:
Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
[Français]
Aujourd'hui, je mettrai l'accent sur les questions de politiques et de sécurité liées à la situation en Syrie. Des détails sur la conjoncture humanitaire vous seront donnés par mon collègue, Stephen Salewicz. Quant à ma collègue, Sabine Nolke, elle fera le point sur la réponse de la communauté internationale face à l'utilisation d'armes chimiques par Assad, en Syrie.
La situation s'est développée de façon considérable au cours des dernières années et constitue maintenant une énigme très grave pour la communauté internationale. Le conflit a commencé en mars 2011 alors que le régime Assad a répondu aux manifestations prodémocratiques par une répression soutenue, aveugle et violente. Cette crise, qui était au début un conflit uniquement national, s'est depuis développée au point d'impliquer de multiples acteurs et d'avoir des conséquences sur les plans régional et mondial. Ces acteurs et programmes supplémentaires compliquent davantage la recherche d'une solution.
[Traduction]
Suite à la répression du régime Assad, divers groupes d'opposition armés ont vu le jour. Les forces d'opposition armées comptent un assortiment disparate d'acteurs parmi tant d'autres, à partir d'éléments séculiers provenant des services de sécurité syriens qui ont fui le pays, en passant par des groupes islamistes nationaux jusqu'à des milices affiliées à al-Qaïda avec un nombre important de membres et d'appui.
Divers groupes de l'opposition attirent un appui important de la part des États du golfe Persique, de l'Ouest, de la Turquie, et autres pays, alors que le régime Assad bénéficie de l'appui de l'Iran, du Hezbollah au Liban, et de la Russie.
Les groupes de l'opposition ne sont pas unifiés; ces groupes alterneront entre les partenariats de complaisance et l'affrontement militaire. À l'heure actuelle, sur le plan militaire, les parties au conflit ont largement atteint une impasse, bien que l'avantage tactique passe d'un côté à l'autre au cours du conflit.
L'intervention et l'appui du Hezbollah et de l'Iran ont favorisé le régime récemment, mais une victoire décisive d'un côté ou de l'autre demeure peu probable. La participation des supporteurs de l'extérieur ayant des visées religieuses a déclenché de fortes résonances sectaires au sein d'une société traditionnellement non sectaire.
En outre, le conflit a été perçu par la population kurde en Syrie comme une occasion de poursuivre les aspirations nationalistes, ce qui complique les relations délicates entre les populations kurdes avoisinantes de la Turquie et de l'Iraq et leurs gouvernements respectifs.
En raison de ces facteurs, toute solution au conflit de la Syrie doit concilier les intérêts de multiples puissances régionales et des groupes nationaux qui se disputent la prééminence, ainsi que les pays étrangers qui protègent leurs intérêts régionaux.
[Français]
Les intérêts canadiens sont renforcés par le fait que les voisins de la Syrie sont soit aux prises avec les pressions économiques, sécuritaires et politiques liées à l'hébergement de nombreuses populations de réfugiés toujours en croissance, soit préoccupés par les conséquences sur la sécurité des actions des groupes extrémistes qui agissent librement sur leurs frontières. Par ricochet, cela a servi à augmenter les préoccupations quant à la stabilité régionale et, notamment, la stabilité politique de la Jordanie et du Liban.
[Traduction]
Dans ce contexte, permettez-moi de vous décrire brièvement l'approche du Canada face à la crise syrienne.
Notre réponse s'est composée de cinq principaux éléments: l'un consiste à fournir une assistance humanitaire pour répondre aux besoins des personnes touchées en Syrie et dans les pays d'accueil de réfugiés; le deuxième, à répondre à des menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires; le troisième, à augmenter la pression sur le régime Assad et ses alliés par des sanctions, ainsi que notre engagement diplomatique; le quatrième, à fournir un appui bilatéral au développement et à la sécurité aux pays de la région pour les aider à répondre aux réfugiés syriens; et le cinquième, à calibrer soigneusement l'appui aux efforts de l'opposition syrienne pour devenir une solution de remplacement viable au régime Assad en offrant une formation dans des domaines clés, y compris les communications, la documentation sur les violations des droits de la personne et la gouvernance locale.
[Français]
Sur ce dernier point, il convient de noter que le Canada n'a pas reconnu la Coalition de l'opposition syrienne comme unique représentation légitime du peuple syrien puisque nous ne sommes pas convaincus que la coalition soit suffisamment représentative, qu'elle ait rassuré les communautés minoritaires en Syrie que leurs droits seront protégés ou qu'elle ait condamné l'extrémisme sans équivoque. Nous avons fait de grands efforts pour faire en sorte que toute aide apportée aux membres de l'opposition soit dirigée vers les éléments démocratiques, laïques et progressistes de l'opposition et ne soit pas détournée pour profiter aux groupes extrémistes.
[Traduction]
Le Canada continue de croire que le seul moyen de mettre fin à la crise en Syrie est une transition politique dirigée par les Syriens en vue d'obtenir une Syrie libre, démocratique et pluraliste.
Au cours des derniers mois, des efforts diplomatiques considérables ont été déployés auprès des parties au conflit syrien et des intervenants régionaux dans le but d'organiser une deuxième conférence de la paix de Genève. Présentement, cette conférence est prévue pour le 22 janvier 2014. L'ajournement demeure une possibilité omniprésente compte tenu du caractère récalcitrant de l'opposition, des désaccords sur les conditions préalables aux négociations entre le régime et l'opposition, et du débat persistant à savoir qui peut assister aux négociations.
Aussi fragiles soient-ils, ces pourparlers constituent actuellement la meilleure chance pour arriver à une solution négociée qui pourraient mener à la mise en place d'un organe directeur transitoire.
À l'approche de Genève Il, toutefois, il est fort probable qu'il y ait des efforts concertés des deux côtés pour acquérir un avantage sur le terrain afin d'augmenter leur influence à la table des négociations.
C'est sur ces mots que je conclus mon exposé. Je cède maintenant la parole à mon collègue, Stephen Salewicz.
:
Monsieur le président, honorables membres du comité, merci de me donner l'occasion de comparaître pour brosser le portrait de la crise en Syrie, de ses répercussions sur les pays voisins, des défis entourant l'acheminement de l'aide et de la façon dont le Canada répond à cette crise et à ces défis.
[Français]
La situation en Syrie et dans la région a rapidement évolué en une crise humanitaire très grave qui met à rude épreuve la capacité de la communauté humanitaire à intervenir. En un peu plus de deux ans, plus de la moitié de la population syrienne en est venue à avoir besoin d'aide humanitaire à l'intérieur du pays ou à chercher refuge dans les pays voisins. De plus en plus, les réfugiés syriens gagnent l'Europe.
[Traduction]
Les effets cumulatifs du conflit armé empêchent grandement la population d'accéder à la nourriture, aux soins de santé, à l'eau, au logement et à l'éducation. Il fut un temps où la Syrie, en tant que pays à revenu intermédiaire, offrait des services de soins de santé relativement modernes. Aujourd'hui, elle assiste à une éclosion de la poliomyélite, la première en 14 ans.
Les enfants sont plus que quiconque touchés par la crise. Si le conflit perdure, nous serons devant ce que certains appellent une « génération perdue ». Les enfants, traumatisés, sont victimes de ce conflit. Toute une génération ne peut aller à l'école et est très vulnérable à l'exploitation. En Jordanie et au Liban, des enfants qui ont aussi peu que sept ans travaillent de longues heures en échange d'un maigre salaire dans des conditions qui, parfois, sont dangereuses et relèvent de l'exploitation. Plus de 3 700 enfants réfugiés ne sont pas accompagnés ou sont séparés de leurs deux parents.
Né du Printemps arabe qui a marqué le début d'une transformation considérable du Moyen-Orient, le conflit syrien s'est muté en une situation d'urgence humanitaire prolongée et complexe qui risque de déstabiliser la région.
Les pays voisins en subissent d'immenses contrecoups. Ils ont accueilli avec générosité près de trois millions de réfugiés. Ils l'ont fait à grands frais et, dans certains cas, au risque de déstabiliser leur propre pays. Imaginez les conséquences si, au Canada, notre population s'accroissait de 25 % en quelques mois seulement, comme c'est le cas au Liban.
Au Liban et en Jordanie, les deux pays qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés dans la région, on ne peut surestimer les effets du conflit sur les services sociaux, les infrastructures et les communautés. L'envergure et la complexité sans précédent de la crise exigent une approche globale pour surmonter les défis sociaux et économiques énormes auxquels font face ces pays.
L'intervention humanitaire en Syrie est semée d'embûches. Il est toujours difficile d'atteindre les populations civiles pendant un conflit. En Syrie, où des centaines de parties s'opposent, la situation en matière de sécurité est hautement imprévisible. Ceux qui tentent d'acheminer l'aide humanitaire oeuvrent donc dans un environnement très hostile.
Les travailleurs humanitaires ont eu leur lot de victimes en Syrie: des dizaines d'entre eux ont été assassinés, blessés, kidnappés ou sont portés disparus. La tactique employée, soit celle d'assiéger des régions où vivent des populations civiles pendant de longues périodes et de restreindre l'accès humanitaire, a aggravé la situation humanitaire et compromis la distribution de fournitures et de services permettant de sauver des vies.
Bien que les restrictions se soient assouplies récemment, le régime Assad continue d'imposer des obstacles de nature administrative et bureaucratique à l'acheminement de l'aide humanitaire. À titre d'exemple, il limite les visas, retarde l'enregistrement des ONG et restreint les déplacements des organismes d'aide sur le terrain.
Le 7 octobre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a publié une déclaration approuvée à l'unanimité dans laquelle il exhorte la Syrie à accorder un accès immédiat aux organisations humanitaires qui tentent d'apporter une aide vitale aux populations touchées par la crise en cours. , ministre du Développement international, a indiqué que le gouvernement du Canada appuyait fermement cette déclaration.
Dans tous les forums internationaux pertinents, le Canada continue d'appeler toutes les parties au conflit à prendre des mesures immédiates pour faciliter l'expansion des opérations de secours humanitaires et lever les obstacles de nature bureaucratique ou autre. Nous savons en outre que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies travaille de près avec les pays qui ont une grande influence auprès des parties pour que ces obstacles soient supprimés.
La communauté internationale s'est mobilisée massivement. En 2013, les Nations Unies et le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont sollicité plus de 4,5 milliards de dollars américains.
Alors que la crise humanitaire se détériorait et que la communauté internationale se mobilisait, le Canada a accru son intervention au fur et à mesure que les besoins augmentaient. En 2012, le Canada a versé 23,5 millions de dollars et, en 2013, nous avons presque multiplié par huit nos contributions humanitaires, les faisant passer à 180 millions de dollars. Jusqu'à présent, la contribution humanitaire canadienne s'élève donc à 203,5 millions de dollars. Le Canada fournit également 110 millions de dollars en aide au développement à la Jordanie et au Liban. Actuellement, le Canada compte parmi les principaux donateurs dans l'intervention en Syrie.
L'approche du Canada consiste à cibler les principaux besoins, en particulier la nourriture, les soins de santé, le logement, la protection, l'éducation, l'eau et l'assainissement. Avec la venue de l'hiver, le Canada appuie les activités de préparation à cette saison dans toute la région. Nous avons adopté une approche équitable d'un point de vue géographique en appuyant des activités qui se déroulent en Syrie et dans les pays voisins. Nous soutenons également les communautés d'accueil dans les pays voisins pour qu'elles puissent faire face à l'afflux de réfugiés.
Nous acheminons notre aide par l'intermédiaire de partenaires humanitaires d'expérience et nous avons ainsi obtenu des résultats considérables. À titre d'exemple, en 2013, les partenaires ont fourni de l'assistance alimentaire à plus de 1,5 million de réfugiés, des articles d'hygiène à 1,25 million de personnes, effectué un million de visites à des installations de soins de santé primaires et permis à 175 000 enfants d'intégrer le système d'éducation formelle.
En plus de demander un meilleur accès pour les acteurs humanitaires en Syrie et la protection de l'espace humanitaire, le gouvernement du Canada a souligné son engagement à l'égard des principes humanitaires. Lors de la Conférence humanitaire canadienne, qui a eu lieu en octobre dernier, le ministre a prononcé un discours sans équivoque: le Canada continuera d'insister sur l'importance de l'impartialité, de la neutralité et de l'indépendance de ses partenaires humanitaires.
[Français]
Il ne fait désormais aucun doute qu'une aide humanitaire de grande envergure demeure nécessaire. Les Nations Unies devraient lancer à la mi-décembre leur appel pour l'intervention en Syrie et dans la région. Nous pouvons nous attendre à une augmentation significative des ressources demandées. La communauté internationale se réunira au Koweït le 15 janvier, comme l'an dernier, pour engager des fonds à l'appui de l'intervention.
[Traduction]
Alors que le conflit s'étire, il demeure impératif d'apporter une aide humanitaire et une aide au développement afin de sauver des vies et d'atténuer les répercussions de l'afflux de réfugiés sur les communautés d'accueil des pays voisins.
Merci.
:
Monsieur le président, honorables membres du comité, c'est un grand plaisir pour moi d'être devant vous aujourd'hui pour traiter des armes chimiques en Syrie, un sujet qui diffère quelque peu de ce dont j'ai parlé dernièrement. Il peut être utile de vous présenter un bref historique de la question.
Comme mon collègue l'a indiqué clairement dans sa déclaration, les conditions de sécurité et la situation humanitaire en Syrie sont des plus sombres, comme elles l'ont été depuis le début du conflit en mars 2011.
Depuis longtemps, la Syrie est soupçonnée de posséder un arsenal d'armes chimiques, qui, croyait-on, pouvait exercer un pouvoir dissuasif à l'endroit d'Israël. En juillet 2012, la Syrie a ouvertement admis qu'elle possédait des armes chimiques et biologiques, affirmant que celles-ci pourraient être utilisées pour contrer une « agression extérieure ».
Alors que les combats en Syrie ne cessaient de s'intensifier, la communauté internationale s'inquiétait de plus en plus que le régime Assad puisse recourir à ces armes répugnantes contre sa propre population, ou que l'instabilité dans le pays puisse faire en sorte que ces armes se retrouvent entre les mains de groupes extrémistes, lesquels sont de plus en plus présents en Syrie.
Les États-Unis et d'autres alliés ont fermement indiqué les lignes rouges à ne pas franchir pendant l'été 2012, avertissant le régime des conséquences qui pourraient découler de l'utilisation d'armes chimiques. Le Canada a consulté étroitement ses alliés sur la planification d'urgence concernant les réponses possibles à une éventuelle attaque aux armes chimiques, bien que cela constituait alors une possibilité peu probable.
Le Canada a intensifié ses efforts et a joué un rôle clé en apportant des contributions importantes en réponse à la menace d'utilisation d'armes chimiques en Syrie. Grâce au programme de partenariat mondial, au groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, et au programme d'aide au renforcement des capacités antiterroristes, le Canada a versé un montant de 47,5 millions de dollars sous forme d'aide liée à la sécurité dans la région pour aborder de façon plus large le conflit en Syrie, y compris des programmes et de l'équipement liés aux menaces d'armes de destruction massive comme celles que représente dans la région une attaque aux armes chimiques ou biologiques en Syrie.
De plus, le Canada a fait une contribution de 2 millions de dollars à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques — l'OIAC — afin qu'elle soit capable de faire immédiatement enquête sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, si cela devait s'avérer nécessaire.
En mars de cette année, et en dépit des limites à ne pas franchir qui avaient été indiquées, des allégations d'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien ont commencé à poindre. Tout au long du printemps, nous avons reçu des rapports non corroborés d'attaques de faible envergure contre des régions aux mains de l'opposition avec pertes humaines minimes; le régime prétendait en retour que l'opposition avait utilisé des armes chimiques.
[Français]
À la suite d'attaques de faible envergure, le Secrétaire général des Nations Unies a déclenché, le 21 mars, un mécanisme rarement utilisé qui lui permet d'ouvrir une enquête relativement à l'utilisation présumée d'armes chimiques en Syrie en dépit du fait que la Syrie n'était pas à ce moment-là un État partie à la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction. L'équipe était dirigée par les Nations Unies avec la participation d'experts de l'OIAC et de l'Organisation mondiale de la Santé. La contribution financière du Canada a l'OIAC a été essentielle au succès de cette enquête mandatée par les Nations Unies, un fait qui nous a été rappelé encore il y a deux jours par la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, Angela Kane, que certains d'entre vous ont peut-être rencontrée avant-hier soir.
Les autorités syriennes ont initialement empêché l'équipe d'enquête des Nations Unies d'avoir accès à leur territoire en invoquant des négociations difficiles concernant le mandat de la mission. C'est seulement le 19 août que les enquêteurs des Nations Unies ont été autorisés à entrer en Syrie. Deux jours après l'arrivée de l'équipe chargée d'enquêter sur l'utilisation présumée d'armes chimiques au printemps, la mission était sur les lignes de front pour témoigner de l'attaque meurtrière aux armes chimiques perpétrée dans la région de Ghouta, dans la périphérie de Damas. Selon les estimations des États-Unis, cette attaque aurait coûté la vie à plus de 1 400 personnes, y compris plusieurs femmes et enfants. L'ampleur et la nature répugnante de l'attaque ont suscité des protestations vigoureuses de la communauté internationale et l'équipe d'enquête des Nations Unies a immédiatement modifié l'orientation de son enquête pour se concentrer sur cette attaque. La disponibilité d'éléments de preuve récents a considérablement facilité les efforts de l'équipe.
L'attaque a déclenché une réaction en chaîne d'activités diplomatiques sans précédent. La ligne rouge à ne pas franchir fixée par les États-Unis, le Canada et d'autres alliés occidentaux avait été si manifestement franchie que le régime syrien, qui craignait des représailles, a décidé de céder son arsenal d'armes chimiques. Pendant que les États-Unis et la Russie négociaient un accord cadre sur l'élimination des armes chimiques de la Syrie, le gouvernement de la Syrie soumettait sa lettre relative à l'accession à la Convention sur les armes chimiques. L'accord cadre conjoint des États-Unis et de la Russie du 14 septembre a dressé un plan de destruction détaillé du Programme des armes chimiques de la Syrie, assorti de délais d'exécution très ambitieux. Les décisions unanimes prises par le Conseil de sécurité de l'ONU, soit la résolution 2118 le 27 septembre, et par le conseil exécutif de l'OIAC ont abouti à la mise en place d'une mission conjointe sans précédent des Nations Unies et de l'OIAC afin d'éliminer l'arsenal d'armes chimiques de la Syrie d'ici le 30 juin 2014.
[Traduction]
On n'insistera jamais assez sur le caractère ambitieux, mais aussi sur les risques associés à cette initiative. Jamais auparavant l'OIAC ou aucun autre organisme n'avaient tenté de procéder à des vérifications ou à des inspections de destruction d'armes chimiques dans une zone de conflit; l'octroi du prix Nobel de la paix à l'OIAC la semaine prochaine est à la fois opportun et bien mérité.
La mission conjointe de l'ONU et de l'OIAC en Syrie a fait de remarquables progrès jusqu'ici dans la mise en oeuvre de l'accord-cadre des États-Unis et de la Russie. Deux des trois principales phases du plan de destruction sont achevées. La première et la deuxième phase consistaient en l'inspection par l'OIAC de l'ensemble des 23 sites d'armes chimiques déclarés par le gouvernement syrien et la destruction de tout équipement essentiel à la production d'armes chimiques dans les installations de mélange et de remplissage déclarées d'ici le 1er novembre. Une seule installation demeure non inspectée en raison des conditions de sécurité à l'échelle locale, mais on croit qu'elle a été précédemment abandonnée et vidée de composants d'armes chimiques par le régime qui les a maintenant déplacés vers d'autres sites aujourd'hui déclarés.
La troisième phase sera la plus ardue. Elle consistera à retirer les agents chimiques du territoire syrien — à la fois en dépit et en raison de la guerre civile qui y sévit —afin de les détruire ailleurs. Ce travail sera réalisé en deux étapes.
Il est prévu que les composés des armes chimiques les plus critiques soient retirés de la Syrie d'ici le 31 décembre. Ces composés seront soumis à un processus de destruction, connu sous le nom d'hydrolyse, à bord d'un navire modifié commandé par les Américains en dehors des eaux territoriales de la Syrie.
Un second lot de précurseurs chimiques de nature moins délicate sera retiré de la Syrie d'ici le 5 février; ces précurseurs chimiques seront détruits dans une installation commerciale à un endroit qui n'a pas encore été déterminé.
L'OIAC a invité des entreprises possédant l'expertise voulue à soumettre une déclaration d'intérêt à détruire le second lot de produits chimiques, de même que les résidus d'hydrolysat du premier lot.
À la clôture de la période de soumissions, 41 entreprises des quatre coins du monde avaient manifesté leur intérêt, y compris, à ce qu'on sache, deux entreprises canadiennes. L'évaluation des propositions, la sélection et le suivi auprès des entreprises retenues seront assurés par le Secrétariat technique de l'OIAC.
Le temps est un élément essentiel: la communauté internationale doit agir rapidement si nous voulons respecter les délais successifs nécessaires pour détruire une fois pour toutes le programme d'armes chimiques de la Syrie.
En octobre, l'OIAC et les Nations Unies ont lancé des appels à la communauté internationale afin que des contributions supplémentaires et nécessaires soient apportées. En octobre, le Canada a répondu à une demande urgente de transport par voie aérienne de 10 véhicules blindés américains pour le transport sécuritaire des équipes d'inspection. Un Globemaster III des Forces aériennes a effectué deux voyages du Maryland jusqu'à Beyrouth pour livrer les véhicules. De nombreux autres pays ont intensifié leurs efforts et apporté d'importantes contributions.
Les Nations Unies et l'OIAC ont toutefois besoin de bien plus. Le fonds de fiducie mis sur pied pour financer les opérations complexes s'épuise rapidement et un grand nombre de contributions en nature sont également nécessaires pour mener à bien la phase de destruction. Mon ministère étudie actuellement des solutions quant aux modalités selon lesquelles le Canada pourrait contribuer davantage à la mission conjointe.
Selon certains, il y aurait un risque qu'en finançant la destruction des armes chimiques en Syrie, la communauté internationale puisse aider, si ce n'est légitimer, le régime Assad. Nous ne sommes pas d'accord.
Il est dans l'intérêt supérieur du peuple syrien, de la région et du monde entier de veiller à ce que ces armes ne puissent être utilisées à nouveau contre quiconque. C'est particulièrement le cas lorsque ces armes sont détenues par un État qui a déjà manifesté sa volonté de les utiliser.
Le fait que le Canada, de concert avec la communauté internationale, s'efforce de veiller à ce que le régime Assad ou ses successeurs éventuels n'aient désormais plus accès à des armes chimiques ne disculpe aucunement le régime Assad d'avoir utilisé des armes aussi répugnantes, et un éventail d'armes conventionnelles, contre sa propre population.
Enfin, une fois que la priorité immédiate, qui consiste à démanteler et à éliminer le programme d'armes chimiques, aura été traitée, la communauté internationale devra s'occuper de la question de la responsabilité pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, y compris l'utilisation d'armes proscrites de longue date par les nations civilisées.
Merci.
:
Je crois effectivement que l'impact sur les enfants est énorme, et c'est une vraie tragédie. Je vais vous citer quelques chiffres.
On rapporte que 11 000 enfants ont été tués. Il s'agit d'enfants identifiés. Ils ont été tués par des engins explosifs et des armes.
Cinq mille des 22 000 écoles en Syrie sont fermées ou endommagées. Comme vous l'avez souligné, les réfugiés syriens ont de la difficulté à avoir accès à de l'éducation pour leurs enfants et 1,9 million des 5,4 millions d'enfants en Syrie ne vont pas à l'école.
Comme vous le dites, on risque vraiment de perdre toute une génération. C'est une situation qui nous préoccupe beaucoup, car nous voulons nous assurer que nos programmes ciblent les besoins particuliers de cette génération. À cette fin, nous utilisons plusieurs approches différentes.
Dans le cadre de nos programmes, nous travaillons avec des organisations comme UNICEF et Aide à l'enfance qui ont pour mandat d'intervenir auprès des enfants, notamment en matière d'éducation, mais aussi en matière de counselling psychologique, et de soutenir les enfants non accompagnés. Comme je l'ai souligné, le nombre d'enfants non accompagnés est plutôt imposant. Nous nous tournons vers les organisations qui ont ce genre de mandat et qui peuvent offrir des services psychologiques et médicaux, autrement dit tous les services que l'on pourrait offrir au Canada aux enfants traumatisés par la violence.
UNICEF a mené une étude et amorcé une initiative que nous étudions attentivement. Nous discutons régulièrement avec l'organisation afin de trouver une façon d'élargir l'initiative et de réagir à cette possible perte d'une génération. UNICEF a développé une stratégie qui s'appuie sur la participation d'intervenants régionaux pour régler ce problème régional et tente de définir les points d'intervention — éducation, services médicaux et autres — qui permettraient à la communauté internationale d'unir ses efforts et d'intervenir.
Pour répondre à votre question, comme je l'ai souligné, c'est toute la région qui est touchée, pas seulement la Syrie. Dans la région, la plupart des efforts sont menés par l'UNHCR, l'organisme responsable de la protection des réfugiés. Bien entendu, l'organisme travaille avec différents intervenants ainsi qu'avec les gouvernements locaux. Je dois dire qu'ils ont offert énormément de soutien et qu'ils ont accueilli des enfants de la région dans leurs écoles, même s'ils ont déjà de la difficulté à satisfaire les besoins de leurs propres citoyens et que cette ouverture ajoute aux pressions avec lesquelles ils doivent composer.
Nous surveillons attentivement cette initiative de l'UNICEF ainsi que le plan très détaillé qui se définit. C'est sur ces éléments que nous nous appuierons au cours des prochaines semaines pour ajuster notre intervention en conséquence.
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Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a le mandat international de répondre à ce genre de crises. C'est un de nos principaux partenaires, mais nous faisons appel à divers autres partenaires qui ont l'expertise dans ce type de situations et qui ont fait leurs preuves au fil du temps.
Au sein de l'ONU, nous avons fourni 50 millions de dollars au Programme alimentaire mondial. L'aide alimentaire représente un des principaux soutiens. Nous avons versé plus de 27 millions de dollars au UNHCR au cours de cette année.
Je pourrais vous expliquer les types de services que donne le haut commissariat. Vous avez sûrement constaté le soutien que reçoivent les réfugiés syriens en Jordanie, puisque vous y êtes allé. Je suis heureux d'en parler avec vous. Le UNHCR va procéder à l'inscription de tous les réfugiés. Il va évaluer leurs besoins et ceux de leurs familles au cas par cas, en fonction de la vulnérabilité, par exemple, pour adapter l'aide en matière d'éducation, d'alimentation, de soutien du revenu, etc. Notre approche de filet social vise à leur fournir une aide adéquate.
Il y a aussi une série d'autres groupes communautaires et d'ONG internationales ainsi que la Croix-Rouge, qui travaillent de concert. Compte tenu de l'ampleur et de l'évolution rapide de la crise, nous avons renforcé notre soutien. En général, nous nous tournons vers le haut commissariat pour coordonner l'aide à fournir.
En raison de l'ampleur et de l'évolution rapide de la crise dans le cas présent, nous avons dû renforcer le soutien accordé à diverses ONG internationales, comme Aide à l'enfance, Vision mondiale, CARE Canada et Handicap International. Ces organisations mettent à profit leurs capacités particulières.