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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 novembre 2003




Á 1145
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         M. Paul Spurgeon (vice-président, Services juridiques et conseiller juridique, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)

Á 1150

Á 1155
V         Le président
V         M. Paul Spurgeon

 1200
V         Le président
V         Mr. Paul Spurgeon
V         Le président
V         M. Paul Spurgeon
V         Le président
V         M. Jay Thomson (président, Association canadienne des fournisseurs Internet)

 1205

 1210
V         Le président
V         M. Pierre Nollet (vice-président, avocat-conseil et secrétaire général, CBC/Radio-Canada)

 1215
V         Le président
V         M. Pierre Nollet
V         Le président

 1220
V         M. Douglas Cooper (président, Intel of Canada Limited; Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale)

 1225
V         Le président
V         Mme Diane Brisebois (présidente et directrice générale, Retail Council of Canada, Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale)

 1230
V         Le président
V         M. Claude Brunet (conseiller juridique, Ogilvy Renault; Société canadienne de perception de la copie privée)

 1235
V         M. Paul Audley (consultant, Paul Audley & Associates Ltd.; Société canadienne de perception de la copie privée)

 1240
V         Le président
V         M. Claude Brunet

 1245
V         Le président
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne)
V         M. Pierre Nollet
V         M. Jim Abbott
V         M. Paul Audley

 1250
V         M. Jim Abbott
V         M. Paul Audley
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         M. Paul Spurgeon

 1255
V         Le président
V         M. Paul Spurgeon
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)
V         M. Pierre Nollet
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Le président
V         M. Alex Shepherd (Durham, Lib.)
V         M. Paul Audley

· 1300
V         M. Alex Shepherd
V         M. Paul Audley
V         Le président
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         Mme Diane Brisebois
V         M. Douglas Cooper
V         Le président
V         M. Douglas Cooper
V         M. Douglas Cooper
V         Le président

· 1305
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         M. Douglas Cooper
V         Le président
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.)
V         Mme Diane Brisebois
V         Mme Liza Frulla
V         Mme Diane Brisebois
V         M. Douglas Cooper
V         Le président
V         Mme Liza Frulla

· 1310
V         M. Claude Brunet
V         Mme Liza Frulla
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         M. Douglas Cooper
V         Le président
V         Mme Diane Brisebois

· 1315
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Claude Brunet
V         Le président
V         M. Claude Brunet
V         Le président










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 056 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 novembre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1145)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Bonjour et bienvenue à cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien,

[Français]

le Comité permanent du patrimoine canadien,

[Traduction]

    qui se réunit aujourd'hui afin de continuer son examen de la Loi sur le droit d'auteur en vertu de l'article 92,

[Français]

qui continue son examen de la Loi sur le droit d'auteur, article 92.

[Traduction]

    Je présente mes excuses aux témoins, car il y a eu un vote, ce qui était indépendant de notre volonté, évidemment.

    Si les membres du comité le peuvent—ce que nous ne savons pas encore—et si nous pouvons poursuivre plus longtemps que prévu, nous le ferons. Si nous n'avons pas de quorum, nous ne le pourrons pas, mais nous allons essayer.

    Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, représentée aujourd'hui par son vice-président, Services juridiques, et chef du contentieux, M. Paul Spurgeon;

[Français]

l'Association canadienne des fournisseurs Internet,

[Traduction]

    représentée par son président, M. J. Thomson; la Société Radio-Canada, représentée par son vice-président, Pierre Nollet,

[Français]

avocat conseil et secrétaire général;

[Traduction]

    la Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale

[Français]

de la Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale,

[Traduction]

    qui est représentée par le président d'Intel Canada, M. Douglas E. Cooper,

[Français]

et Mme Diane J. Brisebois, présidente et directrice générale du Retail Council of Canada.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi la Société canadienne de perception de la copie privée, représentée par M. Paul Audley, consultant,

[Français]

et M. Claude Brunet, conseiller juridique.

[Traduction]

    Comme le temps nous est comté, je vous demande de limiter vos commentaires à 10 minutes au maximum. Sinon, je devrai vous interrompre afin de laisser la chance aux membres de vous poser des questions et de permettre, dans la mesure du possible, à tous les témoins de parler.

    Commençons par monsieur Spurgeon.

+-

    M. Paul Spurgeon (vice-président, Services juridiques et conseiller juridique, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique): Bonjour monsieur le président. Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.

    Je m'appelle Paul Spurgeon et je suis chef du contentieux à la SOCAN. Mon témoignage comporte trois parties. Tout d'abord, je veux être certain que vous compreniez qui est la SOCAN et quel est son mandat. Deuxièmement, conformément à l'invitation du comité, je vais parler de l'exhaustivité de la liste des grandes questions à examiner, ainsi que du calendrier de mise en oeuvre. Troisièmement, toujours afin de répondre à la demande du comité, je vais présenter notre point de vue sur la manière dont la réforme de la Loi sur le droit d'auteur devrait être mise en oeuvre et sur les principes directeurs qui devraient guider cette réforme.

    Je vais commencer par décrire qui est la SOCAN et ce qu'elle fait. La SOCAN est une société de gestion collective canadienne à but non lucratif qui représente les compositeurs, les paroliers, les auteurs-compositeurs et les éditeurs d'oeuvres musicales du Canada et du reste du monde. Au nom de nos membres actifs canadiens (25 000 créateurs et éditeurs), ainsi qu'au nom des membres des sociétés internationales affiliées en matière de droits d'exécution liés aux oeuvres musicales, la SOCAN assure la gestion collective des droits d'exécution liés aux oeuvres musicales.

    Un droit d'exécution est cette partie du droit d'auteur qui donne aux titulaires des droits d'auteurs inhérents aux oeuvres musicales le droit exclusif d'exécuter leurs oeuvres en public ou de les communiquer au public par télécommunication et le droit exclusif d'autoriser ces actes en contrepartie du paiement d'une redevance.

    Comme les représentants vous l'ont expliqué le mois dernier lors de la première séance d'information, la SOCAN, au nom de ses membres, émet des licences générales à des utilisateurs de musique qui nous versent des redevances conformes aux tarifs fixés par la Commission du droit d'auteur du Canada.

    Étant donné que les moyens de subsistance de nos membres dépendent de lois efficaces et à jour en matière de droits d'auteur, la SOCAN a toujours été active dans le processus de réforme de la Loi sur le droit d'auteur. Nous avons participé au processus de modification de la loi, la phase un, qui a permis l'adoption du projet de loi C-60 en 1988. Vous vous souvenez aussi peut-être de l'amendement de la SOCAN qui a été apporté au projet de loi C-88 il y a environ 10 ans.

    De plus, nous avons participé de près à la phase deux de la réforme de la Loi sur le droit d'auteur, avec le projet de loi C-32, vers le milieu des années 90. L'année dernière, nous avons présenté un témoignage devant votre comité au sujet des projets de loi C-48 et C-11, et de ce qu'on appelle la question de la retransmission de signaux de radiodiffusion sur Internet.

    En plus de sa participation au processus de réforme législative de la Loi sur le droit d'auteur, la SOCAN comparaît souvent devant la Commission du droit d'auteur. Nous sommes actuellement devant la Cour suprême du Canada concernant notre tarif 22 pour les redevances Internet et la responsabilité des fournisseurs d'accès Internet.

    Monsieur le président, ce qu'il faut en retenir, c'est que la question des droits d'auteur nous tient à coeur. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de vous communiquer notre point de vue au moment où vous entamez la réforme de la Loi sur le droit d'auteur en vertu de l'article 92.

    Maintenant vous savez qui nous sommes et ce que nous faisons, j'aimerais passer à la deuxième partie de mon témoignage.

    Comme vous le savez peut-être, la SOCAN a soumis le 15 septembre dernier au comité un rapport de 53 pages comportant quatre annexes. Dans ce rapport, nous avons traité d'une bonne partie de la quarantaine de questions soulevées dans le rapport du gouvernement sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur, déposé à la Chambre des communes il y a un peu plus d'un an.

    Pour faire suite à votre demande, je ne vais pas discuter ici de notre rapport. Je vais plutôt m'intéresser à la liste des principales questions qui devraient être examinées ainsi qu'au calendrier de mise en oeuvre.

    Nous croyons que le rapport du gouvernement contient une liste exhaustive des principales questions que le comité devrait examiner. Nous félicitons les fonctionnaires de Patrimoine Canada et d'Industrie Canada d'avoir fait en sorte que ce rapport constitue un point de départ achevé pour la discussion. Ils ont fait du très bon travail.

    Monsieur le président, à la lecture de l'article 92, il est évident que le Parlement a voulu s'assurer que le rapport et l'examen parlementaire aient une portée très vaste.

    Premièrement, le rapport est d'une grande portée du fait qu'il ne s'en tient pas strictement aux dispositions qui ont créé l'article 92, c'est-à-dire le projet de loi C-32. Le rapport couvre plutôt à la fois les dispositions et l'application de l'ensemble de la Loi sur le droit d'auteur.

Á  +-(1150)  

    Deuxièmement, la portée de l'examen parlementaire est grande, car elle va au-delà de l'étude du rapport. De plus, l'article 92 vous demande d'effectuer une étude indépendante et exhaustive des dispositions et de l'application de l'ensemble de la Loi sur le droit d'auteur.

    En conclusion de la deuxième partie de mon témoignage, permettez-moi de vous parler du calendrier de mise en oeuvre. Comme vous le savez, le rapport d'octobre 2002 proposait de faire le travail législatif en trois phases ou étapes différentes, c'est-à-dire ce qui devrait être fait à court terme, soit en 2003 et en 2004; à moyen terme, soit jusqu'en 2005 et 2006; et à long terme, c'est-à-dire au-delà de 2006.

    Je dois vous dire tout d'abord que je ne suis pas convaincu qu'il est possible de respecter ces phases et ces délais pour l'examen des questions. Vous le savez, il y a beaucoup d'intérêts opposés qui prennent part à la réforme de la Loi sur le droit d'auteur. Afin d'atteindre la masse critique nécessaire et de faire les compromis qui permettront de faire adopter un projet de loi par la Chambre, il faut retenir la bonne quantité et le bon type de questions pour la discussion. Il est peut-être trop tôt en ce moment pour établir cela, dans le cadre de l'exercice actuel de réforme de la Loi sur le droit d'auteur.

    Cependant, certains se souviennent peut-être des compromis qui ont été faits à la dernière minute en ce qui concerne le projet de loi C-32, avant qu'il soit mis au point par votre comité. Je ne crois pas que l'exercice actuel sera plus facile que l'adoption de ce projet de loi.

    Selon mon expérience en matière de réforme de la Loi sur le droit d'auteur, j'y travaille depuis une vingtaine d'années, je crois qu'il n'est pas plus facile de faire adopter les petits projets de loi sur les droits d'auteur que ceux ayant plus d'envergure. Lorsque la SOCAN a travaillé au projet de loi C-88, au début des années 90, nous avons passé beaucoup de temps à essayer de faire approuver la loi par toutes les parties. Je serais très surpris si cette approche fonctionne aujourd'hui, étant donné la quantité de questions à examiner.

    En outre, il est clair qu'une question législative, comme le projet de loi C-11 adopté récemment au sujet de la retransmission par Internet, peut devenir extrêmement controversée, car ce type de question oppose des créateurs et des utilisateurs. Le fait de restreindre une loi à un nombre limité de questions peut parfois rendre plus difficile l'obtention d'un équilibre équitable entre les droits des créateurs et les besoins des utilisateurs, souvent opposés.

    Je crois également que le fait d'insérer des dispositions de la réforme de la Loi sur le droit d'auteur dans des projets de loi n'ayant, en grande partie, pas de liens avec cette réforme peut créer beaucoup de controverse, comme cela s'est produit récemment avec le projet de loi C-36 et les dispositions dites de Lucy Maud Montgomery.

    Enfin, le dernier commentaire que je ferai au sujet du calendrier de mise en oeuvre, c'est que votre comité a déjà demandé une extension d'un an. De plus, nous savons qu'à la fin du mois, le Parti libéral aura un nouveau chef et que le gouvernement amorcera la quatrième année de son mandat. Ainsi, selon ce que M. Chrétien et M. Martin décideront, il est possible qu'il soit nécessaire d'attendre l'élection et le début d'un nouveau mandat de quatre ans pour réellement entreprendre la réforme de la Loi sur le droit d'auteur, en vue de respecter les délais de 2005 et de 2008.

    Cependant, et ceci est important, je précise que la SOCAN est fortement en faveur d'une adoption rapide des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI. La façon la plus rapide d'adopter ces traités serait de mettre au point une loi contenant uniquement ce qui est nécessaire pour leur adoption. Si vous ajoutez des dispositions supplémentaires, le processus sera ralenti. À ce sujet, la SOCAN est particulièrement inquiète de l'ajout du droit d'autoriser la mise à la disposition du public, qui fait parti du processus d'adoption et de ratification des traités.

    Je vais donner un autre exemple d'un processus qui, s'il était ajouté, pourrait générer de la controverse à l'étape actuelle. Les questions de l'OMPI et la question de la responsabilité des fournisseurs de services Internet (FSI) ont été énumérées dans le rapport, lequel, vous vous souviendrez, comportait trois colonnes. Dans la première, ou la colonne du court terme, il y avait les traités, et ensuite il y avait la question de la responsabilité des FSI ainsi que d'autres questions importantes en matière de réforme de la Loi sur le droit d'auteur.

    Si vous rassemblez toutes ces questions dans un seul projet de loi, l'adoption des traités de l'OMPI pourrait devenir plus compliquée et plus controversée. Vous devriez également tenir compte du fait que la SOCAN et d'autres intervenants vont se présenter le 3 décembre prochain devant la Cour suprême du Canada pour débattre de la question de la responsabilité des FSI, c'est-à-dire dans quelques semaines seulement.

    Afin de mettre les choses en perspective, je me souviens qu'en 1982, alors que le gouvernement au pouvoir proposait de déposer une série de réformes de la Loi sur le droit d'auteur, les propos d'un représentant du ministère des Communications de l'époque—dont je tairai le nom—ont été cités:

Lorsque ce projet de loi sera adopté, il sera mal accueilli par tous. En effet, en essayant de plaire à tout le monde, on ne plaît à personne. Vous traitez avec des intérêts conflictuels. (Traduction)

    Enfin, je vais conclure avec la troisième et dernière partie de mon témoignage, qui porte sur la manière dont la réforme de la Loi sur le droit d'auteur devrait se dérouler et sur les principes directeurs qui devraient guider cette réforme.

Á  +-(1155)  

    Premièrement, la SOCAN croit que la réforme du droit d'auteur devrait être un processus transparent et ouvert. Vous devriez tenir beaucoup d'audiences publiques avant de déposer votre rapport. De plus, ce rapport devrait énoncer clairement les principes directeurs de la réforme et contenir des recommandations précises au sujet des modifications à la Loi sur le droit d'auteur.

    Deuxièmement, une fois une mesure législative déposée, vous devriez tenir d'autres audiences publiques, à grande échelle, afin de permettre à tous les intéressés de se faire entendre. Vous devriez également faire en sorte que toutes les modifications émanant du comité soient effectuées d'une manière ouverte et transparente—ce dont je suis certain.

    En ce qui concerne les principes qui devraient guider la réforme, deux sont essentiels à notre avis. La SOCAN fait l'objet d'une forme de régime de licences obligatoires depuis plus de 60 ans, c'est-à-dire qu'elle doit faire approuver ses tarifs par la Commission du droit d'auteur du Canada avant de pouvoir exercer ses droits. Cependant, nous croyons que ce régime ne devrait pas s'étendre à d'autres domaines, car cela violerait les droits de propriété exclusifs de titulaires de droits d'auteur—sans parler des lois et traités internationaux—et pourrait décourager la création de contenus canadiens. Les titulaires de droits d'auteur devraient conserver le droit de décider avec qui ils veulent faire affaires et le droit de convenir des conditions de leurs relations d'affaires.

    De plus, il ne faudrait pas accorder d'autres exemptions. Les exemptions signifient que les titulaires de droits d'auteur ne sont pas payés lorsque leurs oeuvres sont utilisées.

    L'article 13 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'ADPIC, crée le test en trois étapes suivant pour la justification des exemptions. Je précise que ce test fait également partie du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur qui fait l'objet de la discussion sur la réforme.

+-

    Le président: Monsieur Spurgeon, en avez-vous encore pour longtemps avant de finir...

+-

    M. Paul Spurgeon: J'en ai pour moins d'une minute.

  +-(1200)  

+-

    Le président: D'accord, merci.

+-

    Mr. Paul Spurgeon: Les membres devraient limiter les restrictions ou les exceptions aux droits exclusifs à certains cas spéciaux, qui n'entrent pas en conflit avec l'utilisation normale de l'oeuvre et qui ne causent pas de préjudice déraisonnable aux intérêts légitimes du titulaire du droit d'auteur.

    Le régime qui est présentement appliqué à la SOCAN peut établir un juste équilibre entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs vu qu'il permet aux compositeurs, aux paroliers, aux auteurs-compositeurs et à leurs éditeurs, par l'intermédiaire de la SOCAN, de décider librement, s'ils le veulent, de ne pas exiger de redevances à l'égard d'utilisations de leurs oeuvres par des utilisateurs particuliers à des fins particulières.

    Si la SOCAN n'est pas disposée à renoncer à la rémunération qui lui revient et qu'elle est incapable de s'entendre avec un utilisateur sur une redevance, la Commission du droit d'auteur du Canada peut intervenir grâce à un mécanisme équitable qui lui permet de fixer une redevance en établissant un juste équilibre entre les droits des utilisateurs et ceux des créateurs.

    Nous croyons que ces deux principes devraient guider le comité dans ses travaux.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir écouté. La SOCAN sera heureuse de discuter à nouveau de son rapport avec vous lors de la prochaine étape de votre examen.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Monsieur Spurgeon, vous avez présenté de manière très claire le point de vue et les suggestions de la SOCAN, et nous vous en remercions.

+-

    M. Paul Spurgeon: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Thomson.

+-

    M. Jay Thomson (président, Association canadienne des fournisseurs Internet): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

    Bonjour. Je m'appelle Jay Thomson, et je suis président et directeur général de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, l'ACFI.

    Formée en 1996, l'ACFI compte parmi ses membres Bell Canada, Telus, Allstream, Sprint Canada, AOL Canada, MCI Canada, Yahoo Canada, IBM Canada, ainsi que des centaines—ou près d'une centaine—de fournisseurs de services Internet, ou FSI, de petite et de moyenne taille au Canada.

    Voici le message que je viens vous livrer cet après-midi. Dégager les FSI de la responsabilité liée au droit d'auteur lorsqu'ils agissent comme de simples agents pour permettre à des tiers de communiquer est la pierre angulaire de la réforme du droit d'auteur à l'ère numérique et est lié directement à la ratification des traités de l'OMPI.

    Je ne dis pas cela par intérêt personnel ni pour permettre aux FSI de se soustraire à leur responsabilité. Pour renchérir sur les commentaires formulés par M. Hennessy de l'ACTC à la fin de son témoignage la semaine dernière, je dis cela parce que si vous obligez les FSI à différencier les contenus parmi les milliards de paquets d'information qui passent dans leur réseau sans leur contrôle; si vous obligez les FSI, qui n'ont pas idée de ce qui se trouve dans ces paquets, à évaluer leur contenu—une fois réassemblés dans l'ordinateur de l'utilisateur final—afin de déterminer si ce contenu est réglementé par des droits d'auteur, s'il relève du domaine public, ou s'il fait l'objet d'une licence ou non; si vous obligez les FSI à payer des droits d'auteur en vertu d'une myriade de licences générales pour certaines parties du contenu, et à demander des licences individuelles pour d'autres parties du contenu, il deviendra alors impossible pour les FSI de travailler dans ce pays.

    Sans FSI, il n'y a pas d'accès Internet; sans accès Internet, il n'y a pas de diffusion numérique; et sans diffusion numérique, il n'est pas nécessaire de réformer le droit d'auteur en fonction du numérique, ni de ratifier les traités de l'OMPI.

    C'est pourquoi, pour la viabilité de tout le processus dans lequel le comité s'est engagé, il est essentiel de dégager les FSI de la responsabilité du droit d'auteur pour un contenu dont ils n'ont pas idée et qu'ils ne contrôlent pas.

    En préconisant une telle chose, je ne prétends pas à l'originalité. L'ACFI n'a pas inventé cette idée. Et je ne fais pas cette recommandation uniquement parce que les FSI le demandent, ni ne suggère quelque chose qui serait appliquée uniquement par le Canada. Au contraire, défendre une position différente placerait nettement le Canada à l'écart des autres pays industrialisés et de la communauté Internet internationale—le Canada ne serait plus un leader, mais plutôt un paria.

    Chaque grand pays industrialisé qui s'est attaqué jusqu'à présent à la réforme du droit d'auteur pour tenir compte de la technologie numérique (c'est-à-dire qui a ratifié ou qui s'est engagé à ratifier les traités de l'OMPI) a reconnu dans le cadre de la réforme qu'il n'était ni pratique ni économiquement souhaitable de confier aux FSI la responsabilité du droit d'auteur étant donné qu'ils n'ont aucune idée du contenu qui provient de millions d'ordinateurs branchés à Internet dans le monde, ni aucun contrôle à cet égard. Les États-Unis, l'Union européenne, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous reconnu que l'exemption des FSI était un élément essentiel pour la création d'une économie concurrentielle à l'échelle mondiale en matière de technologie numérique, tout en continuant de respecter les droits d'auteur des créateurs de leurs pays.

    Si ces pays ont adopté cette approche, alors pourquoi quelques personnes dans ce pays militent-elles pour l'approche contraire? La réponse est simple, si vous me permettez, car elle découle d'un argument simpliste. La seule raison pour laquelle une poignée de personnes veut ignorer ce qui s'est fait à l'échelle internationale et veut rendre les FSI responsables d'un contenu sur lequel ils n'ont aucun contrôle et dont ils n'ont aucune idée, c'est parce que ces personnes peuvent trouver les FSI à la lettre «F» dans les pages jaunes. Je n'exagère pas : tout leur argument repose sur une simple question de commodité et sur l'hypothèse erronée qu'il est plus facile pour elles de retracer les FSI que de retracer les réels responsables—les fournisseurs de contenu.

    Les quelques groupes qui avancent cette raison pour rendre les FSI responsables du contenu ne peuvent invoquer la loi ni les principes de base bien établis en matière de droit d'auteur comme base de leurs arguments. Des principes comme celui de la responsabilité visent à juste titre ceux qui choisissent d'utiliser une oeuvre assujettie à un droit d'auteur, car ils peuvent choisir de ne pas l'utiliser s'ils ne veulent pas en être tenus responsables. Ces quelques groupes font expressément abstraction du principe général voulant que la responsabilité doit incomber à l'entité qui peut choisir; ils veulent plutôt imposer cette responsabilité à la seule entité qui n'a pas la possibilité de choisir—l'exploitant du réseau qu'un fournisseur de contenu a choisi d'utiliser, le FSI.

  +-(1205)  

    Même si le droit d'auteur reposait en quelque sorte sur un droit naturel au lieu de figurer dans une loi, comme c'est le cas actuellement, même si nous ne tenions pas compte des principes juridiques et politiques fondamentaux en matière de responsabilité, et même si le Canada ne se souciait guère du fait que nos principaux partenaires commerciaux ont adopté une approche commune à cet égard, il n'est pas juste de faire relever la responsabilité du contenu d'une entité dépourvue des connaissances ou de la capacité pour exercer un contrôle à cet égard, une entité qui ne peut pas choisir si le contenu visé par le droit d'auteur est transmis ou reçu. Non seulement ce n'est pas juste, mais on fait appel à un principe qui s'est révélé erroné à maintes occasions, c'est-à-dire qu'il serait trop difficile, aux fins de l'octroi des licences et de la collecte des redevances, de déterminer quelle est l'entité possédant les connaissances et le contrôle nécessaire par rapport au contenu diffusé, c'est-à-dire le fournisseur Internet.

    Après avoir entendu des mois durant un grand nombre d'experts qui ont été interrogés et contre-interrogés intensivement, la Commission du droit d'auteur a rejeté la requête. La Cour d'appel fédérale et l'équivalent américain de la SOCAN l'ont rejetée également de telles requêtes, comme l'ont fait les associations analogues dans 40 autres pays. Une entente internationale a été signée, selon laquelle les redevances doivent et peuvent être collectées par l'intermédiaire des fournisseurs de contenu et non pas par le biais des FSI. La SOCAN est la seule au monde à avoir proposé le contraire.

    Je vous signale qu'il est très important de comprendre qu'exempter les FSI des responsabilités en matière de droit d'auteur ne signifiera pas que les créateurs ne seront pas indemnisés ni que les FSI seront dégagés de toute responsabilité. Les créateurs canadiens peuvent être indemnisés par les fournisseurs de contenu et ils le seront, comme c'est le cas aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et dans une douzaine d'autres pays.

    Au Canada, les véritables fournisseurs de contenu acceptent cette notion et veulent que nos lois soient précisées à ce chapitre afin qu'ils puissent vaquer à leurs occupations. En outre, nous pouvons mettre fin aux violations du droit d'auteur sur Internet, et nous le ferons. Les avis volontaires et autres donnent déjà des résultats très satisfaisants, permettant de résoudre de 80 à 90 p. 100 des plaintes de violation reçues.

    Loin de se soustraire à cette responsabilité, les FSI canadiens ont assumé, à ce chapitre, un rôle qui reflète leurs fonctions et leurs capacités concrètes. À cette fin, le code déontologique de l'ACFI exige que nos membres n'hébergent pas sciemment un contenu illégal. Par exemple, si un tribunal décide que le contenu hébergé entraîne la violation d'un droit d'auteur, nos membres enlèveront un tel contenu.

    De plus, même s'ils ne sont pas tenus de le faire clairement et juridiquement, les FSI canadiens ont pris activement des mesures pour que les droits d'auteur soient respectés sur Internet. L'ACFI et l'ACTC ont mis en oeuvre volontairement notre fructueux régime de double avis, que nos membres respectifs appliquent d'eux-mêmes.

    J'aurais une dernière précision sur notre régime de double avis facultatif. Je sais que les membres du comité craignent que le Canada n'ait pas réformé aussi rapidement que les autres pays le droit d'auteur numérique, mais ce retard n'est pas si pire. Lorsque les États-Unis ont adopté leur loi sur le droit d'auteur numérique et ont établi un régime d'avis et de retrait, la plupart des violations du droit d'auteur concernaient le contenu de sites Web hébergés par des serveurs de FSI. Parce qu'il exerce un contrôle sur ses serveurs, le FSI pourrait retirer ce contenu. Cependant, la plupart des violations découlent d'échanges de poste à poste, qui ne sont pas assujettis au régime d'avis et de retrait parce que le contenu se trouve sur des ordinateurs personnels au lieu d'être hébergé sur un serveur de FSI.

    Notre régime de double avis facultatif réussit à s'attaquer aux cas de violation découlant d'un contenu sur un site Web et d'un échange de fichiers de poste à poste. Au moins, dans ce cas-ci, le Canada a donc bien fait de ne pas prendre les devants, puisque son attentisme lui a donné l'occasion utile d'observer l'évolution d'Internet et d'y réagir.

    En conclusion, l'ACFI approuve généralement les mesures prises par le gouvernement pour mettre en oeuvre la réforme du droit d'auteur numérique en trois étapes. Nous pensons que vous êtes sur la bonne voie grâce à votre examen aux termes de l'article 92, et nous attendons impatiemment que l'avant-projet de loi soit présenté pour réaliser les objectifs à court terme. Nous collaborerons avec vous pour que le Canada demeure un chef de file pour le branchement à Internet, ainsi que pour l'innovation et la créativité en la matière.

    Je vous remercie.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Je vous remercie infiniment, monsieur Thomson.

    Comme la dernière séance vous a permis de le constater, la question des FSI intéresse beaucoup nos membres, et votre témoignage a aiguisé cet intérêt. Vous avez certes bien fait valoir votre point.

    Je cède maintenant la parole à M. Pierre Nollet, Vice-President, General Counsel and Corporate Secretary.

    Mr. Nollet.

[Français]

+-

    M. Pierre Nollet (vice-président, avocat-conseil et secrétaire général, CBC/Radio-Canada):

    Je vous remercie de nous fournir l'occasion de nous faire entendre, monsieur Lincoln.

    J'aborderai d'abord les questions du comité. En fait, je ferai miennes, sans payer de droit d'auteur, les remarques que M. Spurgeon a faites sur le travail des officiels du gouvernement. Je pense qu'ils ont fait un travail et une liste exhaustive. Je m'en tiendrai à ce commentaire pour me plier aux exigences du comité. Je vais passer en revue les notes que j'avais préparées. Je m'excuse auprès des traducteurs, je vais sauter allègrement d'une page à l'autre afin de ne pas dépasser le temps qui nous est alloué. Je vais parler du processus de la réforme, des priorités telles que la Société Radio-Canada les voit, de même que des principes directeurs que nous souhaiterions voir appliquer.

    Parlons du processus envisagé pour la réforme. À notre avis, il faut considérer la loi comme un tout dont les dispositions interagissent les unes par rapport aux autres. Les enjeux de la réforme abordés par le gouvernement canadien dans son rapport ne peuvent être traités ni de manière décousue ni dans un vacuum. L'article 92 de la loi semble exclure le traitement par étape mis de l'avant dans le rapport du gouvernement, puisqu'il y est question d'analyse exhaustive.

    La révision de la loi et les orientations de la réforme doivent, selon nous, être complètes. Les justiciables canadiens, plus particulièrement les intervenants concernés par le droit d'auteur, doivent avoir une vue d'ensemble aussi large que possible--ce que l'on appelle l'approche globale--de tous les amendements proposés de la réforme, et non une vue étroite ou une approche étapiste sur seulement une partie d'entre eux, et ce afin que les interventions soient pertinentes, cohérentes et éclairantes pour le comité.

    Selon le processus proposé par le gouvernement dans son rapport, les dispositions de la loi demeureront en flottement pendant près de quatre ans, et les priorités des enjeux qui y sont soulevés seront en perpétuelle réévaluation. La Société Radio-Canada craint qu'un tel contexte crée de l'incertitude chez ceux qui sont concernés par la réforme et apporte un élément d'instabilité aux transactions en matière de droit d'auteur.

    Comme vous le savez, la Société Radio-Canada est un usager, mais aussi un détenteur de droits d'auteur. On devra donc trouver un équilibre entre les divers intérêts et essayer d'appuyer le comité dans son objectif de faire de même.

    Abordons maintenant les enjeux que CBC/Radio-Canada souhaite voir traiter en priorité. À cet égard, il faut mentionner en particulier l'une des recommandations mises de l'avant par l'OMPI, à l'effet qu'il devrait y avoir un droit au signal, a signal right, attribué aux radiodiffuseurs. En vertu de ces recommandations, les radiodiffuseurs bénéficieraient du droit exclusif d'autoriser la ré-émission, la retransmission, la câblodistribution et la mise à la disposition du public de leur signal.

    Une autre priorité pour la SRC est de clarifier le sort des droits que certains pigistes prétendent avoir. C'est une situation qui présentement n'est pas claire et qui rend difficile dans son application quotidienne l'utilisation des droits du travail fait par les pigistes.

    Au niveau de la durée de la protection, la société a fait valoir au comité qu'il ne devrait pas être question d'étendre celle-ci à 70 ans, comme le suggèrent certains autres intervenants. En fait, la SRC se préoccupe du fait que l'augmentation de la durée du droit d'auteur découle surtout de l'opportunisme de certains titulaires de droits et vise à satisfaire des impératifs financiers, mais ne vise pas à protéger l'intérêt public, comme ce fut le cas dans certains pays. En fait, si vous regardez certaines des modifications qui ont été apportées dans certains pays, l'origine de ces modifications, en général, fut un impératif financier.

  +-(1215)  

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Nollet.

+-

    M. Pierre Nollet: Au niveau de la copie pour usage privé, la Société Radio-Canada est insatisfaite du régime existant. Sur une base volontaire, le programme de taux zéro, qui a été établi à la suite de négociations avec la Société canadienne de perception de la copie privée, nous amène au bon résultat. Toutefois, elle est purement discrétionnaire et volontaire. Nous croyons que le principe devrait être enchâssé dans la loi pour tous les radiodiffuseurs.

    Un autre problème important est l'enregistrement éphémère. Le législateur a voulu codifier certaines décisions jurisprudentielles lors de la modification de la loi en 1997. L'une des pratiques reconnues et protégées par la loi est l'enregistrement éphémère lorsqu'il est effectué par une entreprise de radiodiffusion. En voulant enchâsser cette pratique dans la loi, le législateur a choisi un encadrement qui n'est pas conforme à la réalité technologique de l'industrie de la radiodiffusion. Pour remédier à la situation, la Société Radio-Canada souhaite que l'on crée une exception en faveur des radiodiffuseurs et que l'on permette la reproduction dans un but de diffusion seulement, sur un support non destiné à la commercialisation, mais utilisé uniquement parce qu'il rend l'enregistrement sonore de départ compatible à la technologie de diffusion, et ce au fur et à mesure de l'évolution de celle-ci.

    D'autre part, la SRC, en tant que plus grande institution culturelle canadienne, a pour mandat la préservation et la promotion de la culture et du patrimoine canadiens. Dans le cadre de son mandat particulier de préservation et de promotion de la culture et du patrimoine, la Société Radio-Canada a constitué au fil du temps et possède aujourd'hui des archives, lesquelles visent le bien commun de la population canadienne.

    Au fil du temps, même sur les sites web qui sont récemment créés, une importante bibliothèque d'information s'est constituée. Nos archives constituent une composante essentielle de la culture canadienne pour les générations présentes et futures. Afin de s'assurer du maintien de la qualité et de l'accessibilité de ces archives, la Société Radio-Canada désire pouvoir être reconnue, par règlement, comme établissement à but non lucratif bénéficiant des exemptions accessibles aux bibliothèques, musées et services d'archives. Évidemment, cette exemption ne s'appliquerait qu'à nos archives seulement. La SRC désire bénéficier d'une exception lui permettant de reproduire ses archives, non seulement afin d'en assurer la conservation, mais aussi afin de bien remplir son mandat.

    La dernière priorité dont j'aimerais parler est la procédure devant la Commission du droit d'auteur du Canada. La SRC est d'avis que la loi, particulièrement les articles 66 et suivants, devrait être modifiée afin d'instaurer des procédures rationalisées, efficaces et moins onéreuses, surtout en matière de tarifs.

    Finalement, en réponse à la question des principes directeurs de la réforme, je pense que les usagers à travers le monde envoient un signal qui doit nous guider. L'augmentation des coûts entraînerait inexorablement l'abandon ou le contournement par les usagers. Le comité doit donc songer à un principe directeur qui favorise le renforcement de la culture canadienne, de l'identité canadienne et non seulement une augmentation des coûts. Il faut favoriser la diffusion et maintenir un équilibre pour une compensation équitable, bien entendu, des détenteurs de droits.

    La conformité avec les instruments internationaux ne devrait donc pas être la première motivation du comité, tout comme la diversité culturelle se veut une exception incluse dans les grandes ententes économiques. Il faut favoriser la simplicité de l'utilisation et de la rémunération.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Nollet. Comme vous l'avez souligné vous-même, Radio-Canada est un important usager et propriétaire de droits d'auteur. Vos remarques ont donc été bien entendues par le comité.

    Nous allons maintenant entendre M. Douglas Cooper et Mme Diane Brisebois de la Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    M. Douglas Cooper (président, Intel of Canada Limited; Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale): Je remercie le président et les membres du comité.

    Je suis président et chef de la direction d'Intel Canada. Au nom de la Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale, moi et ma collègue, Diane Brisebois, qui est présidente et directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail, souhaiterions vous remercier d'avoir invité notre coalition à comparaître aujourd'hui au cours de votre première série de séances. Il convient de féliciter le comité d'avoir entamé cet examen si essentiel des questions liées au droit d'auteur.

    La Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale, la CCAETD, a été créée pour défendre les intérêts des Canadiens, c'est-à-dire les entreprises, les consommateurs et les particuliers qui sont pénalisés par le régime de redevances sur les droits d'auteur au Canada.

    Parmi les membres de la CCAETD, on retrouve d'importants commerces de détail, fabricants de produits de consommation et entreprises de haute technologie au Canada. Nous avons également reçu l'appui de leurs organisations et de particuliers de l'ensemble du pays, notamment des artistes de la scène, des paroliers, des éditeurs de musique indépendants et d'autres fournisseurs de produits technologiques qui s'opposent aux redevances sur la copie pour usage privé. Selon nous, il existe d'autres méthodes plus équitables de s'assurer que les titulaires de droits d'auteur soient indemnisés pour leurs oeuvres protégées.

    Mes observations traduisent le point de vue des fabricants de produits de consommation et des entreprises de haute technologie qui ont mis au point bon nombre des produits qui aident à définir cette nouvelle ère numérique.

    Mme Brisebois présentera le point de vue des commerces de détail.

    Comme le comité l'a demandé, nos observations porteront essentiellement sur la réforme du droit d'auteur entreprise par le gouvernement et l'échéancier qu'il a établi pour se pencher sur les questions liées au droit d'auteur numérique, puisque nous croyons que le gouvernement doit faire une priorité de la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur pour tenir compte des applications numériques.

    Nous sommes impatients de comparaître de nouveau devant le comité à une date ultérieure pour examiner plus exhaustivement les questions liées à la copie pour usage privé. Nous aborderons alors les moyens de collaborer avec le gouvernement et les autres intervenants afin d'établir des solutions de rechange au régime de redevances sur la copie pour usage privé qui seront équilibrées, pratiques et équitables pour tous.

    J'aimerais insister sur le fait que les membres de notre coalition appuient sans réserve la protection du droit d'auteur. En fait, vous vous rendrez compte, j'en suis sûr, que beaucoup de nos membres sont des chefs de file internationaux sur le plan de l'innovation et que la protection de la propriété intellectuelle est extrêmement importante pour nous et pour tous les détenteurs de droits d'auteur.

    Depuis l'adoption du projet de loi C-32 en 1997, le domaine des droits d'auteur s'est transformé considérablement au Canada. Notre pays est devenu un chef de file mondial au chapitre de la technologie numérique. Nos membres se réjouissent que le gouvernement encourage les Canadiens à se brancher à Internet, qui fait partie intégrante de notre quotidien. Le Canada vient au second rang pour la pénétration des services Internet. Le développement culturel et économique du Canada passe de plus en plus par Internet.

    L'industrie mondiale de la musique a également dépassé le stade de la technologie analogique. Malheureusement, le régime des redevances sur la copie pour usage privé, qui a été mis en oeuvre dans la foulée de l'avènement de la casette audio, est de plus en plus désuet et ne peut plus suivre le rythme rapide des percées technologiques au Canada et dans les autres pays.

    La modernisation de la Loi sur le droit d'auteur pour tenir compte de la technologie numérique et éliminer un tel régime doit être une des priorités absolues du gouvernement, qui ne doit pas adopter de solutions à court terme pour plusieurs raisons. Premièrement, selon les membres de la SCPCP, les redevances avaient déjà coûté aux consommateurs, aux fabricants de produits technologiques et aux détaillants environ 59 millions de dollars à la fin de 2002. Si elles étaient approuvées, les demandes dont a été saisie la Commission du droit d'auteur par la SCPCP feraient plus que doubler ce montant. Comme nous l'avons constaté en Europe, ces redevances peuvent prendre tellement d'ampleur qu'elles deviennent incontrôlables et qu'elles socialisent le contenu.

    Deuxièmement, une fois mises en oeuvre, les redevances deviennent une béquille pour les fournisseurs de contenu. Le recours permanent aux redevances pour l'indemnisation n'incite pas ces fournisseurs à adopter des technologies novatrices pour protéger et gérer leur contenu. Les titulaires de droits d'auteur méritent une rémunération équitable pour leurs oeuvres, mais les pratiques actuelles sont devenues désuètes en raison des modifications dans les modèles de gestion et des percées technologiques, notamment la gestion des droits numériques ou la protection des techniques au service du consommateur. Plus nous attendons, plus il sera difficile de changer de cap.

    Troisièmement, il est communément reconnu, même par bon nombre des intervenants dans l'industrie de la musique, que le système actuel est boiteux parce qu'il n'établit pas un lien direct entre l'utilisateur et le créateur. La loi canadienne doit s'assurer que l'utilisateur ne paie le contenu qu'à l'achat. Ceux qui n'utilisent pas le contenu ne devraient pas payer : c'est une question d'équité fondamentale.

  +-(1225)  

    La modernisation de la Loi sur le droit d'auteurdevrait insister sur les solutions de rechange au régime des redevances sur la copie pour usage privé. Sur les droits d'auteur, le Canada ne peut pas se permettre de ne pas se doter des mêmes règles que ses principaux partenaires commerciaux. Même si nous reconnaissons qu'il affronte une vive concurrence, le gouvernement ne peut pas se permettre d'attendre pendant que ces nouvelles innovations sont sans cesse introduites.

    La prolifération des services de diffusion d'oeuvres musicales en ligne modifie la façon dont les consommateurs achètent ces produits et y ont accès. Prenant déjà beaucoup d'ampleur aux États-Unis, ces services sont maintenant offerts au Canada. Mis au point par Moontaxi Media de Toronto, Puretracks.com a été lancé en grande pompe au Canada, le mois dernier. D'autres services seront offerts sous peu, notamment la version canadienne d'iTunes d'Apple. Ils permettront aux consommateurs de télécharger de la musique et aux propriétaires du contenu d'obtenir directement une indemnisation.

    Pourquoi les Canadiens qui achètent des oeuvres musicales en ligne devraient-ils payer deux fois, une fois lorsqu'ils téléchargent et l'autre lorsqu'ils achètent un support vierge pour enregistrer l'oeuvre qu'ils ont déjà payée? Pire encore, beaucoup de Canadiens achètent des supports pour enregistrer des oeuvres non protégées ou autre chose que de la musique.

    Les Canadiens veulent profiter de toutes les innovations technologiques, mais ne veulent pas être pénalisés. Un régime de droits d'auteur est nécessaire pour permettre aux Canadiens d'avoir accès aux nouvelles technologies. Le régime actuel de redevances décourage de nombreux Canadiens de payer pour obtenir de la musique. Nombreux sont ceux qui se disent pourquoi ne pas simplement télécharger la musique par l'intermédiaire des sites non autorisés et ne payer qu'une fois pour la copier sur un CD.

    Le fait que les Canadiens ne veulent pas que l'industrie de la musique facture deux fois peut expliquer pourquoi certains services en ligne on pris tellement de temps à démarrer au Canada. Il est urgent de modifier notre loi afin que le Canada puisse suivre le rythme rapide des percées advenues dans les autres pays.

    Avant de demander à ma collègue, Diane Brisebois, de prendre ma relève, je souhaiterais souligner la présence de Don Whiteside, directeur des programmes stratégiques à Intel Corporation.  C'est un expert des questions sur la gestion des droits numériques et les percées dans l'industrie américaine du contenu. Il est à Ottawa pour rencontrer des fonctionnaires afin de leur parler de la gestion des droits numériques et de l'évolution des droits d'auteur aux États-Unis. Nous serons heureux de nous entretenir avec les différents membres du comité afin de répondre à leurs questions.

    Diane.

+-

    Le président: Madame Brisebois, il ne vous reste que quelques minutes. Pourriez-vous faire preuve de concision?

+-

    Mme Diane Brisebois (présidente et directrice générale, Retail Council of Canada, Coalition canadienne pour un accès équitable à la technologie digitale): Je parlerai donc très rapidement, monsieur le président.

    Comme vous le savez, je suis présidente et directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail, qui représente plus de 9 000 détaillants canadiens, dont beaucoup sont indépendants ainsi que les six plus importants détaillants, qui vendent en fait l'équivalent de 75 p. 100 des supports vierges au pays.

    Je pense que notre point de vue est intéressant parce que nous nous faisons très souvent l'écho des consommateurs sur les questions comme celle d'aujourd'hui. En fait, nous sommes à l'avant-scène. Nous sommes les premiers à leur parler, à obtenir leurs impressions et à recevoir leurs plaintes. Nous voyons également comment ils réagissent. Je pense donc que les détaillants peuvent offrir un point de vue très intéressant dans le présent débat.

    Naturellement, nous sommes d'avis que l'actuel régime des redevances est injuste et inconsidéré. Des clients peuvent payer des frais supplémentaires pour un support qui ne servira pas à enregistrer de la musique protégée. D'autres sont obligés de payer pour faire des copies personnelles, même lorsqu'ils ont déjà versé un montant au titulaire du droit d'auteur à l'achat du support ou du service en direct, comme l'a souligné mon collègue.

    Voici ce qui est important, selon moi. La loi permettait de percevoir des redevances sur nouveaux produits comme les ordinateurs personnels, les appareils électroniques grand public et les supports d'enregistrement polyvalent. Le cas échéant, les coûts que devraient assumer nos clients augmenteraient considérablement. Parfois, les redevances seront de beaucoup supérieures au prix du produit. Il serait donc plus profitable d'être dans le commerce des redevances plutôt que dans celui du détail.

    Par exemple, les consommateurs paient actuellement 21 ¢ à l'achat d'un disque compact enregistrable, dont le prix de détail atteint à peine 30 ¢. La SCPCP a demandé l'approbation pour porter la redevance à 59 ¢. Ainsi, la redevance sera considérablement supérieure au prix du produit, ce qui ne semble pas, de toute évidence, préoccuper beaucoup la SCPCP.

    Vous m'avez demandé d'être concise. J'aborderai rapidement la question du marché gris. Lorsqu'ils ont étudié la Loi sur la radiodiffusion, les membres du Comité permanent du patrimoine canadien ont appris les effets très nuisibles que le marché gris peut entraîner sur l'économie canadienne.

    Le niveau relativement élevé de la redevance sur la copie privée qu'il faut payer à l'achat des supports d'enregistrement incite les consommateurs canadiens à se procurer des produits analogues aux États-Unis ou dans un autre pays. Cette tendance prend de l'ampleur au fur et à mesure que la redevance augmente ou que le prix des supports d'enregistrement chutent aux États-Unis. L'expansion du marché gris exercera des effets de plus en plus négatifs sur de nombreuses industries, y compris la nôtre.

    Mon dernier point, monsieur le président, portera sur l'exonération de la redevance. Des solutions symboliques, comme la prétendue exonération de la redevance, ne sont pas efficaces et ne font que souligner l'urgence d'entreprendre une révision exhaustive du régime de droit d'auteur. Ainsi, les décisions ne sont plus prises par le marché, mais par les organismes percevant la redevance, qui ne constituent certes pas un groupe objectif.

    Cette exonération de la redevance s'est révélée un fardeau administratif et n'offre aucun répit aux consommateurs et aux petites entreprises. Les détaillants et leurs clients, qui constituent 75 p. 100 du marché au Canada, ont été carrément exclus. C'est arbitraire, injuste et discriminatoire.

    L'exonération ne sert qu'à faire taire l'opposition. Cela pourrait paraître controversé, mais c'est ainsi que nous envisageons les choses. Nous n'irons pas par quatre chemins : le tout doit être transparent, ce qui serait en fait rafraîchissant.

    Comme le temps presse, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions ultérieurement, s'il nous reste en fait du temps.

    Je vous remercie, monsieur le président.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Merci, madame Brisebois. Merci, monsieur Cooper. Je pense que vous avez formulé très franchement vos points de vue. Nous vous en sommes reconnaissants.

    Nous entendrons finalement MM. Paul Audley et Claude Brunet de la Société canadienne de perception de la copie privée.

[Français]

+-

    M. Claude Brunet (conseiller juridique, Ogilvy Renault; Société canadienne de perception de la copie privée): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.

[Traduction]

    Je suis conseiller juridique de la Société canadienne de perception de la copie pour usage privé, et je comparais aujourd'hui avec M. Paul Audley, qui est consultant et qui connaît parfaitement le fonctionnement de la SCPCP.

    Étant donné les observations que nous venons d'entendre sur le régime de la copie pour usage privé, il semble important de prendre du recul et de se rappeler pourquoi le gouvernement a mis en oeuvre un tel régime en 1997. Dans la Loi sur le droit d'auteur, le droit le plus important est celui accordé exclusivement au titulaire d'un droit d'auteur de reproduire une oeuvre ou d'autoriser quelqu'un à le faire. Ce droit est au coeur même de ce que nous appelons le «droit d'auteur». Avec l'avènement de la technologie de la reproduction dans les années 70, les oeuvres musicales ont été copiées abondamment sans que les créateurs ne puissent exercer un contrôle sur ces reproductions. Nous ne disposions d'aucune moyen technologique pour empêcher ces reproductions, qui étaient exécutées dans le secret des foyers, bien à l'abri des titulaires de droits d'auteur. Tous savaient que ce que nous appelions alors l'enregistrement à domicile était endémique, mais les titulaires de droits d'auteur ne disposaient d'aucun recours pour contrôler cette exploitation de leurs oeuvres.

    Dans les années 80 et 90, l'avènement du numérique a exacerbé le problème, car cette technologie a éliminé toutes les différences entre l'original et la reproduction. Les oeuvres musicales étaient dorénavant clonées. Il fallait réagir.

    En 1997, le Canada a reconnu qu'il était futile de croire que les titulaires de droits d'auteur pouvaient faire respecter leurs droits dans les foyers canadiens, et le Parlement a mis en oeuvre l'actuel régime de copie pour usage privé après avoir pu examiner les nombreuses solutions déjà adoptées par des douzaines de pays industrialisés. Certains pays avaient imposé des redevances sur le matériel de reproduction ou sur les supports d'enregistrement, d'autres sur les deux. Le Canada a choisi d'établir des redevances uniquement sur les supports d'enregistrement audio vierges.

    Au Canada, reproduire une oeuvre musicale à des fins d'utilisation personnelle ne constitue plus une violation du droit d'auteur. Autrement dit, les titulaires de droits d'auteur ont perdu le droit exclusif de reproduire lorsque l'oeuvre musicale est copiée à des fins personnelles. Il s'agit effectivement d'une expropriation.

    Les démocraties capitalistes ont pour principe qu'il ne devrait y avoir aucune expropriation sans indemnisation. En éliminant ce droit exclusif, le Parlement a donc établi un régime d'indemnisation au profit des titulaires qui avaient perdu ce droit. Le régime a remplacé le droit de reproduire par celui beaucoup plus restreint d'obtenir une indemnisation pour une copie pour usage privé. Il subsistait un problème. Qui devait payer? Il n'est pas plus facile d'exiger d'un particulier une indemnisation pour la copie que de lui interdire la reproduction.

    Il fallait exiger cette indemnisation à un autre niveau. Idéalement, il fallait trouver l'intermédiaire qui pourrait refiler le coût de cette indemnisation à ceux qui font la reproduction. C'est ainsi qu'est né le régime des redevances. La redevance doit être payée par les importateurs et les fabricants des supports d'enregistrement audio vierges qui sont éliminés au Canada.

    Mon ami Paul Audley vous expliquera les répercussions de cette mesure.

  +-(1235)  

+-

    M. Paul Audley (consultant, Paul Audley & Associates Ltd.; Société canadienne de perception de la copie privée): Je vous remercie.

    Lorsque nous évaluons l'importance du régime de copie pour usage privé, il faudrait tenir compte de l'ampleur du problème de la copie pour usage privé non autorisée.

    En 2001-2002, 1,1 milliard de plages de musique enregistrée ont été reproduites par des particuliers. Au plus 3 p. 100 avaient été autorisées par les titulaires des droits d'auteur et ont donné lieu à une indemnisation en 12 mois. Par conséquent, plus de 1 milliard de plages, l'équivalent de plus de 70 millions de disques de musique préenregistrée, ont été reproduits sans autorisation.

    Sans la mesure législative sur la copie pour usage privé, les auteurs-compositeurs, les artistes de studio d'enregistrement et les maisons de disques n'auraient nullement été indemnisés de la reproduction d'oeuvres leur appartenant. Si cette mesure devait être abrogée, il en résulterait encore une situation où les oeuvres seraient reproduites abondamment sans autorisation et sans indemnisation des titulaires des droits d'auteur.

    La mesure législative a été bien rédigée. Lorsqu'il l'a adoptée, le Parlement a sagement reconnu que les technologies de reproduction évoluaient. Il a donc établi un cadre juridique neutre sur le plan technologique, en confiant à la Commission du droit d'auteur la tâche de décider si le support faisant l'objet de la redevance était utilisée normalement pour reproduire des oeuvres musicales à des fins personnelles. Le premier tarif pour la copie pour usage privé visait les supports numériques et analogiques, particulièrement les disques compacts enregistrables, les minidisques et les cassettes audio.

    La redevance a permis aux titulaires de droits d'auteur d'obtenir des montants importants. Au cours des trois premières années, 59,3 millions de dollars ont été perçus. Après déduction de tous les coûts, les auteurs, les éditeurs, les artistes de studio d'enregistrement et les maisons de disques ont touché 54,4 millions de dollars. C'est un montant important puisque, entre 1999 et aujourd'hui, les recettes de l'industrie de la musique ont chuté de 20 p. 100, réduisant les redevances versées aux créateurs de la musique enregistrée.

    En janvier 2003, les titulaires de droits d'auteur ont commencé à obtenir les redevances sur la copie pour usage privé. Jusqu'à présent, plus de 10 millions de dollars ont été versés. D'ici la fin de la présente année, la majeure partie des 28 millions des redevances de 2000 et 2001 auront été remis. Le versement des 28 millions de dollars en redevances de 2002 aura été bien entamé.

    Avec les années, la distribution est de plus en plus simple et de plus en plus rapide. Il n'est pas étonnant que les mêmes oeuvres fassent l'objet des nouvelles redevances. Les titulaires de droits d'auteur sont donc déjà connus, ce qui facilite de beaucoup la distribution.

    Depuis l'entrée en vigueur des redevances, la SCPCP a reconnu les préoccupations formulées sur les redevances que devaient verser les entreprises, les églises, les organismes gouvernementaux et les organisations sans but lucratif qui ne reproduisent pas les oeuvres musicales.

    Depuis le début, la SCPCP a assujetti ces organisations à un système d'exonération de la redevance,sous réserve qu'elles s'inscrivent auprès de la SCPCP et s'engagent par écrit à n'utiliser le support que dans le cadre de leurs activités normales.

    La portée du programme saute aux yeux, si vous consultez le site Web de la SCPCP. Le programme est offert aux petites, moyennes et grandes entreprises ainsi qu'à tous les autres genres d'organisations inimaginables. Ce n'est pas une mesure symbolique. C'est un programme exhaustif et ambitieux.

    La reproduction à des fins privées nécessite trois éléments : le matériel nécessaire à la reproduction, un support vierge et, l'élément le plus important, l'oeuvre musicale. Si nous examinons la forme de reproduction la plus commune, c'est-à-dire celle sur un disque compact vierge, il est évident que le fournisseur du graveur de disque compact obtient le prix du marché pour le produit. Il est tout aussi évident que le fournisseur, l'importateur et le détaillant du CD vierge recevra le prix du marché.

  +-(1240)  

    Selon la SCPCP, rien ne justifie que l'industrie de la musique soit obligée de subventionner la copie pour usage privé en fournissant l'oeuvre musicale sans aucune indemnisation. Tous les arguments qui ont amené le comité, le gouvernement et le Parlement à adopter la mesure législative sur la copie pour usage privé en 1997 valent toujours. Personne n'a présenté de solution de rechange qui serait équitable pour les titulaires de droits d'auteur dans le domaine de la musique enregistrée. Les motifs justifiant l'abrogation des dispositions sur la copie pour usage privé sont simplement imputables à un vieux désir de revenir à la situation où la musique était gratuite, tandis que les fournisseurs de matériel et de supports vierges continueraient de recevoir les prix du marché tout en favorisant la copie pour usage privé.

    Je cède la parole à Claude Brunet.

+-

    Le président: Monsieur Brunet, prendrez-vous la parole pendant longtemps?

+-

    M. Claude Brunet: Je voudrais préciser un autre point susceptible d'intéresser le comité. Il s'agit de l'avenir des régimes de copie pour usage privé.

    Premièrement, les titulaires de droits d'auteur ne le prennent pas à la légère lorsque leurs droits sont réduits. Comme je le répète, le régime de copie pour usage privé restreint effectivement leur droit exclusif en matière de reproduction. Il va s'en dire que ces titulaires préféreraient de loin jouir d'un tel droit exclusif. Ils l'auront un jour ce droit exclusif, monsieur le président.

    L'industrie de la musique injecte actuellement beaucoup d'argent afin de mettre au point des systèmes qui permettront aux titulaires de droits d'auteur de vérifier le nombre de copies d'un enregistrement sonore, le support ayant servi à la reproduction, voire peut-être la personne qu'il l'a faite. Ces mesures technologiques de protection ou systèmes de gestion des droits numériques commencent à être intégrés à certains nouveaux enregistrements, malgré la controverse. Quelle que soit la réaction négative des groupes de consommateurs aux systèmes de gestion des droits numériques, il ne fait absolument aucun doute que ces systèmes sont essentiels à la diffusion sensée de la musique en direct. Par conséquent, on peut prédire sans se tromper que ces systèmes continueront d'être mis au point et ultérieurement d'être intégrés systématiquement aux nouveaux enregistrements d'oeuvres musicales.

    Ainsi, les titulaires de droits d'auteur pourront de nouveau contrôler intégralement la reproduction de leurs oeuvres, comme dans les années 70. Ce n'est cependant pas encore le cas. En fait, nous sommes à peine au stade embryonnaire. Actuellement, les système de gestion des droits numériques ne sont pas intégrés à la majorité des enregistrements sonores. N'importe qui peut encore obtenir une copie fidèle de la plupart des enregistrements sonores en l'espace d'un instant. Par conséquent, nous avons encore énormément besoin de la solution provisoire qu'offre le régime de copie pour usage privé.

    Heureusement, il s'adonne que le régime canadien est presque conçu pour s'autodétruire, c'est-à-dire que les redevances découlant du régime diminueront au fur et à mesure que les systèmes de gestion des droits numériques seront intégrés aux enregistrements. Puis, comme une peau de chagrin, le régime disparaîtra. Cependant, nous en avons encore énormément besoin pour l'instant.

    Je vous remercie beaucoup de votre patience, monsieur le président.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Je vous remercie, Messieurs Brunet et Audley. Je vous suis reconnaissant d'avoir essayé de respecter le délai serré. Vous avez expliqué très clairement vos points de vue.

    Après avoir écouté tous les témoins, je dois vous avouer que je souhaiterais être comme Salomon. J'essaierais d'être aussi sage et équitable que lui. Ce n'est pas une mince tâche. Quoi qu'il en soit, la séance a été très intéressante, différents points de vue ayant été exprimés sur les problèmes découlant du droit d'auteur.

    Monsieur  Abbott.

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Monsieur Nollet, vous savez peut-être—ou non—que le droit de reproduction éphémère est un gros problème en ce qui me concerne, dont on pourrait parfaitement se passer. Je pense qu'il suffirait simplement de supprimer les paragraphes 30.8(8) et 30.9(6) de la Loi sur le droit d'auteur pour avoir le régime que vous demandez.

+-

    M. Pierre Nollet: Effectivement.

+-

    M. Jim Abbott: Je veux toutefois m'adresser à M. Audley.

    Monsieur Audley, votre exposé m'a paru—veuillez m'excuser de le dire—un peu incroyable. En effet, je me demande d'où vous tirez les milliards ou comment vous avez pu arriver à ces chiffres; deuxièmement, si j'ai bien compris, vous dites que les gens copient toujours les mêmes titres. J'aimerais bien savoir comment vous savez quels titres sont copiés.

    Je suis extrêmement incrédule, car cette partie de la Loi sur le droit d'auteur stipule que vous êtes coupable à moins de prouver votre innocence et que, si vous ne pouvez pas prouver votre innocence, vous devez payer. Cet article de la loi me pose donc problème pour commencer. Je le répète, je ne veux pas manquer de respect à votre égard, mais j'aimerais quand même savoir comment vous êtes parvenu à de telles statistiques ou si nous pouvons les considérer comme exactes. Deuxièmement, comment pouvez-vous savoir ce que j'ai copié ou non dans mon appartement à Ottawa hier soir?

+-

    M. Paul Audley: Merci, monsieur Abbott.

    Vos deux questions sont intéressantes. Pour la première, au sujet du 1,1 milliard de dollars, la SCPCP fait un sondage auprès d'un millier de personnes environ chaque mois par l'entremise de Circum Network, société de recherche située à Ottawa. L'étude permet de connaître le volume de copies et cette information est présentée à la Commission du droit d'auteur lors de ses audiences. Elle fait l'objet d'un contre-examen et aucun autre témoignage entendu au cours de ces audiences n'a réfuté ou contredit ce chiffre. Nous parlons donc d'une étude très étendue et attentive et selon moi, tout porte à croire qu'il s'agit d'un chiffre raisonnable.

    Le renvoi à ce chiffre figure à la note 1 en bas de page de l'exposé officiel de la SCPCP.

    Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir comment la répartition est facilitée du fait que les mêmes titres reviennent d'une année à l'autre, c'est simplement parce que certaines oeuvres musicales restent populaires. Les gens continuent d'écouter les Beatles, etc. Il devient simplement plus facile de répartir l'argent lorsque vous mettez au point une base de données de tous les titulaires de droits qui ont le droit de recevoir de l'argent pour une piste musicale donnée.

    Je devrais toutefois expliquer qu'il serait extrêmement coûteux de faire un sondage général parmi les consommateurs afin de déterminer exactement ce qu'ils copient—ce n'est pas ainsi que l'on procède. Au contraire, on part de l'hypothèse que ce qui est diffusé à la radio—que ce soit la SRC ou des stations privées—et ce qui est vendu reflètent raisonnablement le goût des consommateurs et donnent donc une indication de ce qui peut être copié. C'est donc cette information au sujet des émissions radiophoniques et des ventes qui sert de critère quant à la répartition de l'argent.

  +-(1250)  

+-

    M. Jim Abbott: Conviendriez-vous qu'en vertu de la loi actuelle, vous percevez en fait une redevance; par conséquent, vous dites, ou plutôt la loi stipule actuellement, que le téléchargement est en fait légal? En d'autres termes, la personne doit payer si l'on en croit ce qu'avancent ceux qui se trouvent dans l'autre camp. Ils disent essentiellement : « Eh bien, c'est payant et par conséquent, la redevance ou le droit d'auteur est payé si bien que le téléchargement est légal ».

+-

    M. Paul Audley: Monsieur Abbott, si vous voulez bien, je vais transmettre cette question à l'avocat de la SCPCP.

+-

    M. Claude Brunet: Désolé, monsieur Abbott, sachez que les avocats ont tendance à légèrement compliquer ce qui au départ est fort simple.

    Pour ce qui est du problème dont vous faites mention, je pense qu'il vaudrait mieux parler de téléchargement en amont que de téléchargement en aval. Il faut toujours faire la distinction entre ce qui se passe à la source et ce que l'on fait du matériel mis à disposition.

    Sur Internet, par exemple, du matériel mis à la disposition du public est protégé par d'autres droits que le droit d'auteur. Lorsque du matériel est accessible et qu'une copie en est faite—appelons-la copie secondaire, mais j'utilise le mot «copie» pour faire la différence entre la copie et l'original—lorsqu'une véritable copie secondaire est faite à partir de l'original, bien sûr, s'il s'agit d'une copie de matériel assujettie au régime de la copie pour usage privé au Canada, je crois alors que cette copie est légale.

    Cela ne résout absolument pas le problème de l'autre personne qui, à la source assure la mise à disposition du matériel. Il ne faut pas oublier que beaucoup de personnes interviennent dans le processus. C'est un autre problème que ne règle absolument pas le régime de la copie pour usage privé.

+-

    Le président: D'accord, monsieur Abbott, nous allons vous revenir.

    Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): J'ai une seule question à propos de l'ACFI selon laquelle la SOCAN est la seule à demander que les FSI acceptent la responsabilité en matière de droit d'auteur. Cela pique ma curiosité. J'aimerais comprendre pourquoi, comme vous semblez le dire, la situation au Canada n'est pas la même qu'ailleurs. Peut-être pourriez-vous nous éclairer.

+-

    M. Paul Spurgeon: Comme je l'ai indiqué, madame Lill, tout d'abord, la Cour supérieure est saisie de la question et l'audience doit avoir lieu le 3 décembre. Ce n'est pas aussi simple que l'a peut-être dit mon ami, monsieur Thomson.

    Plusieurs questions se posent. La responsabilité de simples intermédiaires, qui utilisent le mot de passe que quelqu'un leur a donné, est une chose, mais lorsque l'on parle de ceux qui vous branchent et qui paient 40 $, 50 $ ou 60 $ par mois pour avoir accès au matériel protégé par le droit d'auteur, c'est tout à fait autre chose.

    Selon la SOCAN, l'article actuel de la Loi sur le droit d'auteur qui exempte—appelons-les les «intermédiaires», pour fixer les idées—de simples intermédiaires ne pose pas de problème. Il s'agit des personnes qui assurent la transmission de ces paquets d'un bout à l'autre de la chaîne.

    À une extrémité, vous avez un fournisseur d'information, un afficheur. Puis vous avez un FSI qui héberge des sites et qui contrôle tous ces paquets et qui les transmet. Puis vous avez ensuite quelqu'un qui peut être la même personne, le même FSI, qui s'en charge, à moins qu'il n'y ait quelqu'un d'autre à l'autre bout. Vous avez donc des gens au début et à la fin du processus.

    Ce que nous disons, c'est qu'une responsabilité —appelons-la «responsabilité conjointe et individuelle»— doit être prévue pour le fournisseur d'accès et non pour les intermédiaires qui se chargent de l'acheminement, mais plutôt pour les gens à la fin et au début du processus.

    C'est assez proche de l'industrie de la câblodistribution, ainsi que je l'ai indiqué un peu plus tôt au sujet du projet de loi C-88. Pendant longtemps, la SOCAN n'a pas pu percevoir de fonds de la câblodistribution en contrepartie de la diffusion de son répertoire par cette industrie. Nous avons réussi à faire modifier la loi, ce qui nous permet de demander un tarif aux sociétés de câblodistribution qui, à leur tour, pourraient demander la même chose aux chaînes. Je suis désolé d'avoir à le dire, mais les similitudes sont grandes. Comme vous le savez, les sociétés de câblodistribution dans ce cas-là, paient bien sûr des redevances et ont une responsabilité conjointe et individuelle à l'égard des fournisseurs d'information.

    Je pense qu'il est un peu trop simpliste de dire que les FAI simplicity devraient être simplement dégagés de toute responsabilité. Je ne pense pas que l'on puisse le dire.

  +-(1255)  

+-

    Le président: Monsieur Spurgeon, je croyais que l'on vous avait demandé si vous êtes le seul organisme, comme l'a dit M. Thomson, qui soit contre sa prise de position?

+-

    M. Paul Spurgeon: Non, nous ne sommes pas le seul organisme; en fait, un groupe d'éditeurs et de créateurs d'oeuvres musicales s'est récemment constitué dans la province du Québec, si je ne me trompe, pour prendre essentiellement la même position que la SOCAN. Dans le monde entier, des groupes commencent à considérer que le FAI est en fait la personne qu'il est logique de choisir. Ce n'est pas seulement une question de commodité, mais une question d'utilité. Il est en effet raisonnable de faire en sorte que ses droits soient protégés, puisqu'il est en fait la source de l'information.

+-

    Le président: Madame Lill?

+-

    Mme Wendy Lill: Non, merci.

+-

    Le président: Madame Allard, monsieur Shepherd, et madame Frulla.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour tout le monde. Je vous remercie de témoigner aujourd'hui.

    Il m'apparaît que nous débattons de deux grands thèmes aujourd'hui: l'exemption pour les fournisseurs de service Internet et le régime de la copie privée.

    Je suis un peu déçue, monsieur le président, qu'on ait mêlé les deux enjeux et qu'on ait si peu de temps, en fin de compte, pour aller au fond de l'une et l'autre des questions.

    Je m'adresse à Pierre Nollet de Radio-Canada.

    Monsieur Nollet, vous parlez dans votre mémoire de la responsabilité des fournisseurs de services d'Internet. Des gens, ici présents, nous ont demandé d'étendre l'exemption de l'article 2.3 aux fournisseurs de service Internet. Vous dites que la SRC croit que la loi devrait être modifiée afin de prévoir expressément la non-responsabilité des intermédiaires de réseaux.

    Voudriez-vous qu'ils forment une autre catégorie que les fournisseurs de services Internet? Voudriez-vous qu'il y ait une autre exemption dans la loi?

+-

    M. Pierre Nollet: Certains fournisseurs de services Internet sont des intermédiaires de réseaux. Je pense que c'est la distinction qui est faite, d'un côté comme de l'autre. Je pense qu'il y a eu une entente, à tout le moins, sur les intermédiaires de réseaux, et on serait d'accord pour qu'ils soient exclus des responsabilités.

    Là où il y a désaccord, c'est sur les autres fournisseurs de services Internet qui offrent du contenu ou de la valeur ajoutée.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je n'ai pas d'autres questions à poser.

+-

    Le président: Merci.

    Je vais céder la parole à M. Shepherd.

    Monsieur Shepherd, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je vais revenir à M. Audley.

    Vos observations m'ont intéressé. Lorsque vous parlez d'exemptions possibles, je pense alors à la taxe de vente de fabricants qui a entraîné énormément de tracasseries administratives tant et si bien que personne ne pouvait la comprendre, en raison des innombrables règlements stipulant qui allait être exempté et qui n'allait pas l'être. Il me semble parfois que la technologie nous dépasse, puisque tout cela avance beaucoup plus vite que les législateurs.

     J'ai entendu certains dire que la solution consisterait à demander aux créateurs de diffuser leurs oeuvres sur un ou deux sites Web dont l'accès serait payant. Cela nous ramène à toute l'évolution de l'informatique. Si l'on peut abaisser le coût jusqu'au point où cela ne rapporte rien, puisqu'il est très facile de consulter un site Web et de télécharger l'information, c'est la solution à adopter. Je crois de façon réaliste que les gouvernements seraient heureux de ne pas avoir à intervenir si l'on pouvait trouver un genre de solution commerciale.

    Vous semblez toutefois croire que ce que vous proposez va en quelque sorte durer éternellement. Je sais que vous avez parlé du potentiel d'auto-destruction, mais il me semble certainement que cela pourrait durer longtemps, d'après ce que vous dites.

+-

    M. Paul Audley: Bien sûr, tous les titulaires de droit que je connais dans l'industrie de la musique aimeraient pouvoir exercer un contrôle et faire affaire sur le marché. Le problème, c'est que ce n'est pas le cas si bien qu'à l'heure actuelle nous n'avons pas vraiment de solution de rechange qui consisterait à subitement protéger tout ce qui est mis à disposition contre la copie et à l'assujettir à la gestion des droits numériques. Nous en sommes au début du processus. Selon moi et je crois, selon tous ceux qui participent à la SCPCP, plus la mise en oeuvre des nouveaux services en ligne peut se faire rapidement, plus ils peuvent être fructueux et plus les acteurs de l'industrie seront satisfaits.

·  +-(1300)  

+-

    M. Alex Shepherd: J'aimerais alors vous demander si ce que vous faites—et ce que vous visez—y fait obstacle? J'aimerais également connaître le point de vue des autres.

+-

    M. Paul Audley: Permettez-moi de vous dire clairement qu'on ne peut pas vraiment parler d'obstacle. La SCPCP a perçu 28 millions de dollars pour le milliard de pistes musicales copiées. Cela correspond à près de 2,8 ¢ la piste ou quelque chose comme 0,39 $ l'album. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour se rendre compte que les titulaires de droit feraient beaucoup plus d'argent s'ils pouvaient vendre directement sur le marché. Aux États-Unis, télécharger une piste musicale coûte 99 ¢ US. Les titulaires de droit préféreraient de loin avoir une part de ces 99 ¢ plutôt qu'une part des 2,8 ¢ . Il ne fait aucun doute selon moi que c'est vraiment un pis-aller.

    Il ne faut pas s'imaginer qu'on pourra obtenir quoi que ce soit des 99 ¢, vu que tellement d'oeuvres musicales non protégées sont mises à disposition; on obtiendra en fait rien du tout. En l'absence de loi portant sur les redevances pour la copie privée, on ne retire absolument rien de la grande majorité des opérations de copie.

+-

    Le président: Monsieur Brunet, brièvement, puis, madame Brisebois.

+-

    M. Claude Brunet: J'aimerais revenir aux observations de M. Shepherd, voire y répondre; il déclare en effet que les choses vont trop vite or, curieusement, il est possible qu'elles n'aillent pas aussi vite que nous le souhaiterions. La mise en place des systèmes GDN qui redonnera comme il se doit le contrôle aux intéressés—soit les titulaires des droits d'auteur—se trouvera accélérée une fois ces systèmes eux-mêmes protégés.

    La protection de ces systèmes est précisément l'un des éléments des traités de l'OMPI. Le fait de signer les traités et d'y adhérer accélérera le mouvement de mise en place des systèmes GDN, ce qui, à son tour, fera disparaître plus rapidement le régime de la copie pour usage privé. J'en profite, monsieur le président, pour féliciter le comité de s'être attaqué à la question et d'en avoir conclu que le gouvernement devrait adhérer aux traités de l'OMPI.

+-

    Le président: Madame Brisebois, je vous vois sourire.

+-

    Mme Diane Brisebois: Nous commençons à nous animer ici.

    J'aimerais que le président d'Intel aborde beaucoup de ces questions pour que nous disposions de la bonne information ici même.

+-

    M. Douglas Cooper: Monsieur le président et membres du comité, ce que je veux annoncer, c'est que les technologies existent bel et bien et qu'elles sont en fait mises en place. Même si certains ont déclaré que ces technologies n'existent pas ou qu'elles commencent simplement à apparaître, je dois dire que c'est faux. Nous pouvons facilement justifier ce point auprès des membres du comité ainsi qu'auprès de vous, monsieur le président.

    Le problème, c'est que ce qui retarde la diffusion de beaucoup de ces technologies...

+-

    Le président: Désolé de vous interrompre. Nous serons heureux de recevoir tous les documents que vous voudrez bien faire parvenir au comité; il vous suffit de les envoyer au greffier. S'ils ne sont pas trop gros, nous les ferons traduire et nous les distribuerons.

+-

    M. Douglas Cooper: Excellent. Merci beaucoup, monsieur le président.

    Une voix : … [Note de la rédaction : Inaudible]…

+-

    M. Douglas Cooper: Monsieur, puis-je simplement terminer?

[Français]

+-

    Le président: Un instant, monsieur Brunet, on va revenir à vous.

·  +-(1305)  

+-

    M. Claude Brunet: Il me semble, monsieur le président, que si j'étais parlementaire, je soulèverais ici une question de privilège.

+-

    Le président: Il n'y a pas de question de privilège ici, monsieur Brunet. On va laisser M. Cooper parler, d'accord?

[Traduction]

+-

    M. Douglas Cooper: Puis-je terminer?

    Les technologies existent, comme je viens de le dire, et nous vous transmettrons ces documents si vous le souhaitez, monsieur le président. Ce qui nous préoccupe, c'est que c'est une solution de remplacement qui freine la diffusion de cette technologie, soit le régime actuel des redevances. Éliminer les redevances inciterait à mettre en place ces technologies, puisque les titulaires de contenu seraient alors encouragés à le faire.

    Par conséquent, en premier lieu, elles existent et, en second lieu, c'est le régime actuel qui freine leur mise en place. Les membres du comité doivent comprendre qu'en fait, cette technologie existe. Ne croyons pas que c'est quelque chose qui va se produire dans un avenir lointain; il faut s'en occuper dès maintenant.

+-

    Le président: Pour être juste, je crois que M. Brunet, si je comprends bien, parlait d'une technologie particulière, une GDN.

    Peut-être vous opposez-vous au mot « faux ».

[Français]

+-

    M. Claude Brunet: Effectivement, monsieur le président. Ce qui m'agace, dans les remarques de M. Cooper, c'est qu'il est en train de dire au comité que nous avons nié l'existence de ces mesures. Au contraire, nous les reconnaissons. Nous disons, à la SCPCP, que toutes ces mesures sont en train d'être mises en place. Mais comme je l'ai dit dans ma présentation de départ, ces mesures sont mises en place dans la controverse et elles ne sont pas encore en place pour tous les enregistrements sonores.

+-

    Le président: Très bien, monsieur Brunet.

    Madame Frulla.

+-

    Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Merci, monsieur le président. Il y a tellement de questions.

    Madame Brisebois, je vous vois réagir très émotivement à tout cela.

+-

    Mme Diane Brisebois: C'est mon sang latin, madame.

[Traduction]

+-

    Mme Liza Frulla: Monsieur Cooper, vous dites que c'est ce qui s'en vient. En attendant, si nous allégeons la redevance, cela va arriver plus vite.

[Français]

    Alors, la question que je vous pose c'est: que font les détenteurs de droits en attendant? Parce que si je me fie à ce que MM. Brunet et Audley disent, oui, elle est là, mais elle n'est pas vraiment répandue. Alors, qu'est-ce qui arrive en attendant, si cela prend quelques années, par exemple? Qu'est-ce qui arrive aux auteurs-compositeurs? Quelle est votre solution?

[Traduction]

+-

    Mme Diane Brisebois: Je vais répondre à une partie de la question avant d'inviter M. Cooper à poursuivre.

    Ce qui pique ma curiosité, c'est que l'exposé renferme beaucoup de contradictions. Ils ont besoin d'argent, mais la plupart des fonds ne sont pas remis aux artistes. Ce qui m'effraie, c'est l'observation faite par M. Audley, selon lequel ce sont les mêmes titres et les mêmes artistes qui reviennent. Il faut donc se demander si cette redevance sert aussi à appuyer les artistes méconnus qui habituellement ne sont pas représentés ni payés par de grandes sociétés.

    Deuxièmement, le fait d'imposer des redevances sur toute une gamme de produits ne peut permettre de prétendre que c'est pour protéger les droits d'auteur alors qu'en fait, d'après la recherche—pas seulement la nôtre, mais la recherche en général—plus de 50 p. 100 des acheteurs de ces produits ne les utilisent pas pour enregistrer de la musique. Étant donné que vous avez une organisation qui demande l'autorisation de percevoir des redevances sur un plus vaste éventail de produits, y compris les ordinateurs, il faut se demander si l'artiste sensible et timide ne va jamais percer.

    Nous venons d'une industrie, madame Frulla, où il nous est très difficile de croire qu'une taxe va disparaître. Une taxe n'est rien d'autre qu'une taxe, peu importe la façon dont vous la maquillez. Lorsqu'une industrie s'autoréglemente et qu'elle est en faveur d'une redevance, il faut se méfier, car certainement, M. Cooper et bien d'autres secteurs peuvent prouver que la technologie existe bel et bien. Beaucoup d'industries de consommation ont bien sûr critiqué l'industrie de la musique qui ne fait rien. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'il s'agit d'une solution symbolique.

    J'appartiens au secteur du détail et nos détaillants se font concurrence sur le vrai marché; si les gens n'aiment pas votre magasin, il leur suffit de traverser la rue pour aller ailleurs. Les détaillants n'imposent pas de redevances quand vous sortez de leur magasin.

    Il faut donc que le marché trouve une solution. Cela ne veut pas dire que notre secteur et que l'industrie que M. Cooper représente, ainsi que nos consommateurs, ne croient pas que nous devrions protéger les titulaires de droits d'auteur, mais il faudrait aussi également le faire dans la transparence et pour les bonnes raisons.

+-

    M. Douglas Cooper: Si vous permettez, j'aimerais ajouter que nous parlions d'un moyen de dissuasion empêchant la mise en place de technologies pour le monde que nous souhaitons. Il nous paraît donc sensé de travailler avec le comité sur un processus d'élimination progressive de la redevance pour que les technologies, par exemple, qui sont protégées aujourd'hui ne soient pas assujetties à la redevance.

    À titre d'exemple, beaucoup de lecteurs qui devraient être assujettis à la redevance sont dotés de la technologie GDN et ne devraient pas y être assujettis. Je proposerais donc un processus d'élimination progressive.

+-

    Le président: Madame Frulla.

+-

    Mme Liza Frulla: Vous parlez d'un projet d'élimination progressive. Nous essayons simplement ici de voir comment aboutir à un projet de loi qui soit équitable pour tous.

    Monsieur Spurgeon ou monsieur Brunet, cela vous semble-t-il sensé?

·  +-(1310)  

[Français]

+-

    M. Claude Brunet: Eh bien, étant le premier, madame Frulla, je dirais que la disparition graduelle de ce système, nous le reconnaissons, est un stop-gap-measure. La disparition de ce système doit se faire, il me semble, comme vous l'avez signalé vous-même, dans le respect des droits des créateurs de toute nature: les auteurs, les interprètes et les producteurs de disques. Or, c'est dans la nature même du système tel qu'il est établi par la Commission du droit d'auteur, c'est-à-dire tel qu'il est homologué par la Commission du droit d'auteur. C'est dans la nature même de ce système que les redevances, après avoir atteint un certain plafond, diminueront au fur et à mesure que la copie se fera à partir de sources autorisées, grâce au mécanisme de digital rights management que nous évoquons. Donc, je ne crois pas que le législateur ait quelque chose à faire pour changer cela; c'est ainsi que cela fonctionne maintenant.

    C'est un peu désagréable pour nos amis parce qu'on est dans la courbe un peu ascendante, étant donné que le système se met en place; il n'a que six ans. Mais au fur et à mesure que les mesures technologiques de protection seront mises en place, ce système, à la demande même des créateurs, disparaîtra puisque ce qu'ils veulent, ce n'est pas un droit à la rémunération, c'est un droit de contrôle sur la reproduction.

+-

    Mme Liza Frulla: Mais est-ce que le législateur, par sa loi-même, peut faire en sorte qu'il y ait un encouragement à ce qu'on accélère le système?

+-

    M. Claude Brunet: À ce chapitre-là, je répéterai ce que je disais au sujet des propos de M. Shepherd. Oui, dans la mesure où le Canada marque son adhésion aux traités de l'OMPI, dans la mesure où la loi canadienne est modifiée de façon à protéger les mesures technologiques de protection elles-mêmes, ce que les traités de l'OMPI réclament, cela aidera à accélérer le développement des mesures de protection technologiques et leur déploiement sur les enregistrements sonores qui seront créés à l'avenir. Donc, pour accélérer le système, adhérons à l'OMPI et changeons la loi canadienne, pour protéger les mesures de protection elles-mêmes.

[Traduction]

+-

    Le président: J'aimerais poser une question à M. Cooper, à partir de ce que M. Brunet vient juste de dire. En supposant qu'il y ait un régime technologique—et nous n'allons pas discuter pour savoir s'il est en place ou non et à quelle étape il se trouve, car de notre point de vue, nous n'en savons rien—nous demandons en notre qualité de membres du comité, si vous seriez heureux qu'un tel régime remplace le système actuel, dans la mesure où il serait efficace et protégé, garantissant ainsi sa mise en application?

    J'imagine que c'est ce que souhaite également savoir M. Brunet. Par conséquent, il me semble que nous en arrivons à un genre de consensus entre deux points de vue opposés.

+-

    M. Douglas Cooper: Si vous permettez, monsieur le président, je crois à ce moment-là que les documents protégés par le droit d'auteur coûteraient moins cher, puisqu'il n'y aurait pas de redevance, ce qui servirait d'incitatif; par conséquent, les forces du marché entraîneraient les consommateurs dans ce sens, éliminant ainsi la nécessité de la redevance. C'est l'incitatif économique et c'est l'autre élément qu'il faut prévoir dans le régime, or c'est ce qui manque dans l'argument de M.  Brunet

+-

    Le président: Le régime devrait également être protégé par une loi ou un règlement, parce que si vous avez uniquement un régime et que personne ne le met en vigueur, il manque un chaînon essentiel.

+-

    Mme Diane Brisebois: Il faut également faire en sorte que si un régime est prévu et qu'il est assujetti à une loi, il ne serve pas à pénaliser tout le monde et non ceux qui, en fait, violent la loi, ce qui se produit avec le système actuel.

    J'aimerais faire une autre observation. M.  Brunet s'est hâté de demander au comité de ratifier l'OMPI, mais je crois qu'il est important que le gouvernement n'agisse pas tant qu'il n'y aura pas eu un débat de fond avec tous les intervenants. C'est une question qui va avoir un impact économique sur le traitement national en vertu de l'OMPI et je tenais à le souligner clairement.

·  -(1315)  

+-

    Le président: Monsieur  Abbott, avez-vous...

+-

    M. Jim Abbott: Je suis toujours...

+-

    Le président: Si vous pouvez être bref...

+-

    M. Jim Abbott: Oui.

    J'aimerais revenir à toute la question de la légalité du téléchargement. La difficulté, je l'admets, monsieur Brunet, c'est qu'il s'agit probablement d'une question très juridique, elle est donc complexe, mais je me demande si nous ne pourrions pas la décortiquer.

    Le fait qu'une personne paye une redevance lorsqu'elle télécharge, en aval ou en amont—je ne connais même pas la différence—toujours est-il que d'après la loi actuelle, si vous lisez l'article 80 de la Loi sur le droit d'auteur, au paragraphe 80(1):

Sous réserve du paragraphe (2), ne constitue pas une violation du droit d'auteur [...] le fait de reproduire pour usage privé l'intégralité ou toute partie importante de cet enregistrement sonore, de cette oeuvre ou de cette prestation sur un support audio.

    Compte tenu du libellé de la loi actuelle, malgré le parti pris que j'affiche, à savoir que je suis contre la redevance pour copie privée—c'est mon parti pris, mais cela mis à part—il me semble que ce qui se passe actuellement—cela nous ramène à l'exposé de M. Thomson et aux autres—c'est que ces gens sont pratiquement dégagés de toute responsabilité, puisqu'il s'agit d'une activité légale de toute façon. Je me demande s'il est possible, malgré toute la complexité de la question, de la décortiquer pour réfuter ce point de vue. 

+-

    M. Claude Brunet: Si vous permettez, monsieur Abbott, il me semble qu'il est plus facile de répondre à votre première question, si bien que c'est par là que je vais commencer. Je ne sais pas si je vais pouvoir répondre à la dernière. 

+-

    Le président: Soyez très concis, monsieur Abbott, car nous devons terminer.

+-

    M. Claude Brunet: Oui, monsieur le président. À vrai dire, le fait de reproduire pour usage privé un enregistrement sonore n'est plus une violation du droit d'auteur. Que vous le fassiez à partir d'un disque que vous avez chez vous pour avoir une cassette pour votre voiture, ou que vous en fassiez une copie sur un disque dur, ce n'est plus une violation du droit d'auteur dans notre pays.

    Le problème de votre concept, monsieur Abbott, si vous permettez, c'est que lorsque nous parlons de téléchargement, nous parlons de deux activités différentes. Il y a d'abord la personne qui fait la copie; cette personne n'est pas en violation du droit d'auteur au Canada, puisque ce n'est plus une violation que de reproduire un enregistrement sonore pour usage privé. Par contre, la personne qui a mis cette copie à disposition en est une autre et elle a fait quelque chose de bien différent. Le fait de reproduire un enregistrement sonore pour usage privé n'est plus une violation du droit d'auteur, mais, je suis sûr que vous conviendrez avec moi que cela ne me donne pas le droit d'aller chez un disquaire et de lui emprunter des disques pendant quelques minutes pour faire ma propre copie. Voyez-vous la différence? On parle ici de l'acte de copier et de l'accès à la source. Ce sont deux choses différentes.

-

    Le président: Monsieur Brunet, le moment est venu de nous arrêter, car si nous poursuivons, nous n'en serons que plus mêlés. Peut-être le comprenez-vous, mais je dois dire qu'il nous est un peu difficile de saisir cette nuance. Nous devrons y revenir.

    Merci beaucoup d'avoir comparu pour une session fort intéressante. Nous vous en remercions tout en nous excusant de vous avoir retenus plus longtemps que la normale. Merci.

    La séance est levée.