ces enfants sont souvent pris dans un cercle de pauvreté, mais nous savons que les principales interventions, lorsqu'elles ont lieu pendant la période critique de 1 000 jours entre la conception et l'âge de deux ans, peuvent faire réduire la prévalence des arrêts de croissance. L'amélioration de la nutrition maternelle et infantile donne aux enfants un bien meilleur départ dans la vie.
    Le VIH/sida demeure également un fardeau démesurément lourd pour les enfants et les adolescents du monde. On s'attend à ce que presque 2 millions d'enfants aient toujours besoin d'un traitement contre le VIH en 2020. Nous croyons que le gouvernement du Canada doit veiller à ce que les investissements dans la prévention et le traitement du VIH demeurent au coeur de nos efforts pour protéger la santé des mères et des nouveau-nés.
    À mi-chemin entre la santé et la protection de l'enfant, il y a la question de l'enregistrement des naissances. Près de 230 millions de naissances dans le monde ne sont pas enregistrées. Sans certificat de naissance, les enfants ont bien moins accès aux services sociaux vitaux et à la protection qu'ils méritent. L'enregistrement des naissances est un outil de protection parce qu'il peut protéger l'enfant contre des poursuites ou des sanctions s'il est confronté à la justice. Il est fondamental que l'enfant ait un certificat de naissance valide pour qu'on puisse faire respecter les lois sur l'âge minimum pouvant protéger les enfants contre le mariage précoce, le recrutement par les forces armées ou les pires formes de travail des enfants.
    Nous savons que la protection est cruciale pour pouvoir élever un enfant en santé. Le Canada est un défenseur respecté des droits des enfants. Il oeuvre depuis longtemps à protéger de la violence les enfants les plus vulnérables au monde. Nous sommes heureux du leadership que le Canada exerce à l'Assemblée générale de l'ONU en vue de l'adoption d'une résolution visant à prévenir et à éliminer le mariage forcé et précoce des enfants. Nous partageons cette volonté d'éliminer le mariage des enfants de même que toutes les formes de violence envers les enfants.
    Nos efforts pour protéger les enfants de la violence, de l'exploitation et des abus contribuent à ce que les enfants qui s'en sortent et qui profitent de l'investissement du Canada aient également l'occasion de s'épanouir. Ces deux dimensions, soit la santé et la sécurité des enfants, sont interreliées. Les enfants ne peuvent pas s'épanouir s'ils sont immunisés et bien nourris, mais qu'ils subissent de la violence. La violence a des répercussions sur la santé mentale et physique de l'enfant à court et à long terme. Elle peut l'empêcher d'apprendre et de socialiser, ce qui aura une incidence sur sa transition vers la vie adulte et diverses conséquences négatives plus tard dans sa vie.
    La protection et le respect des droits des enfants dépendent également de la sécurité du secteur privé pour les enfants. Les entreprises ont une incidence directe et indirecte sur la vie des enfants par leurs politiques et leurs activités. L'UNICEF, Aide à l'enfance et le Pacte mondial de l'ONU ont élaboré des principes directeurs sur les droits des enfants afin d'outiller les entreprises et de les aider à réfléchir à leur incidence sur les droits et le bien-être des enfants. Chez UNICEF Canada, nous interpellons le secteur canadien de l'extraction minière grâce à la création de guides et d'outils et à des initiatives individuelles avec des entreprises, des associations et des consultants.
    Le gouvernement du Canada a la responsabilité et l'occasion de veiller à ce que le secteur privé canadien redouble d'efforts pour protéger les enfants contre la violence, l'exploitation et les abus, et il peut le faire en promettant d'aider les entreprises canadiennes à respecter et à défendre les droits des enfants dans leurs activités à l'étranger. C'est pourquoi nous encourageons le gouvernement à intégrer les droits des enfants aux principes d'affaires qu'il préconise et à exiger une analyse de l'impact sur les droits des enfants avant d'accorder du financement au secteur privé à l'étranger.
    C'est une année critique pour les enfants. Les dirigeants du monde entier sont en train d'établir la feuille de route des progrès humains qui orienteront l'investissement et l'action au cours des 15 prochaines années. Les négociations en vue du nouveau programme de développement pour l'après-2015 sont déjà bien avancées. Au cours des prochains mois, les discussions culmineront par deux grands jalons: soit le cadre directeur des objectifs pour le développement durable, les ODD, qui devrait être adopté à l'Assemblée générale de septembre, et le cadre pour le financement du développement, qui devrait être adopté à Addis-Abeba en juillet.
    L'UNICEF est résolument déterminé à veiller à ce que les enfants demeurent au centre des prochains objectifs pour le développement, comme ils étaient au coeur des objectifs du millénaire pour le développement. De plus, nous estimons essentiel de favoriser une approche équitable pour que les enfants les plus défavorisés soient inclus dans tout effort de développement futur. Non seulement est-ce la bonne chose à faire, mais c'est dans l'intérêt de tous.
    J'aimerais souligner la publication par le gouvernement du Canada de ses priorités de développement pour l'après-2015 et le féliciter pour sa demande de rétroaction sur ses priorités. Nous constatons de grandes synergies entre les priorités de l'UNICEF et celles du Canada. UNICEF Canada est enchanté de la détermination du Canada à prioriser la protection de l'enfance, l'éradication du mariage précoce et forcé des enfants et le renouvellement de l'effort mondial visant à prévenir les décès infantiles et maternels évitables et à assurer l'accès à une éducation de qualité. Nous félicitons également le Canada de s'être joint récemment au groupe des Amis de l'enfance et de veiller à ce que les questions liées à la survie, au développement et à la protection des enfants soient au coeur des négociations sur les ODD et le financement du développement.
(1110)
    En juillet, les gouvernements du monde vont s'entendre sur les stratégies financières privilégiées pour atteindre les ODD, et il est essentiel d'investir dans les enfants pour cela. Nous encourageons le gouvernement du Canada à proposer et à appuyer des messages forts pour investir dans les enfants dans le document qui ressortira d'Addis-Abeba, parce que tout investissement pendant les premières années de vie d'un enfant dans la nutrition, le développement cognitif et la protection génère des avantages à long terme pour la personne comme pour la société.
    La croissance économique durable est impossible sans des investissements adéquats et équitables dans les enfants. L'iniquité des chances pour les enfants et les niveaux constamment élevés de malnutrition, de mortalité et de pauvreté infantiles imposent un lourd fardeau sur le potentiel de croissance de nos sociétés. Il faut absolument investir dans les enfants pour éradiquer l'extrême pauvreté et mettre un terme à la pauvreté sous toutes ses formes, afin de briser le cycle dévastateur de la pauvreté intergénérationnelle.
    Il sera de plus en plus important de trouver des sources de financement privées et novatrices pour le nouveau cadre des ODD, et nous saluons le leadership dont fait preuve le Canada dans la promotion de façons novatrices de financer le développement. Cela dit, l'aide officielle au développement demeure fondamentale pour les pays n'ayant accès qu'à des ressources publiques limitées à l'échelle nationale, et il faut arrêter le déclin de l'APD destinée aux pays les plus pauvres. L'aide au développement officielle et le financement à des conditions libérales doivent viser les pays où les besoins sont les plus grands, et il faut affecter une plus grande part de l'APD aux dépenses visant les enfants.
    Pour terminer, je tiens à ce que vous sachiez que l'investissement du Canada dans les enfants rapporte. Nous sommes en train de vivre une révolution pour ce qui est de la survie des enfants dans le monde. Moins d'enfants que jamais dans l'histoire de l'humanité meurent avant l'âge de cinq ans. Moins d'enfants que jamais dans l'histoire de l'humanité ne fréquentent pas l'école. Plus de personnes que jamais dans l'histoire de l'humanité ont accès à de l'eau propre.
    C'est là la révolution dans la survie des enfants. Cela ne paraît pas d'ici, mais nous sommes en fait tous des révolutionnaires; nous y sommes pour quelque chose dans ce changement mondial. C'est le fondement de l'avenir.
    Il faut maintenant passer à la prochaine étape. Il faut veiller à ce que les enfants aient des certificats de naissance, à ce qu'ils reçoivent une éducation secondaire de qualité, à ce qu'il y ait des lois rigoureuses pour les protéger contre toute forme d'exploitation et de violence, pour que tous ces enfants — nos enfants dans le monde — puissent non seulement survivre, mais s'épanouir dans la paix et la prospérité pour les années à venir.
    Merci.
(1115)
    Merci beaucoup, monsieur Morley.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Chauvin pour son exposé.
    Au nom de la Société canadienne de santé internationale, je remercie le comité de nous permettre de lui faire part de notre point de vue et de nos recommandations sur les mécanismes nécessaires pour protéger la santé, la subsistance et le bien-être des enfants et des jeunes dans les pays en développement.
    La Société canadienne de santé internationale est une organisation nationale non gouvernementale de bienfaisance qui rassemble des membres déterminés à améliorer la santé de tout, à réduire les iniquités dans le monde au chapitre de la santé et à renforcer les systèmes de santé.
    Je ne suis pas médecin. J'ai en fait étudié en géographie médicale et j'ai commencé ma carrière en santé publique et développement communautaire en 1976. Au cours des quarante dernières années, j'ai travaillé au Canada et à l'étranger pour CARE, l'ACDI, le CRDI et jusqu'en juin 2013, l'Association canadienne de santé publique. Je suis devenu membre du conseil d'administration de la SCSI en novembre dernier.
    Ma collègue, Eva Slawecki, est la directrice exécutive par intérim de la SCSI. Elle cumule 15 années d'expérience en santé internationale et en renforcement des systèmes de santé, au Canada comme à l'étranger.

[Français]

     Avant de vous faire part de la perspective et des recommandations de notre société, j'aimerais définir le terme « santé mondiale ». Il y a plusieurs définitions, mais je vous en présente deux, qui, selon la Société canadienne de santé internationale, reflètent mieux que d'autres les meilleurs principes et pratiques de santé mondiale.
    La première définition, proposée par des collègues de Nouvelle-Zélande, décrit la santé mondiale comme un domaine d'étude, de recherche et de pratique qui accorde la priorité à l'amélioration de la santé et à la réalisation de l’équité en matière de santé pour tous dans le monde.

[Traduction]

    On définit également la santé mondiale comme l'amélioration de la santé dans le monde, la réduction des disparités et la protection contre les menaces internationales qui ne connaissent pas de frontières nationales. La santé mondiale sous-entend l'élaboration et la mise en place de stratégies efficaces pour améliorer l'état de santé de toute une population ou d'une personne, des stratégies qui favorisent et renforcent la prévention des maladies et des blessures, la promotion de la santé, la protection de la santé, de même que les soins aux personnes malades, blessées, handicapées et mourantes, grâce à des mesures prises dans tous les secteurs, pas seulement dans le secteur de la santé, pour atteindre l'objectif de la santé pour tous.
    Nous sommes reconnaissants envers le comité de se pencher particulièrement, dans le cadre de son étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement, sur des questions comme la traite de personnes, le mariage précoce et forcé, l'industrie du sexe, les mutilations génitales féminines et l'exploitation en ligne des enfants et des jeunes.
(1120)

[Français]

     La Société canadienne de santé internationale ne travaille pas directement dans ces domaines, mais son expérience sur le terrain dans les pays en développement fait qu'elle est bien placée pour parler des conséquences graves qu'ont ces enjeux sur la santé des mères, des enfants et des jeunes.

[Traduction]

    Le mariage des enfants témoigne de nombreux facteurs sociaux déterminants pour la santé, comme la pauvreté, un faible niveau d'éducation et un manque de possibilités d'emploi sûres et intéressantes. Les représentants de plusieurs organisations qui ont comparu devant ce comité ont proposé des mesures pour modifier les facteurs prédisposant au mariage précoce.
    Le mariage précoce peut faire augmenter la prévalence des grossesses juvéniles et de la mortalité maternelle, des fistules, de la mortalité infantile et des handicaps attribuables à des complications découlant de mauvais traitements, de la violence, de mauvaises conditions de vie comme la malnutrition, de l'inaccessibilité aux services de santé et de la prématurité. Le mariage précoce peut également avoir une incidence sur la santé des nouveau-nés. Par exemple, les indicateurs de malnutrition semblent pires chez les enfants nés de mères mariées avant leur majorité.
    Comme le Dr Peter Singer des Grands Défis Canada l'a fait remarquer dans son exposé devant ce comité en juin 2014, la stratégie du Canada pour protéger les enfants devrait commencer avant même la conception, par les adolescentes, et enchaîner avec la protection des femmes enceintes et du développement physique et mental des nouveau-nés pendant leurs premières années de vie.
    Nous comprenons bien que le secteur de la santé ne peut pas à lui seul réussir à améliorer la santé et l'équité en santé. La lutte contre le mariage des enfants nécessite une approche préventive, intégrée et multisectorielle allant bien au-delà du secteur de la santé, mais dirigée et appuyée par d'autres secteurs. Elle peut comprendre des mesures comme la diffusion de messages adaptés à la culture, la mise en place de systèmes scolaires souples qui permettent aux jeunes mères adolescentes de retourner à l'école après la naissance de leur bébé, des programmes de supplément alimentaire et des investissements dans le bien-être social.
    Selon le Forum économique mondial et la Harvard School of Public Health, l'une des stratégies d'investissement en santé publique les plus rentables et les plus avantageuses pour améliorer la santé et le bien-être consiste à améliorer les soins prodigués à la mère, au foetus et au nouveau-né grâce à des stratégies interreliées en santé, en santé publique, en services sociaux et en éducation. Dans les réseaux de la santé, une bonne façon de protéger la santé des jeunes filles et de femmes, qui peut contribuer à faire diminuer et ultimement à éliminer la prévalence du mariage des enfants, consiste à employer des travailleurs pleinement qualifiés en santé communautaire et en accompagnement à la naissance, des anesthésistes et des médecins qualifiés, à rendre accessible l'information nécessaire pour permettre aux jeunes filles de faire des choix éclairés sur leur santé reproductive, à mettre en place un bon système de renvoi au niveau de soins supérieur ainsi que des services de transport adéquats pour les urgences obstétricales, et à assurer un approvisionnement sanguin sécuritaire.
    La SCSI et l'Association canadienne de santé publique, grâce à des initiatives séparées financées par l'ACDI après la guerre des Balkans, il y a quelques années, ont montré l'efficacité de créer des endroits sûrs dirigés par les jeunes où ils peuvent discuter des problèmes auxquels ils sont confrontés et trouver des stratégies pour réduire leur risque de maladies transmissibles sexuellement, d'exploitation sexuelle et de consommation ou d'abus de drogues. Des modèles et des initiatives axés sur les jeunes ont été créés pour faciliter accès à des services de consultation, de prévention, de diagnostic, de traitement et d'éducation chez les jeunes de manière à favoriser les choix santé chez les jeunes.

[Français]

    Comme l'ont précisé nos collègues des organismes Right To Play et War Child lors de leur témoignage devant votre comité, il existe plusieurs façons d'équiper les enfants et les jeunes, y compris en les aidant à devenir leurs propres agents de changement en matière de sécurité et de protection, en leur permettant de participer activement aux discussions sur leur sécurité et en leur assurant une protection réelle en vertu de la loi. Notre société donne son appui à ces stratégies. Nous vous encourageons à leur accorder toute votre attention et votre considération.

[Traduction]

    Nos collègues ont également fait état de la nécessité de mobiliser et d'aider la famille dans ses efforts pour prendre soin des enfants. La SCSI aimerait souligner également l'importance d'outiller les professionnels de la santé afin qu'ils puissent vraiment protéger les enfants et les jeunes.
    Nous semblons avoir tendance à oublier les leçons tirées des projets une fois qu'ils sont terminés plutôt que de les étudier et d'en tirer de l'information. Nous semblons toujours vouloir réinventer la roue, alors que nous avons peut-être souvent déjà la réponse. Je nous recommanderais de prendre le temps de réexaminer les leçons tirées des initiatives du passé financées par le Canada avant d'en lancer de nouvelles.
    Au Mali, la SCSI et ses partenaires ont contribué à accroître l'intégration et la cohérence entre les diverses composantes du système de santé, particulièrement pour la prévention du VIH/sida, la santé sexuelle et reproductive, ainsi que la nutrition, ce qui a permis d'en améliorer la qualité et l'accessibilité et à faire augmenter l'utilisation des services médicaux et sociaux offerts dans les centres de santé communautaire. Il y a également des stratégies importantes pour protéger les enfants et les jeunes à retenir des initiatives financées par l'ACDI, comme les projets en santé maternelle et infantile menés en Zambie et au Malawi il y a plusieurs années.
    Par ailleurs, il ne faut pas s'arrêter dès que la mère et l'enfant ont reçu leur congé de l'hôpital ou de la clinique médicale. Un suivi approprié est essentiel à une vie saine. J'aimerais vous présenter un autre exemple d'ancienne initiative financée par l'ACDI pour reconstruire les services de santé publique dans la région des Balkans après la guerre. Ce service était administré par les infirmières à domicile de la ville de Belgrade, qui offraient un service extrêmement nécessaire en consultation postnatale pour assurer la santé de la mère et du nouveau-né. Ce projet a permis également d'observer des situations présentant un risque élevé pour la santé. Bien que ce service mettait l'accent sur la santé, il a aussi servi à protéger des femmes, des nouveau-nés, des enfants et des jeunes contre la violence et la négligence. L'UNICEF a adopté ce modèle récemment, qu'il considère exemplaire, en Europe et en Asie centrale. Je pense que nous pourrions nous en inspirer.
    Une autre forme d'intervention destinée à améliorer la santé de la population qui contribue particulièrement à protéger les enfants et les jeunes est l'immunisation universelle à grande échelle contre les maladies pour lesquelles il existe des vaccins.
(1125)

[Français]

     Le Canada a fait et continue de faire des investissements importants dans les programmes mondiaux de vaccination. Bien que des progrès notables soient réalisés dans la lutte pour réduire le fardeau de la maladie évitable par la vaccination, il reste encore beaucoup à faire. Les pays en développement font face à plusieurs défis en ce qui concerne la vaccination, y compris l'introduction de nouveaux vaccins, l'impact sur la vaccination des flambées d'autres maladies telles que l'Ebola et le remplacement des vaccins qui ne sont pas aussi efficaces par des vaccins plus efficaces.

[Traduction]

    Une autre question soulevée par d'autres témoins qui a des répercussions importantes sur les programmes de vaccination, c'est celle de l'efficacité et de la fiabilité de l'enregistrement civil. Si la naissance d'un enfant n'est pas enregistrée, cet enfant ne sera probablement pas vacciné. Dans le cadre du travail de notre organisme en Tanzanie, nous avons été témoin des répercussions qu'a l'absence d'un recensement de base fiable et de données d'enregistrement sur la capacité des directeurs et des planificateurs des services de santé de consacrer des ressources limitées aux programmes prioritaires et aux endroits et aux gens qui en ont le plus besoin.
    L'amélioration de la situation sur le plan de l'enregistrement civil contribuera à l'atteinte de l'objectif des programmes nationaux d'immunisation: vacciner chaque enfant. Toutefois, il ne faut pas s'en tenir qu'à ce volet. Il faut également investir dans l'amélioration des capacités de recensement national, et pas seulement sur le plan de la collecte de renseignements, mais aussi quant à leur analyse et à leur utilisation. Les données de recensement national sont essentielles pour évaluer l'efficacité des programmes de santé et déterminer la mesure dans laquelle ils favorisent la protection des femmes, des enfants et des jeunes.
    Avant de terminer mon exposé, j'aimerais revenir sur l'expression « dans le monde » qui fait partie de la définition de « santé mondiale ». Peu importe les décisions que le gouvernement du Canada prendra sur le plan du financement et des stratégies visant à protéger les enfants et les jeunes des pays en développement, il doit s'assurer que ses engagements à l'étranger correspondent aux mesures qui sont prises pour protéger les enfants et les jeunes au Canada — voire qu'ils aillent plus loin. Il convient de féliciter le gouvernement du Canada pour son initiative sur le renforcement de la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants. Nous pensons que l'adoption d'un programme national exhaustif sur la santé de la mère et de l'enfant devrait aussi être examinée.

[Français]

    En terminant, je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Mme Slawecki et moi avons hâte de répondre à vos questions et de discuter de ce sujet avec vous.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de notre témoin qui se trouve à Toronto.
    La parole est à vous, docteur Bhutta.
    Bonjour. Je suis très heureux de comparaître devant votre comité. Je suis désolé de ne pas avoir pu me rendre à Ottawa.
    Je vais parler un peu de notre centre. Je suis responsable de la recherche sur la santé des enfants et les politiques au Centre de la santé mondiale des enfants de l'Hôpital pour enfants malades. Je suis également l'un des sept spécialistes membres du groupe d'examen indépendant du Secrétaire général de l'ONU pour la surveillance des objectifs du millénaire pour le développement, ou OMD. Enfin, je préside le processus du compte à rebours pour le suivi des tendances.
    Je vais parler de façon générale des questions que votre comité est en train d'étudier et je vais commencer par les objectifs du millénaire. Je vais vraiment essayer de ne pas répéter les points importants que les témoins précédents ont soulevés.
    Mesdames et messieurs, les 10 dernières années ont constitué une décennie phénoménale dans l'histoire de l'humanité. Au début du parcours qu'a été l'établissement des objectifs du millénaire pour le développement en 2000, le monde s'était fixé un objectif énorme selon lequel en 2015 — cette année —, la mortalité juvénile devait être réduite de deux tiers, et la mortalité maternelle, de trois quarts, par rapport aux niveaux de 1990. Septembre 2015 est à nos portes, et alors que bon nombre de ces cibles seront révisées, je pense que d'énormes progrès ont été accomplis au cours de la dernière décennie. En 1990, il y a eu 12,5  millions de décès d'enfants, et nous avons été en mesure de réduire ce nombre à environ 6 millions à l'échelle mondiale. De plus, le nombre de décès maternel est passé de 580 000 à environ 280 000.
    Les mesures prises ont mené à d'excellents résultats dans bon nombre de régions géographiques. Entre autres, il y a eu des améliorations au chapitre de la sensibilisation des gens sur l'importance de cet enjeu. Toutefois, on s'est également rendu compte que l'accent mis sur la survie et sur la réduction de ce fardeau qu'est la mortalité prématurée au cours des 10 dernières années a fait en sorte que certains volets ont peut-être été laissés de côté. Plusieurs témoins en ont parlé aujourd'hui.
    Il y a entre autres l'attention insuffisante accordée à l'équité. Nous savons que l'essentiel des progrès et des changements globaux ont découlé des progrès accomplis dans un petit nombre de pays: tous les Brésil et toutes les Chine du monde. En ce qui concerne les inégalités sur le plan de la santé maternelle et infantile et de la survie dans le monde d'aujourd'hui, bon nombre de pays sont encore bien loin d'atteindre les objectifs au chapitre de la survie. Je souligne fortement le rôle que le Canada a joué, et qu'il continue de jouer, pour que nous ne perdions pas de vue notre objectif de réduire le nombre de décès prématurés dans certains des pays les plus pauvres du monde.
    Nous nous rendons compte également que dans notre quête visant à atteindre ces objectifs, nous n'avons peut-être pas porté autant d'attention à plusieurs aspects qui sont importants dans le cadre des travaux de votre comité. Entre autres, il y a le fait qu'on n'accorde pas assez d'attention aux déterminants — en particulier aux déterminants sociaux — de la santé et de la survie des mères et des enfants.
    Au moment où je vous parle, je sais très bien aussi qu'au cours de la dernière décennie et demie, en raison du manque de cibles, la survie des nouveaux-nés et la réduction du nombre de mortinaissances sont des volets qui sont devenus orphelins en tant que priorités mondiales. À l'heure actuelle, parmi les 6 millions d'enfants qui meurent prématurément chaque année avant d'atteindre l'âge de cinq ans, environ la moitié, ou 45 %, sont des nouveaux-nés — ils décèdent au cours des quatre semaines suivant leur naissance — et la vaste majorité d'entre eux meurent au cours des tout premiers jours. Comme l'a dit mon collègue David Morley, dans bon nombre de cas, c'est une conséquence directe de l'alimentation inadéquate des mères et de facteurs qui vont même au-delà d'une grossesse, et même d'une génération.
    Les efforts consacrés à la morbidité et à ses conséquences ne sont pas suffisants. Alors que nous nous sommes tournés vers des objectifs de développement durable et l'important enjeu d'agir sur le capital et le développement humains, au cours des dernières décennies, nous n'avons pas accordé suffisamment d'attention à la morbidité, à la santé mentale et à la question importante du développement de l'enfant et de la famille. Ce sont des volets extrêmement importants quand on pense aux travaux que vous menez.
    Je veux parler également de la question de l'adolescence, particulièrement des adolescentes, mais également des adolescents. Cette question a été quelque peu oubliée au cours des 20 dernières années environ tandis que nous axions nos efforts sur l'établissement des OMD et sur le processus ultérieur qui s'y rattache.
(1130)
    À l'heure actuelle, des statistiques alarmantes indiquent que chaque année, en moyenne, 11 % des 60 millions de naissances — dans certaines populations, on parle de près de 20 % des naissances — ont lieu au cours de l'adolescence. Dans certaines régions du monde, un nombre substantiel de ces adolescentes sont âgées de moins de 15 ans.
    Les facteurs socioculturels ne sont pas les seuls facteurs qui mènent aux mariages d'enfants dans bon nombre de collectivités. Il faut également tenir compte du peu d'attention porté à la participation des femmes, à l'accès des filles à l'école et aux mesures garantissant que les systèmes étatiques donnent des chances égales aux garçons et aux filles dans ces milieux.
    S'il est vrai que nous avançons dans toute la question de la traite et de la protection, il est important de reconnaître que cela constitue un problème également très important. Que devons-nous faire pour contrer ces tragiques qui affligent le monde que sont le mariage d'enfants, le mariage précoce et les grossesses chez les adolescentes, dont les conséquences durent des générations?
    Chers collègues, nous savons maintenant que dans près d'un cinquième des cas, l'atrophie chez les enfants de six mois est causée par l'état nutritionnel du bébé. Son état nutritionnel dépend repose quant à lui sur celui de la mère. L'état nutritionnel de la mère repose sur sa situation lorsqu'elle était jeune. Les statistiques révèlent que pour environ le tiers des cas d'hypotrophie foetale dans le monde — il s'agit de bébés qui pèsent moins de cinq livres à leur naissance et qui risquent de se développer de façon très différente par rapport aux bébés normaux —, la cause réside dans la façon dont nous aidons les jeunes mères, les jeunes filles, sur le plan des possibilités de développement et d'éducation.
    C'est également indissociable de la façon dont les sociétés protègent les filles ainsi que de la question de la mutilation des organes génitaux de la femme. Selon des chiffres stupéfiants, parmi les 125 millions de personnes qui sont victimes de mutilation génitale féminine dans le monde aujourd'hui, la vaste majorité, ou près de 80 %, viennent des 29 pays africains et du Moyen-Orient. Il est également reconnu que dans ces pays, près d'un cinquième, soit entre 18 et 20 % de ces mutilations sont pratiquées par des professionnels de la santé.
    Je tiens fortement à répéter ce qu'ont dit mes collègues, soit qu'il est important que le Canada joue un rôle dans l'aide que nous apportons à ces pays sur le plan de la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants; dans les volets importants que sont les droits de l'enfant et la protection de l'enfant; et en particulier dans la collaboration avec d'autres gouvernements pour que les filles puissent aller à l'école et s'accomplir pleinement afin de contribuer à la société.
    Je veux également dire quelques mots sur les garçons et parler des sujets importants que sont les conflits, la traite d'enfants et l'exposition à la violence. Très peu de gens savent que dans le monde, environ le tiers des enfants de moins de cinq ans et des mères qui décèdent viennent de régions touchées directement ou indirectement par des conflits. Dans bon nombre de ces pays, comme vous le savez, peut-être mieux que d'autres, non seulement les enfants sont exposés à la violence, mais on les recrute et on les force à commettre eux-mêmes des actes de violence. On n'a qu'à regarder ce qui se passe au sein de l'État islamique en Syrie et dans des pays comme le Nigéria et la Somalie, pour constater à quel point le problème des enfants soldats est grave. La plupart de ces enfants sont forcés de participer.
    Étant donné le travail que j'ai effectué en Afghanistan il y a environ 15 ans, j'ai écrit un article qui porte sur les enfants de la guerre, des conséquences potentielles lorsqu'un enfant n'est exposé qu'à de la violence. Comme David l'a dit, une partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui découlent du fait qu'une génération a grandi en n'ayant connu rien d'autre que la violence. Bien que mon travail est lié à la survie des enfants et des mères, je suis convaincu que dans le cadre de nos efforts visant à atteindre les objectifs de développement durable, nous ne perdrons pas de vue l'importance des droits des enfants et de leur protection. Nous devons nous assurer que ces enfants qui portent des armes, qui sont confrontés à la violence dans bon nombre de ces régions, sont protégés. Je pense que quels que soient les mécanismes dont nous disposons, qu'il s'agit d'aide au développement ou d'un travail de collaboration avec d'autres pays dans le cadre de la mise en oeuvre des initiatives de Muskoka II, nous pouvons contribuer au moyen de mesures de promotion et de protection et de mesures législatives.
(1135)
    Enfin, je veux dire quelques mots sur les enfants d'âge scolaire. J'estime que les milieux scientifiques et de politiques publiques ne se sont pas suffisamment penchés sur la question de la morbidité et de la mortalité des enfants d'âge scolaire, les choses auxquelles ils sont exposés et l'importance du rôle que peut jouer ce groupe pour les aider à entrer dans l'adolescence dans la meilleure situation possible.
    Nous nous sommes concentrés essentiellement sur la survie des enfants de 0 à 5 ans et leurs besoins. Pour les pays qui ont environ 95 % du fardeau mondial de la mortalité maternelle et infantile, on n'a pas suffisamment mis l'accent sur ce qui se passe dans les écoles sur le plan de la santé, de l'alimentation et du développement de l'enfant. Ces éléments sont étroitement liés.
    Mesdames et messieurs, j'aimerais vous remercier de votre attention et de l'occasion qui n'est donnée de témoigner devant vous. Je veux souligner que les déterminants sociaux de la santé, qui sont les conditions de vie de bon nombre de femmes, d'enfants et de familles dans ces pays en développement, correspondent à la réalité. Pour la suite des choses, nous devons élargir l'éventail de nos travaux pour qu'ils incluent le volet des déterminants sociaux de la santé et non pas seulement celui des déterminants sociaux de survie.
    Merci.
(1140)
    Merci beaucoup, docteur.
    Nous allons maintenant commencer notre premier tour. Chaque intervenant disposera de sept minutes. C'est Mme Laverdière qui commence.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présentation extrêmement intéressante.
     J'en aurais facilement pour quelques heures à vous poser des questions, mais je vais y aller assez rapidement dans les circonstances. Je vais d'abord m'adresser à M. Morley.
    Vous avez suggéré qu'il serait important de lier l'appui qu'on offre aux entreprises privées, notamment en matière de développement, à la question des droits de l'enfant.

[Traduction]

    J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    Merci.
    Nous avons collaboré au sein de l'UNICEF et avec le Pacte mondial, qui est un réseau d'entreprises lié à l'ONU, pour élaborer des principes fondamentaux qu'on appelle les principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l'enfant.
    Je ne suis pas en mesure de tous les nommer aujourd'hui, mais les 10 principes sont bien définis, et il y a également la question de leur mise en oeuvre. Nous les avons présentés au Canada il y a environ un an. C'était à l'occasion d'une conférence qui se tenait au centre-ville de Toronto.
    En adhérant aux principes, les entreprises s'assurent que leurs politiques en matière de responsabilité sociale tiennent compte des droits de l'enfant. Il s'agit en partie de ne pas commercialiser certains produits destinés aux enfants et de s'assurer qu'on ne fait pas travailler des enfants. Toutefois, il y a plus. Comme le disait Zulfigar, cela inclut les questions liées aux déterminants sociaux des droits de l'enfant concernant les enfants affectés partout dans le monde. Il s'agit également de contribuer au développement, à l'éducation et à la santé des collectivités.
    Il y a donc tout un éventail d'outils, que nous présentons au secteur privé. Nous croyons qu'il est important que le Canada y jette un coup d'oeil. Dans le cadre de notre examen de ces modes novateurs de financement en collaboration avec les entreprises à l'étranger, voilà un moyen de veiller à ce que les droits de l'enfant sont respectés et à ce que tous les enfants en bénéficient.
    Merci beaucoup.
    Je pense que c'est effectivement un élément essentiel, car dans le cadre de notre collaboration avec le secteur privé, les mêmes questions reviennent toujours: responsabilisation, transparence et respect de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle.
    Vous avez tous soulevé de très bons points. Je dois également vous dire que je suis sociologue de formation et que les questions relatives aux déterminants sociaux de la santé m'intéressent toujours beaucoup.
    Monsieur Morley, je crois que vous avez soulevé un autre excellent point. Bien que nous essayons de trouver de nouvelles façons de financer l'aide internationale, l'aide publique au développement est toujours essentielle. À l'heure actuelle, cette aide est tombée sous la moyenne de l'OCDE. Elle est de 0,24 %.
    Pouvez-vous dire au comité quelles sont les répercussions de cette baisse de l'APD?
    Eh bien, je pense plutôt aux effets qu'aurait une aide plus importante, car cela permettrait...
    D'accord. J'aime cela.
    ... car il ne fait aucun doute que l'objectif de 0,7 % du revenu national brut préconisé par la Commission Pearson il y a 40 ou 45 ans est un objectif auquel l'UNICEF croit toujours, et nous croyons que nous devrions tenter de l'atteindre. Cela ne signifie pas que nous devrions nous contenter d'envoyer l'argent n'importe où. Je crois que nous avons un excellent exemple, c'est-à-dire le Royaume-Uni, un pays dont l'objectif est 0,7 %; le premier ministre Cameron l'a affirmé. Il a maintenu cet objectif ces deux dernières années. Ce n'est pas facile d'atteindre 0,7 %, car il faut dépenser l'argent judicieusement, comme je l'ai dit, et nous reconnaissons que UK aid — on l'appelle maintenant le DFID — a eu recours à un processus.
    Toutefois, les membres de l'UNICEF ont observé que cela permettait d'envoyer une plus grande partie de l'aide aux gens les plus pauvres; souvent, l'aide du secteur privé n'est pas suffisante, car les personnes pauvres se trouvent à l'extérieur du marché. Il s'ensuit que l'augmentation de l'APD qui a été judicieusement affectée aux femmes et aux enfants et aux gens les plus pauvres fait une énorme différence.
    En même temps, nous appuyons les efforts déployés par le gouvernement du Canada pour obtenir d'autres sources de financement, car nous avons également besoin de ces sources, mais l'APD est toujours essentielle au développement mondial.
(1145)
    Je ne sais pas s'il me reste assez de temps, car j'aimerais poser ma prochaine question à tous les témoins. Toutefois, nous pourrons y revenir pendant la deuxième série de questions.
    Je crois que l'APD est essentielle dans les systèmes de santé publique. Vous êtes tous intervenus dans la crise du virus Ebola. Je sais que l'UNICEF est intervenu et je présume que vous l'avez mentionné. Maintenant que la crise s'atténue, que doit-on faire en ce qui concerne les systèmes de santé, surtout dans les trois pays les plus durement touchés?
    Aimeriez-vous que je réponde à cette question? D'accord.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. En fait, c'est une question intéressante, car il y a deux mois, nous avons tenu, en Inde, le 14e Congrès mondial sur la santé publique. J'ai présidé le comité de planification de cet événement, et nous avons accueilli plus de 1 650 personnes de 70 pays. L'un des sujets discutés était la situation de la crise du virus Ebola. En fait, c'était au cours d'une séance organisée par notre propre Centre de recherches pour le développement international.
    Les gens étaient d'avis que l'un des éléments essentiels qui devaient être examinés, c'était les systèmes de surveillance des maladies, car ils doivent faire l'objet d'une mise à niveau importante. Tout d'abord, il fallait prévoir des plans de préparation en cas d'urgence et les mettre en oeuvre, au lieu de se contenter de les rédiger et de les oublier dans un tiroir de bureau, car c'est ce qui s'est produit. Il fallait également prévoir une intervention interne appropriée, c'est-à-dire la capacité d'intervention du pays, lors de ces situations d'urgence.
    Malheureusement, comme nous l'avons observé dans les pays touchés, un grand nombre de membres du personnel médical ont contracté l'Ebola et plusieurs d'entre eux sont décédés. Lorsqu'un de ces pays perd une personne très bien formée, il vient de perdre une génération de gens. Comment pouvons-nous améliorer la capacité d'intervention interne du pays en cas d'urgence en matière de santé publique?
    Je crois que l'un des autres problèmes qui ont été soulevés concernait — et c'est lié à la sociologie et à anthropologie — la question de comprendre les systèmes de croyances des peuples. En effet, on a été confronté, entre autres, au problème posé par la pratique consistant à préparer et à nettoyer le corps des défunts. Manifestement, on ne pouvait utiliser cette pratique pour une personne qui avait contracté le virus de l'Ebola, mais les gens refusaient d'enterrer les corps sans les laver et les préparer. On peut donc se demander comment les travailleurs de la santé peuvent comprendre ces pratiques et collaborer avec les collectivités afin de les protéger, mais en même temps tenir compte de ces éléments sociaux très importants.
    Je vais m'arrêter ici pour l'instant.
    Merci.
    Le temps est écoulé. Nous reviendrons probablement sur le sujet lors de la prochaine série de questions.
    La parole est maintenant à Mme Brown. Elle a sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins d'être ici. Je suis heureuse de tous vous revoir.
    Dr Bhutta, merci beaucoup de vous joindre à nous à partir de Toronto. Je crois que je vais vous visiter en juin, car je pense qu'il y a un événement qui se tiendra à ce moment-là et j'ai hâte d'y aller, car nous avons un excellent partenariat avec l'Hôpital SickKids, et vous avez fait un travail exceptionnel. Merci beaucoup.
    Monsieur Morley, nous avons discuté, entre autres, de la nécessité de poursuivre l'ADP et les débours. Toutefois, l'expérience m'a enseigné que l'argent n'a peut-être pas toujours été dépensé judicieusement, et je ne suis pas convaincue qu'il faut se concentrer sur les sommes versées, car je pense qu'il faut plutôt se concentrer sur la façon dont nous les dépensons. J'utilise l'exemple d'un projet que j'ai visité au Soudan du Sud et qui a été financé il y a 10 ou 12 ans.
    Lorsque j'ai examiné ce projet, j'ai dit au ministre que je ne croyais pas que nous obtiendrions les résultats dont nous avions besoin. J'ai suggéré de doubler la capacité de l'école de formation du personnel infirmier de Djouba, ce qui permettait d'avoir du personnel infirmier de première ligne dans la collectivité.
    Ne pensez-vous pas que c'est le type de programmes efficaces auxquels nous pouvons participer, car nous savons qu'il n'y aura jamais suffisamment d'argent? Lors de la réunion d'Addis, on a envisagé de lancer un appel pour amasser 1 billion de dollars à l'échelle mondiale, ce qui n'est pas réalisable. Nous savons que de nombreux pays sont las de donner, et nous pouvons observer une diminution des dons dans un grand nombre de projets.
    Comment pouvons-nous veiller à ce que l'argent dépensé le soit le plus efficacement possible et qu'il produise les résultats que nous savons que nous devons obtenir?
(1150)
    Merci.
    Nous ne pouvons pas nous contenter de le dépenser n'importe comment. J'ai toujours travaillé pour les ONG, et je me souviens qu'il y a 15 ou 20 ans, les gens disaient que nous devions concentrer nos efforts dans le développement international et dans les activités de l'ACDI, et je crois qu'avec la concentration des efforts entrepris par le MAECD par l'entremise de l'Initiative de Muskoka, nous commençons à observer un renforcement mutuel. Cette concentration des efforts nous a aidés dans notre travail et elle a grandement contribué à améliorer les choses.
    En ce qui concerne les efforts en matière de reddition de comptes, il est difficile pour tous ceux qui participent au développement international d'admettre un échec, car nous craignons de perdre notre appui ou nos donateurs; en effet, presque 50 % de l'argent de l'UNICEF ne vient pas des gouvernements, mais des particuliers et des entreprises. Il est donc très difficile d'admettre un échec, mais c'est à ce moment-là qu'on apprend, et nous pourrions investir davantage... Trop souvent, nous observons que l'argent est investi dans certains projets alors qu'il devrait être investi dans les personnes et le renforcement de la capacité.
    Ce type de concentration des efforts est essentiel, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou de la santé, et nous devons également prévoir une reddition de comptes.
    Vous avez tous parlé de la réussite, et je vais m'adresser à vous dans un moment, monsieur Chauvin. Vous pourriez peut-être insérer votre question ici, car j'aimerais également poser une question.
    Vous avez tous parlé de la réussite de la concentration des efforts sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants que nous avons entreprise. Manifestement, nous devons maintenant élargir notre vision pour planifier l'éducation de ces jeunes enfants que nous avons sauvés, et j'espère que nous avons tous les yeux braqués sur cette génération qui entrera bientôt à l'école et dans l'adolescence.
    Monsieur Chauvin, vous avez parlé de la modification des normes culturelles, et lorsque je suis allée au Malawi pour la première fois, j'ai rencontré un groupe de femmes qui nous ont parlé des mariages précoces et forcés et elles souhaitaient que notre groupe de parlementaires prenne des mesures pour faire cesser ces pratiques. Nous avons entendu dire que notre ministre des Affaires étrangères avait soulevé cette question à l'ONU, mais lorsque nous leur avons demandé pourquoi elles ne s'étaient pas tenues debout, elles ont répondu qu'il était très important pour elles d'être grands-mères, et qu'il s'agit d'une norme culturelle sur laquelle elles n'ont aucun contrôle.
    Comment pouvons-nous lancer ce processus de sensibilisation selon lequel, oui, l'espérance de vie n'est pas la même qu'au Canada, mais comment pouvons-nous changer ces mentalités?
    C'est une bonne question, mais il n'est pas facile d'y répondre. Pendant que vous décriviez cette situation, je réfléchissais à un ancien programme financé par l'ACDI appelé le Programme de formation sur le SIDA en Afrique australe, qui était géré par l'Association canadienne de santé publique. Ce programme ciblait la question du VIH et du SIDA en Afrique australe, ce qui était évidemment un sujet presque tabou au début des années 1990, lorsque ce programme a été mis sur pied. Nous nous occupions des gens qui étaient infectés et touchés par le VIH et le SIDA, et la question de savoir comment leur donner une voix ou les aider à trouver leur propre voix a été soulevée. En effet, nous ne devrions pas formuler des revendications en leur nom; ils devraient plutôt être en mesure de les formuler eux-mêmes.
    Il a suffi de leur fournir des espaces sécuritaires et des occasions d'établir des liens avec d'autres gens qui subissaient les mêmes pressions et qui étaient confrontés aux mêmes problèmes et de leur offrir certaines mesures de protection. En fait, au bout du compte, le bureau du Programme de formation sur le SIDA en Afrique australe est devenu un endroit sécuritaire pour eux, et ils sentaient qu'ils pouvaient se parler. Je ne sais pas si la SCSI a fait la même chose dans les Balkans, mais nous avons également utilisé l'ambassade canadienne pour fournir un endroit sécuritaire aux populations des divers pays des Balkan qui étaient en guerre les uns contre les autres, afin qu'ils puissent se réunir pour discuter en toute sécurité.
    Je crois que la notion d'espace sécuritaire doit être examinée de façon plus approfondie. Nous devons nous demander comment nous pouvons fournir ces espaces sécuritaires aux gens pour qu'ils puissent se parler, se réunir, découvrir les autres peuples qui font face aux mêmes problèmes et trouver une solution. Ce n'est pas un processus facile et c'est difficile d'obtenir du financement à cet égard.
    Cela revient à votre commentaire précédent. Le renforcement de la capacité organisationnelle n'est plus aussi populaire, et malheureusement, nous en payons maintenant le prix. Il n'y a plus d'investissement dans les instituts de santé publique dans ces pays et il n'y a plus d'investissement dans les organismes. En effet, les organismes se forment et se solidifient lentement. Malheureusement, les ministres ne peuvent pas les décorer de beaux rubans, et le processus de formation s'étend sur plusieurs années. En effet, il peut falloir de 10 à 12 ans pour renforcer la capacité organisationnelle et créer un institut de santé publique fonctionnel dans un pays. Prenez l'exemple de notre propre organisme de santé publique — un groupe fantastique, mais son budget est réduit chaque année. À un moment donné, cet organisme sera confronté à des obstacles insurmontables. Je crois que nous devons comprendre que si nous envisageons d'investir dans des organismes, il nous faut des programmes à long terme qui sont financés de façon durable. Je le répète, cela fournit un espace dans lequel ces gens peuvent se réunir.
    Je me suis un peu éloigné du sujet. Je suis désolé, mais ce sujet me passionne.
(1155)
    Merci. Notre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Garneau.
    Monsieur, vous avez sept minutes.
    J'aimerais tout d'abord remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui; ils ont livré un excellent témoignage. Je vous suis très reconnaissant, non seulement de ce que vous faites, mais également des explications que vous nous avez fournies aujourd'hui.
    Je vais commencer par formuler un commentaire. Je ne vous demanderai pas d'y répondre, car je ne veux pas vous mettre sur la sellette. J'aimerais revenir sur le commentaire de Mme Laverdière, car j'allais le soulever moi-même. L'aide au développement fournie par le Canada a chuté pour atteindre 0,24 % du PIB — cette donnée provient d'un récent rapport de l'OCDE. L'an dernier, elle était à 0,27 %, et il s'agit donc d'une diminution assez importante. Manifestement, cela nous place dans la moitié inférieure, car la moyenne des pays de l'OCDE est de 0,29 %. Même si l'argent doit être dépensé dans les programmes appropriés et de manière efficace, on ne peut pas exécuter certains des programmes dont vous avez parlé avec éloquence sans avoir les fonds nécessaires. C'était mon commentaire.
    Au cours des derniers mois, nous avons eu l'occasion, dans le cadre de l'étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement, d'entendre de nombreux témoins. Je commence à me faire une idée des défis et des domaines importants à cet égard. Un grand nombre d'entre eux ont été mentionnés aujourd'hui — la vaccination, la malnutrition, le VIH et le sida, et évidemment, les mariages précoces et forcés et la mutilation des organes génitaux féminins. Ce sont des sujets dont nous avons beaucoup entendu parler.
    Personnellement, je n'avais jamais entendu parler de l'un de ces sujets — et il a été mentionné par deux d'entre vous —, c'est-à-dire l'enregistrement des naissances. Je n'étais pas au courant. Je présume qu'il est très logique que cette activité ne soit pas très répandue.
    Comment vos organismes encouragent-ils les pays dans lesquels ces naissances se produisent à mettre en oeuvre le processus d'enregistrement nécessaire? Est-il parfois difficile d'y arriver en raison de l'éloignement, etc.?
    En Ouganda, nous avons un programme qui nous permet d'effectuer l'enregistrement des naissances par message texte. C'est l'une des façons d'atteindre les régions rurales. Il faut collaborer avec un travailleur en santé communautaire — cette structure doit être présente —, mais on utilise le téléphone, et l'information est versée dans un répertoire central. L'information est déjà sous forme électronique, ce qui est une bonne chose, car j'ai visité le centre de dossiers de l'hôpital de Kampala, et ce n'était pas un centre de dossiers, mais plutôt un tas de papiers. Il s'agit donc d'une façon de recueillir ces renseignements et de les classifier.
    J'ai appris l'importance de ce système lorsque j'ai travaillé dans un camp de réfugiés à la frontière entre la Zambie et l'Angola, il y a quelque temps, c'est-à-dire lorsque l'Angola était toujours ravagé par la guerre. Des gens en fuite traversaient le pays depuis environ trois semaines. Un matin, je travaillais au centre de réception. Les femmes et les enfants étaient vêtues de guenilles, et une mère a sorti de ses guenilles un petit sac contenant l'extrait de naissance de son enfant. Elle n'avait pas pu protéger rien d'autre, mais elle avait conservé ce bout de papier, car il donne accès à de nombreuses choses, et il est essentiel pour obtenir une protection.
(1200)
    Et l'enregistrement de ces naissances par message texte est légal...?
    Oui. Nous l'avons intégré au système du gouvernement, et nous travaillons également sur... Il faut que cela soit intégré au système du pays.
    Très bien.
    Une voix: J'allais laisser Eva répondre à la question.
    M. Marc Garneau: Bien sûr, absolument.
    J'aimerais seulement ajouter, comme M. Morley l'a souligné, qu'un grand nombre de ces centres de dossiers sont seulement des tas de papiers. Il y a souvent une culture dans laquelle on recueille des renseignements inutiles, et en grand nombre. Les médecins, les travailleurs en santé communautaire et le personnel infirmier recueillent des renseignements. Toutefois, on ne recueille pas les bons renseignements et on ne les utilise pas de façon appropriée.
    Dans le cadre de l'un de nos projets en Tanzanie, nous avons observé un événement intéressant où l'un des districts a signalé un taux de vaccination de 120 %. Nous nous sommes dit que quelque chose clochait, et nous leur avons demandé s'ils avaient falsifié ces données. Les médecins et les travailleurs en santé communautaire ne falsifiaient pas les données, mais les données du recensement — celles qu'ils utilisaient en guise de dénominateur — n'étaient pas du tout à jour. La population avait augmenté. Le nombre de vaccins administrés était exact, mais ils le fondaient sur un dénominateur inexact tiré de données de recensement inexactes.
    Tout est donc lié. Comment les planificateurs peuvent-ils demander davantage de ressources pour leurs programmes de vaccination ou d'autres programmes de santé lorsque les données qu'ils utilisent n'appuient pas leur demande? Tout est lié.
    C'est bien. Je vous remercie.
    Docteur Bhutta, vous avez mentionné un des objectifs du millénaire pour le développement relatif à la mortalité à la naissance, ou peu de temps après, et à la mortalité maternelle. Je suis certes encouragé d'entendre dire que ces taux se sont améliorés.
    Je peux deviner certains des facteurs qui contribuent à réduire le nombre de décès. Pouvez-vous mentionner une mesure en particulier ou une série de mesures qui se sont révélées particulièrement efficaces pour diminuer le nombre de décès?
    Oui, je vous remercie.
    En particulier, ce qui a permis, au cours de la dernière décennie, de réduire la mortalité infantile est l'immunisation. La vaccination a augmenté et nous avons pu fournir des vaccins à des pays qui n'auraient jamais pu espérer en obtenir par l'entremise de l'Alliance GAVI et d'autres mécanismes. Cela a donc été un facteur extrêmement important.
    Le recours, dans certaines régions, à des sages-femmes qualifiées a également eu un effet considérable. La réduction de la mortalité maternelle, dans une large mesure, est liée à des changements dans les pratiques, notamment les accouchements pratiqués dans des établissements de soins de santé plutôt qu'à la maison. Cela a contribué à diminuer les taux de morbidité et de mortalité maternelle.
    Toutefois, comme je l'ai souligné, ces progrès ne s'observent pas dans tous les pays où les taux sont les plus élevés. Dans l'ensemble, il y a très peu de pays où on a enregistré des améliorations. Il s'agit de pays comme le Brésil, la Chine et, peut-être dans une certaine mesure, l'Inde. Il y a aussi des exemples remarquables comme le Bangladesh, qui a réalisé d'énormes progrès grâce aux efforts du gouvernement et à la prestation de soins aux femmes qui vivent dans des régions éloignées en ayant recours à des travailleurs communautaires en santé, à des initiatives et à des innovations. On a réussi à offrir des soins à des populations difficiles à rejoindre.
    Je veux profiter de l'occasion pour faire valoir l'importance de rejoindre les mères et les nourrissons durant la période critique qui suit la naissance. Toute cette question de l'enregistrement des naissances sur laquelle on insiste nous offre une très belle occasion. Nous ne le faisons pas nécessairement seulement parce que c'est logique; cela peut avoir véritablement une incidence sur la mortalité. D'après nos données, une visite postnatale à une mère et à son bébé peut avoir des répercussions sur le taux de survie, car elle permet de déceler des problèmes. Je crois que nous avons une excellente occasion d'encourager cela.
    Dans de nombreux pays, il serait important d'utiliser la documentation, comme le registre de vaccination, pour l'inscription à l'école. Il y a sûrement moyen de démontrer que l'enregistrement à la naissance, conjugué à des stratégies pour atteindre ces familles qui vivent dans des bidonvilles et dans des régions rurales, apporte des avantages tangibles pour les familles, notamment l'inscription à l'école et d'autres avantages qui peuvent donner lieu à des paiements en espèce, etc.
(1205)
    Je vous remercie, monsieur Garneau.
    Nous allons commencer notre deuxième tour. Chaque intervenant disposera de cinq minutes.
    La parole est d'abord à M. Hawn pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici et je vous félicite pour le travail que vous faites partout dans le monde.
    Docteur Bhutta, je vais m'adresser à vous en premier. Vous avez parlé de ce qu'on appellerait bien sûr des pratiques barbares: la mutilation des organes génitaux féminins, le mariage précoce et forcé, etc. Je crois que vous avez dit que les mutilations sont effectuées par des professionnels de la santé dans la plupart des cas, ou dans bien des cas. Vous avez mis l'accent sur 29 pays d'Afrique et du Moyen-Orient.
    Dans quelle mesure cette pratique est-elle attribuable à la culture et à la religion? Pouvons-nous espérer changer cela, surtout si c'est lié à la religion? Y a-t-il de l'espoir? Est-ce que la religion fait partie des déterminants de la santé?
    Monsieur Hawn, je vous remercie beaucoup pour cette question. Je suis ravi que vous me la posiez parce qu'on me l'a déjà posée.
    Je vous répondrai absolument pas. C'est comme les fausses informations véhiculées par certaines religions au sujet des vaccins. Par exemple, certains font valoir que la vaccination contre la polio va à l'encontre de certains principes religieux. Nous avons prouvé que nous pouvons efficacement nous attaquer à ce genre de faussetés.
    Au Nigéria, il y avait une grande résistance à l'égard de la vaccination contre la polio parce qu'on considérait que c'était contraire à l'islam ou qu'on croyait que le vaccin pouvait rendre stérile ou infertile. Au cours de la dernière année, nous avons prouvé que, grâce à l'éducation, à l'engagement communautaire et à la mobilisation de bénévoles au sein des collectivités, nous pouvons efficacement renverser la vapeur. Mon équipe a réussi à le faire également dans les régions tribales du Pakistan.
    Pour ce qui est de la mutilation des organes génitaux féminins, on constate une tendance au progrès très encourageante. Lorsque j'ai mentionné que les professionnels de la santé pratiquaient environ 20 % des mutilations, d'après les statistiques disponibles, j'ai aussi souligné qu'il était facile de s'attaquer à ce problème. Collectivement, nous pouvons nous y attaquer beaucoup plus efficacement que s'il s'agissait de charlatans.
    Il faut clairement amener les collectivités et les chefs religieux à faire comprendre que cette pratique barbare, qui est en fait plus ancienne que le christianisme, l'islam et toute autre religion pratiquée dans la région, n'est absolument pas liée à la religion. Certains érudits islamistes ont d'ailleurs publié des édits religieux dans lesquels ils se prononcent très clairement contre cette pratique.
    C'est encourageant.
    Monsieur Morley, je crois que vous avez parlé de vos rapports et de la difficulté, dans certaines régions, d'obtenir des données exactes. Il y a des quantités de données qui ne veulent rien dire. Il semble toutefois qu'il y a des progrès. Dans quelle mesure cela est-il important pour donner aux donateurs l'assurance qu'ils envoient leur argent là où c'est important?
    C'est essentiel. Premièrement, il est important que l'UNICEF puisse montrer ce qu'elle fait avec l'argent des donateurs, qu'il s'agisse du gouvernement du Canada ou d'une personne qui nous a remis 100 $ à Noël. Nous consacrons beaucoup d'efforts à cela.
    Cela signifie que nous pouvons faire un meilleur travail quand il s'agit de déterminer nos initiatives futures lorsque nous disposons de la bonne information, car c'est ce qui nous aide à orienter nos programmes ou ceux d'autres organismes parce que l'UNICEF recueille beaucoup de données qu'elle communique et que d'autres utilisent.
    La notion de reddition de comptes et de transparence sur laquelle insiste le gouvernement du Canada depuis plusieurs années est extrêmement importante, non seulement sur le terrain, mais dans le cadre de tous nos efforts, car les belles paroles ne suffisent pas.
    Oui, je comprends.
    Monsieur Chauvin, vous avez parlé — et le Dr Butta l'a fait également — de l'immunisation et de la nécessité de contrer les fausses informations. Je présume que Jenny McCarthy ne participe pas à votre programme.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Laurie Hawn: Vous avez parlé de l'importance du développement organisationnel. De toute évidence, cela prend du temps. Pouvez-vous nous donner un exemple, en vous appuyant sur votre expérience, d'un organisme qui aurait réalisé de grands progrès et qui pourrait servir de modèle?
(1210)
    Oui, je vous remercie. Je vais revenir à l'époque où je travaillais à l'Association canadienne de santé publique. Il y avait un programme financé par l'ACDI ainsi que par l'Organisation panaméricaine de la santé et l'Organisation mondiale de la Santé. Il s'agissait d'un programme qui visait à renforcer les associations de santé publique. Ce programme nous a permis de favoriser la création et le développement de la capacité organisationnelle d'associations de santé publique non gouvernementales.
    Pendant les 25 années où nous avons reçu du financement pour ce programme, nous avons contribué à la création de 32 associations de santé publique dans le monde. Certaines d'entre elles jouent maintenant un rôle de chef de file. Par exemple, l'Association de santé publique éthiopienne, qui a vu le jour à la fin des années 1980, a fait un travail incroyable pour sensibiliser le gouvernement du pays à différents problèmes de santé, et elle a même réussi à le convaincre, au début des années 1990, de créer une direction vouée à la santé des femmes au sein du ministère de la Santé. C'est la première fois que cela se produisait.
    Nous devons applaudir de telles réalisations. Il faut cependant du temps. En Éthiopie, l'association de santé publique est maintenant un chef de file dans le pays et elle a cherché à établir un partenariat avec l'UNICEF et d'autres organismes. C'est le genre d'initiative que nous voulons voir. Nous voulons développer cette capacité locale. Ce n'est pas l'Association canadienne de santé publique ni la Société canadienne de santé internationale qui fait le travail là-bas; c'est l'association de ce pays, mais nous lui offrons le soutien nécessaire pour mettre en oeuvre ce type d'initiative.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Laverdière pour cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
     Je vais commencer par formuler quelques commentaires. Je suis peut-être plus optimiste que Mme Brown. Je ne pense pas que les donateurs se sont lassés de donner, car l'OCDE a observé une augmentation considérable de l'aide au développement officielle de la part de divers pays — pas le Canada bien entendu — l'année dernière. Cette année, il y a encore une augmentation, alors je ne pense pas qu'on puisse dire que les donateurs se sont lassés de donner.
    J'ai été frappé de vous entendre dire, monsieur Chauvin, que nous devrions nous examiner nous-mêmes également. Est-ce que les données seraient utilisées au Canada ou par des institutions de santé publique ou même dans le cadre du recensement? C'est mon point de vue. Je crois que cela cadre très bien avec les objectifs de développement durable qui sont en train d'être élaborés et qui seront universels, ce qui signifie que nous devrons nous regarder nous-mêmes également.
    J'ai été frappé par la réponse que vous avez donnée, docteur Bhutta, au sujet de la mutilation des organes génitaux féminins. J'ai habité au Sénégal pendant quelques années et j'ai constaté que ce pays avait réussi à éliminer la mutilation des organes génitaux féminins, qui est en effet une pratique qui n'était pas liée à une croyance religieuse. Comme vous l'avez dit, on y est parvenu en travaillant avec des dirigeants de la communauté et des chefs religieux et aussi en offrant un autre emploi aux femmes qui faisaient cela. On leur a donné une formation d'infirmière ou de sage-femme notamment, et on les a sensibilisé. Cela a fonctionné.
    J'en viens enfin à ma question. Je pense que l'éducation est la solution. Croyez-vous que l'éducation sexuelle est également importante et qu'elle peut contribuer à empêcher les mariages précoces et forcés?
    Peut-être que le Dr Bhutta peut répondre en premier, et les autres pourront ensuite intervenir s'ils ont quelque chose à ajouter. Il est question de faire l'éducation sexuelle des femmes pour leur donner plus de pouvoir, bien entendu.
    Je vous remercie, madame, pour vos commentaires.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des innovations et des stratégies. Je dirais que l'ordre dans lequel elles doivent être incluses dans les programmes des pays doit être fondé sur le contexte culturel et sur une approche pragmatique. Je crois qu'il faut d'abord veiller à ce que les filles aient accès à l'éducation, qu'elles n'abandonnent pas l'école et qu'elles aient des possibilités de carrière et de perfectionnement qui soient concrètes pour les familles.
    Un des plus grands problèmes qui concerne l'éducation des filles, ce sont les infrastructures scolaires. En Asie du Sud et en Afrique de l'Est, où je travaille, s'il n'y a pas de toilettes et d'eau courante dans les écoles, il est impossible de s'attendre à ce que les filles restent à l'école lorsqu'elles atteignent la puberté. L'une des principales raisons pour lesquelles les filles abandonnent l'école dans bien des milieux, c'est parce que les écoles ne sont pas adaptées à elles, ce qui les empêche de recevoir une éducation. Je crois qu'il est extrêmement important pour ces pays de veiller à l'éducation des filles et de se doter d'un système d'éducation officiel. Lorsque cela existe, et lorsque la collectivité et les familles ont l'assurance que l'éducation que reçoivent les enfants est utile, concrète et qu'elle a une certaine valeur sociale, je crois qu'il convient alors tout à fait d'ajouter au programme des cours d'éducation sexuelle et des cours sur la santé génésique. C'est lorsque nous mettons la charrue devant les boeufs que nous sommes confrontés à des difficultés. Si nous mettons en place des programmes d'éducation sur le VIH et d'autres sujets tabous avant que l'éducation soit généralisée et que les familles aient confiance dans le système, nous créons des obstacles supplémentaires à la fréquentation scolaire.
    Je crois qu'il y a un processus à suivre. Cela dit, j'appuie tout à fait l'idée d'intégrer des cours d'éducation sexuelle et des cours sur la santé génésique et la santé en général dans ces écoles selon ce qui est acceptable culturellement.
(1215)
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons terminer ce deuxième tour avec M. Trottier. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui, et je les remercie pour leurs exposés.
    Docteur Bhutta, vous avez dit lors de votre exposé que la dernière décennie a été une décennie phénoménale dans l'histoire de l'humanité. J'imagine que cela est largement attribuable au fait que différents pays ont travaillé ensemble à l'atteinte d'une série d'objectifs communs. Je crois que les objectifs du millénaire pour le développement nous ont permis de porter notre attention sur les pays qui fournissent une aide au développement et sur les pays qui sont les destinataires de cette aide.
    Vous avez mentionné certaines choses. Vous avez parlé notamment de la nécessité de travailler davantage auprès des garçons adolescents. Une partie du problème concerne les déterminants sociaux et les grossesses chez les adolescentes. Y a-t-il actuellement des objectifs de développement, ou parle-t-on d'établir des objectifs de développement, qui sont liés aux difficultés que vivent les garçons adolescents? Quels sont certains des éléments sur lesquels devrait porter notre réflexion sur les difficultés auxquelles sont confrontés les garçons adolescents dans les pays en développement?
    Je vous remercie, monsieur, pour votre question.
    C'est un sujet d'actualité. Ce processus mondial qui se veut démocratique et participatif, ce processus d'élaboration des objectifs de développement durable et des indicateurs connexes, est le processus qui suscite la plus grande participation que j'ai jamais observée. C'est tout à fait l'opposé de ce qui s'est passé lorsque nous avons établi les objectifs du millénaire pour le développement dans les années 2000. Une multitude de personnes poussent pour l'adoption de leur objectif et de leurs indicateurs de prédilection. Nous en sommes maintenant à la dernière étape, et je crois que nous avons atteint un consensus.
    J'ai sous les yeux un document, que toute la planète peut consulter, qui dit qu'il faudrait établir des cibles visant les adolescents ainsi que des cibles pour l'ensemble des pays du monde, dont l'atteinte passe par la réalisation d'objectifs précis dans chaque pays. On parle de régimes de soins de santé universels, d'accès à des services de santé génésique et à d'autres services ainsi que d'éducation de qualité.
    Sur le plan de l'éducation, on a fixé un pourcentage à atteindre chez les jeunes et les adultes pour ce qui est de la maîtrise de certaines connaissances en littératie et numératie. Je crois que dans l'ensemble nous voulons miser sur des aspects mesurables que les gouvernements pourraient commencer à valoriser.
    Comme vous l'avez mentionné, les objectifs du millénaire ont été un succès parce que les pays pouvaient se comparer entre eux en utilisant des mesures communes. Dans le cas des objectifs de développement durable, j'espère qu'on établira des objectifs concrets pour les adolescents, autant pour les garçons que pour les filles. Nous n'allons pas mettre de côté les garçons seulement parce que nous nous sommes concentrés sur la santé génésique des filles en particulier.
    Peut-être que d'autres témoins ont quelque chose à ajouter.
    Allez-y.
    J'ai pris connaissance des 17 objectifs et des 169 indicateurs, et je crains que...
    Je crois que vous avez soulevé un point important, c'est-à-dire que, lorsqu'on parle d'inégalité entre les sexes, on parle des filles. C'est très important, et bien entendu nous devons faire tout cela. Toutefois, il est clair qu'il faut se demander comment travailler avec les garçons qui ne seront pas menacés par l'émancipation des filles à mesure que les choses évolueront. Il faut démontrer que tout le monde y gagne lorsqu'il y a une plus grande égalité.
    Je les ai simplement passés en revue — je n'ai pas essayé de décortiquer tout cela — mais j'ai constaté qu'il n'y en avait pas assez qui concernait les garçons. Quand on parle des sexes, je crois qu'on parle seulement des filles et non pas de cette relation. Je crois qu'il est important que nous parlions des deux. Autrement, il n'y aura que des réactions négatives.
(1220)
    Monsieur Chauvin, vous aviez quelque chose à ajouter?
    Oui, je voulais ajouter quelque chose.
    Il y a plusieurs années, j'ai eu l'occasion de travailler au Pakistan avec un organisme qui s'appelle SMI, qui travaillait sur la santé génésique. Un des jeunes médecins pakistanais avec lequel j'ai travaillé m'a donné une belle carte avec une magnifique photo d'un jeune homme qui tenait un enfant. En dessous de cette photo il était écrit « Quand un enfant naît, un père naît aussi. » Je l'ai encadrée et je l'ai accrochée au mur dans mon bureau.
    Je crois que nous devons nous pencher là-dessus davantage. Comment mobiliser les jeunes hommes à propos de cette question? On ne peut pas les laisser de côté. Il faut les deux sexes pour créer un enfant. Il faut inclure les jeunes hommes.
    Je ne sais pas de quelle manière il faut s'y prendre, mais je crois que nous devons nous concentrer là-dessus.
    Il existe une manière de s'y prendre. D'après ce qu'on a entendu, il y a notamment les espaces sûrs. À l'UNICEF, nous parlons d'espaces sûrs pour les enfants. J'ai vu des espaces sûrs pour les adolescents. Il faut d'abord trouver un endroit pour amorcer la discussion, car ensuite on peut avoir des agents de changement, et les gens vont... La responsabilisation est plus moins facile. Je comprends qu'il faut une vision à long terme. C'est la base du changement.
    M. Bernard Trottier: Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur Trottier.
    Nous allons passer au troisième tour, à commencer par M. Schellenberger, qui sera suivi de Mme Laverdière, puis de M. Goldring.
    Monsieur Schellenberger, la parole est à vous.
    Pour commencer, monsieur Morley, vous avez dit qu'il ne fallait pas qu'Haïti soit oublié du reste du monde. Je sais que nous avons beaucoup parlé de l'Afrique aujourd'hui. Que se passe-t-il actuellement en Haïti du côté des initiatives de développement international? Que reste-t-il à faire?
    Il y a encore beaucoup à faire, mais je ne vais pas commencer par la fin de la question.
    Je suis allé en Haïti récemment à l'occasion du cinquième anniversaire du séisme. J'ai travaillé sur place avant et après les événements. Une des choses les plus encourageantes, c'est qu'il y a aujourd'hui plus d'enfants qui fréquentent l'école qu'il n'y en avait avant le tremblement de terre. C'est très important, car cette éducation jette les fondements de la société. Mais il reste encore bien des choses à faire. À nos yeux, un des gros problèmes relatifs à la protection des enfants est le restavek, des enfants qui sont souvent cachés et loin des yeux parce qu'ils travaillent comme domestiques. C'est également un concept que nous devons comprendre à l'aide de discussions, car certaines familles en milieu rural envoient leurs enfants à Port-au-Prince par espoir qu'ils aient une meilleure vie là-bas. Mais elles ne peuvent pas garantir que les choses se passeront bien pour l'enfant restavek, n'est-ce pas? Les familles sont déconnectées de cette réalité. Le concept fait également partie de l'histoire culturelle d'Haïti, et je doute que nous puissions affirmer qu'il est complètement mal. Nous devons comprendre la situation et en discuter. Je suis personnellement d'avis que cette pratique fait plus de tort que de bien, mais nous devons encore travailler à ce chapitre en Haïti. Je crois que c'est très important.
    Juste après le tremblement de terre, je me souviens que le premier ministre avait dit, lors d'une conférence à Montréal, que nous allions devoir penser à Haïti pendant 10 ans, et je sais que c'est très long. J'ignore quelles sont les données, mais j'espère que nous y penserons pendant au moins 10 ans encore, parce qu'Haïti est notre voisin. Notre identité nous permet d'aider le pays mieux que les États-Unis.
    Il y a de l'espoir.
(1225)
    Je sais que vous avez parlé d'enregistrement. Est-ce que la plupart des naissances sont enregistrées en Haïti? Je sais qu'il y a un véritable problème relatif à l'enregistrement foncier...
    Oui.
    ... et je sais que les registres ne sont pas très bons. Quoi qu'il en soit, la pratique est-elle répandue?
    J'ai bien peur de ne pas être au courant. Veuillez m'excuser, mais je ne peux pas répondre à la question.
    D'accord.
    Je sais que le principe de primauté du droit est très important. En l'absence de système solide, il doit être très difficile de mettre en oeuvre pratiquement toutes les excellentes mesures que vous avez proposées aujourd'hui. Sans primauté du droit, la pauvreté, l'anarchie et les inquiétudes à l'égard de ceux qui sont les plus vulnérables à la mort et à la mortalité infantile doivent être des problèmes criants.
    Comment peut-on mobiliser la population dans ces secteurs? Êtes-vous en mesure d'y travailler? Je m'adresse à la représentante de la Société canadienne de santé internationale.
    Bien.
    C'est un des problèmes. Il est difficile de travailler dans les secteurs où le principe de primauté du droit est peu respecté. Il faut mobiliser le gouvernement, la communauté et tous les secteurs. Nous devons trouver des défenseurs et faire ce que nous pouvons. Les problèmes de primauté du droit ne devraient toutefois pas justifier d'abandonner un pays. Il y a toujours des possibilités et une façon de faire avancer les choses.
    Il y a eu une remarque tout à l'heure à propos de l'échec d'un projet au Soudan du Sud. Je pense qu'une des difficultés que vivent ceux d'entre nous qui réalisent les projets, c'est de composer avec les attentes des donateurs et des bailleurs de fonds. Nous devons être réalistes quant à ce qui peut être accompli dans un environnement donné. Je pense qu'il est important de trouver une petite brèche dans l'armure afin de changer les choses et d'aller de l'avant.
    Gary, c'est tout le temps que vous aviez. Cinq minutes passent très vite, n'est-ce pas?
    Madame Laverdière, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que M. Morley a parlé de reddition de comptes. Ce sujet fait partie de mes inquiétudes. Je pense que nous mélangeons de plus en plus souvent reddition de comptes et comptabilité, qui sont des concepts différents. Que faites-vous lorsque vous devez rendre des comptes sur des pratiques telles que des lieux sûrs? Que pourrions-nous faire pour améliorer le système? Bien sûr, tout le monde peut...
    C'est difficile, car je crois qu'il faut notamment envisager les choses à plus long terme. Je pense que les intellectuels ici présents pourraient mieux vous répondre que moi. Nous devons comprendre quels sont les indicateurs en cours de route qui démontrent qu'il ne s'agit pas que d'un lieu sûr, d'un groupe de personnes qui traînent et ne font que se parler entre elles, mais plutôt que les choses commencent à changer. Comment peut-on commencer à mesurer ce changement subtil? Un sociologue pourrait le savoir. Mais il faut plus de temps pour arriver à saisir cela, et il faut de bons indicateurs.
    La question est fort intéressante. En fait, je trouve qu'elle correspond bien à la remarque de M. Schellenberger, car un des problèmes qui se pose lorsque nous parlons de primauté du droit, c'est de savoir si les gens peuvent dénoncer la situation, dire que quelque chose ne va pas et qu'il faut changer la donne. Peuvent-ils le faire en toute sécurité? Je reviens encore à l'époque où je travaillais au Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI. Une de mes collègues nous avait mis au défi. Elle nous disait que nous pouvions bien demander aux gens de défendre leurs droits, mais voulait savoir si nous étions prêts à nous tenir à leurs côtés et à les accompagner en prison lorsqu'ils seraient arrêtés pour avoir parlé. Je pense donc qu'il faut envisager toute la question de la défense des droits. Je crois qu'il y a des indicateurs dans le processus à propos des choses que nous pouvons dire, et qu'atteindre certains indicateurs signifie que nous avons réalisé des progrès. Nous ne pourrons peut-être pas régler l'ensemble du problème, mais si nous faisons quelques progrès, c'est excellent; nous l'acceptons, c'est ce pour quoi nous avons payé, et c'est fantastique. Mais comment pouvons-nous ensuite protéger les défenseurs de droits?
    Merci beaucoup. En fait, j'avais une question à propos de la défense de droits, mais je vais peut-être la garder pour plus tard...
(1230)

[Français]

     Madame Slawecki, vous avez aussi travaillé dans le domaine de la santé reproductive et du droit reproductif. Croyez-vous que la santé reproductive de la femme, la planification familiale, la contraception et ainsi de suite sont importantes pour assurer la santé de la femme, de la mère et de l'enfant?

[Traduction]

    De toute évidence, l'éducation est essentielle à ce chapitre. Les droits liés à la procréation doivent être respectés. Une femme doit être assez informée pour connaître ses droits. Il ne suffit pas que les décideurs affirment que des droits s'appliquent. L'information doit se rendre jusqu'à la communauté. L'éducation ayant trait au respect des droits liés à la procréation doit être partout. La famille doit se sentir suffisamment en sécurité pour demander le respect des droits relatifs à la santé génésique. Il est essentiel que les gens sachent d'abord et avant tout quels sont ces droits. Ce doit être fait au moyen de l'éducation dans la communauté, de façon officieuse et officielle.
    Officieusement et officiellement.
    C'est exact.
    Je crois que c'est essentiel.

[Français]

    Monsieur Morley, je n'ai pas eu l'occasion de vous demander votre opinion sur la nécessité de contribuer à l'instauration de systèmes de santé publique. Avez-vous des commentaires là-dessus?

[Traduction]

    Vous avez mentionné l'Éthiopie, et je pense notamment à son système de santé, auquel l'UNICEF et le gouvernement canadien ont beaucoup travaillé. Nous avons formé et équipé des travailleurs communautaires en santé qui sont partout au pays. Deux exemples nous permettent de croire que le système fonctionne. Une famine a frappé la Corne de l'Afrique il y a trois ans. Elle sévissait en Somalie, mais pas en Éthiopie. Pourquoi? Parce que l'Éthiopie avait ces structures communautaires... Les pays ont le même climat et sont limitrophes, mais le système de santé de l'Éthiopie a fonctionné. Lorsque Bill Gates était ici il y a deux mois, j'ai participé à une petite réunion en compagnie du ministre et de représentants d'autres organisations non gouvernementales, ou ONG. Il a parlé de l'Éthiopie — il ignorait que vous alliez aborder la question. Bill Gates a dit que si le virus Ebola avait frappé l'Éthiopie, il n'y aurait pas eu plus d'un cas en raison du système de santé solide des collectivités.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Goldring, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Le sujet est fort intéressant.
    Vous avez parlé d'Haïti. J'ai visité le pays, et j'ai discuté avec le président et son Cabinet. Une des difficultés qui nous est apparue très évidente, c'est que ces gens avaient une attitude très condescendante quant au rôle de leurs députés. Étonnamment, ils en avaient une opinion très négative et se plaignaient de leurs comportements gênants et querelleurs. Nous pouvions voir qu'ils les traitaient avec mépris. J'étais là pour la tenue des élections, et ce qui m'a frappé au moment d'élire les députés, c'est le décalage total entre les collectivités et les députés — ceux-ci sont complètement déconnectés. Nous avons assisté à une activité communautaire sociale en compagnie d'un député nouvellement élu, qui s'est assis dans un coin sans parler à personne.
    Ce que j'ai retenu, c'est que pour s'attaquer à la question de la primauté du droit, il faut peut-être s'attarder à la gouvernance aussi, et convaincre le gouvernement de la nécessité de comprendre les possibilités à long terme. Ce qui serait très utile aux dirigeants, c'est que vous puissiez publier d'une façon ou d'une autre ce dont vous avez parlé, à titre de marche à suivre. Le document serait un peu comme votre Convention relative aux droits de l'enfant, mais il ratisserait beaucoup plus large de sorte que les gens puissent imiter ou adopter les pratiques exemplaires. Avez-vous envisagé de le faire afin d'orienter le gouvernement dans cette direction, et de diffuser des pratiques exemplaires pour que tout le monde puisse être au courant?
    J'ai beaucoup appris aujourd'hui. Je suis persuadé que bien des gens d'autres pays pourraient eux aussi en apprendre.
(1235)
    Je n'y ai jamais pensé, mais je sais qu'UNICEF travaille toujours auprès des gouvernements, car au bout du compte, les États membres des Nations unies siègent à notre conseil d'administration — c'est à ce niveau. Mais nous travaillons aussi constamment avec les ministères de la Santé.
    Je pense que c'est une bonne idée, mais j'ignore ce qui a déjà été fait à ce chapitre. Il y a évidemment de bonnes leçons à apprendre. Cela peut fonctionner dans certains pays, mais les politiciens et les hauts fonctionnaires doivent être prêts à y donner suite.
    Vous dites qu'il faut d'une part briser les mythes, comme dans le cas de la mutilation génitale. Vous énoncez des droits dans la convention. Ce genre de comportement barbare pourrait assurément être intégré à ces droits d'une façon ou d'une autre, n'est-ce pas? Mais la responsabilité incombe au bout du compte aux dirigeants du pays. Qui gouverne sur le plan politique? Nous savons que ce sont les différents partis politiques. Comment conçoivent-ils les principes et les politiques qu'ils soumettent à la discussion au sein des divers gouvernements?
    Je voudrais juste ajouter quelques mots à ce sujet. Je travaille auprès d'associations de santé publique sur les plans du renforcement des capacités et de la gouvernance. Nous nous intéressons non seulement à leur gestion, mais aussi à toute la question dont vous parlez concernant la façon de s'adresser aux structures gouvernementales et de discuter. Une des choses qui donnent de bons résultats, c'est que certaines associations de santé publique organisent des assemblées législatives pendant leur congrès annuel au pays. Elles font souvent appel aux parlementaires sur des questions comme l'immunisation, le VIH, et ainsi de suite. Il est formidable de les voir collaborer avec les parlementaires sur des questions de santé. Certains parlementaires qui représentent une région leur ont demandé des données sur la région en question, car ils souhaitent revenir en arrière et comprendre ce qui se passe. C'est toutefois un problème en raison de ce dont nous venons de parler, comme les registres civils et le reste. Il n'y a pas nécessairement de données. Mais certaines des associations de santé publique ont consigné des données, de sorte que les parlementaires actifs peuvent les consulter, se porter à la défense de la santé, et apporter leur aide au sein du Parlement aussi.
    J'aime employer l'expression « pratiques exemplaires », car celles-ci devraient être consignées, mises en commun et diffusées. Mais il faut encore une fois un effort à long terme pour qu'un pays puisse rédiger ses pratiques exemplaires et les diffuser correctement. Il faut commencer par mobiliser le milieu de l'éducation afin que les gens sachent en quoi consiste une pratique exemplaire. Ensuite, comment peut-on transposer et transférer ces connaissances à ceux qui en feront bon usage?
    Merci.
    Tout le monde a eu la chance d'intervenir. Je vais maintenant poser une question. Y a-t-il autre chose, puisque nos invités sont encore ici?
    Avez-vous une question?
    La parole devait ensuite être à vous, mais je sais qu'il n'y a pas d'autres questions de ce côté-ci.
    Monsieur Rousseau, pourquoi ne posez-vous pas votre question, après quoi ce sera au tour de Mme Laverdière.
    Je vais poser ma petite question.

[Français]

     Docteur Bhutta, vous avez souligné qu'on n'accordait pas assez d'attention aux jeunes et aux adolescents dans les objectifs ou le programme d'après 2015.
    Est-il encore possible d'introduire cela sans risquer de nuire au fragile équilibre et au consensus qui ont été atteints?

[Traduction]

    Je crois que dans les objectifs de développement durable après 2015, il est question des jeunes et adolescents.
    Ce que je signalais, c’est que ces objectifs sont disproportionnés par rapport à ce qui est offert aux filles et ce qui est offert aux garçons; pour les garçons, la cible semble être l’éducation, alors que pour les filles, il y a plusieurs cibles.
    D’abord, je crois qu’il est un peu tard pour… le processus était très complexe. Sans vouloir froisser ceux qui y ont participé, je le répète, ce processus était très complexe. Le fait que nous ayons plus de 160 indicateurs, il faut d’ailleurs réduire ce nombre à 100, s’explique en partie parce que tous les intervenants veulent que leurs indicateurs préférés soient inclus.
    Quoi qu’il en soit, il faudra voir quels seront les efforts déployés pour atteindre ces objectifs de développement durable. Une fois que nous aurons trouvé un consensus cette année, le défi sera de travailler avec d’autres pays pour s’assurer qu’ils sont aussi engagés envers ce processus qu’ils ne l’étaient envers les objectifs du millénaire, notamment les objectifs IV et V.
    Une m’inquiète beaucoup, et j’en ai déjà parlé indirectement aujourd’hui. Il ne faut pas perdre de vue nos objectifs et crier victoire trop rapidement dans le dossier de la mortalité maternelle et infantile. N’oublions pas que 6 millions d’enfants meurent chaque année et près de 280 000 femmes meurent à l’accouchement. Il s’agit d’un énorme problème à l’échelle mondiale. Dans notre recherche de nouveaux indicateurs et de nouvelles cibles, il ne faudrait pas perdre de vue la principale fonction du processus.
    Voici, à mon avis, ce qui se passera et ce qui devrait se passer — et c’est ici que le leadership du Canada est important en raison de Muskoka II et de l’importance que notre société accorde à cette question — au cours de la prochaine année, nous ferons en sorte de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain; nous devrons choisir nos quatre indicateurs de santé; nous devrons permettre l’intégration d’autres indicateurs de déterminants sociaux, y compris l’éducation, l’autonomisation, notamment celle des femmes, et plus particulièrement en ce qui concerne un environnement sûr, élément tellement important; et nous devrons les rapprocher des indicateurs de santé, ce qui cadre avec le troisième objectif du millénaire pour le développement.
    À mon avis, c’est ce qui se passera, mais il faudra exercer une pression concertée jusqu’en septembre et encore plus de pression par la suite pour obtenir l’engagement des pays.
(1240)

[Français]

    Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Morley, à M. Chauvin ou aux autres témoins.
    Il y a une vague d'immigration qui déferle actuellement sur l'Europe. Cela semble toujours être attribuable à des conflits. Si l'on considère la situation dans son ensemble, ce sont souvent les zones de conflit qui conduisent à la malnutrition et à tous les problèmes soulevés. Il y a de plus en plus d'immigrants partout dans le monde. Il y a aussi les changements climatiques. On prévoit un exode des populations à certains endroits du monde.
    Qu'est-ce qu'un pays comme le Canada, qui est un leader dans le monde, peut faire pour cibler les prochains endroits problématiques? Malgré tout ce qui se fait de bien actuellement et le fait qu'il y a des endroits où la situation s'améliore, il y a d'autres endroits — notamment à Haïti —, où on n'a pas encore résolu tous les problèmes. Il y a des endroits où des problèmes sont à prévoir à cause des zones de conflit et des changements climatiques. Comme pays, que peut-on faire pour être un leader dans le monde à cet égard?

[Traduction]

    C’est une question brève.
    En effet.
    Je suis très chanceux, car j’ai l’occasion de voyager de par le monde et de m’entretenir avec toutes sortes de gens, des enfants dans les rues aux chefs d’État.
    Nous faisons quelque chose de spécial au Canada que d’autres admirent. Et je ne parle pas ici de l’aspect monétaire. Malgré toutes nos imperfections, ce que nous tentons constamment de créer au Canada attire l’attention de nombreux pays. Ils se questionnent.
    J’ai déjà travaillé à Brazzaville, au Congo. Une guerre faisait rage, mais les autorités ont demandé à quelques députés de se rendre sur place pour expliquer comment nous gouvernons notre pays. Ils voulaient apprendre de nous.
    Nous offrons un élément de diversité. J’ignore comment exporter cela, mais je crois que cette diversité se reflète dans notre comportement. Nous pouvons en faire davantage. Vous en savez plus que moi à cet égard, puisque vous êtes plus près que nous des leviers du pouvoir. Mais, en tant que Canadiens, nous apportons quelque chose de particulier.
    Lorsque j’étais avec Médecins Sans Frontières, parfois, lorsqu’il y avait des désaccords au sein d’une équipe, on demandait la présence d’un Canadien. Peu importe qu’il soit anglophone, francophone ou allophone. Il n’était même pas nécessaire qu’il soit né ici. Habituellement, il suffisait qu’il ait été à l’école au Canada. Nous faisons quelque chose de bien. C’est le genre de leadership que nous offrons.
    J’aimerais que le Canada fasse preuve de plus de leadership au sein des Nations unies, mais je crois que c’est le genre de leadership que nous pouvons offrir partout dans le monde.
(1245)
    C’est une question très intéressante. Nous avons avec nous le Dr Jan Hatcher Roberts. Il a travaillé avec l’Organisation internationale pour les migrations et serait probablement beaucoup mieux placé que nous tous pour vous répondre.
    Auparavant, le Canada se faisait le champion des journées de la paix et des programmes de vaccination. J’ignore s’ils existent encore. Était-ce les journées de la paix?
    Oui, les journées de la paix. El Salvador a été une grande réussite à cet égard.
    Il s’agit, essentiellement, de convaincre les parties d’un conflit à cesser les affrontements le temps de permettre la vaccination des enfants. Ç’a été formidable. Il a fallu beaucoup de temps, mais ça a fonctionné. Il a été possible de se rendre sur place et d’installer un climat de paix. Bon, c’était temporaire, mais ça a fonctionné.
    Comme je l’ai déjà dit, l’ambassade canadienne dans les Balkans a servi de lieu de rencontre. Des représentants des Balkans qui se livraient une guerre s’y sont réunis pour discuter des façons d’empêcher que la polio ne franchisse la frontière entre le Kosovo et le Monténégro. Comment faire ceci? Comment empêcher cela?
    Des belligérants ont trouvé un endroit sûr à l’ambassade canadienne et ont discuté. C’était étonnant à voir. On est parti en se disant qu’on avait aidé à colmater d’énormes brèches. Je crois que c’est à ce chapitre que le Canada peut jouer un rôle de leadership.
    Je vais m’arrêter ici.
    Merci.
    Merci à tous les témoins d’avoir accepté notre invitation. Nous avons eu une très bonne discussion.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pour une trentaine de secondes. Nous avons des travaux du comité à examiner. Nous ne voulons pas vous pousser vers la sortie, mais les travaux doivent être enregistrés. Je veux simplement parler aux membres des témoins à venir et des prochaines activités. Je vais faire le point et nous lèverons ensuite la séance.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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