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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 057 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 avril 2015

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la protection des enfants et des jeunes dans les pays en développement.
    Je veux remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous de ce sujet très important. Je vais commencer par vous présenter très rapidement, puis nous passerons aux déclarations préliminaires.
    Il y a Kieran Breen, directeur des programmes internationaux de Cuso International. Bienvenue. Nous sommes heureux que vous soyez ici. Il y a aussi Astrid Bucio, agente de développement des programmes et du financement. Bienvenue à vous aussi.
    Il y a ensuite David Stevenson, directeur général de la Howard G. Buffet Foundation, à ne pas confondre avec la Warren Buffet Foundation. Nous avons hâte de connaître tous les détails concernant vos activités.
    Ensuite, il y a Patricia Strong, gestionnaire principale, Développement de programmes, Opérations internationales à la Croix-Rouge canadienne. Nous savons que M. Conrad Sauvé devait venir témoigner, mais nous comprenons très bien qu'il ne soit pas ici, étant donné le tremblement de terre survenu au Népal. Votre organisme joue un rôle important. Nos pensées sont avec M. Sauvé, pendant cette crise.
    Enfin, il y a Sarah Degnan Kambou, présidente de l'International Center for Research on Women, qui participe à la séance par vidéoconférence depuis Washington. Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Nous allons commencer à ma gauche par M. Breen, qui va nous présenter sa déclaration préliminaire. Nous allons procéder dans l'ordre pour les personnes ici présentes, puis nous allons passer à la vidéoconférence et écouter Mme Kambou. Ensuite, une fois que toutes les déclarations préliminaires auront été faites, il va y avoir des échanges pendant les deux heures qui viennent, avec des questions complémentaires et des choses de ce genre.
    Bienvenue, monsieur Breen. Nous sommes heureux que vous soyez ici. Vous avez la parole.
    Merci d'avoir organisé la présente enquête et d'avoir invité Cuso International à y participer. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de souligner les efforts que déploie le gouvernement canadien pour protéger les enfants et les jeunes ainsi que ses réalisations dans ce domaine. Nous apprécions grandement le leadership mondial du gouvernement canadien, qui se manifeste par rapport à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, à l'égalité entre les sexes et aux enjeux touchant les enfants et les jeunes.
    Cuso International est un organisme de développement canadien ayant plus de 50 ans d'expérience de travail dans le cadre de partenariats inclusifs visant à éradiquer la pauvreté grâce au développement équitable et durable. Chaque année, nous recrutons en moyenne 250 professionnels qualifiés du Canada, par exemple des gestionnaires, des experts du développement d'affaires, des sages-femmes et des travailleurs sociaux, puis nous les plaçons auprès de nos organismes partenaires. L'an dernier, nous avons travaillé dans 27 pays, soutenu 167 partenaires et joint 1 million de bénéficiaires un peu partout en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes.
    Comme cela a déjà été expliqué dans le cadre d'exposés présentés antérieurement au comité, des progrès ont été réalisés par rapport aux objectifs du Millénaire pour le développement, mais, malheureusement, 800 femmes meurent encore chaque jour de causes évitables liées à la grossesse et à l'accouchement, le nombre de grossesses précoces continue d'augmenter, et un enfant meurt toutes les 27 secondes d'une maladie qui aurait pu être évitée dans la plupart des cas.
    Il est crucial d'investir en priorité dans la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants afin de faire valoir et de protéger leurs droits. Dans notre travail auprès de nos partenaires canadiens, par exemple l'Association canadienne des sages-femmes en Éthiopie et en Tanzanie, nous avons appris que, avec les raisons de nature financière et la distance des installations, l'attitude des fournisseurs de soins de santé, surtout envers les femmes issues de milieux pauvres, peut constituer un obstacle majeur à l'accès aux soins. Les sages-femmes bénévoles du Canada sont bien placées pour promouvoir et partager des normes de soins respectueuses avec leurs homologues en même temps que l'expertise clinique.
    Le travail de Cuso International à l'échelon communautaire a également confirmé que la sensibilisation des groupes communautaires — le fait que les hommes s'occupent des enfants et soient capables de reconnaître les complications lorsqu'il y en a et de faire examiner leur femme enceinte — peut avoir une grande incidence. Il est tout aussi important de régler le problème des inégalités entre les sexes, qui font que, dans trop de pays, les hommes décident de tout ce qui a trait à la santé de la famille.
    Une autre mesure importante, pour garantir que les droits des enfants et des jeunes sont reconnus, c'est de s'assurer que toutes les naissances sont enregistrées. Si leur naissance n'est pas enregistrée, les enfants sont invisibles et ne peuvent pas s'inscrire à l'école et sont plus vulnérables à la violence, au mariage et au travail forcés ainsi qu'à l'exploitation sexuelle. Cuso a lancé en Tanzanie une initiative visant à faire augmenter l'enregistrement des naissances en sensibilisant les parents et en recourant à la technologie des téléphones mobiles pour faciliter le processus. Nous félicitons le gouvernement canadien d'avoir décidé d'appuyer l'accroissement de l'enregistrement des naissances. Il est important de mentionner que la plupart des pays d'Afrique n'ont pas beaucoup progressé dans la réforme de leur système d'enregistrement et de statistiques de l'état civil, et il s'agit là d'un problème de développement fondamental que le Canada peut grandement contribuer à régler.
    Au coeur de la démarche de travail auprès des enfants et des jeunes de Cuso se trouve un engagement ferme à défendre leurs droits. Pour nous, les enfants et les jeunes sont des participants actifs et des agents de changement, plutôt que de simples utilisateurs de services. Dans le cadre de l'ensemble des projets visant les jeunes que Cuso soutient dans des pays comme le Nigéria, le Bénin, le Pérou, la Bolivie et le Myanmar, nous travaillons activement auprès de nos partenaires pour que les enfants et les jeunes soient au coeur de l'élaboration des services et pour soutenir les décideurs adultes et les encourager à écouter les enfants et les jeunes et à respecter leur opinion.
    Selon l'OIT, 73 millions de jeunes femmes et hommes sont sans emploi dans le monde. Ce phénomène de chômage peut également être lié à la montée de la culture des gangs et des modes de vie fondés sur la violence, surtout chez les jeunes hommes. C'est pourquoi nous mettons en oeuvre des projets pour les jeunes visant à lutter contre la pauvreté, l'exclusion sociale et l'absence de possibilités dans des pays comme le Honduras, le Salvador, la Jamaïque, le Nigéria, le Pérou et la Bolivie. Dans ces initiatives, l'accent est vraiment mis sur l'emploi et la création d'entreprises, et nous cherchons de plus en plus à établir des liens entre ces initiatives afin de créer un effet sur les occasions d'investissement.
    Même si cela peut paraître évident, il vaut la peine de mentionner que le sentiment d'accomplissement et la fierté que ressentent les jeunes femmes et hommes qui lancent leur propre entreprise se répercutent souvent sur d'autres aspects de leur vie et peut par exemple permettre à une jeune femme de pouvoir négocier davantage le moment où elle se mariera et aura des enfants, ainsi que le nombre d'enfants qu'elle aura. Il est vrai également que les jeunes à qui s'offrent des possibilités sur le plan économique sont moins susceptibles d'être attirés par les gangs et l'activité criminelle.
    Cuso International exécute ses programmes au moyen du placement de bénévoles qualifiés et possédant un bagage diversifié auprès de ses organismes partenaires. Ces bénévoles très compétents fournissent à peu de frais une aide technique grandement nécessaire. Comme l'expertise canadienne est riche et variée, Cuso International utilise divers mécanismes pour orienter le bénévolat professionnel, dont le cyberbénévolat, le bénévolat de la diaspora et le bénévolat du secteur privé.
    En ce qui concerne le bénévolat du secteur privé, d'après l'expérience de Cuso International, il s'agit d'un moyen efficace et peu coûteux pour le secteur privé du Canada de fournir une expertise, une expérience et des compétences dont on a grandement besoin, qui offre l'avantage supplémentaire de permettre aux bénévoles de parfaire leurs connaissances et leur compréhension du peuple, des contextes et des cultures.
(1110)
    Nos recommandations à l'intention du comité sont les suivantes.
    Premièrement, le Canada devrait veiller à ce que les filles, les garçons, les jeunes hommes et les jeunes femmes participent toujours à la prise de décisions au sujet des enfants et des jeunes et devrait appuyer les pratiques novatrices visant à habiliter les enfants et les jeunes et à leur permettre de s'exprimer.
    Deuxièmement, le Canada devrait continuer d'appuyer les bénévoles, qui jouent un rôle crucial à peu de frais dans la prestation de l'aide canadienne au développement ou encore des organisations qui fournissent l'aide par l'intermédiaire de bénévoles qualifiés, et il devrait examiner les nouveaux modèles de bénévolat qui peuvent multiplier les occasions pour les Canadiens de contribuer aux initiatives mondiales visant à mettre fin à la pauvreté et à mieux protéger les enfants et les jeunes.
    Troisièmement, le Canada devrait reconnaître la valeur des partenariats inclusifs et tirer parti de l'expérience acquise par les organismes de la société civile en travaillant directement auprès des collectivités au coeur des programmes de développement.
    Pour conclure, Cuso International souhaite féliciter le gouvernement canadien de son leadership dans l'appel à la prise de mesures mondiales pour prévenir la mort évitable de mères, de nouveau-nés et d'enfants, ainsi que de son engagement à promouvoir les droits des enfants et des jeunes.
    Merci.
    Merci, monsieur Breen, d'avoir tout dit en moins de sept minutes. C'est très bien. Ce ne sont pas tous les témoins qui y parviennent, et c'est tout à votre honneur.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Stevenson.
    Vous avez sept minutes, monsieur, s'il vous plaît. Merci.
    Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité à venir témoigner.
    Mon témoignage sera fondé sur mon expérience personnelle pour un certain nombre de raisons. Premièrement, parce que je me sens chez moi, ici, à Ottawa et au Canada en général. Deuxièmement, je ne représente pas la fondation aujourd'hui, même si je vais vous expliquer un peu ce que je fais et ce que la fondation fait. Troisièmement, je pense qu'il peut être plus intéressant pour le comité que je lui fasse part d'anecdotes personnelles et de choses que j'ai vécues sur le terrain et qui sont liées au sujet de la séance. Enfin, il est bien entendu plus agréable de se préparer et de discuter de cette façon.
    Je veux féliciter le comité de consacrer du temps à l'étude de la situation des enfants et des jeunes dans le monde, et surtout du rôle que le Canada peut jouer dans la protection des enfants et des jeunes.
    Je pense que les Canadiens croient que les jeunes et les enfants devraient pouvoir réaliser leur plein potentiel. Je pense qu'il s'agit là de l'une des nombreuses croyances que nous avons en commun. Dans certains cas, je pense que les croyances canadiennes, que notre système de croyances, pourraient être mieux expliquées ailleurs dans le monde, au moyen d'une démarche plus ciblée et de résultats obtenus grâce à l'action. Je crois que la façon dont le Canada a fait preuve de leadership et a mis l'accent sur les enfants et les jeunes est extraordinairement utile en ce sens. Je suis très fier d'être canadien à cet égard, et, en fait, à tous égards.
    Je rentre tout juste de l'Afrique, où j'ai passé la majeure partie de mon temps depuis que j'ai commencé à travailler auprès d'Howard Buffett en novembre. Je n'avais pas l'intention de commencer mon exposé en parlant des actualités de l'Afrique du Nord et de la Méditerranée, des naufrages et de la mort tragique de migrants essayant de se rendre en Europe et ailleurs. Mais lorsque j'ai vu des groupes de migrants à l'aéroport de Bruxelles, cela m'a rappelé encore une fois que c'est dans les pires conditions de vie que les jeunes sont le plus menacés et c'est ce qui est à l'origine de migrations chaotiques et souvent tragiques maintenant.
    Beaucoup disent maintenant qu'une démarche axée sur les solutions au problème de la migration, aux problèmes de protection de façon plus générale, doit découler d'un examen des causes fondamentales, et ils ont raison. Cette démarche doit être intégrée et cohérente. La protection des enfants est une optique importante pour l'orientation des priorités en matière de développement, de politique étrangère et même de commerce, et votre ministère fusionné devrait être plus efficace si les gens qui le composent travaillent ensemble, de façon cohérente.
    Je voudrais cependant affirmer clairement ici que le dialogue sur les politiques et la définition du travail à faire sont importants, mais que les enfants et les jeunes vulnérables n'en bénéficient pas beaucoup. Évidemment, ils n'en bénéficient que lorsque le dialogue, la politique, l'engagement externe, comme notre discussion d'aujourd'hui, mènent à la prise de mesures par les dirigeants, par les dirigeants des collectivités, y compris les parents, afin d'améliorer les choses pour eux. En ce sens, la promotion des politiques canadiennes peut être plus efficace si les ambassades disposent des moyens nécessaires pour promouvoir les croyances canadiennes dans les pays que vous ciblez, si des partenariats multilatéraux sont conclus et que les ONG travaillent à l'élaboration de solutions locales.
    Heureusement, il y a beaucoup de Canadiens qui obtiennent des résultats à l'étranger en agissant, qui joignent l'acte à la parole, et le Canada dispose d'un bon programme de reddition de comptes axé sur les résultats qui favorise la prise de mesures là où cela compte. Ici, à Ottawa, nous devrions toujours nous demander ce que nous faisons de bon avec les ressources que nous utilisons aux endroits où on en a le plus besoin.
    Je vous donne l'exemple d'un pays en particulier. Howard et moi travaillons beaucoup au Rwanda et pour le Rwanda ces jours-ci. C'est un pays que je connais bien, pour y avoir travaillé pendant la guerre et le génocide en 1994 et 1995 à titre d'agent d'aide humanitaire et de représentant résident du PAM de 2000 à 2004. Bon, il y a de nombreuses façons de parler de l'expérience vécue au Rwanda et dans la région, mais permettez-moi simplement de dire que la situation des enfants et des jeunes s'est améliorée. L'image qui me vient, aujourd'hui, c'est celle d'enfants qui nagent dans les rivières et jouent dans les cours d'école, car c'est ce que je vois. Ce n'était pas comme cela il n'y a pas si longtemps. Quelle transition remarquable! On parle maintenant de se hisser dans la classe moyenne. On peut constater le développement qui a eu lieu au Rwanda en regardant les visages d'enfants et l'infrastructure qui soutient les possibilités de croissance.
    La stabilité, la croissance et la bonne gouvernance contribuent beaucoup à la réduction du nombre du cas de traite des enfants, d'enfants soldats et d'enfants prostitués, ainsi qu'à la réduction de la migration nette. Les groupes de migrants que j'ai vus l'autre jour à Bruxelles ne venaient pas du Rwanda.
(1115)
    Le passage d'une situation d'urgence à un processus de développement au Rwanda a été énormément facilité par le soutien du Canada. En outre, le Programme alimentaire mondial, l'organisme pour lequel j'ai travaillé pendant 18 ans, a apporté la plus importante contribution multilatérale à l'étape de l'aide humanitaire. Dès le départ, nous avons essayé de fournir des solutions. Le fait que le Rwanda soit maintenant autonome sur le plan alimentaire est vraiment remarquable.
    D'autres organismes ont pris part à la démarche de collaboration. Le leadership du pays a toujours compté, et le pays a reçu de l'aide pour renforcer ses propres capacités. En réalité, les Rwandais n'auraient rien accepté de moins.
    À titre de deuxième donateur en importance du PAM, le Canada, traditionnellement et par son appui à une présence multilatérale au pays de bien d'autres façons, a permis cela. Grâce à ce changement positif, Howard et moi travaillons maintenant avec les Rwandais à un grand projet d'agriculture modernisée et durable. Il s'agit d'accroître la productivité de petits agriculteurs à faible revenu au moyen d'investissements dans la modernisation de l'agriculture. L'amélioration de la nutrition sera une réussite clé. Ce sera un exemple à suivre de changement engendré par l'action qui générera de la croissance et multipliera donc les possibilités pour les enfants et les jeunes. Je crois que cela viendra stabiliser encore davantage les conditions nécessaires à la protection des enfants.
    Permettez-moi de m'attarder maintenant à la question de la nutrition, domaine dans lequel le leadership du Canada à l'échelle mondiale donne des résultats. Une expérience personnelle profonde me permet d'affirmer que la malnutrition est un problème de protection de l'enfance. Les enfants mal nourris sont vulnérables. Il y a des enfants qui ont besoin de protection. Heureusement, lorsqu'il s'agit de malnutrition, nous connaissons bon nombre des solutions au problème, et il y a de nombreux intervenants à l'échelle mondiale qui font bouger les choses. Je siège au conseil de direction de l'un des meilleurs organismes, l'Initiative pour les micronutriments, qui a son siège ici, à Ottawa. Cet organisme a un code postal canadien, mais une réputation mondiale pour l'excellence de son travail, sa portée et son efficacité dans la lutte contre la malnutrition.
    L'une de mes recommandations à l'intention du comité, c'est que le Canada continue d'appuyer l'Initiative pour les micronutriments, qu'il soit fier de l'appuyer et qu'il en parle. Chaque fois qu'il en a l'occasion, le Canada devrait encourager d'autres donateurs à soutenir cette initiative, de sorte qu'elle devienne une institution mondiale ayant son siège au Canada et qu'elle ait ainsi une plus grande influence.
    Je siège aussi au conseil du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il s'agit d'une ONG officielle en Suisse qui a son siège à Genève, qui a le statut d'institution mondiale et qui est dotée d'un modèle de gouvernance progressiste et inclusif visant à inclure les donateurs, les gouvernements assurant la mise en oeuvre, des représentants du secteur privé, des ONG et aussi des gens qui représentent les collectivités en tant que telles, les personnes affectées ou infectées par les trois maladies. C'est un modèle qui fonctionne très bien. C'est le cas entre autres parce qu'il permet à l'organisme de s'assurer que les questions de protection fondées sur les droits sont abordées adéquatement dans les dialogues, les ententes sur les politiques et les programmes des pays.
    À titre d'exemple, l'un des défis que nous cherchons actuellement à relever concerne une nouvelle stratégie visant les adolescentes dans l'est et le sud de l'Afrique, où le taux de prévalence du sida est le plus élevé. La région compte 53 % des habitants de la planète qui vivent avec le VIH et un total de 5 % de la population mondiale.
    J'ai occupé le poste de représentant du PAM en Zambie pendant quatre ans, et j'avais l'impression que le secteur connaissant la plus forte croissance était celui des salons funéraires. Dans cette région de l'Afrique, les jeunes femmes de 15 à 24 ans comptent pour le tiers des nouvelles infections au VIH. Il y en a encore aujourd'hui 6 000 par semaine. La prévention du VIH, y compris des approches novatrices visant les causes fondamentales, est donc urgente.
    Les filles sont infectées surtout pour des raisons économiques. Nous le savons grâce à des études portant sur les transferts monétaires effectués dans la région. Il y a des études montrant que les transferts monétaires aux adolescentes dans le cadre de mécanismes de protection sociale réduisent le taux de prévalence de façon spectaculaire. Pour le dire de façon simple, les filles sont beaucoup moins susceptibles d'avoir des relations sexuelles et d'être infectées si elles reçoivent 25 $ par mois ou moins.
    Je ne suis pas ici pour préconiser le financement d'un mécanisme de ce genre par l'intermédiaire du fonds mondial. En réalité, on n'en est pas encore à cette étape de la planification administrative, mais je dirais qu'il ne devrait plus y avoir de jeunes filles infectées au VIH par voie sexuelle alors qu'il y a d'autres façons de s'attaquer aux causes fondamentales de nature économique.
(1120)
    Voilà mes réflexions personnelles. Merci encore de m'avoir invité à prendre la parole devant vous.
    Merci beaucoup, monsieur Stevenson.
    Nous allons maintenant passer à Patricia Strong, qui a la parole.
    Honorables députés, merci beaucoup d'offrir à la Croix-Rouge canadienne l'occasion de prendre la parole ce matin. Je m'appelle Patricia Strong, et je dirige l'élaboration de nos programmes liés à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Notre secrétaire général, Conrad Sauvé, souhaitait lui aussi vous remercier de l'occasion qui nous est offerte, et il regrette de ne pas pouvoir se joindre à nous aujourd'hui. La tragédie qui se déroule au Népal exige son attention ce matin.
    J'aimerais me concentrer aujourd'hui sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants et insister sur le fait que la protection des enfants et des jeunes doit aussi passer par la lutte contre les menaces à leur santé et à leur simple survie. J'aimerais aussi que nous reconnaissions le fait que, ensemble, comme communauté mondiale, nous pouvons obtenir des résultats extraordinaires.
    Notre investissement dans la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants est une très grande réussite, et, au moment où le monde entre dans l'ère des objectifs de développement durable, nous pouvons envisager les 15 prochaines années avec grand optimisme au sujet de ce que nous sommes capables d'accomplir. Pendant que nous réfléchissons ensemble à ce qui pourra être accompli au cours de cette nouvelle ère, j'aimerais aussi mettre l'accent sur les défis importants qui s'en viennent et sur les contributions que le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge peuvent apporter pour les relever.
    Depuis que le monde s'est uni pour établir les objectifs du Millénaire pour le développement il y a 15 ans, d'énormes progrès ont été réalisés. Nous avons pu sauver 3,3 millions d'enfants grâce au seul progrès de la lutte contre le paludisme. Des millions de femmes et d'enfants ont survécu grâce aux efforts de la communauté mondiale et l'engagement du gouvernement canadien en particulier. Sauver ces vies est l'ultime forme de protection des enfants. Nous pouvons continuer de réaliser de grands progrès pour l'ensemble des femmes et des enfants si nous redoublons d'efforts et nous nous engageons vraiment à atteindre l'objectif durable de prévenir les décès évitables de mères et d'enfants avant 2030.
    Plus de la moitié de ces décès surviennent dans des pays affectés par une catastrophe, un conflit et une situation fragile dans certaines des régions les plus éloignées et les plus troublées du monde. Nous ne pourrons atteindre les objectifs de développement durable sans un effort soutenu et déterminé pour offrir des services de santé vitaux à ces mères et enfants. C'est dans ces contextes d'éloignement et de danger que les femmes et les enfants font face aux plus grandes menaces à leur vie, à leur santé et à une survie digne. Même aujourd'hui, au moment où nous réagissons à la tragédie au Népal, nous sommes très préoccupés au sujet des mères et des enfants, qui sont souvent les personnes qui souffrent le plus durant une crise. Nous avons constaté que, durant les catastrophes et les conflits, les répercussions les plus importantes sur la santé découlent souvent du manque d'accès chronique aux services de santé de base, attribuable au fait que les systèmes de santé s'effondrent ou ne suffisent pas à la tâche.
    En Syrie, par exemple, l'effondrement du système de santé a touché les femmes et les enfants de façon disproportionnée, et ce sont eux qui continuent de subir la crise le plus fortement. Cette crise a contribué à la résurgence de maladies que nous pensions avoir éradiquées, comme la polio, et les enfants n'ont pas accès au traitement pour la pneumonie ou la diarrhée.
    L'état de santé et la nutrition des femmes et des enfants qui ont survécu sont également un problème grave. Nous savons que l'incidence de la violence sexuelle augmente en situation de catastrophe et de conflit. Dans le cadre de notre travail, nous sommes témoins des conséquences dévastatrices de la violence sexuelle sur les personnes, les familles et les collectivités. Dans les situations d'urgence, la violence sexuelle est profondément liée aux autres phénomènes de violence. Elle est toujours inadmissible, et, en temps de conflit, la violence sexuelle est interdite par les lois internationales.
    Nous croyons que, pour régler ces problèmes urgents touchant la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants et améliorer grandement les résultats en santé des mères et de leurs enfants, nous devons atteindre les régions les plus éloignées et les plus instables, surtout dans les pays fragilisés par un conflit, où les indicateurs de santé sont les pires et où l'accès est le plus difficile. Ce n'est que lorsque nous l'aurons fait que nous pourrons voir de véritables progrès vers notre objectif global de prévention des décès évitables de mères et d'enfants d'ici 2030.
    À titre d'organisme se consacrant à la prestation d'une aide vitale aux populations affectées par une crise, la Croix-Rouge canadienne offre des services essentiels en santé depuis un siècle, et depuis plus de 50 ans à l'échelle mondiale. Au cours des 10 dernières années seulement, nous avons soutenu des programmes de santé vitaux dans des situations de catastrophes et de conflits touchant 39 des 50 pays les plus fragiles du monde, soit directement soit en partenariat avec d'autres membres du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
    À l'heure actuelle, nous avons des programmes bilatéraux dans sept États fragiles et des projets d'extension de nos programmes au Pakistan, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Mali et en Éthiopie. Nous nous sommes engagés à respecter ou à dépasser les normes mondiales dans le cadre de notre travail lié à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, et nous mesurons nos progrès en fonction d'indicateurs établis par la Commission d'information et de responsabilisation pour la santé de la femme et de l'enfant des Nations Unies.
    En plus de répondre aux besoins urgents en matière de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, la Croix-Rouge canadienne offre des programmes de protection des enfants depuis 30 ans. Nous trouvons des solutions locales au problème de la violence faite aux enfants en collaboration avec les collectivités. Tous nos programmes de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants comportent un volet de formation pour le personnel et les bénévoles, qui porte sur la prévention de la violence, y compris la protection des enfants.
(1125)
    J'aimerais que nous prêtions attention pendant un instant à l'accent mis sur l'innovation à l'échelle mondiale. La Croix-Rouge canadienne et ses partenaires savent que de nouvelles idées et de nouvelles technologies peuvent sauver des vies. Nous croyons que l'innovation est un élément crucial pour la réalisation de notre rêve commun, qui est de prévenir les décès évitables de mères et d'enfants.
    Cet accent mis sur l'innovation doit s'accompagner des moyens de donner de l'ampleur aux interventions vitales, même dans les situations les plus difficiles qui existent dans le monde. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous serons en mesure d'éradiquer les maladies mortelles qui touchent les enfants et d'assurer une plus grande équité en matière de santé afin de garantir que toutes les femmes et tous les enfants ont accès à des services de santé cruciaux.
    Nous reconnaissons cependant le fait que cela pose de nombreux défis, notamment celui de la prestation soutenue aux millions de femmes et d'enfants qui ont le plus besoin de ces interventions. Nous croyons que notre famille mondiale peut nous aider à relever ces défis.
    Le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge assure une présence permanente dans 189 pays, et nous avons 17 millions de bénévoles actifs et ayant reçu une formation à l'échelle mondiale. Cela nous permet d'avoir une connaissance des lieux qui est essentielle et d'accéder aux collectivités les plus lointaines. Cela nous donne aussi une portée sans précédent.
    Notre mouvement a soutenu la vaccination de plus de un milliard d'enfants à l'échelle mondiale. Avec l'aide du gouvernement canadien, la Croix-Rouge canadienne et ses partenaires ont distribué 7 millions de filets traités à l'insecticide pour lutter contre le paludisme qui servent à plus de 10 millions de femmes et d'enfants en Afrique seulement.
    Enfin, nous croyons que les capacités des partenariats locaux sont essentielles à la protection des mères et des enfants et à leur survie dans les États fragilisés par un conflit. Dans le cadre de notre travail, nous avons aussi appris l'importance de systèmes de santé renforcés et résilients dans les collectivités et de la collaboration avec les partenaires locaux ainsi que du renforcement de leurs capacités, surtout en période de catastrophe, de conflit et de fragilité.
    Lorsque les structures gouvernementales sont limitées ou carrément absentes, il est essentiel de pouvoir compter sur des intervenants locaux pour accéder aux collectivités et y être acceptés. En Syrie, nous avons travaillé au renforcement des capacités du Croissant-Rouge arabe syrien avant le conflit. Cette force lui a permis de continuer de fonctionner pendant toute la crise. Il a une portée sans égale dans l'ensemble du pays, et il offre des services d'urgence et de soins de santé primaires dans les régions les plus marginalisées.
    Au Liberia, la crise du virus Ebola ayant submergé le système de santé, les travailleurs de la santé et les bénévoles de notre programme de la Croix-Rouge continuent d'offrir des services de santé à des milliers de mères et d'enfants à l'échelle communautaire, y compris des traitements sans contact pour le paludisme, la diarrhée et la pneumonie.
    Pour conclure, j'aimerais nous rappeler que plus de 500 mères et 18 000 enfants vont mourir aujourd'hui de maladies et d'affections qui auraient pu être prévenues. Plus de la moitié de ces mères et enfants vont mourir dans des pays touchés par la catastrophe, le conflit et la fragilité. Nous vous demandons de penser à ces femmes et enfants de la Syrie, du Népal et de la République du Congo, de ces trop nombreux pays où la catastrophe, le conflit et l'instabilité perdurent.
    Il y a pourtant de l'espoir. Unissons nos efforts, non seulement pour assurer la survie de ces femmes et enfants, mais aussi pour veiller à ce qu'ils vivent dignement une vie saine et bien remplie et que nous nous engagions à offrir santé et qualité de vie à l'ensemble des femmes et des enfants, peu importe la situation dans laquelle ils sont nés.
    Pour conclure, la Croix-Rouge canadienne souhaite remercier encore une fois les honorables membres du comité de l'occasion qui nous a été offerte de communiquer notre point de vue sur ces enjeux d'une importance capitale. Nous accueillons favorablement l'engagement constant du gouvernement du Canada à l'égard de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, et nous espérons que le Canada continuera de contribuer à la santé des femmes et des enfants à l'échelle mondiale.
    Merci beaucoup.
(1130)
    Merci beaucoup, madame Strong.
    Nous allons écouter Mme Kambou, qui témoigne par vidéoconférence depuis Washington.
    Vous avez la parole.
    Honorables députés, merci de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui, dans le contexte de votre examen de l'important sujet du mariage précoce et forcé des enfants et du rôle que le Canada peut jouer pour mettre fin à cette pratique préjudiciable.
    Je préside l'International Center for Research on Women, institut de recherche mondial qui fournit des données de recherche afin d'éclairer l'élaboration des programmes et des politiques visant à réduire la pauvreté, à promouvoir l'égalité entre les sexes et à habiliter les femmes et les filles.
    L'un des obstacles les plus durables à la réalisation de notre mission, c'est la pratique du mariage des enfants, à laquelle nous cherchons à mettre fin depuis près de 20 ans.
    C'est un privilège que de prendre part à votre séance d'aujourd'hui pour discuter de ce que nous avons appris dans le cadre de nos travaux de recherche et des mesures que vous souhaiterez peut-être envisager de prendre.
    Les mariages précoces et forcés d'enfants consistent en toute union légale ou coutumière d'un garçon ou d'une fille de moins de 18 ans avec une autre personne ou en tout mariage conclu sans le consentement libre et entier des deux époux.
    Je vais me concentrer aujourd'hui sur le mariage des enfants, qui, par définition, est un mariage forcé. Le mariage d'enfants est d'abord et avant tout une violation des droits de la personne. Le consentement libre et entier au mariage est étroitement lié au droit à la vie, au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, à l'éducation, à l'intégrité physique et à la protection contre la violence et l'exploitation.
    Lorsqu'une fille est forcée de se marier, elle peut être exposée à des complications graves causées par une grossesse précoce et des grossesses répétées par la suite, qui peuvent même entraîner sa mort. Il y a souvent aussi un risque accru d'infection au VIH et de violence aux mains du partenaire intime. La jeune fille est souvent isolée, éloignée de sa famille, de son école et de ses pairs, et elle a peu d'occasions de participer à la vie communautaire, voire pas du tout.
    Le mariage d'enfants n'est pas un phénomène isolé. Quoique l'âge de mariage minimal prévu par la loi soit de 18 ans dans quelque 158 pays, des filles de 18 ans, et même de moins de 15 ans dans beaucoup de pays, peuvent se marier en vertu de lois d'État ou du droit coutumier, ou encore avec le consentement des parents ou des autorités.
    Le mariage d'enfants est un problème mondial qui ne connaît pas les frontières géographiques ni celles de la culture et de la religion. Dans les pays en voie de développement, une fille sur trois est mariée avant l'âge de 18 ans. Une fille sur neuf est mariée avant l'âge de 15 ans. Chaque année, quelque 15 millions de filles sont mariées. Cela équivaut à 39 000 filles par jour, ou une toutes les deux secondes.
    Pourquoi le mariage d'enfants est-il un problème si courant et si persistant? Quoique diverses traditions et situations socioéconomiques perpétuent la pratique dans divers contextes, le mariage d'enfants a tendance à être plus fréquent qu'ailleurs dans les collectivités et les ménages pauvres et ruraux, ainsi que dans les pays ou les collectivités où les femmes et les filles reçoivent peu d'éducation et bénéficient de possibilités limitées sur le plan économique. Une famille pauvre peut être incitée à marier sa fille de façon précoce, que ce soit pour recevoir une somme de la famille de l'époux, pour réduire au minimum le coût de la dot ou simplement pour réduire le fardeau financier d'un membre supplémentaire de la famille.
    Dans bien des sociétés, le rôle principal de la femme est celui de la reproduction. La valeur d'une fille se mesure au nombre d'enfants qu'elle aura et des travaux ménagers qu'elle fera pour son futur mari et sa future belle-famille. Les familles n'ont pas grand intérêt à investir dans son éducation, surtout lorsque les ressources sont limitées.
    Les lois et les politiques régissant l'enregistrement des naissances et des mariages, les droits de propriété, l'éducation et la santé peuvent être des variables clés en ce qui concerne la pratique du mariage d'enfants.
    Voilà un aperçu du problème. Heureusement, il y a des solutions éprouvées que j'aimerais maintenant vous présenter.
    Ce problème crucial n'a jamais attiré autant l'attention, et la volonté politique de le régler n'a jamais été aussi grande. Voici ce qu'il faut que nous commencions par faire.
    Nos travaux de recherche nous ont permis de cerner cinq stratégies qui fonctionnent pour retarder le mariage des filles dans divers contextes.
    D'abord et avant tout, nous devons habiliter les filles en leur permettant d'obtenir l'information, les compétences et les réseaux de soutien dont elles ont besoin pour trouver les aptitudes et la confiance nécessaires pour prendre des décisions et y donner suite, et pour ainsi avoir des pairs capables de les aider.
(1135)
    Deuxièmement, nous pouvons sensibiliser les parents et les membres de la collectivité et discuter avec eux. Dans bien des sociétés, ce sont les familles et les dirigeants des collectivités qui décident avec qui une fille se marie et à quel moment. Sensibiliser ces intervenants à l'effet du mariage d'une fille sur sa santé et sur son avenir et les amener à apporter des changements peut entraîner des résultats positifs très profonds.
    Troisièmement, nous devons veiller à ce que les filles aient accès à une éducation de qualité. Les filles qui n'ont pas d'éducation sont trois fois plus susceptibles de se marier que celles qui ont une éducation de niveau secondaire ou supérieur. Lorsque les filles sont à l'école, elles sont moins susceptibles d'être vues comme étant prêtes pour le mariage, et elles peuvent trouver les réseaux sociaux et de soutien et acquérir les aptitudes nécessaires pour exprimer leurs besoins. Des mesures d'incitation comme la distribution d'uniformes gratuits et de bourses d'études, des programmes visant à améliorer la sécurité et l'attitude des écoles envers les filles et des programmes d'études pertinents par rapport à la vie des filles peuvent encourager les filles à s'inscrire, et, surtout, à rester à l'école.
    Une quatrième stratégie, c'est le soutien économique. Fournir à une fille ou à sa famille un prêt, un virement de fonds ou la possibilité d'acquérir une compétence permettant de générer des revenus peut alléger immédiatement le fardeau financier d'un ménage en difficulté et contribuer à la valeur perçue des filles dans les familles.
    Enfin, veiller à ce que des lois et des politiques de prévention du mariage d'enfants soient adoptées et, surtout, mises en oeuvre est une première étape cruciale pour mettre fin à la pratique.
    Nous remercions le Canada de son leadership dans l'appel mondial à l'action pour mettre fin au mariage d'enfants. L'engagement du Canada a contribué à l'adoption de la première résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le mariage d'enfants, et il est à espérer qu'il mènera à l'inclusion de la prévention du mariage d'enfants dans les objectifs de développement durable qui seront adoptés cet automne.
    Nous vous encourageons à continuer de bien défendre les droits des filles à l'échelle internationale, mais des investissements dans des solutions communautaires sont également cruciaux. Je sais que le Canada investit dans le domaine par l'intermédiaire d'UNICEF ainsi que de votre aide bilatérale au développement.
    Pour vraiment venir en aide aux filles, nous devons tâcher de protéger leurs droits et de les habiliter à prendre leurs propres décisions au sujet de leur mariage, du moment de celui-ci et de la personne avec laquelle elles vont se marier et les décisions similaires concernant les relations sexuelles et la grossesse.
    Le progrès des femmes et des filles — mesuré par la fin du mariage d'enfants et d'autres formes de violence, par l'amélioration de la santé sexuelle et génésique des femmes et des filles, par la multiplication des possibilités d'éducation et d'emploi, par la participation active des femmes à la vie publique et par leur leadership — devrait être un indicateur de succès. Nous avons des preuves abondantes du fait que les pratiques préjudiciables peuvent être modifiées, même celles qui font partie de la culture.
    J'espère que le Canada maintiendra son engagement, partout dans le monde, à veiller à ce que plus de 150 millions de filles ne soient pas mariées au cours de la prochaine décennie, mais puissent plutôt réaliser leur plein potentiel et être des citoyennes du monde en santé et en possession de leurs moyens.
    Merci.
(1140)
    Merci beaucoup, madame Kambou.
    Nous allons commencer notre première série de questions. Chaque intervenant aura sept minutes, questions et réponses incluses. Je vais commencer à ma gauche, par Mme Laverdière. Vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie les témoins de nous livrer des présentations aussi intéressantes. On y retrouve des thèmes communs, dont on nous a déjà fait part dans le cadre de cette étude.
    Ma première question s'adresse au représentant de Cuso.
     Vous avez souvent mentionné le terme « partenariat », qui est absolument essentiel. Vous travaillez dans plusieurs pays où la situation est très difficile. J'aimerais savoir à quelles difficultés la société civile fait face dans nombre de ces pays et comment le Canada pourrait contribuer à améliorer la situation.

[Traduction]

    À ce sujet, selon moi, les défis touchant les partenariats sont liés au fait qu'il faut trouver des organismes déterminés à vraiment apporter des changements. Je crois que d'autres témoins en ont parlé. C'est une chose d'avoir une politique, mais c'en est une autre de pouvoir compter sur des gens qui sont déterminés à apporter les changements. J'ai travaillé longtemps en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. J'ai aussi travaillé en Asie. Je crois que c'est l'une des tristes vérités du développement: dans la capitale d'un pays en développement, tout le monde est très intelligent et très déterminé, mais, plus on s'éloigne de la capitale, on constate un effritement de l'extension et de la portée.
    Nous tentons toujours de venir en aide aux collectivités pauvres et exclues. J'ai été honnête avec vous. Un des défis, c'est de trouver des partenaires qui sont prêts à travailler en collaboration avec nous dans ces régions pauvres. Par conséquent, il est relativement facile, par exemple, à Dar es Salaam, en Tanzanie, de trouver des organisations grandes et fortes qui veulent promouvoir la santé maternelle. Si on va à Kagera ou à Mtwara, qui sont des régions plus rurales, c'est là que les problèmes commencent, tant du point de vue des capacités qu'en raison du fait que, dans les pays très pauvres et très désavantagés, les gens ne veulent pas vivre dans ces régions pauvres. Par conséquent, les gens intelligents déménagent à Dar es Salaam. Vous savez, malheureusement, bon nombre de professionnels de la santé de Tanzanie se retrouvent à Londres.
    Selon moi, c'est le genre de défis auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de nos partenariats. D'après moi, l'une des forces de l'approche bénévole, c'est que nous avons le temps de créer des partenariats. Par conséquent, par exemple, lorsque j'ai travaillé pour Aide à l'enfance, nous sommes allés sur place, nous avons fait des investissements, nous sommes partis, puis nous sommes retournés, etc. Selon moi, le fait d'avoir accès à des professionnels canadiens compétents, qui peuvent passer deux ans dans un village en zone rurale, nous donne l'occasion d'apprendre à connaître les intervenants locaux, de nous appuyer sur ces liens, de comprendre le contexte culturel et le contexte politique et de renforcer ces partenariats.
    Je ne veux pas vous ennuyer avec des exemples des divers processus que nous adoptons, mais il est là le vrai défi pour moi: trouver des partenaires avec lesquels nous pouvons travailler en collaboration et qui partagent cet engagement.

[Français]

     Comme vous le savez, je connais Cuso depuis très longtemps. J'ai même été vaguement associée à l'organisme il y a quelques années. J'admire ce que vous faites, mais je sais aussi qu'il y a parfois des problèmes avec le travail des volontaires. C'est un peu un anglicisme, mais on parle parfois de « volontourisme », plutôt que de coopération volontaire.
     Vous parlez de gens — et je le sais de première main — qui passent deux ans dans un village ou une petite ville, mais en même temps, il y en a d'autres qui, parfois, pensent qu'ils vont obtenir des résultats instantanés. Ils vont aller un mois dans un village africain.
    Comment faites-vous pour jouer avec cela? Quelle est votre approche pour affronter ce défi potentiel du travail des volontaires?

[Traduction]

    J'espère bien que cela découle du fait que nous comptons plus de 50 années d'expérience en tant qu'organisme de bénévolat professionnel et que notre principal mandat, c'est la réduction de la pauvreté et des inégalités. Selon moi, la raison en est qu'il y a eu une augmentation de ce que j'appelle les années « sabbatiques » et les vacances d'été durant lesquelles des jeunes de 18 ans partent à l'étranger pour faire leur part. On peut débattre des forces et des faiblesses de cette tendance. Je suis sûr que les jeunes en retirent quelque chose. Je crois que l'âge moyen des bénévoles du Cuso est d'environ 43 ou 44 ans. Nous avons adopté des critères et des processus de sélection assez stricts. Nous estimons être en mesure de déterminer si quelqu'un veut partir en vacances ou s'il s'agit d'un professionnel engagé. Nous offrons beaucoup de formation avant le départ pour nous assurer que les gens comprennent le contexte et, dans le cadre de ce processus, nous avons la possibilité d'exclure des gens, si nous avons des craintes ou des doutes relativement à leur attitude.
    Je crois que l'autre aspect de cette question concerne les pays où nous oeuvrons et le fait de pouvoir compter sur des partenaires engagés. J'ai vécu au Costa Rica il y a environ un an. Je soutenais alors mes programmes en Amérique latine et dans les Caraïbes. Je me souviens d'avoir visité une école au Costa Rica. Je crois qu'il y avait 15 bénévoles américains qui participaient à un programme durant leur année sabbatique. Ils n'avaient rien à faire. Ils avaient tous payé beaucoup d'argent. Je crois qu'on peut facilement faire la différence entre ces genres de programmes dans le cadre desquels on demande 5 000 $ pour construire des latrines et une école, et des programmes de développement professionnels bien conçus et complets dans le cadre desquels des personnes qualifiées mettent à profit leurs compétences. Selon moi, c'est une question de partenariat. C'est une question de professionnalisme et de critères de sélection. Et, au coeur de tout cela, il y a cet engagement à l'égard de la réduction de la pauvreté et des inégalités. C'est la mission principale de notre organisation.
(1145)

[Français]

     Je dois souligner que ma question ne visait en aucune façon à mettre en doute ce que vous faites. C'est un sujet dont on débat souvent et je voulais profiter de votre présence pour avoir votre expertise sur cette importante question.
    Monsieur le président, ai-je le temps de poser une brève question?

[Traduction]

    Me reste-t-il 30 secondes?

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Degnan Kambou.
    Vous avez parlé des objectifs de développement durable. Dans l'état actuel des choses, croyez-vous que les objectifs actuels couvrent suffisamment les besoins des jeunes filles, notamment? Je ne sais pas si ma question est claire.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Laverdière, de me poser cette question.
    Actuellement, nous sommes très encouragés par le libellé des objectifs de développement durable, et principalement les indicateurs qui ciblent la prévention des mariages d'enfants et la lutte contre les décès évitables, dont il a été question plus tôt ce matin.
    Cependant, nous aimerions bien qu'il y ait un accent accru précisément sur les adolescentes, parce que, selon nous, ce sont elles qui sont les plus vulnérables. En effet, très souvent, lorsqu'on examine ce qui se fait en matière de programmes de développement, on constate qu'elles sont oubliées, parce qu'elles ne sont ni des femmes en âge de se reproduire, ni des enfants de moins de cinq ans. Elles ne vont pas non plus à l'école. Par conséquent, elles sont très susceptibles d'être oubliées par les gouvernements et les programmes spéciaux qui sont là pour assurer leur bien-être, promouvoir leurs droits et les aider à réussir à l'âge adulte.
    Je vais m'arrêter ici, mais je vous remercie de m'avoir posé cette question et de m'avoir permis de souligner cet enjeu important.
    Je vous remercie aussi d'avoir répondu rapidement. Je l'apprécie.
    Nous allons maintenant passer à M. Hawn.
    Allez-y, monsieur. Vous avez sept minutes.
    Merci à vous tous d'être là.
    Je tiens à souligner que je vois que mon partenaire, ici, mon collègue, de l'autre côté, participe aussi. Afin d'attirer l'attention sur les questions de la malnutrition et de la pauvreté, je relève cette semaine le défi Vivre sous la ligne, et ce ragoût, qui a l'air délicieux, m'a coûté la majeure partie de mon budget de 1,75 $ de la journée. J'accepterai volontiers de le partager avec quiconque.
    J'aimerais commencer par Mme Kambou, si vous le permettez. Dans le domaine de la lutte contre les mariages d'enfants et les mariages forcés et des efforts pour éliminer ce genre de choses, comme vous l'avez mentionné, il y a les initiatives législatives d'application de la loi et il y a aussi l'éducation, qui est essentielle. Cependant, lorsque vous parlez d'éducation, de quelles façons vous y prenez-vous pour réaliser des initiatives d'éducation malgré la résistance provoquée par les normes sociales et les pratiques religieuses?
    Pour commencer, permettez-moi de revenir sur des points soulevés par d'autres membres du groupe. Il est important de travailler le plus profondément possible dans les collectivités et d'avoir une solide présence sur le terrain afin de comprendre la culture locale, les pratiques et coutumes et le paysage politique de ces collectivités et pour comprendre, dans ce contexte, de quelle façon le mariage des enfants est perçu et de déterminer s'il y a peut-être des personnes qui militent pour modifier la pratique des mariages d'enfants. Par conséquent, nous travaillons dans les collectivités pour sensibiliser les gens de façon générale aux risques et aux coûts des mariages d'enfants.
    Nous avons vu à l'oeuvre des programmes très réussis, comme l'initiative de Tostan, au Sénégal, et les programmes dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, dans le cadre desquels les intervenants ont travaillé en collaboration dans les collectivités pour favoriser une convergence et un consensus afin que la collectivité dans son ensemble soit favorable à l'élimination de cette pratique. C'est une approche, et c'est celle du développement.
    Je crois cependant que, pour apporter des changements durables à plus long terme, il faut trouver des solutions plus en amont. Par conséquent, je me tournerais à nouveau vers le secteur de l'éducation et je me demanderais de quelle façon nous pouvons commencer à travailler plus tôt auprès des enfants, à l'école, pour les aider à comprendre que les rôles sexuels sont des comportements sociaux acquis, des rôles sociaux, afin de les aider à comprendre qu'ils peuvent désapprendre ce qu'on leur a enseigné à ce sujet et au sujet de la valeur à accorder aux femmes et aux filles, afin que nous puissions adopter de nouveaux comportements plus sains à l'avenir.
    Nous avons de grands succès à ce sujet dans les écoles primaires. Par exemple, en Inde, où, durant un programme pédagogique de deux ans, de jeunes garçons et de jeunes filles des écoles intermédiaires ont adopté de nouvelles normes. Bien sûr, la mise en pratique de ces normes et de ces comportements doit être soutenue à l'avenir, et il faudra constamment offrir un soutien connexe.
    Mais, pour sortir de ce cadre législatif général des politiques sociales, par l'intermédiaire des solutions que je viens de décrire, comme des transferts d'argent conditionnels, je crois qu'il faudra miser sur des changements sociaux fondamentaux.
(1150)
    Si j'ai bien compris, au bout du compte, ce seront les parents et les enfants eux-mêmes qui vont probablement mener le pas et qui entraîneront avec eux les vieux dinosaures sociétaux.
    Franchement, c'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup aimé la première question au sujet de l'importance de cibler les adolescentes ainsi que ce qu'un autre témoin a dit au sujet de l'importance de se faire entendre. Les adolescentes connaissent leurs besoins. Si on leur donne l'occasion de s'exprimer, elles savent quelles sont les solutions dans leur environnement immédiat. C'est une plateforme très importante.
    Merci.
    Je veux passer à la Croix-Rouge canadienne pour un instant. Ce dont je veux parler est lié dans une certaine mesure à ce qui se produit actuellement au Népal et à ce dont vous avez parlé au sujet de la violence sexuelle en période de crise, entre autres.
    Quels genres de systèmes de protection de l'enfance sont actuellement en place au Népal?
    Je sais que vous ne pouvez pas répondre à cette question de façon précise en ce moment, mais quel genre de choses pouvez-vous vous attendre à apprendre de cette expérience, et de quelle façon peut-on renforcer ces systèmes?
    Merci beaucoup de me poser la question. Il est encore très tôt.
    Nous mettons actuellement en place un hôpital de campagne dans le cadre de notre intervention d'urgence. Toutes les personnes qui participent à cette initiative ont reçu une formation liée à la protection de l'enfance. C'est un aspect fondamental et important. Nous envoyons là-bas des personnes qui comprennent les enjeux liés à la protection de l'enfance et qui savent de quelle façon rester à l'affût de ce genre de problèmes dans un tel contexte complexe. Nous savons qu'il y a des milliers d'enfants qui vivent dans la rue aussi, à Katmandou, alors nous sommes très préoccupés par leur sort.
    Malheureusement, il s'agit d'enjeux permanents que nous connaissons trop bien en raison de nos interventions dans le cadre de catastrophes et de conflits. L'un des principaux problèmes concerne la séparation des enfants de leurs parents. L'une des priorités, durant une catastrophe, c'est de travailler avec des représentants de la société locale nationale et le Comité international de la Croix-Rouge pour garantir la réunification des familles. C'est une activité cruciale, qui favorise beaucoup la protection de l'enfance au sein des populations des régions où nous travaillons.
    J'ai eu l'occasion d'aller en Tanzanie l'année dernière pour voir certaines des bonnes choses que fait le Canada en matière de micronutrition et ce genre de choses. C'est très impressionnant.
    J'ai une question pour le représentant de Cuso. Monsieur Breen, la question de la collecte de données, de la tenue de documents et ainsi de suite est évidemment très importante. La Tanzanie fait beaucoup d'efforts dans ce domaine, et nous en avons été en partie témoins. Beaucoup de progrès ont été faits.
    Y a-t-il des choses que nous pourrions faire ou dont nous pourrions faire la promotion en tant que gouvernement ou pays et sur lesquelles nous pourrions mettre l'accent pour rendre le processus plus efficace? Y a-t-il des choses que nous faisons sur lesquelles nous pourrions mettre davantage l'accent?
    C'est très bien que le gouvernement canadien appuie l'enregistrement des naissances. Je crois que mettre l'accent sur cette question est crucial pour la protection des enfants.
    Selon moi, parfois, la volonté est là, mais il y a un manque de compétences techniques. Par exemple, parfois, les systèmes informatiques — j'oserai même dire ceux de notre propre organisation — ne sont pas aussi solides qu'ils devraient l'être. Je crois qu'il y a là une tâche concrète dont pourraient s'acquitter des professionnels canadiens qualifiés. Ils pourraient aller travailler en collaboration avec des homologues, pour créer des bases de données et examiner les systèmes d'information.
    Quiconque s'est rendu en Afrique subsaharienne récemment sait qu'il y a de plus en plus de téléphones mobiles là-bas. On ne peut peut-être pas avoir grand-chose, mais vous remarquerez que tout le monde a un téléphone mobile. Je crois qu'il y a là beaucoup d'occasions d'examiner ces nouvelles et toutes simples technologies pour recueillir des données. Selon moi, c'est ce genre d'évaluation — sans envahir la vie privée des gens — des possibilités que les nouvelles technologies, comme les téléphones mobiles, peuvent permettre en matière de collecte de renseignements. Il faudrait peut-être fournir ce genre d'accompagnement au développement dirigé par des personnes et prenant la forme d'initiatives bénévoles à long terme pour permettre aux gens de mettre au point un système plutôt que de tout simplement leur en imposer un.
(1155)
    L'une des choses que j'ai remarquées en Tanzanie, c'est que les représentants semblaient être, pour la plupart, très enthousiasmés par les nouvelles technologies et par l'idée d'avoir accès à une technologie que nous tenons pour acquise: les téléphones cellulaires, la capacité de transférer des données et ainsi de suite.
    Y a-t-il un rôle pour...
    Monsieur Hawn, c'est tout le temps que nous avons. Votre tour reviendra durant la prochaine série.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Garneau. Vous avez sept minutes.
    Merci de votre témoignage.
    Ma première question est destinée à Mme Strong.
    Je connais bien les travaux de la Croix-Rouge partout sur la planète. Vous méritez des éloges.
    Lorsque j'étais jeune, je me rappelle qu'on nous disait que, lorsque la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge se rendent en zone de guerre, tout le monde les respecte et personne ne les prend pour cibles.
    Dans des endroits comme la Syrie, où il y a certaines organisations, comme l'EI et d'autres organisations qui ne respectent à peu près pas de règles, le Croissant-Rouge peut-il encore fournir de l'aide sans se sentir menacé ou est-ce que le portrait a totalement changé maintenant?
    Vous soulevez un enjeu très important pour nous. Notre mouvement a mentionné le fait que la sécurité des travailleurs de la santé n'est plus garantie. C'est un enjeu que nous soulevons à l'échelle mondiale grâce à un projet qui s'appelle Les soins de santé en danger.
    Malheureusement, en Syrie, nous avons perdu plus de 40 bénévoles et employés qui tentaient d'aider la population. C'est une question vraiment critique.
    Nous nous démenons pour assurer la sécurité de tous nos travailleurs dans le monde entier. Cela restera toujours une priorité pour nous.
    Merci.
    Ma deuxième question est destinée à Mme Degnan Kambou.
    Nous avons beaucoup parlé au cours des derniers mois des mariages précoces et forcés, et on nous a brossé un portrait assez complet de la situation. Savez-vous s'il y a des statistiques selon lesquelles le nombre de mariages d'enfants diminue? Si ce n'est pas en termes absolus, mais en termes relatifs, y a-t-il quoi que ce soit pouvant nous indiquer que nous faisons des progrès relativement aux mariages d'enfants?
    J'aurais bien aimé avoir de meilleures nouvelles pour vous. Nous voyons bel et bien les choses bouger. Par exemple, si nous prenons l'exemple du Bangladesh, nous constatons que l'âge des enfants mariés augmente. Par conséquent, alors que les filles étaient mariées, disons, à l'âge de 16 ans, elles le sont maintenant à 17 ans. L'âge augmente, mais il y autant de filles qui sont assujetties au même rite.
    En termes absolus, je dirais que la situation est probablement stable. Je crois qu'il y a même des cas dans mon pays, les États-Unis d'Amérique, où le Urban Institute a réalisé des études intéressantes pour documenter les cas de mariages d'enfants précoces et forcés, ici même, dans les 48 États continentaux. Il semble donc y avoir de nouvelles données probantes liées à cette pratique partout dans le monde.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Dans la situation au Népal et celle qui règne en Syrie, au Pakistan et en Haïti, après un conflit ou une catastrophe naturelle, on constate habituellement une augmentation du nombre de mariages d'enfants. Dans un premier temps, c'est lié à la réaction des gens aux perturbations sociales et économiques. Souvent, les gens sont dans des situations difficiles et ils tentent seulement de survivre. Par conséquent, la possibilité de marier une fille pour assurer sa sécurité et éliminer un certain fardeau financier qui pèse sur la famille, pousse souvent les gens à prendre une telle décision.
    Enfin, comme on l'a dit pour la Croix-Rouge, l'une des façons de protéger une jeune fille contre la violence sexuelle dans l'esprit de la famille, dans l'esprit de la collectivité, c'est bien sûr de la marier afin qu'elle soit sous la protection de son époux.
    J'aurais aimé avoir de meilleures nouvelles pour vous, monsieur.
(1200)
    Merci.
    Monsieur Stevenson, vous avez mentionné une statistique plutôt alarmante selon laquelle 6 000 femmes sont infectées chaque semaine. Il semble que le besoin d'argent les a poussées à se prostituer. Le fait qu'elles sont si nombreuses m'a surpris. Y a-t-il d'autres raisons, culturelles ou sociétales, pour lesquelles les femmes contractent une infection simplement parce que, je le dirai sans détour, les hommes profitent d'elles, ou est-ce vraiment parce qu'elles sont nombreuses à accepter d'avoir des relations sexuelles en échange d'argent?
    Je tiens à préciser quelque chose au sujet des 6 000 infections par semaine dans l'est et le sud de l'Afrique: ce chiffre concerne uniquement la cohorte des femmes âgées de 15 à 24 ans et n'inclut pas seulement les infections découlant du travail du sexe. Les études qui ont été réalisées dans cinq pays de l'est et du sud de l'Afrique ont essentiellement toutes conclu que, en moyenne, grâce à des paiements en espèces, on peut réduire la prévalence de 30 à 60 % au sein de cette même cohorte. Cela donne à penser qu'il y a une justification économique aux infections, mais que la cause sous-jacente n'est pas nécessairement toujours le travail du sexe.
    J'ai une question pour le représentant de Cuso. Pardonnez-moi mon ignorance, mais d'où vient votre financement? Vient-il du gouvernement du Canada?
    Oui.
    J'aimerais connaître le profil type d'une de ces 250 personnes qualifiées. En moyenne, elles ont 43 ans. Quels genres de compétences possèdent-elles?
    Cela dépend. Il peut s'agir d'un professionnel du milieu des affaires âgé de 45 ans, qui a peut-être fait un peu d'argent et qui veut redonner aux autres. Nous réalisons beaucoup de programmes de développement économique, et cette personne travaillerait, par exemple, auprès de petits agriculteurs pour les aider à trouver une façon de commercialiser leurs produits. Il pourrait aussi s'agir d'une sage-femme, qui est arrivée à une certaine étape de sa vie et qui se dit... En fait, j'imagine que les gens se rendent compte qu'ils sont des citoyens du monde. Il s'agit habituellement de professionnels qualifiés qui veulent mettre leurs compétences aux profits des autres. C'est un groupe diversifié. Mais, si on les rassemblait, on constaterait que ce qui les unit tous, c'est que ce sont des Canadiens qui ont à coeur le sort de la planète, qui s'estiment chanceux et qui veulent donner quelque chose en retour et, bien sûr, qui ont des compétences à partager.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième série. Les intervenants auront cinq minutes chacun.
    Je vais commencer par M. Schellenberger. Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, j'aimerais revenir rapidement sur la question de M. Garneau.
    Je sais que la primauté du droit renforce la viabilité des collectivités. Vous avez parlé de professionnels spécialisés. Je viens de Perth—Wellington, et le théâtre de Stratford est dans ma circonscription. Vous savez peut-être que le théâtre participe à une initiative en collaboration avec une compagnie théâtrale à Suchitoto, au Salvador. Il y avait un grand problème de gangs et de criminalité là-bas, et c'était en grande partie parce que les jeunes ne trouvaient pas d'emploi. Ils n'avaient rien à faire. Par conséquent, le théâtre de Stratford, avec divers groupes, y compris la ville de Suchitoto... je crois que Cuso participe à l'initiative. C'est exact?
    C'est un partenaire important.
    C'est un partenaire très important. Ils n'ont pas seulement créé un groupe d'acteurs. Ils ont mis sur pied une compagnie de théâtre qui emploie des électriciens, des accessoiristes, des couturières responsables des costumes, des comédiens et tout le reste, l'éclairage, ainsi de suite. Ce qu'ils font, une fois par année — pas une fois par année, mais à divers moments —, c'est qu'ils envoient des intervenants du théâtre là-bas pendant un mois ou deux pour enseigner certains de ces métiers. Par la suite, les gens prennent le relais et gèrent l'entreprise. Ils ont acquis les compétences et ils les ont mises en pratique, alors ils vont peut-être retourner dans la collectivité et démarrer leurs propres entreprises et devenir des entrepreneurs, et d'autres personnes en bénéficieront.
    Je crois que ce programme a aidé à réduire la prévalence des gangs dans la région et à renforcer la primauté du droit. Pouvez-vous nous en parler, s'il vous plaît?
(1205)
    Oui. Vous l'avez bien décrit: le programme Suchitoto est un excellent exemple de professionnels canadiens qui travaillent en collaboration avec des partenaires au Salvador et des jeunes dans le but de fournir aux gens des compétences et de régler certains problèmes.
    En plus du genre de compétences techniques que les gens acquièrent, ils utilisent de plus en plus le théâtre pour faire réfléchir les jeunes aux situations de violence qui ont cours au Salvador. Vous savez, certains endroits sont extrêmement violents. Il y a quelque mois à peine, un groupe de jeunes du Salvador sont venus au Canada pour présenter leurs créations et parler de leur jeunesse au Salvador, de l'impact que les gangs ont eu sur eux, et ainsi de suite.
    C'est un modèle que nous essayons de reproduire et dont l'objectif principal est de favoriser l'esprit d'entrepreneuriat. En fait, une bonne partie des jeunes qui se retrouvent dans des gangs de narcotrafiquants le font par besoin d'argent. Ils ont un esprit d'entrepreneuriat, et les gangs de trafiquants leur offrent une façon de faire de l'argent rapidement. Selon nous, avec cet esprit et un encadrement et du mentorat, ces jeunes peuvent choisir une autre voie.
    Lorsqu'on se rend là-bas, c'est un peu étrange de voir des jeunes au Salvador présenter une pièce de Shakespeare et de constater qu'ils y mettent vraiment tout leur coeur. Puis, on rencontre leur famille, qui vit dans des petites collectivités agricoles, etc., mais toute la collectivité se range derrière eux et sait que cela porte des fruits. C'est aussi le partenariat, le partenariat entre le Canada et le Salvador, et c'est un moyen de sortir de la pauvreté, de mettre fin à la violence et de choisir un avenir très positif.
    C'est un excellent projet, et je suis très heureux que vous l'ayez mentionné.
    Merci.
    Monsieur Stevenson, pouvez-vous expliquer de quelle façon la Howard Buffet Foundation améliore les conditions dans les pays qui sont sur le point de sombrer dans un conflit? Y a-t-il des exemples de réussite où un investissement a beaucoup aidé à prévenir un conflit?
    Oui. À propos du travail fait par la fondation, Howard a fait toute une gamme d'investissements liés à des enjeux humanitaires en temps de conflit, particulièrement lorsqu'il estime que sa fondation peut occuper un créneau spécial, parce d'autres organisations ne peuvent pas s'engager de certaines façons, tandis que lui, il peut le faire.
    Une des initiatives assez novatrices qu'il réalise actuellement, et que vous pourrez voir sur le site web, c'est qu'il finance des chiens détecteurs belges dans l'est du Congo. Ils sont à la recherche de Joseph Kony, qui est en liberté depuis bien trop longtemps. Howard s'est dit: « Eh bien, pourquoi ne pas essayer ». Encore une fois, c'est un exemple d'un créneau qui lui est propre.
    Comme moi, il a beaucoup essayé de trouver des solutions en Afrique, particulièrement en ce qui concerne les sécheresses, qui découlent des changements climatiques et ce genre de choses; des solutions pour permettre aux gens de sortir du cercle vicieux des catastrophes comme les sécheresses, les inondations, les tempêtes et j'en passe. C'est là où la solution consiste à réaliser des initiatives de sécurité alimentaire et de nutrition. Dans le cadre du Programme alimentaire mondial, nous avons misé beaucoup sur le travail rétribué en vivres pour rétablir la production agricole. Au Rwanda, nous avons appuyé le processus de réconciliation de la commission de démobilisation auprès des populations qui reviennent et se réinstallent.
    En quelque sorte, ce sont toutes des façons de lier le soutien à une intervention d'urgence de façon à mettre en place des conditions qui feront en sorte que les problèmes ne se reproduiront pas.
    Merci.
    Merci, monsieur Schellenberger.
    Nous allons maintenant passer à Mme Laverdière, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Strong, je veux d'abord vous féliciter pour les efforts que la Croix-Rouge canadienne déploie au Népal ainsi que partout dans le monde. La question de mon collègue Laurie Hawn était très intéressante. Il s'agissait de la protection des enfants et de la compréhension des enjeux particuliers qu'ils soulèvent dans un contexte semblable.
    Cela dit, j'aimerais vous poser la même question qu'à Mme Degnan Kambou, à savoir sur les objectifs en matière de développement durable.
    Selon vous, dans quelle mesure répondent-ils aux besoins des jeunes et des adolescents et, plus particulièrement, que pourrait-on faire pour les améliorer?
(1210)

[Traduction]

    En ce qui concerne les objectifs en matière de développement durable, nous avons surtout mis l'accent sur les objectifs liés à la santé maternelle, néonatale et infantile. Comme vous m'avez probablement entendu le dire plus tôt, pour ce qui est des cibles, nous voulons mettre fin à tous les décès maternels et infantiles évitables d'ici 2030. Selon nous, c'est très important.
    Mais ce n'est pas suffisant de simplement prévenir ces décès. Nous croyons vraiment que les gens doivent survivre, prospérer et aussi vivre dans la dignité, alors nous pensons à la personne de façon globale. Nous aimerions faire en sorte que cette interprétation plus générale de la santé, comme l'OMS l'envisage, soit adoptée. Il ne faut pas uniquement s'en tenir à la survie des enfants et des mères.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Degnan Kambou, comme nous le savons, les mariages précoces et forcés mènent souvent à des grossesses non désirées.
     Comment peut-on s'assurer que les jeunes femmes et les jeunes filles ont accès aux services dont elles ont besoin dans ce contexte?

[Traduction]

    Encore une fois, merci de me poser la question.
    Lorsqu'une jeune fille a été mariée, franchement, durant la première année au sein de sa nouvelle famille, elle doit faire sa place. Par conséquent, la procréation, la première grossesse, c'est ce qui intéresse tout le monde. Une fois ce premier enfant né, la fille a prouvé sa fertilité, et on peut alors travailler en collaboration avec la belle-famille, l'époux, la fille elle-même et les chefs de la collectivité pour trouver des façons de réintégrer cette fille dans la société.
    Il y a une stratégie qui a fait l'objet d'une très bonne évaluation et qui a été réalisée dans la région Amhara de l'Éthiopie, où le taux de mariage d'enfants est très élevé. Par l'intermédiaire d'organisations communautaires, on a entrepris un dialogue mondial avec les chefs communautaires sur la pratique du mariage des enfants, sur les coûts pour la mère, l'enfant, la famille et la collectivité, et sur le besoin de sortir les filles des maisons pour les aider à obtenir les genres de services de santé dont elles ont besoin pour être des mères en santé et avoir des enfants en santé, et il en va de même pour les enfants.
    L'objectif était aussi d'aider à favoriser l'acquisition de certaines compétences, comme la littératie financière. Si une jeune femme peut se joindre à un groupe d'épargne et de crédit de son village ou un groupe de pairs, et qu'elle peut faire des économies, alors de quelle façon pourrait-elle investir ces fonds lorsqu'elle les aura en main, de façon à créer une petite entreprise qui générera des revenus pour la famille et qui pourrait aider le ménage? Dans certains cas, les filles pouvaient même retourner aux études. Ce n'est pas toujours le cas, mais on peut y arriver grâce à la négociation.
    Ce que nous avons constaté à la fin de ce programme de trois ans, c'est que, en effet, grâce à ce processus vraiment axé sur la participation et réalisé par la collectivité, nous avons réussi à négocier des avantages pour ces jeunes filles, et elles-mêmes apprécient les progrès dont elles bénéficient dans leur vie. Elles ont des façons différentes de l'exprimer, mais, en ce qui concerne les choses pouvant intéresser les membres du comité, nous constatons une utilisation accrue des méthodes d'espacement des naissances, un dialogue accru avec les époux concernant le partage des tâches ménagères, l'augmentation des taux de vaccination des enfants et une bonne participation aux instruments financiers dans la collectivité. Tout cela est donc de bon augure, non seulement pour le ménage, mais aussi pour la collectivité.
    C'est donc le genre de données probantes qui existent et de choses que nous pouvons reproduire dans d'autres collectivités.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Goldring. Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui.
    Je crois que ma question est destinée à Mme Degnan Kambou, mais, si les autres témoins ont quelque chose à dire à ce sujet, j'aimerais bien les entendre. Je veux parler de la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous connaissons tous le dépliant qui est régulièrement distribué dans nos écoles à cet effet. Les enfants sont définis comme les personnes âgées de moins de 18 ans, sauf en cas de recrutement dans l'armée. Dans ce cas, l'article 38 s'applique et précise qu'ils peuvent avoir 15 ans. Nous savons que cela a été corrigé par des protocoles depuis, mais ce n'est pas mentionné dans les dépliants que nous distribuons dans nos écoles.
    Ma question est liée à ma crainte touchant les nombreux pays qui ont signé la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies. Avaient-ils l'intention d'obtenir un soutien à cet effet? Ou avaient-ils l'intention de l'appuyer et de l'appliquer? Au bout du compte, tout serait une question de gouvernance, et, comme vous venez tout juste de mentionner, dans un pays, l'Éthiopie, le mariage des enfants est chose courante. Par conséquent, combien de pays ont signé les droits et les protocoles et combien n'y adhéreront pas? Au bout du compte, n'est-ce pas là uniquement une question de gouvernance?
    Mon autre question est la suivante: compte tenu de toutes les questions que j'ai posées, y a-t-il un programme qui tente, si je peux m'exprimer ainsi, de recenser les pays en fonction de leur respect de ces protocoles? Pouvez-vous nous en parler?
(1215)
    Merci, monsieur Goldring.
    Permettez-moi premièrement de dire que je ne suis pas une experte de la Convention relative aux droits de l'enfant. Par conséquent, je ne peux pas vraiment répondre tout à fait à votre question.
    Pour ce qui est des mariages d'enfants, la Convention parle d'enfants âgés de moins de 18 ans, sauf s'il s'agit d'une question de droit coutumier ou si les parents ou les autorités locales approuvent le mariage; alors c'est un mariage forcé. Ce sont des enjeux que nous tentons d'aborder par l'intermédiaire de coalitions mondiales de défense.
    Par exemple, Filles, pas épouses, une coalition représentative de collectivités du monde entier, s'attaque directement à la législation et travaille pour s'assurer que l'âge de mariage légal appliqué dans les pays qui font partie de la coalition est 18 ans, rappelant toujours les données probantes touchant les coûts pour la personne, le ménage et la collectivité lorsque l'âge limite n'est pas respecté.
    Du point de vue des ONG, notre rôle est de continuer à promouvoir l'adoption des meilleures lois possibles et d'assurer leur application et leur mise en oeuvre pour protéger les personnes visées et de toujours rappeler les données probantes qui prouvent que c'est la chose à faire tant du point de vue du développement social que du développement économique.
    Il y a donc des réunions avec les divers gouvernements des pays qui ont signé ces protocoles, et tout cela est fait de façon organisée?
    C'est exact.
    C'est organisé, mais le travail n'est pas fait par l'organisation mondiale. Il est plutôt accompli par les sections nationales de la coalition Filles, pas épouses. Aux États-Unis, le ICRW est le secrétariat, alors c'est nous qui défendons cette cause auprès de notre gouvernement. C'est la même chose pour la section éthiopienne de Filles, pas épouses. Elle est chargée de promouvoir cette question auprès du gouvernement.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait parler des droits des enfants?
    Compte tenu de mon expérience auprès du Save the Children Fund, il y a quelques années, je sais que les Nations unies organisaient des séances spéciales sur les droits des enfants, et que ses représentants ont présenté des rapports de différents pays. Je me souviens que le Royaume-Uni, par exemple, avait eu des problèmes pour avoir détenu des enfants de 15 ans et moins dans une prison d'adultes, parce qu'ils n'avaient pas suffisamment... Des pays obtiennent un genre de bulletin dans lequel on précise ce qu'ils font de bien et ce qu'ils doivent améliorer.
    Pour répondre à votre question, si vous voulez connaître la portée de la Convention des Nations unies, encore une fois, je crois que, dans bon nombre des pays où j'ai travaillé, l'intention est là. Au bout du compte, tout dépend de la gouvernance et du contrôle du gouvernement. Comme on l'a déjà dit, dans une capitale, on retrouve l'élite de la classe moyenne, et ces personnes comprennent les droits des enfants.
    Je suis allé en Éthiopie. J'ai vécu là-bas. Les gens parlaient de populations arriérées, comme s'il était tout à fait scandaleux qu'une fille de 13 ans à Addis, par exemple, qui vient de la classe moyenne ou je ne sais quoi, et qui a des parents professionnels, soit mariée. Les gens dans les régions plus éloignées d'Éthiopie ont un point de vue différent. Je crois que c'est une question de contexte culturel, mais tout tient aussi à la capacité du gouvernement d'intervenir.
    Je crois que c'est là que la société civile a un rôle à jouer, et, souvent, les groupes de la société civile sont bien placés pour travailler à ce niveau sur ces questions épineuses et ces perceptions.
(1220)
    On dirait que c'est facile de signer l'entente, mais les signataires passent-ils de la parole aux actes lorsqu'ils retournent dans leur pays?
    Merci, Peter, c'est bien.
    Nous allons commencer la troisième série par Mme Brown, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être là aujourd'hui.
    Monsieur Stevenson, dans votre déclaration, vous avez parlé de stabilité, de croissance et de bonne gouvernance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et plus précisément de ce que cela signifie pour la protection de l'enfance?
    J'ai participé l'été dernier au Sommet des filles avec David Cameron, en Angleterre. Je constate, en regardant mes notes, que la Zambie a adopté une approche pangouvernementale. Chaque ministère s'est engagé, dans la mesure de sa sphère de compétence, à traiter des questions liées à l'égalité entre les sexes.
    En Somalie, le gouvernement s'est engagé à mettre fin aux horribles pratiques culturelles dont sont victimes les filles.
    L'Inde a adopté une loi en 2006 pour abolir les mariages précoces forcés. En fait, on dit que 250 millions de femmes ont voté durant les dernières élections.
    Au Pakistan, ils ont reconnu qu'ils avaient un problème de mariages précoces forcés, mais, là aussi, ils ont adopté de nouvelles lois.
    À quoi ressemble la bonne gouvernance? De quelle façon le Canada peut-il aider ces pays à appliquer les lois qu'ils adoptent?
    J'apprécie les faits que vous avez glissés dans vos questions et qui concernent la gouvernance dans un certain nombre de pays.
    Bien sûr, on peut expliquer de nombreuses façons ce en quoi consiste la bonne gouvernance relativement aux questions touchant la protection de l'enfance. Selon moi, l'une des principales choses qui ont un impact sur les enfants et les jeunes dans une bonne partie des pays les plus vulnérables, c'est l'absence de femmes et de mères, particulièrement au sein des parlements et dans d'autres tribunes décisionnelles. On constate que, lorsque les femmes peuvent davantage se faire entendre et qu'elles sont plus nombreuses dans des postes de leadership, cela a une répercussion en chaîne sur les conditions des enfants et des jeunes et leurs possibilités d'atteindre leur plein potentiel.
    Les pratiques des gouvernements en matière de législation sont cruciales. Pour ce qui est du Fonds mondial, nous avons passé un point de décision en 2009, qui visait à reconnaître les communautés visées par le Fonds mondial, y compris les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, et les communautés gaies et lesbiennes. Nous avons décidé de seulement organiser des réunions du Fonds mondial dans des pays qui n'ont pas adopté de lois qui limitent ce genre de choix.
    En Afrique, trois pays sont admissibles. Pour nous, c'est quelque chose qui va de soi; les personnes ont le droit de choisir leurs relations. Je crois aussi que la législation est très importante.
    Pour ce qui est de la croissance, d'autres personnes vous ont parlé des obstacles économiques qui empêchent les enfants et les jeunes d'atteindre leur plein potentiel. J'ai donné l'exemple des adolescentes dans le sud de l'Afrique. Il y a de nombreux autres exemples où la croissance économique aide tout simplement à créer les conditions nécessaires pour la liberté et le déplacement des jeunes et des enfants.
    Quant à la stabilité, les crises humanitaires dans le monde menacent constamment la protection des femmes, des enfants et des jeunes. Franchement, il y a aussi des occasions d'interagir de façon positive afin d'aider à mettre en place les conditions nécessaires à une stabilité durable, comme je l'ai exposé dans mon exemple du Rwanda. En même temps, grâce aux écoles, aux soins de santé et aux pratiques législatives, nous travaillons afin de nous assurer de garantir les droits des enfants et des jeunes afin qu'ils puissent grandir.
    Madame Kambou, à ce sujet, vous avez dit que vous travaillez sur la question des mariages précoces et forcés depuis deux décennies.
    Pouvez-vous nous donner certains exemples d'endroits où vous voyez des progrès? Y a-t-il quelque chose que le Canada peut faire pour souligner ces réussites et montrer aux autres pays ou aux autres groupes culturels que cela permet d'améliorer l'économie, la santé des femmes et l'éducation des enfants? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
    Oui, je le peux. Permettez-moi de parler de l'Inde, puisque vous avez mentionné l'Inde et l'Asie du Sud dans vos commentaires préliminaires. L'État de Haryana, qui est situé directement au nord de Delhi, affiche les ratios sexuels les plus disproportionnés et les plus frappants en ce qui a trait aux filles portées disparues. Il y a aussi eu un gouvernement inhabituel au pouvoir de 1994 à 1998. Ce dernier a reconnu que, s'il voulait changer, au bout du compte, la valeur et l'expérience des jeunes filles, surtout dans les couches les plus pauvres de la société, il devait mettre en place certaines politiques sociales permettant d'accroître la valeur finale des filles. Il a mis en place une politique sociale intitulée Apni Beti, Apna Dhan. Les familles gagnant moins de 15 $ par mois au moment de la naissance de leur fille pouvaient inscrire leurs filles à ce programme, qui leur promettait que, si leur fille ne se mariait pas avant ses 18 ans, celle-ci allait recevoir un paiement en son nom équivalent aujourd'hui à environ  100 ou 120 $, ce qui est beaucoup d'argent pour une famille dans ces conditions économiques.
    La raison pour laquelle je donne cet exemple, c'est qu'il s'agissait d'une expérience naturelle. Les familles qui ont choisi de participer et les familles qui ont choisi de ne pas participer venaient toutes de la même classe socioéconomique. Ces filles, bien sûr, ont commencé à avoir  18 ans il y a deux ans. Nous avons travaillé en collaboration avec le gouvernement de l'État de Haryana pour comprendre quels ont été le processus et la réussite de cette politique sociale. L'analyse des données finale est en cours.
    Nous avons constaté que les filles dans le groupe expérimental, celles dont la famille les a inscrites pour l'obligation, sont en fait restées à l'école plus longtemps, et 11 % d'entre elles ont reporté l'âge de leur mariage, maintenant qu'elles ont 18 ou 19 ans. Dans le groupe témoin, composé de filles qui n'ont pas été inscrites au programme, les filles avaient arrêté l'école beaucoup plus rapidement et étaient un peu plus susceptibles d'être mariées plus jeunes.
    C'est important de reconnaître l'impact des politiques sociales et des paiements conditionnels pour favoriser les changements sociaux et en accélérer le rythme dans une collectivité donnée. Ce qui est intéressant au sujet de cette stratégie précise, c'est que la gratification n'était pas immédiate, elle était très éloignée. Les gens ont dû attendre 18 ans pour obtenir des résultats, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a maintenant de nouveaux programmes mis en place en Inde assortis de paiements intermédiaires ou qui prévoient des mesures de soutien pour les filles et leur famille afin de les aider en cours de route.
    Compte tenu de ces données probantes, le Canada pourrait peut-être commencer à intégrer certaines de ces constatations ou de ces recommandations dans ses politiques en matière de développement quant à savoir dans quelles solutions il faut investir relativement à cet enjeu précis. Selon moi, ce serait une très bonne idée de reproduire ces genres de solutions et de le faire à plus grande échelle. C'est un investissement sensé.
(1225)
    Merci.
    Monsieur le président, peut-on demander que l'information soit présentée au comité afin que nous puissions l'examiner?
    Absolument.
    Est-ce possible, madame? Lorsque le rapport final sera prêt, nous aimerions bien le recevoir.
    Monsieur Dewar, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos invités qui ont présenté de superbes témoignages, et qui ont très certainement des points de vue différents, ce qui nous aide beaucoup dans le cadre de nos travaux.
    Monsieur le président, je veux souligner que nous discutons de ce qui se passe dans des régions où il y a eu des catastrophes, et que, malheureusement, nous en avons un exemple en temps réel au Népal. Je viens tout juste de lire ce qu'a dit Priya Marwah, la représentante du Fonds des Nations Unies pour la population, au sujet de la situation sur le terrain au Népal. Il s'agit d'une citation d'un article des Nations Unies qui va comme suit: « Beaucoup de femmes perdent l'accès aux services essentiels en matière de santé reproductive et donnent naissance dans des conditions épouvantables sans accès à des services d'accouchement sécuritaires et ni aux soins vitaux ».
    Il est question de certaines des choses dont nous avons parlé. Il est évident qu'il y a des choses à faire.
    Je sais qu'ici, à Ottawa, Accueil pour l'enfance bénéficie d'un très bon soutien. Il s'agit d'une agence qui fait du travail extraordinaire auprès des mères célibataires et des enfants qui ont été abandonnés. Actuellement, simplement en parlant aux résidants locaux, à des gens qui ont des liens avec ce qui se passe sur le terrain, nous savons que les gens sont en sécurité, mais ils restent à l'extérieur des bâtiments et ils n'ont nulle part où vivre. Ils sont en sécurité, d'une certaine façon.
    Vous savez, le travail dont on parle, il est là, en temps réel. Ces choses se passent devant nos yeux.
    Je veux parler d'une question dont il a été question au comité. Nous n'en avons pas encore parlé aujourd'hui, mais c'est toute la question de la main-d'oeuvre enfantine. Nous avons été saisis de cette question après l'effondrement du Rana Plaza. Franchement, je crois que cela a été un signal d'alarme: il faut que les entreprises canadiennes reconnaissent leurs responsabilités. Nous savons que toute la question de la chaîne d'approvisionnement est très importante. Je parle du Rana Plaza parce que les gens savent de quoi il s'agit, mais nous savons aussi que c'est un problème permanent, et il se trouve que l'effondrement de l'usine a été un élément catalyseur, qui a attiré notre attention. Nous avons traité d'enjeux liés à des enfants qui travaillaient dans des conditions déplorables.
    Je me souviens de l'histoire d'une fille de 11 ans qui ne voulait pas retourner au travail le jour de l'effondrement parce qu'il y avait eu des avertissements touchant des préoccupations liées à l'intégrité du bâtiment, mais elle a été forcée d'y retourner par un gestionnaire. Elle avait 11 ans. Elle a survécu et elle a pu raconter son histoire.
    Lorsque nous parlons de la protection de l'enfance, je crois que nous devrions aussi inclure cela.
    J'aimerais bien savoir ce que nos témoins en pensent.
    Nous pourrions peut-être commencer avec M. Stevenson. Quel rôle peut-on jouer? J'ai vraiment soutenu les initiatives de Loblaws, en particulier, relativement à l'accord. Nous connaissons la réalité. Ce n'est pas comme si nous allions faire fermer ces usines demain et si les enfants allaient pouvoir vivre dans de merveilleux foyers où ils seront soutenus. Ils travaillent parce qu'ils doivent le faire.
    De quelle façon ce que je viens de dire s'inscrit-il dans toute la constellation de la protection de l'enfance? Nous devons nous assurer d'offrir du soutien, une protection et des occasions aux enfants qui vont travailler parce qu'ils doivent mettre du pain sur la table. Nous sommes en 2015, et j'ai l'impression que, depuis que les frères Kielburger ont mis tout ça en branle, je ne sais plus il y a combien d'années, eh bien, j'ai l'impression que nous sommes encore aux prises avec ce même problème tenace. Je me demande ce que vous en pensez.
(1230)
    Franchement, j'aimerais répondre à votre question du point de vue du ministère regroupé que vous avez aidé à créer, ici, à Ottawa; le carrefour entre la politique étrangère, le développement et le commerce, et l'occasion qui est ainsi offerte au Canada de travailler de façon cohérente sur ce genre d'enjeux. Je crois qu'il y a là une excellente occasion à saisir.
    Du point de vue des politiques étrangères, nous travaillons en collaboration avec des gouvernements et nous leur prodiguons des conseils sur les questions législatives et les négociations diplomatiques, pour les encourager à adopter des normes semblables à celles que nous avons ici, au Canada — nos normes mondiales. C'est ce à quoi je faisais allusion lorsque j'ai parlé des systèmes de croyances canadiens et de ce genre de choses dans mon intervention.
    Du point de vue du développement, évidemment, nous devrions comprendre les raisons pour lesquelles les entreprises privées dans les pays en développement adoptent ce genre de pratiques. Notre portefeuille d'aide peut aider à régler de façon appropriée certains de ces enjeux, dans le cadre d'un programme global. Je crois que les choses commencent à bouger un peu grâce au cadre regroupé.
    Puis, pour ce qui est du commerce, et, bien sûr des pratiques commerciales des entreprises canadiennes, je peux seulement dire que j'appuie le fait d'encourager — faute d'un meilleur mot — les entreprises canadiennes à se comporter à l'étranger comme elles le feraient au Canada, même si, comme vous l'avez dit en posant votre question, elles doivent comprendre les conditions et les normes locales et travailler en ce sens, éventuellement, de façon graduelle. C'est la norme qu'il faudrait appliquer.
    Je crois que c'est possible, grâce à la synergie des politiques étrangères et de l'expansion du commerce rendue possible par Ottawa.
    Puis-je demander à d'autres témoins de formuler des commentaires à ce sujet?
    J'aimerais revenir sur quelque chose dont j'ai parlé plus tôt dans notre discussion et en réponse à un certain nombre de questions: il est absolument crucial de mettre l'accent sur les forces des organisations locales. Au sein de la Croix-Rouge, nous croyons vraiment que les ressortissants d'un pays, lorsque cela est possible, devraient pouvoir prendre la parole et se défendre eux-mêmes, renforçant ainsi certaines organisations incroyables et très braves qui s'attaquent déjà à ces enjeux. Pour revenir à la question de la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est la même chose. C'en est un élément absolument essentiel. Je crois que mon collègue l'a aussi mentionné dans sa réponse, mais la société civile a vraiment un rôle clé à jouer ici.
    Merci.
    Monsieur Trottier, c'est à votre tour.
    Merci, monsieur le président et merci à vous d'être là aujourd'hui.
    J'aimerais m'appuyer sur les commentaires de M. Dewar, parce que c'est très important, selon moi, lorsqu'on constate dans quelle mesure le monde a changé au cours des 50 dernières années, surtout lorsqu'on regarde certaines des choses qui se passent dans les pays en développement, ou, comme certains préfèrent les appeler les « économies émergentes », où les investissements étrangers directs jouent maintenant un rôle tellement important. Il y a aussi des transferts et de la philanthropie aussi. Et, bien sûr, les échanges commerciaux sont un moyen à plus long terme pour permettre à ces pays de sortir de la pauvreté et de régler certains de leurs problèmes sociaux.
    Monsieur Breen, vous avez parlé de certains des partenaires privés de Cuso. En passant, j'ai été très surpris lorsque vous avez dit que vos bénévoles sont en moyenne dans la quarantaine, parce que j'ai toujours pensé que Cuso était un service universitaire à l'étranger offert par des étudiants de l'université, mais je constate bien que le modèle a changé.
    Pouvez-vous donner certains exemples de situations où votre organisation a peut-être travaillé avec certains intervenants du secteur privé, certains investisseurs étrangers canadiens? Dans de nombreux pays... En passant, les compagnies canadiennes sont les principaux investisseurs étrangers en Afrique. J'étais avec le ministre des Affaires étrangères de l'Albanie, hier, et il parlait du fait qu'une entreprise de Calgary qui s'appelle Bankers Petroleum était le plus important investisseur dans ce pays, le principal contribuable et le principal exportateur, qui générait des occasions pour les jeunes et toutes sortes de gens. Si cette entreprise travaillait avec une organisation comme Cuso, par exemple, elle pourrait s'attaquer à certains des enjeux liés à l'engagement des jeunes dont vous avez parlé.
(1235)
    Nous tentons de créer des partenariats avec des sociétés. La Banque Scotia est une organisation avec laquelle nous avons travaillé dans le passé. L'un des objectifs de ce partenariat était de permettre aux employés de la banque de prendre congé pour participer bénévolement à nos programmes. Nous estimons qu'ils ont des ensembles de compétences différents. Par conséquent, si, dans le passé, le bénévole classique de Cuso avait des antécédents de travail communautaire ou était, par exemple, un enseignant ou un médecin, de plus en plus, nous nous intéressons au développement des affaires.
    Nous tentons aussi de renforcer les systèmes de gestion. L'un des problèmes auxquels sont souvent confrontés les groupes de la société civile, les gouvernements et les administrations locales avec lesquels nous travaillons est lié aux systèmes d'information. Il manque quelque chose entre l'idée et sa réalisation. On n'a pas les capacités nécessaires pour concrétiser une idée tirée d'une politique. Nous avons constaté que, souvent, nos représentants du milieu corporatif — de la Banque Scotia, par exemple — ont le sens des affaires, les compétences liées à la planification opérationnelle et les connaissances nécessaires pour passer de la parole aux actes. C'est donc important de fournir un encadrement et du mentorat aux gens sur, par exemple, la planification et la prestation. Le cas de la Banque Scotia m'est venu à l'esprit.
    Nous avons aussi travaillé avec des entreprises comme Deloitte. L'une des choses que bon nombre des organisations avec lesquelles nous travaillons possèdent, c'est des capacités de gestion financière. Selon moi, les pays en développement éprouvent beaucoup de problèmes en raison de leur manque de compétences financières. Le fait d'avoir des professionnels vraiment qualifiés, qui travaillent en collaboration avec ces personnes, qui examinent les systèmes financiers et qui déterminent la meilleure façon de gérer les ressources... Nous avons beaucoup de professionnels des affaires — comme ceux qui possèdent une maîtrise en administration des affaires —, qui viennent de nos organisations partenaires et qui font beaucoup de travail lié à la planification et au renforcement des systèmes et qui aident beaucoup les gens à administrer leur organisation de façon plus efficace et plus efficiente. Souvent, bon nombre de nos partenaires, surtout au sein de la société civile, ont beaucoup de bonnes intentions et beaucoup de détermination, mais, encore une fois, ils n'ont pas les capacités nécessaires de prendre ces idées et de les concrétiser... Nous constatons souvent que nos bénévoles du secteur privé apportent certaines compétences un peu plus difficiles à trouver liées à l'exécution, et je crois que cela fonctionne très bien pour nous.
    Et qu'en est-il de vous, monsieur Stevenson? Avez-vous des exemples? Il y a le cas de l'entreprise canadienne qui fait des investissements dans un autre pays et qui, dans le cadre de son mandat lié à une responsabilité sociale quelconque, historiquement, s'engage à construire un hôpital ou une route ou une autre infrastructure, mais qu'en est-il des programmes axés davantage sur les jeunes et sur l'enjeu vraiment central, qui consiste à convaincre les jeunes de quitter les gangs? Il y a l'exemple du Salvador ou des pays comme le Honduras, où les narcotrafiquants attirent beaucoup les jeunes. De quelle façon pouvez-vous travailler en collaboration avec certaines organisations, qui ont des ressources, mais pas nécessairement l'expertise pour créer des programmes axés sur les jeunes? Avez-vous des exemples de ce genre de choses dans votre organisation?
    Je ne peux pas parler d'expériences avec des entreprises canadiennes. Je sais que, lorsque je travaillais comme directeur général pour le ministère et que je m'occupais des questions liées aux enfants et aux jeunes, nous avons examiné des occasions dans le secteur minier et avons fait certains progrès connexes relativement à ces genres de partenariats. Vous les connaissez sûrement. C'est pourquoi je suis optimiste et je suis convaincu que des progrès sont possibles. Je n'ai pas d'expériences avec d'autres entreprises ou des investissements du secteur privé canadien. Selon moi, le bon travail fait par le secteur minier en ce qui concerne les responsabilités sociales des entreprises, l'engagement positif des responsables du développement du ministère en collaboration avec les responsables du commerce et l'engagement des ambassadeurs pour favoriser de bonnes conditions de travail, dans les mines, tout ça a été assez positif.
    Merci, monsieur Trottier.
    Je vais poser une question à M. Stevenson. J'ai eu l'occasion d'aller au Soudan du Sud il y a un certain temps. Vous avez une bonne expérience dans le domaine, je crois vous avoir entendu dire que vous avez travaillé pendant 18 ans auprès du Programme alimentaire mondial. J'oeuvrais auprès d'une organisation qui tentait d'aider les gens à mécaniser les activités agricoles. Elle a négocié pour obtenir des terres le long du Nil... de très bonnes terres. Elle a fait venir des conteneurs de semences, puis s'est procuré des semences locales. Elle a fait venir de l'équipement agricole, et elle a acheté de l'équipement local, et, malgré tout, elle a connu un échec.
    Vous participez à des initiatives dans le domaine agricole, et vous avez eu une excellente expérience liée au Programme alimentaire mondial. Pouvez-vous nous parler rapidement des défis auxquels les pays sont confrontés, que ce soit un problème de gouvernance, d'expérience ou je ne sais quoi? Je pose la question, parce que l'organisation en question avait accès à des terres fertiles le long du Nil obtenues grâce à des négociations auprès du gouvernement. Elle avait accès aux terres, elle formait des gens sur place et elle n'a tout de même pas été capable de produire quoi que ce soit. Évidemment, il y a eu des conflits au Soudan du Sud. Je le comprends bien. Et il y a aussi des problèmes tribaux. Parlez-nous, s'il vous plaît, si possible, de certaines réussites que vous avez constatées dans certains pays et des défis qu'il faut encore surmonter afin d'aider les petits agriculteurs ou de faciliter la mécanisation des fermes, peu importe l'objectif, à la lumière de votre expérience liée au Programme alimentaire mondial et de ce que vous faites au sein de votre fondation.
(1240)
    C'est exactement ce en quoi consiste ma principale priorité au sein de la fondation. Je ne l'ai pas dit dans ma déclaration préliminaire, mais Howard a annoncé, en décembre — après mon séjour de trois ou quatre semaines au Rwanda —, une initiative de 500 millions de dollars — c'est beaucoup — pour aider le Rwanda, durant une période de 2 à 10 ans, à moderniser son agriculture. L'objectif est de mécaniser les fermes, d'utiliser des engrais adaptés aux saisons, de construire les infrastructures nécessaires après les récoltes et ainsi de suite. Pourquoi l'a-t-il fait? Quelles sont les conditions favorables que nous avons vues sur le terrain? D'abord, il s'agissait toutes de petites exploitations agricoles. En fait, les terres au Rwanda sont très petites. Leur superficie couvre moins d'un demi-hectare par personne. Cependant, le gouvernement s'est doté d'une politique en matière de fusion de fermes et de coopérative agricole.
    Ce qui nous a aidés, c'est que le gouvernement a maintenant accordé des droits fonciers à tous les petits exploitants agricoles. Ces derniers ont donc un document précisant exactement où se trouve leur terre. Ça ressemble à Google Map, à une saisie d'écran d'un ordinateur. C'est une image, et la terre qui leur appartient est enregistrée. La question de la propriété des terres est l'un des principaux obstacles à ce genre d'activités de développement en Afrique et, cela ne fait aucun doute, au Soudan du Sud.
    Puis, il y a plein de types de problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement, que, j'imagine, vous avez aussi rencontrés au Soudan du Sud et qui créent tout simplement des obstacles à ce genre de croissance, y compris l'importation d'équipement et la mise en place des compétences de base nécessaires pour assembler et maintenir l'équipement et ainsi de suite.
    Les choses avancent au Rwanda. Je suis assez convaincu que les conditions au Rwanda sont plus favorables que celles au Soudan du Sud, mais cela ne signifie pas que ce genre de leçons ne peut pas servir au Soudan du Sud. Notre espoir, c'est que si nous pouvons mettre sur pied de petites exploitations agricoles et les exploiter un peu comme on exploiterait de grandes exploitations agricoles en ce qui a trait à la production et à la croissance agricole — tout en s'assurant que le bien-être des petits agriculteurs reste au coeur de l'initiative —, nous pourrons transférer certaines de ces leçons apprises au sujet de la bonne gouvernance, au sujet des droits fonciers, au sujet de l'assemblage, de l'entretien et de la chaîne d'approvisionnement, et on peut y arriver.
    Merci.
    Chers collègues, avez-vous d'autres questions?
    Allez-y, Romeo.
    Je veux revenir rapidement sur les défis auxquels sont confrontés les bénévoles. J'ai été intrigué par un commentaire formulé par M. Breen au sujet de l'adoption de nouveaux modèles de bénévolat. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous donner quelques exemples? Je crois que c'est une composante importante de tous les efforts internationaux déployés. J'ai été intrigué par la remarque. Et j'ai aussi remarqué que, quand Mme Strong a parlé des bénévoles, elle a insisté sur l'expression « bénévoles formés ». Je crois que c'est un aspect important de la question, et j'aimerais que M. Breen nous en parle.
    Dans le cas de CUSO International, si vous revenez 50 ans en arrière, un bénévole était un diplômé universitaire qui voulait faire sa part dans le monde. Nous n'en sommes plus là. Au cours de la dernière décennie — si nous remontons à il y a 10 ans —, le bénévole moyen était un professionnel dans la mi-quarantaine qui possédait des compétences et une certaine détermination. Nous avions demandé ce genre de personnes, nous les avions formées et elles partaient ensuite travailler dans un pays pendant deux ans. De plus en plus, compte tenu des changements liés à l'économie et des types de marchés et de compétences actuels, nous nous sommes demandé s'il était possible d'envoyer des gens pendant de trois à six mois et de quand même réussir à changer les choses. Nous avons constaté que c'est possible. De plus en plus, nous avons des bénévoles qui travaillent auprès d'un partenaire, certains travaillent auprès d'un partenaire donné pendant deux ans, et d'autres se rendent sur place pendant trois mois, par exemple, pour mettre en place une base de données et fournir la formation connexe aux gens.
    Nous envisageons de plus en plus de possibilités de bénévolat électronique. Nos travaux liés à la santé sont l'un des domaines où il pourrait être très utile de compter sur des professionnels de la santé canadiens compétents qui peuvent, grâce au logiciel Skype, fournir un encadrement et du mentorat à des professionnels de la santé en Afrique ou en Asie. En ce moment, ce sont des possibilités très intéressantes sur lesquelles nous travaillons. Nous réfléchissons actuellement à la façon de le faire.
    Nous tentons aussi de tirer davantage profit des diasporas. Le Canada compte un très grand nombre de communautés qui, de toute évidence, comprennent bien la situation dans les pays où nous oeuvrons. Nous réfléchissons à la façon d'utiliser plus efficacement ces ressources. Il y a beaucoup d'avantages à tirer de leur participation. À part l'expérience canadienne, nous soutenons aussi ce que nous appelons du bénévolat employé-à-employé. Par exemple, il peut y avoir des médecins spécialisés au Kenya qui veulent travailler en Ouganda ou en Tanzanie. Ce sont d'autres modèles.
    Je crois que, à l'avenir, notre modèle de bénévolat s'appuiera davantage sur les services à la clientèle et sur des interventions souples. Il n'y aura plus d'approche universelle. Il y a disons 20 ans, il fallait envoyer un bénévole pendant deux ans ou laisser faire. Il faut créer une relation avec un partenaire, puis réunir toute une gamme de bénévoles. On peut travailler auprès d'un hôpital et avec une sage-femme qui y est allée pendant deux ans, qui va travailler pour eux. Il peut s'agir d'un médecin au Canada qui fournit bénévolement un soutien par voie électronique. Des bénévoles du milieu des affaires ayant des compétences en administration peuvent aller là-bas pour aider à administrer l'hôpital. Ces gens peuvent se rendre sur place de trois mois à un an durant une période de cinq ans pour faire avancer le travail.
    C'est de cette façon que nous faisons avancer les choses. Ce qui est essentiel dans tout cela, c'est qu'il doit s'agir de professionnels qui ont été formés pour comprendre, apprécier et respecter les gens avec lesquels ils travaillent. Ils vont là non pas pour dire aux gens quoi faire, mais pour apprendre, partager et travailler en collaboration.
(1245)
    Merci.
    Je tiens à remercier tous nos témoins aujourd'hui, monsieur Breen, madame Bucio, monsieur Stevenson, madame Strong et, bien sûr, madame Kambou, à Washington.
    Vous représentez tous d'excellentes organisations qui font des choses très intéressantes.
    Nous avons vraiment aimé les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui. Merci.
    Cela dit, la séance est levée.
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