JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 mai 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la douzième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Ce matin, nous allons entendre des témoignages à propos du projet de loi C-24, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
Avant de donner la parole aux témoins, je tiens juste à dire que ce sont toujours les premiers témoins qui doivent se préparer le plus rapidement. Les délais dont ces témoins disposent rendent leur tâche extrêmement difficile. Je tiens à ce que les témoins sachent que le comité en est conscient et apprécie énormément les efforts qu'ils ont consentis pour respecter l'échéancier parlementaire.
Cela dit, nous accueillons ce matin des témoins représentant le Barreau du Québec, Mme Carole Brosseau et Mme Anne-Marie Boisvert, ainsi que M. Alan Borovoy de l'Association canadienne des libertés civiles.
Avez-vous décidé qui allait commencer? Sinon, nous allons suivre l'ordre du jour.
[Français]
Madame Brosseau ou Madame Boisvert.
Me Carole Brosseau (avocate, Recherche et législation, Barreau du Québec): Bonjour. Pour ceux qui ne me connaissent pas déjà, je suis Carole Brosseau, avocate au service de Recherche et législation du Barreau du Québec. Ce matin, je suis accompagnée de Me Anne-Marie Boisvert, qui est présidente du Comité en droit criminel du Barreau du Québec ainsi que professeur titulaire en droit criminel à l'Université de Montréal.
D'entrée de jeu, j'aimerais indiquer aux membres du comité que nous n'avons pas pu produire notre mémoire à temps, le délai que nous laissait l'avis de convocation étant plutôt court. Nous allons quand même le produire. Normalement, lundi prochain, après notre congrès, le bâtonnier devrait autoriser ce mémoire et vous devriez le recevoir à temps pour l'étude article par article.
Je vais maintenant céder la parole à Me Boisvert qui va vous faire part des réticences que nous avons à l'égard du projet de loi C-24.
Me Anne-Marie Boisvert (avocate, Barreau du Québec): Bonjour et merci. On m'a dit que je disposais de cinq minutes. Je serai donc brève.
Je donnerai un avis sur le projet de loi en général et je vais réserver mes commentaires de ce matin pour la portion du projet de loi qui accorde aux policiers, selon notre interprétation, de nouveaux pouvoirs de commettre des illégalités dans le cours des enquêtes. Nous avons beaucoup d'autres commentaires à faire qui seront contenus dans notre mémoire écrit.
De façon générale, nous trouvons que la définition d'organisation criminelle est extrêmement large; trois personnes égalent une foule. Nous reconnaissons que le texte est conforme à la convention des Nations Unies signée par le Canada. Je ferai simplement le commentaire général que le projet de loi, depuis ce matin, parle de lutte au crime organisé alors qu'il a—le Barreau du Québec tient à le souligner—une portée beaucoup plus large que la lutte au crime organisé. Au fond, il contient des dispositions générales qui peuvent s'appliquer à tout le Code criminel et à toutes formes d'enquête, peu importe finalement la nature du crime en cause.
Ce commentaire vaut pour le projet de loi en général et, en particulier, pour tout ce qui a trait aux nouveaux pouvoirs policiers, parce que le paragraphe 25.1 et les articles suivants, qui donnent aux policiers une certaine forme d'immunité, sont applicables à toutes les enquêtes et pas seulement en matière de crime organisé. Il faut être conscient de cela.
Le Barreau du Québec s'est déjà prononcé contre le principe du paragraphe 25.1. Nous sommes d'avis que, même avec une rédaction un peu plus habile et un peu moins choquante, qui reconnaîtrait qu'il ne s'agit pas d'immunité et que certaines précautions sont prises pour que le principe de la primauté du droit soit préservé au Canada, le message resterait que, à certaines conditions, les corps de police sont au-dessus de la loi. À notre avis, dans une société libre et démocratique, cela n'est pas acceptable.
• 1015
Je n'insisterai pas davantage sur le fait que, à notre
point de vue, la défense traditionnelle de situation de
nécessité ainsi que le pouvoir discrétionnaire
traditionnel du procureur général dans l'exercice de la
poursuite étaient suffisants. Selon nous, la preuve
n'a pas été faite que tous les moyens d'enquête
actuellement à la disposition des corps de police ont
été utilisés de façon efficiente. Nous sommes d'avis
que, malgré certaines précautions qui sont prises, les
mécanismes d'imputabilité mis en place dans le projet
de loi, c'est-à-dire essentiellement le dépôt de
rapports annuels devant le Parlement, sont nettement
insuffisants.
Essentiellement, une fois l'autorisation ministérielle accordée, les corps de police vont pouvoir travailler en vase clos et le Barreau du Québec craint les abus. Vous le savez, au Québec, nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons d'une commission d'enquête importante sur le fonctionnement de notre corps de police national. Nous croyons, au Barreau du Québec, que les corps de police du Québec ne sont pas nécessairement différents des corps de police des autres provinces, et nos craintes d'abus, à notre avis, sont fondées.
Nous vivons dans un système où les contrôles civils sur les corps de polices sont à peu près inexistants et, à notre avis, c'est extrêmement dangereux. Le Code criminel parle d'un moyen de défense, d'une justification. À notre avis, il faut être conscient que dans la vraie vie ce nouveau moyen de défense constitue un nouveau pouvoir accordé aux corps de police. Il est clair, pour nous, qu'une fois ce pouvoir accordé, il sera impossible de reculer. On ne pourra pas revenir en arrière.
Comme il s'agit de nouveaux pouvoirs de police, parce que c'est de ça qu'il est question, non seulement sont-ils exorbitants, mettent-ils en péril la primauté du droit, mais ils risquent de pervertir complètement toute l'économie du droit de la preuve. Le projet de loi est faible en ce qui concerne l'articulation des nouveaux pouvoirs qui sont accordés à la police avec le droit de la preuve.
Bien sûr, un article, dont je ne me rappelle plus le numéro, prévoit que les nouvelles dispositions ne donnent pas le droit de faire de l'écoute électronique illégale. On comprend ça. Mais qu'arrivera-t-il quand les policiers commettront des actes illégaux pour se retrancher ensuite derrière des motifs raisonnables et probables de croire que... qui permettront, finalement, d'avoir une autorisation judiciaire?
Je comprends que les juges ne soient pas nécessairement emballés par l'idée d'avoir à autoriser qu'on commette des illégalités. Mais nous constatons que quand il s'agit de protéger l'expectative raisonnable de vie privée des citoyens, on demande un contrôle judiciaire préalable et on prend des précautions. Quand viendra le temps de porter atteinte aux biens des citoyens et même à leur intégrité physique, parce les claques sur la gueule ne sont pas exclues du projet de loi, il sera suffisant que les corps de police jugent nécessaire et proportionné à leur enquête l'utilisation d'une telle technique.
Selon nous, il y aurait lieu—et c'est difficile à imaginer, je le conçois—de mieux prévoir et arrimer au droit de la preuve ce qui découlera de l'exercice de ces nouveaux pouvoirs par les corps de police.
Finalement, parce que mes cinq minutes sont déjà écoulées, j'aimerais poser la question suivante. J'ai entendu ce matin madame la ministre, à la suite d'une question qui lui était posée, traiter des «pauvres victimes» des «méchants criminels». Le Barreau du Québec s'interroge sur le sort des «victimes des bons», parce qu'on a parlé des «victimes des méchants». Mais qu'en est-il des personnes dont la grange aura brûlé parce que les policiers auront commis un acte illégal Outre l'envoi d'avis, y a-t-il quelque chose qu'on pourrait prévoir pour les victimes de la lutte au crime?
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Borovoy.
M. A. Alan Borovoy (chef du contentieux, Association canadienne des libertés civiles): Merci, monsieur le président.
J'apprécie d'autant plus vos observations liminaires car elles s'appliquent tout particulièrement à mon cas. Non seulement avons-nous eu très peu de temps pour nous préparer, mais la personne qui, dans notre organisme, est le plus au courant des questions dont nous allons débattre n'était pas en mesure d'assister à la réunion. Cela m'amène au premier sujet que nous voulons soulever—c'est-à-dire le processus en vertu duquel ce projet de loi est examiné.
Je crois savoir qu'il n'y aura que deux jours d'audiences réservées au grand public.
Le président: Pour l'instant, nous en prévoyons quatre, au moins.
M. Alan Borovoy: Je vois. Eh bien, naturellement, au moins quatre jours, ce n'est pas aussi mal qu'au moins deux jours. Cependant, selon nous, on devrait ralentir le mouvement. Je connais assez bien la teneur du projet de loi pour savoir qu'il traite de questions complexes et difficiles, qui sont lourdes de conséquences, et qu'il faudrait donc ralentir le processus, prévoir davantage d'audiences et donner aux témoins plus de temps pour se préparer.
Après avoir donné mon opinion sur la question du processus, je passe maintenant aux questions de fond. Étant moi aussi soucieux de respecter les délais qui me sont impartis, je vais parler uniquement de la question des illégalités autorisées.
Le principe dont nous partons est le suivant: nous considérons comme une vérité universellement reconnue que, dans une société démocratique, on doit être fermement convaincu que tout un chacun, sans exception, doit respecter la loi, et que cette présomption s'applique encore plus nécessairement dans une situation comme certaines de celles qui sont envisagées dans ce projet de loi, des situations dans lesquelles les organismes de l'État sont autorisés à faire du tort à des citoyens innocents ce qui, dans d'autres circonstances, serait considéré comme illicite.
Pour que cette présomption disparaisse, il faudrait que les circonstances soient des plus convaincantes, et il revient au gouvernement de démontrer l'existence de ces circonstances.
Or, le mieux que le gouvernement ait fait en ce sens, du moins, d'après les informations que nous possédons, c'est prendre en compte la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Campbell et Shirose, décision dans laquelle la Cour a déclaré que les policiers ne jouissaient plus d'une immunité générale lorsqu'ils commettaient des actes illégaux dans l'exercice de leurs pouvoirs à titre d'agents d'exécution de la loi.
Le fait est que les policiers n'ont jamais eu une telle immunité. Il y a quelque 20 ans, la Commission McDonald nous a fait remarquer que la police n'a jamais joui de ce genre d'immunité.
Le gouvernement a prétendu ensuite que cette affaire entravait ses activités, et que la police avait été obligée de mettre fin à plusieurs enquêtes. Mais de telles déclarations ne tiennent pas.
Quoi qu'il en soit, la loi a au moins été modifiée pour combler les lacunes mises en lumière par l'affaire Campbell et Shirose. La police est maintenant autorisée à pratiquer ce que l'on appelle «des ventes surveillées», ce qu'elle ne pouvait pas faire à un certain moment.
Cela démontre également le bien-fondé d'une autre proposition: il n'y a pas de raison particulière pour laquelle on ne pourrait pas, dans des circonstances étroitement définies, autoriser certaines activités illégales; mais il y a une grande différence entre ce genre d'autorisation et les pouvoirs d'application générale prévus dans le projet de loi C-24.
• 1025
Comme le ferait tout avocat, je veux défendre la proposition
contraire. Même s'il est possible que des explications qui n'ont
pas été données jusqu'ici soient proposées et que l'on puisse
justifier d'accorder ce genre de pouvoir additionnel à la police,
nous recommandons qu'au moins, les conditions minimales suivantes
s'appliquent.
Premièrement, pour exercer un tel pouvoir, on doit être en mesure de démontrer non seulement que cela est utile, mais que c'est également nécessaire pour protéger des intérêts supérieurs.
Deuxièmement, les actes de violence physique ainsi que les menaces en ce sens devraient être interdites. Permettez-moi de prendre quelques minutes pour préciser. Il est stipulé qu'il est interdit de causer des lésions corporelles. J'ai lancé une idée dont nous avons discuté avec certains de mes collègues. Supposons qu'un agent de police, dans le cadre d'une opération d'infiltration, veuille vraiment faire une forte impression sur sa cible. Peut-il commettre un enlèvement à main armée? Cela peut-il être fait sans causer des lésions corporelles? De notre point de vue, on ne devrait même pas être autorisé à présenter des arguments en faveur d'un acte aussi contestable.
Troisièmement, en ce qui concerne les actes illégaux non violents, il ne devrait pas être permis de les provoquer.
Quatrièmement, le pouvoir de retarder l'avis aux victimes de tels actes illicites ne devrait pas être donné à un ministre du Cabinet ni à aucun fonctionnaire de la police, mais à un tribunal.
Cinquièmement, une indemnisation devrait être obligatoire dans tous les cas où des activités illicites ont causé du tort à un citoyen innocent.
Enfin, aucun corps policier ne devrait être autorisé à prendre part au genre d'activités dont il est question dans le projet de loi, à moins que les autorités compétentes dont il relève n'effectuent des vérifications indépendantes de la façon dont ces activités se déroulent. Un organisme, indépendant de la police, du gouvernement et de toute autre partie intéressée, devrait pouvoir continuellement avoir accès aux dossiers de la police, à ses installations et à son personnel afin d'être en mesure de faire des investigations et, éventuellement, un rapport public sur la façon dont ces pouvoirs sont exercés, comme le fait actuellement le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité dans le cas du SCRS.
Pour revenir à notre argument principal, à moins que ne se fasse jour une justification plus convaincante que celle qui a été donnée jusqu'ici à la population, cette partie du projet de loi, au moins, ne devrait pas être adoptée.
Voilà ce que, comme toujours, je vous soumets respectueusement.
Le président: Merci, monsieur Borovoy. Même si vous avez dû vous hâter pour préparer une présentation claire, cela n'a pas eu de conséquence néfaste sur votre capacité de faire valoir vos arguments d'une façon très convaincante.
Monsieur Sorenson, vous avez sept minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, AC): Je voudrais également vous remercier tous les trois d'être parmi nous aujourd'hui et de nous donner vos points de vue sur ce projet de loi. Il s'agit toujours, je suppose, de trouver un juste milieu, et c'est ce que nous devons essayer de faire. Vous craignez une violation des droits. Je crois que cela nous préoccupe tous.
De votre point de vue, est-ce que ce texte va contredire la charte? En 1996 ou 1997, il y a eu l'affaire Feeney, dans le cadre de laquelle la police s'est introduite chez l'accusé et a recueilli des preuves. Ce n'était pas vraiment le lieu du crime, je crois, mais la police y est entrée et a recueilli des preuves. Les tribunaux ont déclaré ensuite que cela violait les droits de l'accusé.
• 1030
Je pense que ce que nous essayons de faire, c'est d'établir la
marge de manoeuvre dont bénéficie la police. À mon avis, certaines
des observations que vous avez faites sont excellentes. De temps à
autre, nous enfreignons tous la loi. Je suis moi-même un citoyen
respectueux de la loi, mais si ma femme est enceinte et que je
l'emmène à l'hôpital, j'enfreins la loi si je conduis un peu plus
vite que je ne le devrais.
Nous sommes en guerre contre le crime, c'est ce que dit la police. Elle dit aussi que pour faire la guerre, elle a besoin d'armes. Lorsqu'on est en guerre, il est concevable que certains droits puissent être entravés ou transgressés.
Croyez-vous que la Cour suprême puisse se prononcer contre ce projet de loi, tel qu'il est énoncé à l'heure actuelle, en ce qui a trait aux droits et libertés individuels?
Me Anne-Marie Boisvert: Il faut s'y attendre. Vous avez parlé de l'affaire Feeney. Disons que ce n'est pas mon affaire favorite. Je suis d'accord avec... et nous ne nous sommes pas parlé avant l'audience. Mais je pense qu'il s'agit d'une chose particulièrement importante. Je comprends que nous avons déclaré la guerre au crime organisé, mais je pense que le débat doit avoir lieu.
Je crois savoir que les corps policiers ont été, c'est le cas de le dire, stupéfiés par la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Campbell et Shirose. Je ne pense pas qu'ils aient jamais eu le pouvoir de commettre des actes criminels, mais de temps à autre, ils pouvaient invoquer la défense traditionnelle de situation de nécessité, c'est-à-dire le même moyen de défense dont vous disposez si vous allez un peu trop vite lorsque vous êtes en route pour l'hôpital. Il s'agit d'un moyen de défense assorti d'un critère de proportionnalité, ainsi que d'un examen subséquent par un organe judiciaire, dans les cas où la partie poursuivante s'est prévalue de son droit d'engager des poursuites. Il existe des freins et des contrepoids dans l'ancien système.
À mon avis, on crée ici une fausse situation d'urgence. La décision de la Cour suprême du Canada n'a rien changé. On a simplement dit à la police, en passant, que, naturellement, elle n'avait pas le droit de commettre des infractions. Et après? En ce qui me concerne, ce n'était pas une nouveauté. Je pense qu'en l'occurrence, nous nous préparons à donner des pouvoirs considérables—je me répète—qui pourront être utilisés dans toutes sortes d'enquêtes, pas seulement dans celles qui touchent le crime organisé. Selon moi, la question que cela soulève mérite d'être examinée. C'est mon point de vue personnel.
Combien d'argent, de l'argent des contribuables, suis-je prête à allouer à des policiers qui, semaine après semaine, vont aller faire des propositions à des danseuses à 10 $? C'est aussi de cela que nous parlons. À mon avis, un débat public sur ce genre de question ne devrait pas avoir lieu dans le climat d'urgence que l'on entretient autour de ce dossier.
M. Kevin Sorenson: Vous êtes donc d'accord pour dire qu'il y a urgence.
Me Anne-Marie Boisvert: Non.
M. Kevin Sorenson: Vous ne pensez pas qu'il y a urgence?
Me Anne-Marie Boisvert: Non, je ne dirais pas qu'il y a urgence en la matière.
M. Kevin Sorenson: Bon. Eh bien, c'est un bon début.
M. Spencer veut peut-être...
Le président: Monsieur Borovoy.
M. Alan Borovoy: Quand je vous entends dire qu'il y a urgence, cela me rappelle que je viens de lire—pas très attentivement, je l'admets, plutôt en diagonale—plusieurs articles publiés récemment dans les journaux, où l'on parle de tous ces coups de filet contre le crime organisé. Ici, on a mobilisé 2 000 agents; là, on a arrêté tout un tas de gens; là encore, des accusés ont été reconnus coupables. Or, en même temps, on nous dit qu'il y a urgence. Il est un peu difficile de concilier ce que l'on nous dit de part et d'autre.
Quoi qu'il en soit, juste pour répondre à la question que vous avez posée à propos de la nécessité de trouver un juste milieu, tout d'abord, il faut que vous sachiez qu'il va y avoir de nombreuses contestations en vertu de la charte. Dans bien des cas comme celui-ci, on approche vraiment de la limite. La charte permet d'avancer de solides arguments. Il est toujours difficile de prévoir exactement ce qu'un tribunal va faire. Nous ne sommes pas extralucides, mais nous savons que de bons arguments peuvent être avancés.
• 1035
De toute façon, la charte fixe des normes minimales qui
doivent être respectées. Nous pensons que nous pouvons mettre la
barre un peu plus haut, et que si le gouvernement peut démontrer
que certains pouvoirs sont nécessaires, ils ne devraient être
accordés que dans la mesure où les autorités sont capables d'en
prouver la nécessité. C'est exactement ce qui s'est passé dans la
foulée de l'affaire Campbell et Shirose. Des pouvoirs limités ont
été créés pour répondre à ce problème. Ce n'est pas une excuse pour
donner le pouvoir d'enfreindre la loi, en général. C'est seulement
une base pour accorder des pouvoirs restreints, dans des
circonstances très étroitement définies.
Le président: Merci. Cela nous amène à près de... Monsieur Bellehumeur?
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup. Écoutez, je vais vous remercier en tout premier lieu pour la rapidité avec laquelle vous vous êtes présentés ici, et vous semblez assez au fait de la législation.
Je ne partage peut-être pas nécessairement tout ce que vous avez dit, mais il y a quand même des grandes interrogations que votre approche suscite. Sans doute, la plus grande de ces interrogations est-elle le risque—et je vais reprendre vos paroles—de pervertir les règles de la preuve. Vous donnez l'exemple de l'écoute électronique. Vous n'y donnez pas le même sens que celui qu'avait l'exemple que j'avais utilisé lorsque la ministre est venue témoigner, mais cela ne me rassure pas davantage.
Effectivement, est-ce que les nouveaux pouvoirs accordés aux policiers font que ceux-ci pourraient fabriquer eux-mêmes une preuve qui leur permettrait de se présenter devant le juge pour obtenir le droit de pratiquer l'écoute électronique? Vous avez, en parlant de cela, susciter un doute important dans mon esprit, qui vient s'ajouter, selon moi, au fait que les tribunaux n'ont aucune façon de superviser tout cela.
Est-ce qu'on s'entend que le Code criminel oblige les agents qui veulent faire des gestes, du genre écoute électronique ou perquisition, à obtenir des autorisations préalables? Dans ces cas, le juge qui entend la cause vérifie certains éléments. D'accord? Parce qu'il ne veut pas que la décision qu'il va rendre infirme par la suite son jugement en appel ou dans d'autres circonstances. Il a également l'obligation de faire respecter certains droits, de vérifier si la législation est bien appliquée et tout ça.
Dans le cas qui nous concerne, soit les gestes illégaux que les policiers pourraient commettre, malgré que vous soyez opposés à cette pratique, serait-ce moins pire s'il fallait fournir la preuve au juge appelé à se pencher sur le cas—c'est un ajout qui pourrait être apporté au projet de loi—que ces gestes seront faits dans le cadre d'une enquête sur le crime organisé et s'il fallait qu'un juge vérifie qu'il en est bien ainsi. La demande devrait préciser ce qu'on veut faire, dans quel délai, non pas préciser la date mais déterminer un délai, indiquer quels gens ils vont contracter pour que le juge puisse autoriser cela.
Est-ce que cela vous rassurerait un peu par rapport à ce que contient actuellement le projet de loi?
Me Anne-Marie Boisvert: Brièvement, je vous dirai que je comprends qu'il est difficile d'aménager un genre d'autorisation judiciaire préalable. Il n'en demeure pas moins que si, de façon limitée, ce pouvoir policier devait être utilisé au même titre que les autres pouvoirs policiers qui empiètent sur les droits des citoyens, pour le moment, nous serions plus à l'aise si une autorisation judiciaire préalable était exigée.
J'ajouterais aussi, en ce qui concerne l'écoute électronique et certains moyens d'enquête que la société canadienne a toujours jugés envahissants, que les policiers doivent faire la preuve que les autres moyens d'enquête ont été épuisés. Il n'est pas question, ici, de ces critères. Il est permis de croire raisonnablement qu'il serait utile de commettre des infractions, peu importe que les autres moyens d'enquête aient été épuisés ou non. Là-dessus, je rejoins le commentaire que M. Borovoy a fait tout à l'heure. À tout le moins, il faudrait, quelque part, un contrôle de la nécessité, à la limite, de ce genre de moyen d'enquête dans certaines conditions définies de façon beaucoup plus restrictive.
M. Michel Bellehumeur: J'ai une autre petite question relativement à votre première remarque sur la portée de la définition d'organisation criminelle. Vous avez des collègues au Québec qui ont fait, je pense, du très bon travail dans certains dossiers en appliquant l'article 467.1. Ce qui m'avait surpris, c'est que dès la décision, les premiers commentaires de ces procureurs de la Couronne avaient été qu'ils étaient contents de la décision, qu'ils avaient fait la preuve de..., etc. Mais ils ont dit que c'était très complexe à faire et, à peu près dans ces mots, ils invitaient le législateur, finalement, à revoir les critères et à rendre cela un peu plus facile, pour les procureurs de la Couronne, de faire la preuve. Je comprends qu'au Barreau du Québec, il y a autant des procureurs de la Couronne que des avocats de la défense. Vous, êtes-vous avocate de la défense?
Me Anne-Marie Boisvert: Je suis professeure.
M. Michel Bellehumeur: Vous êtes professeure, donc, je pense que vous êtes capable de faire le partage des deux. Est-ce que cela ne répond pas un peu, au niveau de la définition d'organisation criminelle, aux préoccupations, entre autres, de ces procureurs de la Couronne et des policiers, mais surtout des procureurs de la Couronne qui, bien qu'ils aient eu gain de cause, demandaient quand même des modifications?
Me Anne-Marie Boisvert: Écoutez, je vais vous donner une réponse, probablement générale, qui va être à moitié satisfaisante, mais j'en fais une carrière. Je vous dirais simplement qu'un des aspects de la complexité de ces dispositions—et là, je reprends nombre d'interventions du Barreau du Québec—tient à la prolifération de modifications législatives urgentes, au patchwork incroyable qu'est devenu le Code criminel, et c'est un patchwork auquel, malheureusement, le projet de loi C-24 va contribuer. Effectivement, quand on y regarde, ce ne sera pas nécessairement de la tarte que de prouver des infractions qui demandent de prouver que des choses on été faites intentionnellement. Dans certains cas, ce sera possible d'en faire la preuve, mais je dirais qu'il y a beaucoup de dispositions qu'on juge aujourd'hui difficiles.
On vit dans un monde de doubles et de triples renvois qui nous amènent à faire des analyses, et cela tient en partie au fait qu'on accumule les mesures législatives à la pièce, sans aucune vision, dirais-je, sans se préoccuper d'avoir un tout un peu plus cohérent et un peu plus... Une des difficultés de ces dispositions-là, comme de celles qui sont proposées ici—et je reviens à la réponse qui a été donnée tout à l'heure—c'est qu'elles ne sont pas à l'abri des critiques et des attaques de nature constitutionnelle de toutes sortes qui seront faites, ce qui est normalement un fardeau pour le procureur de la Couronne, qui devra à la fois poursuivre les criminels et défendre la loi avec laquelle il travaille. C'est là un des aspects qui contribuent largement à la complexité de cette position-là.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Borovoy.
[Traduction]
M. Alan Borovoy: À propos de la définition d'organisation criminelle, il y a un autre facteur qui peut être inquiétant. D'un côté, vous voulez vous assurer que, grâce à cette définition, vous pouvez appréhender certains des gens que vous voulez arrêter. D'un autre côté, vous courrez le risque d'arrêter des gens qu'à mon avis, vous ne voulez pas interpeller. Par exemple, pourrait-on dire qu'un groupe de pêcheurs autochtones qui percutent des bateaux au large des Maritimes...
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Ce sont eux qui se faisaient rentrer dedans.
M. Alan Borovoy: Pour l'instant, je n'ai pas à savoir qui rentrait dans qui. Disons qu'un groupe de pêcheurs qui essaient de protéger ce qu'ils considèrent comme leur intérêt percutent des bateaux. Il y a là une infraction grave, selon la définition qui en est donnée. Ils agissent ainsi pour obtenir un avantage financier ou matériel. Pour certains d'entre eux, il se peut que ce soit une activité principale.
• 1045
Certains syndicats, durant une grève, peuvent se trouver dans
une telle situation lorsqu'ils bloquent l'accès à une usine.
Me Anne-Marie Boisvert: C'était l'exemple que je voulais donner.
M. Alan Borovoy: Je m'excuse de vous le voler.
Nous ne voulons pas que ces gens-là soient censés commettre de telles infractions. Il faut que nous puissions invoquer la loi pour réprimer de tels actes. Mais est-ce que nous voulons d'une loi qui les assujettirait au même genre de régime que celui que vous voulez appliquer aux gangs de motards? À notre avis, ça n'en vaut pas vraiment la peine. Ce n'est pas la peine de créer ce genre de risque.
Le président: Merci.
Monsieur Blaikie.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le président, je suis tenté de m'immiscer dans le débat. Il me semble que l'on pourrait effectivement arguer que ces gens-là ne sont pas membres de gangs. Ils font partie d'un syndicat, d'une association de pêcheurs ou je ne sais quoi d'autre. D'après ce que je comprends, la loi n'est pas conçue pour pouvoir arrêter des gens qui, dans certaines circonstances, agissent de concert avec d'autres, mais plutôt ceux qui agissent de concert avec des gens qui appartiennent à un gang. Peut-être que la distinction n'est pas facile à faire.
Bref, je me demande si l'un ou l'autre des témoins peut expliquer pourquoi on peut dire, comme on l'a mentionné, que la décision de la Cour suprême dans l'affaire Campbell et Shirose ne change rien, au fond. Nombre des arguments avancés en faveur des dispositions de ce projet de loi reposent sur l'idée que quelque chose d'important s'est passé à cause de cette affaire. Monsieur Borovoy, à propos de la Commission McDonald, vous avez dit qu'elle a établi il y a 20 ans qu'une telle immunité n'existait pas. Peut- être pourriez-vous nous donner quelques précisions et nous faire une brève leçon d'histoire, pour nous démontrer que la décision de la Cour suprême peut ne pas être nécessairement interprétée comme le fait le gouvernement, ou d'autres, d'ailleurs.
M. Alan Borovoy: C'est une des rares fois, monsieur Blaikie, où il y a un avantage à être un peu plus vieux. C'est la raison pour laquelle j'ai un souvenir de la Commission McDonald beaucoup plus limpide que d'autres qui, à l'époque, n'étaient encore que des enfants.
À l'époque de la Commission McDonald, une des grandes questions controversées était la suivante: Peut-on enfreindre la loi pour faire appliquer la loi? C'était là un des grands thèmes des travaux de la Commission McDonald, car la GRC avait admis avoir commis une foule d'actes illégaux, y compris cambrioler, voler, ouvrir le courrier et brûler des granges. La GRC prétendait que c'était nécessaire et qu'elle avait le pouvoir d'agir ainsi.
La Commission McDonald a examiné ces questions de façon approfondie pendant quatre ans et a déclaré qu'en vertu du droit canadien, un tel pouvoir n'existait pas. Elle ajouta que certaines immunités pouvaient être établies à l'occasion. C'est bien entendu le cas, par exemple, lorsque sont émis des mandats de perquisition ou une autorisation d'écoute électronique. On établit dans ces cas- là une immunité par rapport à ce qui serait autrement une infraction, pour autoriser certaines personnes à commettre ces actes. La Commission McDonald a tranché la question du point de vue du droit.
Ce qui est intéressant, c'est que la Commission a également recommandé de ne pas instituer un pouvoir général d'enfreindre la loi qui couvrirait des opérations clandestines menées pour préserver la sécurité nationale, le domaine le plus important qui pourrait être en cause. Nous ne devrions pas perdre cela de vue. Autrement dit, le projet de loi C-24 rejette en fait l'avis donné à ce pays par la Commission McDonald.
Me Anne-Marie Boisvert: J'ajouterais simplement que, si l'on parle d'urgence—vu qu'il faudrait se rendre compte du bien-fondé de ce qu'on nous a dit il y a 20 ans—c'est là qu'il y a urgence.
Le président: Monsieur Blaikie.
M. Bill Blaikie: En d'autres mots, vous dites qu'il n'y a pas urgence.
Me Anne-Marie Boisvert: Oui, c'est ce que je dis. Et peut-être notre pays a-t-il le droit de changer d'avis, mais pas du jour au lendemain.
M. Alan Borovoy: Quoi qu'il en soit, plutôt que d'essayer de savoir s'il y a urgence ou non, je recommanderais plutôt d'établir un lien entre des faits qui peuvent être constatés, un besoin qui existe et le pouvoir que vous octroyez pour répondre à ce besoin. Autrement dit, on ne devrait pas se contenter de dire qu'il y a urgence et qu'on peut donc faire n'importe quoi. Il faut se demander quel besoin existe et quelle sorte de pouvoir est nécessaire pour répondre à ce besoin particulier. Je pense que ce serait une façon beaucoup plus judicieuse de procéder.
M. Bill Blaikie: Monsieur le président, à mon avis, cela soulève la question du processus. Allons-nous défaire en quatre jours ce que la Commission McDonald a pris quatre ans à établir? Je pense que c'est quelque chose que nous devrions garder à l'esprit. D'ailleurs, la question du processus a été soulevée plus tôt. Peut-être devons-nous...
Le président: Notre tâche s'éclaire au fur et à mesure que nos travaux avancent.
M. Bill Blaikie: C'était juste un commentaire. Les témoins veulent peut-être réagir à cette observation.
Le président: On a compris, je pense, ce dont il s'agit.
Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie tous de votre participation.
[Traduction]
Nous apprécions beaucoup la possibilité d'avoir votre point de vue sur ce texte.
Une des choses qui m'a immédiatement préoccupé, c'est la désignation spéciale dont vont bénéficier certains fonctionnaires publics et qui semble bien générale. Non seulement les limites qui la définissent sont-elles générales, mais c'est également le cas en ce qui concerne la période pendant laquelle ces fonctionnaires publics restent désignés. Une fois qu'ils ont reçu ces pouvoirs spéciaux et qu'on les a sacrés Batmans de service, il y a un système de freins et de contrepoids et, apparemment, une certaine surveillance qui sont censés se mettre en branle, une formation est prévue et il ya aussi des limites raisonnables et proportionnelles qui doivent être respectées. Pouvez-vous approfondir un peu plus la question de la désignation de ces fonctionnaires publics pour une durée, semble-t-il, indéterminée?
Mon sentiment est qu'un fonctionnaire auquel on attribue ces pouvoirs va naturellement être porté à en tester l'étendue et, au fil du temps, le risque est grand, selon moi, que lorsqu'il agit en vertu de ces pouvoirs, il soit porté à en repousser les limites de plus en plus loin.
Me Anne-Marie Boisvert: Dans un certain sens, je suis d'accord avec vous. Je reconnais que certaines précautions sont prises, mais les autorisations pourraient fort bien prendre la forme des anciens...
[Français]
Comment dit-on «les mandats de main forte»?
[Traduction]
Les mandats de perquisition qui étaient émis... les mandats de main-forte, que la Cour suprême a déclarés anticonstitutionnels.
M. Peter MacKay: Pensez-vous—et il semble évident que ce soit le cas, étant donné que vous avez mentionné l'affaire Campbell et Shirose et l'affaire Feeney—qu'il aurait été utile d'avoir un avis de la Cour suprême à ce sujet, parce que cela aurait permis d'avoir une réponse sur certaines questions concernant la constitutionnalité des dispositions et ainsi d'éviter la situation que, je crois, Mme Boisvert a évoquée, c'est-à-dire que les procureurs vont essentiellement hériter de ce fardeau et devoir non seulement intenter des poursuites, mais également en défendre le caractère constitutionnel chaque fois qu'ils sont impliqués dans une affaire?
Me Anne-Marie Boisvert: Nous avons dit que ces dispositions prêtaient à des contestations fondées sur leur validité constitutionnelle. Nous n'en avons pas discuté, mais personnellement, je pense que si notre pays, après, je l'espère, y avoir réfléchi davantage, décide de donner ce genre de pouvoir à ses policiers, dans notre société, il serait préférable que ce soit le Parlement qui prenne la décision plutôt que de s'en remettre aux tribunaux. À mon avis, c'est une décision que devraient prendre les députés.
M. Peter MacKay: En ce qui concerne la gravité de la situation et l'urgence d'une intervention contre le crime organisé, votre argument est discutable. Je pense qu'il y a amplement de preuves qui démontrent que ces activités se multiplient. Il y a certains domaines où, je pense, la situation est particulièrement précaire. Les collectivités situées sur nos côtes semblent notamment être visées, vu que l'on peut y faire transiter des marchandises de contrebande, et il y a d'autres activités qui semblent être en pleine expansion—l'extorsion, la prostitution, la vente de drogues illicites et les ventes d'armes.
Toutefois, pour jouer le rôle de l'avocat du diable, je dirais que ces derniers mois, nous avons été témoins d'arrestations de grande envergure et d'une victoire apparemment éclatante remportée par la police, avant que cette nouvelle loi soit en vigueur, ce qui amène tout naturellement à poser la question suivante: Cette loi est-elle nécessaire? La police est-elle en mesure, en vertu des dispositions actuelles du Code criminel, de combattre le crime organisé?
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Nous verrons le résultat.
Me Carole Brosseau: En réponse à votre question, je dirai que la question du crime organisé est fort complexe et que l'inflation législative, si je puis dire, des dernières années n'a pas contribué à le combattre véritablement.
J'ai participé à d'autres forums, dont l'étude d'un projet de loi visant à modifier la Loi sur la police du Québec, et on y a fait le constat que les organisations policières devraient avoir pour objectif de collaborer mieux entre elles pour combattre le crime organisé, ce qu'elles ne font pas actuellement. Cela constituerait un outil important.
D'autre part, un journaliste qui étudiait de près les organisations criminelles, particulièrement les motards, disait, et cela a été prouvé, que ceux-ci s'organisaient en corpuscules, ce qui est fort différent du fonctionnement que l'on connaît du crime organisé depuis 30 ans.
Ce sont les moyens qu'ils ont à leur disposition. Je crois que tous ces moyens sont actuellement disponibles dans le Code criminel. Je pense que cette loi ne fournira pas d'autres moyens pour combattre véritablement le crime organisé, parce que cela doit se faire à l'échelle internationale et non pas au niveau local. Cela n'aurait pas l'impact que nous souhaitons, à mon avis.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Je vous l'accorde, nous n'avons pas, nécessairement, vu des poursuites judiciaires engagées contre tous ceux qui ont récemment été arrêtés dans le cadre de ce coup de balai. Mais vous qui faites partie, du moins certains d'entre vous, des personnes associées au système judiciaire, comment réagissez- vous aux nouvelles mesures de protection qui seront accordées? Il me semble que c'est un des aspects les plus positifs de ce texte, les dispositions qui concernent les témoins, et l'intimidation des procureurs, des avocats, des juges, des agents de police.
Est-ce que ce sont des éléments de ce texte législatif que vous jugez très positifs, auxquels vous adhérez?
Me Anne-Marie Boisvert: D'un côté, je n'ai rien contre ce qui est... La seule chose que le Barreau du Québec tient à souligner—et nous l'avons fait au cours de nombreuses interventions—c'est que nous considérons avec quelque scepticisme les déclarations selon lesquelles le Code nous protège. Je veux dire, le viol est illégal, mais ce n'est pas cela qui va m'empêcher d'être violée.
Je pense qu'à un certain moment, il peut s'avérer dangereux de donner au public l'impression fausse qu'en énonçant des lois répressives, nous nous protégeons nous-mêmes, ainsi que la population. Bien des infractions décrétées dans l'optique de protéger les témoins ou les jurys sont superfétatoires, inutiles, parce qu'il existe déjà des dispositions auxquelles on peut avoir recours dans le Code. Nous nous faisons des illusions si nous pensons que désormais, nous allons être protégés contre des gens sans foi ni loi.
Le président: Monsieur Borovoy.
M. Alan Borovoy: Je partage un bon nombre des opinions qui viennent d'être émises. Il y a une autre chose qui m'a frappé lorsque j'ai examiné les mesures de protection que l'on envisage accorder aux personnes associées au système judiciaire: encore une fois, je pense qu'elles sont beaucoup plus étendues que ne le souhaiteraient, je pense, bien des gens.
On dit que certaines de ces personnes... cela comprend les députés et les sénateurs et donc, je présume, le ministre de la Justice et le Solliciteur général. Il est stipulé que l'on ne peut pas, dans le dessein de nuire à ces personnes dans l'exercice de leurs attributions, cerner ou surveiller le lieu où elles travaillent.
Cela veut-il dire que l'on ne peut pas manifester devant leur bureau pour tenter de les obliger à changer d'avis à propos de certaines de leurs politiques?
Par ailleurs, il y a l'interdiction de communiquer avec ces personnes de façon répétée. Or, je sais qu'une tactique politique à laquelle on a souvent recours est d'inonder de courrier le bureau d'un ministre. Est-ce que cela va également à l'encontre de cette disposition?
Ici encore, on exagère et, selon moi, on risque ainsi des contestations fondées sur les dispositions de la charte, parce que cela met en cause la liberté d'expression, la liberté de réunion—des libertés essentielles. Pourquoi voudrait-on, par le biais de ce projet de loi, protéger les ministres du Cabinet, les députés, les représentants élus, et interdire qu'ils soient cernés ou surveillés, du moins sur leurs lieux de travail?
Rappelez-vous que le Code criminel prévoit une exception en ce qui concerne les manifestations. Je ne vois pas de tels... En passant, je pense que l'exception qui existe actuellement est trop restreinte pour permettre des manifestations légitimes. Quoi qu'il en soit, on ne trouve rien de comparable dans ce texte législatif. Vous voyez donc qu'encore une fois, on exagère et on menace réellement des libertés fondamentales.
Le président: Merci, monsieur Borovoy.
Monsieur Cotler.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Peut-être devrais-je commencer en ouvrant une parenthèse pour signaler que j'ai comparu avec M. Borovoy devant la Commission McDonald.
M. Alan Borovoy: Vous vous trahissez. Vous étiez tellement plus jeune.
M. Irwin Cotler: C'était dans ma vie antérieure, lorsque j'étais conseiller juridique spécial.
Le débat m'amène à soulever deux questions qui faisaient déjà partie de celles qui ont été évoquées devant la Commission McDonald. J'aimerais entendre les observations d'un ou des témoins à cet égard.
Premier point: ce n'est pas que la police a besoin de pouvoirs plus étendus, mais plutôt qu'elle n'utilise pas de façon efficace les pouvoirs dont elle dispose à l'heure actuelle. Deuxième point: ce n'est pas de pouvoirs plus étendus dont la police a besoin, mais des ressources nécessaires pour les utiliser. Pour vous donner un exemple, je vais prendre la situation qui existe au Québec en ce qui concerne les poursuites contre les gangs de motards et autres interventions de ce genre.
J'ai entendu les procureurs du Québec faire état de plusieurs préoccupations. La première, c'est qu'il n'y a tout simplement pas assez de procureurs.
Deuxièmement, ils sont sous-financés et, en conséquence, certains d'entre eux s'en vont, par exemple, en Ontario, où ils peuvent gagner deux fois plus d'argent ou devenir avocats de la défense.
Troisièmement, ils sont surchargés de travail, on leur confie trop de dossiers et ils souffrent en fait d'épuisement professionnel. Cela s'est parfois terminé tragiquement par le suicide de certains procureurs.
Quatrièmement, ils n'ont pas les ressources techniques voulues. Par exemple, certains procureurs du Québec se retrouvent dans une situation absurde parce que, contrairement aux avocats de la défense, ils n'ont pas accès à des ordinateurs. Dans ce genre de situation boiteuse, il est presque impossible d'engager des poursuites judiciaires efficaces contre le crime organisé.
Enfin, le gouvernement ne leur accorde pas assez de protection pour qu'ils puissent faire leur travail, ce qui fait partie des appréhensions qu'ils peuvent avoir.
• 1105
En résumé, j'aimerais savoir ce que vous pensez de, numéro un,
l'idée selon laquelle les pouvoirs qui sont conférés actuellement
ne sont pas utilisés de façon efficace et, numéro deux, du fait
qu'il n'y a pas assez de ressources et que, si elles étaient
suffisantes, ceux qui les détiennent seraient en mesure d'utiliser
plus efficacement les pouvoirs qui leur sont conférés à l'heure
actuelle?
Me Anne-Marie Boisvert: Deux choses—c'est ce que l'on dit. Je me souviens de la première opération où les différents corps policiers du Québec étaient censés intervenir conjointement. Cela n'a tout simplement pas marché. On prétend que c'est parce qu'ils n'avaient pas de ressources suffisantes. Mais je me souviens que l'on était alors en plein dans la négociation d'une convention collective, et le moyen qu'avait choisi le syndicat d'exercer des pressions était de faire échouer cette opération. Je ne pense pas que ce soit le seul exemple que l'on puisse donner.
Pour ce qui est des procureurs, ce que vous avez dit reflète bien la situation. J'ajouterais qu'il y a une chose que possèdent les procureurs du Québec, c'est le talent. Alors, imaginons qu'ils réussissent. La situation dans les prisons est toujours difficile à gérer. Voyez tous ces motards qui ont été arrêtés. S'ils sont reconnus coupables, comment allons-nous gérer la situation en ce qui concerne leur incarcération? Je sais que l'on fera appel aux pénitenciers fédéraux, mais ce n'est pas tout que de les arrêter.
Le président: Monsieur Borovoy, voulez-vous répondre à M. Cotler?
M. Alan Borovoy: Je pense que l'on a répondu à sa question.
Le président: Madame Allard.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour. Je veux vous remercier de votre participation aujourd'hui, madame Brosseau, monsieur Borovoy et madame Boisvert.
Je suis membre du Barreau du Québec et je suis un peu surprise de la position de ce dernier ce matin. Vous dites publiquement qu'il n'y a pas d'urgence à adopter de nouvelles mesures pour lutter contre le crime organisé.
Je réagis à votre position, qui préconise le statu quo. On a laissé se développer ces bandes de motards au sein de la société et je me demande si votre position va rassurer la population du Québec, qui réclame à cor et à cri des mesures plus sévères pour lutter contre le crime organisé.
Je pense au journaliste Michel Auger, je pense au propriétaire de bar qui s'est fait tuer à coups de bâton. Il y a de nombreux exemples au Québec. Je comprends donc mal qu'un organisme comme le Barreau du Québec en arrive à défendre le statu quo.
Je comprends, par contre, vos bémols. Vous vous inquiétez de la prolifération des lois et de l'alourdissement du Code criminel qui risquerait d'en résulter. Je soulignerai un aspect de ce projet de loi: l'appartenance à un gang. Des gens se promènent avec des emblèmes des Hells Angels. N'y a-t-il pas un moyen terme, qui pourrait satisfaire le Barreau du Québec, entre ne rien faire et le statu quo?
Me Anne-Marie Boisvert: Je suis contente de votre question, parce qu'elle me permet de dissiper une ambiguïté.
Je suis d'accord avec vous quand vous parlez d'urgence et je crois que le Barreau du Québec ne dirait jamais qu'il n'y a pas d'urgence à lutter contre le crime organisé, que ce phénomène n'est pas important et qu'il ne mérite pas qu'on y porte une attention particulière et rapide.
Quand j'ai parlé d'urgence, je le faisais en relation avec les documents de consultation, entre autres, sur la nouvelle immunité pour les policiers. Suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Shirose-Campbell, on a semblé croire que ce que la cour a dit constituait une nouveauté. Ce qu'on dit là-dessus, c'est que cet arrêt n'a rien changé à la situation existante, n'a pas créé de situation d'urgence sur cette question. Ce que la Cour suprême a dit en passant, dans trois lignes, on le savait au moins depuis la Commission MacDonald, et c'est sur cet aspect que le Barreau du Québec dit d'attendre, de ne pas créer de fausses situations d'urgence. Cette question est particulièrement délicate; prenons le temps d'en discuter davantage.
• 1110
Je vous remercie de me permettre de discuter.
Pour ce
qui est de la lutte à la criminalité organisée, je ne
voudrais qu'on comprenne à mes propos qu'il n'y a
pas d'urgence.
[Traduction]
Le président: Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, AC): J'aimerais poser une question. J'aurais voulu la poser auparavant à la ministre, mais vous semblez, vous aussi, être tout à fait au courant.
Vous craignez de donner à la police la possibilité de commettre des actes illégaux dans des circonstances où elle soupçonne quelqu'un d'activités criminelles. Ce qui me préoccupe, c'est que dans ce projet de loi, il ne semble y avoir aucune disposition concernant les dommages qui peuvent découler d'une opération policière, par exemple—comme vous l'avez mentionné—quand une grange est brûlée.
Me Anne-Marie Boisvert: C'était un exemple innocent.
M. Larry Spencer: Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui protégerait les biens de victimes innocentes ou de personnes qui seraient impliquées dans ce genre de chose, et quel est votre sentiment à ce propos?
Me Anne-Marie Boisvert: Il n'y a rien. Il n'y a qu'une disposition où l'on dit que, lorsque c'est possible, la personne dont la grange a été brûlée recevra à un moment donné une lettre où on lui dira: «C'est bien dommage pour vous, mais c'est le gouvernement qui a brûlé votre grange». Si c'est une claque en pleine figure que je reçois, je n'aurais jamais de lettre me disant que c'est un policier qui me l'a donnée, et ça finit là.
Je sais que l'indemnisation des victimes soulève des difficultés à cause des différentes compétences fédérales et provinciales, mais à partir du moment où le Code criminel autorise les corps policiers à commettre des infractions, je pense que l'on doit prévoir des indemnisations pour les victimes. Toutefois, il n'y a rien.
M. Larry Spencer: Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui empêcherait un citoyen de chercher à se faire indemniser des dommages qu'il a subis?
M. Alan Borovoy: Non, mais voudriez-vous imposer ce genre d'obligation à un innocent citoyen qui a été victime d'actes illégaux commis au nom de l'État, c'est-à-dire charger le citoyen de talonner les pouvoirs publics pour obtenir une indemnisation? Certes, il devrait avoir le droit de le faire, mais on devrait aussi prévoir l'obligation d'accorder une indemnisation dans ces cas-là.
Me Anne-Marie Boisvert: J'ajouterais d'ailleurs que le Code—c'est ce que je comprends, et il se peut que cela soit un peu théorique—justifie ce genre de chose. Or, quelque chose qui est justifié, dans le cadre de la loi, est légal. Une arrestation est un recours justifié à la force, et une arrestation est légale, ce n'est pas un tort que l'on fait subir à quelqu'un. Une personne qui a été arrêtée légalement ne peut avoir aucune revendication contre le gouvernement. Donc, si quelqu'un est «victime» d'un acte qui a été commis légalement mais qui, dans d'autres circonstances, serait illégal, je ne suis pas sûre qu'elle ait un recours.
M. Alan Borovoy: Ce n'est pas clair.
Le président: Je vous remercie tous. Je donne la parole à M. Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis probablement le membre du comité que l'on s'attendrait le moins à voir demander qu'on donne à la police un pouvoir légal plus étendu, sans parler du pouvoir de déroger à nos lois. Cela dit, au cours des 15 ou 20 dernières années, j'ai vu la ville où j'habite changer. Il y a de la drogue qui circule, des prostituées, des salons de massage, des boîtes de strip-tease, et tous ces petits commerces sont contrôlés par le crime organisé—contrôlés ou approvisionnés. Que le crime organisé soit propriétaire ou non de ces établissements n'a aucune importance, car c'est le crime organisé qui les approvisionne.
Nos services de police sont raisonnablement bons, mais c'est dans le cadre d'opérations d'infiltration qu'ils obtiennent les meilleurs résultats. Je crois qu'on doit les autoriser à ne pas respecter la loi pour mener des opérations d'infiltration efficaces. Cela me fait peur, mais je crois qu'ils ont besoin de cela.
• 1115
Même si quelqu'un a pu dire que le crime organisé agit
maintenant par l'entremise de corpuscules, ce n'est pas vrai dans
mon cas. Le gang de motards qui sévit dans ma localité est en train
de s'affilier à un énorme gang international.
Je veux que la police ait ce pouvoir, même si cela me fait peur de le lui donner. J'ai le sentiment que c'est quelque chose que je dois faire. Je me rends compte que cela ne va pas me permettre de redonner à ma ville le visage qu'elle avait auparavant. Cela n'arrive jamais. Mais je veux arrêter la progression de ce cancer qui attaque nos grands centres urbains.
Bref, je sais que je ne vous ai pas posé de question, mais je suis sûr que vous allez présenter une défense passionnée de la position que vous avez adoptée, et que nous allons tous en tirer des enseignements.
Merci.
Me Anne-Marie Boisvert: Je vais juste dire quelques mots. Je pense que nous avons fait valoir notre position et nous n'allons pas commencer à discuter. Nous n'avons pas le temps, et je ne ferais que me répéter.
Je vais toutefois répéter une chose: ce qui vous préoccupe, c'est le crime organisé. Or, les pouvoirs qui sont donnés par le biais de ce texte couvrent toutes sortes d'enquêtes. Une fois ce projet de loi adopté et ses dispositions à cet égard intégrées au Code criminel, elles s'appliquent à tout.
M. Alan Borovoy: Il y a un point intéressant qui émane de la question que vous avez posée. Chaque fois j'ai examiné des documents émanant du gouvernement où l'on essaie de donner des exemples pour illustrer le genre de pouvoir qui pourrait être en cause—la drogue, le jeu, la prostitution, la fausse monnaie, la contrebande, des choses de ce genre—il s'agit toujours essentiellement de ce que l'on appelle des infractions sans victime. Alors, vous pourriez peut-être envisager de faire une distinction. Même si cela va au-delà de ce dont les corps policiers ont démontré la nécessité, si vous voulez leur donner une certaine marge de manoeuvre, donnez-la leur pour ce genre d'infraction. Ne leur donnez pas de marge de manoeuvre dans une situation où ils peuvent, dans le cadre d'activités qui seraient par ailleurs illégales, causer du tort à des gens innocents.
Si vous envisagez les choses de cette façon, vous pourriez utiliser cela pour faire une distinction au lieu d'autoriser pratiquement n'importe quoi, sauf les cas extrêmes, très rares, qu'ils ont mentionnés. Ce pourrait être quelque chose qui vous conviendrait. A-t-on jamais entendu quelqu'un suggérer que les corps policiers ont besoin d'un pouvoir qui les autorise à brûler une grange ou qu'ils ont besoin d'un pouvoir qui les autorise à agresser des gens, alors qu'ils ne sont pas censés causer des lésions corporelles? S'ils n'ont pas besoin de ce pouvoir, pourquoi devrions-nous ne serait-ce qu'envisager le leur donner?
Le président: Merci.
Monsieur Bellehumeur, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: L'histoire nous démontre qu'il y a même des policiers au Québec qui faisaient des bombes. Alors, il y a la question de la grange, mais il y a la question des bombes également.
Lorsque la ministre a présenté son Livre blanc, la réaction, au sujet de l'immunité de tout fonctionnaire, était exactement qu'il faudrait cibler davantage au niveau du crime organisé. Je pense que ce que vous faites n'est pas peine perdue. On va peut-être être capables de convaincre la ministre.
Pour ce qui est de l'opération Printemps 2001, je pense que tout le monde s'entend pour dire que cela a été une belle réussite en ce qui a trait au travail des policiers. Mais avant de crier victoire ou avant de dire que la mesure législative, à ce niveau, convient à 100 p. 100 et que le Code criminel, finalement, ne devra peut-être pas être modifié pour voir le résultat, je veux attendre de voir, au bout du processus judiciaire, combien, sur la centaine et plus, auront été reconnus coupables de gangstérisme et auront des sentences. Moi, je m'interroge sur le résultat final.
Vous avez peu de temps pour répondre à ma question et expliquer ce point important, mais je vais sûrement le lire dans votre mémoire. Quand vous donnez l'exemple d'un syndicat qui manifeste devant la résidence du ministre, par exemple, ou devant son ministère, j'ai beau lire la définition d'organisation criminelle et lire également ce que dit l'article 423 sur l'intimidation, je ne suis pas capable d'y entrer cette manifestation légitime d'un syndicat devant une résidence, même pendant 25 jours consécutifs, ni tout le critère d'intimidation ou ce que vous voulez passer comme message. De plus, dans la définition d'organisation criminelle, on mentionne que c'est la principale activité et que c'est pour des infractions graves pour lesquelles on donne une série de critères qui, selon moi, ne correspondent pas au travail d'un syndicat.
• 1120
À l'article 423 on peut lire: «use de violence ou de
menaces...» Ce sont des menaces proférées aux parents et
aux enfants de cette personne. On peut y lire aussi
«...suit avec persistance...»
Il me semble que cela n'entre pas
non plus, mais peut-être que je suis dans l'erreur.
J'aimerais que, dans le mémoire que vous allez
produire, vous examiniez cela attentivement pour
m'éclairer.
[Traduction]
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Bellehumeur.
Qui est pressé de commencer?
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je pense qu'il veut que vous répondiez sommairement.
Me Anne-Marie Boisvert: Sommairement, on peut pousser l'imagination un tout petit peu plus loin et, pour le moment, pendant qu'on rédige, vous pouvez toujours penser à l'exécutif de certaines organisations syndicales au moment où des moyens de pression sont exercés, où des boyaux d'incendie sont percés, où des camions sont renversés, où des voitures sont endommagées. Pensez à cela.
M. Michel Bellehumeur: Est-ce punissable de cinq ans et plus, ça? Est-ce qu'il a des gens qui écopent de cinq ans et plus pour avoir percé des boyaux?
Me Anne-Marie Boisvert: Non, mais ça pourrait entrer dans la définition.
[Traduction]
M. Alan Borovoy: Non. Il n'est pas nécessaire qu'ils le fassent pendant cinq ans de plus. Cependant, je crois que vous confondez deux articles. Tout d'abord, il y a la définition d'organisation criminelle. Dans l'article 27, on dit qu'il doit s'agir d'«un des objets principaux ou une des activités principales», et il se peut fort bien que pendant un certain temps, les principales activités d'un groupe soient de commettre des actes d'obstruction. Ne confondez pas l'article où l'on donne la définition avec l'autre, celui où l'on parle des actes interdits.
À l'article 11, qui concerne les actes interdits, il est stipulé qu'un de ces actes interdits est de «cerner ou surveiller le lieu où une personne associée au service judiciaire» travaille, dans le dessin de nuire à cette personne dans l'exercice de ses attributions. Cela pourrait être une bonne description d'une manifestation, c'est ce que l'on fait lorsqu'on manifeste, cerner et surveiller.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Injustement et sans autorisation... En tout cas...
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur DeVillers.
[Traduction]
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je veux juste relever certains commentaires qui ont été faits à propos du processus par des députés et par des témoins. Je ne pense pas que l'on devrait confondre les audiences du comité et le processus dans sa totalité. Par exemple, beaucoup d'amendements ont été apportés dans la foulée des travaux du sous-comité qui a tenu de nombreuses audiences. Par ailleurs, on a produit un livre blanc, qui était le résultat de consultations menées par les ministères concernés, etc.
Plus précisément, à propos des exemples donnés par M. Borovoy, celui de l'association de pêcheurs qui percutent des bateaux et celui des syndicats, lorsqu'on examine l'article 27 où est donnée la nouvelle définition d'organisation criminelle, il y est stipulé que cela veut dire:
-
un groupe d'au moins trois personnes, quel qu'en soit le mode
d'organisation, dont un des objets principaux ou une des activités
principales et de commettre ou de faciliter une ou plusieurs
infractions graves
Dans ces exemples, qu'il s'agisse de percuter des bateaux, de manifester illégalement ou de commettre des actes d'obstruction, cela serait certainement... Prétendez-vous que pour ces syndicats ou ces associations de pêcheurs, ce serait leur principal objectif ou leur objet principal? Ne pourrait-on pas arguer qu'il s'agit, dans leur cas, d'une activité occasionnelle et de mesures extrêmes?
M. Alan Borovoy: Ce que je prétends, c'est qu'il peut y avoir des périodes au cours desquelles des groupes appartenant à ces syndicats ou à ces associations—parce qu'il faut se rappeler que cet article vise des groupes qui peuvent ne comprendre que trois personnes—peuvent avoir pour objet principal de telles activités, c'est-à-dire commettre des actes d'obstruction. C'est un méfait et cela serait une infraction grave, ou pourrait l'être, au cas où il y aurait des dommages à des biens d'une valeur de plus de 5 000 $. Cette disposition pourrait donc s'appliquer à une situation de ce genre qui dure pendant un certain temps, parce qu'il n'y a aucune indication dans le projet de loi sur la durée de telles activités.
M. Paul DeVillers: Vous dites donc que trois manifestants pourraient être considérés comme un groupe constitué au sein d'un syndicat qui, alors, ne serait plus le groupe en cause.
M. Alan Borovoy: C'est exact. Il pourrait y avoir un groupe au sein du syndicat. Il se pourrait, disons, que pendant une grève, un groupe de 12 personnes appartenant au syndicat concerné se livrent à plusieurs activités illégales. Si cela se poursuit pendant un certain temps et s'ils complotent jour après jour, aussi illégal que cela puisse être, la difficulté, c'est que cela pourrait... Je ne peux pas l'assurer, tout ce que je peux dire, c'est que cet énoncé est terriblement élastique et pourrait couvrir ce genre d'activité.
M. Paul DeVillers: Donc, même si M. Bellehumeur avait gain de cause et si nous faisions du fait d'appartenir à un gang l'activité illégale, la même question se poserait toujours à propos d'un groupe de trois membres qui se serait constitué au sein de ce gang.
M. Alan Borovoy: S'il avait gain de cause à cet égard, avec tout le respect que je lui dois, cela ne ferait qu'empirer la situation.
M. Paul DeVillers: Merci.
Le président: Monsieur Toews, vous avez trois minutes.
M. Vic Toews (Provencher, AC): J'ai une brève observation. Je n'ai pas entendu toutes vos déclarations, mais quelqu'un a dit ici aujourd'hui que les opérations policières n'avaient pas un caractère d'urgence au point de rendre ce projet de loi nécessaire.
De fait, je me souviens avoir lu il n'y a pas très longtemps qu'un bon nombre d'opérations policières avaient dû être stoppées précisément à cause de la décision de la Cour suprême du Canada. Ces opérations ont été entravées parce que les corps policiers en question ont perdu des pouvoirs qu'ils pensaient avoir. Qu'ils les aient détenus ou non, ils ont indiqué que c'est sur cette base qu'ils procédaient. Ils ont dû mettre fin à plusieurs opérations.
Certaines des suggestions que vous avez faites me préoccupent au plus haut point. À cela s'ajoutent, généralement, des réserves à l'égard de certains des processus qui découlent de la charte. Des agents de police nous ont dit qu'auparavant, cela leur prenait une ou deux heures pour finaliser une arrestation. Maintenant, cela leur prend trois, quatre ou cinq heures. Et de l'avis de bon nombre de ces agents, il n'y a pas eu une amélioration notable de la qualité de la justice qui est rendue. Cela s'est traduit simplement pour eux par plus de paperasse et plus d'obstacles juridiques à éviter pour ne pas commettre d'erreurs sur lesquelles pourraient bondir les avocats lorsqu'ils sont appelés à témoigner en cour.
Si le projet de loi est adopté, ce sont les agents de police qui fixeront certaines normes et qui détermineront qui a le pouvoir de faire quoi sans que l'appareil judiciaire soit impliqué; or, il m'a semblé vous entendre dire que nous devrions impliquer l'appareil judiciaire dans le fonctionnement quotidien des corps policiers, et cela me préoccupe énormément.
J'accepte qu'à cause de la charte, l'appareil judiciaire soit impliqué dans l'examen général d'une poursuite particulière et, dans ce contexte, dans une opération que peut avoir lancé un corps policier. Mais si vous recommandez d'impliquer maintenant l'appareil judiciaire dans la conduite journalière des opérations de police, je pense que nous allons voir graduellement se détériorer l'efficacité de nos agents de police et des enquêtes qu'ils mènent. Tout ce que je peux dire, c'est qu'à mon avis, la proposition avancée par les libéraux et la ministre à cet égard est une mesure pondérée et très raisonnable pour régler un problème très grave dont, à mon avis, beaucoup de gens ne soupçonnent pas l'existence.
J'espère que parmi les représentants de la police que nous accueillerons, il y en aura qui remettront en perspective certaines de ces observations.
M. Alan Borovoy: J'aimerais principalement répondre aux observations que vous avez faites au début, lorsque vous avez dit qu'à la suite de l'affaire Campbell et Shirose, beaucoup d'enquêtes avaient dû être suspendues.
Il faut bien voir que les lacunes dans la capacité de la police de mener des enquêtes qui ont été découvertes à la suite de cette affaire ont depuis été comblées par des textes législatifs. On a maintenant pris des mesures pour autoriser les agents de police à faire ce qu'on leur a dit qu'ils ne devaient pas faire—c'est-à-dire procéder à des opérations de vente surveillée et prétendre être vendeurs de drogues illégales.
Je me demande alors, vu les mesures correctives qui ont été prises, quel besoin il y a de donner aux policiers d'autres pouvoirs pour enfreindre la loi? De quel besoin a-t-on fait la preuve? Qui l'a fait? Quel est ce besoin? Ce n'est pas une réponse que de dire qu'il est urgent d'agir contre le crime organisé. Je reconnais qu'il en est ainsi, mais cela ne prouve pas que la police a besoin de détenir le pouvoir d'enfreindre la loi pour faire face au problème. J'attends encore que l'on me présente une preuve de ce besoin, à tous les égards.
Le président: De ce côté-ci, je donne la parole à Mme Sgro.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci. Excusez-moi de ne pas avoir été présente au début de la réunion, mais nous devons faire beaucoup d'allés et venues. Nous devons participer aux travaux de divers comités et parfois, nous devons aller de salle en salle pour y passer une quinzaine de minutes.
Monsieur Borovoy, je partage nombre des préoccupations des députés à propos des pouvoirs étendus que l'on se propose de donner à la police, mais en même temps, comme vous, je reconnais que les corps policiers doivent être en mesure de faire certaines choses. La question qui se pose est la suivante: Comment pouvons-nous trouver un juste milieu entre la nécessité de respecter les droits des gens et celle de régler certains des très graves problèmes qui se posent? La police est souvent gênée, nous le savons tous, lorsqu'elle essaie d'obtenir les preuves dont elle a besoin.
Vous dites que le projet de loi a une trop large portée et que nous devons la restreindre. En vertu des dispositions de ce projet de loi, les policiers ne vont pas pouvoir tout simplement aller de l'avant et agir comme bon leur semble; il va falloir qu'ils s'adressent à un fonctionnaire public et, d'après ce que je comprends, obtenir son autorisation pour pouvoir se livrer à ce genre d'activité. Cela signifie qu'ils doivent pouvoir donner des raisons justifiant la prise de ce genre de risque. Ils ne vont pas bénéficier d'une autorisation générale qui leur permettrait de se dire: «Bon, en vertu du projet de loi C-24, nous pouvons maintenant faire tout ce que nous jugeons nécessaire pour atteindre, au bout du compte, l'objectif qui a été fixé». Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour examiner ce texte, mais c'est ce que je crois comprendre.
M. Alan Borovoy: Selon moi, on ne résout pas le problème en disant qu'il faut qu'ils s'adressent à un des fonctionnaires publics dont ils dépendent pour justifier leurs actes. Il faut se rappeler que ces fonctionnaires publics ont essentiellement les mêmes priorités qu'eux en matière d'application de la loi, des priorités qui, naturellement, sont très importantes, mais qui doivent être évaluées, comme nous le reconnaissons tous, par rapport aux droits et aux libertés individuels que cela fait entrer en jeu. Vous ne parviendrez pas à faire l'équilibre entre les deux si ce sont des gens qui appartiennent à la même institution que vous qui autorisent vos activités. Vous vous rappelez peut-être que nous avons fait face au même problème dans un contexte quelque peu différent il y a quelque temps. Cela ne résout donc pas le problème.
En outre, dans les critères qui sont mentionnés, il n'est pas question d'un acte «nécessaire pour préserver la vie.» On dit, à propos de toute une série d'infractions éventuelles, que leur commission doit être «juste et proportionnelle». Mais juste et proportionnelle selon qui? Sur qui allons-nous compter pour le déterminer? C'est très risqué.
Parfois, nous devons prendre ce genre de risques, mais c'est la raison pour laquelle à mon avis, si l'on veut les prendre, il faut démontrer que c'est nécessaire. Tout ce que nous a dit le gouvernement, c'est que ce projet de loi est nécessaire à cause de l'affaire Campbell et Shirose; mais des mesures ont déjà été prises en réaction à cette affaire. La police détient le pouvoir qu'elle n'avait pas pour mener à bien l'enquête en question. Alors, de quoi a-t-on besoin? C'est à cela que l'on revient. Selon moi, dans une démocratie, nous ne devrions pas envisager donner à qui que ce soit le pouvoir de causer du tort par des moyens illégaux à des citoyens innocents, sans être en mesure d'avancer des arguments extrêmement convaincants à l'appui d'une telle décision. J'attends de les entendre.
Me Anne-Marie Boisvert: Nous ne sommes pas naïfs à ce point. À l'heure actuelle, la défense traditionnelle de situation de nécessité et les pouvoirs discrétionnaires dont disposent les procureurs constituent un système de freins et de contrepoids. Est-ce que les policiers impliqués dans l'affaire Campbell et Shirose ont été poursuivis? Parce que c'est ce que l'on entend dire actuellement: «Nous ne pouvons pas agir parce que nous allons être poursuivis.»
M. Alan Borovoy: Puis-je vous interrompre un moment? J'ai un meilleur exemple.
On nous a parlé de ces agents de la GRC qui ont commis des infractions pendant 30 ans; c'est uniquement dans la province du Québec que des poursuites ont été engagées contre eux. Je ne pense pas non plus qu'aucun d'entre eux ait été reconnu coupable. Mais peu importe; vu que les procureurs, aux niveaux fédéral et provincial, ont exercé leurs pouvoirs discrétionnaires, aucun de ces agents n'a été poursuivi.
Le président: Une dernière question.
Madame Judy Sgro: Il va falloir changer les règles, monsieur le président. Nous n'avons jamais la possibilité de poser des questions.
Monsieur Borovoy, à qui donc devraient-ils s'adresser, si ce n'est pas un fonctionnaire public, pour obtenir l'autorisation de faire ce qui, à leur avis, est véritablement nécessaire?
M. Alan Borovoy: La question que vous posez n'est pas la bonne, je pense. Il faudrait ajouter: en dehors du cadre des dispositions législatives qui existent—en effet, la défense de situation de nécessité existe déjà. Si vous devez faire quelque chose pour sauver quelqu'un qui est en danger imminent ou quelque chose de semblable, vous pouvez le faire. Donc, la défense de situation de nécessité existe déjà et les procureurs jouissent d'ores et déjà de pouvoirs discrétionnaires.
Ainsi, la question à poser ne devrait pas être: «À qui devez-vous vous adresser pour obtenir la permission de commettre une infraction?», mais: «Pourquoi a-t-on besoin d'instituer d'autres pouvoirs pour enfreindre la loi?» Cette question est toujours sans réponse. Comme je l'ai dit, ce n'est pas une réponse que de dire qu'en ce qui concerne le crime organisé, la situation est grave. Cela ne signifie pas que l'on doive enfreindre la loi pour y faire face.
À noter une chose intéressante dans ce contexte. Ces derniers jours, nous avons interrogé plusieurs spécialistes américains—ne vous inquiétez pas, je n'ai pas l'intention de vous faire un exposé sur le droit américain—et ils nous ont dit qu'il n'existe rien de comparable à ce dont nous parlons dans le système américain. Et Dieu sait que les États-Unis ont été confrontés à des problèmes de crime organisé beaucoup plus importants que nous et pendant beaucoup plus longtemps. Il existe certains pouvoirs restreints et, comme je l'ai dit, c'est le genre de chose dont on peut discuter, mais rien du même type que ces propositions.
Le président: Merci.
Je tiens à remercier chaleureusement les témoins et à souligner encore une fois que, même si vous avez dû vous préparer très rapidement, les arguments que vous nous avez présentés sont très cohérents et nous apprécions énormément vos interventions.
Mesdames et messieurs, j'aimerais attirer votre attention sur deux ou trois points qui ont trait aux affaires du comité.
De façon générale, les plans pour la semaine prochaine, en ce qui concerne ce projet de loi, sont les suivants: cet après-midi, nous tiendrons des audiences au cours desquelles nous entendrons des témoins et demain, nous accueillerons le Solliciteur général qui nous parlera du budget principal des dépenses. Jeudi matin, il y aura d'autres audiences sur le projet de loi C-24. Le mardi 15 mai, nous tiendrons encore d'autres audiences sur ce projet de loi et, pour le moment, nous prévoyons passer à l'étude article par article cet après-midi là.
J'aimerais apporter une correction aux fins du compte-rendu. Un des témoins a fait remarquer que nous consacrions deux jours d'audiences au projet de loi. J'ai dit qu'en fait, c'était quatre jours, mais j'ai confondu le nombre des groupes que nous devons entendre et le nombre des jours d'audiences. Nous allons entendre cinq groupes, y compris les ministres, au cours d'une période de trois jours. Je voulais juste que tout le monde soit au courant de nos plans.
Je vous remercie. La séance est levée.