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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 063 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 juin 2015

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre étude s'intitule « En route vers le prochain Sommet des leaders nord-américains ». Nous allons commencer.
    Je remercie tous nos témoins d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui, malgré leurs horaires chargés. Je vais présenter les témoins et nous allons ensuite commencer avec nos témoignages préliminaires.
    Nous accueillons Son Excellence Francisco Suarez Davila, ambassadeur des États-Unis du Mexique au Canada. Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux que vous soyez ici, monsieur l'ambassadeur.
    Nous avons M. Miller, du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Il est chargé du service Politique, innovation et compétitivité. Bienvenue Éric. Nous sommes contents de vous revoir.
     Nous allons entendre John Dillon, vice-président, Politique et avocat-conseil, qui représente également le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Bienvenue, monsieur Dillon.
    Nous avons aussi M. David Jacobson, le vice-président du BMO Groupe financier. Nous sommes heureux que vous soyez ici, monsieur.
    Laura Dawson, directrice du Canada Institute au Wilson Center nous parlera de Washington, à titre personnel. Madame Dawson, c'est également un plaisir de vous revoir ici.
    Monsieur l'ambassadeur, je crois que vous ne devez rester qu'une heure. Nous allons entendre le témoignage de tous les invités. Chaque personne a sept minutes — et nous allons ensuite échanger. Comme vous devez partir, vous...
    Parfait, excellent.
    Pourquoi ne pas suivre l'ordre dans lequel j'ai présenté les témoins.
    Monsieur l'ambassadeur, nous allons commencer par votre déclaration préliminaire pour sept minutes. Les témoins interviendront ensuite chacun à leur tour. Enfin, comme je l'ai dit, nous allons échanger questions et réponses avec les membres du comité pendant quelques heures.
    Monsieur l'ambassadeur, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    C'est vraiment un privilège de participer à ces audiences organisées par le Comité des affaires étrangères au sujet des questions susceptibles d'être débattues au cours du prochain Sommet des leaders nord-américains. Les événements et les idées ont bien sûr beaucoup évolué depuis la dernière fois que j'ai eu le plaisir de me trouver au Parlement, en fait au Sénat, l'année dernière, mais je crois que ces changements ont été dans l'ensemble bénéfiques.
    Bien sûr, nous faisons face à des défis, anciens et nouveaux, dont quelques-uns pourront être résolus dans le court terme et d'autres qui appellent des solutions à long terme. Je pense qu'il y a trois événements en particulier qui sont de bonnes nouvelles. Le Canada et le Mexique, agissant de concert, tentent avec un certain succès d'amener les États-Unis à rapporter les mesures protectionnistes qu'ils ont prises à propos de l'étiquetage COOL (étiquetage relatif au pays d'origine). C'est vraiment une excellente nouvelle. Nous travaillons également avec le Canada dans le cadre des négociations sur le PTP. Nous avons fait également des progrès significatifs sur la question fort complexe de l'ISIS.
    Je vais essayer de faire très rapidement 10 remarques, qui portent sur les principaux sujets qui sont, d'après moi, essentiels pour l'agenda nord-américain.
    Premièrement, et cela est évident, il y a la collaboration en matière d'énergie. Je pense que c'est le principal vecteur de la collaboration trilatérale. Bien sûr, il y a de nouveaux facteurs, dont l'un est la baisse du prix du pétrole. À court terme, cela a eu pour effet de réduire l'appétit des investisseurs, en particulier pour les forages en eau profonde et la fracturation pour le pétrole de schiste. Le programme énergétique mexicain est en train d'être intégralement mis en oeuvre. Il va falloir lui apporter quelques modifications parce que les investissements ne vont pas viser l'exploration en eau profonde ou le pétrole de schiste, mais plutôt les secteurs plus faciles.
    Les trois ministres de l'Énergie se sont rencontrés pour la première fois à Washington à la fin de l'année dernière, pour mettre en place, pour la première fois encore, un programme de travail. Un aspect important consiste à en arriver à un point de vue commun sur l'évolution du secteur de l'énergie à moyen terme, en ce qui touche les possibilités. Le Mexique considère que l'énergie est un vecteur qui fait progresser le processus d'industrialisation. En particulier, nous pensons que l'essence bon marché va donner à la région un avantage concurrentiel dans le secteur de l'industrie et dans ceux de l'automobile et de l'aérospatiale. Cet aspect est à l'origine de nombreux investissements.
    La semaine dernière, il y a eu une deuxième réunion ministérielle des trois ministres de l'Énergie qui ont travaillé ensemble sur le changement climatique, les technologies en matière d'énergie propre, l'efficacité énergétique et la capture du carbone. La production d'électricité est souvent oubliée. On parle beaucoup de pétrole, dans le cas du Mexique, mais la production électrique et le passage du pétrole au gaz vont exiger des investissements importants de l'ordre de 90 milliards de dollars. Un autre secteur dans lequel nous travaillons en étroite collaboration avec le Canada est celui des bonnes pratiques en matière de réglementation du gaz de schiste, de la pollution de l'eau et des déchets. Nous travaillons très étroitement dans ce domaine avec les autorités de réglementation de l'énergie en Alberta.
    Nous effectuons déjà des investissements importants pour les gazoducs et les oléoducs au Mexique, et aussi, pour les relier à la frontière. Le Mexique va construire 10 000 kilomètres de pipelines qui représentent environ un investissement de 20 milliards de dollars. Des sociétés canadiennes comme TransCanada et ATCO travaillent déjà sur quelque 2 000 kilomètres de pipeline, ce qui correspond à la taille du pipeline Keystone. Cela est déjà en place.
    Le domaine des négociations concernant les échanges commerciaux est un domaine très important. J'ai mentionné que nous travaillions ensemble pour faire rapporter les mesures qu'ont prises les États-Unis à propos du COOL, mais nous travaillons également en étroite collaboration avec le Canada pour faire progresser les négociations sur le PTP. Le Mexique fait preuve d'un optimisme prudent, mais nous pensons que nous devrions pouvoir conclure l'entente d'ici la fin de l'année. Nous considérons le PTP comme une façon d'augmenter nos échanges commerciaux avec l'Asie, comme vous le pensez, mais également comme la façon la plus facile de mettre à jour et d'améliorer l'ALENA pour en faire un traité de deuxième génération, à la pointe de ce genre de traités.
     Nous avons deux principales préoccupations qui, d'après moi, sont probablement les principaux obstacles. Si le Congrès des États-Unis n'adopte pas une procédure accélérée, je crois que cela ne se fera pas. La deuxième préoccupation est le risque que le Congrès des États-Unis complique les négociations en les faisant porter sur des questions qui ont bien sûr une certaine importance, mais qui concernent un agenda interne et qui n'ont rien à voir avec le commerce. Pensez à la liberté religieuse et à la question de savoir si nous sommes favorables à la liberté religieuse. Cela n'a rien à avoir avec les échanges commerciaux et cela va imposer des coûts à d'autres pays — pas pour nous, évidemment.
    Le protectionnisme intellectuel menace. Nous sommes évidemment favorables à la propriété intellectuelle, mais une protection d'une durée d'un siècle pour la propriété intellectuelle est peut-être un peu excessive. Cela pourrait toucher des domaines comme les produits pharmaceutiques, qui ont besoin d'une période de protection plus courte. Il y a bien sûr les suspects habituels pour les produits comme les vêtements et les produits laitiers, comme je l'ai mentionné, mais nous pensons que nous pourrons en arriver à une entente d'ici la fin de l'année.
    Je ne mentionnerais pas la concurrence transfrontalière. Je pense que mes collègues du Conseil canadien des chefs d'entreprise ont fait un travail considérable. Je pense toutefois que, dans ce domaine, nous travaillons un peu les uns contre les autres.
(1110)
    Il y a deux commissions frontalières. Il y a une commission frontalière et l'autre, est une commission de réglementation. L'une concerne les États-Unis et le Canada et l'autre les États-Unis et le Mexique. Il y a des questions frontalières qui, dans une certaine mesure, sont particulières à certains pays, mais d'autres sont communes. Je crois que nous sommes en train d'en arriver à une certaine convergence de nos efforts.
    Pour ce qui est des investissements dans les infrastructures, les trois pays n'ont pas fait suffisamment d'efforts le long de nos frontières et à l'intérieur de nos frontières. Nous avons un vaste programme s'élevant à 600 milliards de dollars. Là encore, nous allons travailler sur les routes, les chemins de fer et les ports. Il y a un méga projet fantastique pour Mexico, qui a été conçu par Norman Foster. Des sociétés canadiennes comme Bombardier sont actives dans ces domaines.
    Les Mexicains sont très intéressés à travailler sur les corridors logistiques. Il y a un corridor logistique évident qui va de Winnipeg au Mexique en passant par le centre des États-Unis; des investisseurs sont intéressés par le CentrePort de Winnipeg. Je pense que certains des autres intervenants l'ont dit; je crois que la NADB n'a de nord-américaine que le nom. C'est une institution qui a les moyens d'investir dans les trois pays dans les infrastructures et l'environnement.
    Il me paraît essentiel d'investir dans l'innovation et l'éducation, il me paraît essentiel d'investir dans ces domaines. Les liens dans le domaine de l'éducation manquent cruellement, malgré les grands progrès qui ont été réalisés dans le domaine commercial et celui des investissements. Les trois pays sont maintenant en train de travailler sur des programmes pertinents qui ont précisément pour but d'augmenter le nombre des bourses et celui des ententes entre universités et entreprises pour promouvoir les produits conjoints pour les investissements et la technologie. Nous allons travailler avec le Canada et avec la Section de l'éducation internationale du Canada sur une entente relative à la science et la technologie entre le Canada et le Mexique.
    La mobilité des personnes est une notion plus vaste et moins sensible politiquement que la mobilité des travailleurs. Nous sommes très heureux des décisions que le gouvernement canadien a prises récemment, et comme la lettre de votre premier ministre à notre président le dit, cette décision supprime l'exigence d'un visa pour un grand nombre de Mexicains. Comme vous le savez, cela veut dire qu'un visa ne sera plus obligatoire dans tous les cas ou il sera alors remplacé par un document nouveau, à savoir un titre de voyage électronique. Nous sommes tout à fait en faveur de cette mesure. Il y a encore quelques questions à régler. Je pourrais peut-être vous en parler plus tard. Les trois chefs de gouvernement ont déjà pris la décision politique d'intégrer le programme nord-américain des voyageurs de confiance avec les programmes NEXUS, Global Entry et SENTRI.
    Le programme des travailleurs agricoles saisonniers entre le Mexique et le Canada est un succès depuis 40 ans. Nous avons travaillé en particulier avec certaines provinces de l'Ouest qui souffrent d'une grave pénurie d'ouvriers semi-qualifiés et nous espérons réaliser certains progrès de sorte que les ententes qui seront éventuellement signées faciliteront le déplacement des ouvriers semi-qualifiés dont ont besoin les provinces de l'Ouest.
    Nous sommes convaincus que nous ne pourrons pas progresser si les actions diplomatiques ne visent pas les gouverneurs et les premiers ministres. Heureusement, pour la première fois, il y a eu au Colorado, au mois de novembre, une réunion des gouverneurs et des premiers ministres des trois pays, ce qui est une excellente chose pour préparer le sommet. Je pense que nous devons collaborer à l'échelle de notre continent et que le Mexique et le Canada devraient collaborer avec Cuba dans son processus de transition; nous devons également collaborer avec l'Amérique centrale et Haïti. Si nous ne le faisons pas, je crois que nous connaîtrons des problèmes qui ne pourront être résolus qu'avec beaucoup de recul.
     Je tiens à souligner que notre point de départ, notre meilleur programme économique, est l'Amérique du Nord, elle-même. Les échanges commerciaux au sein de l'Amérique du Nord s'élèvent à plus de 1 000 milliards de dollars, ce qui est supérieur au commerce avec les pays de la PTP qui est de, si on exclut évidemment les États-Unis et le Canada, 800 millions de dollars.
    Les échanges commerciaux avec l'Europe sont moins intenses qu'à l'intérieur de l'Amérique du Nord. Notre principale priorité est de rendre notre région plus dynamique et plus compétitive. Les pays d'Amérique du Nord comptent bien évidemment parmi les pays les plus importants et les plus dynamiques au monde. En 2013, Mexico se plaçait au huitième rang des économies mondiales. Je pense qu'il n'est pas possible de considérer cela comme une question d'échanges commerciaux. Cela concerne les chaînes de valeur et dans celles-ci, les échanges intrarégionaux sont très importants.
    Je ferais remarquer qu'il apparaît une tendance générale voulant que, dans certains secteurs, le Mexique ne soit pas considéré comme un acteur complémentaire, mais plutôt comme un concurrent, en particulier dans le secteur de l'automobile. Je pense qu'il faudrait élaborer une bonne explication pour convaincre les gens que cela n'est pas dû au coût de la main-d'oeuvre. Il s'agit de la productivité générale et de toute une série d'autres facteurs, mais les industries automobiles et aérospatiales en Amérique du Nord sont intégrées. Les voitures produites au Mexique contiennent des pièces provenant du Canada et des États-Unis.
(1115)
    Je vais terminer avec quelques remarques, pour conclure.
    Je viens de passer deux hivers complets en qualité d'ambassadeur du Mexique au Canada et je tiens à conclure sur une note personnelle positive et également optimiste; je suis bien évidemment encouragé par l'arrivée de l'été après avoir survécu à deux hivers particulièrement rudes. Après tout cela, le reste importe peu. Je peux être positif et je peux être optimiste.
    Pour ce qui est de l'avenir des sociétés nord-américaines, j'ai parlé de toute cette question pendant cette période avec des sceptiques favorables au bilatéralisme qui regardent vers le passé, avec des enthousiastes axés sur le trilatéralisme qui regardent vers l'avenir, avec ceux qui mesurent les résultats en y voyant un verre à moitié plein et d'autres, un verre à moitié vide.
    Les 20 années de mise en application de l'ALENA ont, à mon avis, débouché sur des résultats considérables, mais ce vieux traité a pris de l'âge et il est un peu ridé. Je pense que depuis les deux dernières années, il s'est fait sentir un esprit de renouveau. Les gens comme l'ancien secrétaire George Shultz en ont parlé, récemment dans certaines instances, comme une grande puissance économique nord-américaine. On peut comparer cela avec la stagnation que connaissent l'Europe et le Japon ainsi que les pays émergents, dont le rythme de croissance a ralenti.
    Je crois que nous disposons de nouveaux vecteurs de croissance. Il y a l'énergie. Il y a les négociations commerciales. Il y a les investissements dans les infrastructures. Le Mexique est en train de devenir un nouveau vecteur de croissance, puisqu'il enregistre des taux de croissance de 4 à 5 % et il y a une résurgence de l'industrie manufacturière dans les régions, de nouvelles idées et de nouvelles études. À mon avis, la relation entre le Canada, le Mexique et les États-Unis s'est bien développée et couvre une large gamme de domaines, avec une intégration accrue et un nombre croissant d'acteurs provenant du milieu des affaires, de penseurs, de gouvernements municipaux et provinciaux, des instances, de mécanismes institutionnels comme le Partenariat Canada-Mexique. De nouveaux vols arrivent tous les jours et il se fait de grands investissements dans ces deux pays. Bimbo est en train d'investir au Canada. Je pense qu'il importe peu que les hauts dirigeants de ces pays soient également occupés par des questions électorales. Nous nous connaissons de mieux en mieux. Il y a bien sûr des obstacles et certains problèmes, mais nous avançons à des vitesses différentes selon les questions soulevées. Ce n'est pas quelque chose de renversant, mais je pense qu'il y a une dynamique et des progrès constants.
    Permettez-moi de terminer en félicitant particulièrement votre comité pour sa large vision et la clairvoyance dont il fait preuve en regroupant ces idées bien avant la tenue du sommet. Je vous félicite vraiment, parce que je crois que vous avez une véritable vision à long terme.
    Je vous remercie de m'avoir invité.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous allons maintenant entendre le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Nous allons commencer par M. Miller qui, je l'ai mentionné, est le vice-président, Politique, innovation et compétitivité.
    Nous vous donnons la parole à tous les deux.
    Merci aux membres du comité de m'avoir invité et de s'intéresser à cet important sujet.

[Français]

     Le Conseil canadien des chefs d'entreprise est un organisme composé des PDG des sociétés les plus importantes au Canada. Ces entreprises sont responsables de la plupart des exportations, des investissements et de la recherche-développement au pays.

[Traduction]

    Les sociétés qui sont membres du Conseil canadien des chefs d'entreprise administrent ensemble six 6 000 milliards d'actifs et ont des revenus annuels de plus de 800 milliards de dollars dans tous les secteurs de l'économie canadienne.
    Cela fait plus de 20 ans que le Canada, les États-Unis et le Mexique ont supprimé la plupart des barrières qui existaient entre nos économies grâce à l'Accord de libre-échange nord-américain, et pourtant, au cours des années qui ont suivi, nous n'avons constaté que peu de changements dans nos cadres transfrontaliers. La compétitivité économique exige que l'on fasse des efforts constants, et non pas des efforts isolés même s'ils sont audacieux, et nos ententes commerciales doivent également évoluer.
     Avec l'arrivée du Sommet des leaders nord-américains, le conseil a décidé de présenter nos idées sur la façon dont nous pourrions concrètement améliorer la compétitivité du continent. Cela a débouché sur ce document que certains d'entre vous ont peut-être vu, intitulé Made in North America, et qui propose 44 recommandations concrètes sur la façon de renforcer la compétitivité de notre continent. Ce document a été élaboré après la tenue de consultations à Ottawa, ainsi qu'à Washington et à Mexico.
    Nos recommandations s'appuient sur la réalité actuelle qui est qu'aucun pays de l'Amérique du Nord ne dispose des moyens financiers qui lui permettent de procéder à de nouvelles affectations importantes, et qu'il n'est pas prévu à notre époque de créer de nombreuses autres institutions. Nous avons identifié des initiatives que nous pouvons mettre en oeuvre avec les moyens dont nous disposons et nous avons constaté que nous pouvons faire beaucoup de choses.
    Dans les années qui ont suivi l'ALENA, le Canada a oscillé entre privilégier des ententes trilatérales approfondies avec les États-Unis et le Mexique et des ententes bilatérales approfondies avec les États-Unis. Cela constitue un faux choix. Il est préférable d'appliquer le principe de la subsidiarité. Nous allons adopter des politiques transfrontalières au niveau approprié, qu'elles soient trilatérales, bilatérales ou régionales ou concernent les États et les provinces. Le pragmatisme et la rentabilité devraient être à l'avenir au coeur de notre programme de renforcement de notre compétitivité en Amérique du Nord.
    Le gouvernement canadien se prépare à accueillir plus tard cette année le Sommet des leaders nord-américains et l'on peut se demander quels sont les points qui devraient figurer à l'ordre du jour; une amélioration importante serait de faire entrer la frontière dans l'âge du numérique. Une meilleure communication des données peut créer un nouveau partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Si ce projet était exécuté correctement, il pourrait améliorer à la fois la sécurité aux frontières et l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement.
    De nombreuses entreprises pensent que les technologies de visualisation de la chaîne d'approvisionnement, qui leur permettent de suivre globalement les réseaux de production ainsi que l'application des analyses effectuées à partir de mégadonnées pour prévoir les comportements dans ce domaine, seront essentielles à l'avenir. Pourtant, si vous examinez la façon dont nous faisons les choses aujourd'hui, les sociétés font à l'heure actuelle des déclarations légales au sujet de l'origine des marchandises qu'elles importent et le fait qu'elles sont conformes à la réglementation et le restent, en se fondant sur des renseignements qui ne proviennent pas d'elles ou qu'elles n'ont pas vérifiés. Pourquoi? Parce qu'il y a 20 ans, lorsque ces règles ont été adoptées, nous n'avions pas la technologie qui permettrait de suivre avec précision les intrants de fabrication en remontant trois ou quatre étapes en Chine ou ailleurs, de sorte que nous avons incité les sociétés à surveiller efficacement leurs chaînes d'approvisionnement en les menaçant de leur imposer des amendes très lourdes si l'information figurant sur leurs déclarations n'était pas exacte, même si elles n'avaient eu aucunement l'intention de fournir de l'information inexacte. En 2015, nous avons maintenant la technologie qui permet de surveiller à distance et de prédire ce qui se passe dans nos chaînes d'approvisionnement. Le problème est que cela coûte cher.
    Pour en arriver à cette nouvelle entente entre le secteur privé et le secteur public, que devrions-nous faire? Le gouvernement fédéral devrait commencer par lancer une série de projets pilotes intersectoriels avec les sociétés qui sont disposées à visualiser leurs chaînes d'approvisionnement et à communiquer leurs données et leurs analyses. Les entreprises participantes seraient exemptes de toutes pénalités, sauf, bien entendu, dans les cas de fraude ou de malversation, et elles auraient peut-être droit à une exemption pour certains droits de douane et frais. Autrement dit, elles s'adresseraient à votre commission et présenteraient un projet d'investissement expliquant pourquoi elles ont pris ces mesures. Après un certain nombre d'essais, les leçons apprises seraient intégrées à un programme destiné à toutes les entreprises exerçant des activités au Canada et ensuite, bien sûr, nous tenterions de travailler avec nos partenaires aux États-Unis et au Mexique pour étendre ces pratiques à l'ensemble de l'Amérique du Nord.
(1120)
    En appliquant ce genre de règles, le secteur privé en apprendrait beaucoup plus au sujet de ce qui se passe dans leurs chaînes d'approvisionnement individuelles et des chaînons où ils pourraient obtenir des gains d'efficacité. De son côté, le gouvernement aurait accès pour la première fois à des quantités considérables de données structurées qui décriraient comment les marchandises entrent au Canada, en ressortent ou transitent par ce pays. Bref, ce partenariat public-privé renforcé faciliterait en fait les échanges commerciaux et créerait une sécurité intelligente.
    La technologie peut également offrir des avantages du côté des voyageurs. Nous savons tous que NEXUS est un excellent programme. Nous pensons que c'est là une excellente base qui pourrait offrir beaucoup d'autres avantages. À l'heure actuelle, ce programme dit au gouvernement qui est en train de traverser les frontières, mais pas pourquoi.
    Une des questions les plus complexes en matière de politique frontalière est l'approche à adopter pour les hommes d'affaires qui voyagent et qui, quand ils arrivent à la frontière, se font poser cette question terrifiante « Est-ce que vous travaillez? » À la suite de la fermeture des bureaux de Citoyenneté et Immigration aux États-Unis, de plus en plus d'hommes d'affaires et autres voyageurs qui veulent savoir s'ils peuvent entrer ou non dans le pays voisin doivent se rendre tout simplement à la frontière, ce qui a donné lieu à la randomisation du traitement des demandes d'entrée.
    Le Department of Homeland Security des États-Unis demande que soit élaboré un programme appelé le programme des employeurs fiables. Le Canada peut faire la même chose. La solution consisterait en fait à étendre cette même vision qui propose d'utiliser la technologie pour améliorer l'efficacité. Il faudrait se servir de la plateforme NEXUS pour la compléter avec des renseignements concernant les déplacements. Vous pourriez demander à votre avocat général de faire inscrire: « Je vais traverser la frontière maintenant et voici la justification juridique de ce que je fais ».
     Les expéditions de cargaison nous ont appris que le franchissement de la frontière était beaucoup plus efficace si l'information était fournie à l'avance. Nous allons faire la même chose avec les voyageurs fréquents.
    Le rapport présente bien entendu une série d'autres mesures que je serai heureux d'aborder au moment des questions et réponses. Nous parlons de restructurer le travail effectué à la frontière pour en améliorer l'efficacité, grâce à des partenariats publics et privés susceptibles d'améliorer grandement les infrastructures frontalières, en travaillant avec le secteur de l'automobile pour réduire de façon significative les formalités administratives qui touchent les automobiles construites en Amérique du Nord, en choisissant quelques domaines où la coopération entre le Canada et les États-Unis en matière de réglementation a été un succès et en essayant de trilatéraliser ces solutions avec le Mexique en faisant en sorte que les règles d'origine entre le Canada, les États-Unis et le Mexique prévues par les ententes de libre-échange avec l'Europe correspondent.
    J'aimerais toutefois conclure ainsi. L'Amérique du Nord a le potentiel d'être la région de l'économie mondiale la plus dynamique et la plus prospère pendant encore des années. Qu'il s'agisse d'énergie, d'innovation ou de bonne gouvernance, nous avons tous les ingrédients pour réussir. Tout ce qui nous manque, c'est la volonté d'agir. Pour être parmi les premiers au XXIe siècle, il faut être plus intelligent, non seulement dans la conception des politiques, mais dans l'application des procédures et des règlements correspondants et des systèmes technologiques. Nous devrions nous engager aujourd'hui pleinement à profiter de cette possibilité.
(1125)
    Je vous remercie.
    Monsieur Dillon.

[Français]

    Je voudrais présenter quelques idées sur l'énergie et l'environnement.

[Traduction]

    Nous sommes partis du postulat selon lequel l'Amérique du Nord dispose d'une variété incroyable d'actifs énergétiques. En plus de l'énergie fossile, nous constatons la croissance d'une grande diversité d'énergies renouvelables — nous possédons d'excellents actifs hydrauliques, ainsi que de l'uranium, des biocarburants, de l'énergie éolienne, solaire, marémotrice et géothermique. Cela représente un outil de développement économique important pour notre région, mais également des emplois bien rémunérés et très spécialisés, sans parler de la possibilité de mettre au point une expertise et une technologie de pointe qui peuvent être exportées dans le monde entier.
    Nos trois pays sont déjà étroitement intégrés dans le domaine de l'énergie, puisqu'on y trouve des pipelines qui transportent aussi bien du pétrole que du gaz, ainsi que des lignes de transmission qui apportent une forme d'électricité plus propre d'un pays à l'autre. Mais nous pouvons faire davantage pour promouvoir la sécurité énergétique continentale et faire en sorte que nos citoyens aient accès à une énergie fiable et abordable qui améliorera leur vie.
    Je vais vous parler de quelques aspects de notre étude.
    Pour l'essentiel, nous pensons qu'il faudrait nous servir de nos actifs énergétiques variés pour en faire un avantage compétitif pour les entreprises, non pas simplement pour celles qui produisent de l'énergie, mais aussi pour celles pour qui l'énergie est un intrant essentiel.
    Il faut pour commencer produire régulièrement un rapport, comme l'ambassadeur Suarez l'a mentionné, sur les prévisions énergétiques en Amérique du Nord, qui décrirait nos forces énergétiques collectives et nos faiblesses potentielles ainsi que les domaines les plus prometteurs pour une collaboration trilatérale. Une bonne partie des infrastructures énergétiques auxquelles j'ai fait référence sont un peu âgées et dans d'autres cas, elles ne relient pas les nouvelles opportunités prometteuses en matière d'énergie aux établissements de traitement ou à des marchés importants et en croissance. Nous avons été heureux de constater qu'à leur dernière réunion, les trois ministres de l'Énergie ont souligné encore une fois l'importance d'avoir des infrastructures modernes et résilientes.
    Il faut concentrer davantage notre action sur les technologies énergétiques clés. Les ministres de l'Énergie des trois pays l'ont reconnu et cherchent à renforcer la collaboration trilatérale pour ce qui est des réseaux électriques, de la capture et de l'entreposage du carbone, des véhicules électriques, des biocarburants et des bonnes pratiques en matière d'exploitation du gaz et du pétrole non conventionnelle. Nous devons adopter une approche cohérente aux changements climatiques et à la réglementation des gaz à effet de serre. Certaines mesures sont déjà en train d'être prises, notamment pour harmoniser les normes en matière d'efficacité énergétique des véhicules et des appareils ménagers.
    Compte tenu du fait que nos trois économies sont étroitement intégrées, il paraît logique d'adopter une approche commune visant à abaisser progressivement l'impact écologique de l'énergie que nous produisons et nous consommons. Nous pouvons le faire en partie en adoptant une approche commune à l'établissement du prix du carbone. Dans l'ensemble, nous avons besoin de politiques intelligentes qui permettront à nos entreprises d'être rentables et en mesure d'investir dans des technologies énergétiques à faible consommation de carbone, tout en évitant les obstacles à la compétitivité.
    L'industrie de l'énergie au Canada a déjà adopté, sur une base volontaire, une série de normes en matière de fracturation hydraulique, qui couvrent des aspects comme la divulgation des produits chimiques utilisés pour la fracturation et les normes en matière de construction des puits de forage. Nous avons proposé l'adoption d'une norme nord-américaine élaborée par l'industrie en matière de fracturation, qui démontrerait que cela peut se faire à la fois de façon responsable et peut-être déboucher sur des technologies susceptibles d'être exportées. Comme l'a mentionné l'ambassadeur Suarez, il existe certainement des possibilités énormes d'utiliser cette technologie dans les gisements de gaz de schiste du Mexique.
    Les organismes de réglementation de l'énergie des trois pays ont la possibilité de collaborer davantage. J'aimerais noter ici le protocole qui a été signé l'année dernière entre le gouvernement du Mexique et l'organisme de réglementation de l'énergie de l'Alberta, parce que le Mexique cherche à mettre sur pied, pour son secteur énergétique qui est en pleine croissance, un régime de réglementation de calibre mondial.
    Enfin, les trois pays peuvent collaborer sur la certification des qualifications et à l'élaboration d'une stratégie générale en matière de ressources humaines pour le secteur énergétique pour veiller que nous disposions des personnes et des capacités dont nous avons besoin pour exploiter les possibilités qui s'offrent dans ce domaine. Ce modèle pourrait également être repris dans un système d'accréditation des compétences continentales pour d'autres secteurs et emplois.
    Je vous remercie. J'ai hâte d'entendre vos questions.
(1130)
    Merci, monsieur Dillon.
    Monsieur Jacobson, je ne vous ai pas présenté correctement. Je pense que tout le monde sait qui vous êtes, mais vous apportez une expérience unique parce que vous êtes un avocat de société à Chicago, vous travaillez à la Maison-Blanche et bien sûr, vous avez été l'ambassadeur des États-Unis de 2009 à 2013 ici au Canada. Vous pouvez évidemment nous faire profiter de votre expérience unique.
    Nous avons hâte d'entendre ce que sera votre témoignage.
    Bienvenue. Je vous donne la parole.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
    C'est un honneur d'être de nouveau à Ottawa et de pouvoir vous parler de cet important sujet; bien franchement, c'est surtout un honneur d'être revenu et de voir autant d'amis dans cette salle.
    Comme vous l'avez dit, j'ai eu la chance de pouvoir travailler aux relations entre les trois pays nord-américains d'un certain nombre de points de vue. J'ai été ambassadeur ici pendant quatre belles années de ma vie. J'ai assisté aux sommets des leaders nord-américains. Je suis maintenant vice-président de BMO, la Banque de Montréal, dont les opérations chevauchent la frontière de multiples façons.
    Une des choses que j'aimerais préciser maintenant est qu'il serait prétentieux de ma part d'essayer de dire aux Canadiens comment négocier avec mon pays. Tout ce que je peux faire, c'est de vous présenter mon propre point de vue, qui est basé sur l'expérience acquise dans des domaines sur lesquels je crois que les trois pays devraient centrer leurs actions pour renforcer le bien-être et la prospérité de nos peuples, ce qui est, je crois, un but que nous partageons tous.
    À cette fin, j'aimerais parler de cinq questions. Premièrement, nous avons fait du bon travail — ce n'est pas un travail parfait, mais c'est du bon travail — pour réduire les obstacles tarifaires aux échanges commerciaux entre nos deux pays et nous devons faire davantage; en fait, nous devons faire beaucoup mieux pour réduire certaines barrières non tarifaires qui existent encore. Nous avons fait des progrès importants au cours des dernières années, en particulier avec l'initiative Par-delà la frontière entre les États-Unis et le Canada, mais le moment n'est pas encore venu de crier victoire et de nous reposer sur nos lauriers.
    La meilleure façon de réduire les retards et la confusion à la frontière — et je crois que tous les témoins qui sont ici seraient tout à fait d'accord avec moi sur ce point — consiste à renforcer la communication de l'information avant que les personnes et les marchandises n'arrivent à la frontière. Tout d'abord, cela accélère le passage de personnes et de marchandises déjà dédouanées. En outre, le temps que les garde-frontières ne passent pas à examiner les personnes honnêtes et respectueuses des lois ainsi que les marchandises sûres, ils peuvent le passer à rechercher les gens et les produits dangereux.
    À mon avis, le meilleur exemple — et encore une fois, il y a été fait allusion, il y a un instant — est le programme NEXUS. Il est maintenant passé à l'étape suivante, dans laquelle les citoyens canadiens et américains qui sont membres de NEXUS peuvent participer au programme de prévérification — de sorte que, lorsqu'ils passent dans l'aire de filtrage de l'aéroport, ils ne sont plus obligés de retirer leurs chaussures, de sortir les liquides qui se trouvent dans leurs sacs, chaque fois qu'ils veulent prendre l'avion. C'est un vrai progrès.
    Je peux vous raconter une histoire véridique.
    Récemment, j'étais en train de faire la file pour la prévérification et la femme devant moi a dit au garde de l'ASFC, « Vous savez, c'est le meilleur programme qu'ait jamais mis sur pied le gouvernement. » Je crois que j'étais d'accord avec elle sur ce point, et je vais donc vous féliciter tous.
    La deuxième série d'obstacles non tarifaires aux échanges commerciaux est les différences de réglementation entre nos deux pays. Il en va de même pour le Mexique. Ce ne sont pas seulement des différences, mais des différences qui ne se justifient pas vraiment; ce qu'on appelle la tyrannie des petites différences.
    Lorsque j'étais au Canada, je parlais tout le temps de Cheerios. Je vois que Laura Dawson, l'intervenante suivante, sourit. Je pense que c'est elle qui a fabriqué cet exemple avec moi. Je n'ai pas beaucoup d'imagination et je mange la même chose tous les matins. Je mange des Cheerios. Quand je suis aux États-Unis, je mange des Cheerios qui sont fortifiées conformément à ce qu'exige le gouvernement des États-Unis, et, lorsque je suis au Canada, je mange des Cheerios qui sont fortifiées conformément à une recette différente, comme l'exige le gouvernement canadien. Je suis ici, monsieur le président, pour dire à tous les membres du comité que je ne suis pas en meilleure santé dans un pays ou dans l'autre.
    Je me souviens de la première fois que j'ai parlé de ce sujet; il y avait un gars au fond de la salle qui a levé la main et qui a dit: « Eh bien, lequel des deux devrions-nous adopter? » Et j'ai répondu « Cela ne fait aucune différence pour moi, et ça n'en fait également aucune pour vous. Il faut simplement les fabriquer de la même façon. » Il y a tellement de petites différences de ce genre qui n'améliorent pas vraiment notre santé et notre sécurité, de façon significative. Ces exigences sont tout simplement différentes. Les ceintures de sécurité ne sont pas les mêmes dans les deux pays. Le déodorant n'est pas le même dans les deux pays. Toutes ces différences ont pour effet de rendre ces produits plus chers, de réduire le choix des consommateurs et de diminuer la qualité des produits, sans pour autant apporter quoi que ce soit à la population.
(1135)
    Le troisième aspect sur lequel nous devrions nous centrer pour renforcer le bien-être économique de nos citoyens est de continuer à travailler sur des ententes commerciales régionales. Encore une fois, je pense que tous les membres de ce groupe de témoins reconnaissent que l'ALENA a profité au Canada, il a profité au Mexique, et il a profité aux États-Unis. Mais l'ALENA était l'entente commerciale originale. L'entente commerciale 1.0. Je crois que l'ambassadeur Davila a parlé du PTP comme étant l'entente commerciale 2.0. Je l'appellerais sans doute l'entente commerciale 4.0. Nous avons beaucoup appris au cours de ces dernières années, une vingtaine d'années, et il va améliorer et remédier à certaines lacunes de l'ALENA. Il va étendre les avantages du libre-échange à un certain nombre de nos partenaires du Pacifique.
    Parallèlement, le Canada et les États-Unis doivent continuer à travailler sur des ententes de libre-échange avec l'Union européenne. Sur le plan stratégique, je pense que lorsque les trois pays de l'ALENA auront conclu des accords de libre-échange avec les pays du Pacifique et avec l'Union européenne, nous, les pays d'Amérique du Nord, nous nous retrouverons dans une position extrêmement forte, puisque nous serons le pont qui reliera ces deux grands espaces commerciaux. Cela pourrait créer des millions d'emplois dans votre pays et dans le mien.
    Le quatrième aspect sur lequel nous devons, je crois, réfléchir, est de mieux intégrer le Mexique aux initiatives trilatérales. Cela est particulièrement vrai, et l'ambassadeur y a fait allusion, dans les domaines de l'énergie et de la collaboration en matière de réglementation; ce sont là des domaines où nous pouvons faire davantage.
    Enfin, nous devons encourager la collaboration régionale entre nos pays. Encore une fois, j'ai voyagé dans tout le Canada, et j'entendais constamment parler des relations nord-sud, en fait, quelquefois aux dépens des relations est-ouest au Canada. La région économique du nord-ouest du Pacifique travaille depuis longtemps à coordonner les efforts des provinces de l'Ouest et des provinces de l'ouest des États-Unis. Les premiers ministres de la région de l'Atlantique et les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre travaillent depuis longtemps ensemble pour étendre ces avantages économiques dans leurs régions.
    Le 1er avril dernier, j'ai eu la possibilité de participer au Great Lakes Economic Forum qui avait lieu dans ma ville d'origine, Chicago, et qui était organisé par le Council of the Great Lakes Region. C'est une région qui a connu une activité économique de 5,8 mille milliards l'année dernière. Cela représente 30 % du PIB combiné des États-Unis et du Canada et 31 % de nos emplois. Si cette région, le centre des deux pays, était prise isolément, elle constituerait un pays qui arriverait au troisième rang des grandes économies mondiales, devant le Japon, l'Allemagne, la France, le Brésil et le Royaume-Uni.
    Les dirigeants étatiques et provinciaux connaissent ce fait et le comprennent. Ils essaient de poursuivre cette collaboration régionale. J'aimerais vous encourager tous à travailler avec eux pour faciliter cette collaboration. Dans deux semaines, je vais me joindre aux premiers ministres et aux gouverneurs du Saint-Laurent et des Grands Lacs dans la ville de Québec. Dans les mois qui viennent, les représentants de ces régions vont voyager dans le monde entier pour faire connaître les avantages des échanges commerciaux, non seulement dans leur province, non seulement dans leur État, mais dans ces régions économiques très puissantes, ce qui, je crois, profitera à tous.
    Monsieur le président, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont tout un ensemble de questions sur lesquelles ils doivent travailler pour améliorer le bien-être de leurs citoyens. Je vous félicite encore une fois du travail que vous effectuez dans ce domaine et j'ai hâte d'entendre vos questions.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Jacobson.
    Nous allons maintenant passer à Mme Dawson. Elle nous a laissés ici à Ottawa pour aller à Washington.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, madame Dawson, et nous sommes contents de vous ravoir.
    Merci monsieur le président et merci aux membres du comité. Je suis ravie d'être ici. Je préférerais être ici en personne, mais j'apprécie beaucoup d'être un peu chez vous même si je suis à Washington.
    Le fait d'être un des derniers témoins dans ce processus m'a permis d'examiner les témoignages des intervenants précédents. Je veux simplement vous dire que je suis d'accord avec tous ces témoins. Vous avez entendu Colin Robertson, Scotty Greenwood et le Conseil des chefs d'entreprise. Ils vous ont donné d'excellentes listes, plans d'action et stratégies au sujet de ce que nous devons faire dans ce partenariat nord-américain.
    Vous avez l'ambassadeur Suarez, qui est, d'après moi, le meilleur produit d'exportation du Mexique au Canada et vous avez l'ambassadeur David Jacobson, qui n'est pas seulement un excellent penseur et analyste trilatéral et bilatéral, mais aussi le meilleur patron que j'ai jamais eu. Il était si bon comme patron que je n'ai pas voulu aller travailler pour quelqu'un d'autre. J'ai donc été obligée de créer ma propre société. Pendant cinq ans, j'ai dirigé Dawson Strategic à Ottawa, une société qui a aidé des entreprises américaines et canadiennes à profiter de nos ententes commerciales, de nos initiatives trilatérales et bilatérales.
    En tant que consultante sur les questions transfrontalières, je peux vous dire que ces relations fonctionnent très bien. C'est important. C'est la base du commerce et des échanges commerciaux en Amérique du Nord. Il reste encore beaucoup de travail à faire et ces lacunes, ces retards compromettent la compétitivité du Canada. Nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, nous contenter de traîner de l'arrière. Dans les autres parties du monde, nos concurrents sont en train de nous couper l'herbe sous le pied. Ce n'est pas le moment de ralentir pour l'Amérique du Nord. C'est au contraire le moment d'accélérer et de faire davantage pour l'Amérique du Nord.
    Les obstacles non tarifaires dont l'ambassadeur Jacobson a parlé et les lacunes dont l'ambassadeur Suarez a parlé et qui nous empêchent d'avoir des chaînes de fonctionnement bien intégrées veulent dire que nous laissons passer des opportunités importantes.
    L'ALENA est en mauvaise posture. Je ne suis pas sûre d'être d'accord avec l'ambassadeur Suarez qui l'a qualifié de vieille femme ridée, mais c'est certainement un citoyen âgé qui a besoin d'un traitement rajeunissant. Il a plus de 20 ans et il a été négocié à une époque où nous n'avions pas le genre de développement technologique qui fait maintenant partie inhérente de notre économie, dans le monde des affaires. Nous avons négocié l'ALENA avant l'externalisation de la logistique et avant le commerce électronique. Internet existait à peine en 1994.
    Cet accord, l'ALENA, régit environ 70 % de nos échanges commerciaux et nous devenons rapidement une économie basée sur les services, sur les connaissances et sur la haute technologie, mais nos accords commerciaux sont le reflet d'une époque où nous utilisions des crayons et non des ordinateurs.
    Il est urgent de nous intéresser de près à notre infrastructure transfrontalière pour la distribution de l'énergie et les expéditions. Vous avez entendu dire que nos efforts d'harmonisation de la réglementation, s'ils sont importants, représentaient en fait une goutte d'eau dans l'océan, et qu'ils étaient limités, comparés à ce qu'ils devraient être si nous voulions avoir des économies bien intégrées.
    Un des chiffres que j'ai mis dans ma recherche, qui est étayé, je crois, par l'OCDE, est que les obstacles frontaliers et réglementaires représentent environ 5 à 10 % du coût final d'un produit. Cela veut dire non seulement que nos consommateurs paient davantage pour leurs produits, mais que toute notre capacité de production est désavantagée. Nous transférons en fait cet avantage à la Chine et à d'autres concurrents où les coûts sont plus faibles. Nous ne sommes pas obligés d'agir de cette façon. Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir de cette façon.
    Et maintenant, avec le Partenariat transpacifique, nous avons la possibilité de remédier à certaines lacunes de l'ALENA, mais le fait qu'il y ait 12 parties à cet accord veut dire que les intérêts des trois pays de l'ALENA vont être dilués. Il va se poser de nombreuses autres questions. Il y a de nombreuses autres questions qui ne touchent pas directement le renforcement et la rationalisation des relations nord-américaines. En plus, au cours de négociations commerciales, le rythme et le contenu sont définis par les secteurs les plus lents et les moins compétitifs, et non pas par nos secteurs émergents et puissants.
(1140)
    Il est très difficile de négocier pour les secteurs forts, parce que nous défendons les faibles. Nous essayons de trouver un équilibre, mais on ne peut pas sacrifier les secteurs émergents en cours de route.
    Que faut-il faire? En janvier dernier, j’ai écrit un article pour le Globe and Mail où je critiquais sévèrement la décision du gouvernement de reporter le sommet des dirigeants nord-américains. J’estimais alors et je suis toujours convaincu qu’il est grand temps que nos dirigeants se parlent, collaborent, etc. Je suis donc ravie que nous soyons en train de planifier ce sommet et que votre comité veille à ce qu’il ait du sens et de la substance.
    Les autres témoins vous ont proposé d’excellentes choses à faire, et je crois qu’il faut toutes les faire. Quant à moi, je vais vous donner un principe, qui, je crois, recouvre les plans d’action dont on vous a parlé. C’est simple: il convient de traiter les relations nord-américaines avec tout le sérieux qu’elles méritent. Nous devons investir temps et argent à la hauteur de l’importance que les États-Unis et le Mexique ont pour nous sur les plans économique et politique. Je crois que nous oublions ça. Nous sommes si occupés à convoiter les verts pâturages ou les champs plus exotiques de pays lointains que nous passons à côté du fait que c’est en Amérique du Nord qu’il faut investir la plus grande partie de notre temps et de notre énergie. Le Canada doit avoir dans ces deux pays une présence durable et visible.
    Les Canadiens se plaignent souvent d’être tenus pour acquis par les États-Unis, mais, ici à Washington, je suis frappée, et ce n’est pas depuis que j’y ai emménagé la semaine dernière, mais depuis les cinq ou six dernières années où j’y ai travaillé, par l’absence d’une représentation du Canada à l’égard de questions stratégiques importantes qui concernent directement notre pays. Nous supposons sans doute que nous savons tout des États-Unis parce que nous regardons les chaînes de télévision américaines et qu’il ne nous semble pas nécessaire d’être présents sur place. Nous n’entrons effectivement pas en relation avec des législateurs, des décideurs et des leaders d’opinion américains comme le font d’autres alliés des États-Unis. Même le Mexique est plus présent que le Canada à Washington. De plus, notre savoir de base ici au Canada est médiocre. Nous pensons savoir beaucoup de choses sur les États-Unis, mais j’ai pu constater, lorsque j’enseignais à l’Université Carleton, combien mes étudiants manquaient lamentablement de connaissances sur le fonctionnement du système législatif et décisionnel américain.
    Ce qui me frappe, entre autres, c’est que, aux États-Unis, les étudiants universitaires peuvent suivre un programme d’études canadiennes. Que je sache, il n’existe pas de programmes d’études américaines au Canada. S’ils existent, je n’en ai jamais entendu parler. Par ailleurs, je suis une Canadienne employée par le gouvernement américain pour diriger un groupe de réflexion sur les enjeux canado-américains à Washington. Combien de groupes de réflexion de ce genre sont-ils financés par le gouvernement du Canada à Ottawa? Je pense qu’il n’en existe pas. Nous ne faisons plus d’efforts pour comprendre les États-Unis et dialoguer avec eux. Ils sont toujours là, alors pourquoi investir, pourquoi faire des efforts?
    Nous sommes très efficaces sur le plan bureaucratique. Nos fonctionnaires travaillent très bien ensemble, de spécialiste à spécialiste, qu’il s’agisse d’agriculture, des transports, etc. Ils décrochent le téléphone et se parlent entre eux, ils collaborent dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Mais, quand ces activités, ces enjeux prennent une dimension politique et qu’il faut exercer un certain pouvoir et défendre nos intérêts, il n’y a plus personne.
    Comprenez-moi bien, l’ambassadeur Gary Doer et son équipe à Washington sont excellents. L’équipe d’ici, à Ottawa, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, fait un travail fantastique aussi, mais on n’accorde tout simplement pas assez de ressources et d’importance à ces relations. Au cours des trois prochaines années de transition, nous devons nous positionner, non pas en tant que gentils Canadiens, mais en tant qu’alliés présents, visibles et importants. Pour paraphraser le slogan d’une célèbre librairie, « le monde a besoin de plus de Canada ». Les États-Unis ont besoin de plus de Canada.
    C’est pour cette raison que j’ai quitté un emploi passionnant à Ottawa pour venir ici et agiter notre drapeau pour souligner la présence du Canada de façon systématique et durable.
    Le sérieux dont je parle doit également s’appliquer au Mexique. Ces relations exigent temps, attention et cohérence. Je crois que nous nous attendons à du donnant-donnant et que les choses iront vite avec le Mexique. Ce n’est pas le cas.
(1145)
    Nos relations ont souffert à cause de la question du visa. Désormais, grâce au service d’autorisation de voyager électronique, nous avons l’occasion de rétablir notre crédibilité et notre présence au Mexique. Voilà le moment propice de rétablir un dialogue sérieux et respectueux.
    Pour le Canada, le Mexique est moins un concurrent qu’un allié dans la chaîne de production et d’approvisionnement. Si les entreprises manufacturières du Canada doivent prendre de l’expansion dans les décennies à venir, ce sera grâce à des partenariats de chaîne d’approvisionnement avec les États-Unis et le Mexique.
    Si nous voulons que nos intérêts soient pris au sérieux à Mexico et à Washington, il faut que les Canadiens fassent valoir leurs atouts dans le jeu. Nos fonctionnaires et nos gens d’affaires sont formidables, mais il nous faut un leadership politique. Nous avons besoin de vous par ici.
    On sait très bien que les initiatives économiques les plus importantes d’Amérique du Nord, comme le Pacte de l’automobile et l’Accord de libre-échange nord-américain, découlent d’idées et de propositions canadiennes. On ne peut pas attendre que les autres viennent à nous, nous devons lancer ces propositions. Nous devons être les innovateurs et les penseurs.
    J’espère voir chacun des membres de ce comité à Washington. J’espère vous voir tous à mon bureau, à l’Institut du Canada. Considérez que c’est une invitation à faire de l’Institut du Canada à Washington votre pied-à-terre et votre base de lancement pour entrer en relation avec vos homologues du Congrès et d’ailleurs. Dans deux ans, je veux pouvoir revenir vous dire que notre réputation a changé dans le District de Columbia: nous ne serons plus discrets, mais présents partout.
    Je vous remercie.
(1150)
    Merci beaucoup, madame Dawson.
    À vous, monsieur, Dewar, vous avez sept minutes.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. Je vais donner suite directement aux propos de Mme Dawson.
    J’ai été emballé par votre témoignage. Je suis heureux que votre transfert se soit bien passé. Je rappelle également que notre chef a profité de l’offre de l’institut où vous travaillez pour y prononcer un discours, il y a deux ou trois ans. Je l’avais accompagné. Il est vraiment important de veiller à être, comme vous le dites, plus présents.
    L’une des questions que j’aimerais soulever est que le gouvernement, au moment de son élection, avait prévu ce qu’il appelait une stratégie des Amériques. Cette stratégie a été révisée en 2011, je ne sais pas si vous avez lu ce rapport. On y disait notamment qu’il manquait, on parle ici d’un rapport interne, qu’il manquait d’objectifs directeurs et d’une sorte de surveillance de la stratégie des Amériques au sein du gouvernement.
    Je pense que la plupart des gens considèrent que l’intention du gouvernement, la stratégie des Amériques, est bonne, mais ça semble disparaître. Ce qui était évident à mes yeux, dans l’examen de 2011, c’est que le gouvernement ne semblait pas envisager de fixer des objectifs, de faire un suivi et d’exercer une forme de surveillance de sa propre stratégie. Tous les témoins ont d’excellentes idées à proposer, et nous avons notamment entendu des choses passionnantes au sujet des normes dans les dernières réunions, et ça a évidemment à voir avec les préoccupations exprimées concernant la réglementation. Il faut avoir des normes semblables.
    Je me demandais, madame Dawson, si vous pensez que nous allons relancer ces relations, les stimuler, peu importe le mot choisi. Avons-nous besoin d’une perspective sur les Amériques, les trois pays, qui permettrait de faciliter la coopération interministérielle et améliorer l’efficacité de la surveillance? Si c’est le cas, et je suppose que vous allez dire oui, qu’en pensez-vous? Comment procéderiez-vous? Quel conseil pouvez-vous nous donner?
    Si nous devons fixer ces grands objectifs et faire des recommandations, nous avons besoin de penser qu’elles seront appliquées au sein du gouvernement. Pourriez-vous nous faire part de quelques-unes de vos idées à ce sujet?
    Oh, voilà un défi de taille! Je vous remercie.
    Je vous parlerai non pas à titre de directrice de l’Institut du Canada, mais à titre de consultante sur le commerce des Amériques pendant 15 ans. J’ai vu évoluer la stratégie des Amériques et j’ai vu le gouvernement du Canada obtenir quelques résultats, mais aussi affronter quelques difficultés à cet égard.
    Je pense que l’une des premières difficultés d’une stratégie de ce genre est l’idée que les Amériques sont un monolithe. Ce n’est pas une unité. Elles consistent en un certain nombre d’économies et de pays distincts qu’il convient d’aborder individuellement. Nos relations avec le Honduras sont très différentes de ce que devraient être nos relations avec le Chili, la Colombie ou le Pérou. Ces économies ont pris des chemins différents. Ils ont des leaderships différents, des styles culturels différents, etc. Il faut être prêt à entrer en relation avec nos partenaires latino-américains État par État. C’est la première chose.
    Deuxièmement, quand je travaillais comme consultante pour l’Agence canadienne de développement international en Amérique latine, nous louvoyions entre l’élaboration de partenariats économiques plus solides et les activités d’aide technique et de développement. Je pense que nous cherchons à savoir si notre rôle en Amérique latine est de l’ordre du développement ou du commerce et comment conjuguer les deux.
    Je pense que la perspective du gouvernement axée sur une intégration plus étroite du commerce et du développement est un excellent moyen de développer nos relations en Amérique latine, mais c’est tout un défi. Rappelons-nous l’époque où on essayait de réaliser l’Accord de libre-échange des Amériques, on voyait trop grand.
    Je suis favorable à un engagement durable en Amérique latine et à un investissement dans les ressources diplomatiques, mais faisons les choses progressivement et en nous appuyant sur les institutions. Nous avons un très solide partenaire latino-américain juste en face. Travaillons avec le Mexique. Apprenons le langage économique et commercial de l’Amérique latine et sa culture à partir de nos têtes de pont dans la région, puis progressons à partir de là.
    J’aimerais bien revenir vous parler des relations entre le Canada et l’Amérique latine. C’est très important pour moi, mais je ne sais pas si je peux rendre justice à ce sujet en quelques minutes.
(1155)
    Merci.
    Je m’adresse à notre ambassadeur. Au fait, je dois préciser, pour mémoire, que je suis heureux que le comité soit désormais disposé à entendre les ambassadeurs. Je sais que c’était un problème il y a deux ou trois ans et que certains membres ne tenaient pas à entendre le témoignage d’ambassadeurs. C’est avec grand plaisir que nous accueillons des ambassadeurs, actuellement en fonction ou non, pour connaître leur expérience.
    Monsieur l’ambassadeur, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur le couloir logistique dont vous parliez? Je ne suis pas sûr que beaucoup parmi nous comprennent bien. Je vous serais reconnaissant de nous fournir un supplément d’explications.
    Je partage largement le point de vue de Laura. Je pense qu’il va devenir évident qu’il est impossible d’avoir une stratégie canadienne. La stratégie doit bien sûr être commune à tout le pays, mais elle doit aussi être fonction des provinces.
    J’ai été très surpris des visites dans la région de Winnipeg et, jusqu’à un certain point, en Saskatchewan et des possibilités qu’elles ont révélées. Dans les années 1920, le Mexique avait un consulat à Winnipeg, parce qu’il existait un lien direct et clair entre Winnipeg et le centre des États-Unis jusqu’à Monterrey et, finalement, jusqu’à Mexico. C’est un couloir très évident.
    C’est Pallister Furniture qui m’a fourni la meilleure argumentation. Il faut oublier la Chine. Selon eux, malgré les problèmes à la frontière, malgré les trois heures de voyage et le changement de camions à la frontière américaine, malgré l’obligation de laisser les camions mexicains et de prendre les camions canadiens, ça représente 20 heures. Si quelque chose tourne mal dans les usines de fabrication de meubles à Winnipeg, ça peut se faire dans les usines du Mexique.
    Maintenant, il y a une nouvelle idée formidable, je crois, et ça nous intéresse énormément: c’est le projet CentrePort à Winnipeg. Là aussi, ça se situe le long du couloir qui va de Mexico à Winnipeg en passant par Monterrey. Le commerce des produits agricoles suscite certainement plus d’intérêt. De Winnipeg, on peut aller vers l’est ou vers l’ouest. C’est du transport, évidemment, mais aussi de l’énergie.
    Merci, monsieur Dewar.
    À vous, monsieur Trottier, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore une fois à tous nos invités d’aujourd’hui.
    Je voulais parler du Partenariat transpacifique, parce que nous savons tous qu’il y a en ce moment de vastes négociations à ce sujet. Quand on pense à l’ampleur qu’il pourrait avoir comparativement à d’autres ententes, par exemple entre le Canada et l’Europe, dont les modalités dépassent parfois celles de l’ALENA, il y a deux écoles de pensée.
    Selon certains, l’ALENA devient obsolète et il est tout simplement remplacé par le PTP sur le plan commercial.
    Selon d’autres, la présence de 12 partenaires aux négociations fait que les choses se diluent. Il est difficile d’obtenir une entente entre 12 partenaires. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans les négociations de l’OMC à Doha.
    Monsieur Jacobson, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Où va-t-on, d’après vous, avec le PTP? S’il finit par remplacer l’ALENA, est-ce que l’Amérique du Nord sera moins une zone commerciale qu’une plateforme de sécurité, d’échanges universitaires, etc.?
    Je dois dire avant tout que l’idée que l’ALENA pourrait perdre de l’importance après le PTP est une idée fallacieuse.
    Il y aura deux accords. L’un, l’ALENA, portera sur une série complète d’enjeux entre nos trois pays. L’autre portera sur les relations de nos pays entre eux et avec nos partenaires du Pacifique. Il y aura des enjeux propres au PTP, et un certain nombre d’entre nous en ont parlé. Des questions comme la main-d’œuvre, l’environnement et les services ne sont pas abordées dans l’ALENA, et elles seront réglées plus efficacement par le biais du PTP.
    Il est faux de dire que, d’une façon ou d’une autre, le PTP, une fois négocié, remplacera l’ALENA et que l’ALENA disparaîtra ou perdra de son importance.
    Aurons-nous une bonne entente complète dans le cadre du PTP? Je n’ai pas participé aux négociations depuis un certain temps, et, dans une grande mesure et au moins pour le moment, ça dépend de la Chambre des représentants des États-Unis. La décision est passée du Sénat à la Chambre des représentants. J’aimerais pouvoir dire autre chose, mais, compte tenu du moins de l’histoire récente, l’idée de dépendre du Congrès américain pour agir, et pour agir judicieusement et rapidement, est parfois une erreur.
    Je pense et j’espère que ça se fera en fin de compte. Ce sera un bon accord. Et ce sera un bon accord parce que c’est dans l’intérêt économique de chacun des 12 pays partenaires du PTP, notamment les trois pays de l’ALENA, et parce que c’est d’une très grande importance géostratégique dans ce mouvement vers l’Asie.
    Ça va se faire. J’ai toutes les raisons de croire que ce sera un bon accord. Il ne sera pas parfait, ce n’est jamais parfait, mais ce sera fait, je l’espère, d’ici la fin de l’année. Après ça, nous nous concentrerons sur les négociations avec l’Union européenne.
    Comme je l’ai dit, ça va créer beaucoup d’emplois et une grande prospérité économique au Canada, aux États-Unis et au Mexique.
(1200)
    Monsieur l’ambassadeur Suarez, pourriez-vous nous dire si, selon vous, les trois pays d’Amérique du Nord doivent se regrouper et faire front commun dans les négociations du PTP? Est-ce qu’on devrait consacrer du temps à ça dans les mois à venir?
    Je pense que c’est exactement ce qui se passe en réalité. Les relations entre les États-Unis, le Canada et le Mexique sont vraiment très étroites. Il peut y avoir des problèmes, mais, du point de vue décisionnel, les relations entre les ministres du Commerce sont excellentes.
    Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. Jacobson. L’ALENA est une base, une plateforme, et le PTP est une occasion idéale de l’amener au niveau 4.0. Comme il l’a dit, le commerce électronique n’était pas un problème, les produits pharmaceutiques n’étaient pas un problème, les normes du travail et les normes environnementales n’étaient pas un problème. C’est le meilleur moyen de mettre le système à niveau et à jour.
    Nous sommes confiants. Si ça dépendait des décideurs, on aurait le PTP d’ici la fin de l’année. Nous espérons que le Congrès donnera son accord. Ce n’est pas parfait, mais on ne veut pas que ce soit trop dilué. Si c’est trop dilué, c’est inutile. Il faut que ça ait un sens, que ça nous fasse avancer de trois pas. Ensuite, il faut travailler sur la convergence, parce que c’est un problème entre nos accords avec l’Europe, les accords avec l’Est et nos accords internes. Il faut une certaine convergence, surtout en ce qui concerne les règles d’origine, et on peut rassembler tout ça.
    Je suis aussi optimiste que M. Jacobson.
    Monsieur Miller et monsieur Dillon, j’aimerais avoir votre avis sur les politiques d’approvisionnement gouvernementales.
    Je sais qu’on aime insister sur les irritants. Il est évident que les modalités commerciales en Amérique du Nord sont très saines, mais il y a les politiques d’approvisionnement gouvernementales, notamment la politique du Buy America.
    Sur quoi notre comité, s’il doit donner des conseils à nos dirigeants nord-américains, doit-il se pencher de façon réaliste concernant les politiques d’approvisionnement gouvernementales pour vraiment améliorer le sort de tous les contribuables des trois pays lorsqu’il s’agit d’avoir accès aux marchés gouvernementaux?
    Pour ce qui est de la politique du Buy America notamment, les négociateurs des affaires étrangères ont eu une idée: il s’agirait essentiellement d’obtenir que les États-Unis acceptent ce qu’on appelle la disposition de transmission, parce que beaucoup des dispositions du Buy America sont activées parce qu’il s’agit de dispositions fédérales appliquées grâce à l’argent qui coule de Washington vers l’État. Si on peut obtenir que ces ressources soient exemptées de ces exigences, le projet élaboré au niveau de l’État au Connecticut ou en Illinois n’aura pas à affronter les difficultés que suscite actuellement la politique du Buy America.
    Ça suppose qu’on soit disposé à négocier et à accepter des concessions. Je sais, grâce à des amis proches des négociations, qu’on peut envisager de discuter de certaines concessions concernant, par exemple, les produits laitiers ou d’autres choses du même genre. Mais c’est quelque chose que le Canada devra évaluer en fonction des concessions plus générales qui seront négociées: il devra décider ce qu’il est prêt et ce qu’il n’est pas prêt à lâcher.
    Pour ce qui est du Canada directement, nous avons passé une grande partie des neuf derniers mois à travailler sur ce qu’on appelle le cadre d’intégrité, pour veiller à ce que les manuels des fournisseurs soient à jour et conformes aux normes internationales d’approvisionnement. C’est très important pour obtenir de meilleurs résultats à l’échelle nationale et internationale.
(1205)
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Trottier.
    À vous, monsieur Garneau, je vous prie. Vous avez sept minutes.
    Merci à tous les témoins. Ce n’est pas par impolitesse, mais je n’ai que sept minutes et, si je vous interromps, c’est que j’ai beaucoup de questions à poser.
    Je commencerai par l’ambassadeur Suarez Davila. Vous avez parlé d’une lettre du premier ministre concernant la question des visas. Je ne suis pas au courant quant à moi. Je me demande de quand date cette lettre et ce qu’on y disait précisément.
    Cette question a été soulevée après…
    Je suis au courant du contexte.
    Cette lettre disait pour l’essentiel… je la sais presque par coeur. C’était vraiment un geste d’ouverture parce qu’on y disait que le gouvernement avait pris la décision, plus ou moins, d’éliminer l’exigence du visa pour un très grand nombre de citoyens mexicains.
    Au prochain paragraphe, que veut-on dire? On remplace le visa par le nouveau système de l’AVE. Pourquoi est-ce que ça concerne un grand nombre de personnes? Essentiellement parce que ce très grand nombre représente une dizaine de millions de personnes. Neuf millions de Mexicains ont déjà un visa américain, et environ un demi-million de Mexicains ont un visa canadien. Au total ça fait beaucoup. Tout sera en place à la fin de mars.
    Comme je l’ai dit, ce sur quoi il faut travailler, c’est que le Mexique appartient actuellement au groupe suivant. Le premier groupe est formé des 50 pays actuellement exemptés de visa. Pour nous, le problème est qu’il y a 50 pays exemptés de visa, dont certains ont des relations très limitées avec le Mexique, et que le Mexique, qui est notre troisième partenaire commercial, sera dans le prochain groupe, composé de la Roumanie, de la Bulgarie, du Brésil et du Mexique. Nous ne voulons pas être dans le prochain groupe parce que nous ne savons pas quand ce sera.
    Lorsque la décision budgétaire est prise, on peut…
    Vous avez dit que ça entrerait en vigueur en mars prochain ou est-ce que c’est la lettre qui est arrivée en mars?
    Non, la lettre était déjà envoyée.
    Elle a été envoyée en mars. Merci, monsieur l’ambassadeur.
    Monsieur Dillon, vous avez parlé de l’éventualité d’une norme nord-américaine de la fracturation, ce qui me semble une bonne idée. C’est non seulement quelque chose qui n’est pas normalisé, mais je pense qu’il y a aussi beaucoup d’idées fausses sur la fracturation.
    Ici au Canada, bien sûr, on n’a pas la même perspective selon les provinces. Comme vous le savez, il y a un moratoire dans certaines provinces. Est-ce qu’on devrait commencer par créer notre propre norme canadienne avant de discuter avec les États-Unis et le Mexique?
    Oui. En fait, le secteur privé s’y emploie en ce moment. Les entreprises ont déjà des pratiques optimales concernant des choses comme la divulgation de l’information sur le contenu des fluides de fracturation. Mais, oui, c’est…
    C’est en cours, donc. Je vous remercie.
    Monsieur Jacobson, est-ce que les États-Unis vont se décider à passer au système métrique?
    Des voix: Oh, oh!
    Quand j’étais petit, sous l’administration Lincoln, on nous enseignait ça et on nous disait qu’il fallait l’apprendre parce que ça allait changer très bientôt. Honnêtement, je ne vois pas venir le jour.
    Vous vous rendez compte que vous, le Liberia et le Myanmar êtes les trois seuls pays au monde qui n’ont pas encore adopté le système métrique.
    Belle compagnie.
    J’aimerais faire une remarque. En 2006, je faisais partie d’un groupe du gouvernement de l’Ontario. Il était question de la pollution de l’air transfrontalière. Le groupe était composé d’Américains et de Canadiens. On parlait de quelque chose qui fait partie de notre réalité, et c’est que les caractéristiques météorologiques n’ont rien à faire des frontières.
    Dans ce cas particulier, il s’agissait des nombreux polluants atmosphériques en provenance de la vallée de l’Ohio transportés vers le sud de l’Ontario. J’ai découvert avec étonnement qu’il y a des milliards de dollars en jeu, pas seulement des choses comme les pluies acides, mais aussi la santé des gens qui ont du mal à respirer, l’agriculture, etc.
    Pour être juste, il faut rappeler que certains phénomènes météorologiques vont aussi dans l’autre sens.
    Est-ce qu’on devrait en tenir compte? Vous avez parlé des problèmes environnementaux comme l’établissement commun du prix du carbone et de choses comme ça. Et le fait que nous exportons des polluants les uns chez les autres à l’occasion?
(1210)
    Je suis sûr que l’ambassadeur Jacobson a aussi quelque chose à dire à ce sujet, mais je suis convaincu que vous savez qu’il existe un accord canado-américain sur la qualité de l’air qui doit être consolidé et mis en application. Je ne sais pas où il en est, mais il est en cours de négociation.
    La qualité de l’air est en train de s’améliorer dans le sud de l’Ontario. La raison en est, entre autres, le fait qu’on brûle moins de charbon dans les services publics du Midwest américain. Il y a aussi qu’on brûle moins de charbon en Ontario ou qu’il n’y en a plus du tout. Et il y a la réduction des émissions des véhicules et d’autres sources.
    Mais c’est vrai qu’il y a encore à faire, c’est sûr.
    C’est quelque chose dont il a été question quand je travaillais pour le gouvernement de l’Ontario, mais je ne sais pas s’il y a des initiatives fédérales, parce que c’est plus que seulement l’Ontario qui est en cause.
    Je suis sûr que l’ambassadeur a eu affaire à ça au cours de son mandat. Il existe un accord entre le Canada et les États-Unis.
    On l’a rogné un morceau à la fois. Ce qui s’est généralement passé depuis quelques années, c’est que, après beaucoup de travail de préparation commune, la même réglementation sur l’efficacité énergétique des véhicules et toutes sortes d’autres choses étaient annoncées le même jour au Canada et aux États-Unis. C’est comme ça que ça s’est passé. Mais je suis entièrement d’accord avec vous. Nous respirons le même air, nous buvons la même eau, et rien de tout ça ne suit une ligne tracée sur une carte. D’une façon ou d’une autre, il faut trouver le moyen de travailler ensemble. C’est l’un des enjeux qui ne pourra que prendre de l’importance.
    Je vous remercie.
    La semaine dernière, nous avons eu un témoin… je reviens au PTP… qui a dit que c’est un secret de Polichinelle que M. Obama ou l’administration actuelle aimerait que le PTP remplace l’ALENA. On vous a posé la question, et vous sembliez considérer que les deux systèmes continueront de fonctionner parallèlement. Est-ce vraiment votre sentiment?
    Je lis le témoignage et je ne suis pas sûr de comprendre d’où il sort cette information. Je n’en ai jamais entendu parler.
    Vous n’en avez jamais entendu parler. Bon, très bien.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Garneau.
    Commençons un deuxième tour. Madame Brown, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous d’être venus nous voir.
    Madame Dawson, je suis heureuse de vous revoir. Nous voulions avoir une conversation quand vous êtes venue à Mississauga, mais, malheureusement nous serons encore à Ottawa, donc ça ne marchera pas. Je suis contente que vous soyez ici parmi nous.
    Je m’adresse au Conseil canadien des chefs d’entreprise: quand vous avez rédigé votre rapport, je vois que vous vous êtes beaucoup intéressés aux compétences et aux emplois. Vous avez tous parlé de problèmes liés à la réglementation, mais, dans la conversation d’aujourd’hui, nous n’avons pas vraiment parlé d’emplois ni de comparaison des titres de compétences. Nous avons le problème ici même au Canada, bon sang! Il y a des provinces où tout le monde a sa propre désignation, et ce n'est pas constitutionnel. Je ne sais pas vraiment comment on règle ça, mais, actuellement, au Canada, on a 447 organismes délivrant des titres de compétences. Si vous êtes enseignant en Ontario, vous ne pouvez pas vous installer au Manitoba et y exercer votre métier sans préalablement obtenir le permis propre au Manitoba.
    Premièrement, que pensez-vous de ça et comment devrait-on aborder la question entre les trois pays? Y a-t-il des secteurs où il serait possible de prendre une ou deux professions et de commencer à rogner là-dedans pour commencer à créer un système de reconnaissance des compétences panaméricain afin de favoriser la mobilité de la main-d’oeuvre entre nos pays?
    Je ne sais pas qui voudrait commencer, mais je pose la question.
(1215)
    En effet, nous nous sommes particulièrement intéressés sur les emplois et les compétences dans le rapport, et je fais remarquer que, la semaine prochaine, les ministres provinciaux responsables de l’Accord sur le commerce intérieur se rencontreront. Ce devrait être un sujet de discussion très important, parce qu’il y a non seulement la question de la reconnaissance mutuelle entre les provinces, mais il y a aussi la question du « champ de pratique ». Nous avons rédigé un rapport à ce sujet, où nous expliquons, par exemple, que les massothérapeutes doivent obtenir un permis pour exercer en Ontario, mais pas en Alberta.
    Il y a une chose qui fonctionne dans le contexte nord-américain, quoique ce soit lent, c’est la collaboration entre les associations. Les associations d’architectes du Canada, des États-Unis et du Mexique se sont entendues. Il leur a fallu plusieurs années, mais elles ont fini par s’entendre sur une reconnaissance mutuelle des compétences d’un architecte, de leur mode de certification et de leur champ de pratique dans les divers pays. Elles n’ont pas abordé la question de l’admissibilité, mais, si un architecte mexicain est embauché pour construire un bâtiment à Winnipeg, il lui suffit de demander l’autorisation d’entrer au Canada comme le ferait toute personne qui vient travailler ici. Il ne lui serait pas nécessaire de demander la reconnaissance de ses titres de compétences.
    Le seul moyen d’y arriver est de passer par ce processus pénible d’inviter les organismes délivrant des titres de compétences à dialoguer et à s’entendre sur une nomenclature commune de définitions. Dans le contexte du commerce intérieur, je pensais que l’une des choses qu’on pourrait faire serait, par exemple, de s’inspirer de ce qu’on a fait pour les négociations tarifaires: on pourrait se servir du tableau Ellis, qui énumère tous les titres de compétences, pour élaborer un cadre commun.
    Mais il y a beaucoup d’autres choses possibles. La formation, par exemple. C’est très difficile de réunir en un même endroit, pour de la formation, des gens venant d’entreprises de partout en Amérique du Nord. Chaque personne doit faire sa demande. Nous avons suggéré qu’une entreprise offrant un cours de formation annonce: « Voilà la liste des 40 personnes qui viendront à Mississauga suivre cette formation » et que l’ASFC soit tenue de répondre oui ou non dans un délai de cinq jours. Peut-être qu’ils vont dire: « Pour ces 38 personnes, ça va; pour les autres, nous devons encore vérifier », mais, au moins, on peut avoir un lot de candidatures et savoir à peu près quand vous aurez l’information nécessaire.
    Ce qu’on a constaté dans bien des cas concrets, c’est qu’il faut beaucoup plus de temps pour obtenir un visa d’entrée au Canada pour organiser la formation que pour faire la formation. Ça n’a aucun sens, et les gens passent leur temps à dépenser dans les bars, les restaurants, les hôtels, etc. de Mississauga, et ils préfèrent donc aller à Las Vegas.
    Un mot, rapidement, de madame Dawson, puis de l’ambassadeur. Nous allons manquer de temps.
    À vous, madame Dawson.
    Je serai brève.
    Pour ce qui est de la mobilité de la main-d’œuvre et des compétences, je veux parler d’une initiative où l’ambassadeur Jacobson a joué un rôle de leadership réel et qui permet d’accueillir des travailleurs des États-Unis quand il y a une demande dans les métiers liés aux sables bitumineux. Je pense notamment aux soudeurs, aux électriciens, etc.
    Parmi les leçons tirées de l’expérience, il y a que la reconnaissance des compétences ne suffit pas. Il faut aussi la participation des syndicats des deux côtés de la frontière, qui doivent admettre que l’intégration du marché est importante pour telle ou telle profession. Il fallait aussi des employeurs motivés et des organismes de réglementation motivés, parce qu’on avait une pénurie de main-d’œuvre importante à ce moment-là.
    Donc, il est important d’encourager les organismes chargés de la reconnaissance des compétences à collaborer, mais il faut aussi obtenir la collaboration des provinces, des syndicats, des employeurs, des organisations de travailleurs et des collèges.
    Je vous remercie.
    Monsieur l’ambassadeur.
    Très rapidement, il y a quelque chose qui marche depuis 40 ans: le programme des travailleurs agricoles temporaires, qui comprend des règles très précises. Il y a eu 18 000 travailleurs qui sont venus et repartis. C’est simple.
    Je pense qu’il faut choisir les secteurs où les besoins sont importants, dans les régions où les besoins sont importants, et cerner les compatibilités. Il est clair que ce serait les provinces de l’Ouest. Toutes ont un grave problème de main-d’oeuvre semi-spécialisée: soudeurs, machinistes, électriciens. Je pense que les trois pays pourraient s’entendre sur ce secteur, probablement lié à l’énergie. Ce serait quelque chose de très spécifique, qui n’engagerait pas tout le pays, mais surtout les provinces qui en ont le plus besoin.
    Un jour, pour le Mexique, nous aurons besoin de beaucoup d’ingénieurs. Donc c’est réciproque, mais c’est sectoriel.
    Une dernière remarque, très pratique: il faut faciliter les choses aux gens d’affaires pour que, dans les entreprises prestigieuses, il puisse y avoir une mobilité du personnel. Je sais par exemple que le groupe des hôtels Quatre-Saisons aimerait engager des Mexicains dans les emplois intermédiaires. Ils travailleraient au Canada, aux États-Unis et au Mexique. C’est très difficile.
    On a besoin de projets pilotes, probablement avec des entreprises prestigieuses spécifiques pour éviter qu’elles fassent quelque chose d’illégal.
(1220)
    Je vous remercie.
    À vous, madame Laverdière, je vous prie. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins, qui ont livré des présentations fort intéressantes ce matin.
    Ma première question s'adresse à M. Jacobson.
    Monsieur Jacobson, selon vous qui avez déjà été ambassadeur, que serait-il possible de faire lors du prochain sommet pour améliorer la coopération entre les trois pays afin de faire face aux menaces que posent les changements climatiques?

[Traduction]

    Comme je l’ai déjà dit, j’en fais une affaire personnelle. C’est l’un des plus graves problèmes que nous ayons à régler. Nous devons le régler. Plus on attend, plus il sera difficile de le faire. C’est aussi un domaine où il faut favoriser la coopération parce que nous vivons tous dans le même climat. À chaque fois que l’un d’entre nous contribue à la détérioration climatique, nous en subissons tous les conséquences.
    Je pense qu’il est très important, par exemple, de trouver une méthode uniforme d’établissement du prix du carbone. Si un pays fixe un prix inférieur à celui d’un autre pays ou ne lui attribue pas de valeur, c’est là que les usines très polluantes iront s’installer. C’est le plus petit dénominateur commun.
    Je suis convaincu que nous y viendrons. C’est un domaine où, franchement, tout le monde est en faute. Mon pays n’est vraiment pas sans reproche à cet égard, pas plus que le Mexique ou le Canada. Il faut collaborer, et le plus tôt sera le mieux. Ce ne sera pas facile, mais ce sera plus facile si on n’attend pas.

[Français]

    Merci beaucoup. C'est très intéressant.
    Maintenant, je lance un petit défi à certains des témoins.
    Madame Dawson, j'ai été frappée par ce que vous avez dit. Vous avez parlé essentiellement de notre manque de ressources à Washington pour faire valoir la place du Canada. J'ai vécu moi-même quatre ans à Washington et je pense que je comprends un peu les défis que cela comporte.
    Par ailleurs, monsieur Miller, vous avez mentionné la fermeture de consulats aux États-Unis qui a touché des citoyens ordinaires, des immigrants potentiels. Dans ma circonscription, on a appuyé des gens qui avaient été oubliés par les consulats canadiens aux États-Unis. Il a fallu un certain temps avant que leurs dossiers ne se règlent. Un défi se pose vraiment relativement aux ressources qu'on consacre à la relation avec les États-Unis.
    Je vous demande, à tous les deux, de rêver un peu. De façon stratégique, où, selon vous, est-il le plus important d'affecter nos ressources limitées? Serait-ce dans les consulats, à Washington, ailleurs? Je vous demande de formuler des hypothèses.

[Traduction]

    Je me reporte à la fermeture des bureaux de Citoyenneté et Immigration à Buffalo et à Seattle, qui a causé des difficultés devenues particulièrement apparentes pour les personnes ayant besoin d'un visa d'affaires pour entrer au Canada en vue d'y investir.
    J'ai pour vous une histoire que m'a racontée un de mes amis qui est avocat et qui représente une des sociétés du Fortune 1000. L'un des cadres supérieurs de cette société était venu en Ontario pour, espérait-il, mettre la dernière main à un accord d'investissement. Rendu à la frontière, il a été retenu 90 minutes, puis renvoyé au deuxième interrogatoire. À la suite de cette expérience, il a dit: « Je ne veux pas que mes employés aient à subir la même chose ». C'est donc aux États-Unis qu'a été établie l'entreprise de 375 employés.
    Voilà une situation que ne révèlent pas les statistiques économiques, mais il est important de favoriser le franchissement de la frontière grâce à des renseignements préalables, à la technologie et à des gens sur place.
    Nous avons appris de notre expérience avec le transport de marchandises que plus on règle de formalités avant la frontière et moins on a de problèmes pour la franchir. Sur ce plan, nous avons reculé.
    J'ai représenté Industrie Canada à Washington pendant quatre ans. L'une des choses que je sais du fonctionnement du système américain — et Mme Dawson a tout à fait raison sur ce point —, c'est qu'il faut être sur place, soit dans les États et dans les provinces. Il faut que les États-Unis et le Mexique soient parmi nos toutes premières priorités quant à l'affectation des ressources pour tout ce qui est affaires étrangères. Rien ne remplace une rencontre avec un membre du Congrès à son bureau et dans son district. Si vous le rencontrez à Washington, vous disposez de 20 minutes. Si vous le rencontrez dans son district, il vous invite à un barbecue et vous pouvez lui parler une heure et demie.
(1225)
    Merci beaucoup.
    Nous allons terminer cette série de questions avec M. Hawn.
    Monsieur Hawn, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous pour votre présence.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur l'ambassadeur Jacobson. Je garde de bons souvenirs de l'époque où nous sirotions ensemble un café double crème et double sucre dans un bunker de Kandahar, sous des tirs de roquettes, ainsi que de nos longues promenades aux Pays-Bas.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur l'ambassadeur. Nous avons beaucoup parlé de voyageurs dignes de confiance et d'autres choses. Jusqu'où pourra-t-on aller sur ce plan grâce à la plateforme NEXUS ou autre? Des deux côtés de la frontière, la majorité des gens ne posent aucune menace à qui que ce soit. Jusqu'où pouvons-nous aller dans l'identification des personnes qui ne présentent pas de menace, afin de leur permettre de rapidement franchir la frontière?
    Permettez-moi, monsieur Hawn, de vous dire que mon voyage avec vous en Afghanistan fait partie de mes souvenirs durables.
    Tout d'abord, je pense qu'il faut encourager les gens à participer aussi nombreux que possible aux programmes pour voyageurs dignes de confiance. Nous devons faciliter leur participation.
    Il y a eu des problèmes. Nous n'avons pas suffisamment d'employés chargés de traiter les demandes. N'étant plus ambassadeur, je peux le dire. Je me suis toujours demandé pourquoi il fallait soumettre les gens à deux entrevues, l'une par un agent de l'ASFC et l'autre par un agent la CBP des États-Unis. Nos deux pays pourraient se faire mutuellement confiance. L'un de mes amis à Chicago, qui souhaitait s'inscrire au programme NEXUS, a été invité à se présenter à Toronto le 18 février. Comme il a répondu qu'il n'avait pas l'intention se rendre à Toronto le 18 février, il n'est pas inscrit. Nous devons faciliter les choses. Il suffit d'y mettre du gros bon sens.
    Quant à savoir jusqu'où nous pourrons aller, on m'a parfois posé une question, comme à plusieurs d'entre vous, sans doute. Comment se fait-il qu'en Europe on peut conduire de France en Allemagne — deux pays qui, historiquement, ont eu des relations quelque peu plus tendues que la nôtre avec les États-Unis — sans même avoir à ralentir, et qu'on ne peut pas faire pareillement ici?
    Je réponds que la France et l'Allemagne ont accepté de céder une partie de leur souveraineté. Elles ont des normes d'immigration communes. Une fois dans un pays, on peut se rendre librement dans l'autre. Je n'ai pas souvent entendu, ni au Canada ni aux États-Unis, que l'un des deux pays accepterait de laisser, de quelque façon, l'autre décider de qui pourrait entrer chez lui. Nous pouvons aller beaucoup plus loin, mais je ne suis pas certain que nous irons jusqu'au bout dans un proche avenir.
    Merci.
    Madame Dawson, vous avez parlé — et je crois que c'était à propos de l'ALENA — de certains secteurs qui sont plus faibles ou plus forts, ou sur lesquels le PTP fait peser une menace partielle par rapport à l'ALENA. Pourriez-vous nous indiquer sur quels secteurs, faibles ou forts, nous devrions porter notre attention?
    Volontiers.
    Nous devons actuellement déterminer si le Canada doit ou non renoncer à son régime de gestion de l'offre dans les secteurs des produits laitiers et de la volaille, et s'il est disposé à le faire.
    À mon avis, ces politiques répondent davantage aux besoins de sécurité alimentaire en temps de guerre qu'à ceux d'une industrie nord-américaine concurrentielle et exportatrice, mais il s'agit d'une décision de politique publique qu'il appartient aux Canadiens de prendre. Si nous consacrons autant de temps à défendre les intérêts de ces secteurs, il est très difficile de réclamer ensuite, à la même table de négociation, un meilleur accès pour le bœuf albertain, le blé, les céréales et ainsi de suite.
    De plus, afin de pouvoir favoriser l'accès aux industries de service, aux services de conseils et aux services d'ingénierie, soit dans tous les domaines où nous pouvons appliquer notre savoir et nos compétences ailleurs dans le monde, le Canada a surtout besoin de secteurs clés synonymes de croissance économique. Mais si nous dépensons notre capital de négociation à défendre les secteurs traditionnels, ou si nous nous retirons complètement du PTP, ce que nous devrons peut-être faire en raison de notre attachement à la gestion de l'offre, nous perdrons l'occasion de promouvoir ces secteurs à forte croissance.
    Je constate aussi, et c'est là encore une opinion personnelle, que nos politiques commerciales tendent à être centrées sur l'Ontario et le Québec et n'accordent pas l'attention aux intérêts de l'Ouest canadien et de la région du Pacifique — la Colombie-Britannique et l'Alberta —, qu'elles pourraient et devraient leur accorder.
(1230)
    Merci.
    Pour ma part, je pense que la gestion de l'offre est un anachronisme qui doit disparaître. Telle est mon opinion.
    Monsieur Miller, ou monsieur Dillon, nous parlons de l'indépendance énergétique de l'Amérique du Nord. Quels sont les deux ou trois principaux obstacles à cet égard et comment pouvons-nous les surmonter?
    Très rapidement, monsieur. Notre temps est écoulé, mais allez-y quand même.
    Nous ne parlons pas tellement d'indépendance énergétique parce que je ne sais pas vraiment comment définir ces termes. Nous avons une occasion en or d'accroître notre autosuffisance énergétique en Amérique du Nord. Je pense que nos deux principales tâches consistent, en premier lieu, à améliorer l'infrastructure énergétique entre nos pays et, en second lieu, à obtenir le soutien du public qui, bien franchement, est nécessaire pour tirer parti de nos possibilités dans le secteur de l'énergie. Je ne parle pas ici seulement de pipelines. Je parle de mettre en valeur tous les éléments d'actif d'énergie renouvelable que nous avons également. Cela veut dire qu'il faut faire approuver les projets d'énergie éolienne et les lignes de transport pour acheminer les formes les moins polluantes d'électricité vers les marchés. Voilà quelques-uns des principaux obstacles.
    Merci beaucoup.
    Nous commencerons notre troisième série de questions avec M. Schellenberger. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Et grand merci à tous nos témoins qui se sont déplacés aujourd'hui.
    J'aimerais adresser ma question à tous les témoins, mais vous m'avez demandé, monsieur Jacobson, de vous ménager, et c'est ce que je ferai. Comme je viens d'une région essentiellement agricole, il y a un problème qui me tracasse plus que les autres, soit le régime d'étiquetage du pays d'origine. Les États-Unis ne cessent de parler de libéralisation du commerce, mais ils semblent introduire des obstacles non tarifaires dans les processus. L'étiquetage du pays d'origine a non seulement nui à beaucoup de producteurs canadiens, mais il a aussi entraîné la fermeture de beaucoup d'usines de transformation américaines qui s'approvisionnaient en boeuf canadien et en porc canadien.
    Quatre fois ce différend s'est rendu jusqu'à l'OMC, qui a tranché en faveur du Canada et statué que le système d'étiquetage du pays d'origine était injustifié ou contrevenait à notre traité. Il semble que la seule chose que nous puissions faire est d'imposer des tarifs. C'est la seule façon de régler ce genre de situation. Nous parlons d'éliminer les tarifs. Ce genre de choses se produit.
    Je me rappelle la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Quand elle a éclaté, j'avais été élu 10 jours plus tôt. Cela étant, ça fait une douzaine d'années que je m'occupe de ce dossier. À l'époque, après que notre boeuf eut été scientifiquement déclaré sans danger, l'organisme R-CALF, dans l'Ouest américain, a signifié son opposition, et il a fallu entre quatre et six années, je pense, avant de pouvoir ouvrir le marché à certaines pièces de boeuf.
    Comment corrigeons-nous de telles situations qui avaient été négociées, puis déclarées injustifiées en arbitrage, mais sur lesquelles les États-Unis ne veulent jamais revenir?
(1235)
    Monsieur Schellenberger, ne comptez pas sur moi pour défendre l'étiquetage du pays d'origine.
    Cette situation résultait de certaines lois aux États-Unis. Le problème tient au fait que le gouvernement américain n'a pas la possibilité de passer outre la législation. La loi dit ce qu'elle dit, et le président est tenu de l'appliquer. Mais il y a de bonnes nouvelles: à la suite de la quatrième série de négociations, la plus récente, des projets de loi ont été déposés au Congrès qui, certains l'espèrent, seront examinés suivant une procédure expéditive et qui résoudront certains, voire l'ensemble, des problèmes résultant de l'étiquetage du pays d'origine.
    Mais il y a des difficultés qui jouent dans les deux sens. Pour parler bien franchement, les deux pays — et je pense que le Mexique doit aussi être de la partie —, doivent examiner les particularités réglementaires afin de déterminer lesquelles sont justifiées par des motifs légitimes de santé et de sécurité et lesquelles visent plutôt à protéger nos industries. Dans le premier cas, ça ne pose pas de problème; dans le second, ce n'est pas si sûr.
    Comment envisagez-vous l'uniformisation des opérations douanières par le Canada, les États-Unis et le Mexique étant donné les différences qui existent entre les trois pays? Je sais que la chose a été discutée — le programme NEXUS et les renseignements préalables... Est-ce essentiellement le meilleur moyen?
    Je ne pense pas que le Canada, les États-Unis et le Mexique devraient uniformiser leurs règles d'entrée ou, si cela arrivait, ce serait un événement fortuit parce que nous avons tous des intérêts quelque peu différents.
    Nous devons, cependant, déterminer, comme nous en discutions plus tôt, qui sont ces gens sûrs, bons, honnêtes, travaillants qui ne présentent aucune menace pour qui que ce soit. Quant au personnel dans les postes frontaliers et les aéroports, moins il passe de temps à vérifier les chaussures de ma grand-mère, plus il pourra en consacrer à dépister les méchants. Cela vaut pour les trois pays. Nous devons chercher à identifier autant de gens que possible dans la vaste masse indéterminée — pour le moment, nous ne savons pas qui ils sont — et les classer dans la catégorie des personnes inoffensives. Ce qui importe, c'est de ne pas les classer parmi les individus dangereux à moins qu'ils en soient.
    À mes yeux, c'est la façon de résoudre le problème.
    Merci beaucoup.
    Madame Day, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame et messieurs. Je vous remercie de votre présence.
    Ma première question concerne l'offre. Je ne partage pas du tout la position de M. Hawn. Comme il vient de l'Ouest, il est sûr qu'il privilégiera le marché du boeuf, mais les marchés du porc, des pêches, du bois d'oeuvre et la gestion de l'offre liée à la volaille, aux oeufs et au lait sont également importants. Dans l'Est du pays, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Québec ou en Ontario, il y a d'énormes conséquences aux diminutions éventuelles au niveau de la gestion de l'offre.
    Il faut protéger la gestion de l'offre autant que le marché du boeuf. Ce n'est pas une chose contre l'autre. Cela fait partie de ce que le Canada veut développer pour améliorer sa situation économique. On ne peut pas redevenir un pays qui ne fait que de l'exploitation et envoyer tous nos produits à l'extérieur à l'état brut. On veut que la situation des manufacturiers s'améliore. On veut aussi que la première transformation se fasse au pays. On veut créer de l'emploi et des possibilités pour que notre pays puisse se développer.
    J'aimerais que vous reveniez sur la gestion de l'offre. Ensuite, j'aurai d'autres questions.

[Traduction]

    Je pense que la différence entre les secteurs à offre réglementée et les autres que vous avez mentionnés — exploitation forestière, pêche, etc. — tient à ce que, dans ces autres secteurs, quoiqu'il puisse exister des mesures de protection et des programmes canadiens de soutien et de promotion de la production, nous exportons, tandis que, dans ceux où la gestion de l'offre s'applique, nous n'exportons rien. Avec le régime de la gestion de l'offre, il n'y a pas d'exportations canadiennes de produits laitiers, sauf par le truchement de quelques programmes très spécialisés et très restreints. Ainsi, le producteur d'un merveilleux fromage canadien ne peut pas l'exporter à cause du principe de réciprocité. Tel est le prix à payer pour obtenir la protection qu'offrent les prix garantis à la production: nous nous engageons à ne jamais exporter les produits laitiers canadiens. Et c'est pourquoi nous voyons des sociétés comme Saputo qui déménagent en Australie afin de pouvoir exporter vers les marchés asiatiques où la demande de produits laitiers est élevée. Force est de constater une grande distorsion dans le système.
    De plus, il n'y a simplement pas de place pour ceux qui voudraient entrer sur ce marché, étant donné que le prix du quota, qui est monnayable, est si élevé. Si un de mes enfants souhaitait devenir producteur laitier, je lui dirais d'oublier ça. Le prix du quota est inabordable. Il n'y a donc pas de nouveaux venus sur ce marché, ce qui constitue, à mon sens, une position très rigide, restrictive et régressive.
(1240)

[Français]

    Ma deuxième question porte sur les opérations douanières.
    Monsieur Miller, je crois que c'est vous qui avez souligné l'importance de passer plus rapidement les frontières en étant préautorisé. Vous avez aussi parlé du programme NEXUS.
    N'y a-t-il pas un grand danger lié à ce qu'on pourrait appeler le code barres? Sur des produits matériels comme des boîtes de conserve, on peut utiliser un code barres, mais s'agissant d'humains, c'est autre chose. On parle d'empreintes digitales et de photographies de l'iris. Je suis d'accord qu'il faut assurer la sécurité, mais il faut aussi respecter les droits et pouvoir circuler plus librement. Les gens ne veulent pas nécessairement être fichés pour pouvoir circuler plus librement. N'y a-t-il pas une dichotomie ici?

[Traduction]

    En ce qui concerne le respect de la vie privée, le choix de participer ou non au programme NEXUS est laissé à chacun. Il n'y a aucune obligation. Le Canada est l'un des seuls pays dont les citoyens, quand ils entrent aux États-Unis, ne sont pas obligés de fournir leurs empreintes digitales ou la photographie de leur iris. Si vous voulez participer au programme NEXUS ou, en d'autres termes, si vous voulez...

[Français]

     Je vous arrête ici.
    En 2004, lorsque je suis passée par un transit, certaines personnes devant moi ont été obligées de fournir la photographie de leur iris et leurs empreintes digitales. On les choisissait de façon aléatoire. Comme elles devaient passer par un transit, elles devaient le faire rapidement. Il n'y a pas d'obligation générale, mais il y a quand même des actes qui ont été posés en ce sens.

[Traduction]

    Les ressortissants de pays tiers qui transitent par le Canada en allant aux États-Unis sont obligés de le faire, mais pas les citoyens canadiens. C'est, en partie, une affaire de volume.
    Mais pour revenir à la question des libertés individuelles, nous avons une sorte d'arbitrage à faire. Si vous communiquez des renseignements et faites connaître qui vous êtes, vous passerez plus rapidement à la frontière. C'est le genre de choix que nous faisons tout le temps. Si vous avez une carte de Shoppers Drug Mart, vous avez droit à des rabais sur divers articles en échange de vos données personnelles. C'est vous qui en avez décidé ainsi. Vous n'êtes pas dans l'obligation de demander cette carte, mais vous avez décidé de l'avoir.
    Il me semble que la plupart des gens qui traversent la frontière veulent le faire plus rapidement et sont donc disposés à accepter les échanges de ce genre. Il importe toutefois de signaler qu'au moment où l'initiative Par-delà la frontière a été négociée, un cadre de protection de la vie privée avait été intégré à l'accord. À l'époque, la commissaire à la protection de la vie privée l'avait scruté à la loupe et conclu qu'il était suffisant.
    Merci beaucoup, madame Day. C'est tout le temps que nous avons.
    Nous allons terminer avec M. Goldring.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Cette discussion est très intéressante. J'aimerais revenir sur la question des normes, qui a été abordée. Étant moi-même fabricant de systèmes électriques depuis des années, je sais quelles difficultés peuvent survenir à ce chapitre. Faire approuver certains éléments de mon matériel, même les plus simples, par les Laboratoires des assureurs du Canada, pouvait me coûter plusieurs milliers de dollars, coût qui pouvait d'ailleurs grimper dans les dizaines de milliers de dollars, selon le type de matériel.
    À l'inverse, lorsqu'il s'agissait de systèmes de sécurité, je ne pouvais pas importer du matériel des États-Unis qui avait été approuvé par Underwriters Laboratories Incorporated. Il n'était pas permis de commercialiser au Canada du matériel approuvé par ULI aux États-Unis, même s'il répondait à la norme américaine en matière de protection-incendie, de même qu'à celle de Factory Mutual, qui en était une autre.
    Nous avons une multitude de différentes normes et exigences d'approbation. Ma question rejoint ce que Mme Dawson disait plus tôt. J'aurais cru que ce serait une composante ou une fonction à exercer dans le cadre de l'ALENA, à tout le moins pour amener les trois pays à s'entendre sur un terrain commun pour certaines de ces exigences d'approbation. Mais est-ce une fonction de l'ALENA? Si oui, est-ce que quelque chose a été accompli expressément dans ce sens?
    Qui voudrait se hasarder à répondre à cette question?
(1245)
    Madame Dawson.
    Les défis que vous mentionnez sont considérables et ils entraînent des coûts importants pour les importateurs et les exportateurs. Celui qui exerce un contrôle sur une fonction de réglementation — « ceci est à nous, cela est à vous » —, est très réfractaire à l'idée de céder du terrain. Il convient aussi de rappeler que les autorités de réglementation sont chargées de veiller à la sécurité des consommateurs de leur pays, non de promouvoir le commerce international. Il est difficile de se défaire de ce contexte.
    Il est vrai que L'ALENA contient un certain nombre de dispositions obligeant à un effort maximal en vue d'encourager l'harmonisation des normes et la mise sur pied de groupes de travail sur les obstacles techniques, mais ce qui a fait défaut à l'ALENA, c'était un intérêt politique de haut niveau pour la suppression réelle de certains de ces obstacles. Le Conseil de coopération en matière de réglementation, le CCR, mis en place en 2011, s'est avéré beaucoup plus efficace pour ce qui est d'asseoir les autorités de réglementation et les entreprises à la même table avec le mandat d'aboutir à des résultats concrets.
    Je parlais à une dame qui, avec son produit particulier, a été engagée dans des démarches tant auprès du CCR que du côté de l'ALENA. Elle affirme que les résultats ont été bien meilleurs avec le CCR en raison de cet intérêt politique et elle souhaite seulement que le même processus puisse s'appliquer avec le Mexique dans un cadre trilatéral, puisque le processus prévu par l'ALENA n'a jamais fonctionné comme prévu.
    Pour mieux fonctionner, nous avons besoin, je pense, que cette intention et ce leadership politique se manifestent dans un cadre trilatéral.
    Je vous donnerai un exemple que j'ai sous la main. Il s'agit d'une pile électrique. Je vois d'un côté les approbations et je constate que la pile ne peut être utilisée qu'aux États-Unis et au Canada. Si j'étais fournisseur de pièces pour le gouvernement ou quelque autre organisme, installé au Mexique, et que j'apprenais qu'un de mes concurrents vend cette pile, je ne manquerais pas de le dénoncer dans le but de préserver ma part du marché et de m'assurer que seul du matériel approuvé pour le Mexique soit retenu. Est-ce que cela est un problème au Mexique, monsieur l'ambassadeur? Ce l'est certainement ici. J'y vois du protectionnisme.
    L'une de mes surprises à mon arrivée au Canada — ce n'était pas le cas il y a 20 ans —, a été de découvrir que le Canada est probablement le pays libre-échangiste le plus actif parmi les trois signataires de l'ALENA. Beaucoup de dossiers… Je ne savais pas ce qu'était la gestion de l'offre. De quoi s'agissait-il? Nous n'avions rien de tel au Mexique.
    Je ferai cette observation: l'ALENA est bien vivant et bien portant. Il prévoit de nombreuses procédures et offre beaucoup de latitude permettant d'apporter des améliorations à l'accord même. Beaucoup de ses éléments sont de nature permissive, si bien qu'il ne serait pas nécessaire de modifier le texte de l'accord pour les mettre en œuvre. Ce que j'ai à dire, c'est que l'ALENA est là. Il existe beaucoup de latitude pour changer les choses sans sortir du cadre de l'ALENA.
    Désormais, le PTP va venir s'ajouter à l'ALENA, non le remplacer. Il améliorera des choses qui ont échappé à l'ALENA simplement parce qu'elles n'existaient pas il y a 20 ans. Mais la latitude est grande dans les limites de l'ALENA. En ce qui concerne les marchés publics, nous avions 1 200 sociétés d'État en 1994. Nous en avons probablement une cinquantaine aujourd'hui. Les marchés publics ne sont pas un problème au Mexique, pas plus que la gestion de l'offre. Nous avons beaucoup de problèmes de paperasserie et de lourdeur administrative que nous devons tâcher de résoudre, mais cela ne concerne pas l'ALENA; il s'agit d'amener les responsables gouvernementaux et les bureaucrates à travailler ensemble pour appliquer un certain nombre de mesures que le bon sens commande.
    Je remercie chaleureusement les témoins qui ont comparu aujourd'hui pour le temps qu'ils ont consacré à cette discussion. Nous allons poursuivre à huis clos pour un moment afin de discuter des instructions de rédaction. Je donnerai aux témoins le temps de se retirer et nous reprendrons ensuite.
    Encore une fois, je vous remercie beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé. Je l'apprécie hautement.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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