HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 7 octobre 2003
Á | 1105 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Bruce Stockfish (directeur général, Politique du droit d'auteur, ministère du Patrimoine canadien) |
Le président |
M. Bruce Stockfish |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
Á | 1150 |
Le président |
M. Bruce Stockfish |
Á | 1155 |
 | 1200 |
 | 1205 |
 | 1210 |
 | 1215 |
Le président |
 | 1220 |
M. Bruce Stockfish |
 | 1225 |
Le président |
M. Bruce Stockfish |
Le président |
 | 1230 |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia) |
Le président |
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey) |
Le président |
M. Jim Abbott |
Le président |
M. Bruce Stockfish |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
[Français]
Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour entendre des avis du ministère du Patrimoine canadien:
[Traduction]
M. Bruce Stockfish, directeur général, et Mme Danielle Bouvet, directrice de la Politique du droit d'auteur au ministère du Patrimoine canadien;
[Français]
et, du ministère de l'Industrie, M. Albert Cloutier, qui est chef de projet principal,
[Traduction]
enfin, Mme Susan Bincoletto, directrice de la Politique de la propriété intellectuelle.
Il y aura un vote autour de 11 h 28—le greffier va vérifier l'heure exacte—donc nous devrons nous arrêter dans environ 15 minutes. Nous vous informerons du moment exact.
Nous n'avons pas le quorum pour discuter de nos travaux futurs, parce que la plupart des membres du comité sont à la Chambre pour le vote, mais nous sommes suffisamment nombreux pour entendre le début de votre témoignage.
Allez-y, monsieur Stockfish.
M. Bruce Stockfish (directeur général, Politique du droit d'auteur, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président.
Vous avez déjà fait les présentations, y compris celles de mes collègues, donc je me contenterai de souligner l'absence de notre collègue d'Industrie Canada, Marie-Josée Thivierge, qui ne peut malheureusement pas être présente aujourd'hui.
Voilà aujourd'hui l'occasion pour nous de faire valoir que la responsabilité de la politique sur le droit d'auteur, comme bon nombre d'entre vous le savez déjà, relève à la fois de Patrimoine canadien et d'Industrie Canada. Pour cette raison, des fonctionnaires des deux ministères sont avec nous aujourd'hui. J'aimerais préciser que les fonctionnaires des deux ministères ont collaboré à la préparation de cette séance.
C'est moi qui vais faire l'exposé de ce matin, mais bien entendu, mes connaissances sont très générales et très limitées. Je compte beaucoup, comme mes collègues d'Industrie Canada, sur une équipe d'experts qui travaille avec nous et nous appuie. Évidemment, si vous posez des questions auxquelles je ne peux pas répondre, je me ferai un plaisir d'inviter des experts à se joindre à nous.
Nous sommes ici aujourd'hui et comparaîtrons également jeudi...
Le président: Excusez-moi, mais je viens d'entendre que le vote aura lieu dans vingt minutes, à 11 h 30; nous prendrons donc une pause à 11 h 20.
Merci.
M. Bruce Stockfish: Merci.
Aujourd'hui, nous avons l'intention de vous présenter un exposé sur les principes de base du droit d'auteur : la loi, bien sûr, l'environnement dans lequel le droit d'auteur s'inscrit, les divers acteurs et le contexte international. En gros, nous allons vous donner un mini-cours « Droit d'auteur 101 » pour vous préparer aux audiences sur l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur.
Si nous avons bien compris, vous aimeriez que nous abordions, jeudi prochain, quelques questions entourant la Loi sur le droit d'auteur, soit le processus de réforme et l'état des travaux du gouvernement sur les problèmes à court terme que nous avons relevés dans le rapport sur l'article 92. Nous pourrons également vous renseigner sur la position des divers groupes d'intérêt et bien sûr, répondre à vos questions.
À titre d'introduction, laissez-moi vous dire une chose qui va peut-être sans dire : le droit d'auteur n'est pas un sujet simple. Les enjeux sont complexes. La loi dans son ensemble est complexe, parce qu'il y a beaucoup de droits et beaucoup d'exceptions. C'est très juridique et très international. Il y a beaucoup d'acteurs, beaucoup d'intérêts dans le domaine du droit d'auteur, et leurs prises de positions sont très partagées.
Nous sommes en contact avec toutes les industries culturelles à cet égard, tout comme vous, bien entendu. Chaque secteur a ses propres pions dans l'industrie du cinéma, de l'édition, de l'enregistrement sonore, des arts visuels et même dans quelques secteurs non culturels. Toutes ces parties sont touchées par le droit d'auteur, et nous sommes en contact avec toutes.
Nous avons nos propres intervenants qui s'occupent des intérêts liés au droit d'auteur. Il s'agit des sociétés de gestion, dont nous allons parler davantage dans notre exposé.
Il ne faut pas non plus oublier les utilisateurs, les institutions, les bibliothèques, les musées et même les diffuseurs ou des groupes hybrides—les diffuseurs, par exemple, sont à la fois utilisateurs et détenteurs de droits d'auteurs—ainsi que le vaste public. De plus en plus, nous nous rendons compte que nous sommes tous consommateurs des oeuvres frappées de droit d'auteur. Nous allons vous parler de toutes les catégories d'oeuvres.
Même si la tâche semble décourageante, nous croyons que c'est un bon moment pour nous pencher sur le droit d'auteur. Nous nous occupons des difficultés liées au droit d'auteur, mais par le fait même, nous nous trouvons à aborder des enjeux ayant des incidences à la fois sur la politique culturelle et la politique économique. Les industries du secteur culturel dépendent beaucoup du droit d'auteur, qui est déterminant pour leur viabilité économique sur le marché.
Le droit d'auteur est un domaine de la plus grande actualité. Il suit l'avancement constant des technologies des communications. On parole des droits d'auteur dans les journaux tous les jours. On en parle devant les tribunaux. Dernièrement, la Cour suprême du Canada a entendu beaucoup d'affaires à visibilité élevée dans le domaine du droit d'auteur, et ce n'est pas fini. L'an dernier, l'arrêt Théberge a marqué en profondeur les droits de reproduction. Cet automne, la Cour suprême va entendre l'affaire du Barreau du Haut-Canada, qui sera déterminante pour l'interprétation du concept fondamental de l'originalité dans le droit d'auteur et de l'une des principales exceptions prévues à propos de l'utilisation équitable. La Cour suprême du Canada va également se pencher sur l'affaire du « tarif 22 », qui sera essentielle pour la réglementation des communications par Internet.
Tous ces procès se dérouleront pendant que nous effectuons notre travail de réglementation et que vous effectuez votre examen de l'article 92.
Vous allez entendre des témoins s'exprimer sur diverses questions. Vous allez entendre diverses perspectives. Jeudi, nous allons vous donner notre point de vue sur les enjeux en général et sur ceux qui nous occupent, puis nous vous expliquerons pourquoi nous nous en occupons. Aujourd'hui, nous avons pour objectif de vous donner un aperçu du droit d'auteur en général.
Nous avons un jeu de diapositives que vous avez reçu dans les deux langues officielles. Je vais vous les expliquer. Pardonnez-moi mon style plutôt magistral. Je suis conscient des limites de temps. Il y a beaucoup de détails à certains endroits, mais je vais passer outre certaines choses. Néanmoins, je crois que ce document vous sera très utile, en plus de vos autres ressources, pour vous mettre au jour sur les enjeux du droit d'auteur. En ce sens, je vous rappelle que nous-mêmes nous inspirons du rapport sur l'article 92. Par ailleurs, vous avez d'excellents attachés de recherche pour vous aider à vous situer.
Le rapport sur l'article 92 nous guide d'une certaine façon dans notre exposé de ce matin. Nous allons vous parler de façon très concrète des aspects de base du chapitre 1. Jeudi prochain, nous allons certainement aborder la question de la réforme, que nous proposons au chapitre 3, ainsi que d'autres enjeux sur lesquels porte le chapitre 2. Bien sûr, si vous avez des questions, mes collègues et moi nous efforcerons d'y répondre en tout temps.
Á (1110)
À moins qu'il n'y ait déjà des questions, je vais vous présenter le jeu de diapositives que nous avons préparé et que nous vous avons distribué. Je vais prendre tout de suite la page 5, où il est question des principes entourant le droit d'auteur.
Je suppose que la première question qui se pose est la suivante : qu'est-ce qu'un droit d'auteur? Le droit d'auteur est une catégorie de propriété intellectuelle. Il diffère de la propriété physique. C'est en fait un ensemble de droits conférés aux créateurs d'oeuvres intellectuelles afin de leur permettre d'exercer un pouvoir sur ces oeuvres et d'en tirer une rémunération. Il ne se compare pas à la propriété d'un livre. On peut transmettre un livre, dans sa forme physique, d'une personne à l'autre, mais c'est le créateur ou le détenteur ultérieur du droit d'auteur qui conserve le droit d'auteur du livre, soit sa propriété intellectuelle.
Notre travail de réglementation et votre travail de législateur s'articulent autour de deux aspects du droit d'auteur : le contrôle et la rémunération au profit du titulaire du droit d'auteur, mais également l'accès légitime des utilisateurs en général à ces oeuvres et leur diffusion. Nous nous efforçons sans cesse de maintenir un équilibre entre les deux dans la politique sur le droit d'auteur.
Pour vous donner une idée du contexte théorique, il y a deux philosophies à la base de notre Loi sur le droit d'auteur, deux philosophies qui s'appliquent aux droits d'auteur dans le monde. La première des deux est qualifiée de philosophie anglo-américaine du droit d'auteur. Elle se distingue de la philosophie européenne du droit d'auteur. La première peut être considérée plus utilitaire que la seconde et est axée davantage sur l'économie, puisqu'elle reconnaît la contribution économique des créateurs. Elle reconnaît également la contribution des créateurs aux industries culturelles. La philosophie européenne met davantage l'accent sur les auteurs eux-mêmes. Selon cette philosophie, il y a quelque chose d'inhérent aux créations d'auteurs qui devrait être reconnu par la loi.
Ceci dit, je ne veux pas mettre trop l'accent sur cette distinction. Les deux philosophies tendent vers l'équilibre dont j'ai fait mention, entre les intérêts et les droits des détenteurs des droits d'auteur et les besoins des utilisateurs d'avoir accès aux oeuvres frappées d'un droit d'auteur.
Prenez maintenant la page 6. J'insiste ici pour vous dire que le droit d'auteur constitue une catégorie de propriété intellectuelle, bien entendu. Il s'agit d'un droit prévu par la loi. C'est un droit de compétence fédérale, comme les autres catégories de propriété intellectuelle, ce qui signifie que le droit d'auteur n'est garanti que par la Loi sur le droit d'auteur. Si nous voulons créer de nouveaux droits ou de nouvelles obligations—des conventions internationales, par exemple—, il nous faut modifier la Loi sur le droit d'auteur. C'est un défi pour nous comme pour vous.
À la page 7, vous voyez que la politique sur le droit d'auteur est de responsabilité partagée entre le ministre de l'Industrie et la ministre du Patrimoine canadien, je vous le rappelle. Bien sûr, le ministre de l'Industrie est responsable des aspects économiques du droit d'auteur. C'est une loi-cadre importante qui favorise l'innovation sur le marché. Au ministère du Patrimoine canadien, nous nous occupons des aspects culturels. Nous voyons la loi comme un outil de mise en valeur de nos ressources. Elle contribue à la création de contenu canadien. Bien entendu, nous tenons aussi compte de la facilité d'accès qui convient pour permettre aux Canadiens de se raconter des histoires.
À la page 8, nous nous demandons ce qui est protégé par le droit d'auteur. Nous dressons une liste d'ouvrages. Il y a deux grandes catégories d'ouvrages, qui peuvent porter à confusion. La première catégorie englobe les diverses oeuvres des auteurs et la deuxième, ce qu'on appelle les « droits voisins ».
Le mot « auteur » peut semer la confusion dans l'esprit d'un nouveau venu dans le domaine du droit d'auteur. Nous ne parlons pas des auteurs au sens strict d'écrivains de romans et d'oeuvres littéraires. Il s'agit d'auteurs dans le sens du droit d'auteur, qui s'entend de façon plus large de tous les créateurs d'oeuvres, qu'il s'agisse d'écrivains, de compositeurs ou d'artistes. Vous voyez ici la liste des types d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
Á (1115)
L'autre catégorie ne se compose pas d'oeuvres en tant que tel, mais de contributions d'artistes, de producteurs et de diffuseurs. On qualifie ces droits de droits voisins. Il s'agit en fait d'une catégorie distincte de droit d'auteur. Certains États les regroupent toutes les deux sous l'étiquette de droit d'auteur. Le Canada fait une distinction entre les deux catégories, même s'il emploie le terme « droit d'auteur » comme générique pour les deux catégories. Tout ces droits sont décrits dans la Loi sur le droit d'auteur.
Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais nous devrons nous arrêter le temps du vote. Nous avons tout juste le temps de nous rendre à la Chambre.
Puis-je vous demander de nous attendre ici? Vous pouvez prendre un café jusqu'à ce que nous revenions. Nous serons de retour dès que possible.
Le comité suspend ses travaux.
Á (1117)
Á (1149)
Á (1150)
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Monsieur Stockfish, vous pouvez continuer là où vous étiez rendu.
M. Bruce Stockfish: Merci, monsieur le président.
Pour ceux qui viennent tout juste de se joindre à nous, j'étais en train de faire un exposé palpitant sur le « Droit d'auteur 101 ». Je vais simplement reprendre là où nous nous sommes laissés, soit à la page 8. Nous parlions des diverses oeuvres protégées par le droit d'auteur. J'établissais une distinction entre les créations intellectuelles des auteurs et les autres objets qui s'apparentent au droit d'auteur, mais qui s'assortissent de limites additionnelles pour les artistes, les producteurs et les diffuseurs.
À la page 9, nous présentons plus en détail les types d'oeuvres protégés par le droit d'auteur, soit les créations intellectuelles pour lesquelles les auteurs sont protégés. Vous voyez ici une liste d'exemples d'oeuvres. Je note que parmi les oeuvres littéraires, par exemple, on compte les programmes d'ordinateur, qui ne sont pas de nature culturelle, mais qui sont clairement considérés comme des oeuvres littéraires—un argument controversé aux yeux de certains. De même, les oeuvres artistiques comprennent les oeuvres architecturales. Un autre type d'oeuvre important, qu'on appelle communément les compilations, regroupe les oeuvres multimédias.
Toutes ces oeuvres mettent en jeu de vastes intérêts sectoriels. Par conséquent, divers acteurs s'intéressent davantage à certaines oeuvres qu'à d'autres. Bien entendu, tous se préoccupent du droit d'auteur.
Je vais vous donner quelques exemples d'acteurs qui s'intéressent aux diverses oeuvres et par conséquent, aux enjeux qui y sont liés. Vous en connaissez déjà quelques-uns.
Pour les oeuvres littéraires, il y a la Writers' Union, l'Association nationale des éditeurs de livres (l'ANEL), l'Association of Canadian Publishers (l'ACP) et le Canadian Publishers Council. Voilà quelques-uns des acteurs avec lesquels nous travaillons dans le domaine des oeuvres littéraires.
Je dois vous avertir que le domaine du droit d'auteur regorge d'acronymes. C'est une soupe alphabet que je commence à peine à déchiffrer. Vous allez certainement entendre bon nombre de ces associations vous parler par acronymes obscurs elles aussi.
Pour ce qui est des oeuvres dramatiques, vous pourriez entendre la Guilde des (l'ACPFT) et l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (l'APFTQ).
Pour les oeuvres musicales, il y a bien sûr l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement (l'AICE), la Canadian Independent Record Production Association (la CIRPA) et l'ADISQ, au Québec.
Pour les oeuvres artistiques, il y a l'Alliance pour les droits des créateurs (l'ADC), qui regroupe un vaste éventail d'artistes visuels; le CAR/FAC, un collectif qui représente les artistes visuels et l'ACPIC, qui représente les photographes.
Enfin, il y a évidemment toute une panoplie d'utilisateurs institutionnels qui s'intéressent à toutes ces oeuvres. La Canadian Library Association, l'Association des musées canadiens, le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) ou CMEC et l'Association canadienne des professeures et des professeurs d'université s'intéressent tous aux aspects éducatifs de ces enjeux. Cela sans mentionner les divers intermédiaires auxquels j'ai fait allusion déjà, qui ont à la fois des intérêts en tant qu'utilisateurs et en tant que détenteurs de droits d'auteur. Je pense, entre autres, à l'Association canadienne des radiodiffuseurs et à l'Association canadienne des fournisseurs Internet ou ACFI.
Je vais m'arrêter là. Cela ne fait que vous donner une idée du type d'intervenants qui s'intéresse à ces oeuvres et des divers secteurs qui y sont associés.
À la page 10, vous avez des exemples d'autres objets du droit d'auteur. Il s'agit d'éléments pour lesquels il existe des nouveaux droits, des droits associés—on les appelle en fait des droits voisins—grâce auxquels les producteurs, les artistes et les diffuseurs jouissent de droits limités à certains égards.
Pour ce qui est des artistes, bien sûr, il y a d'autres groupes d'intérêt qui se préoccupent du droit d'auteur, comme l'ACTRA, qui représente les acteurs, et l'Union des artistes du Québec ou UDA. Ces groupes défendent les artistes qui font des prestations.
Il y a aussi les enregistrements sonores, dont se préoccupent évidemment les réalisateurs et les mêmes groupes qui défendent les droits de création en tant que tels, soit l'AICE et l'ADISQ, puis il y a enfin les signaux de diffusion, dont s'intéresse notamment l'Association canadienne des radiodiffuseurs.
Á (1155)
Lorsque nous examinerons plus en détail ces différentes questions, vous verrez que les titulaires de droits voisins cherchent à assurer une meilleure protection de leurs droits.
La page 11 porte sur les droits protégés par un droit d'auteur. Il existe essentiellement deux catégories de droits : les droits économiques et les droits moraux.
Par droits économiques, j'entends les droits se rapportant à des oeuvres protégées sur lesquelles le créateur exerce un contrôle en vertu du droit d'auteur. Il y a un élément d'exclusivité. Les droits d'un détenteur de droit d'auteur sont exclusifs dans la mesure où ce dernier contrôle, jusqu'à un certain point, l'utilisation de ces droits ou peut autoriser quelqu'un d'autre à utiliser ces droits de différentes façons, comme celles indiquées sur le document. Le droit de reproduction est fondamental; il est la pierre angulaire des droits dans ce domaine. D'autres droits sont importants, comme la communication au public et l'exécution publique. L'adaptation ainsi que la traduction sont aussi contrôlées par le titulaire d'un droit d'auteur.
Plusieurs autres droits ont été enchâssés dans la Loi sur le droit d'auteur au fil des ans—ce qui est venu compliquer quelque peu cette mesure législative. Le droit d'exposition, par exemple, a été ajouté à la Loi sur le droit d'auteur en 1988 pour reconnaître un droit équivalent à celui accordé aux artistes visuels, puisqu'en fait aucune question de reproduction ou de transmission d'une statue ne peut se poser, par exemple. Mais il existe depuis lors un droit équivalent pour l'exposition.
Il convient de noter que les titulaires de droits d'auteur ne contrôlent pas toutes les utilisations de ces droits, comme l'exécution privée. Nous pouvons assister à des représentations chez nous, autant que nous le voulons, sans aucune intervention du titulaire du droit. De la même façon, nous pouvons prêter ou revendre un livre sans que le détenteur du droit d'auteur ait quelque chose à dire. Nous parlons ici des droits exclusifs s'appliquant aux utilisations fondamentales des oeuvres—la reproduction, la communication au public et l'exécution publique—qui sous-tendent les droits d'auteur.
Je vais sauter les pages 12, 13 et 14, qui traitent essentiellement des droits économiques associés aux droits voisins, pour arriver à la page 15 du document, qui concerne la deuxième catégorie de droits, soit les droits moraux.
Les droits moraux découlent du régime européen du droit d'auteur. En vérité, le Canada a été le premier pays anglo-saxon à fixer des droits moraux dans sa Loi sur le droit d'auteur de 1931. Bien sûr, cela tient un peu au fait qu'une partie de notre tradition s'inspire du régime de droit d'auteur.
Comme vous pouvez le constater, les droits moraux sont divisés en trois catégories. Ils ne sont pas d'ordre économique. Il s'agit du droit d'attribution, qui permet à un créateur ayant transféré son droit d'auteur et, par conséquent, ayant perdu tout droit économique ou contrôle sur les aspects économiques de son oeuvre, d'être associé à cette oeuvre en tant qu'auteur. C'est son droit moral.
Il y a aussi le droit à l'intégrité pour prévenir les modifications préjudiciables d'une oeuvre. Même s'il a cédé son droit économique, le créateur peut empêcher qu'une moustache soit peinte sur son oeuvre, si je puis me permettre. C'est un fait extrêmement rare, mais quelque chose du genre est arrivé il y a 20 ans; Michael Snow avait fait une exposition dans laquelle il avait suspendu des oies dans le centre Eaton. Même s'il avait vendu ses droits au centre, ce dernier avait pensé que ce serait une bonne idée d'accrocher des rubans autour du cou de ces oies pour faire la promotion du centre commercial pendant la période des Fêtes. Cela aurait pu paraître une bonne idée à l'époque, mais, bien sûr, M. Snow s'y était opposé car il considérait que cela violait ses droits moraux. Les tribunaux lui ont donné raison, statuant qu'il s'agissait d'une modification préjudiciable à l'oeuvre. Ceci est un exemple du droit moral à l'intégrité.
 (1200)
Il y a aussi le droit à l'association. Un auteur a le droit moral d'empêcher l'utilisation d'une oeuvre en association avec quelque chose qu'il considère préjudiciable pour son oeuvre. Par exemple, l'oeuvre pourrait être utilisée par un organisme dont la mission n'est pas du tout partagée par le créateur de l'oeuvre. Dans ce cas, l'auteur a le droit moral d'intervenir.
Actuellement, seuls les auteurs ont des droits moraux. Les artistes interprètes et les producteurs sont privés de tels droits. C'est une autre des questions qui fera l'objet de discussions approfondies jeudi prochain.
Passons maintenant à la page 16 du document. Elle présente quelques-uns des éléments fondamentaux de la protection du droit d'auteur. Les deux principaux sont l'originalité et la fixation. Pour qu'une oeuvre soit protégée, il faut un élément d'originalité. Ce n'est pas vrai partout; d'ailleurs, ce concept est en train de changer, mais au Canada, au moins, il faut qu'il y ait un élément d'originalité.
Comme je l'ai indiqué, c'est une question que la Cour suprême du Canada est en train d'examiner dans le cadre de l'affaire du Barreau du Haut-Canada. Le but est de savoir dans quelle mesure une oeuvre doit être originale. Dans ce cas, l'éditeur cherche à obtenir la protection pour des sommaires reproduits dans des revues ou des reportages juridiques; la Cour suprême cherchera à déterminer s'il suffit d'avoir simplement un élément d'une oeuvre, un investissement dans cette oeuvre, ce qui est moins créatif, ou s'il faut qu'il y ait un élément d'originalité. Quoi qu'il en soit, il convient d'établir un critère d'originalité.
Une autre des exigences est la fixation. Le droit d'auteur ne protège pas les idées. Ceci est un principe fondamental du droit d'auteur; c'est l'expression de ces idées qui est protégée en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. L'expression se traduit par une fixation, que ce soit sous la forme d'un livre, d'une pièce ou de l'enregistrement d'une chanson.
Le droit d'auteur sur une oeuvre existe automatiquement dès la création de cette oeuvre. En ce sens, ce n'est pas comme les brevets ou les marques de commerce qui doivent être enregistrés pour être protégés. L'enregistrement se fait auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. Il est toutefois possible d'enregistrer un droit d'auteur, mais c'est facultatif. Habituellement, on le fait à des fins de preuve, pour confirmer l'auteur d'une oeuvre.
À la page 17, on pose simplement la question de savoir qui est l'auteur. Eh bien, c'est le créateur de l'oeuvre. Cela devrait être assez clair, même si des réserves s'appliquent à certaines oeuvres, comme les photographies.
À la page 18, on dit que l'auteur de l'oeuvre est son créateur et qu'à ce titre, il est le premier détenteur du droit d'auteur. Bien sûr, cela ne signifie pas que l'auteur sera toujours le détenteur du droit d'auteur. Il existe certaines exceptions ou réserves au principe selon lequel l'auteur est le premier titulaire du droit d'auteur. Elles sont indiquées dans le document. Lorsque des oeuvres sont créées dans le cadre d'un emploi, c'est l'employeur qui est le détenteur du droit d'auteur. C'est la même chose pour les oeuvres préparées ou publiées sous la gouverne de la Couronne. Les photographies exécutées sur commande sont soumises à des règles spéciales en vertu de la Loi sur le droit d'auteur selon laquelle celui qui commande ce type d'oeuvre est le détenteur du droit d'auteur. Ceci est un problème pour les photographes; c'est d'ailleurs un point discuté actuellement dans le cadre du projet de loi d'initiative parlementaire S-20 étudié au Sénat. Nous estimons que c'est une question qu'il convient également d'examiner. Une fois encore, nous étudierons cela plus en profondeur jeudi.
Passons maintenant à la page 19, qui traite de la durée de la protection des oeuvres. Pendant combien de temps un droit d'auteur est-il protégé? Un des éléments du droit d'auteur, c'est l'expiration de la durée de protection. Les créateurs doivent avoir l'exclusivité et le contrôle de l'oeuvre, comme je l'ai dit précédemment, mais seulement pour une durée limitée. Une fois la période écoulée, l'oeuvre relèvera du domaine public et pourra être utilisée par quiconque s'y intéresse. Actuellement, au Canada, la durée de protection du droit d'auteur correspond généralement à la durée de vie de l'auteur plus 50 ans. Il s'agit d'une norme internationale établie par la Convention de Berne. D'autres sont allés plus loin, comme les États-Unis et l'Europe, puisqu'ils ont fixé cette limite à la durée de vie de l'auteur plus 70 ans. Nous avons d'ailleurs soulevé cet autre problème dans notre rapport sur l'article 92 à propos de l'examen à la mi-période. Là encore, vous entendrez différents témoins exprimer leurs points de vue sur la question.
 (1205)
À la page 20, très brièvement, nous présentons les différentes durées de protection possibles pour les autres objets, en tenant compte des droits voisins. Habituellement, pour les artistes interprètes, les producteurs et les radiodiffuseurs, la règle est de 50 ans après la première fixation.
J'ai parlé d'« équilibre » à plusieurs reprises. La page 21 traite de quelques-unes des restrictions et exceptions contenues dans la Loi sur le droit d'auteur. Il y a en effet des exceptions à la capacité d'un titulaire de droit d'auteur de contrôler son oeuvre. La loi prévoit des exceptions qui autorisent des utilisations expresses du matériel protégé sans le consentement du détenteur du droit d'auteur. C'est normalement ce qui arrive dans le cas d'un usage collectif—comme lorsqu'on accroche une oeuvre au tableau d'une classe, par exemple. À noter que les archivistes bénéficient aussi d'une exception pour des fins de conservation.
L'utilisation équitable constitue une restriction importante. Comme je l'ai indiqué plus tôt, la Cour suprême se penche également sur cette question. Chacun d'entre nous est autorisé à utiliser une oeuvre à des fins de recherche, pour des citations dans la presse—ou des extraits de films, par exemple, à des fins promotionnelles. Tous ceux-ci sont soumis à des exceptions concernant l'utilisation équitable, ce qui, il convient de le noter, est un concept moins vaste que les restrictions relatives à l'utilisation équitable, dont vous avez peut-être entendu parler, telles qu'elles sont appliquées aux États-Unis. C'est un élément qui n'a pas été défini et qui, comme je l'ai dit, est entre les mains des tribunaux.
La licence obligatoire constitue une autre forme de restriction, comme nous l'avons fait valoir lorsque nous avons comparu devant ce comité dans le cadre du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, au sujet de la retransmission. En fait, le problème sous-jacent lié à la retransmission au moyen d'Internet visait la disponibilité de la licence obligatoire, qui constitue une limitation de la capacité du détenteur de droits à s'occuper exclusivement de son oeuvre. Dans ce cas, ce n'est pas une exception dans le sens où un utilisateur a la capacité incontestable d'accéder à une oeuvre, puisqu'il y a des dispositions concernant la rémunération, laquelle est fixée par la Commission du droit d'auteur.
Enfin, le régime de la copie privée est un élément crucial dont vous entendrez certainement parler aussi. Ce régime prévoit une exception pour la copie privée d'oeuvres en conjonction avec l'application d'un prélèvement. Ainsi, il existe également des restrictions à la capacité des détenteurs de droits de contrôler la copie privée. Nous allons certainement en parler un peu plus longuement plus tard.
Là encore, il s'agit d'un effort déployé par les décideurs et les législateurs pour trouver le juste équilibre, au bon moment, entre les droits des créateurs et les intérêts des utilisateurs.
À la page 22, il est dit, et c'est là un élément important, que le détenteur du droit d'auteur peut autoriser d'autres personnes à utiliser ses oeuvres. J'ai mentionné que l'auteur était le premier détenteur du droit d'auteur, mais en fait, quiconque peut disposer de ses oeuvres. Je fais plus particulièrement référence aux droits économiques. Il n'en est pas de même pour les droits moraux, même si on peut y renoncer. Michael Snow aurait pu ne pas s'opposer à ce qu'on mette des rubans sur ses oies, il aurait pu renoncer à ce droit, mais il n'aurait pu céder au centre Eaton le droit moral de faire ce qu'il voulait dans les circonstances.
À la page 23, on explique comment le détenteur de droits peut se départir de ses droits. Cela peut se faire essentiellement de deux manières. L'auteur ou le détenteur de droits subséquents peut céder son droit d'auteur sur une oeuvre. Cela implique un changement de détenteur du droit d'auteur. Par cette cession, le droit d'auteur est confié à un nouveau propriétaire. Souvent, les auteurs cèdent leurs droits à des producteurs ou à des éditeurs en échange d'une compensation monétaire. C'est la raison pour laquelle les associations auxquelles j'ai fait référence plus tôt, qui représentent les producteurs et les éditeurs, s'intéressent beaucoup à la protection des droits d'auteur.
 (1210)
Les titulaires de droits d'auteur peuvent aussi transmettre leurs droits par licence, bien sûr. En effet, ils peuvent donner à des tiers la permission d'utiliser leurs oeuvres. Cela se fait d'ailleurs régulièrement, que ce soit de manière transactionnelle ou générale. Quoi qu'il en soit, c'est la permission qu'accordent les détenteurs de droits d'auteur d'utiliser leurs oeuvres de manière limitée, habituellement en échange d'une rétribution.
La page 24 traite de la gestion des droits, un aspect très important des droits d'auteur reconnu dans la Loi sur le droit d'auteur, mais qui est vraiment une réponse du marché apportée pour rendre la gestion des droits d'auteur plus efficace. Comme je l'ai indiqué précédemment, les titulaires de droits d'auteur peuvent fixer les conditions selon lesquelles leurs oeuvres seront utilisées, normalement au moyen d'une licence. L'octroi de licences peut se faire sur une base individuelle, transactionnelle ou collective. Si c'est fait sur une base transactionnelle, l'auteur peut bien sûr céder ses droits au cas par cas ou demander à une agence de s'en occuper à sa place. C'est souvent ce qui se produit pour de grandes oeuvres ou des oeuvres compliquées qui exigent des négociations. Beaucoup d'agences agissent au nom de détenteurs de droits d'auteur pour octroyer des licences sur une base transactionnelle.
L'autre forme de licence est la licence générale. Celle-ci a été créée à la suite des préoccupations exprimées par les titulaires de droits d'auteur au sujet de la possibilité de négocier les licences eux-mêmes. Habituellement, le titulaire d'un droit d'auteur cédera son droit à une société de gestion qui agira en son nom. Cette société négociera les droits à payer par l'utilisateur, souvent un utilisateur institutionnel, et distribuera ces droits en fonction d'une formule interne ou de toute autre tarification fixée par la Commission du droit d'auteur.
Voici un exemple de négociations dans le domaine littéraire. Access Copyright ou COPIBEQ agissent au nom de propriétaires d'oeuvres littéraires pour collecter les droits négociés auprès des différents utilisateurs institutionnels—écoles, gouvernements, banques, etc. C'est un processus continu. D'un autre côté, lorsque SOCAN s'occupe de collecter les sommes en échange du droit d'exécution de pièces de musique par des stations radio et autres diffuseurs, elle doit appliquer les tarifs établis par la Commission du droit d'auteur. Toutefois, elle distribuera les recettes perçues à ses différents membres.
Le dernier type de licence, comme je l'ai indiqué plus tôt, est la licence obligatoire, qui est également établie par la Commission du droit d'auteur dans le domaine de la retransmission.
J'ai parlé des sociétés de gestion. Il y en a 36 au Canada. Ce sont les intermédiaires qui tentent de faire au nom de plusieurs, ce que des personnes seules ne peuvent accomplir.
La Commission du droit d'auteur joue évidemment un rôle important dans ce processus. C'est elle qui fixe les tarifs pour différents droits. Dans les faits, ceux-ci servent de base au calcul des redevances prélevées par les détenteurs de droits.
Passons maintenant à la page 25 du document et voyons ce qui se passe sur la scène internationale, car je sais que cela intéresse beaucoup de monde. Vous y verrez le nom de quelques-unes des organisations qui jouent un rôle déterminant dans le domaine des politiques relatives aux droits d'auteur. De par leur nature, les droits d'auteur ont un caractère très international. Les oeuvres traversent les frontières et les droits qui sont inhérents à ces oeuvres intéressent les auteurs et les gouvernements partout dans le monde.
 (1215)
C'est pour cette raison que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a été créée. La Convention de Berne, dont je vais parler dans quelques instants, est la convention la plus importante dans le domaine du droit d'auteur pour l'OMPI, organisme des Nations Unies situé à Genève. L'UNESCO, autre organisme des Nations Unies, dont le siège se trouve à Paris, s'intéresse également au droit d'auteur, mais joue probablement un rôle moins important. Cet organisme a toutefois mis au point une convention sur le droit d'auteur, la Convention universelle sur le droit d'auteur, mais c'est la Convention de Berne qui est véritablement la principale convention qui nous touche et qui est gérée par l'OMPI.
Plusieurs accords commerciaux, de plus en plus deviennent...des accords sur la propriété intellectuelle et sur le droit d'auteur. L'OMC et l'ALENA sont les plus importants.
J'en arrive à la page 26. Qu'est-ce que ces accords internationaux ont en commun? Les gouvernements s'efforcent de s'entendre sur deux principes fondamentaux dans un contexte international. En fait, la Convention de Berne et d'autres conventions internationales obéissent à ces deux principes. Le premier consiste à fixer des seuils minimaux de protection des droits. J'ai déjà parlé de certains des droits dont peuvent se prévaloir les auteurs—le droit de reproduction, le droit de communication, le droit d'interprétation et d'exécution. Ces droits sont garantis, à des seuils minimaux, en vertu de conventions internationales. Ils se sont élargis au fil des ans, mais ce sont les droits fondamentaux que doivent prévoir tous les pays dans leur législation nationale s'ils veulent adhérer aux conventions internationales.
Le traitement national est l'autre principe important. Comme dans la plupart des accords, des dispositions prévoient que les étrangers jouissent de la même protection—voire d'une meilleure protection—que les ressortissants nationaux dans le domaine de la protection du droit d'auteur, en l'occurrence. C'est la même chose pour les détenteurs canadiens de droits dont les oeuvres sont utilisées à l'étranger : ils ont droit aux honoraires ou au même contrôle et aux mêmes droits que ceux auxquels ont droit les détenteurs étrangers de droits au Canada. En fait, des sociétés concluent des accords pour l'échange de devises à ce sujet.
À la page 27, vous pouvez voir une courte liste des accords clés auxquels adhère le Canada, mais je dois mentionner que la Convention de Berne est la principale convention. Négociée en 1886, elle avait été précédée par une série d'accords bilatéraux assez semblables aux accords commerciaux récemment mis au point. Cet ensemble d'accords secondaires visait à fixer des normes, mais évidemment, bien de ces normes étaient incompatibles et, à de nombreux égards, c'est la Convention de Berne qui en a, en quelque sorte, assuré l'harmonisation.
Le Canada est membre de la Convention de Berne dont la version la plus récente remonte à 1971. Notre législation a été modifiée pour mettre en oeuvre les normes de Berne. La Convention de Rome traite des droits voisins dont j'ai parlé un peu plus tôt et le Canada en est également membre.
Bien sûr, il est également question des accords commerciaux dont j'ai fait mention un peu plus tôt. Les ADPIC représentent l'accord important de l'OMC traitant des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, tandis que l'ALENA traite de certains de ces principes. Ce qu'il est important de noter ici, je crois, c'est que la propriété intellectuelle, y compris le droit d'auteur, est devenue quelque chose de très commercial qui intéresse au plus haut point les négociateurs commerciaux de la planète; c'est pour cette raison que le droit d'auteur se retrouve maintenant dans les accords commerciaux.
Le président: Monsieur Stockfish, puis-je vous interrompre une minute?
Un vote va avoir lieu sous peu et nous devons être à la Chambre d'ici 12 h 45; nous allons donc faire une pause dans près de 10 minutes.
Je proposerais de terminer aujourd'hui. J'espérais que les députés auraient le temps de poser des questions, mais peut-être pourrions-nous reporter cette période jeudi, si vous revenez.
Nous allons faire une pause dans 10 minutes.
Merci.
 (1220)
M. Bruce Stockfish: Merci, monsieur le président.
Les autres accords internationaux dont il est fait mention à la page 28 sont le traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et le traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes sur lesquels je vais revenir dans quelques instants. Il est important de souligner ici que le Canada a signé ces accords sans toutefois les ratifier. Le Canada est membre de la Convention de Berne, puisqu'il l'a ratifiée. Pour ce faire, le Canada a modifié sa Loi sur le droit d'auteur pour la rendre compatible avec la Convention de Berne.
En 1996, le Canada a signé les deux « traités Internet » de l'OMPI, indiquant son intention de ne pas déroger aux principes de ces conventions, sans toutefois se retrouver lié en matière de droit international. Bien sûr, nous travaillons actuellement sur les questions que visent ces traités afin de pouvoir ratifier ces derniers une fois l'analyse terminée. Nous nous proposons de parler un peu plus de notre travail à ce sujet jeudi.
À la page 29, nous entrons un peu plus dans les détails de certains des principes de la Convention de Berne. Je crois que nous pouvons sauter cette page, ainsi que la page 30 sur la Convention de Rome.
Nous avons déjà parlé des accords sur le libre-échange, dont il est fait mention à la page 31. Je soulignerais simplement que le fait que le droit d'auteur se retrouve dans des accords commerciaux atteste de l'importance de la propriété intellectuelle en général, son importance économique. L'industrie américaine du spectacle se classe au deuxième rang des industries après l'aérospatiale, et c'est pour cette raison que le gouvernement américain attache beaucoup d'importance au droit d'auteur dans ses négociations internationales, y compris dans le domaine du commerce. Bill Gates, dont l'empire est bâti sur les logiciels, est l'homme le plus riche au monde, ce qui pourrait souligner également l'importance du droit d'auteur dans le domaine économique.
Il est par ailleurs important de noter que les accords commerciaux prévoient des mécanismes de règlement des différends auxquels on ne peut avoir recours que dans le cadre d'une résolution entre États à la Cour internationale de Justice. C'est un point important, puisque la Convention de Berne se reflète en fait à la fois dans les ADPIC, l'Accord de l'Organisation mondiale du commerce, et l'ALENA. Par conséquent, vis-à-vis nos partenaires commerciaux, il est important de souligner que le règlement des différends est une conséquence possible dans le contexte du commerce.
Aux pages 33 et 34, nous faisons mention des deux traités Internet OMPI dont j'ai parlé un peu plus tôt. Ils ont été mis en vigueur l'année dernière. Comme je l'ai indiqué, le Canada en est signataire, mais non membre, et nous envisageons les mesures législatives qui s'imposent pour ratifier ces deux traités.
En conclusion, jeudi nous nous pencherons sur l'état de nos travaux, y compris sur ces questions, afin de nous positionner pour aborder ces traités ainsi que certaines des autres questions.
Peut-être puis-je vous donner en guise de conclusion une perspective historique, car nous travaillons dans un contexte technologique où le droit d'auteur est devenu très controversé aujourd'hui; historiquement, la technologie a toujours mis en cause le droit d'auteur. Il suffit de revenir aux rouleaux perforés du tournant du siècle pour s'apercevoir que cette forme de distribution et d'interprétation et d'exécution de la musique préoccupait énormément les détenteurs de droits de musique à l'époque. De même, le développement du phonographe et d'autres techniques de reproduction ont incité les détenteurs de droits d'auteur à faire du lobbying auprès du gouvernement pour restreindre cette technologie. La radio est alors apparue, offrant un autre moyen d'interprétation et d'exécution de la musique qui ne pouvait être assujetti au contrôle des détenteurs de droits.
Les détenteurs de droits ont toujours essayé de chercher des façons de restreindre les utilisations de la technologie afin de continuer à jouir des droits qu'ils avaient négociés dans le passé; c'est la même chose dans le cas de la photocopieuse, du magnétoscope et d'autres nouvelles formes de technologie qui font qu'il est de plus en plus difficile pour les détenteurs de droits d'exercer le même contrôle qu'auparavant.
 (1225)
Dans chaque cas, des mesures ont été prises, soit par voie législative, c'est-à-dire création de nouveaux droits, de nouvelles exceptions et de nouvelles formes de rémunération, soit par voie administrative. Les intervenants dans le dossier des droits d'auteur pouvaient former une société de gestion collective. Ils pouvaient s'arranger entre eux pour créer de nouvelles techniques pour l'octroi des licences de manière à permettre la rémunération, sinon le contrôle.
La question à laquelle nous sommes maintenant confrontés, c'est bien sûr de savoir si l'Internet est simplement une nouvelle forme de technologie qui crée des difficultés, mais à laquelle nous pouvons nous adapter en prenant les mesures législatives ou administratives voulues, ou bien s'il s'agit d'un élément plus fondamental qui remet en question les bases mêmes du droit d'auteur.
Nous examinons ces questions dans ce contexte. Nous envisageons de nouveaux droits. Nous envisageons de possibles limitations de ces droits, en cherchant encore une fois à établir un juste équilibre dans l'environnement de l'Internet, mais la question demeure de savoir si l'Internet est tellement fondamentalement différent que nous devons revoir notre loi de fond en comble afin de trouver un nouvel équilibre. Il y a une tension entre l'effort visant à préserver les vieilles règles dans le contexte de l'Internet et l'élaboration de nouvelles règles.
Voilà le défi que nous devons relever collectivement, nous en tant que concepteurs des politiques et vous en tant que législateurs. Vous entendrez certainement des points de vue différents de la part des nombreux intervenants qui témoigneront devant vous. Jeudi, nous aborderons certaines des questions auxquelles nous réfléchissons actuellement et nous vous expliquerons où nous en sommes dans notre travail et comment nous entendons procéder au cours des prochains mois.
Nous avons hâte de discuter avec vous de manière plus approfondie de toutes ces questions.
Le président: Il nous reste cinq minutes.
Je voudrais vous demander brièvement—je suis sûr que cela intéressera les membres du comité—quel échéancier vous envisagez pour l'adoption d'une loi en vue de ratifier l'OMPI? Est-ce éloigné, est-ce proche? Peut-être pourriez-vous nous en donner une idée.
M. Bruce Stockfish: Nous avons indiqué notre échéancier dans notre rapport aux termes de l'article 92, et nous pourrons vous en parler plus longuement jeudi. Il y aura divers dossiers à court terme, à moyen terme et à long terme. Nous avons identifié des questions qui se poseront à court terme, c'est-à-dire un an ou deux après le dépôt du projet de loi, autrement dit d'ici deux ans. Et c'est exactement ce que nous faisons. Nous travaillons à tout cela en vue de l'élaboration d'un projet de loi. Nous espérons être en mesure d'obtenir du cabinet l'autorisation de rédiger un projet de loi, mais nous poursuivons notre travail sur ce dossier. Il faut faire une analyse des politiques, une analyse juridique, ainsi que des consultations sur certaines questions qui font partie du premier groupe de questions que nous examinons. Dans certains dossiers, nous sommes plus prêts que dans d'autres. Certains exigent de poursuivre les consultations. C'est à cela que nous travaillerons au cours des prochains mois, en vue d'être en mesure de s'adresser au cabinet le moment voulu et d'élaborer ensuite un projet de loi.
C'est le ministère de la Justice qui rédigera le texte de loi. Cela prendra aussi un certain temps. On peut imaginer que nous pourrons en arriver à un projet de loi au cours de l'année prochaine, probablement vers la fin de l'année. Bien sûr, cela dépendra de la capacité du Parlement de se pencher sur la question.
Voilà, en gros, où nous en sommes, mais nous devons procéder à des consultations sur de nombreux points et approfondir notre travail. Quand on aura terminé les consultations et analysé le tout, nous remettrons à nos ministres respectifs nos recommandations sur la ratification des traités eux-mêmes. Mais la loi comme telle devra être modifiée avant que l'on puisse faire une recommandation dans un sens ou dans l'autre sur la ratification.
Le président: Je vais vous donner la parole, monsieur Bronwick.
Je voudrais poser une seule question avant que les députés s'en aillent.
Nous sommes un peu embêtés. La semaine dernière, beaucoup d'entre vous étaient absents. Nous avons eu une discussion sur l'identité de nos premiers témoins, nous demandant si nous devrions les regrouper selon un thème ou de façon aléatoire. Nous n'avons pu nous mettre d'accord. En conséquence, le greffier n'a pu inviter des intervenants et des associations dans le domaine du droit d'auteur pour notre première réunion, parce que nous n'avons jamais abouti à une conclusion.
Nous sommes donc un peu dans le pétrin. Si nous voulons inviter des gens, il faut leur donner un préavis. Cela aurait lieu la semaine suivant la semaine de relâche.
Je propose que pour les deux premières réunions, nous ayons une liste des gens qui ont envoyé des mémoires, et aussi une liste de ceux que l'on a suggéré d'inviter, de manière générale. Nous n'avons pu nous mettre d'accord sur l'ordre de leur comparution et nous devrions donc peut—être demander simplement à nos attachés de recherche de nous proposer des noms pour les deux premiers groupes et nous en tenir là. Autrement, nous ne parviendrons pas à avoir une réunion fructueuse à l'avance pour nous mettre d'accord sur une liste et nous ne pourrons entendre personne.
Monsieur Abbott.
 (1230)
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia): Je voudrais proposer, monsieur le président, que moi-même, en tant que vice-président, et M. Harvard et vous-même pourrions peut-être nous entendre pour donner à nos attachés de recherche une idée des préférences du comité à ce sujet. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de leur déléguer tout simplement la tâche.
Le président: Très bien.
Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey): Au sujet de votre question, monsieur le président, nous n'avons pas le temps d'en discuter tout de suite, mais j'espère que M. Stockfish aura une réponse beaucoup plus succincte jeudi, parce que je n'ai assurément rien compris à l'échéancier qu'il a exposé en réponse à votre question. J'ai trouvé cela embrouillé.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir nous donner une réponse plus succincte jeudi.
Le président: Oui.
M. Jim Abbott: Je tiens à vous féliciter, monsieur Stockfish, ainsi que les fonctionnaires qui ont participé à l'élaboration de ce que nous venons d'entendre. Je n'ai jamais entendu une présentation plus claire et plus succincte sur cette question très complexe. Je veux donc vous en faire compliment.
Le président: De la part de M. Abbott, c'est tout un compliment. Cela n'arrive pas souvent.
M. Bruce Stockfish: Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.