:
La sonnerie d'appel se fera entendre à 17 h 15 pour un vote à 17 h 45. Si nous finissons d'entendre le second groupe à 17 h 15, nous essaierons peut-être de prendre cinq minutes à ce moment-là. Nous devrons le faire à huis clos. Nous allons essayer de faire cela.
Accueillons maintenant nos témoins d'aujourd'hui. Nous avons avec nous M. Matthew Levin, directeur général, Direction générale de l'Europe et de l'Eurasie. Soyez le bienvenu, monsieur. Je crois que vous serez le premier à prendre la parole.
Nous avons ensuite M. David Metcalfe, directeur général, Europe, Moyen-Orient et Maghreb, Développement. Soyez le bienvenu, Dave.
Nous accueillons également Mme Tamara Guttman, directrice générale du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction. Soyez la bienvenue, Tamara. Comme je l'ai dit, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer lorsque vous étiez ambassadrice à Budapest. Je suis heureux de vous revoir ici avec nous.
Nous avons aussi parmi nous M. Bennett, ambassadeur du Bureau de la liberté de religion. Nous sommes heureux de vous revoir. Vous étiez avec nous il n'y a pas si longtemps, et nous vous remercions d'être ici également. Vous serez le troisième à prendre la parole.
Nous allons commencer, car nous n'avons pas beaucoup de temps.
Monsieur Levin, nous allons commencer par vous. La parole est à vous.
:
Merci à vous, monsieur le président, et à tous les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui pour parler de la situation qui ne cesse d'évoluer en Ukraine, un pays d'une très grande importance pour le Canada, comme vous le savez tous.
Comme vous avez déjà présenté les personnes qui vont témoigner, je ne les présenterai pas de nouveau.
[Français]
Je ferai d'abord une déclaration préliminaire. Par la suite, je céderai la parole à M. Metcalfe et à l'ambassadeur Bennett.
[Traduction]
Nous sommes également accompagnés aujourd'hui de Mme Tamara Guttman, directrice générale du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, ou START, au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, ainsi que de M. Mike MacDonald, directeur général de la gestion opérationnelle et de la coordination à Citoyenneté et Immigration Canada. Mme Guttman et M. MacDonald ne prendront pas la parole, mais ils pourront répondre aux questions des députés après les exposés.
Le Canada et le peuple de l'Ukraine entretiennent depuis longtemps des liens privilégiés, compte tenu de la place importante qu'occupe la communauté canado-ukrainienne au Canada. Depuis 1991, lorsque les Ukrainiens se sont libérés du joug de l'Union soviétique, ces liens privilégiés ont été déterminants dans le rôle de premier plan qu'a joué le Canada en appuyant la nouvelle Ukraine indépendante. Nous avons été le premier pays de l'Occident à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine. Les Canadiens avaient alors bon espoir que l'Ukraine devienne un pays démocratique, stable et prospère.
[Français]
Afin d'aider le pays à atteindre ces objectifs, le gouvernement du Canada a investi plus de 410 millions de dollars sous forme d'aide au développement. En 2014, nous y consacrerons 20 millions de dollars de plus pour soutenir la démocratie et favoriser la croissance économique.
[Traduction]
Les parlementaires canadiens déploient aussi des efforts importants pour aider l’Ukraine. Bon nombre de députés et de sénateurs se sont rendus en Ukraine à titre d’observateurs électoraux, dans le cadre de délégations parlementaires, ou encore à titre indépendant. Cette réunion et le débat exploratoire qui se tiennent aujourd’hui témoignent de l’importance que les parlementaires attachent à l’Ukraine.
La diaspora ukrainienne au Canada apporte aussi un soutien indispensable à la collaboration du Canada avec l’Ukraine. Environ 1,3 million de Canadiens sont de descendance ukrainienne. Leur expertise, leur passion et leur dévouement sans pareil nous aident à adapter nos politiques pour que celles-ci s’avèrent bénéfiques au plus grand nombre possible de personnes.
Toutefois, malgré tous ces investissements des Canadiens au cours des 22 dernières années, l’Ukraine a connu un parcours tortueux après son indépendance. La déception a pris le pas sur l’enthousiasme suscité par la Révolution orange de 2004. Sous la présidence de Viktor Ianoukovitch, la démocratie a poursuivi son recul en Ukraine. C’est ainsi qu’il a fait emprisonner l’ancienne première ministre, Mme Ioulia Timochenko. Les amendements constitutionnels lui conféraient davantage de pouvoirs, au détriment du premier ministre et du Parlement.
En novembre dernier, l’Ukraine semblait cependant sur le point d’amorcer un nouveau virage. Le président Ianoukovitch a alors annoncé qu’il signerait un accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne. Le Canada a fortement encouragé l’Ukraine à signer cet accord. Il s’agissait selon nous d’une occasion décisive pour l’Ukraine d’ancrer son identité européenne, de mettre en oeuvre des réformes importantes et de renforcer la démocratie et la primauté du droit.
Dans le cadre de cet accord, Mme Timochenko aurait été autorisée à se faire soigner en Allemagne. Le gouvernement canadien avait demandé à maintes reprises qu’elle puisse recevoir un traitement médical approprié. Le Canada a envoyé une équipe de médecins canadiens chargés d’examiner son état de santé. Nous avons rencontré sa fille ainsi que son avocat, et un représentant de l’ambassade canadienne a assisté à toutes les journées d’audience. Entre-temps, une délégation de parlementaires canadiens s’est rendue à Kharkiv pour tenter de la rencontrer personnellement en prison.
Toutefois, une semaine seulement avant la signature de l’accord d'association avec l'Union européenne, le président Ianoukovitch a soudainement changé d’avis; il s'est tourné vers la Russie et a accepté des mesures d'aide financière. Une majorité importante d’Ukrainiens souhaitaient que le président agisse afin que le pays se tourne vers l’Ouest, vers l’Europe.
[Français]
Cette décision a provoqué des manifestations de masse. Dans la ville de Kiev, des centaines de milliers d'Ukrainiens sont descendus dans les rues.
[Traduction]
Le gouvernement du président Ianoukovitch a riposté par la violence. Il a adopté des lois répressives. Des manifestants ont été menacés, battus, enlevés, voire tués. Des prêtres ont été intimidés. En une seule semaine d’horreur, au moins 82 Ukrainiens ont été tués, et des centaines d’autres ont été blessés.
Face à ce mépris consternant de la vie humaine, le Canada a agi avec fermeté et détermination. Nous avons plaidé clairement, de manière soutenue et avec force en faveur de la démocratie, de la primauté du droit et du droit de manifester pacifiquement en Ukraine. Nous avons vigoureusement dénoncé le meurtre de manifestants sur la place Maïdan et les autres violations perpétrées par le régime Ianoukovitch.
En novembre, le ministre Baird s’est rendu personnellement à Kiev afin de démontrer l'appui du Canada aux manifestants. Il y a également dépêché l’ambassadeur du Canada pour la liberté de religion, M. Bennett, qui est ici avec nous aujourd’hui.
[Français]
Le Canada a aussi pris des mesures concrètes contre les responsables des actes de violence.
[Traduction]
Après la mort des premiers civils, le a annoncé, de concert avec le , que les responsables ukrainiens impliqués dans la répression et la violence ne seraient plus les bienvenus au Canada.
De même, la semaine dernière, après la dernière et horrible vague de violence, le a annoncé un élargissement de l’interdiction de voyager afin d’empêcher les hauts fonctionnaires du gouvernement ukrainien et d’autres individus ayant une responsabilité politique dans le recours à la violence d’entrer au Canada. Le a également annoncé que le Canada imposerait des sanctions économiques au régime Ianoukovitch et à ses partisans.
Outre ces mesures punitives, le Canada a consacré des millions de dollars à des projets en Ukraine au profit de la société civile, des militants pour la démocratie et des médias indépendants. Nous avons aidé des organisations religieuses menacées. Nous avons offert des soins médicaux d’urgence et une aide juridique aux manifestants.
Fort heureusement, la tentative du président Ianoukovitch de mettre fin à la démocratie a échoué. Les citoyens ukrainiens, faisant preuve d’une bravoure et d’une résilience remarquables, ont vaincu l’oppression et ont repris le contrôle de leur destinée. L’autorité du président Ianoukovitch s’est effondrée. Il a fui Kiev et abandonné ses résidences luxueuses en même temps que la présidence du pays.
[Français]
Au cours de séances extraordinaires tenues en fin de semaine dernière, le Parlement a voté en faveur de la restauration de la Constitution de 2004, de la tenue de nouvelles élections en mai et de la libération de Mme Timochenko. Le Parlement a expulsé les ministres du gouvernement et les dirigeants des services de sécurité, qui étaient responsables de la répression et de la violence. Il a également voté en faveur de la destitution de Viktor Ianoukovitch. Un mandat d'arrestation a été lancé contre lui.
[Traduction]
Le Canada a eu le privilège de soutenir le peuple ukrainien pendant cette période d’adversité. Nous saluons la nomination d’un gouvernement provisoire et la libération de Mme Ioulia Timochenko.
Nous collaborerons étroitement avec le nouveau gouvernement, l’opposition et les dirigeants du mouvement de contestation de la Maïdan afin de contribuer à bâtir une Ukraine unie, démocratique et prospère qui recueille les fruits d’une saine gouvernance et de la primauté du droit. Le Canada exhorte toutes les parties à soutenir l’unité nationale ukrainienne et à respecter son intégrité territoriale.
Nous continuons d’encourager l’Ukraine à signer un accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne. Nous appuyons la mise en oeuvre d’un programme substantiel du FMI, assorti d’une importante réforme. Nous calibrons notre financement de 20 millions de dollars par année dans des programmes de développement afin de soutenir le rétablissement de la démocratie et de favoriser la croissance économique en Ukraine.
En signe de son engagement personnel et de celui du gouvernement, le sera de nouveau à Kiev demain pour y rencontrer les dirigeants du nouveau gouvernement et de l’opposition et rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la démocratie en Ukraine.
[Français]
J'aimerais maintenant céder la parole au directeur général du développement en Europe et au Moyen-Orient, M. Dave Metcalfe, qui vous parlera plus avant du programme canadien visant à soutenir la démocratie et à favoriser la croissance économique en Ukraine.
[Traduction]
Monsieur le président, je vous remercie de nouveau d'avoir invité les représentants du ministère à cette audience. C'est avec plaisir que mes collègues et moi répondrons à vos questions au terme de nos exposés officiels.
Merci.
:
Monsieur le président et honorables députés, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de parler du programme d'aide au développement du Canada et de son rôle face à la situation actuelle.
Grâce à son programme d'aide au développement, le Canada continue, comme il l'a fait durant les deux dernières décennies, de soutenir la transition économique et démocratique de l'Ukraine. Notre soutien est basé sur une vision à long terme, mais occasionnellement, des actions à court terme sont nécessaires.
[Traduction]
Matthew a mentionné que notre réponse, dans l’immédiat, a consisté en des soins médicaux d’urgence pour les personnes blessées lors des troubles civils. Le Canada a fourni une aide à la Croix-Rouge ukrainienne afin de former 500 secouristes bénévoles et d’établir des postes de premiers soins pour traiter les blessés. Le Canada n'a pas tardé non plus à fournir de l’aide juridique aux activistes pour la démocratie inculpés par l’ancien gouvernement.
Pour l’avenir, nous devons continuer de nous concentrer sur les élections présidentielles et les élections municipales de Kiev, toutes deux prévues pour le 25 mai prochain. Après plusieurs élections douteuses au cours des dernières années, les Ukrainiens aujourd’hui exigent, et méritent, des élections propres, avec des règles de jeu équitables, des choix réels et une concurrence réelle. Nous travaillons avec des pays d’optique commune et des partenaires locaux pour soutenir l’Ukraine afin d’aborder des questions importantes concernant le processus électoral, telles que la sécurité du scrutin et la prévention de la fraude.
Le Canada a toujours été un chef de file quant à la promotion d’élections libres et équitables en Ukraine, entre autres par le soutien de la plus importante mission d’observation d’élections lors des élections parlementaires en 2012, qui comptait 500 observateurs canadiens. En étroite collaboration avec leurs partenaires internationaux, les observateurs canadiens ont joué un rôle crucial pour repérer les cas de fraude électorale et toute mauvaise utilisation des ressources publiques. Nous savons à quoi nous en tenir pour la prochaine fois.
Des élections libres, un système judiciaire indépendant, une société civile solide et des médias libres: voilà des éléments essentiels à la démocratie, où les prises de décisions responsables et transparentes sont la norme et où les personnes et leurs droits sont respectés et protégés. Tous ces éléments sont pris pour cible en Ukraine, et le Canada a réagi.
Le Canada déploie beaucoup d’efforts pour apporter une aide aux juges et aux avocats qui sont en faveur de la réforme et pour améliorer l’accès des citoyens ukrainiens ordinaires au système de justice. Avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe — l’OSCE —, le Canada formera des juges pour qu’ils appliquent les lois européennes sur les droits de la personne dans leurs salles d’audience. Un nouveau projet aidera l’Ukraine à donner accès à l’aide juridique aux personnes les plus vulnérables, afin qu’elles puissent elles aussi bénéficier du système de justice.
Comme vous le savez, les bureaux de certains médias indépendants en Ukraine ont été pris pour cible durant les dernières semaines. Dans le cadre d’un projet récemment approuvé, le Canada aidera les journalistes locaux à produire des rapports d’enquête et à les diffuser au moyen des médias sociaux et des postes de télévision régionaux. Nous examinons actuellement d’autres possibilités afin d’appuyer les médias indépendants.
Pour l’avenir, c’est clair que l’Ukraine aura besoin d’assistance durant la transition économique difficile qui l’attend. Ensemble avec nos partenaires internationaux, nous travaillerons avec le FMI et d’autres institutions financières internationales pour soutenir l’Ukraine au moment où elle s’engagera sur le chemin de la réforme. Grâce au programme d’aide au développement, le Canada finance déjà l’assistance technique du FMI en Ukraine pour la modernisation de la réglementation bancaire et de la politique monétaire.
J’aimerais terminer en soulignant l’engagement de longue date du Canada à l’égard des Ukrainiens de toutes les régions. Dans le cadre de nos activités de développement, nous collaborons avec des citoyens, des organisations de la société civile, des exploitants agricoles, des entreprises et des fonctionnaires dans toutes des régions de l’Ukraine — à l’est, à l’ouest et au sud. Nous sensibilisons les gens aux approches canadiennes de la gouvernance locale, de la consultation des citoyens, de l’imputabilité, des petites entreprises et de la démocratie. Dans le cadre de nos programmes, nous facilitons la communication et la compréhension entre les gens de ces différentes régions et nous les aidons à établir des règles efficaces, ouvertes, transparentes et responsables.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions au sujet de l'aide au développement que le MAECD fournit à l’Ukraine.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, messieurs les vice-présidents, distingués membres du comité. C’est un honneur de comparaître à nouveau devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Aujourd’hui, je vais parler des activités du Bureau de la liberté de religion visant à promouvoir la liberté de religion en Ukraine et des mesures que nous avons prises pour améliorer la situation à cet égard.
Mes voyages à Kiev au cours du dernier mois m’ont permis de constater directement la situation en Ukraine, particulièrement celle relative à certaines églises. Durant mon bref séjour, deux constats majeurs se sont imposés.
Les églises jouent un rôle extrêmement important dans la promotion d’un dialogue pacifique et elles agissent comme agents de changement en Ukraine, mais leur capacité d’agir librement est de plus en plus menacée ces derniers mois. Ma rencontre avec Sa Béatitude le patriarche Sviatoslav, chef de l'Église catholique grecque ukrainienne, en a fourni un exemple particulièrement éloquent. Il a décrit en détail les tentatives d’intimidation du gouvernement Ianoukovitch envers l’Église catholique grecque ukrainienne et les menaces que celui-ci a fait planer de retirer à cette église l’autorisation d’exercer ses activités à titre d’organisation religieuse légitime, simplement en raison de sa présence à l’EuroMaïdan.
Il m’a fait part des menaces répétées que les services secrets ukrainiens brandissent contre les membres de son clergé et les organisations confessionnelles comme l'Université catholique ukrainienne à Lviv, et m'a expliqué jusqu’à quel point le président Ianoukovitch a fait fi de ses tentatives pour initier le dialogue.
Nous craignons que cette situation ne fasse que s’aggraver si nous ne prenons pas, très bientôt, des mesures. Nous nous inquiétons surtout de la normalisation des relations entre l'Église et l'État en Ukraine, étant donné le rôle des églises et des autres groupes confessionnels dans la société ukrainienne.
Notre bureau s’est rapidement mobilisé pour rencontrer des intervenants externes et des personnes-ressources du ministère afin de discuter des possibilités d'engagement sur le territoire ukrainien, à l'est et à l'ouest. Nous continuons de participer activement au Groupe de travail sur l’Ukraine, qui est composé des collègues du volet Développement et du volet Affaires étrangères, et nous avons pris des mesures concrètes afin de mettre sur pied des programmes adaptés en fonction des consultations.
Nous avons également organisé une discussion stratégique fructueuse avec des organisations canado-ukrainiennes dans le but de déterminer comment orienter ces programmes de façon à en maximiser les résultats sur le terrain.
De plus, nous avons tenu des consultations avec des ONG polonaises qui oeuvrent activement en Ukraine, qui offrent une expertise régionale et qui seront des partenaires précieux durant la mise en oeuvre de nos programmes.
Sachez que j'ai récemment participé à des réunions à Washington, et nombre d'entre elles portaient sur la situation en Ukraine et les divers efforts réalisés par certains membres des ONG là-bas.
En terminant, j’aimerais souligner à nouveau l’urgence d’agir. Il faut préserver les droits fondamentaux des citoyens, y compris le droit à la liberté de religion. Je suis cependant convaincu que le ministère et notre bureau peuvent aller de l’avant pour élaborer une stratégie vigoureuse et contribuer à la transition démocratique en Ukraine, dans le cadre de laquelle les églises et autres groupes confessionnels joueront un rôle important.
Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître à nouveau devant le comité, monsieur le président. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Merci monsieur le président de nous avoir invités à prendre la parole.
Je voudrais dire quelques mots sur la Chambre de commerce Canada-Ukraine afin que vous en connaissiez l’historique.
La chambre est une initiative du secteur privé et œuvre à faciliter les relations entre l’Ukraine et le Canada en organisant et en parrainant des missions commerciales, des séminaires et des conférences commerciales, en plus de donner aux milieux des affaires canadiens et ukrainiens accès à des secteurs spécifiques d’expertise opérationnelle et à des services d’experts-conseils.
Je voudrais dire à M. Goldring que les réserves ukrainiennes de gaz de schiste d’environ 42 billions de pieds cubes, ce qui est considérable, sont les troisièmes plus importantes en Europe. Des compagnies telles que Chevron, Exxon et Shell négocient actuellement des accords commerciaux pour la production, c’est comme si l’on hypothéquait les ressources afin de réaliser des projets.
Aujourd’hui, je voudrais plus ou moins parler des besoins économiques et financiers des provinces d’Ukraine.
Premièrement, j’attire votre attention sur les conditions d’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en tant qu’État non détenteur d’armes nucléaires. Comme vous le savez, le président Clinton, le président Eltsine et le premier ministre Major ont signé ce traité en décembre 1994 à Budapest. Ce faisant, les trois pays ont garanti, et c’est ce qui est important, la liberté économique de l’Ukraine et la non-ingérence dans ses affaires économiques.
Comme vous l’avez sans doute appris il y a quelques jours, la Russie a une fois de plus bloqué les importations de porc ukrainien. Beaucoup d’autres importations avaient été déjà prohibées. Le Canada devrait, bien sûr, rappeler aux trois pays, Russie, États-Unis et Royaume-Uni, ce qu’ils ont signé et les garanties qu’ils ont offertes à l’Ukraine. Je souhaite que le Canada exerce des pressions en la matière.
La Russie est aussi membre de l’OMC maintenant et doit respecter ses engagements. Le Canada doit également adopter une position ferme sur cette question. Les Russes ne peuvent tout simplement pas faire ce que bon leur semble en Ukraine.
Deuxièmement, l’Ukraine est essentiellement revenue à la case départ et entame le très difficile processus de restructuration de son gouvernement et des organismes gouvernementaux. Le Canada peut jouer un rôle crucial en offrant des conseils à l’Ukraine sur le plan de la rationalisation de ces organismes et du respect des normes occidentales et en envoyant des consultants et des conseillers qui travailleraient avec les ministères et les divers organismes gouvernementaux pour réformer des politiques et en élaborer de nouvelles. L’Ukraine a besoin de l’engagement concret du Canada.
L’une des raisons de l’échec du gouvernement de Ioutchenko après la révolution orange est que ce gouvernement n’avait ni conseillers ni consultants pour l’aider. N’oublions pas que l’Ukraine a été durant de longues années sous le régime soviétique et qu’elle n’a malheureusement pas autant d’experts dans ces domaines qu’on pourrait le croire.
Troisièmement, l’Ukraine a absolument besoin d’un plan d’aide financière qui pourrait être calqué sur le plan Marshall. Il est nécessaire que des partenaires occidentaux tels que l’UE, les États-Unis, le Canada et le Fonds monétaire international interviennent immédiatement.
L’Ukraine a été pratiquement ravagée par le régime de Ianoukovitch et le pays est en faillite. L’économie s’effondre et la monnaie est en chute libre. Par exemple, aujourd’hui, la devise a clôturé à 10,5 hryvnias pour un dollar, alors qu’il y a deux semaines elle était d’environ 8 hryvnias pour un dollar.
Selon les estimations du nouveau gouvernement, l’Ukraine aura besoin d’une aide financière de 30 à 35 milliards de dollars. Cette aide sera bien sûr liée à des réformes claires et convenues. Par ailleurs, l'économie doit être modernisée pour devenir concurrentielle. L'aide offerte permettra aussi à l’Ukraine de survivre à l’embargo et aux représailles économiques russes, particulièrement dans le secteur énergétique.
Dans le cadre de ce plan, le Canada doit jouer le rôle d'ambassadeur et de bailleur de fonds visible.
Au cours des deux prochaines années, l’Ukraine va vendre environ 2 milliards de dollars d’obligations. Je crois que la moitié de ce montant sera versée au FMI. Il faut que le FMI restructure le plus tôt possible cette dette.
Pour ce qui est du soutien à la stratégie économique, dans le cadre des efforts visant à renforcer l’économie de l’Ukraine, nous demandons au gouvernement canadien d’envisager la mise sur pied d’un groupe de réflexion ou d’un conseil consultatif qui conseillerait le gouvernement ukrainien sur les réformes économiques devant être mises en œuvre. Des organisations, telles que l’ACDI, sont actives en Ukraine. Nous croyons toutefois que l’ACDI ne devrait pas se limiter au domaine civique. L’agence devrait aussi s’intéresser au développement des petites et moyennes entreprises, ce qui permettra de promouvoir l’agrandissement de la classe moyenne ukrainienne qui est pratiquement inexistante. Il y a d’un côté des oligarques et de l’autre énormément de pauvres.
Il y a environ un an ou un an et demi, nous avons parlé à des représentants de l’ACDI et un appel de propositions devait être lancé pour élaborer un programme visant le développement des petites et moyennes entreprises, mais rien n’a encore été fait. J’estime qu’il est temps de lancer un tel appel de propositions et de le faire le plus rapidement possible.
La Chambre de commerce Canada-Ukraine pourrait y participer. Notre organisation compte plus de 110 spécialistes en affaires dont un tiers travaillent actuellement au Canada et en Ukraine. Ils connaissent donc la situation dans les deux pays et pourraient s’avérer très utiles pour développer ce programme en collaboration avec l’ACDI.
Enfin et surtout, mesdames et messieurs, je suis allé plusieurs fois à la place Euromaïdan. J’étais aux barricades et j’ai vu les gens qui y étaient. Comme vous le savez, un grand nombre d’entre eux ont perdu la vie pour une Ukraine libre et démocratique.
Ne permettons pas à la Russie d’acheter une nouvelle fois l’Ukraine pour 15 milliards de dollars comme elle a presque réussi à le faire et de supprimer toutes les personnes de bonne volonté qui luttent pour la liberté.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Le peuple ukrainien a payé un prix exorbitant pour sa liberté. Il a protégé ses droits inaliénables au prix de vies humaines. Les nouvelles autorités ont la responsabilité de justifier la confiance que les gens réunis sur la place Maïdan ont placée en elles.
Le Congrès ukrainien canadien incite fortement les nouvelles autorités d'Ukraine à consulter les dirigeants de la société civile à mesure que la situation évolue. Nous faisons remarquer que le cours de l'histoire de l'Ukraine se décidera dans les jours, les semaines et les mois à venir. L'établissement d'un nouveau gouvernement n'est que le début du processus d'édification d'un pays libre et démocratique, et bien du travail et des défis nous attendent.
Le Congrès ukrainien canadien et la communauté ukrainienne du Canada sont prêts à accorder leur soutien au peuple d'Ukraine à ce point tournant de son histoire.
Je crois comprendre que les témoins précédents ont fourni beaucoup d'information; j'aimerais donc me montrer très concret dans mes propos. J'ai une douzaine de recommandations sur ce qui peut être fait pour aider à bâtir l'Ukraine.
Je crois d'abord qu'il faut créer un gouvernement qui sera inclusif et acceptable pour la vaste majorité des Ukrainiens, ce qui fait suite au point soulevé précédemment par M. Goldring et d'autres intervenants. Il sera nécessaire de stabiliser immédiatement l'agitation politique en Crimée et de normaliser les relations avec la Russie. Les échanges commerciaux de l'Ukraine avec la Russie s'élèvent à 30 milliards de dollars par année, alors que ceux avec l'Union européenne totalisent 40 milliards de dollars, et il n'y a pas à choisir entre les deux. Bien franchement, le fait que le Kremlin ait menacé de fermer ses portes aux exportations de l'Ukraine quand cette dernière a indiqué son souhait de signer un accord avec l'Union européenne est la même chose que si les Américains avaient arrêté à la frontière toutes les exportations venant du Canada quand le a signé l'accord commercial avec l'Union européenne. Cela ne tient pas debout.
Nous considérons que le régime fiscal de l'Ukraine doit être réformé afin de lui conférer une certaine progressivité. À l'heure actuelle, la plupart des investissements financiers directs d'Ukraine viennent de Chypre, un paradis fiscal que les gens utilisent pour acheminer des fonds et siphonner de l'argent de l'État et de leurs propres entreprises pour éviter de payer de l'impôt. En 2012, la dernière année sur laquelle j'ai des statistiques, ce stratagème a atteint 40 milliards de dollars.
Les nouvelles autorités devront trouver des fonds pour s'assurer que le secteur public continue d'être payé. Nous parlons d'infirmières, de médecins, d'enseignants, de soldats, des forces armées et de la police. C'est une bonne pratique opérationnelle. Tout d'abord, c'est important pour assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement, comme on aime le dire au Canada, mais c'est aussi très important pour mettre fin à la corruption endémique qui fait qu'on ne peut obtenir des soins de santé ou convaincre la police de la route de nous laisser partir à moins de verser un pot-de-vin. C'est certainement une question à laquelle il faut s'attaquer.
L'Ukraine doit mettre un frein à la corruption tentaculaire, et nous devons l'aider à agir rapidement et stratégiquement. Il faut accorder la priorité au système judiciaire et aux oligarques, mais aussi l'approche descendante où personne n'échappe à la portée de la loi.
En ce qui concerne la réforme agraire, l'Ukraine impose encore un moratoire sur l'achat de terres agricoles et devra étudier très soigneusement la question pour voir comment elle réglera cette situation dans l'avenir. Nombreux sont ceux qui considèrent ces terres comme des sources possibles de revenus.
M. Ianoukovitch, lors d'un voyage effectué au cours de la troisième semaine de décembre, a conclu un accord avec les Chinois pour louer 5 % des meilleurs sols noirs du monde pour une très longue période. Or, il faut éviter que les Ukrainiens n'hypothèquent leur avenir en échange de gains économiques immédiats.
Au chapitre de la privatisation, rien ne presse. La dernière initiative de privatisation a donné lieu à de nombreux arrangements entachés de corruption. Particulièrement maintenant, dans une période de difficultés financières, on pourrait avoir tendance à ne pas obtenir la valeur optimale pour des biens stratégiques.
Nous croyons qu'il faut adopter une approche concrète non seulement pour la signature de l'accord d'association, mais également pour l'adhésion à long terme de l'Ukraine à l'Union européenne une fois qu'elle aura renforcé ses secteurs agricoles et industriels. Il faut également prévoir une période de réconciliation nationale. C'est très difficile, et nous avons tous vu les images de ce qui se passe dans la rue depuis des jours et des mois. Les Ukrainiens devront se serrer les coudes pour concrétiser ce projet national.
En ce qui concerne enfin l'aide technique, nous avons parlé avec les autorités de transition en Ukraine, qui nous ont indiqué que les besoins étaient immenses. Les échelons supérieurs de la fonction publique du pays sont occupés par des amis du régime et des gens incapables d'accomplir les tâches qui leur ont été confiées. Les employés des ministères à vocation économique ne savent pas ce qu'ils font et ont vraiment besoin d'aide dans un certain nombre de domaines. À mon avis, le Canada pourrait offrir une aide substantielle dans des domaines comme l'élaboration de bonnes politiques monétaires et fiscales, la réforme agraire et la formation des hauts fonctionnaires et de la police. Les berkouts, ces unités spéciales de maintien de l'ordre, ont été dissous et remplacés par une force de police qui partage les valeurs et l'éthique des gens qu'elle protège et qui a pour mandat de représenter et de protéger le peuple.
Enfin, que peut faire le Canada à long terme? Je serais d'accord avec ce que mon collègue, M. Potoczny a dit sur les mesures d'aide internationale. Le Canada pourrait également signer un accord de libre-échange avec l'Ukraine, parce que je pense que le commerce constitue une des meilleures garanties d'un avenir meilleur pour nos deux pays; libéraliser le régime de visa entre nos pays; et continuer à court terme de fournir de l'aide humanitaire et une aide médicale bien nécessaire.
Merci.
:
Messieurs, merci beaucoup de comparaître et de nous faire part de vos commentaires et de votre savoir.
Monsieur Potoczny, sachez que Vitaliy Milentyev, votre représentant en Alberta, est mon cousin, et qu'il m'a gardé informé de ce qui se passe. Je tenais simplement à l'en remercier.
Nous comprenons tous ce qui se passe. Je viens d'apprendre, par exemple, que des députés russes ont été dépêchés en Crimée, où ils parlent à la télévision d'un processus accéléré d'obtention de la citoyenneté russe et s'adonnent à d'autres formes d'ingérence.
La Russie ne s'en ira pas. Le Canada devrait-il jouer un rôle de médiateur afin de rallier la Russie à l'Union européenne afin de créer, une fois pour toutes, un pays libre et démocratique avec le soutien de la Russie, sans que cela ne constitue une menace pour cette dernière? Autrement dit, dans l'intérêt de tous, faudrait-il faire intervenir la Russie et l'Union européenne afin de créer une fois pour toutes, comme je l'ai dit, un pays libre et démocratique capable de fonctionner dans l'Union européenne tout en gardant des liens de partenaire économique avec un pays comme la Russie? Si c'est le cas, le Canada devrait-il déployer davantage d'efforts pour réunir les diverses parties?
Nous ne voulons pas que ce conflit tourne en combat géopolitique ou en terrain de bataille entre l'Occident et la Russie. Il ne faut pas que cela arrive. C'est une question que j'ai à l'esprit depuis quelques jours et je suis heureux de pouvoir vous la poser.
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L'Ukraine recèle certainement un immense potentiel en énergie. Comme je l'ai indiqué, elle renferme les troisièmes réserves de gaz de schiste en importance d'Europe et a un énorme potentiel au chapitre du gaz naturel sur la mer Noire et la mer d'Azov. Le problème, qui, je l'espère, va maintenant disparaître, c'est qu'on parle depuis 20 ans de ce potentiel immense sans rien faire pour l'exploiter. J'assiste chaque année aux conférences sur l'énergie tenues en Ukraine, au cours desquelles les ministres parlent du potentiel depuis maintenant 20 ans, mais personne ne fait quoi que ce soit. Cette situation est principalement attribuable au fait que tous les ministres, y compris le président Yanukovych, ont toujours voulu obtenir une participation dans chaque projet envisagé; comme ils n'ont pas obtenu ce qu'ils désiraient, rien ne s'est passé.
Aujourd'hui encore, quand Shell, Chevron et Exxon concluent des accords de coproduction avec l'Ukraine, un examen attentif des accords permet de constater que c'est habituellement le gouvernement ukrainien d'un côté, la société pétrolière de l'autre, toujours avec une participation de 5, 7 ou 8 % pour une petite entreprise entre les deux. Il s'agit habituellement d'entreprises ayant des liens avec Yanukovych, sa famille et ses amis. C'est la principale raison pour laquelle rien ne bouge: ils négocient toujours pour obtenir 10 ou 15 % avant d'autoriser le projet.
J'espère que maintenant, le nouveau gouvernement prendra enfin au sérieux cette facette des affaires ukrainiennes, parce que si l'Ukraine met réellement en valeur les ressources qu'elle possède, elle ne dépendra plus de la Russie pour régler son principal problème: l'énergie. Ce sera alors la Russie qui dépendra de l'Ukraine, parce qu'elle doit encore passer par ce pays pour expédier ses produits. Pour l'instant, malheureusement, quand on achète 70 % de son énergie d'un seul pays, c'est-à-dire la Russie, comme vous l'avez vu précédemment, ce pays peut fermer le robinet, particulièrement quand cela se produit en hiver, pour une raison quelconque. On n'a alors pas d'autre choix que de faire tout ce qu'il demande.
Je dirais donc que la principale raison, c'est la corruption et le fait qu'essentiellement, le gouvernement n'autorise pas les entreprises à travailler librement pour exploiter les ressources.
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Permettez que je prenne un moment pour communiquer certains renseignements, parce que je suis préoccupée par certains éléments qui viennent d'être mis en relief dans le témoignage.
Je pense qu'il importe, pour le comité et les Canadiens qui nous écoutent, de savoir que le Canada est très présent en Ukraine depuis un certain nombre d'années. C'est un pays d'action convergente pour l'aide au développement que nous fournissons. Je tiens simplement à souligner certains de nos projets en cours, actuellement, en Ukraine.
L'Institut de science appliquée et de technologie de la Saskatchewan travaille là-bas avec des microentreprises et des PME, et 14 000 étudiants sont censés en profiter. Une proportion importante de cet argent vise à aider les femmes à faire démarrer leur entreprise.
Je tiens aussi à souligner un projet des Mennonite Economic Development Associates, qui vise à donner plus de moyens à 5 000 petites exploitations agricoles de Crimée et de la région de Zaporijia.
Un autre projet du même groupe vise à aider 6 887 petits horticulteurs à améliorer leurs compétences techniques.
Un autre vise à aider 3 000 producteurs laitiers de deux districts de l'Ukraine à améliorer quantitativement et qualitativement le lait qu'ils produisent.
Dans un autre projet, 3 234 producteurs laitiers adoptent de nouvelles techniques d'alimentation et de gestion des pâturages, des pratiques exemplaires de stockage et de transformation du lait et d'autres techniques pour les aider à faire croître leurs entreprises.
Je n'ose imaginer que les Canadiens penseraient que nous n'avons pas été actifs. Je pourrais parler de nombreux projets, pour qu'ils figurent dans le compte rendu, mais je tiens simplement à assurer les Canadiens que nous n'avons pas abandonné l'Ukraine, et qu'il faudrait un grand effort d'imagination pour affirmer le contraire. Ces projets se poursuivent, et il nous tarde d'en entreprendre d'autres dans ce pays avec les partenaires avec qui nous collaborons.
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Messieurs, merci d'être venus témoigner.
D'abord, je tiens à exprimer ma douleur et mes condoléances les plus sincères pour les patriotes qui ont été tués ou grièvement blessés, à leurs familles et amis. C'était vraiment un exemple que, parfois, la démocratie, malheureusement, exige que des patriotes sacrifient leur vie. Ils sont vraiment les héros de la place de l'Indépendance, et je suis convaincu qu'on les reconnaîtra comme tels pour toujours.
Il est bon, Taras, de vous entendre encourager l'inclusion linguistique, parce que, quand j'étais à l'Euromaïdan, en décembre, j'ai particulièrement noté, étant allé en Ukraine depuis la révolution Orange et toutes les élections subséquentes, que l'une des difficultés semblait venir de la séparation linguistique. Le dialogue entre Russes et Ukrainiens, à l'Euromaïdan — peut-être pas en nombres égaux, mais ensemble — promet pour l'avenir du pays. Il est agréable de le constater.
Ma deuxième observation concerne les réserves de gaz. Si j'ai bien compris, et peut-être pourrez-vous y aller de vos observations, elles peuvent être énormes, mais à combien équivalent-elles? Est-ce qu'on en a chiffré la valeur?
J'ai entendu dire que l'entreprise russe Gazprom finance les écologistes opposés à la mise en valeur du gaz de schiste. Est-ce vrai? Cela peut certainement conduire à un cul-de-sac. Ce financement semble inspiré par la concurrence. S'il permettait d'arrêter la mise en valeur de cette ressource, cela ferait certainement l'affaire de Gazprom.
Je crois vraiment qu'on pourrait hypothéquer maintenant les actifs ou inviter des pays à fournir un financement temporaire. Il ne s'agirait pas tant de donner de l'argent au pays, que de lui accorder un financement intérimaire, adossé à cette réserve potentielle.
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?
Mais avant, j'ai une observation à formuler. Tout cela se tient, parce que cela concerne les échanges commerciaux et le désir de revenir aux discussions avec le Canada sur le libre-échange. Tout cela, c'est de l'économie. Pendant mon séjour là-bas, j'ai certainement constaté l'absence de volonté de fermer la frontière russe, parce que, comme vous l'avez si bien dit, le tiers des échanges commerciaux du pays se font avec la Russie. L'Ukraine veut continuer à commercer avec l'Europe et le reste du monde. Il ne s'agit donc pas pour elle de tourner le dos à la Russie, mais d'avoir le droit, comme tout autre pays, de commercer avec qui elle veut.
J'ai probablement exprimé tout cela en deux, trois ou quatre questions, mais si vous pouvez y répondre...
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Rapidement, sur la question du gaz, il y a incontestablement des rumeurs — mais je ne possède aucune preuve — selon lesquelles Gazprom finançait ces écologistes pour causer des problèmes. J'ai remarqué que, dans l'est de l'Ukraine, quand Shell a signé l'accord avec le gouvernement ukrainien, on s'est peu soucié de l'environnement, parce que c'était une région fermement contrôlée par Ianoukovitch et ses acolytes. Au fond, ils ont simplement dit de le signer sans poser de questions.
Mais dans l'ouest de l'Ukraine, avec Chevron, la signature a été retardée deux ou trois fois de jusqu'à trois mois, et un bon nombre de groupes d'écologistes étaient contre. Manifestement, Ianoukovitch n'avait pas la force ni l'influence, dans cette région, pour imposer la signature de l'accord sans discussion.
Voilà la rumeur. Je ne peux pas confirmer si Gazprom était derrière le financement des écologistes.
On peut vraiment chiffrer les réserves de gaz. Les grosses sociétés qui signent ces accords savent dans quoi elles s'engagent. Chacun de ces marchés est de l'ordre de 10 milliards de dollars. C'est beaucoup. Dans ce cas, Chevron a manifestement fait ses recherches, parce qu'il s'engage alors à consacrer ce montant à la mise en valeur du champ gazier, qui sera partagé entre le pays et la société, dans cet accord sur le partage de la production. C'est ce qui le motive.
Ianoukovitch et ses acolytes ont notamment adopté des lois sur ces accords, ce qui est très impressionnant, parce que, en Ukraine, avant, il y avait des structures bizarres, mais pas d'accords sur le partage de la production. En faisant cela, il pensait peut-être qu'il serait un partenaire dans tous ces projets et il voulait être protégé plus que les autres, et il s'y est très bien pris.