Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous commençons notre étude de la situation en Ukraine.
Je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins. De l'Institut canadien des études ukrainiennes, nous accueillons Taras Kuzio, agrégé de recherche de l'Université de l'Alberta.
Bienvenue, Taras. Je suis ravi de vous voir ici aujourd'hui.
De la chaire d'études ukrainiennes, nous recevons Dominique Arel, qui est titulaire et professeur agrégé à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa.
Bienvenue à vous aussi, monsieur.
Je tiens à signaler que nous avons des notes d'information que vous pourrez recevoir aussi sur votre tablette. Je continuerai de le rappeler, au fur et à mesure que nous nous convertissons au sans fil, quand c'est possible. Il y aura toujours des documents papier, pour ceux qui n'aiment pas la technologie.
Gary, on s'occupe de vous.
Je donne maintenant la parole aux témoins. Les deux ont des déclarations liminaires.
Taras, vous pouvez commencer. Vous avez au plus 10 minutes pour faire votre exposé. Vous avez la parole, monsieur.
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Je vais vous décrire un peu le contexte de la crise, en expliquer les causes puis explorer la question de la Crimée.
Il importe d'abord de savoir quel genre de personne était au pouvoir en Ukraine. C'est typique pour cette région, la région de l'ère postsoviétique: les leaders qui sont au pouvoir étaient surtout des nationalistes ou des démocrates nationalistes, ou des membres de la nomenclature, issus des plus hauts niveaux du Parti communiste soviétique. Nombre d'entre eux... En Ukraine, Leonid Koutchma en est un exemple typique de même que le premier président, Leonid Kravtchouk, des membres de la nomenclature, l'élite supérieur du Parti communiste soviétique.
Viktor Ianoukovitch est très différent car, à ma connaissance, c'est le seul leader de cette région qui est venu au pouvoir avec un passé criminel. Il a séjourné deux fois en prison, et dans les années 1990, Donetsk était au deuxième rang après la Crimée pour le nombre de meurtres et d'actes criminels. À la fin des années 1990, il en est devenu le gouverneur. Dans ces années-là, des liens étroits se sont tissés entre les forces de sécurité corrompues, le bureau du procureur, le crime organisé et le milieu des affaires. Je peux vous expliquer que c'est ce qui a forgé son esprit, son histoire, et c'est ce qui a mené aux tragédies auxquelles nous avons assisté.
On comprend que la culture d'une personne comme Viktor Ianoukovitch est inspirée par le machisme et le sexisme. Ces gouvernements ont été les premiers gouvernements sans aucune femme. Il a dit publiquement que la place des femmes est dans la cuisine, pas en politique. Cela pourrait expliquer son antipathie envers Ioulia Timochenko, mais certainement aussi que le compromis était un tabou dans sa culture machisme, et que les tables rondes... Ianoukovitch aurait pu faire des compromis, par exemple, au début de décembre, en changeant de premier ministre, mais il ne l'a pas fait. Il a fait traîner les choses.
Dans ce genre de culture, aussi, « tout pouvoir économique et politique va au vainqueur, tout me revient ». Il a agi comme s'il allait détenir le pouvoir pour toujours, comme s'il ne quitterait jamais le pouvoir. Autrement, comment expliquer qu'il ait emprisonné ses adversaires? Quand on sait qu'on ne sera pas toujours au pouvoir, on sait que ses adversaires vont sortir de prison. Quant à sa famille, qu'il a fait prospérer et dont il a fait la promotion, cette oeuvre est celle de son fils aîné, dentiste de profession, mais qui s'est mystérieusement enrichi au point d'être l'un des plus riches Ukrainiens qui soit. Ils demandaient un transfert de 50 % du volume d'affaires.
Enfin, cette culture a aussi été très propice à la culture de la violence et du banditisme. C'est le premier président qui a embauché des mercenaires. On en a vu en action pendant la crise. Ils sont responsables d'enlèvements, de meurtres et, bien entendu, de l'incarcération de leaders de l'opposition.
Sous Viktor Ianoukovitch, comme avec Vladimir Poutine, l'attitude est très soviétique, ce qui signifie qu'on ne comprend pas toujours tout ce qu'ils nous disent. Ils pensent d'une façon bien différente de la nôtre. En décembre, j'ai rencontré l'ambassadeur américain à Kiev. Il m'a dit que déjà à ce moment-là, Viktor Ianoukovitch était convaincu que tous les membres du Maïdan, au centre de Kiev, étaient des extrémistes et des fascistes à la solde des États-Unis, ce que répète aussi volontiers Poutine. Il est donc impossible de comprendre ce qui se passe vraiment et pourquoi tant de gens sont là, qui viennent de toutes sortes de milieux. Le monde qu'ils créent, dans leur esprit, est un monde différent de celui que nous voyons, et cela cause de graves problèmes pour les décideurs, et beaucoup de confusion, je dirais.
Pourquoi y a-t-il eu une crise? Trois événements importants ont déclenché les manifestations et l'horrible violence qu'on a vues et qui n'avaient pas eu une telle ampleur en Ukraine depuis les années 1960 ou 1950. D'abord, on a décidé d'étouffer le mouvement en faveur de la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne. C'était tout un choc, après sept années de négociations entre les deux côtés opposés politiquement. Ensuite, il y a eu le jeudi noir, la destruction de la démocratie ukrainienne en 21 minutes, par un vote à main levée, qui a donné lieu à la première flambée de violence. Enfin, le refus de tout compromis relatif à la constitution et aux élections d'avant-mandat a donné lieu à la deuxième vague de violence, plus brutale, qui a entraîné plus de meurtres et de décès.
Mais il y avait des problèmes plus profonds, qui ont alors explosé. À mon avis, les gens au pouvoir ont détruit les trois piliers de l'édification de l'État ukrainien au cours des deux dernières décennies: un mouvement vers la démocratie, une sorte d'identité nationale ukrainienne et l'avenir de l'Ukraine en Europe. Tout cela était menacé. En fait, il n'y avait plus rien à voler.
Le peuple s'est senti méprisé, comme une population conquise. La corruption avait atteint des niveaux comparables à ceux enregistrés dans les années 1990. On ne pouvait plus s'adresser au système judiciaire et à la police pour sa protection. Quelqu'un a dit qu'en fait, l'endroit le plus sûr en Ukraine pendant la crise, c'était le Maïdan, et nulle part ailleurs.
Et vient ensuite le facteur russe. Pourquoi le facteur russe est-il si important? Je pense qu'il y a trois questions qui l'expliquent.
Premièrement, Poutine se sent personnellement humilié. C'est deux à zéro pour le peuple ukrainien. Il y a 10 ans, pendant la révolution orange, Poutine a choisi le mauvais cheval, Viktor Ianoukovitch, et il l'a fait de nouveau. Je crois que Poutine laisse son coeur primer sur sa raison, et voilà pourquoi ce que nous voyons nous paraît irrationnel et confus. Il y a eu des projets de répression soutenus par les Russes. Il n'y aurait pas eu 100 morts, mais des milliers. C'était le plan qui était censé être mis en oeuvre avec le plein appui des Russes. Heureusement, cela ne s'est pas produit.
Deuxièmement, tout ce qui touche à la Crimée et à Sébastopol est très difficile à avaler pour les Russes. Ce problème perdure depuis deux décennies. Ce n'est rien de nouveau. La Russie appuie depuis longtemps le séparatisme en Crimée, à Sébastopol, depuis que l'URSS s'est désintégrée. En 2009, deux diplomates russes ont été expulsés d'Odessa et de la Crimée pour avoir offert une aide occulte à des séparatistes russes.
Le troisième facteur, peut-être le plus important même si on n'y a pas beaucoup porté attention, c'est qu'il s'agit d'une tentative d'attirer Kiev dans un conflit militaire pour produire un changement de régime contre-révolutionnaire à Kiev. Les nouvelles autorités ukrainiennes sont dans une situation désespérée: les coffres sont vides. Au cours des quatre dernières années, près de 70 milliards de dollars ont été volés et envoyés hors du pays. Un tsunami financier et économique guette le pays. Je pense que la dernière chose que ce gouvernement veut, c'est la guerre ou un conflit. Mais je crois que c'est ce qu'espère Vladimir Poutine. Il souhaite que le nouveau gouvernement soit aux prises avec une guerre qui l'empêche de tenir des élections présidentielles en mai et qui empêche la signature de l'accord d'association.
Je pense que ce sont les trois principaux facteurs. Je m'arrête ici.
Merci beaucoup de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes devant l'inimaginable. La Chambre haute du Parlement russe a autorisé à la Russie d'envoyer ses troupes « sur le territoire de l'Ukraine ». Ce faisant, il a laissé planer la possibilité que l'armée russe, qui occupe à l'heure actuelle la Crimée, puisse être déployée ailleurs sur le territoire ukrainien. Afin de légitimer ses opérations militaires, la Russie a invoqué des arguments politiques, ethniques et sécuritaires. Aucun de ces arguments ne tient la route.
L'argument politique prône que l'Ukraine est aux prises avec un système politique illégitime qui est arrivé au pouvoir il y a une semaine à la suite d'un coup d'État « fasciste ». Le fascisme a une connotation très particulière dans l'imaginaire russe. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, l'invasion de l'Allemagne a toujours été présentée aux Russes en tant qu'invasion commise par des fascistes plutôt que par des Allemands. Les fascistes sont les nazis et leurs collaborateurs. Dans l'Ukraine de l'Ouest, une insurrection ukrainienne violente commise à l'endroit de l'Union soviétique s'était alliée de manière tactique avec l'Allemagne au cours de la guerre. Le discours russe qualifie ces insurgés de fascistes ou de bandéristes, d'après le nom de leur chef Stepan Bandera. Cette expression est d'ailleurs devenue synonyme de fascisme.
Depuis que des groupes clés du Maïdan, notamment le parti parlementaire Svoboda et le mouvement populaire Pravy Sektor, ont revendiqué qu'ils descendent des insurgés de l'époque de la guerre, l'effondrement du régime de Ianoukovitch est dépeint en Russie comme une invasion fasciste à l'interne.
Ce discours omet trois points fondamentaux. D'abord, le régime de Ianoukovitch s'est effondré parce que toutes les forces policières se sont retirées le vendredi 21 février 2014. Cela a laissé les édifices gouvernementaux sans protection. Les forces se sont retirées non pas parce qu'elles craignaient les militants armés, mais parce qu'elles étaient démoralisées, soit à cause qu'elles avaient utilisé auparavant des munitions réelles contre des civils, soit à cause qu'elles n'étaient pas prêtes à défendre un régime largement perçu comme étant corrompu.
Ensuite, contrairement à ce qui s'était passé avec les insurgés à l'époque de la guerre, ce ne sont pas les insurgés mais plutôt l'État qui a attaqué les civils. Au bout du compte, les forces de sécurité de l'État ont lâché prise.
Enfin, les piliers politiques de l'ancien régime, le Parti des régions et le Parti communiste de l'Ukraine, ont tous les deux reconnu la légitimité du nouveau gouvernement. Les communistes, qui dépeignent les insurgés de la guerre en tant que fascistes, ont voté en bloc en faveur de tous les changements constitutionnels proposés au cours de la dernière semaine.
L'argument ethnique stipule que la vie des compatriotes russes — et je mets le mot « compatriotes » entre guillemets — est en péril. La résolution du Parlement russe renvoie aux citoyens, qui, à l'extérieur de Sébastopol, ne devraient en principe pas être trop nombreux puisque la double citoyenneté est illégale en Ukraine, et à cette vague catégorie de compatriotes, qui n'a pas de fondement en matière de droit international. Le terme « compatriotes » est un mot clé pour les Russes de souche et les russophones dans un contexte où la plupart des résidents de l'Ukraine de l'Est préfèrent s'exprimer en russe. L'État russe estime que cette masse indifférenciée de Russes est maintenant menacée par les soi-disant nationalistes qui ont pris le pouvoir à Kiev. J'aimerais ajouter que, depuis l'époque soviétique, le terme « nationalistes » est devenu synonyme de « fascistes ».
Ce discours tient pour acquis que ce moment marquant fera en sorte que les Ukrainiens de l'Est préféreront la protection des Russes au règne des nationalistes ukrainiens. Le jeu de pouvoir de la Russie pourrait avoir l'effet inverse et pourrait cristalliser davantage l'identité ukrainienne dans l'Est. Il n'existe pas de communautés organisées russes dans de l'Ukraine de l'Est, contrairement à la Crimée, car de nombreux Russes — sinon la plupart d'entre eux — ont une origine ukrainienne et un grand nombre d'Ukrainiens sont également d'origine russe.
Cette mixité ethnique permet sans doute d'expliquer l'ambivalence ressentie par les Ukrainiens de l'Est envers la Russie. Dans des conditions de quasi-état de guerre, l'ambivalence pourrait mener à une plus grande affirmation de l'identité ukrainienne.
Le fait que des manifestations de masse ont lieu à l'heure actuelle dans la partie est de l'Ukraine, une société qui était traditionnellement passive, peut être perçu comme un indicateur d'un attachement croissant à la nation définie en termes civiques. Même s'il y a des manifestants qui penchent pour les deux côtés, hier, il y avait plus de 10 000 personnes qui chantaient l'hymne national ukrainien à Dnipropetrovsk.
L'argument de la sécurité stipule que les événements qui ont « déstabilisé » l'Ukraine proviennent de l'ingérence occidentale dans un territoire qui, historiquement, appartenait à la sphère d'intérêt des Russes. Le discours historique russe perçoit en fait Kiev comme étant la mère de toutes les villes russes.
Le président russe Poutine semble croire fermement que le Maïdan a été provoqué par les pouvoirs occidentaux — ce qui, en passant, comprend le Canada. Cette affirmation a d'ailleurs été répétée par l'ancien président ukrainien Ianoukovitch lors de sa conférence de presse à Rostov. L'ingérence, en revanche, n'était qu'orale. Les puissances occidentales ont fait valoir que les manifestants sur la place Maïdan devraient avoir le droit de soulever leurs préoccupations de manière pacifique et ont à plusieurs reprises invité les autorités ukrainiennes à trouver une solution politique pour éviter le recours à la violence.
Jusqu'à ce que les manifestations ne se transforment en tueries de masse, l'Union européenne et les États-Unis avaient en fait été critiqués par l'Occident parce qu'elles n'avaient pas fourni suffisamment d'aide concrète au Maïdan. L'Union européenne avait ainsi, par exemple, résisté jusqu'au bout à l'imposition de sanctions personnelles, même après que la police ait commencé à tirer sur les manifestants.
L'argument de l'intervention occidentale va plus loin que le simple fait de fournir un soutien immédiat sur le terrain. On revendique ainsi, comme c'est souvent le cas chez les cercles libéraux occidentaux et gauchistes, que le motif secret de l'Ouest serait de garantir une présence militaire en Russie et d'ouvrir le marché ukrainien à une main-d'oeuvre bon marché qui permettrait de promouvoir les économies avancées des pays occidentaux.
Bien que ces points méritent d'être examinés en profondeur, le fait de seulement se centrer sur ces arguments nous fait perdre de vue la dimension profondément civique de la rébellion ukrainienne. Le Maïdan, qui était initialement une manifestation pour l'Europe, est devenue une manifestation contre la brutalité policière, la corruption à grande échelle et le manque de reddition de comptes politique. Puisque toutes ces caractéristiques sont également associées à l'État actuel russe, le fait de s'y opposer est devenu une réaffirmation symbolique des valeurs européennes, même si on ne parlait plus de l'accord de libre-échange. C'est facile de rejeter l'importance de ses valeurs, mais il ne faut pas perdre de vue le fait que les insurgés étaient prêts à risquer leur vie avec ces manifestations. C'est leur volonté qui a fini par mener à l'effondrement du régime de Ianoukovitch.
Au bout du compte, l'ingérence portait sur des idées soi-disant européennes. En soi, ces idées n'étaient pas tellement perçues comme une ingérence dans la sécurité de la Russie, mais plutôt une ingérence dans le système politique russe élaboré par le président Poutine. D'après cette logique erronée, si les puissances occidentales ne pouvaient tirer avantage du soulèvement civil ukrainien, c'était sans doute car elles l'avaient causé. Or, ce n'était pas le cas.
Merci.
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Très bien. Merci, madame.
Après la dissolution de l'Union soviétique, l'Ukraine s'est retrouvée avec un arsenal nucléaire qui était probablement le troisième ou le quatrième au monde. Évidemment, c'est devenu une situation extrêmement préoccupante. Après plusieurs années de négociations, elle a accepté de se dénucléariser, ce qui a mené au fameux Mémorandum de Budapest de 1994, qui a été signé par les puissances nucléaires, soit les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et l'Ukraine. L'article 2 parle tout à fait clairement de la reconnaissance de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, donc du respect des frontières.
Il y a le fait que la Crimée se soit retrouvée un peu par accident en Ukraine. On connaît l'histoire, c'est-à-dire le fameux don de M. Khrouchtchev en 1954 et ainsi de suite. Il reste que dans le cas de l'Union soviétique aussi bien que dans celui de la Yougoslavie, il s'agit maintenant de droit international. L'implosion s'est faite selon le tracé des frontières intérieures. La Crimée faisait partie de l'Ukraine soviétique, donc de l'Ukraine indépendante.
Les experts en droit international vont se demander jusqu'à quel point cet article a force de loi, mais les autorités ukrainiennes l'ont certainement interprété et compris comme ayant force de loi.
Ici, je sors un peu du cadre de mon expertise, mais il est tout à fait clair que si cette violation du droit international, donc des frontières, est acceptée de facto, cela va avoir des répercussions considérables sur la nucléarisation ou la prolifération nucléaire dans des États à qui on demande justement d'abandonner leur arsenal.
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Merci beaucoup d'être venu. Les temps sont difficiles pour l'Ukraine, et même pour le monde entier, car nous sommes aux prises avec l'importance à l'échelle internationale de comprendre l'intégrité territoriale et l'attente de ne pas se faire envahir par des troupes étrangères, tout en tentant d'atténuer les risques d'une guerre totale. Comment pouvons-nous y parvenir?
Lorsque j'ai assisté à l'Euromaïdan en décembre, il y a un enjeu qui m'a interpellé. Il peut sembler mineur, étant donné la gravité des circonstances en Crimée, mais il me semble quand même important. Il s'agit de l'inclusivité linguistique et de la façon... Oui, cette notion se trouvait dans la Constitution mais, si j'ai bien compris, on l'a retirée. Il s'agit peut-être d'une manière plus sévère de percevoir l'inclusivité linguistique.
En ce qui a trait à l'Euromaïdan, il y avait des représentants des Ukrainiens russophones, des Tatars ainsi que des Ukrainiens ukrainophones. Après avoir visité les régions de l'Est de l'Ukraine, je trouve qu'il faudrait mettre sur pied une forme d'inclusivité. Est-ce que le gouvernement de l'Ukraine devrait se pencher sur la question afin de répondre aux préoccupations des gens qui se soucient de leurs droits linguistiques? Cela permettrait peut-être d'apaiser certaines personnes, ou du moins certaines factions. Elles apprécieraient peut-être un discours pour annoncer la création d'un comité qui se déplacerait dans certaines régions de l'Ukraine pour voir ce que les gens souhaiteraient avoir comme inclusivité linguistique à l'avenir. Cela permettrait de montrer qu'ils répondent à cette préoccupation.
Comme je l'ai dit, il ne s'agit peut-être pas de la préoccupation la plus urgente en ce moment, mais je pense qu'il faudra y répondre tôt ou tard.
Peut-être que M. Taras pourrait...?
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En ce qui a trait aux questions linguistiques, mon collègue du Québec connaît mieux ce sujet que moi.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous. Quand j'y étais en décembre, j'ai rencontré des restaurateurs libanais de l'Est de l'Ukraine qui se trouvaient au Maïdan. Le contexte était fort différent de 2004, lorsque l'Est s'opposait à l'Ouest. Dans ce cas-ci, il s'agissait plutôt du peuple qui s'opposait au régime. Il y avait des non-Ukrainiens au Maïdan.
En ce qui a trait à l'inclusivité, si l'on songe aux trois derniers présidents de l'Ukraine, je pense que c'est Leonid Koutchma qui a été le meilleur à ce sujet. Il provenait de l'Ukraine de l'Est et faisait la promotion d'une identité ukrainienne nationale que je qualifierais de « douce ». Cette vision était acceptable à la fois pour les Ukrainiens de l'Est et les Ukrainiens de l'Ouest.
En ce qui a trait aux deux présidents les plus récents, Viktor Iouchtchenko et Viktor Ianoukovitch, Iouchtchenko était perçu dans l'Est de l'Ukraine comme étant trop insensible à l'identité ukrainienne et Ianoukovitch était perçu comme étant trop insensible vis-à-vis de l'identité des russophiles et sovietophiles, ce qui lui permettait de se frotter aux Ukrainiens de l'Ouest. C'est ainsi que l'identité nationale est devenue un enjeu au Maïdan.
Il faut en fait remonter à la période plus inclusive de Koutchma, de 1994 à 2004, où l'on retrouvait un soutien pour l'identité et la langue ukrainiennes et également un respect pour la langue russe. Cet équilibre centriste est souvent plus difficile, mais il faut y revenir afin de...
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Je viens du Québec, mais j'ai longuement étudié la politique linguistique en Ukraine, et ce, pendant environ 20 à 25 ans, peut-être justement parce que je viens du Québec.
Une voix: Peut-être...
M. Dominique Arel: Étant donné que l'État russe utilise cet argument pour envisager la possibilité d'envoyer ses troupes, il ne s'agit pas d'un point mineur. Il faut y répondre.
Je ne dirais pas que c'était « chaotique » mais, il y a une semaine, lorsqu'on a adopté extrêmement rapidement tous ces changements constitutionnels au Parlement et que l'atmosphère était chargée, il faut savoir que la loi linguistique n'a pas été débattue. Cela n'a pas été bien perçu, car, symboliquement... cela a été présenté comme étant discriminatoire à l'endroit des russophones. J'ai étudié la loi linguistique qui a été adoptée il y a deux ans, et je peux dire qu'elle était très controversée. Nous savons tous à quel point les lois et les politiques linguistiques peuvent être délicates et controversées. Nous devons vivre avec cette situation au Québec et au Canada depuis bon nombre de décennies, et nous ne pourrons jamais nous en départir.
Mais il ne faut pas perdre de vue un principe de base. Il faut respecter les droits linguistiques de la minorité, mais il faut également créer des mesures incitatives pour encourager la minorité à parler la langue de la majorité. En d'autres termes, il ne s'agit pas juste de protéger les droits des russophones. Il s'agit de faire en sorte que les russophones, dans certaines circonstances, par exemple lorsqu'ils veulent avoir une carrière — et c'est surtout vrai pour une carrière en politique ou en affaires —, aient des mesures incitatives et retournent à l'école pour apprendre l'ukrainien et l'utilisent dans certains contextes, pour que l'on puisse véritablement avoir un milieu bilingue. Ce n'est pas ce que prévoyait la dernière loi.
Je ne peux pas entrer dans les détails, mais, en gros, c'était de nature déclarative. Les russophones ne seraient jamais obligés d'utiliser l'ukrainien, et c'est pour cette raison que cela n'a pas été bien accepté. Bien entendu, le fait de l'abolir sans débat en raison d'une révolution ou d'une rébellion n'était pas la bonne solution. En fait, le président suppléant Tourtchinov avait opposé son veto à l'abolition de la loi et disait: « Nous avons besoin d'une nouvelle loi, mais nous devons le faire correctement. » Bien entendu, cela ne change rien à l'imaginaire russe, mais c'est ce qui se passe sur le terrain.
En ce qui a trait à l'inclusivité — et j'aimerais vous dire que le Canada pourrait notamment y contribuer de manière informelle dans des négociations à huis clos —, il me semble impératif que le gouvernement ukrainien soit un gouvernement d'unité nationale, avec des représentants de l'Est de l'Ukraine. Le gouvernement actuel, à l'exception du ministre de l'Intérieur, est formé exclusivement d'Ukrainiens en provenance du Centre ou de l'Ouest. Au cours des dernières journées, des « hommes d'affaires » très importants — je ne les appellerai pas des oligarques, car cette connotation est péjorative —, mais des hommes d'affaires très importants de l'Est de l'Ukraine, des russophones, ont prôné publiquement l'importance de l'unité...
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Bien sûr, si les hostilités empirent au cours des prochains jours, comme les informations d'aujourd'hui l'indiquent, on peut évidemment conclure que Vladimir Poutine ne porte pas attention aux condamnations de l'Ouest. Vous devez au moins sortir la Russie du G8.
En ce moment, la meilleure façon d'aider l'Ukraine, s'il est juste de s'exprimer ainsi, c'est de veiller à ce que le nouveau gouvernement, les nouveaux dirigeants du pays réussissent. Cette réussite enverra un message: il n'y a pas que le modèle autocrate de Poutine sans primauté du droit qui existe. Il existe un autre modèle pour la population.
Je pense que ce gouvernement est en très mauvaise posture. Il a hérité d'un pays duquel on a tout volé. Je sais que le Canada n'est pas membre de l'Union européenne, mais il est certainement très important de conclure l'accord d'association, et le Canada peut exprimer son appui moral et diplomatique à cet égard.
Je pense que le Canada peut certainement aider quant aux questions soulevées par Dominique, notamment la reconstruction du pays après le conflit. Vous avez une très grande expertise à l'égard des questions de nationalité et de langue, par exemple.
La culture héritée de l'Union soviétique n'est malheureusement pas propice aux compromis. Le Canada peut aider à promouvoir cette culture de compromis. Pour vous donner un exemple concret, l'un des problèmes des élections présidentielles en Ukraine, c'est qu'on se retrouve toujours, au deuxième tour, avec un candidat de l'Ouest et un candidat de l'Est. Celui qui remporte l'élection rafle tout, ce qui crée du ressentiment dans les autres régions du pays. On pourrait établir un système dans le cadre duquel si le président est élu par le Centre-Ouest de l'Ukraine, il nomme un premier ministre de l'Est de l'Ukraine et vice-versa.
Les questions d'intégration nationale, qui sont étroitement liées à la démocratie en Ukraine, sont tout aussi cruciales que la primauté du droit. L'Ukraine a besoin d'aide dans de nombreux autres secteurs. Le Canada, à titre de membre de l'OTAN, pourrait aider dans la réforme de la sécurité. Dans le conflit actuel, comme lors de la révolution orange, l'armée a refusé de tirer sur les manifestants. Elle ne l'a pas fait grâce au partenariat pour la paix de l'OTAN.
L'armée ukrainienne a changé. Il ne s'agit plus d'une institution soviétique. Il y a 10 ans, l'armée a refusé de tirer sur la population comme elle a refusé de le faire aujourd'hui. Les autres institutions — la police, les services de sécurité, le bureau du procureur — sont toujours soviétiques et ont besoin d'une réforme en profondeur.
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Il faut se demander ce qui causera du tort, ce qui fera mal aux décideurs qui violent le droit international et les conventions internationales. C'est un...
Les sanctions économiques, selon le modèle utilisé pour l'Iran et dont on discute actuellement, pourraient difficilement s'appliquer à la Russie en raison de la structure de ses exportations, à moins que l'Europe décide de se passer du pétrole russe, ce qui entraînerait des coûts économiques énormes pour l'Europe.
Étant donné que nous, c'est-à-dire la communauté internationale, avons parlé de sanctions personnelles... On a parlé de ces sanctions pendant trois mois sur la place Maïdan, pour finalement décider de les utiliser. Pourquoi ne pas les utiliser contre la Russie? Parce que les mêmes contradictions, que certains appellent de l'hypocrisie, s'appliquent. Il existe un discours qui s'oppose farouchement à l'Occident. On parle de complots occidentaux. Toutefois, leur argent, leurs enfants, leurs maisons et leurs vacances sont liés à l'Ouest, et non pas à la Russie. C'était le cas en Ukraine. On rapporte qu'en Suisse et en Autriche, qu'on soit dans l'après-Maïdan ou non, on s'en prend aux actifs et on les gèle.
Voilà une première étape que nous pourrions prendre.
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Mais évidemment, ce type d'aide n'est pas mesurable. Dix ans après la révolution orange, la communauté citoyenne s'est soulevée sur la place Maïdan. Nous avons assisté à une révolte véritablement citoyenne. Qu'est-ce que j'entends par là? Au départ, c'était une mobilisation citoyenne, puis, en réaction à la violence, c'est devenu une révolte. La revendication principale, c'était « Nous voulons vivre dans un État normal ». Pour ces citoyens, les États normaux sont en Europe, mais la notion comprend également le Canada et les États-Unis. Je ne me fais toutefois pas d'illusion. Les États européens et le Canada ne sont pas du tout parfaits. Comme ici, on entendait les Ukrainiens scander, « Nous voulons un gouvernement responsable; nous voulons un gouvernement qui ne vole pas ». Ils veulent une commission qui fera le ménage, comme celle qui se tient à l'heure actuelle au Québec. Les gens comprennent que c'est ce qu'il faut faire.
La mobilisation a été telle que le gouvernement a révélé sa face la plus terrible en ayant recours à de vraies munitions. En réaction à un soulèvement citoyen, cela ne s'était pas vu en Europe depuis Solidarité, au début des années 1980. C'était tout à fait exceptionnel.
Je pense que l'aide canadienne, l'aide européenne et les échanges d'étudiants, entre autres choses, ont certainement eu un effet cumulatif positif. Il paraît que trois diplômés de l'Université de Mohyla, qui est partenaire de tant d'institutions canadiennes et européennes, y compris la mienne, font maintenant partie du cabinet des ministres.
En ce sens, c'est inappréciable. La société civile peut maintenant résister à l'autocratie, mais il reste encore beaucoup à faire.
Peut-être le régionalisme... Il ne faudrait pas employer le terme « fédéralisme » parce que ce terme a une connotation particulière et durable. En Ukraine, le fédéralisme fait penser à la Yougoslavie, à la Tchécoslovaquie et à l'Union soviétique. Cela ne fonctionnera jamais. Si l'on fait abstraction du terme, le Canada peut certainement apporter une contribution sur le plan de la représentation et de l'autonomie régionale. C'est notre histoire, et pas seulement celle du Québec, mais également celle de l'Ouest du Canada. Je pense qu'on pourrait les aider à cet égard.
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Sergii Leshchenko, l'un des plus grands journalistes d'enquête en Ukraine, établi à l'heure actuelle à Washington grâce à une subvention, parle de la nécessité d'accorder à la diaspora le droit de vote, comme cela s'est fait, je crois, avec les diasporas italiennes et polonaises. Selon lui, elle aurait une perspective politique différente, une approche régulière fondée sur la bonne gouvernance. Elle a grandi dans un milieu différent, et je pense qu'elle peut apporter une contribution à cet égard.
Pour rebondir sur votre question précédente — et je suis tout à fait d'accord avec Dominique —, les manifestants, comme lors du printemps arabe, veulent de la dignité. Ils estiment que leurs dirigeants les ont traités avec mépris, d'où l'importance d'avoir des élites qui rendent des comptes, qui ne sont pas au-dessus des lois...
Les élites ukrainiennes et soviétiques étaient au-dessus des lois. À mon avis, tout découle de la primauté du droit. Il y en avait un peu avant Ianoukovitch, mais il a tout détruit.
J'ai des collègues aux États-Unis qui travaillent à la réforme judiciaire en Ukraine. Je me demande si le moment n'est pas venu de démanteler l'ancien système et de recommencer à nouveau plutôt que d'essayer de le rafistoler. Le bureau du procureur, peut-il être réformé? Je ne le crois pas. Les 18 000 personnes qui y travaillent sont inutiles. Elles sont inutiles, corrompues et gonflées. Je pense qu'il vaut mieux recommencer à zéro.
Je pense que si le gouvernement veut y mettre de l'argent — les ressources des États étant limitées —, je vous dirais de recommencer à nouveau. N'essayez pas de rafistoler cette ancienne institution soviétique.
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S'il y avait une intervention militaire russe en Ukraine de l'Est, tout l'échéancier serait détruit. On serait dans une autre zone.
Admettons que l'intervention russe se limite à la Crimée. D'ailleurs, c'est déjà un énorme problème international, car cela reste une violation des frontières ukrainiennes. Dans ce contexte, il serait peut-être toujours possible d'organiser des élections. Si c'était le cas, l'impact d'une présence militaire russe en Crimée sur le reste de l'Ukraine pourrait surprendre M. Poutine. De toute façon, il ne comprend pas la dynamique du jeu électoral, puisqu'il avait dit lors des dernières élections qu'il espérait qu'il n'y ait pas de deuxième tour. De toute façon, il n'y avait pas vraiment de candidats concurrentiels, car ils avaient tous été écartés. Un deuxième tour est déstabilisant pour la société russe; la concurrence est déstabilisante en elle-même. Le résultat pourrait tout de même être surprenant.
On sait que Mme Timochenko et M. Klitschko ont annoncé leurs couleurs. On est dans l'inconnu. J'ai cependant l'impression que M. Klitschko pourrait, pour la première fois, unir l'Ukraine de l'Est et l'Ukraine de l'Ouest, puisqu'il est lui-même russophone et qu'il jouit d'une grande réputation autre que politique partout au pays. De plus, ce qui est assez renversant, c'est que les derniers sondages avant les tueries du Maïdan d'il y a deux semaines donnaient à M. Klitschko de 60 à 65 % des intentions de vote lors du deuxième tour contre M. Ianoukovitch. Cela signifie qu'il pourrait aller chercher presque la moitié de l'Ukraine de l'Est. C'est très positif. Jamais un candidat n'a pu obtenir la majorité des deux côtés. Généralement, si un candidat obtenait une majorité immense d'un côté et un peu de votes de l'autre, il finissait par obtenir une majorité, mais très mince.
[Traduction]
Vous voulez ajouter quelque chose.
:
Évidemment, le gouvernement est très jeune, mais certains y ont déjà siégé — le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le Président du Parlement, pour n'en citer que quelques-uns. Il y a également du sang neuf, notamment dans le domaine économique. Je vous ai parlé des diplômés de l'Université de Mohyla. C'est important parce que, en termes de réformes économiques, l'Ukraine n'est pas exactement une réussite. En fait, c'est peut-être la nouvelle génération qui va effectuer les lourdes réformes. Comme nous le savons, elle traverse une période très difficile. Enfin, et je dirais que c'est presque sans précédent pour un pays développé, des militants de la place Maïdan occupent officiellement des rôles importants au sein du cabinet ou du gouvernement.
Un journaliste d'enquête est chargé du bureau anticorruption et un autre — les deux de Maïdan — est responsable de la politique de lustration. « Lustration » signifie que les auteurs de crimes — complot pour meurtre de civils, corruption ou crimes économiques — ne doivent plus siéger au gouvernement.
Et il y a d'autres exemples. Bulatov, qui a été capturé et torturé et qui a dirigé la résistance automobile à l'extérieur de Maïdan, est également ministre.
Cela peut nous sembler farfelu, mais on sent que les manifestants à Maïdan ont une volonté ferme de faire changer les choses. Je ne parle pas de l'invasion russe, mais d'un changement de régime. Il ne s'agit pas simplement de remplacer le gouvernement, mais de changer la façon de gouverner. Les manifestants y tiennent et ils vont suivre la situation de près. Le gouvernement doit leur rendre des comptes. Presque symboliquement, le gouvernement a dû soumettre à Maïdan pour approbation populaire la liste des ministres du cabinet. Apparemment, il y a eu un changement; le nom d'une personne a été ajoutée.
Cette mobilisation citoyenne est, à mon avis, très importante...
M. Taras Kuzio: La reddition de comptes.
M. Dominique Arel: Oui, la reddition de comptes. Il peut y avoir toutes sortes de zones floues, notamment sur le sens de lustration.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Eugene Czolij et je voudrais vous remercier de me permettre de m'adresser aujourd'hui au Comité permanent des affaires étrangères au sujet de la situation en Ukraine.
Pour mémoire, je suis le président du Congrès mondial ukrainien, organisme de coordination internationale pour les communautés ukrainiennes. Notre organisme a été fondé en 1967. Il représente les intérêts de plus de 20 millions d'Ukrainiens qui vivent à l'extérieur de l'Ukraine. Les organisations membres du Congrès mondial ukrainien sont réparties dans 33 pays, y compris au Canada qui compte le Congrès canadien ukrainien. Nous sommes également en rapport avec des Ukrainiens établis dans 14 autres pays.
Au nom du Congrès mondial ukrainien, je voudrais d'abord remercier le gouvernement du Canada pour son appui clair à l'endroit des citoyens de l'Ukraine, qui aspirent à la liberté, à la démocratie et aux valeurs fondamentales.
Le 21 novembre 2013, Viktor Ianoukovitch a tourné le dos à l'Union européenne sans considération aucune pour la volonté de la population ukrainienne, en refusant de signer l'Accord d'association UE-Ukraine. Dès lors, le monde a été témoin d'une série d'événements sans précédents qui ont montré la force, le courage et la détermination inébranlables de la population ukrainienne. Les Ukrainiens en Ukraine et partout dans le monde, y compris au Canada, ont manifesté pacifiquement, exhortant le gouvernement à avancer vers l'Europe plutôt que de reculer vers une nouvelle Union soviétique.
Les autorités ukrainiennes sont intervenues en se retournant contre leur propre population. Les manifestants ont été détenus, enlevés, battus et tués. Même des journalistes et des bénévoles médicaux sont devenus des cibles. Étonnamment, les Ukrainiens n'ont pas cédé.
Le 18 février 2014, les autorités ukrainiennes ont donné l'ordre aux tireurs d'élite de tirer sur leur propre population avec des balles réelles, perdant ainsi à jamais toute légitimité restante. Ces actes, un tournant dans la série d'événements, auront finalement raison de ce régime hautement corrompu et autoritaire. Tristement, dans cette lutte pour la démocratie, près de 100 Ukrainiens ont fait le sacrifice suprême, et un grand nombre ont subi des blessures graves et irrémédiables.
Les Canadiens tiennent à leur démocratie. Nous pouvons donc rendre hommage à la mémoire de ces héros contemporains en soutenant le nouveau gouvernement d'Ukraine qui relève un défi de taille, celui de stabiliser le pays et de porter les réformes nécessaires pour que l'Ukraine redevienne un État européen moderne et démocratique.
Venant à peine d'enterrer ses héros, l'Ukraine fait face à une nouvelle crise orchestrée par un président russe ostensiblement impérialiste qui a décrit l'effondrement de l'Union soviétique comme la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle et qui a essayé par tous les moyens de la recréer sous la forme d'une union euro-asiatique des anciennes républiques soviétiques, y compris l'Ukraine. L'Euromaidan a mis fin à ses ambitions géopolitiques.
Le 28 février 2014, deux jours après que le Parlement criméen eut refusé d'étudier toute initiative séparatiste, la Russie a envahi la Crimée. Des groupes pro-russes, soutenus par Moscou, essaient délibérément de provoquer des confrontations violentes dans plusieurs des grands centres du sud et de l'est d'Ukraine de façon à élargir leur invasion militaire.
Le lendemain, le Conseil de la Fédération de Russie a ratifié à l'unanimité la demande suivante du président russe, fournissant ainsi une justification légale d'une intervention militaire de type soviétique en Ukraine. Je cite:
En raison de la situation extraordinaire en Ukraine et de la menace pesant sur la vie des citoyens russes, de nos compatriotes, des Forces armées russes déployées en Ukraine... je demande par la présente... le recours aux Forces armées de la Fédération russe sur le territoire ukrainien jusqu'à la normalisation de la situation politique et sociale dans ce pays.
En revanche, une pétition lancée le vendredi 28 février avait déjà été signée par plus de 130 000 Russes d'origine et ressortissants russophones en Ukraine.
Voici ce que dit la pétition destinée au président Poutine:
Nous sommes des Russes de souche et des Ukrainiens russophones. Nous n'avons pas besoin de l'assistance d'autres pays pour défendre nos intérêts. Nous sommes reconnaissants de votre soutien, mais nous aimerions vous informer que personne n'a jamais enfreint nos droits sur le sol ukrainien. Nous avons toujours vécu heureux et en liberté, et nous parlons la langue qui nous convient. À l'école, nous avons également appris la langue officielle de l'Ukraine, et nous sommes capables de la parler dans des contextes où la langue ukrainienne est parlée.
Donc, bien que nous respections votre préoccupation, nous vous demandons de ne pas soulever, dans notre pays, un problème qui n'est pas important pour nous au niveau de la Fédération russe, sans parler les militaires qui ont été envoyés afin de régler un conflit qui, selon vous, existe, mais que nous ne voyons pas. Merci de votre compréhension.
L'invasion de l'Ukraine par le Kremlin viole les obligations internationales de la Russie en vertu de la Charte des Nations Unies, l'Acte final d'Helsinki, le Mémorandum de Budapest de 1994 concernant la participation de l'Ukraine au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le cadre juridique régissant la présence de la flotte russe de la mer Noire en Ukraine. Cette invasion doit être condamnée, et la communauté internationale doit forcer le président russe à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale ukrainienne.
Si la communauté internationale ne pose pas de gestes concrets pour réagir à l'invasion de la Crimée par la Russie, la Russie, tout comme l'Allemagne sous les nazis après l'Accord de Munich, aura le courage de poursuivre ses ambitions impérialistes sous le prétexte de la défense des citoyens de la Fédération russe. Elle pourrait même poursuivre ses ambitions pour entrer dans l'est de l'Ukraine et même dans d'autres parties de l'Europe.
Au final, la meilleure façon d'empêcher la déstabilisation de l'Ukraine par le Kremlin, ce qui pourrait créer une menace grave à la sécurité mondiale, serait que la Russie déplace sa flotte de la mer Noire de sa position actuelle en Ukraine à une base navale dans le territoire russe.
Depuis le début de la crise en Ukraine, le gouvernement du Canada a réagi pour s'assurer que le Canada pourra s'engager de la manière la plus efficace possible. La semaine dernière, une délégation canadienne s'est rendue en Ukraine. Elle était dirigée par le . Il s'agissait de la deuxième visite en trois mois, et elle constituait un geste important de solidarité entre le peuple ukrainien. Elle montrait également que le Canada reconnaît clairement le nouveau gouvernement parlementaire de l'Ukraine. Votre leadership sera essentiel pour soutenir l'Ukraine alors qu'elle tente de résister aux pressions exercées par des forces internes et externes, des forces qui essaient d'étouffer l'espoir des Ukrainiens d'avoir une vie de digne dans une société libre.
Quelles sont les prochaines étapes? Le Congrès mondial ukrainien exhorte le Canada à collaborer activement avec la communauté internationale, d'abord pour appuyer le nouveau gouvernement de l'Ukraine, et deuxièmement pour envoyer une mission d'observation internationale, sous l'égide de l'ONU ou de l'OSCE, en Ukraine de l'est et du sud, principalement en Crimée, afin de surveiller la situation dans le terrain et de fournir des renseignements précis sur l'évolution des choses. Troisièmement, le Canada devrait coopérer avec la communauté internationale pour envoyer des forces de maintien de la paix de l'ONU en Ukraine. Quatrièmement, il devrait appuyer la médiation internationale afin de faire baisser les tensions en Crimée. Cinquièmement, il devrait imposer des sanctions, dont des interdictions de visa, des enquêtes sur le blanchiment d'argent, le gel des avoirs et des pénalités commerciales, si la Russie ne réagit pas aux nombreux appels légitimes exigeant qu'elle respecte ses obligations internationales.
Sixièmement, la communauté internationale devrait suivre le modèle du Canada et ne devrait pas assister au prochain sommet du G8 à Sotchi. Septièmement, le Canada et la communauté internationale devraient suspendre l'adhésion de la Russie au G8. Huitièmement, il devrait organiser une réunion d'urgence du G7 en Ukraine afin d'aborder les problèmes économiques, sociaux et sécuritaires soulevés par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Neuvièmement, Il devrait offrir à l'Ukraine un soutien financier afin d'éviter l'effondrement économique de ce pays, d'aider le nouveau gouvernement à lancer les réformes nécessaires pour l'économie ukrainienne et de compenser les pressions économiques inutiles exercées par la Russie qui ont comme objectif de punir l'Ukraine pour son choix politique d'avoir une intégration avec la communauté européenne.
Dixièmement. Le Canada et la collectivité internationale devrait organiser une conférence des donateurs internationaux en Ukraine. Onzièmement, il devrait offrir de l'aide médicale et humanitaire rapide aux victimes de l'EuroMaïdan. Douzièmement, il devrait envoyer d'importantes missions de surveillance des élections présidentielles du 25 mai 2014 en Ukraine. Treizièmement, il devrait engager le dialogue avec la société civile en Ukraine et l'appuyer. Et quatorzièmement, il devrait fournir une aide technique aux petites et moyennes entreprises qui vont stimuler le développement d'une classe moyenne dont l'Ukraine a grandement besoin.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, le peuple ukrainien a payé un prix extraordinairement élevé pour avoir le droit de vivre dans un État européen démocratique. La collectivité internationale a l'obligation de veiller à ce que ce choix du peuple ukrainien soit pleinement respecté.
Merci.
:
Je suis entièrement d'accord avec ce que Eugene a dit.
Honorables sénateurs, je vous remercie infiniment de m'avoir invité ici aujourd'hui. Comme je le disais, je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire M. Czoliy. Mais j'aimerais vous faire valoir un point de vue un peu différent.
Je suis reconnaissant d'être citoyen canadien depuis 1999. Je suis arrivé au Canada en 1990, avant l'éclatement de l'Union soviétique. J'ai acheté ce chapeau et je l'ai apporté aujourd'hui et je le porte tout le temps pour appuyer l'équipe canadienne aux Olympiques.
Ce que je veux vous dire, ce n'est pas tellement un discours politique.C'est plutôt le récit de mon expérience personnelle. Je crois à la démocratie. J'aime la démocratie c'est la seule façon de vivre. Je parle couramment le russe. Je suis les médias et j'aimerais attirer votre attention sur une ou deux choses. Avant que je vienne au Canada, l'Ukraine faisait partie de l'Union soviétique, et la plupart des jeunes hommes de 18 ans étaient enrôlés dans les forces militaires. Moi aussi, j'ai servi dans l'armée soviétique. J'étais en poste dans l'Allemagne de l'Est. J'étais topographe et cartographe. Je me rappelle que, pendant l'année où j'ai été en poste là-bas, tous les matins, jour après jour, nous avions un endoctrinement politique. Même si l'Union soviétique était en train d'éclater et que tout le monde le savait, nous devions apprendre les ouvrages de Lénine, du Parti communiste. Tous les matins, nous devions affirmer que nous croyions en l'Union soviétique et que nous nous battrions jusqu'à la mort pour défendre ce pays. Dieu merci, cet empire s'est écroulé.
L'empire s'est écroulé, mais à quel prix! Bon nombre des autres habitants de mon village — je suis né dans un village — ont donné leurs vies pour la cause soviétique en Afghanistan et je me rappelle les mères qui pleuraient sur les tombes de ceux qui étaient morts sans comprendre pourquoi. J'ai dit que je crois à la démocratie parce que c'est la seule façon de vivre pour un être humain. En tant que prêtre, je crois dans la Genèse, premier livre de la Bible, qui dit que nous avons été créés à l'image de Dieu. Nous sommes libres. Cette liberté doit être honorée, et elle a été donnée à tous.
Je ne suis pas venu ici pour faire un sermon. Je vous ai dit que j'ai servi dans l'armée soviétique parce que Poutine est un produit du KGB. Comme l'un des commentateurs politiques russes l'a dit, faire partie du KGB, ce n'est pas une profession, c'est une vocation, un génotype. C'est la place du sadique, de celui qui ne remet pas en question l'autorité, de celui qui ne regrette jamais ses actions. Le seul moyen de gagner, c'est par la force, par le pouvoir, par tous les moyens possibles.
Si je vous parle de cela, ce n'est pas parce que je suis psychanalyste ou quelque chose du genre, je ne suis pas ici pour faire une analyse. Mais je sais qu'il faudra un effort énorme à l'OTAN et à l'ensemble de la collectivité mondiale pour arrêter cet homme, étant donné son passé. Vous regardez les nouvelles et vous voyez M. Poutine qui fait du cheval, qui pilote un avion, etc. On a presque l'impression de revoir Saddam Hussein et Muammar Gaddafi. Voilà un homme qui a un pouvoir et des ressources financières illimitées. C'est le grand voleur du monde entier. On estime que sa richesse se situe entre 130 et 150 milliards de dollars. Il s'est entouré de personnes qui pensent comme lui. Le KGB est maintenant le Service fédéral de sécurité, le bureau de la sécurité de Russie. Ses membres sont devenus des escrocs, des gens qui mettent la main sur des fonds provenant de ces options illégales. Ils agissent d'une manière très déterminée.
Je me trompe peut-être, mais je crois que la Russie a plus de 100 chaînes de télévision qui diffusent dans ce grand pays, et chacune d'entre elles est censurée. Lorsque les gens parlent, il y a toujours un retard de trois à cinq secondes. Ils ont interviewé un député de la Crimée qui a dit qu'il n'y avait pas vraiment de désordre ni rien de semblable. Cela passait en direct à la télévision russe. Il parlait au téléphone. Il a dit qu'il ne se passait vraiment rien; les seuls escrocs qu'il y a en Crimée sont les membres des partis régionaux qui volent l'argent. Il continue à parler et puis tout à coup la ligne a été coupée, et la télévision a annoncé qu'il se passait quelque chose de terrible en Ukraine et qu'elle avait des difficultés techniques.
Il n'y a pas que la censure dans les médias. Il y a aussi cet énorme appareil politique, développé par le KGB au cours de ses 70 ans d'existence — et cet appareil existe d'ailleurs toujours — pour faire le lavage de cerveaux. Malgré son travail acharné grâce à toutes ces chaînes, tous les jours, des gens se réveillent et disent qu'ils ne peuvent pas se tourner contre leurs confrères. Ils sont nos voisins. Ce serait suicidaire.
On lit les informations... Avant de venir ici, j'ai lu que les troupes russes donnaient aux soldats ukrainiens — je ne suis pas certain s'il s'agit de la Crimée ou de l'Ukraine en entier — jusqu'à 5 heures du matin pour abandonner leurs armes. Cinq heures du matin là-bas, c'est à peu près dix heures le soir ici. Nous avons donc environ cinq heures.
Je voulais croire — parce que je n'ai jamais prié autant que je l'ai fait aujourd'hui — qu'il n'y aurait pas d'intervention militaire, mais je suis réaliste. On parle d'un homme qui est au pouvoir et qui est incapable de montrer de remords ou de faire marche arrière. Je ne suis pas certain qu'il le ferait.
C'est pour cela que si nous sommes ici... Je ne sais pas s'il est trop tard, mais il faut le dire: l'homme qui est au pouvoir est complètement fou, comme l'était Staline, si on peut l'exprimer ainsi. Une chance que nous avons les médias sur place, qui nous donnent une idée juste de ce qui se passe sur le terrain. C'est différent de ce qui s'est passé en 1932 et 1933. Ces événements sont les seuls dont nous connaissons l'existence concernant ce qui s'est passé en Ukraine, ou n'importe où en Union soviétique.
J'ai une petite église ici à Ottawa. Mes paroissiens sont Russes ainsi qu'Ukrainiens et Bélarussiens, entre autres. Nous sommes une église et nous accueillons tout le monde. Plutôt que d'être ici, j'aimerais mieux être avec mon ami qui est — si vous connaissez l'avenue Bronson, il y a un endroit pas loin du pont — j'ai un ami là, Benny, qui est mendiant, mais une fois par semaine nous allons chez McDonald's et nous discutons. J'aimerais mieux être avec lui. Je respecte tout votre travail, mais ce n'est pas le mien de faire des déclarations politiques. Malheureusement, je suis ici pour implorer de l'aide, pour dire que nous sommes plus ou moins sur le point de connaître une autre catastrophe humanitaire.
Si on adopte le point de vue pessimiste et que l'on considère Poutine comme étant le fou qu'il est, avec plein pouvoir sur l'armée et la capacité de faire tout ce que son sénat croit être nécessaire, je crois, qu'il s'agit du conseil de la fédération... Je ne veux pas y croire, mais du point de vue réaliste, je m'attends à ce qu'il y ait un conflit militaire.
Je voudrais vous demander deux autres choses. L'une des personnes qui a témoigné avant moi, la jeune Lada Roslycky, a analysé la flotte de la mer Noire. Elle a indiqué qu'il faut coordonner les efforts non seulement des plus grands pays membres de l'OTAN, mais qu'il faut aussi mettre à contribution la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie pour appuyer les gens, prévenir les problèmes et démontrer que la communauté mondiale est unifiée dans sa condamnation de tout type de violence.
Franchement, je ne veux pas voir la situation en Géorgie se répéter. Nous avons prié pour les Géorgiens pendant ces événements. En tant qu'église, nous prions lors de toutes les catastrophes partout au monde, qu'elles se passent au Québec, quand tant de personnes innocentes sont mortes dans la catastrophe du déraillement du train, ou en Géorgie ou n'importe où. La vie humaine est si précieuse.
Deuxièmement, dans le même ordre d'idée, soit que la vie humaine est si précieuse — et c'est ma propre déclaration —, j'aimerais, s'il advenait une catastrophe, Dieu nous en préserve, que le Canada ouvre ses portes, comme il l'a toujours fait, aux réfugiés avec un processus simplifié pour les accueillir.
Merci de votre attention.
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Je vous remercie de la question. En fait, M. Goldring m'avait posé la question, mais j'ai oublié d'en parler. Je ne me suis pas préparé de manière très systématique.
En Ukraine, on trouve l'Église catholique grecque ukrainienne, qui compte environ de trois à 5 millions de membres. Ensuite, il y a l'Église orthodoxe ukrainienne, qui s'est séparée en trois branches. Il y a deux branches plus petites: l'Église autocéphale, qui est une église indépendante, et l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat Kiev, qui regroupe environ la moitié des croyants orthodoxes en Ukraine. Il y a finalement une grande église autoritaire, l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou.
Les trois premières églises se sont ralliées au peuple dès le départ. Les images tournées pendant le conflit de la place de l'indépendance en Ukraine montrent que les portes de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat Kiev, ainsi que celle de l'église et du monastère St-Michel se sont ouvertes afin de protéger les manifestants des balles. On y a notamment installé un hôpital de fortune.
Pour sa part, l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou ressemble à un cheval de Troie. Il est difficile de prévoir sa position. Selon une déclaration cruciale prononcée il y a quelques jours, l'ensemble de l'église plaiderait auprès du patriarche de Moscou, le dirigeant de cette église, pour qu'il demande au président de faire tout en son pouvoir pour mettre un terme à l'invasion de l'Ukraine. La réponse officielle du patriarche de Moscou est fort intéressante. Il a dit qu'il priait et espérait que les Ukrainiens encourageront leur gouvernement et leurs troupes à offrir le moins de résistance possible à l'arrivée légitime des troupes russes.
Voilà ce que je peux vous dire. Ces propos ont évidemment outré cette partie de l'église. Selon les circonstances, la crise servira peut-être de catalyseur à l'unité de l'église, mais également de catalyseur à l'expression véritable des sentiments patriotiques des membres de cette église.
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Actuellement, ils sont accablés par la peur.
D'abord, l'information ne circule plus en Ukraine. M. Czolij parlait de ce que le Canada peut faire pour aider. Souhaitons que la situation se résolve rapidement, ou du moins sans heurts, pour toutes les parties, et sans qu'il y ait de pertes de vies. Toutefois, lorsqu'on y pense, on pourrait aider à coordonner et à créer un réseau de télévision national qui pourrait informer les gens à propos de ce qui se passe au Parlement, entre autres, en espérant qu'il s'agisse d'un réseau objectif.
Donc voilà une chose. À quoi d'autre est-ce que les gens sont confrontés? Je pense que la peur est ce qui définit le mieux... Enfin, quand ils ont peur, les gens sont déterminés à se défendre. C'est ce qu'on constate dans les régions de l'est. Mon cousin vit actuellement à Donetsk, où l'atmosphère est, disons, très pro-russe. Son épouse est russe. Tous les deux disent: « C'est notre terre. Nous ne voulons aller nulle part. Nous ne nous sentons pas menacés. Nous avons une petite entreprise et nous nous tirions bien d'affaires. Pourquoi est-ce qu'on tente de nous convaincre que nous sommes persécutés? » Voilà le genre de chose qu'on entend.
Alors il y a de l'espoir. De plus, s'il devait y avoir une attaque, je pense qu'il y aura beaucoup de violence et beaucoup de morts.
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Je vais commencer à répondre. M. Czolij, qui s'y connaît plus en politique, pourra poursuivre.
Si vous pensez à la composition de la Crimée, je ne suis pas exactement sûr des chiffres, mais plus de 50 % des gens se considèrent comme Russes. Ensuite, il y a 20 % ou en tout cas près de 20 % qui sont des Tatars et de 20 à 25 % qui sont des Ukrainiens de souche ou d'autres origines. Les frontières changent constamment. Si ma mère est Russe et mon père est Ukrainien, parfois je me dis Ukrainien et parfois je me dis Russe. Je ne parle pas ici de moi-même, mais en termes généraux, des statistiques.
La Crimée, si vous abordez la question du point de vue ukrainien, est une région très fortement subventionnée de l'Ukraine. La capitale est à 80 % subventionnée par le gouvernement fédéral, et toute la péninsule de Crimée est subventionnée à hauteur de 65 % par le gouvernement. Il est intéressant de voir que ce fait ait été utilisé contre l'Ukraine par les régions de l'Est, lesquelles font valoir que c'est principalement l'Ukraine de l'Ouest qui est subventionnée, mais il y a beaucoup de subventionnement là-bas.
Vous demandiez s'il y a des allégeances envers la Russie. Oui, il y en a. Il serait faux de le nier. Quelque 60 % des gens sont Russes. Il y a donc un sentiment fort. Toutefois, les élus de Crimée ont toujours déclaré qu'ils appartenaient à l'Ukraine et qu'ils en faisaient partie. Ils sont autonomes, et je crois que le Parlement ukrainien a déposé une motion pour octroyer une plus grande autonomie à la Crimée.
Lorsque le dernier gouvernement est arrivé au pouvoir, l'homme qui le représente désormais à titre de président a uniquement récolté 4 % des voix lors des dernières élections en Crimée. Mais il est connu comme étant quelqu'un qui a détourné de larges sommes. Bien évidemment pour lui, la stabilisation de la région, avec l'appui des forces russes, irait de soi.
Assez souvent, la carte du nationalisme, si je puis m'exprimer ainsi, est utilisée en Crimée, et ce parce que la Crimée reçoit l'ensemble des 158 chaînes de la Russie, mais uniquement certaines chaînes de l'Ukraine. Avant les événements sur la place Maïdan, les médias étaient principalement contrôlés par le président russe. Ainsi, il n'y avait pas d'opinions objectives. Ce que les médias vous présentaient, c'est ce que vous croyiez être la vérité.
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J'ai été militaire, et donc, je ne sais pas si je suis bien utile du point de vue tactique, mais, effectivement, je crois que cela a été planifié. Cela a été planifié, car il a dit à Ianoukovitch... En donnant l'argent... Et il faut se rappeler que les gens qui étaient au pouvoir en Ukraine — procureur général, président — lorsque les subventions de Moscou arrivaient, cet argent se retrouvait en partie dans leurs poches. Les quelques miettes qui restent servent à payer les salaires entre autres. Donc, quand la subvention arrive, il y a tout un processus. Après les événements qui se déroulent à l'heure actuelle, il faut espérer qu'il y aura des outils de surveillance également. Mais effectivement, la chose a été planifiée.
Le point le plus important, c'est que la Russie a dit qu'elle allait protéger non seulement les personnes d'origine russe, mais aussi les personnes russophones. La République tchèque a annoncé aujourd'hui qu'elle allait mettre fin aux visas accordés aux personnes russophones ou en limiter l'émission, car...
Pensons au pire des scénarios. L'Occident pourrait dire qu'il s'en fiche, et l'Ukraine sera envahie. Nous n'avons pas besoin de nous soucier de quoi que ce soit d'autre, de manière à ce que le pétrole arrive à la frontière de l'Ukraine avec l'union occidentale. En République tchèque, il y a une grande population de russophones et qu'est-ce qui les empêcherait d'aller plus loin?
Le Canada est un des pays qui a accueilli le plus grand nombre d'immigrants russophones au monde. Les gens qui viennent à notre église parlent russe.
Vous voyez où je veux en venir, n'est-ce pas? On peut invoquer toutes les excuses du monde. Quelqu'un dans la rue Scott leur a dit qu'ils ne devraient pas porter de foulard, et qu'ils devraient porter quelque chose d'autre. Il s'agit d'un pays démocratique, je crois, et vous n'avez pas besoin d'être d'accord avec moi.