HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 14 mars 2001
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)): Bonjour à tous. Nous allons commencer la séance. Je vous signale que les témoins seront entendus et que le tout sera télévisé du début à la fin.
Avant de commencer, j'aimerais vous mentionner que M. Ghislain Picard, membre de l'exécutif de l'Assemblée des Premières Nations du Canada et chef régional de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, serait intéressé à venir témoigner. Son nom n'était pas sur la liste initiale, mais comme aucun représentant de l'Assemblée des Premières Nations n'est présent, nous pourrions l'entendre mardi prochain à 11 heures. Je vous demande donc votre consentement afin qu'on puisse le recevoir.
[Traduction]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): J'en fais la proposition.
(La motion est adoptée)
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous recevons aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi, M. Reg Anstey, du Fish, Food and Allied Workers Union; M. John Radosavic et M. Bruce Loggan, de United Fishermen and Allied Workers Union-West Coast; M. Gary White, des Métallurgistes unis d'Amérique; et deux personnes qui seront quelques minutes en retard, M. Brian Payne et M. Wayne Budgell, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.
Je rappelle à tous mes collègues qu'une période de questions d'environ cinq minutes suit vos présentations, les questions et réponses des témoins étant incluses. Tous les témoins ont environ cinq minutes pour présenter leurs mémoires, les questions étant posées par la suite.
Je désire aussi rappeler à mes collègues qu'il y aura possiblement un appel au vote à 17 h 30, celui-ci ayant lieu à 17 h 45. Je vous signale également que nous avons d'autres témoins à entendre par la suite, vers 18 heures. Je vous demande donc d'être tous ici, si possible, afin d'entendre ces témoins.
Merci beaucoup de votre présence. Si vous le voulez bien, nous allons commencer avec M. Anstey, du Fish, Food and Allied Workers Union. Bienvenue, monsieur.
[Traduction]
M. Reg Anstey (secrétaire-trésorier, Fish, Food and Allied Workers Union): Merci.
Excusez-moi, madame, j'essayais de mettre rapidement mon écouteur pendant que vous parliez. Comme je viens tout juste de le mettre, je n'ai pas vraiment entendu ce que vous avez dit.
Je présume que vous me demandez de commencer mon exposé. C'est bien ça?
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Oui, vous avez la parole.
M. Reg Anstey: Merci.
Malheureusement, nous n'avons pas pu préparer notre texte dans les deux langues, mais je vous ai donné une copie de notre mémoire et de mes notes personnelles, dont j'ai également remis une copie aux interprètes.
Tout d'abord, je voudrais vous donner un aperçu général du secteur de la pêche. Les gens ont tendance à croire que le Canada atlantique est une région pauvre, et que le secteur de la pêche est une composante encore plus pauvre d'une région déjà pauvre de cette province du Canada.
Notre industrie à Terre-Neuve représente des exportations d'une valeur d'un milliard de dollars par an, soit presque un tiers de la valeur de l'industrie canadienne dans son ensemble, qui est d'environ 3,2 milliards de dollars. La valeur de nos exportations a dépassé un milliard de dollars trois années de suite. En fait, chaque année a été une année record.
Nous avons donc repris du poil de la bête depuis la période difficile des années 90. À l'heure actuelle, l'activité principale de notre industrie est la pêche des crustacés et coquillages. Nous avons des débarquements très élevés de crabes et de crevettes, etc., et pendant les périodes de pointe, notre industrie regroupe plus de 10 000 travailleurs des usines de transformation et 13 000 personnes dans le secteur de la récolte.
Il ne fait aucun doute que les membres de l'industrie que je représente ont été durement touchés par les modifications apportées au régime d'assurance-chômage. Avant 1992, année de déclaration du moratoire, les travailleurs des usines de transformation du poisson touchaient environ 130 millions de dollars par année sous forme de prestations d'assurance-chômage. En 1999, il ne s'agissait plus que de 59 millions de dollars, et ce montant n'a pas augmenté depuis. Le secteur de la récolte s'en tire beaucoup mieux—encore une fois, en raison de la valeur des débarquements.
Donc, pour les travailleurs des usines de transformation, les réductions imposées ont été particulièrement pénibles, et je vais justement aborder brièvement la question tout de suite. Chez nous, la saison de pêche est limitée. On pense, à tort, que si on impose des règles plus draconiennes qui ont pour résultat de forcer les gens à travailler pendant plus longtemps pour être admissibles, d'une manière ou d'une autre, les gens arriveront à travailler plus longtemps, étant donné qu'ils doivent être en mesure de respecter les critères d'admissibilité du programme d'assurance-emploi. Malheureusement, la saison de pêche du crabe ne durera pas plus longtemps pour autant. Il en va de même pour la saison de pêche de la crevette. Des règles plus strictes ne feront pas en sorte que le poisson reste plus longtemps à proximité de la côte.
Notre saison est définie par la nature, et nous sommes bien obligés de nous y conformer. Ce n'est pas nous qui déterminons la longueur des saisons. Et elles sont généralement très courtes.
Je vais maintenant lire les observations qui se trouvent dans notre mémoire et j'aurai quelques commentaires à ajouter à la fin.
Notre texte présente les amendements que notre organisme recommande d'apporter au projet de loi C-2, de même que nos observations sur les amendements proposés. Nous y exposons également notre position concernant les cotisations et l'excédent du compte d'assurance-emploi.
• 1535
Nous sommes favorables à certaines des modifications que le
gouvernement propose d'apporter à la Loi sur l'assurance-emploi de
1992 par le biais du projet de loi C-2, mais les modifications
proposées ne vont pas assez loin et ne constituent aucunement une
réforme réelle du régime.
Les modifications proposées ne s'attaquent guère aux problèmes fondamentaux de notre régime d'assurance-emploi. Même si notre syndicat est content de constater une certaine évolution en ce qui concerne le niveau des prestations dont pourront bénéficier les travailleurs des industries saisonnières, étant donné l'élimination de la règle d'intensité et de la mesure de récupération, en réalité, ce projet de loi ne comporte guère de dispositions qui permettront de régler leur problème de protection terriblement insuffisante.
De moins en moins de chômeurs au Canada touchent des prestations d'assurance-chômage. De plus, le gouvernement ne propose aucune modification qui permettrait de régler les problèmes causés par la règle controversée et punitive du dénominateur et la réduction massive du nombre de semaines de prestations dont peuvent bénéficier les travailleurs. Toutes ces mesures continuent d'avoir de graves incidences financières sur les travailleurs saisonniers, leurs familles et leurs collectivités.
Le projet de loi C-2 ne facilite pas non plus les choses pour les travailleurs saisonniers en ce qui concerne les critères d'admissibilité qu'ils doivent respecter pour avoir droit aux prestations. Cette mesure législative n'améliore aucunement les critères d'admissibilité, qui empêchent actuellement plus d'un million de chômeurs de toucher des prestations ordinaires. Or, ce million de chômeurs auraient été protégés et admissibles à l'assurance-chômage en vertu des règles qui s'appliquaient au cours de la dernière récession.
D'une part, le gouvernement reconnaît l'effet punitif des modifications de 1996 sur les femmes et les travailleurs saisonniers; mais en refusant d'apporter les modifications appropriées à la Loi de 1996 sur l'assurance-emploi, le gouvernement continue de faire de la discrimination à l'endroit des femmes et des travailleurs saisonniers.
En septembre 2000, la ministre Jane Stewart dit ceci au sujet des modifications qu'elle proposait d'apporter au régime d'assurance-emploi:
-
Il nous faut [...] adapter certaines mesures qui se sont révélées
moins efficaces que prévu, voire même punitives, dans certains cas,
notamment pour les travailleurs saisonniers et les femmes.
Le fait est que peu de femmes qui travaillent dans une industrie saisonnière ou occupent un poste temporaire ou à temps partiel pourront profiter des changements proposés relativement à la réintégration du marché du travail, par exemple.
Selon les dispositions du projet de loi C-2, pour respecter les critères d'admissibilité minimaux, les femmes seraient tenues d'avoir touché des prestations de maternité ou de paternité au cours des six dernières années. Autrement dit, il leur faudrait 700 heures de travail dans une période de 52 semaines.
En réalité, bon nombre des femmes occupant des postes à temps partiel, temporaires ou saisonniers ne réussissent pas à remplir l'exigence des 700 heures. Par exemple, dans notre secteur d'activité, les femmes travaillent généralement entre 400 et 500 heures; par conséquent, non seulement elles ne respectent pas les critères d'admissibilité, mais elles ne touchent pas de prestations de maternité. Elles sont donc doublement pénalisées. D'abord, elles ne reçoivent pas de prestations de maternité parce qu'elles n'ont pas le nombre d'heures requis. Deuxièmement, quand elles réintègrent le marché du travail, il leur faut 910 heures, étant donné qu'elles n'étaient pas en mesure de respecter les critères au départ. Elles sont exclues pour les mêmes raisons que toute autre femme canadienne qui travaille, sauf qu'elles sont pénalisées deux fois. Or, ce problème-là n'a été aucunement corrigé dans le projet de loi C-2.
Par contre, le gouvernement reconnaît que l'exigence des 700 heures est trop rigoureuse, puisqu'il propose, par l'entremise de ce projet de loi, de réduire cela à 600 heures, sans pour autant modifier les critères pour permettre à ceux et celles qui n'étaient pas en mesure de le respecter précédemment de profiter des nouveaux critères d'admissibilité touchant les parents.
Donc, pour les personnes qui travaillent dans une industrie saisonnière comme la nôtre, il y a toujours deux poids, deux mesures. En fait, la plupart des femmes qui travaillent dans le secteur de la pêche qui ont quitté leur emploi pour élever leurs enfants ne seront pas en mesure de respecter les nouveaux critères d'admissibilité et elles auront toujours besoin de 910 heures.
Des milliers de femmes canadiennes qui font actuellement partie de la population active ne seront pas admissibles aux congés de maternité et parentaux, même après que ce projet de loi aura été adopté. De plus, le gouvernement ne propose aucune modification relative à la formule du dénominateur. Les modifications apportées à la loi en 1996 en ce qui concerne la durée des prestations étaient tout à fait radicales et elles ont eu un impact très négatif sur nos membres. En fait, ces deux mesures ont certainement nui à la situation de tous les travailleurs saisonniers. Nous allons justement en parler.
Passons maintenant à la question de l'excédent et des cotisations. Le régime canadien d'assurance-emploi est financé par les travailleurs et leurs employeurs grâce aux cotisations qu'ils paient. Il s'agit donc de notre régime. À l'heure actuelle, le Compte d'assurance-emploi enregistre un excédent de 36 milliards de dollars. Cet excédent représente la totalité des prestations non payées. Cet argent n'appartient pas au gouvernement. Si cet excédent s'est constitué, c'est parce que le gouvernement a sensiblement coupé le niveau des prestations et l'accent au régime. Nous savons aussi que le ministère des Finances a puisé librement dans l'excédent des prestations non payées pour équilibrer son budget et, dernièrement, pour réduire les impôts des Canadiens aisés.
À l'heure actuelle, la majorité des fonds d'assurance-emploi sont versés au Trésor au lieu de profiter aux chômeurs sous forme de prestations ordinaires. Depuis des années, le gouvernement fédéral prend plus de 7 milliards de dollars dans les poches des sans-emploi, de leurs familles et de leurs collectivités, pour éponger son propre déficit. Cette réalité a d'ailleurs été confirmée par le vérificateur général dans son rapport de 2000. Le ministre des Finances, Paul Martin, l'a même avoué dans une lettre d'août 1999 adressée à un représentant de la ville de Prince Albert, en Saskatchewan, dans laquelle il disait ceci: «Les excédents du Compte d'assurance-emploi des dernières années nous ont aidé à éliminer le déficit. En fait...»
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Vous ne m'avez peut-être pas comprise quand je vous ai dit que vous disposeriez de cinq minutes pour faire votre exposé. Comme vous dépassez le temps imparti, je vous invite maintenant à conclure.
M. Reg Anstey: Très bien. J'ai presque épuisé mes cinq minutes?
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Excusez-moi de vous avoir interrompu.
M. Reg Anstey: Si j'ai plus ou moins épuisé mes cinq minutes, eh bien, je suppose que j'ai soulevé les questions les plus importantes. Il va sans dire que la durée de la période de prestations pose problème. Il en va de même pour le dénominateur. Dans les industries saisonnières, par exemple, un travailleur est limité à 12 semaines de travail, car telle est la longueur de la saison, et cette personne aura sans doute accumulé beaucoup d'heures. Si le dénominateur est de 14, cependant, ils vont toucher moins de 50 p. 100 sous forme de prestations, puisque les 12 semaines de gains sont divisées par 14.
Comme je vous le disais tout à l'heure, il ne me semble pas réaliste de s'attendre à ce que les gens trouvent deux ou trois semaines de plus simplement parce que vous avez décidé de choisir un dénominateur plus élevé. Étant donné la durée des prestations, même si vous respectez les critères d'admissibilité, vous n'aurez pas 52 semaines. Dans notre secteur, la plupart des gens n'ont pas de revenu pendant un mois. Quatorze semaines de travail vous donnent droit à 32 semaines de prestations, ce qui fait en tout 46 semaines; vous n'avez donc pas de revenu toute l'année. Et c'est souvent au pire moment qu'on a ce manque à gagner. Cela touche les familles au mois de mars, et c'est donc très pénible.
Je suis sûr que vous aurez des questions à nous poser à ce sujet. Nous ne pouvons accepter la loi actuelle. Le projet de loi C-2 représente un progrès, mais vous avez encore beaucoup de chemin à faire. Le fait est que les travailleurs saisonniers l'on payé cher, votre excédent.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Anstey.
Nous accueillons maintenant John Radosavic et Bruce Loggan des United Fishermen and Allied Workers Union—côte Ouest. Bienvenue.
M. Bruce Loggan (directeur, Fonds et avantages sociaux, United Fishermen and Allied Workers Union—côte Ouest): Merci. Nous sommes très contents d'être parmi vous. John et moi avons déjà comparu à d'autres occasions pour discuter de modifications touchant la Loi sur l'assurance-emploi.
Notre syndicat représente bon nombre des travailleurs du secteur de la pêche en Colombie-Britannique. Nous existons depuis 1945. Nous représentons à la fois les exploitants pêcheurs, les travailleurs des usines de transformation et les personnes qui emballent le poisson en vue de sa transformation ultérieure. Il s'agit de travailleurs saisonniers pour la plupart. Cette activité, par sa nature, est une activité saisonnière et en Colombie-Britannique, très cyclique. Bon nombre de nos membres pêchent le hareng pendant tout au plus un mois, de mars à avril, et ils pêchent le saumon en été.
Pour diverses raisons, la saison de pêche du saumon se rétrécit depuis quelques années. Comme je viens de vous le dire, l'activité est fort cyclique chez nous. Dans le Sud, la migration anadrome des saumons est problématique depuis plusieurs années. Dans le Nord, à cause de ce que nous considérons comme des problèmes de mauvaise gestion, même s'il existe des ressources qu'on pourrait exploiter, nos membres n'y ont pas accès. Il y a eu une migration de plusieurs millions de saumons au cours des années vers la rivière Skeena, ce qui nous enlève la possibilité d'exploiter et de transformer ce poisson.
Donc, les travailleurs de notre secteur traversent une période très pénible et d'autres difficultés de tous genres font qu'ils ont encore plus besoin du régime d'assurance-chômage. Nous avons connu des remaniements d'entreprises en Colombie-Britannique qui ont fait monter le taux de chômage, et plus récemment, les plans mis en oeuvre par les ministres Mifflin et Anderson au niveau fédéral ont eu pour résultat de réduire considérablement la flottille de pêche. Nous avons donc à présent beaucoup moins de pêcheurs.
Il reste cependant un noyau de pêcheurs dont l'activité est saisonnière, comme je vous l'expliquais il y a quelques instants. Ces pêcheurs cotisent au régime et ils tiennent à ce qu'une partie de la richesse qu'ils créent en travaillant revienne aux localités situées le long de la côte où ils habitent. Ils ont besoin de ce revenu pour vivre. Ça, c'est certain.
Certains éléments du projet de loi nous plaisent. Par exemple, nous sommes contents de voir qu'on élimine la règle d'intensité. Nous sommes d'accord avec le gouvernement pour reconnaître que la règle d'intensité a toujours été de nature punitive, puisqu'elle avait pour résultat de réduire les prestations de personnes qui, indépendamment de leur volonté, se trouvaient sans emploi. Nous appuyons par conséquent l'élimination de la règle d'intensité. Nous sommes heureux aussi de constater qu'on supprime une partie des dispositions de récupération—mais à notre avis, cela ne va pas assez loin. Et nous sommes favorables à la proposition selon laquelle les bénéficiaires de prestations de maternité et parentales ne seraient plus assujettis aux normes d'admissibilité visant les rentrants sur le marché du travail.
Mais à part cela, disons que les autres modifications que propose le projet de loi C-2 ne nous conviennent pas. En ce qui nous concerne, ce projet de loi est loin de satisfaire les besoins de nos membres. Le problème central pour les travailleurs de la Colombie-Britannique est l'accès aux prestations. Nous avons assisté à une baisse constante du nombre de personnes jugées admissibles aux prestations: nous sommes passés de 70 ou 80 p. 100, à l'époque où j'ai commencé à travailler pour le syndicat il y a 10 ans, à environ 35 p. 100 maintenant. Dans le Nord, par exemple, le taux de chômage, c'est-à-dire le nombre de personnes admissibles à l'assurance-emploi est d'environ 38 p. 100, mais chez les travailleurs saisonniers, la proportion pourrait être bien plus faible. De plus, même lorsque les travailleurs sont jugés admissibles, leur période de prestation est la moitié moins longue. La situation de bon nombre de nos membres est donc très pénible.
• 1545
Comme je l'ai déjà dit, dans le Nord, nous avons perdu maintes
possibilités de développement économique. À Ucluelet, par exemple,
la distribution des stocks de merlus était fort anormale, à un
point tel qu'il était impossible, malgré nos nombreuses tentatives,
de les récolter, ainsi des centaines de travailleurs à Ucluelet ont
terriblement besoin de prestations d'assurance-emploi.
La sanction qui vise actuellement les rentrants sur le marché du travail touche nos membres. Il est certain que l'utilisation du dénominateur et les normes variables d'admissibilité empêchent bon nombre d'entre eux de toucher des prestations, et nous aimerions que le projet de loi C-2 en tienne compte. À notre avis, la sanction touchant les personnes qui réintègrent le marché du travail devrait être abolie. Pour nous, rien ne justifie le maintien de cette sanction, étant donné que la Caisse d'assurance-emploi enregistre à présent un excédent de 36 milliards de dollars. Nous souhaitons que ces mesures punitives soient supprimées et que l'on améliore l'accès au régime au profit de nos membres.
Quant à la Caisse d'assurance-emploi proprement dite, nous estimons que les 7 milliards de dollars consacrés aux travailleurs mis à pied par leurs employeurs sont nettement insuffisants. Les sommes portées au crédit de la Caisse sont bien plus importantes et nous n'acceptons pas que 8 milliards de dollars—comme ce fut le cas l'an dernier, par exemple—soient versés au Trésor. Nous voulons que cette caisse soit administrée comme une caisse d'assurance—c'est à cette fin qu'elle a été créée—et nous déplorons le fait que l'on puise à volonté dans cette caisse au détriment de nos membres qui pourraient autrement bénéficier de ces fonds.
Je ne sais pas si j'ai épuisé mes cinq minutes...
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Oui, vous avez épuisé vos cinq minutes.
M. Bruce Loggan: Très bien, je vais en rester là, en attendant vos questions.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup. Nous accueillons maintenant M. Gary White
[Français]
des Métallurgistes unis d'Amérique.
M. Gary White (représentant syndical, Métallurgistes unis d'Amérique): Je vous remercie, madame, de me donner la parole et de m'avoir invité. Avant de présenter notre document, j'aimerais parler de la situation que nous vivons, qui est la raison de notre présence ici.
Au cours des deux dernières semaines, les médias ont affirmé que des gens s'opposaient aux changements. J'aimerais savoir si ces gens qui s'opposent à ces changements ont vécu des situations comme celles-ci: les enfants n'ont rien à manger avant d'aller à l'école, ou il n'y a pas assez d'argent pour effectuer les paiements pour la maison ou pour acheter de l'huile pour chauffer la maison l'hiver. J'aimerais bien savoir si ces gens ont vécu cela. Je suis certain que si ces gens avaient vécu cela, ils penseraient différemment.
Certaines personnes ont comme choix de payer l'huile à chauffage l'hiver ou d'acheter de la nourriture, l'un ou l'autre. Il est bien difficile de ne pas chauffer l'hiver, parce qu'autrement, on va geler. Il est donc un peu triste que des gens pensent de cette façon.
De plus, on parle de baisser les quotas de l'industrie de la pêche encore cette année. Pour nous, la pêche la plus importante est celle du crabe des neiges, et on parle de baisser les quotas de 15 à 30 p. 100. Ce sera à peu près cela. Cela veut dire des quotas encore plus bas, et donc encore moins de travail cette année que l'an passé.
En plus, on nous a dit que le marché japonais est saturé. Si nous n'avons pas accès au marché japonais, nous devrons le vendre aux américains, ce qui veut dire moins de personnes qui travaillent, car ils ne transforment pas le crabe d'autant de manières.
• 1550
Les scientifiques nous disent qu'il faut pêcher
le crabe le plus vite possible cette
année, à cause du crabe blanc qui n'est pas bon à vendre.
Et s'il faut pêcher le
crabe encore plus vite, cela veut dire encore moins de
semaines.
Il y a des semaines où les tempêtes durent trois ou quatre jours, parfois même cinq à sept jours. Les vents sont vraiment forts, et on ne peut pas sortir. Voilà une autre cause de nos problèmes.
Si on suit l'avis des scientifiques et qu'on ne peut pas sortir faire la pêche, cela veut dire encore moins de semaines. Et si, après cinq à six semaines, le crabe n'est plus bon, on réduit ce temps encore plus.
On vit une situation un peu semblable dans l'industrie de la tourbe, car je représente aussi les travailleurs de la tourbe. Quand il pleut, ils ne peuvent pas travailler. Si par malheur on reçoit beaucoup de pluie pendant un été, cela signifie moins d'heures dans les champs.
Des producteurs de tourbe m'ont fourni de l'information récemment. Ils affirment que seulement dans la péninsule acadienne, leur industrie a des retombées économiques de 60 millions de dollars. Ils affirment que la valeur des ventes de tourbe et de produits à base de tourbe est estimée à 60 millions de dollars. Une bonne partie de cet argent a été dépensée dans la région pour des salaires, des services, des pièces et le transport. Pour chaque personne-année créée dans l'industrie de la tourbe, environ 1,5 emploi est créé. Et quel montant d'argent nous a été retiré par les coupures depuis 1991? Je pense qu'il s'agit d'environ 70 millions de dollars. Si cet argent était toujours disponible pour l'assurance-emploi, il y aurait d'autres emplois créés parce que les gens pourraient dépenser dans nos communautés, ce qui créerait d'autres emplois.
Injectez 70 millions de dollars, ce qui correspond à peu près à l'industrie de la tourbe, et vous verrez les emplois indirects qui seront créés. Voilà un autre sujet dont je voulais parler.
On voit aussi ce qui se passe au niveau des familles. Quand il n'y a pas d'argent, c'est très dur. Si on ne peut pas donner à manger ou payer ses dettes, il s'ensuit soit de la violence, soit des divorces, et ensuite les enfants vivent la même chose. Ou encore, il y a des suicides. Voilà ce qui se dit maintenant lors des réunions. C'est terrible. Les gens disent qu'ils n'ont plus de solution. Les gens me demandent ce que je vais faire pour eux. Je ne suis qu'un représentant syndical. Je ne peux pas donner d'emploi. Les gens me disent qu'ils n'ont pas de travail et qu'ils ne peuvent pas nourrir leurs enfants. C'est très sérieux. Que devons-nous faire pour que le gouvernement comprenne les problèmes que nous vivons dans la péninsule ou dans la région d'Acadie—Bathurst? Que devons-nous dire? Que devons-nous faire? Dites-le moi et je le ferai. Je ne sais plus quoi faire. C'est sérieux, et je peux vous assurer que notre député, M. Godin, fait son possible.
Les gens pleurent lorsqu'ils assistent aux réunions. Je vais vous dire une chose: quand je vois ces gens qui viennent me voir et qui pleurent, moi aussi, j'ai le coeur tendre et je vois ce qui se passe.
Il y a deux ans, un peu avant Noël, je devais visiter une de mes représentantes. Elle avait perdu sa maison. Elle avait deux couronnes de Noël, un bout de lumière, de celles qui ont l'air de glaçons. Elle pleurait et elle a dit qu'elle partait parce qu'elle avait perdu sa maison. Ce n'était pas une maison de 40 000 $ ou 80 000 $, mais une maison de 20 000 $ ou 24 000 $. On appellerait cela un chalet probablement.
• 1555
Nous, on est
probablement encore intéressés. Tout ce que
ces personnes
demandent, c'est d'avoir un emploi
pour faire suffisamment d'heures pour pouvoir toucher
l'assurance-emploi. C'est tout ce qu'on demande.
On ne veut pas
plus que ça, seulement ça.
Madame, je suis peut-être trop doux, mais je vais vous dire une chose. Quand on voit des choses comme celles-là, réellement... Il y a des suicides chez les gens à qui on a affaire. Ces pauvres familles nous demandent ce qu'on peut faire. Qu'est-ce qu'on peut faire? C'est rendu que ça n'a plus de bon sens. On passe notre temps, comme représentants du syndicat, non pas à travailler sur une convention, mais à travailler pour essayer de faire quelque chose avec les employeurs pour créer de l'emploi. C'est ça qu'on fait 80 à 90 p. 100 du temps dans ces usines-là. C'est terrible.
J'aurais une autre chose à proposer. C'est pareil à ce qu'on a fait. J'aimerais que le premier ministre, M. Martin, et Mme Jane Stewart viennent avec nous au Nouveau-Brunswick, dans le comté d'Acadie—Bathurst. Je les amènerais moi-même de maison en maison. Ils s'apercevraient que ces gens-là ne sont pas malins et ils verraient ce qu'ils vivent. Ils iraient ensuite dans les écoles, avant que les cours commencent, et ils verraient combien d'enfants ne déjeunent pas le matin avant d'aller à l'école.
Comme on le dit dans le document, que vont-ils faire cet été lorsqu'ils n'iront pas à l'école et qu'ils seront pris dans un trou noir? Le trou noir va arriver encore dans peu de temps, s'il n'est pas déjà arrivé. Il commence à arriver. Ils ont travaillé, mais ils n'auront pas encore assez de semaines pour se qualifier, et cet été, ils tomberont dans un autre trou noir. C'est ça, le problème.
Je pense que j'ai dépassé le temps qui m'était alloué. Vous avez le document et vous pouvez poser des questions sur ce qu'il contient si vous le voulez, mais on demande des changements. Il faut que quelque chose soit fait. C'est aussi simple que ça.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci de votre témoignage. Je pense que tous mes collègues sont très sensibles à la situation et on en prend bonne note.
Nous entendrons maintenant MM. Payne et Budgell du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Soyez les bienvenus.
[Traduction]
M. Brian Payne (président, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Madame la présidente, nous vous avons déjà remis notre mémoire. Nous sommes d'ailleurs très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de nous entretenir avec vous et de vous présenter notre mémoire au nom du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier. Je suis accompagné cet après-midi d'un dirigeant, M. Budgell, qui représente une de nos grandes sections locales à Terre-Neuve. Il fera son intervention quand j'aurai terminé mes remarques liminaires.
Le SCEP est évidemment un grand syndicat représentant l'ensemble des secteurs économiques au Canada, et notamment les industries des pâtes et papiers, des forêts, du pétrole, des télécommunications et chimiques, mais en réalité, nous avons des membres dans presque toutes les régions et localités du Canada.
Bon nombre de nos membres subissent des mises à pied de temps en temps en raison de la nature cyclique des secteurs où ils travaillent. Les personnes les plus durement touchées sont évidemment les travailleurs saisonniers de l'industrie forestière. M. Budgell va justement vous en parler dans quelques minutes. Il vous expliquera l'importance que revêtent les prestations d'assurance-emploi pour ses membres et surtout pour les collectivités qu'ils habitent et où ils essaient tant bien que mal à gagner leur vie. Il s'agit donc d'un programme essentiel pour ces membres et leurs collectivités.
En 1996, les représentants de notre syndicat ont comparu devant le comité pour exhorter ce dernier à recommander le retrait du projet de loi C-12, comme vous le savez certainement, et telle est toujours la position de notre syndicat. Pour nous, le gouvernement faisait fausse route en proposant des modifications législatives qui attaquaient les travailleurs et leurs familles.
Aujourd'hui, le SCEP est d'avis que le projet de loi C-2 ne règle qu'une partie des pires difficultés créées par le projet de loi C-12. Il est certain que certaines dispositions représentent une amélioration, mais cette mesure ne propose pas de réelles solutions au problème des normes d'admissibilité touchant les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active. Le projet de loi maintient l'attaque contre les travailleurs occupant des postes saisonniers ou non traditionnels. Vu la nature de leur activité, certains d'entre eux peuvent rester sans travail pendant plus d'un an. À ce moment-là, ils sont considérés comme des rentrants sur le marché du travail et ils auront donc besoin de 910 heures pour être jugés admissibles aux prestations d'assurance-emploi. D'autres cotiseront au régime sans jamais accumuler suffisamment d'heures pour devenir admissibles aux prestations.
Les travailleurs temporaires de l'industrie forestière et d'autres secteurs d'activité sont souvent appelés à remplacer régulièrement d'autres personnes pour cause de maladie, d'accidents ou de vacances. Le projet de loi C-2 n'est pas adapté à ce type de travail, qui devient de plus en plus courant de nos jours.
Les normes d'admissibilité touchant les personnes qui réintègrent le marché du travail sont particulièrement injustes à l'égard des femmes, qui occupent un pourcentage disproportionné des emplois à temps partiel. Elles sont injustes également à l'endroit des travailleurs âgés qui prennent plus longtemps pour trouver un nouvel emploi.
Le régime d'assurance-emploi actuel doit absolument être modernisé si l'on souhaite qu'il traduise la réalité d'un marché du travail en perpétuelle évolution. Encore une fois, le projet de loi C-2 ne va vraiment pas assez loin. Les travailleurs canadiens exigent, à juste titre, que les fonds d'assurance-emploi servent à rétablir un système de prestations juste et équitable et que l'on mette un terme à une situation qui est manifestement discriminatoire.
• 1600
Le SCEP appuie énergiquement la position du Congrès du travail
du Canada et d'autres syndicats affiliés qui revendiquent
l'élimination des mesures de récupération et des règles
discriminatoires inscrites dans cette loi. Nous exhortons l'actuel
gouvernement à réduire le nombre d'heures requises à 360, à
prolonger la période des prestations, en la faisant passer à
52 semaines, et à rétablir la formule selon laquelle les
prestations correspondent aux deux tiers du salaire du travailleur.
Je voulais aborder brièvement la question de la formation. De nos jours au Canada, nous lisons presque tous les jours dans les journaux—et notre syndicat est d'autant plus conscient de cette réalité à cause des industries dans lesquelles travaillent nos membres—que nous ferons bientôt face à une pénurie de travailleurs qualifiés et professionnels. Cette situation aura une grave incidence non seulement sur nos membres et leurs collectivités, mais sur l'ensemble du pays. Il est grand temps que les travailleurs canadiens puissent profiter de programmes de formation bien financés grâce—directement ou indirectement—à l'excédent de la Caisse d'assurance-emploi.
En ce qui concerne les propositions faites par le CTC, notre syndicat appuie celle des cinq semaines par année dans la population active et un maximum de 52 semaines. Ce type de changement, et d'autres que je vous ai mentionnés tout à l'heure, s'imposent depuis longtemps, afin que la Loi sur l'assurance-emploi prévoie un traitement juste et équitable pour tous les travailleurs tout en reconnaissant l'évolution de notre économie et en préparant le marché du travail, les collectivités et les travailleurs d'aujourd'hui et de demain à faire face au monde présent et futur.
Je vais maintenant céder la parole à M. Budgell pour vous parler plus particulièrement des travailleurs saisonniers, notamment à Terre-Neuve.
M. Wayne Budgell (membre de la base du conseil d'administration et président de la Section locale 60-N de Terre-Neuve, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci, Brian.
J'ai été travailleur saisonnier avant 1989, année où j'ai été élu dirigeant à plein temps pour ma section locale. J'ai donc une expérience directe des problèmes que cause la loi à cet égard.
Souvent nous nous demandons pourquoi nous sommes travailleurs saisonniers. Je suppose que si nous sommes travailleurs saisonniers à Terre-Neuve, c'est parce qu'il est impossible de récolter du bois en hiver à cause de notre climat très rigoureux, du temps que nous avons à la fin de l'automne et du dégel précoce. On ne peut planter des arbres tant que la terre est couverte de neige. Donc le travail chez nous est forcément saisonnier. Mais je tiens à préciser que nous travaillons autant que nous le pouvons quand du travail est disponible. Les personnes que je représente voudraient travailler plus qu'elles ne le font actuellement.
Ayant moi-même eu à traiter avec les travailleurs saisonniers—j'ai environ 1 060 membres et 90 p. 100 d'entre eux sont des travailleurs saisonniers—je peux vous dire que j'ai observé directement l'impact des modifications apportées à la loi en 1996. Les gens quittent Terre-Neuve à une allure alarmante. Des familles complètes quittent la province et dans d'autres cas, des membres de la famille s'absentent pendant de longues périodes. Les familles sont pauvres. Les programmes de restauration scolaire sont maintenant monnaie courante. Il y a plus de banques alimentaires. La violence conjugale... Les gens recourent de plus en plus au programme négocié par les deux usines de papier, soit le PAPA. Les gens sont stressés parce qu'ils n'arrivent pas à équilibrer le budget familial.
Tout cela influe sur les entreprises, petites et grandes, parce que les gens n'ont pas d'argent à dépenser. Cela touche directement les collectivités. Si vous visitiez n'importe laquelle des localités où habitent nos membres—et nous en avons dans 40 localités différentes—vous verriez des maisons dont les fenêtres ont été aveuglées—de belles maisons qui n'ont plus aucune valeur. Les propriétaires de ces maisons ne peuvent rien en tirer car qui voudrait acheter une maison dans un petit village isolé de Terre-Neuve qui est voué à disparaître?
Cela touche également les églises, et l'économie provinciale. L'économie de Terre-Neuve est privée de 402,4 millions de dollars par année à cause des changements. Et tous les effets de ces changements à mon avis—ou disons l'un des plus importants facteurs, par rapport à tous ceux que je viens de nommer—sont attribuables à la réduction des prestations et au nombre de personnes qui ne sont plus jugées admissibles à l'assurance-emploi à cause des modifications apportées à la loi. À mon avis, il faut rétablir les dispositions d'autrefois pour nous permettre de faire vivre nos familles.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup à tous nos témoins. Maintenant, nous allons commencer la période des questions et réponses. Nous commençons avec Val Meredith, qui sera suivie de Raymonde Folco, Monique Guay, Joe McGuire, Yvon Godin et Jeannot Castonguay.
[Traduction]
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins d'avoir accepté de venir témoigner devant le comité cet après-midi.
Comme d'autres témoins, vous estimez que ce projet de loi ne va pas assez loin. Il ne remanie pas suffisamment la Loi sur l'assurance-emploi et ne s'attaque pas aux vrais problèmes que pose cette dernière.
• 1605
Ma question est assez précise. Devrions-nous voter en faveur
de ce projet de loi, sans que le gouvernement s'engage à remanier
de fond en comble la Loi sur l'assurance-emploi ou à y apporter les
modifications nécessaires pour vraiment aider les personnes que
vous représentez? Devrions-nous à votre avis appuyer ce projet de
loi sans que le gouvernement s'engage à aller plus loin en ce qui
concerne la Loi sur l'assurance-emploi?
M. Bruce Loggan: Je voudrais réagir rapidement à votre question. Il me semble que si l'on adoptait une telle ligne de conduite, on tiendrait en otage les personnes qui ont justement besoin des prestations. Le projet de loi a un certain nombre d'éléments positifs, si bien que nous ne souhaitons pas qu'il soit rejeté d'emblée. Nous sommes favorables à certaines des modifications qu'il propose, mais par contre, tout le monde semble dire que ces mesures sont insuffisantes.
J'ai oublié de vous mentionner quelque chose au sujet des normes d'admissibilité visant les rentrants sur le marché du travail. Même le vérificateur général, dans son plus récent rapport, a indiqué qu'il trouve inquiétant qu'il n'existe pas de système de suivi des moins-payés.
Au sein de notre syndicat, j'ai joué le rôle de plaideur en matière d'assurance-emploi pendant une dizaine d'années. J'ai donc eu le privilège de trouver de nombreuses erreurs et de les corriger au profit de nos membres. Bon nombre de ces erreurs concernaient justement les normes variables d'admissibilité et celles qui touchent les personnes qui réintègrent la population active.
Je peux vous dire que bon nombre de nos membres étaient considérés comme n'ayant pas participé à la vie active, si bien qu'ils étaient assujettis aux normes touchant les rentrants sur le marché du travail alors qu'ils avaient manifestement été actifs. Pourtant aucun agent responsable de l'assurance-chômage ou autre représentant du régime ne s'en était aperçu. C'est le syndicat qui a remarqué cette erreur et qui leur a posé des questions qui auraient dû être posées précédemment. À notre avis, bon nombre de ces erreurs n'ont jamais été corrigées. L'information erronée était maintenue, de sorte que certains travailleurs se sont vu refuser des prestations en raison d'erreurs commises—involontairement, j'en conviens—par le régime. Mais ces personnes ne touchent toujours pas de prestations. Les gens perdent leur maison et se voient dans l'obligation de quitter leurs localités. Donc, de toute évidence, il y a beaucoup de travail à faire. Certains changements très positifs pourraient et devraient être faits dans le contexte de ce projet de loi, et nous souhaitons donc profiter de cette occasion pour apporter à la loi les modifications qui s'imposent.
Mme Val Meredith: Mais ce projet de loi vise aussi à confier la responsabilité de la fixation des taux au conseil des ministres, par l'entremise des décrets du conseil, plutôt qu'à la Commission. Ainsi le régime d'assurance-emploi ne serait plus régi selon un système sans lien de dépendance—c'est-à-dire que les employeurs et les travailleurs exercent un certain contrôle—étant donné que le gouvernement aurait désormais cette responsabilité. Alors, je vous pose à nouveau la question—d'ailleurs, d'autres témoins pourront peut-être y répondre—devrions-nous donner ou non le feu vert à ce projet de loi? Faut-il l'adopter alors qu'il ne règle aucunement la plupart des problèmes que vous avez soulevés?
M. Reg Anstey: J'aimerais bien répondre à cette question.
Le fait est que la grande majorité des 20 000 personnes que je représente sont déjà à 50 p. 100, et ont beaucoup perdu à cause de la règle d'intensité. Donc, même si l'enjeu pour nous est considérable, il ne faut pas à notre avis empêcher ce projet de loi d'être adopté simplement parce qu'il ne règle pas tous les problèmes.
Malheureusement, nous n'avons jamais exercé de contrôle sur les taux, etc. Le gouvernement s'en sert comme bon lui semble. Tout le reste, c'est de la poudre aux yeux. On ne prévoit rien qui permettrait de contrôler un peu les cotisations, et à notre avis, ce sont les commissaires qui devraient exercer à nouveau un nouveau contrôle là-dessus. Rappelons-nous que ce régime est payé par les employeurs et les employés, et à mon avis, le gouvernement ne devrait pas avoir la possibilité de s'immiscer là-dedans et de mettre la main sur l'excédent.
Nous avons été durement touchés. Je ne sais pas si les gens s'en rendent compte ici. Pour nous, les 15 dernières années sur la côte Est ont été pénibles. Heureusement, l'économie reprend un peu à Terre-Neuve. Mais le Nouveau-Brunswick risque de faire face au même genre de catastrophe que nous avons connu dans les années 90, et je dois dire que je n'envie pas la population de cette province. Nous traversons une période extrêmement difficile.
Chez nous, la vie est encore difficile. Nous n'exerçons aucun contrôle sur la vie de nos industries. Il faudrait que quelqu'un ici s'en rende compte. À Terre-Neuve l'année dernière, notre contribution à l'économie canadienne s'est chiffrée à 4 milliards de dollars, alors que nous n'en avons retiré qu'un peu plus d'un milliard. C'est ça l'écart entre notre balance commerciale et celles des autres provinces. À un moment donné, ceux qui créent de la richesse... Parce que, croyez-le ou non, même si vous la distribuez à droite et à gauche, ce sont les agriculteurs et les pêcheurs qui créent de la richesse. Donc, à un moment donné, il faut qu'on reconnaisse que ces derniers travaillent dans des conditions difficiles pendant de courtes périodes. Il faudrait, au nom du principe de l'équité, faire davantage pour ces gens-là.
À mon avis, il faut donner suite à ce projet de loi parce que les gens ne s'en sortent plus. En fin de compte, l'ensemble du régime doit être remanié de fond en comble. Il faut qu'il soit bien administré par les personnes qui le financent, car si c'était le cas, nous serions plus à même de trouver des solutions aux différents problèmes qui surgissent de temps en temps dans l'une ou l'autre région du pays.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Pourriez-vous vous en tenir à une très brève réponse?
M. Brian Payne: Eh bien, je m'associe aux remarques des autres témoins en ce sens qu'on ne peut pas, à mon avis, retarder l'adoption de ces modifications. Pour moi, ce serait injuste.
Sans répondre directement au point que vous avez soulevé, j'insiste sur le fait qu'une révision en profondeur de la loi s'impose; le gouvernement doit absolument reconnaître... Si je me contente de parler au nom des membres que nous représentons à Terre-Neuve... Nous représentons les travailleurs de l'industrie forestière à Terre-Neuve, ceux des usines de pâte et papier, les ouvriers forestiers, et les exploitants forestier. Les gens qui travaillent dans la forêt sont des travailleurs saisonniers mais qualifiés. Il faut qu'ils soient disponibles. Abitibi-Consolidated à Cornerbrook a absolument besoin de ces travailleurs. Elle ne peut se permettre de les perdre, mais le fait est qu'ils seront perdus pour l'entreprise et les collectivités s'ils ne peuvent, à titre de travailleurs saisonniers, répondre aux normes d'admissibilité du régime et toucher un revenu qui leur permette de vivre dans ces mêmes collectivités. Comme on vous le disait, ces dernières vont tout simplement se vider.
Il s'agit d'ailleurs d'une industrie critique à Terre-Neuve, qui n'est certainement pas moribonde. Elle a donc besoin d'une main-d'oeuvre très qualifiée mais saisonnière. Il y a des limites à ce qu'on peut faire dans le contexte des négociations collectives, et la société a quand même une responsabilité envers ces travailleurs, responsabilité qui est partiellement assumée par le régime d'assurance-emploi.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.
Il me semble que M. Radosavic a indiqué qu'il voulait répondre, mais nous n'en avons pas le temps. Peut-être que nous pourrons y revenir tout à l'heure, car Bob aura peut-être une autre question. Désolée.
[Français]
Nous passons maintenant à Raymonde Folco, qui sera suivie de Monique Guay, Joe McGuire, Yvon Godin et Jeannot Castonguay.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
J'aimerais dire, monsieur White, que nous avons bien enregistré vos commentaires. Même si ma circonscription, qui se trouve juste au nord de Montréal, est essentiellement une circonscription urbaine, j'ai à la fois des électeurs très, très riches et très, très pauvres. Je ne voudrais pas que vous et vos collègues pensent que simplement parce que nous venons d'une autre région du pays, nous ignorons la situation chez vous. Je tenais à le préciser, car je pense que bon nombre d'entre nous avons été très émus par vos témoignages tout à l'heure.
[Français]
Je voudrais aussi dire que nous, les libéraux—et là-dessus, je suis d'accord sur ce que plusieurs d'entre vous ont dit—avons fait une promesse à la population. Il y a des milliers de personnes qui attendent de recevoir non seulement leur dû, mais aussi la rétroactivité qui leur est due depuis le mois d'octobre. Alors, pour moi, en tant que députée libérale membre du parti du gouvernement, j'espère certainement que nous allons avoir l'appui des autres partis pour aller de l'avant avec ce projet de loi afin qu'on puisse donner à la population canadienne ce qui lui a été promis et ce qui lui est dû.
Cela dit, j'ai quand même des questions à poser. Ma question s'adresse au représentant du United Fishermen and Allied Workers Union ainsi qu'à MM. Payne et Budgell. D'autres personnes peuvent répondre aussi.
Je vais citer le document du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, qui parle des besoins importants en matière de recyclage de la population active au Canada. Je pose la question suivante. C'est bien beau de recycler les gens, mais dans les régions que vous représentez, le recyclage n'est qu'une partie de la solution. Il faut, une fois que les personnes sont recyclées, qu'il y ait du travail pour elles. Nous savons qu'en vertu des conditions géographiques, climatiques et ainsi de suite, il n'y a pas de travail dans vos régions. Quelles suggestions et recommandations pouvez-vous faire au gouvernement pour créer des emplois?
Pour le ministère, il ne s'agit pas seulement de donner des prestations aux personnes qui sont sans emploi, mais aussi de créer des emplois dans les régions. Quelles suggestions pouvez-vous nous faire?
M. Gary White: Je sais que la question a été adressée aux autres, mais j'aimerais y répondre.
Pour nous, dans notre région, la pêche, c'est certainement gros, et il faut qu'il y ait les deuxième et troisième transformations. Je peux vous dire que les bateaux des crabiers font un gros montant d'argent dans un court laps de temps. Mais s'il y avait une deuxième transformation et une troisième, il est certain qu'on pourrait travailler beaucoup plus longtemps. Tout dernièrement, je parlais avec des gens qui me disaient qu'il y a des demandes aux États-Unis—et c'est sûr qu'il y en a ailleurs—et que si on voulait faire ce marché-là, on pourrait avoir du travail.
• 1615
Le problème dans les usines de notre région,
c'est justement qu'il nous faut de l'aide.
Il nous faut de l'aide pour que les usines
se transforment afin de faire le produit voulu.
Si le gouvernement était intéressé à nous
aider à le faire, on l'apprécierait certainement
beaucoup. Les deuxième et troisième
transformations, c'est ce que l'on demande depuis
longtemps.
[Traduction]
M. Reg Anstey: Si vous me permettez, pour répondre à votre question, il y a toutes sortes d'initiatives qu'il faudrait prendre, surtout dans une industrie comme la nôtre, où le gouvernement n'a pas réussi à progresser du tout. C'est une industrie clé, quel que soit le produit dont on parle.
Nous sommes la région canadienne la plus rapprochée de l'Europe. Quand nous expédions des produits vers l'Europe, ou l'Union européenne, nos produits sont assujettis à un tarif de 20 p. 100. Cette question-là n'a jamais été considérée prioritaire pour le gouvernement. Nous espérons que le ministre Tobin interviendra en notre faveur. S'il veut qu'on le considère efficace, il faudra bien que ce soit une de ses grandes priorités.
Ce tarif de 20 p. 100 nous désavantage terriblement en ce qui concerne la crevette et bon nombre de produits que nous expédions vers l'Union européenne. Par conséquent, bon nombre des activités de conditionnement et de finition se déroulent en Europe.
Certains pays d'Europe non membres de l'UE ont négocié qu'au moins un pourcentage de leurs produits soit hors taxe ou assujetti à un tarif réduit. Mais le gouvernement n'a pas attaché beaucoup d'importance à cette question jusqu'à présent, et cela nous coûte des emplois.
Mon autre commentaire est plus général. Pour vous dire la vérité, Terre-Neuve ne s'en tire pas aussi bien qu'il le devrait au sein de la fédération à mon avis. Nous créons beaucoup de richesse dont le reste du pays profite grâce à notre pétrole et notre électricité. Donc, pour une population de 500 000, nous créons énormément de richesse, et malgré tout les gens sont convaincus que nous sommes les parents pauvres. Et ce n'est pas simplement parce que l'on a mal représenté notre véritable situation. Pour nous, une plus grosse portion de cette richesse doit être retournée à notre région pour nous permettre de développer proactivement les activités commerciales.
Nous estimons également que le gouvernement fédéral devrait décentraliser certaines de ses activités. Toute la glace est à Terre-Neuve, mais les brise-glace se trouvent tous en Nouvelle-Écosse. Est-ce logique? À un moment donné, le gouvernement devra s'engager à faire plus pour les régions périphériques de ce pays. Terre-Neuve n'a rien à présent. Les bases militaires ont été fermées. Les seuls militaires que nous accueillons sont de pays membres de l'OTAN. Le Canada est parti.
Donc, à mon avis, on ne nous a pas consacré beaucoup d'attention.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous n'avons pas de temps pour d'autres réponses, malheureusement. Nous avons dépassé le temps alloué.
Mme Raymonde Folco: J'aimerais bien entendre d'autres personnes là-dessus plus tard si on en a le temps, peut-être même après la réunion. Merci.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à Monique Guay, qui sera suivie de Joe McGuire, Yvon Godin et Jeannot Castonguay.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Premièrement, je veux vous remercier d'être ici aujourd'hui.
Monsieur White, je pense que vous nous avez dépeint la réalité de manière très crue. Peut-être était-ce nécessaire de nous apporter cela ici, en comité, et d'être très réaliste. La réalité, vous la vivez tous les jours. J'espère que vous aurez la force de continuer et d'aider des gens. Vous le faites à tous les jours et je vous félicite pour votre boulot.
Je suis très consciente que ce qu'on fait présentement à ce comité-ci, soit l'audition de témoins, nous permet de constater que tous les gens qui sont passés nous ont dit la même chose: ça ne va pas assez loin; on ne protège pas les chômeurs; on n'aide pas les chômeurs; on parle tout le temps du travailleur saisonnier et ce terme-là ne devrait même pas exister, car c'est l'industrie qui est saisonnière.
Je viens d'un comté où le tourisme est une industrie saisonnière. Comme vous le savez, quand il n'y a plus de neige, il n'y a plus de ski et quand les terrains de golf sont fermés parce que le sol gèle, c'est fini. Alors, il y a des périodes où mes concitoyens, dans mon comté, doivent bénéficier de l'assurance-emploi pendant un mois et demi ou deux. Ils n'ont pas le choix.
Imaginez ce que c'est quand il s'agit d'une famille où les deux travaillent dans la même industrie. Ça crée des problèmes épouvantables; 50 p. 100 du revenu pour vivre à deux pendant deux mois, ce n'est pas évident. Pourquoi y a-t-il une perte de salaire de deux semaines en guise de pénalité? Il n'y a pas lieu d'être pénalisé. L'assurance-emploi n'est pas une punition; c'est une aide. C'est une assurance que l'on paie de toute façon. On paie de l'assurance-emploi toute notre vie. Cela ne veut pas dire qu'on va en profiter toute notre vie.
• 1620
Si j'achète une police d'assurance pour ma maison,
je veux
être assurée qu'en cas de malheur, je vais toucher
mon assurance, qu'en bout de
ligne, l'assurance va payer pour les frais. Je la
paie, cette assurance-là.
Alors, il y a tout ce dilemme dont on discute depuis maintenant bien longtemps et j'aimerais connaître votre opinion sur deux choses en particulier. J'ai beaucoup parlé du travailleur autonome. Le travailleur autonome ne se retrouve pas dans ce projet de loi. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus et sur les femmes aussi, sur le nombre d'heures que doivent travailler les femmes avant de pouvoir demander l'assurance-emploi pour un retrait lors d'une grossesse.
Il y a aussi les jeunes qui doivent travailler 910 heures. Vous devez vivre cela dans vos régions. J'aimerais vous entendre vous exprimer là-dessus et je reviendrai ensuite, lors du deuxième tour. Je vous donne la parole.
M. Gary White: Il est certain que je suis bien d'accord avec toi pour dire que le projet de loi ne va pas assez loin. C'est encore une autre situation pour les femmes enceintes. Là encore, on vit la même chose. Celles qui quittent leur emploi parce qu'elles sont enceintes, quand elles y retournent—et je pense qu'un confrère l'a aussi mentionné au début—il faut qu'elles fassent encore plus de 900 heures pour se qualifier de nouveau, ce qui n'a absolument pas de bon sens.
Je travaille avec plusieurs femmes. Dans l'industrie de la pêche, elles travaillent souvent dans les ateliers. C'est bien pour elles que ça marche, parce qu'il est vrai que les femmes sont plus dures que les hommes. Être debout à une table à longueur de journée, ce n'est pas facile, surtout que les mouvements sont répétitifs. Elles font ça pendant huit à douze heures par jour quand ça marche. Je peux vous dire que j'appuierais n'importe quand des changements pour les femmes qui sont enceintes. Ça, c'est certain.
À un moment donné, on se dit que ce que les gens aimeraient le plus avoir, c'est de l'argent. Comment vont-ils l'avoir l'argent? Je pense que c'est de cette façon qu'on en est venus à faire nos documents. Ce n'est pas qu'on veut oublier les femmes, certainement pas. Je m'occupe de caisses populaires aussi et encore là, on retrouve des femmes. Elles aussi méritent bien leur paye à la fin de la semaine. On entend parler beaucoup plus des femmes aujourd'hui et je suis bien content qu'elles prennent leur place dans la société.
Mme Monique Guay: Messieurs, avez-vous des commentaires à faire sur les travailleurs autonomes? Est-ce que les travailleurs autonomes devraient se retrouver là-dedans? Ils comptent pour 18 p. 100 de la population maintenant.
[Traduction]
M. Reg Anstey: Une forte proportion de nos membres sont des travailleurs autonomes, mais ils sont inclus—c'est-à-dire les exploitants pêcheurs.
Il faut tout de même le dire quand une mesure est positive. Certaines des modifications apportées récemment à cette partie-là de la loi justement étaient extrêmement positives puisqu'elles ont permis aux pêcheurs d'accéder aux prestations. Par contre, la disposition de récupération—et c'est le cas un peu partout au Canada—et la durée des prestations constituent de graves problèmes.
Nous serions évidemment d'accord pour que les travailleurs autonomes soient inclus, car une forte proportion de nos membres sont justement autonomes et ne sont pas visés par la Loi sur l'assurance-emploi. Je ne comprends pas pourquoi on voudrait exclure quelqu'un simplement parce qu'il est travailleur autonome. Notre activité, c'est la pêche. Mais pour moi, ce n'est guère différent d'une autre activité, que l'on exploite une petite ferme ou qu'on exploite la forêt. Quelle que soit la nature de son travail au sein de la société, on devrait, me semble-t-il, avoir la possibilité de participer au régime.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Radosavic, voulez-vous répondre?
M. John Radosavic (président, United Fishermen and Allied Workers Union—côte Ouest): Oui, avec plaisir. D'ailleurs, je vais être très, très franc.
Les gens parlent souvent des travailleurs pauvres. Oui, les gens sont pauvres et ils ont besoin d'aide sur le plan purement humanitaire, mais en réalité, c'est ce pays qui serait appauvri s'il ne pouvait compter sur eux.
Si vous examinez un peu la contribution de notre industrie—même après toutes les réductions budgétaires, le plan Mifflin et le plan Anderson, même si ces deux plans n'ont aucunement réglé le problème des ressources humaines et les autres difficultés—vous vous rendrez compte que notre industrie génère un milliard de dollars, ou presque, par année. Ce n'est pas si mal pour une industrie saisonnière.
Regardons les autres secteurs de l'économie de la Colombie-Britannique. Parlons de l'exploitation forestière et minière, de la pêche, et du tourisme. Si vous éliminiez toutes les industries saisonnières qui constituent notre économie, que resterait-il? Eh bien, pas grand-chose, si toutes ces grandes industries n'existaient plus. Ce ne serait pas une mauvaise chose que des comités comme celui-ci, qui s'intéresse très souvent aux besoins de la population, se posent la question de savoir quel genre de pays nous aurions si nous devions nous passer de l'immense richesse générée par les travailleurs des industries saisonnières.
• 1625
Grâce au milliard de dollars que génère mon industrie,
d'autres ont des emplois de marketing toute l'année, les sociétés
touchent des bénéfices intéressants toute l'année, des gens dans
les différentes localités profitent d'emplois indirects toute
l'année, et les fonctionnaires du ministère des Pêches et des
Océans ont des emplois toute l'année. Les seuls dont on ne s'occupe
pas toute l'année sont justement ceux qui créent cette richesse au
départ.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Joe McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue au comité à tous nos témoins.
Je pense que cette réunion marque la première fois que nous recevons les représentants des pêcheurs, et par conséquent, nous pourrions peut-être en profiter pour parler plus en profondeur des prestations d'assurance-emploi que touchent les pêcheurs par rapport aux prestations que peuvent recevoir les autres membres de la population active. Nous n'avons pas vraiment reçu énormément de commentaires au sujet des normes d'admissibilité qui touchent les pêcheurs, comparativement à d'autres travailleurs. Y a-t-il des problèmes en ce qui concerne le régime prévu pour les demandes de prestations des pêcheurs... Pour les autres travailleurs, tout est fonction du nombre d'heures travaillées, et chaque heure compte, de même que le salaire gagné chaque heure, alors que pour un pêcheur, le calcul se fait en fonction des revenus de l'année qui sont ensuite divisés en fonction du dénominateur fixé. À votre avis, est-ce juste qu'il existe ces deux formules?
Je sais qu'en théorie, un pêcheur peut obtenir en un jour les gains qu'il lui faut pour être jugé admissible aux prestations. Si un jour il prend un thon qui vaut 30 000 $, il sera jugé admissible à l'assurance-emploi, alors qu'un autre travailleur doit d'une manière ou d'une autre obtenir autant de semaines de travail que possible pour recevoir la prestation minimale pendant un certain temps. Il me semble que le régime est peut-être un peu déséquilibré, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Reg Anstey: Nous représentons quelque 10 000 pêcheurs, et à peu près autant de travailleurs des usines de transformation. Si notre exposé a surtout porté sur la situation des travailleurs d'usine, c'est pour une bonne raison. Il reste que du côté des pêcheurs, il y a également certaines difficultés. Par exemple, dans les années pré-moratoire, les pêcheurs ont touché environ 90 millions de dollars sous forme de prestations d'assurance-emploi, et ils sont maintenant au même niveau. Par contre, les travailleurs d'usine ont touché 130 millions de dollars pendant les années pré-moratoire, alors qu'à l'heure actuelle, ils ne reçoivent plus que 59 millions de dollars.
Les modifications apportées à la loi ont donc nui beaucoup plus aux travailleurs des usines de transformation, car on refuse de reconnaître que leur activité est saisonnière. L'hypothèse qui sous-tend tout cela, c'est que si les normes d'admissibilité sont plus strictes et les gens ont moins accès aux prestations, ils travailleront forcément plus longtemps. Côté pêche, cependant, on semble reconnaître que les pêcheurs peuvent prendre seulement la quantité de poisson qui correspond à leur contingent. Le gouvernement vous dit: voilà votre contingent; les poissons apparaissent à un certain moment, et vous les pêchez à ce moment-là—c'est ça la nature de l'activité de pêche.
Même si la disposition de récupération et d'autres éléments posent problème à notre avis, il ne fait aucun doute que, pour nous et nos membres, le régime d'assurance-emploi est surtout problématique pour les travailleurs saisonniers. On a refusé de reconnaître jusqu'à présent que bon nombre de nos industries—comme les gens vous l'ont fait remarquer ici—qu'on parle de la pêche, de l'exploitation forestière ou de l'agriculture—sont de par leur nature, des industries saisonnières. On n'y peut rien. On ne peut pas faire en sorte que l'activité dure plus longtemps. Et à mon avis, on a été plus disposé à reconnaître cette réalité tant dans le secteur de la pêche que dans celui de la transformation.
M. Joe McGuire: Est-ce que d'autres voudraient réagir?
M. Bruce Loggan: Oui, j'aurais un commentaire à faire à cet égard. Notre organisme estime que si le projet de loi C-2 est adopté, les règlements de pêche devraient également être adoptés.
L'un des problèmes, pour nos pêcheurs, est leur difficulté à se conformer à la loi de 1996. Il est vrai que bon nombre d'entre eux peuvent maintenant accéder plus facilement au régime. Il leur est plus facile de respecter les normes d'admissibilité, comme d'autres l'ont déjà dit; ainsi en théorie, on pourrait réaliser en un jour les gains nécessaires pour être jugé admissible. Le problème, c'est que leurs revenus sont loin d'être aussi élevés qu'ils l'étaient autrefois, et ce pour toutes sortes de raisons.
À l'heure actuelle, au moment même ou l'on se parle, il y a toute une flotte en Colombie-Britannique qui s'apprête à pêcher le hareng. Environ 130 bateaux vont sortir avec leurs filets, et ils attraperont ainsi des harengs d'une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars. Mais une bonne proportion des gains des pêcheurs vont sortir de leur poche dans les jours qui suivent lorsqu'ils devront payer la location des permis. Le fait est que bon nombre des permis de pêche sont contrôlés par les grandes compagnies. Bon nombre d'entre eux appartiennent à ces compagnies-là. Donc, tous les gains des pêcheurs disparaissent aussitôt. Oui, ils seront jugés admissibles aux prestations d'assurance-emploi, mais à quoi auront-ils droit? Cela ne représentera pas beaucoup d'argent.
• 1630
L'une des plus importantes compagnies de la Colombie-Britannique, qui
possède la plupart des permis de pêche du hareng
à l'heure actuelle, vient de réduire de moitié le prix qu'elle paie
aux pêcheurs du hareng. Notre organisme va certainement faire
l'impossible pour obtenir un meilleur prix pour les pêcheurs, mais
si nous ne réussissons pas à faire changer le prix, bon nombre de
ceux qui n'ont qu'un seul permis ne seront pas jugés admissibles
aux prestations d'assurance-emploi. Or tout l'argent qu'on a pris
dans leurs poches leur aurait permis au moins de respecter les
normes d'admissibilité.
Donc, cette situation-là pose vraiment problème. Et cela ne concerne pas uniquement la pêche du hareng...
M. Joe McGuire: Donc, il ne s'agit pas de véritables pêcheurs. Ils travaillent pour quelqu'un d'autre qui possède le permis. Est-ce...
M. Bruce Loggan: J'ai le permis, et vous, vous avez le bateau. Si vous voulez pêcher grâce au permis que je possède, vous devez me donner 100 000 $. Ou alors, vous me donnez 65 000 $ et cela vous donne le droit de pêcher pour la journée, mais vous devez d'abord me donner les 65 000 $. Avec ce qui vous reste, vous devez payer les autres membres de l'équipage, les dépenses liées au bateau, etc. Il n'y en a pas assez pour tout le monde.
La Commission des accidents du travail a fini par avoir vent de cette situation. Elle reconnaît que 60 p. 100 des revenus qui devraient normalement bénéficier aux pêcheurs du hareng servent plutôt à payer la location des permis. Elle propose donc de baser le calcul des nouvelles cotisations là-dessus, comme l'un des éléments du prix global.
M. John Radosavic: Il y a un élément important sur lequel il faut insister. Il n'existe pas de jours-pêcheurs. Même si vous pêchez pour la journée, il faut tenir compte de toutes les autres longues journées qu'il vous a fallu travailler pour entretenir les bateaux, les préparer pour la pêche, etc., et ce sans être le moindrement rémunéré. C'est vrai qu'on donne une somme forfaitaire quand vous amenez votre prise au quai, et il est vrai que vous pourriez prendre tout ce poisson en un seule jour, mais les gains de cette journée-là supposent énormément d'effort à d'autres moments. Donc ce concept me semble un peu illusoire.
Bruce a soulevé le fait que ces gens-là ne sont pas des pêcheurs—vous travaillez pour les pêcheurs. En réalité, c'est l'inverse. Le Canada délivre un permis de pêche et permet ensuite aux titulaires de ces permis de les sous-louer au lieu de les accorder directement aux vrais pêcheurs. Donc, les vrais pêcheurs ne touchent pas les revenus auxquels ils ont droit, alors que les personnes qui louent—ce qu'on pourrait appeler les pêcheurs de salon—ou les entreprises qui obtiennent les permis qui engloutissent tous les revenus au détriment de l'industrie.
Donc, il y a beaucoup d'éléments qui font que la situation est grave. Je ne veux pas passer en revue tous les détails, car nous n'en avons pas le temps aujourd'hui. Mais le point que j'ai soulevé n'a peut-être pas été bien compris. Il faut que vous vous demandiez, par rapport à la richesse qui est créée, que ce soit par une usine de transformation et les travailleurs de cette usine ou par des pêcheurs, quelle proportion de cette richesse profite aux gens toute l'année une fois que le poisson a été débarqué. Dans notre industrie, les seuls à ne pas avoir de sécurité toute l'année sont ceux qui travaillent dans les usines de transformation du poisson et dans les bateaux de pêche—c'est-à-dire les personnes qui créent la richesse au départ.
Il ne faut pas analyser le problème uniquement sous l'angle des ressources humaines. Un groupe comme le vôtre qui s'intéresse aux questions liées aux ressources humaines a l'occasion rêvée de se demander quel type de relation entre les ressources humaines et les entreprises nous souhaitons favoriser dans les diverses provinces. J'ai donné quelques exemples tout à l'heure. Les grandes activités—le tourisme, la pêche, l'exploitation forestière, etc.—sont toutes des activités saisonnières. Si vous vous débarrassez des travailleurs de ces industries saisonnières, que vous restera-t-il comme industrie?
Donc, à mon avis, le comité a vraiment l'occasion de faire le lien entre les besoins des entreprises—et là je parle de bonnes entreprises—et les besoins des travailleurs qualifiés qu'on veut garder dans les différentes localités.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup, monsieur Radosavic.
Nous avons maintenant Yvon Godin, ensuite Jeannot Castonguay, Carol Skelton, Judi Longfield, et on revient avec Monique Guay et Alan Tonks. Merci.
M. Yvon Godin: Merci, madame la présidente.
Premièrement, je veux remercier les témoins qui sont ici aujourd'hui.
[Traduction]
Je voudrais remercier les témoins pour leur présence aujourd'hui.
[Français]
D'abord, merci, monsieur White, d'être ici et de représenter les gens de notre région d'Acadie—Bathurst. Je pense que votre message décrit bien ce qui se passe chez nous. Je souhaite que cela ait ouvert l'esprit des gens qui sont autour de la table par rapport aux recommandations qu'on a à faire.
C'est à souhaiter aussi qu'on ne soit pas tout simplement ici autour de la table—je le dis publiquement—pour donner suite à la promesse de Jean Chrétien. Il a dit qu'on allait avoir une élection et que le projet de loi C-44 allait être adopté. Il est maintenant trop tard. C'est C-2, et il faut vite l'approuver. Qu'est-ce qu'on fait? Tout le monde attend la rétroactivité, et on ne fait pas les bonnes choses.
La ministre du Développement des ressources humaines a souvent dit en Chambre que l'assurance-emploi avait dû être changée parce que ça créait une dépendance. C'est pour ça qu'il fallait couper l'assurance-emploi. Il fallait frapper sur les travailleurs parce que ça avait créé une dépendance et que les gens se fiaient là-dessus.
• 1635
Premièrement, je veux que vous me disiez
si vous pensez qu'une
dépendance peut être créée. Prenez, par exemple,
une personne qui
reçoit 750 $ par mois d'aide sociale.
Si je
divise ça par 140 heures, ça donne 5,35 $. Je
prends maintenant l'exemple d'une personne
qui travaille
dans les usines
de poisson dans la péninsule acadienne et qui
gagne un salaire moyen
de 7 $ l'heure. Si je divise par 50 p. 100
quand elle reçoit l'assurance-emploi, ça lui
donne 3,50 $
l'heure. Dites-moi si ça peut vraiment créer
une dépendance comme la
ministre le dit.
Deuxièmement, je veux parler de promesses. J'avais entendu une promesse pendant les élections, et même après. Il y avait des députés libéraux qui disaient qu'il fallait que le projet de loi aille plus loin. N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que le projet de loi C-2 ne va pas assez loin? Comme on dit en anglais, we have to put it in gear right away. Il faut examiner le système d'assurance-emploi afin d'avoir un système qui va avoir du bon sens. Selon les témoignages qu'on a entendus ici aujourd'hui, ça n'a aucun sens. Il y a des humains, des femmes, des hommes qui pâtissent. Au bout du compte, il y a des enfants qui vont à l'école et qui ont faim. Il y a des banques alimentaires qui ouvrent tous les jours: une banque alimentaire ici, une banque alimentaire là. Je veux entendre vos réponses là-dessus.
Troisièmement, et je fais vite,
[Traduction]
parlons un peu des travailleurs forestiers... par exemple, vous parlez de la situation à Terre-Neuve. Mais je voudrais aussi parler de la situation en Colombie-Britannique, parce qu'il me semble qu'on a tendance à dire qu'au Canada atlantique, nous abusons du système, nous sommes paresseux et ne voulons pas travailler. Eh bien, j'étais à Prince-George, en Colombie-Britannique, et j'ai vu moi-même que les bûcherons là-bas ont le même problème que les gens de Terre-Neuve, et le même problème des gens du Nouveau-Brunswick, de la Gaspésie, de Timmins et de Kapuskasing, en Ontario. J'aimerais savoir si le problème est le même dans tout le Canada.
M. Brian Payne: Il est certain que ces problèmes existent d'un bout à l'autre du pays. Nous avons surtout parlé de la situation de nos membres à Terre-Neuve, mais il est certain que ces mêmes problèmes existent dans toutes les régions du Canada. Pour en revenir à ce que disait le confrère Radosavic et pour réagir un peu à votre propre commentaires...
Les gens parlent souvent de dépendance. Les gens comptent sur l'assurance-emploi. Les industries comptent aussi sur l'assurance-emploi. Les industries y tiennent parce qu'elles veulent avoir accès à un main-d'oeuvre stable à Prince George, à Grand Falls et partout ailleurs. Ce n'est pas que les gens veulent maintenir cette dépendance à l'égard des prestations d'assurance-emploi. Ils en ont besoin et les industries—c'est-à-dire les plus importantes, celles qui ont des chiffres d'affaires de plusieurs milliards de dollars au Canada—en ont également besoin. Ce sont plutôt les industries qui dépendent du régime d'assurance-emploi. Les collectivités et les travailleurs s'en sortent tant bien que mal, essaient de survivre, de rester dans leur localité et d'avoir un niveau de vie décent malgré tous les changements qui se sont opérés. Ce ne sont pas les gens qui dépendent de l'assurance-emploi, mais les industries. Ça, c'est très clair, et c'est la même chose d'un bout à l'autre du pays.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Loggan.
M. Bruce Loggan: C'est une réalité dans notre industrie que les travailleurs doivent absolument pouvoir tenir le coup entre les différentes saisons de pêche où ils travaillent. Nous ne disons pas le contraire. Ils ont besoin d'un programme d'assurance pour les aider à s'en sortir pendant les périodes difficiles. Ils créent de la richesse sur une courte période. Et comme l'expliquait John, cette richesse profite à l'ensemble de l'économie. Ils ont donc besoin d'un peu de revenu pour tenir le coup entre chaque période d'activité.
Si vous voulez parler de dépendance, parlons de la dépendance du gouvernement lui-même à l'égard des 8 milliards de dollars qu'il prend dans la Caisse d'assurance-emploi pour équilibrer son budget. Le gouvernement, lui aussi dépend de l'assurance-emploi. Donc, à mon avis, le gouvernement peut difficilement pointer du doigt et dire: «Les travailleurs pauvres dépendent du régime, nous ne voulons pas qu'il en soit ainsi», s'il compte ensuite, de manière tout à fait hypocrite, prendre 8 milliards de dollars dans la caisse pour équilibrer son budget.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.
[Français]
Il vous reste encore quelques secondes, Yvon, si vous vous voulez poursuivre.
M. Yvon Godin: J'aimerais mieux entendre les commentaires des autres. Il y en a peut-être d'autres qui veulent parler.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): La période est pratiquement terminée. À moins qu'il n'y ait un commentaire très court...
[Traduction]
M. Reg Anstey: Je voudrais faire un très bref commentaire. Je sais que Gary voudrait également intervenir. Je dois vous dire que pour moi, cette dépendance existe, mais pas entre les travailleurs et le régime d'assurance-emploi. C'est plutôt le reste du Canada qui dépend des régions périphériques du pays. En tant que résident de Terre-Neuve, j'ai pu observer l'évolution de la situation dans notre province au cours des 15 dernières années. Il ne reste plus que 100 000 enfants dans nos écoles. Il y a 10 ans, il y en avait 162 000. La raison en est que tous les jeunes qui sont en âge d'avoir des enfants ont quitté la province pour s'établir dans d'autres régions du pays. Il ne reste plus que des vieux comme nous qui ne sont guère très utiles sur le plan de la procréation.
• 1640
Donc, à moins que le Canada ne décide, dans le contexte de ce
projet de loi, d'adopter des mesures qui assurent un traitement
plus juste et équitable pour les régions périphériques du Canada... À
l'heure actuelle, le développement économique du Canada s'opère
surtout dans une zone située plus ou moins à 100 milles de la
frontière américaine. C'est dans cette zone que se trouvent la
plupart des emplois au Canada à l'heure actuelle. Mais le
gouvernement fédéral a sûrement la responsabilité de s'occuper des
régions périphériques également, qui créent énormément de richesse
dont les gens ici profitent.
Je dois dire qu'à Terre-Neuve et dans notre province—je sais que la situation n'est guère plus favorable dans d'autres régions périphériques du pays—nous créons énormément de richesse. Mais on ne reconnaît pas cette réalité-là. J'ai observé au fil des ans la détérioration progressive de notre situation. Il n'y a plus de jeunes dans les régions rurales de Terre-Neuve. On n'a plus à s'en faire pour les écoles; il n'y a plus personne à y envoyer. Cet état de choses me semble tout à fait déplorable, alors qu'en fin de compte, la véritable dépendance n'est pas celle des gens de Terre-Neuve vis-à-vis de l'argent d'ici; c'est plutôt le Canada central qui dépend de l'argent que nous produisons dans les régions périphériques du pays.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.
[Traduction]
Excusez-moi, monsieur Budgell. Peut-être aurons-nous assez de temps un peu plus tard pour vous permettre de répondre.
[Français]
Nous passons maintenant à M. Jeannot Castonguay, ensuite à Mme Carol Skelton, Mme Judi Longfield, Mme Monique Guay et M. Alan Tonks.
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci à nos invités.
J'apprécie beaucoup l'éclairage que vous nous apportez. Nous avons entendu plusieurs autres témoins et je retiens de ce qu'on nous dit aujourd'hui, à savoir que le projet de loi C-2 va aider à améliorer la situation, que c'est un pas dans la bonne direction, mais qu'il est important d'avoir en plus une refonte majeure. C'est ce que quelqu'un a dit.
J'ai aussi écouté M. White qui nous a dit que les quotas de pêche diminuaient, ce qui entraîne un raccourcissement de la saison et donc de la période pour créer de l'emploi. Il est donc important d'avoir l'appui du programme d'assurance-emploi.
En réfléchissant là-dessus, je me suis dit qu'au fond, si les saisons raccourcissent et qu'on doit encore diminuer les quotas, la solution n'est peut-être pas uniquement l'assurance-emploi mais que, comme vous le mentionniez M. White, il faut, en parallèle, trouver des façons de générer de l'emploi, peut-être par de la valeur ajoutée à ce qu'on a déjà comme ressource primaire.
Vous nous parliez des difficultés rencontrées lorsqu'on doit compétitionner pour les différents marchés, et je me demande ce que le gouvernement doit faire concrètement en plus de l'assurance-emploi pour améliorer la situation. Je pense que la réponse est plus complexe que de simplement se dire qu'on a de l'assurance-emploi pour aider les travailleurs. C'est ce que j'ai compris de vos interventions. J'aimerais savoir si j'ai bien compris et, si oui, qu'est-ce que le gouvernement doit faire pour aider les travailleurs canadiens?
M. Gary White: Vous avez bien compris. Il est sûr qu'il faut apporter des changements. En attendant, il faut aider les travailleurs. Comme le disait la dame tout à l'heure, peut-être aurais-je dû aller un petit plus loin. J'aurais dû parler de l'argent donné aux employeurs pour apporter des modifications. Peut-être l'ont-ils fait une année, mais l'année suivante ils n'avaient plus d'argent et ont arrêté. Peut-être que cet argent devrait être mieux géré. On pourrait le donner aux employés. On pourrait choisir quelqu'un de neutre qui suive de près les personnes qui reçoivent de l'argent pour une nouvelle forme de production. Ces personnes devraient répondre de ce qu'elles font avec l'argent. Je crois qu'il s'agit d'un autre problème. Des employeurs reçoivent de l'argent et fabriquent des produits pendant une année. Mais après un an, ce n'est plus payé par le gouvernement. Cela coûte donc de l'argent à l'employeur, et tant pis pour l'employé.
Je prétends que pour de tels octrois, il doit y avoir une garantie. Le gouvernement doit exiger qu'il y ait un nombre d'heures garanti et que la compagnie ne reçoive quelque chose que si elle garantit que les employés travaillent un minimum d'heures. On pourrait aussi donner une partie de l'argent à la compagnie et une autre aux employés pour s'assurer qu'ils aient leur part.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Quelqu'un d'autre veut-il répondre?
Monsieur Payne.
[Traduction]
M. Brian Payne: Pour répondre à votre question, si je l'ai bien comprise, à part cette question-là—comme Mme Folco nous le demandait tout à l'heure—si on prend l'exemple de l'industrie forestière, cette industrie repose sur une ressource renouvelable. C'est l'ultime industrie écologique si l'environnement forestier est bien géré. À mon avis, le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que cette ressource est correctement exploitée, ce qui implique nécessairement l'industrie manufacturière secondaire et tertiaire. Cela veut dire qu'il faut encourager les entreprises de Grand Falls à Prince George à faire preuve de créativité—c'est-à-dire ne pas se contenter d'exploiter la forêt pour produire du bois d'oeuvre et des blocs de pâte, mais entreprendre d'autres activités, comme c'est le cas en Suède et dans d'autres pays.
Il faut encourager les jeunes de Dryden et de Prince Albert et d'autres à s'intéresser à cette industrie, au lieu de les convaincre que la seule solution pour eux consiste à travailler pour Nortel—dont les perspectives ne sont plus si intéressantes pour l'instant—et les encourager à obtenir la formation nécessaire pour travailler dans cette industrie. Ces industries-là ont des chiffres d'affaires de plusieurs milliards de dollars. Il y a des centaines de localités au Canada qui dépendent de cette seule industrie, sans parler de toutes les autres. Voilà ce qu'il faut faire.
À part cela, par l'entremise du programme d'assurance-emploi, il serait possible d'offrir des cours de formation en période de transition et de prendre d'autres initiatives de ce genre; mais c'est surtout de l'encouragement qu'il faut. En raison de l'incertitude de leur situation, les jeunes décident de ne pas rester dans ces localités pour être formés afin de travailler dans ces usines. C'est sûr que dans les industries de production primaire, il y a de l'incertitude par moments, mais si l'on prend l'exemple de l'industrie forestière, il ne fait aucun doute que les ressources sont là pour être exploitées.
Le gouvernement devrait s'efforcer d'encourager ce genre d'activité au lieu de faire comme si—sans vouloir manquer de respect envers quiconque—il n'y a plus que la nouvelle économie qui compte, que tout le reste est voué à disparaître, et que l'industrie de la haute technologie est la solution à tous nos problèmes. C'est parfaitement faux. Ces nouvelles industries sont importantes, tout comme le tourisme, mais il y a énormément de gens, de collectivités, et de revenus dont on ne semble pas tenir compte dans les autres secteurs de l'économie.
J'ai pris la parole lors d'une récente réunion du Conseil privé ici à Ottawa, il y a environ un mois ou deux, et c'est justement sur ce point que j'ai insisté, et surtout le fait que nous avons des dizaines de milliers de travailleurs qualifiés des plus grandes industries, y compris celles que nous représentons, qui vont prendre leur retraite au cours des cinq ou 10 prochaines années—cela représente plus de la moitié de la main-d'oeuvre. Mais il n'y a pour ainsi dire aucun programme de formation d'apprentis. Je me demande où ils espèrent aller chercher des travailleurs. L'industrie elle-même n'a pas encore compris qu'elle risque de faire bientôt face à un très grave problème. Le gouvernement devrait travailler en étroite collaboration avec les autres intervenants—les syndicats, l'industrie, et les collectivités touchées—pour reconnaître qu'un problème existe et prendre les mesures qui s'imposent pour le solutionner.
M. John Radosavic: Pourrais-je ajouter quelque chose?
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Oui, très rapidement.
M. John Radosavic: La réponse à cette question, en ce qui me concerne, est une question. Va-t-on nous donner l'occasion de vraiment explorer les problèmes auxquels on a fait allusion?
Je pense que tout le monde vous a dit qu'il nous faut examiner plus en profondeur la situation, notamment le problème des industries saisonnières, le rôle qu'elles jouent, leur importance, etc. J'ai peur que ce projet de loi soit adopté et que d'ici la fin du mandat du gouvernement actuel, chaque fois que nous répéterons que d'autres changements s'imposent, on va nous répondre, eh bien, nous avons déjà fait des changements. On peut certainement parler des aspects positifs du projet de loi C-2, qu'il faut absolument adopter—et je ne suis pas en désaccord avec ceux qui l'ont affirmé—mais il ne faut pas que l'effort s'arrête là. C'est peut-être mon cynisme qui me fait dire que même si pour nous il s'agit d'une solution à court terme seulement, il est probable qu'elle finisse par constituer une solution à long terme également. Donc la réponse à votre question est celle-ci: Quand va-t-on nous donner l'occasion d'approfondir toutes ces questions quand nous en aurons le temps?
Une voix: Si vous me permettez...
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Non, je suis désolée. Peut-être plus tard, car sinon, nous n'aurons pas assez de temps.
[Français]
Nous commençons une deuxième série de questions. Je demanderais à tous les députés et aussi aux témoins d'être brefs pour que tous aient le temps de s'exprimer.
Nous recommençons avec Mme Carol Skelton, suivie de Mme Judi Longfield, Mme Monique Guay, M. Alan Tonks, M. Yvon Godin et Mme Raymonde Folco.
[Traduction]
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, AC): Étant une terrienne, je voudrais demander à M. Radosavic si tous les permis de pêche sont délivrés par le gouvernement du Canada.
M. John Radosavic: Oui.
Mme Carol Skelton: Tous?
M. John Radosavic: Oui, ces permis correspondent en réalité à un privilège; on ne les possède pas. Strictement parlant, le gouvernement du Canada, c'est-à-dire la population du Canada, possède la ressource, et c'est le gouvernement qui délivre des permis autorisant l'exploitation de la ressource.
Mme Carol Skelton: C'est très intéressant. Merci.
C'est la même chose dans tout le Canada?
M. John Radosavic: Que je sache, oui, et une fois que les permis ont été délivrés, du moins en Colombie-Britannique, les gens qui les ont en abusent. Nous sommes d'ailleurs ici à Ottawa pour parler à d'autres personnes de ce problème-là. Il faut absolument trouver une solution.
Mme Carol Skelton: Donc, en réalité, les pêcheurs n'ont aucune protection, il n'y a personne à part vous qui s'occupe d'eux?
M. John Radosavic: Le terme «pêcheurs» est assez général, comme on le disait tout à l'heure.
Mme Carol Skelton: Oui.
M. John Radosavic: Certains pêcheurs travaillent à bord des bateaux sans posséder un permis. Il y a des pêcheurs qui ont leur propre bateau—de petits bateaux pour une ou deux personnes—et qui ont également un permis. Ensuite, il y a des gens qui possèdent de plus grands bateaux et engagent des équipages, et eux aussi, possèdent un permis. Et il y a d'autres qui n'ont rien à part le permis, et ces gens-là louent leur permis à tous les autres que je viens de mentionner. C'est donc assez complexe, et je sais bien que nous n'avons pas le temps aujourd'hui de vous donner une réponse très détaillée.
Mme Carol Skelton: J'aimerais que chacun d'entre vous m'indique ce que vous n'aimez pas dans ce projet de loi ou quels aspects vous semblent les plus négatifs. Vous dites que vous souhaitez qu'on adopte ce projet de loi pour aider les gens. S'il y a certains éléments ou articles du projet de loi que vous n'aimez pas, pourriez-vous me les nommer?
M. Reg Anstey: Si vous me permettez, la question est tout de même plus large. Il y a certains éléments clés qui sont importants pour les gens qui ont recours à l'assurance-emploi—par exemple, le montant des prestations que peuvent toucher les gens qui ont du mal à joindre les deux bouts—mais ce projet de loi est loin de régler les problèmes de fond auxquels il faut absolument s'attaquer.
Dans notre industrie à Terre-Neuve—c'est-à-dire, celle de la transformation—dans une dizaine d'années, si le gouvernement n'offre aucun soutien aux industries saisonnières, il ne restera plus personne pour transformer le poisson. L'âge moyen des travailleurs des usines de transformation est de 49 ans. Aucun travailleur des usines n'a moins de 30 ans, et il n'y a presque personne qui ait moins de 40 ans.
Si l'industrie continue à produire de 12 à 14 semaines de travail seulement, et il est peu probable que ça change, si les gens ne peuvent accéder à l'assurance-emploi, personne ne voudra faire ce travail. Aucun jeune sensé n'acceptera de faire ça. Par conséquent, nous serons dans l'impossibilité de faire transformer le poisson. À mon avis, la véritable question qui se pose par rapport au régime d'assurance-emploi et la seule qui doit intéresser le gouvernement du Canada est celle de savoir s'il y a lieu ou non d'assurer un soutien fondamental aux industries saisonnières du Canada, ou s'il faut simplement les oublier? Voilà la question, mais elle n'est abordée nulle part dans ce projet de loi. À part cela, il y beaucoup d'autres détails.
Mais tout nous ramène à la même question: voulez-vous ou non soutenir notre industrie? La règle d'intensité, la durée des prestations et tous les autres éléments nous amènent à nous demander si le gouvernement veut ou non assurer un soutien fondamental aux industries saisonnières, car s'il ne le fait pas, il ne fait aucun doute que nous allons manquer de travailleurs un jour.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Brian Payne: Si je devais choisir un aspect du projet de loi qui pose problème, je suppose que ce serait la norme d'admissibilité des 910 heures pour les personnes qui deviennent ou redeviennent actives. Mais je suis d'accord avec mon confrère pour dire que la question est beaucoup plus large que ça.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.
[Français]
Nous passons maintenant à Judi Longfield, suivie de Monique Guay, Alan Tonks, Yvon Godin, Raymonde Folco, Val Meredith et Joe McGuire.
[Traduction]
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Merci, madame la présidente.
Nous avons certainement reçu beaucoup de témoignages de personnes qui travaillent dans des industries saisonnières d'un bout à l'autre du pays, qu'on parle de bûcherons, de pêcheurs, ou de travailleurs de la construction. Je pense que nous commençons à comprendre que leur situation est particulièrement difficile. En même temps, je pense qu'il faut les encourager à ne pas se désigner comme des travailleurs saisonniers, car cela ne correspond pas à la réalité. Ils seraient prêts à travailler 365 jours par année, comme d'autres l'ont signalé, mais le fait est qu'ils travaillent dans une industrie saisonnière.
Mon grand-père travaillait dans une industrie saisonnière à Shediac et à Tatamagouche. Mon père a quitté le Nouveau-Brunswick lorsqu'il était encore jeune, dans l'espoir de trouver une région où il pourrait obtenir un emploi stable. Nous nous sommes établis à Timmins, en fait. J'ai grandi dans le nord de l'Ontario, et j'ai assisté à l'effondrement progressif d'une industrie qui était autrefois stable. Les mines ont fermé et des jeunes dont les seules compétences monnayables étaient dans l'industrie minière se sont trouvés sans emploi, pas juste pour une saison mais en permanence. Ils ont donc déraciné leur famille et se sont mis à la recherche d'emplois, dans une localité minière après l'autre.
Je comprends le désespoir de ces gens. J'ai vu des hommes en larmes à notre table de cuisine qui se demandaient comment ils arriveraient à nourrir leur famille—mais pas juste pendant deux ou trois semaines. Pour eux, l'assurance-chômage n'était pas une solution; il leur fallait trouver de nouveaux emplois permanents.
Il faut absolument rapporter des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. Il est certain que nous devons répondre à certaines préoccupations qui ont été exprimées à cet égard. La solution à long terme, notamment dans les régions où il existe des industries saisonnières ou des industries qui dépendent de ressources non renouvelables qui se raréfient, ou encore, où il n'y a tout simplement pas d'industries... c'est-à-dire que vous n'allez pas trouver des mines d'or à droite et à gauche pour donner des emplois à ces gens-là.
Je voudrais insister sur l'importance des propos de M. Payne. En tant que gouvernement et en tant que population—c'est-à-dire les travailleurs, les employeurs et les gouvernements à tous les paliers—nous devons nous efforcer de trouver de nouveaux débouchés économiques pour les Canadiens. Je suppose que vous aviez l'impression de ne pas disposer de suffisamment de temps pour exprimer vos préoccupations à cet égard, monsieur Anstey. Vous avez commencé à parler mais on vous a coupé la parole; alors je voudrais vous donner l'occasion de dire ce que vous avez à dire. Que devrions-nous faire? Là je parle d'autres mesures qui n'ont rien à voir avec l'assurance-emploi.
M. Reg Anstey: Oui, je vous en remercie.
L'industrie de la pêche ne doit pas être l'employeur de dernier recours. C'est justement cela qui a créé certains de nos problèmes, et nous arrivons maintenant au point où l'industrie à Terre-Neuve est à peu près de la bonne taille, au bout de 15 ans de grandes souffrances. À mon avis, il faut des programmes proactifs, et le gouvernement ici doit prendre le taureau par les cornes et reconnaître que le Canada est un grand pays qui comprend des régions périphériques, et qu'il faudra prévoir un financement spécial pour stimuler l'activité économique dans ces régions.
L'industrie de la pêche seule ne pourra pas soutenir l'économie de Terre-Neuve ni les économies des régions rurales de la province. Elle a besoin du régime d'assurance-emploi pour survivre dans sa forme actuelle, et de plus, le gouvernement doit encourager proactivement l'implantation d'industries durables dans les régions périphériques du Canada, que ce soit à Terre-Neuve, dans les Territoires du Nord-Ouest ou ailleurs.
Le vieux concept de la société juste a depuis longtemps disparu. Des mesures telles que des tarifs marchandises favorables, des subventions, et d'autres initiatives qui favorisaient l'implantation des industries dans des régions comme Terre-Neuve ont toutes disparu. À mon avis, le gouvernement doit examiner en profondeur la structure économique du Canada et envisager un système de répartition plus équitable de la richesse. Il faudra des mesures comme celles dont nous bénéficiions autrefois pour créer les emplois dont nous avons besoin, des emplois autres que ceux qu'offre mon industrie. Nous sommes tout de même limités sur ce plan-là.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Un court commentaire, monsieur Budgell, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Wayne Budgell: Mon père était travailleur saisonnier, et moi aussi, je l'ai été avant d'obtenir un emploi au syndicat. Mes trois enfants ne sont pas travailleurs saisonniers et ne le seront jamais car lorsque j'étais moi-même travailleur saisonnier, j'ai fait en sorte que l'un des trois poursuivent ses études. Étant donné ce qu'on fait actuellement à Terre-Neuve, les gens ne seront plus travailleurs saisonniers. Ils ne vont même plus habiter Terre-Neuve. Il faut absolument qu'ils quittent la province. Nous ne connaîtrons pas nos petits-enfants. Ça c'est quelque chose que...
L'âge moyen à Terre-Neuve dans l'industrie de l'exploitation forestière, vu le récent départ à la retraite de 80 personnes, grâce à un programme d'encouragement à la retraite anticipée mis en place par les employeurs, est de 53 ans. L'âge moyen des travailleurs forestiers est de 53 ans. Donc, comme mon collègue, Reg, nous n'aurons probablement pas à nous en préoccuper.
Mais je voudrais revenir sur un point que j'ai soulevé dans mon mémoire. J'ai dit que nos travailleurs saisonniers travaillent 100 p. 100 du temps qu'il leur est possible de travailler. N'oubliez jamais ça, car je peux vous dire que notre bureau syndical est inondé d'appels de gens qui nous disent: quand est-ce que je vais pouvoir reprendre le travail? Les beaux jours de printemps à Terre-Neuve, nous ne sommes pas en mesure de répondre à tous les appels, tellement les gens ont hâte de retourner au travail. Ces gens-là touchent des prestations d'assurance-emploi depuis un moment, et comme ce revenu ne leur permet pas de bien s'occuper de leur famille, ils ont tous hâte de retourner au travail.
Encore une fois, j'insiste sur le fait ces personnes sont des travailleurs saisonniers parce qu'ils n'ont pas le choix, mais je suis tout à fait d'accord pour dire que le gouvernement devrait chercher activement à créer des emplois.
Je voudrais simplement parler... mais je n'en ai pas pour longtemps. J'ai essayé d'intervenir à deux ou trois reprises, madame la présidente, sans y parvenir.
J'habite une petite ville qui a 1 250 habitants. Quand vous créez des emplois dans une ville de 1 250 habitants, eh bien... Heureusement, quelqu'un de créatif a décidé de lancer une entreprise de construction des bateaux. Maintenant nous construisons des bateaux pour les gens de Saint-Pierre-et-Miquelon, les deux petites îles au large de la côte de Terre-Neuve qui appartiennent à la France. Nous leur faisons des palangriers ultramodernes de 60 pieds de long qui se vendent 1,3 million de dollars.
Voilà justement un exemple de créativité, et c'est ce genre d'initiatives que le gouvernement encourager proactivement.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse d'être obligée de vous presser, mais si je veux être en mesure de passer à travers la liste que j'ai ici, je suis obligée de raccourcir le temps. Les questions et les réponses sont toujours très intéressantes, mais j'apprécierais beaucoup qu'on puisse condenser, sinon on n'aura pas le temps d'entendre tout le monde.
La parole est donc maintenant à Monique Guay...
[Traduction]
M. John Radosavic: On essaie de vous en donner pour votre argent.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): ...suivie de Alan Tonks, Yvon Godin, Raymonde Folco, Val Meredith et Joe McGuire.
Monique Guay.
Mme Monique Guay: Je trouve un peu aberrant d'entendre dire qu'il est quasiment honteux de travailler dans le domaine de l'industrie saisonnière. Je ne peux pas accepter ça. Ce sont des emplois où souvent les gens sont beaucoup moins payés. Prenez par exemple l'industrie de l'hôtellerie, de la restauration etc., à laquelle je suis confrontée chez nous, où les gens travaillent des heures et des heures et surtout, lorsqu'ils ont du travail, où ils travaillent 80 heures par semaine pour pouvoir accumuler les heures requises par l'assurance-emploi. C'est un cercle vicieux.
En ce qui me concerne, c'est absolument inacceptable, et, si je comprends bien votre message d'aujourd'hui, messieurs, il est évident qu'on n'est pas allé assez loin dans ce projet de loi. On n'a pas apporté les améliorations qu'on souhaitait apporter au projet de loi, un projet de loi qui est tout de même très important et qui ne sera pas révisé à tous les ans.
Je pense qu'il faut qu'on retourne faire nos devoirs. Il y a un sentiment général. En tout cas, c'est le nôtre, nous, les députés de l'opposition. C'est comme si le ministre des Finances voulait mettre la main sur les surplus de la caisse de l'assurance-emploi pour payer la dette. Nous croyons que c'est ce qui se prépare présentement. Nous avons le sentiment que la ministre du Développement des ressources humaines n'a pas assez de pouvoir pour contrer cela. Alors, j'aimerais vous entendre, entre autres sur l'idée d'une caisse d'assurance-emploi autonome, indépendante, que nous avons proposée. J'aimerais vous entendre à cet égard. Quelle est votre perception?
Nous croyons que cette caisse doit être gérée par les gens qui payent, soit les employeurs et les employés, et non pas par le gouvernement qui, dans le fond, n'a pas d'argent là-dedans. Si je comprends bien, ce sont les employeurs et les employés qui contribuent de l'argent, et non pas le gouvernement. J'aimerais donc avoir votre opinion à cet égard.
[Traduction]
M. John Radosavic: Notre organisme n'a pas de politique officielle à ce sujet, mais en tant que président, je peux vous dire que si une mesure pouvait nous permettre d'exercer un certain contrôle sur le régime, ce serait bien celle-là.
Vous avez parfaitement raison. Que je sache, l'argent des contribuables n'est pas versé à la Caisse. Il s'agit plutôt de l'argent des employeurs et des employés, et je trouve tout à fait répréhensible que le gouvernement du Canada se permette de prendre 8 milliards de dollars dans cette caisse pour des fins autres que celles pour lesquelles elle a été créée. Je pense qu'une bonne solution au problème consisterait à redonner la responsabilité de cette caisse aux travailleurs et employeurs qui la financent.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Payne, voulez-vous intervenir? Ça va?
[Français]
Monsieur White.
M. Gary White: Je voudrais juste dire que je suis encore une fois d'accord avec mon confrère, c'est-à-dire qu'il y ait une banque gérée autrement que par le gouvernement. Qu'ils disent ce qu'ils veulent, ils n'ont plus d'argent; il s'agit d'une taxe, en fin de compte. Ils nous ont taxés en prenant notre argent d'un autre compte. Si cet argent était géré par ceux qui contribuent, il est certain qu'on ne payerait pas la dette avec celui-ci.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur White.
Peut-être un dernier commentaire rapide.
Mme Monique Guay: Il est sûr que ce serait beaucoup plus transparent, n'est-ce pas? Je pense que si c'était géré de cette façon, ce serait innovateur. On parlait tout à l'heure d'idées innovatrices. Ce que Wayne a dit tout à l'heure est extraordinaire, c'est-à-dire ce qu'ils ont fait dans sa région. On pourrait nous aussi agir dans ce sens-là.
Je vous remercie d'être venus. Je crois qu'on va tenir compte de vos mémoires. Il va falloir qu'on fasse un gros travail de fond et j'espère que le gouvernement sera à l'écoute de toutes vos demandes et qu'il innovera enfin dans le domaine de l'assurance-emploi.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à Alan Tonks, suivi d'Yvon Godin, Raymonde Folco, Val Meredith et Joe McGuire.
[Traduction]
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, madame la présidente.
Il y a de l'espoir. Hier nous avons reçu des témoins qui nous ont parlé de la stratégie qu'il faudrait adopter pour régler certains des problèmes que vous décrivez. On nous a parlé d'une étude de cas—au Canada atlantique, si je ne m'abuse—où DRHC avait financé l'élaboration d'un plan stratégique qui était inclusif et qui définissait des stratégies à long terme qui cadrent avec la vision de l'entente cadre sur l'union sociale que nous avons conclue mais que nous n'avons pas encore évaluée. Donc, nous faisons des progrès.
• 1705
Mais par rapport au projet de loi sur l'assurance-emploi que
nous étudions actuellement, je voudrais réagir aux questions que
vous a posées Joe McGuire pour essayer de mieux comprendre les
différences dont vous parlez pour d'autres catégories de
travailleurs. J'ai été particulièrement surpris... On nous a dit
que les règles touchant les femmes qui réintègrent le marché du
travail après un congé de maternité sont celles qui visent
généralement les personnes qui interrompent leur période d'emploi
pour suivre diverses activités.
On nous a dit qu'en réalité, la formule fondée sur le nombre d'heures travaillées donnait lieu à une réduction du nombre de personnes qui ne seraient pas jugées admissibles, dans la saison suivante, aux prestations intégrales d'assurance-emploi. On nous a dit que les résultats de l'exercice de suivi de l'assurance-emploi indiquent que ce nombre est à la baisse.
Mais quand vous me dites que certaines personnes—les femmes, par exemple—ont besoin de 900 et quelques heures pour pouvoir toucher des prestations, alors qu'elles n'en ont qu'environ 575... Et quand vous me parlez de l'écart—d'ailleurs, Gary, je n'ai pas toutes ces statistiques que vous nous avez données—entre ce qui est exigé et le nombre d'heures que les gens peuvent accumuler, pour moi, cela veut dire qu'il y a quelque chose de travers dans notre régime. C'est-à-dire que le dénominateur, le nombre d'heures travaillées qu'on exige, le facteur qu'on applique, enfin, tous ces éléments font que le régime ne répond aucunement à vos besoins immédiats.
Je pense que c'est vous, Reg, qui avez mentionné que les normes qui s'appliquaient au cours de la dernière récession, quand nous avons connu un grave problème... c'est-à-dire qu'il y avait—et je ne propose certainement pas que nous reprenions la formule qui a créé un déficit pour la Caisse de 700 milliards de dollars. Dans des conditions extrêmes, on a décidé d'adopter certaines approches. Pourriez-vous nous en parler un peu plus? Peut-être pourriez-vous nous expliquer de quelle façon nous devrions modifier cette loi pour solutionner les problèmes que j'ai décrits?
M. Reg Anstey: Merci.
C'est très complexe. L'un des problèmes, je suppose, c'est que les normes actuelles ne reconnaissent pas la situation unique d'une industrie saisonnière comme la nôtre, et par conséquent, quand ces normes deviennent plus strictes, elles vont nécessairement exclure beaucoup de gens qui travaillent dans notre industrie.
Je disais tout à l'heure qu'il y aura une pénurie de travailleurs dans 10 ans, surtout parce qu'il est à peu près impossible, dans notre industrie, de toucher des prestations d'assurance-emploi. S'il faut 910 heures en tant que nouveau travailleur, alors que vous pouvez espérer obtenir un maximum de 400 ou 500 heures, les jeunes vont nécessairement chercher ailleurs plutôt que d'accepter des emplois dans notre secteur.
Il reste donc que les travailleurs plus âgés qui sont là depuis suffisamment longtemps pour être admissibles aux prestations et pour eux, 400 à 500 heures suffisent; donc, ils continuent de travailler dans nos usines. Il faut absolument qu'on reconnaisse que notre industrie est unique.
Les femmes—à propos, la dame qui devait faire cet exposé s'est assurée que je comprenais à fond les difficultés que posent les dispositions relatives au congé de maternité; si elle n'est pas là aujourd'hui, c'est parce qu'elle va accoucher dans un mois—qui travaillent dans notre industrie ne sont généralement pas en mesure de profiter du congé de maternité. Elles n'ont pas 700 heures. Elles n'en ont même pas 600, mais elles ont des familles, et elles doivent s'arrêter quand même. Quand elles redeviennent actives, elles ont besoin de 910 heures, si bien qu'elles sont pénalisées deux fois.
Elles n'avaient jamais assez d'heures, car personne ne reconnaissait que c'était tout simplement impossible dans notre secteur d'activité. Par conséquent, elles n'avaient jamais de congé de maternité. Mais elles quittaient leur poste quand même pour avoir une famille, et quand elles voulaient réintégrer le marché du travail, eh bien, elles n'étaient certainement pas aidées par les nouvelles normes d'admissibilité. En vertu de ces nouvelles normes, elles ne seront toujours pas jugées admissibles, car elles n'auront pas réussi à respecter les critères relatifs au congé de maternité au cours des six dernières années, ce qui est l'une des exigences.
Donc, notre industrie a été très durement touchée par ces nouvelles règles. À moins que quelqu'un ne décide au cours des deux ou trois prochaines années d'examiner en profondeur notre régime, nous allons nous retrouver dans la même situation... J'ai récemment visité l'Islande; à présent ce sont des Turcs et des Sri-Lankais qui travaillent dans leurs usines de transformation du poisson. Est-ce ça que nous souhaitons pour le Canada?
Vous n'arriverez pas à intéresser les jeunes travailleurs canadiens à notre industrie—en fait ce n'est pas juste notre industrie qui est concernée; j'ai l'impression que c'est la même chose partout, que ce soit le secteur de l'exploitation forestière, l'agriculture, ou autre chose. Si nous refusons de reconnaître que ces industries jouent un rôle fondamental au Canada et qu'elles méritent de bénéficier de soutien, elles vont péricliter et disparaître. À mon avis, ça créera un problème de taille pour le Canada.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Yvon Godin, suivi de Raymonde Folco, Mme Meredith et Joe McGuire.
M. Yvon Godin: Merci, madame la présidente.
Je pense que le gouvernement manque le bateau. Je suis d'accord avec notre témoin, M. Anstey, quand il dit que le Canada central ne nous comprend pas.
[Traduction]
Le Canada central ne nous comprend pas. Et c'est ça le problème, à mon avis. Si les gens de Toronto tiennent à manger du homard—et j'ai dit cela à maintes reprises dans les discours que j'ai prononcés sur le sujet—eh bien, ils ne pourront pas l'avoir sur la rue Yonge, ni sur la rue Sainte-Catherine à Montréal... Le homard se pêche à Terre-Neuve, dans la baie des Chaleurs et à Vancouver. C'est là que se trouve le homard. De même, les ressources qui permettent de produire du bois d'oeuvre ne se trouvent pas sur la rue Yonge ou sur la rue Sainte-Catherine à Montréal; telle est la nature de l'industrie.
Évidemment, l'intertransformation secondaire serait une bonne solution. Mais entre-temps, que faut-il faire? Donner l'assistance sociale aux gens? Non. Si vous leur donnez l'assistance sociale, le gouvernement provincial leur dit: «Je vais prendre votre maison et votre voiture», et ça, c'est un grave problème.
Je voudrais aborder cette question quand j'aurai fait la remarque que voici: très souvent on nous a demandé—parce que les gens ou les partis de l'opposition et les administrations prétendent que le gouvernement ne baisse pas suffisamment les cotisations. Mais je n'ai jamais entendu parler de travailleurs qui protestaient parce que les cotisations leur semblaient trop élevées. J'ai plutôt entendu des travailleurs qui disent: «Je ne reçois pas les prestations auxquelles j'ai droit vu les cotisations que je paie».
J'aimerais connaître les vues de tous les représentants syndicaux ici présents des diverses régions du Canada qui représentent la majorité des travailleurs qui sont actifs dans ces secteurs. Les travailleurs qu'ils représentent profitent du régime d'assurance-chômage. À leur avis, est-il plus important de baisser les cotisations ou de régler le problème fondamental du régime d'assurance-emploi?
M. John Radosavic: Je ne suis pas sûr de connaître l'avis des entreprises, sans parler des travailleurs. À mon avis, personne—ni les travailleurs ni les entreprises—ne s'est jamais plaint de ça. C'est autre chose qui a causé tous ces problèmes.
M. Brian Payne: Pour ma part, je n'entends pas parler de travailleurs qui se plaignent des cotisations d'assurance-emploi. Quant aux employeurs—certains s'en plaignent, mais ils devraient justement adopter une autre tactique. Ils devraient encourager l'assouplissement des normes, surtout à la lumière des remarques faites aujourd'hui.
Ce ne sont pas les cotisations qui posent problème; c'est plutôt les prestations et la nécessité de soutenir tous les travailleurs—autrement dit, ce que nous répétons dans le début de cette séance.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Budgell.
M. Wayne Budgell: Oui, et que je sache, personne autour de cette table n'a réclamé plus que le maximum de 415 $. Nous ne demandons pas une augmentation du montant total, c'est-à-dire de la prestation maximale. Nous sommes satisfaits—vous remarquerez que je n'ai pas dit «contents»—du niveau actuel. Nous pouvons accepter les montants actuels.
Mais encore une fois, d'après mes statistiques, seulement 35 p. 100 des personnes qui en font la demande touchent des prestations d'assurance-emploi. Qui sont ceux qui demandent des prestations mais sont jugés inadmissibles? Eh bien, ce sont justement les gens qui travaillent dans divers secteurs—par exemple, dans des magasins Wal-Mart et Canadian Tire—qui ne font que 14, 15 ou 16 heures par semaine. Comment ce genre de travailleur peut-il espérer avoir les 910 heures qu'il faut pour être jugé admissible si jamais il est mis à pied? On n'a que 52 semaines pour accumuler ces heures. Donc, ces gens-là ne vont jamais toucher des prestations. Pour eux, c'est impossible. Ils font la demande, mais ils ne sont jamais en mesure de respecter les normes d'admissibilité. Ils cotisent sans jamais être en mesure de répondre aux normes.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à Mme Raymonde Folco suivie de Mme Val Meredith et M. Joe McGuire.
Mme Raymonde Folco: Merci, madame la présidente. Mon commentaire sera très bref.
M. Payne a dit que les jeunes, et d'autres personnes, ne veulent plus oeuvrer dans les industries forestières, les industries de la pêche, etc. Ils se dirigent vers la nouvelle économie. On peut comprendre cela. Il y a même des pays que j'ai visités, Taiwan par exemple, où on m'a dit que l'économie se transformait complètement, que dorénavant il n'y aurait plus d'industries primaires, que des industries de la nouvelle économie.
Notre pays s'est développé grâce aux industries primaires, quelle que soit la province d'où nous venons. Je me demande donc s'il n'y aurait pas moyen de maintenir l'importance de ces industries primaires, parce qu'après tout, il faut manger. On a besoin de blé. On a besoin de poisson. On a besoin de bois pour construire les maisons. Donc, ne peut-on pas garder à la fois les jeunes dans les industries primaires et en même temps essayer de mettre sur pied des industries de la nouvelle économie dans vos régions?
• 1715
Ceci ne serait-il pas une des solutions possibles?
[Traduction]
M. Brian Payne: Oui, bien sûr, et c'est justement ça que je dis. Nous pouvons conserver l'industrie primaire, mais dans bien des cas, il sera nécessaire de faire évoluer cette dernière pour qu'elle englobe ce qu'on appelle la transformation secondaire et tertiaire.
L'une des économies qui a connu le plus de succès sur le plan de la haute technologie est celle de la Finlande, où ils fabriquent les téléphones Nokia. C'est également l'économie du monde où le secteur forestier a connu le plus de succès.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Val Meredith, suivie de Joe McGuire.
Mme Val Meredith: Merci, madame la présidente. Je voudrais faire suite à quelques remarques faites par nos témoins au sujet de la nécessité de former de nouveaux employés qui pourront remplacer notre population vieillissante. Je voulais simplement dire que ce phénomène ne concerne pas uniquement le travail saisonnier. Nous observons le même phénomène de vieillissement de la population dans nos hôpitaux, qu'on parle des médecins, des techniciens, du personne infirmier, ou d'autres travailleurs; c'est présent dans tout ce secteur. Le fait est que le Canada a une population vieillissante, si bien que ce problème va aller en s'aggravant. Mais votre secteur n'est pas le seul à être touché par ce problème.
Je voulais également vous dire que le problème que vous décrivez n'est pas propre à Terre-Neuve. J'ai quatre fils et deux d'entre eux ont quitté la province de la Colombie-Britannique pour trouver du travail ailleurs. Donc, Terre-Neuve n'est pas la seule province à connaître ce problème; d'ailleurs, cela touche d'autres secteurs que celui de la pêche.
Comme j'ai quatre fils qui essaient de trouver leur place au sein de la population active, je sais que la formation est très importante. Vous avez parlé du rôle du gouvernement et de celui des entreprises. J'aimerais vous demander directement quel est, à votre avis, le rôle des syndicats pour ce qui est de s'assurer que des programmes sont disponibles et que les jeunes pourront s'en prévaloir pour que votre industrie ait toujours des employés qualifiés? Quel est le rôle du syndicat dans tout cela?
M. Brian Payne: Je peux vous parler de notre syndicat. Nous réclamons la possibilité de participer à la formation en milieu de travail. Ce n'est pas un problème de manque de volonté de la part du syndicat ou de refus de sa part d'accepter son rôle. En fait, la situation actuelle tient plutôt à l'attitude des employeurs, du soutien qu'on donne aux entreprises—c'est-à-dire, peut-être des mesures d'intervention gouvernementale, etc.
En ce qui concerne le mouvement syndical—et j'en fais partie depuis longtemps—le problème n'est pas que les syndicats ne sont pas en faveur de la formation en milieu de travail et du genre de mesures dont nous parlons ici. Il s'agit surtout de faire en sorte que d'autres aient une vision à plus long terme.
M. Reg Anstey: Je fais partie du Conseil national du secteur des produits de la mer, comme mon collègue. Nous travaillons très fort, grâce aux crédits fédéraux à élaborer des cours pour l'ensemble du pays qui reposent sur des normes nationales pour notre industrie. Ensuite, nous nous adressons aux autorités régionales de DRHC pour essayer d'obtenir l'argent nécessaire pour les payer. Mais elles nous répliquent: «Désolé, nous ne consacrons plus d'argent à l'industrie de la pêche; nous réduisons nos effectifs.»
Pour nous, c'est très frustrant. Nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie, en tant que syndicat, à élaborer des cours afin d'améliorer l'industrie, mais malheureusement la main droite à Ottawa nous dit: «Travaillez fort et nous vous aiderons», alors que la main gauche à Terre-Neuve nous dit: «Désolé, nous n'investissons pas d'argent dans cette industrie-là; au contraire, nous voulons réduire la main-d'oeuvre dans ce secteur.»
Il n'y a pas d'approche uniforme vis-à-vis de la formation. Deuxièmement, la Caisse d'assurance-emploi qui enregistre cet excédent faramineux devait financer les cours de formation—du moins, c'est ce que j'avais compris au départ, et je ne sais pas si c'est encore le cas—à raison de 15 ¢ le dollar. Si les cours étaient dispensés par des gens sans lien avec le gouvernement, je suppose que cet énorme excédent de 38 milliards de dollars servirait à payer non seulement les prestations, mais pas mal de cours de formation. Je pense que la formation constitue désormais une activité permanente, mais le fait est qu'elle coûte cher et le gouvernement n'offre pas énormément de soutien financier dans ce domaine.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Budgell, et il y a également M. White. Veuillez donc être brefs, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Wayne Budgell: Je vais être bref. La dame demande ce que nous faisons à titre de syndicats. Eh bien, j'aimerais vous dire ce que je fais en tant que président d'une section locale. Je siège à des comités chez Cornwall Pulp and Paper et Abitibi-Consolidated. Nous avons un comité de négociation, et un comité de formation, et je siège à ces deux comités à titre de président de la section locale. Nous travaillons en collaboration.
La semaine dernière, moi-même et le responsable des relations industrielles de Abitibi-Consolidated sommes allés faire un exposé devant le personnel de DRHC en vue d'obtenir des crédits pour recycler notre main-d'oeuvre. Voilà le genre de travail que nous effectuons en collaboration avec les employeurs.
M. Gary White: Pourrais-je intervenir? J'ai travaillé dans le secteur minier, et nous avons organisé des programmes d'éducation, avec des enseignants, pour permettre à nos employés qui ont besoin d'instruction pour atteindre le niveau approprié de connaissances générales. Nos efforts ont été couronnés de succès. Je siège également au Conseil national du secteur des produits de la mer et à son homologue du secteur minier, soit le Conseil canadien de l'industrie minière sur la technologie. Il est probable que nous nous en sortions mieux que d'autres, étant donné que les employeurs sont plus riches.
• 1720
Mais dans le secteur de la pêche, encore une fois, quand vous
proposez aux employeurs de participer à un cours de formation dans
la région, ils répondent toujours par la négative, et prétendent
qu'ils n'ont pas d'argent pour ça. J'ai entendu dire récemment que
le gouvernement provincial a des crédits à offrir, mais encore une
fois, il n'est pas toujours très facile de mettre la main
là-dessus, peut-être parce que nous sommes des syndicats.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur White. Vous pouvez faire un dernier commentaire très court, monsieur Loggan.
[Traduction]
M. Bruce Loggan: Je vais être bref.
Nous cherchons à participer à toutes les initiatives de formation qui nous sont offertes, mais comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, on aura beau former ou recycler tous les employés qu'on voudra, cela ne changera en rien le cycle de vie du saumon ou du hareng. Ce sont des industries saisonnières. Si nous recyclons les travailleurs de ces industries, il faudra que ce soit clair que nous voulons créer une situation où ces personnes pourront réintégrer ces mêmes industries. À l'heure actuelle, les règlements relatifs à l'assurance-emploi, étant discriminatoires, empêchent ce genre de chose. Les gens qui quittent un poste à temps partiel pour accepter un poste à plein temps se voient refuser des prestations s'ils quittent leur poste à plein temps pour faire du travail saisonnier. Nous aimerions que les critères explicités de la loi pour justifier un départ volontaire incluent cette possibilité-là.
Le fait est que même si vous recyclez des travailleurs du secteur de la pêche, vous devrez tout de même vous assurer d'avoir assez de main-d'oeuvre pour pêcher la ressource, puisqu'il s'agit de ressources cycliques qui peuvent se reconstituer dans certains cas.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup. M. Joe McGuire peut maintenant poser la dernière question.
[Traduction]
M. Joe McGuire: Merci, madame la présidente.
Je voudrais interroger nos témoins au sujet d'une question qu'ils ont soulevée tout à l'heure, soit la formule basée sur les heures travaillées, par rapport à l'ancienne formule. Quel est l'incidence de cette nouvelle formule sur les personnes que vos représentez, par rapport à l'ancienne? Avez-vous constaté des améliorations du point de vue du nombre de personnes jugées admissibles aux prestations ou du montant auquel ils ont droit? Quels sont les effets du nouveau système, par rapport à l'ancien?
M. Gary White: Depuis qu'on a apporté ces modifications à la loi, ce que les statistiques nous apprennent, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont plus considérés admissibles aux prestations. Ça dit tout, finalement. Donc, de toute évidence cette nouvelle formule pose problème, car si les gens ne sont plus en mesure de se conformer aux normes ou s'il leur est plus difficile de s'y conformer... Quelqu'un disait tout à l'heure, si je ne me trompe pas, que 36 p. 100 de moins de travailleurs sont admissibles aux prestations maintenant...
M. Reg Anstey: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je dirais qu'il est possible de faire en sorte que l'une et l'autre des deux formules soient justes à l'égard des travailleurs. Il ne s'agit pas de se demander s'il est préférable d'avoir un système qui soit axé sur les heures de travail ou les semaines de travail. Le problème, c'est qu'on a resserré tellement les critères d'admissibilité que beaucoup de gens ne sont plus en mesure de s'y conformer. Nous n'avons pas à nous demander si l'une des formules est préférable à l'autre. Le nouveau système repose sur des critères tellement stricts—les normes d'admissibilité sont difficiles à atteindre, on ne peut pas toucher des prestations pendant aussi longtemps, le dénominateur pose problème—que beaucoup de gens ont été tout à fait écartés du régime.
Nous pourrions vous dire comment faire en sorte que la formule basée sur les heures de travail soit juste à l'égard des travailleurs. Il ne s'agit donc pas de se demander laquelle des deux formules est préférable. Le vrai problème, c'est que les normes d'admissibilité sont devenues tellement strictes que beaucoup de gens ne pouvaient plus toucher des prestations d'assurance-emploi.
M. Joe McGuire: On exigeait tout simplement trop d'heures de travail pour que ces gens puissent être jugés admissibles. C'est ça le problème?
M. Reg Anstey: Les problèmes étaient multiples: il fallait trop d'heures de travail, le dénominateur réduisait le montant qu'on pouvait toucher sous forme de prestations, et la durée des prestations a été réduite—autrement dit, tout est devenu plus difficile.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): J'aimerais remercier tous nos témoins et nos invités d'aujourd'hui. J'ose espérer que je ne vous ai pas trop bousculés. Malheureusement, nous manquons toujours de temps. Beaucoup de personnes doivent poser des questions et il y a beaucoup de témoins. J'aimerais remercier M. Reg Anstey, du Fish, Food and Allied Workers Union, M. John Radosavic et M. Bruce Loggan du United Fishermen and Allied Workers Union-West Coast, M. Gary White, des Métallurgistes unis d'Amérique, et MM. Brian Payne et Wayne Budgell du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Merci encore pour vos commentaires si précieux.
Je veux simplement rappeler à mes collègues de revenir immédiatement après le vote, parce que les témoins sont déjà arrivés. Nous ne voulons pas les faire attendre trop longtemps. Bonne journée.