HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 5 juin 2003
¿ | 0910 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)) |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.) |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Madeleine Lefebvre (vice-présidente, Canadian Library Association) |
M. Louis Cabral (directeur général, Association pour l'avancement des sciences et des techniques de documentation) |
Mme Joyce C. Garnet (présidente, Association des bibliothèques de recherche du Canada) |
Mme Madeleine Lefebvre |
¿ | 0915 |
Mme Joyce Garnet |
M. Louis Cabral |
¿ | 0920 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne) |
Mme Joyce Garnet |
M. Chuck Strahl |
Mme Joyce Garnet |
M. Chuck Strahl |
¿ | 0925 |
M. Louis Cabral |
M. Chuck Strahl |
Mme Joyce Garnet |
M. Chuck Strahl |
M. Louis Cabral |
M. Chuck Strahl |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ) |
M. Louis Cabral |
¿ | 0930 |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Mme Joyce Garnet |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
¿ | 0935 |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Louis Cabral |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.) |
Mme Madeleine Lefebvre |
Mme Liza Frulla |
Mme Madeleine Lefebvre |
Mme Liza Frulla |
M. Louis Cabral |
Mme Liza Frulla |
M. Louis Cabral |
À | 1005 |
Mme Liza Frulla |
M. Louis Cabral |
Mme Liza Frulla |
M. Louis Cabral |
Mme Liza Frulla |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
M. Louis Cabral |
Mme Liza Frulla |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Carole-Marie Allard |
À | 1010 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Carole-Marie Allard |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Wanda Noel (Expert conseil, Loi sur le droit d'auteur, À titre individuel) |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Louis Cabral |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
M. Terry Cook (conseiller spécial du président en matière de lois nationales et porte-parole de la Canadian History Association, Association of Canadian Archivists) |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Wanda Noel |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
M. Terry Cook |
À | 1025 |
À | 1030 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Laura Murray (professeure agrégé, Département d'anglais, Queen's University, À titre individuel) |
À | 1035 |
À | 1040 |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
M. Chuck Strahl |
M. Terry Cook |
M. Chuck Strahl |
M. Terry Cook |
M. Chuck Strahl |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
À | 1045 |
Mme Wanda Noel |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Laura Murray |
Mme Wanda Noel |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Terry Cook |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Carole-Marie Allard |
À | 1050 |
Mme Laura Murray |
Mme Carole-Marie Allard |
Mme Wanda Noel |
Mme Laura Murray |
Mme Wanda Noel |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Liza Frulla |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
À | 1055 |
Mme Wanda Noel |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
Mme Madeleine Lefebvre |
Le vice-président (M. Paul Bonwick) |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 juin 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Wendy.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Avant de commencer, j'aimerais qu'on me dise si le comité a des motions qu'il doit étudier avant d'entendre les témoins. Je ne suis ici malheureusement que pour environ 25 minutes et donc je ne voudrais pas que l'on traite de ce genre d'affaires sans moi. J'aimerais également savoir quand nous allons publier notre rapport. Il faut que nous le sachions immédiatement.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): En réponse à votre première question, la greffière a reçu un avis de motion il y a deux jours. Nous examinerons cette motion aussitôt que nous aurons le quorum. J'ai contacté le bureau du whip et j'ai demandé qu'on nous envoie des corps chauds le plus rapidement possible. Je pense que nous sommes huit maintenant, la dernière fois où j'ai pris les présences.
Nous aurons le quorum. M. Abbott est en route, en taxi, actuellement, et sera ici très bientôt. Nous examinerons la motion aussitôt que nous aurons le quorum, Wendy.
Quant à votre deuxième point, on me dit que le rapport devrait être prêt pour être déposé mercredi prochain, soit dans six jours.
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Pas cette semaine, mais la semaine prochaine?
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Exactement, mercredi, c'était hier.
Commençons et je tiens d'abord à vous présenter les excuses de notre président, M. Lincoln. Malheureusement, il avait des engagements aujourd'hui et nous a demandés, à M. Abbott et à moi, de le remplacer à la réunion d'aujourd'hui.
Nous allons donc commencer. Nos premiers témoins vont comparaître en groupe. Ils ont décidé eux-mêmes dans quel ordre ils prendront la parole. Je vais d'abord présenter les trois témoins. Nous avons des représentants de l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, de la Canadian Library Association et de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada.
Qui va commencer? Mme Madeleine Lefebvre, de la Canadian Library Association, va commencer.
Mme Madeleine Lefebvre (vice-présidente, Canadian Library Association): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, au nom de tous bibliothécaires du Canada, je tiens à vous remercier de nous permettre de comparaître devant vous dans le cadre de l'examen de ce projet de loi très important. Le projet de loi C-36 représente plus qu'une restructuration bureaucratique. On y reconnaît le rôle que jouent les bibliothèques et les archives dans la vie de notre pays au niveau de l'accès fondamental, de la gestion du savoir et de la gérance.
Avant de faire nos commentaires, à tour de rôle, sur divers aspects du projet de loi, nous aimerions d'abord nous présenter brièvement.
Je m'appelle Madeleine Lefebvre. Je suis bibliothécaire à l'Université St. Mary et vice-présidente de la Canadian Library Association. La CLA est l'Association canadienne nationale des bibliothèques et des bibliothécaires. Nous comptons 2 700 membres, personnes et institutions, et représentons 57 000 travailleurs de l'industrie partout au pays. Nous défendons également les intérêts de 21 millions de Canadiens qui sont membres des bibliothèques.
[Français]
M. Louis Cabral (directeur général, Association pour l'avancement des sciences et des techniques de documentation): Bonjour. Je m'appelle Louis Cabral et je suis directeur général de l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de documentation. J'oeuvre pour un organisme professionnel sans but lucratif de spécialistes de l'information de la francophonie canadienne. Ce regroupement représente plus de 600 personnes et spécialistes qui travaillent dans différentes bibliothèques du pays. Par leur expertise, ces personnes voient à la qualité des services d'information et de documentation.
[Traduction]
Mme Joyce C. Garnet (présidente, Association des bibliothèques de recherche du Canada): Bonjour, je m'appelle Joyce Garnet. Je suis bibliothécaire à l'Université Western Ontario et présidente de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC), connue affectueusement sous le nom de CARL. L'Association représente les 27 grandes bibliothèques de recherche du Canada et la Bibliothèque nationale du Canada ainsi que l'Institut canadien de l'information scientifique et technique, l'ICIST. Les membres de l'Association représentent ensemble un trésor de ressources dans toutes les disciplines, et ont des dépenses annuelles de plus d'un demi-milliard de dollars, des collections de monographies de plus de 75 millions d'articles et presque un demi-million de journaux.
Mme Madeleine Lefebvre: Nous voulons commencer par féliciter le gouvernement de cette initiative. Il s'agit d'une transformation qui est motivée par autre chose que des économies d'échelle et de plus grandes efficiences. Il semble plutôt s'agir d'une vision de la façon dont deux institutions nationales précieuses peuvent rafraîchir leur mandat et rendre nos documents d'actualité et patrimoniaux plus accessibles aux Canadiens partout, indépendamment de leur situation financière.
L'information, qu'il s'agisse de celle du passé ou du présent, publiée ou non, d'organismes publics ou de particuliers, quel que soit le support, y compris l'Internet, devrait devenir plus disponible que jamais. Le paragraphe 8(2) qui permet à la nouvelle institution à des fins de préservation de constituer des échantillons représentatifs, qui présentent un intérêt pour le Canada facilitera cet aspect contemporain de notre travail.
Bref, nous considérons le préambule du projet de loi comme un énoncé émouvant et bien pensé qui saisit bien la mission des bibliothèques partout au Canada. Nous savons que cette nouvelle institution recevra 7,5 millions de dollars sur trois ans pour l'aider dans la réalisation de cette vision, et que dans le budget de février on a affecté 15 millions de dollars pour combler les besoins d'entreposage à court terme et entreprendre des études pour trouver la meilleure solution pour la préservation à long terme.
Il faudra toutefois un financement accru pour passer de l'étape des études à des locaux permanents. Il faudra également un financement accru si nous voulons vraiment faciliter l'accès du public aux documents d'actualité et patrimoniaux du Canada. La Bibliothèque et les Archives du Canada doivent disposer des moyens pour jouer le rôle essentiel de leadership au niveau des services de base tels que les prêts entre bibliothèques, les programmes d'alphabétisation, une aide aux Canadiens incapables de lire les textes imprimés ainsi qu'au niveau des programmes sur le Web tel que le Centre canadien de généalogie et le futur Centre canadien de référence virtuelle.
Notre seule critique d'ordre général de ce projet de loi c'est que la mission n'est pas à la hauteur du préambule. Le rôle de conservation est bien couvert dans les six points de la mission. Mais il n'y a qu'un seul alinéa, le 7b) qui puisse interpréter comme—pour reprendre les termes du préambule—« contribuant à l'épanouissement culturel, social et économique de la société libre et démocratique que constitue le Canada » ou comme pouvant diffuser le savoir. Il est essentiel que la mission du projet de loi reflète l'importance de l'information actuelle et ancienne.
Il ne s'agit pas uniquement de l'histoire du Canada, mais du rôle de l'information à l'avenir dans l'innovation et le savoir. Du point de vue de notre association, ce projet de loi intéresse tout autant vos collègues du comité de l'industrie ou du comité des ressources humaines.
¿ (0915)
Mme Joyce Garnet: De plus, nous aimerions voir élargi l'alinéa 7c) qui porte sur les documents fédéraux—afin d'inclure un membre de phrase qui dirait que cette nouvelle institution garantira à tous les citoyens canadiens un accès libre et équitable à l'information publiée par le gouvernement, information essentielle dans une société démocratique.
Nombre d'entre vous savez que le Programme des services de dépôt a fêté son 75e anniversaire l'an dernier. En partenariat entier avec un réseau de plus de 900 bibliothèques publiques et universitaires au Canada et à l'échelle mondiale, le PSD fournit fidèlement à la population, y compris les parlementaires, un accès à l'information fédérale. C'est un des tous premiers programmes gouvernementaux à reconnaître le plein potentiel de l'Internet.
Toutefois, ce programme a un peu fait l'effet d'un orphelin, passant d'un parent temporaire à l'autre, du ministère des Approvisionnements et services à Information Canada, pour revenir à Approvisionnements et services et enfin passer à un organisme de service spécial, le Groupe communication Canada. Ensuite, le programme est passé à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et ensuite encore au ministère des Communications. Maintenant, comme parlementaires, vous avez l'occasion de ramener le PSD à son parent naturel, la Bibliothèque et les Archives du Canada.
Depuis l'automne dernier, lorsque le PSD a été intégré aux activités de publication du ministère des Communications sans consultation ni discussion avec les intéressés, il y a eu des discussions au sein du gouvernement à la demande des bibliothèques sur les arrangements organisationnels qui conviennent le mieux. Des huit fonctions actuelles du PSD—l'identification, la négociation, l'acquisition, la description, la notification, la distribution, la communication et l'accès permanent aux documents électroniques—le monde de la biblioéconomie croit très fermement que tous les aspects à long terme de ces fonctions doivent trouver leur résidence permanente à la nouvelle Bibliothèque et Archives du Canada. On pourrait alors inclure ces fonctions dans la liste des pouvoirs énumérés au paragraphe 8(1) et plus particulièrement aux alinéas g) à i) inclusivement.
[Français]
M. Louis Cabral: La communauté des bibliothèques tient à faire deux observations sur les amendements proposés à la Loi sur le droit d'auteur dans le projet de loi C-36.
D'abord, nous remarquons que la question de la durée de la protection est traitée hors de son contexte. Elle est en voie d'être résolue avant qu'on en traite vraiment dans le cadre des multiples autres questions à court terme qui préoccupent les intervenants dans le dossier depuis déjà deux ans.
Ensuite, nous tenons à préciser clairement que les conditions expliquées dans les articles 21 et 22 du projet du loi concernant les ouvrages n'ayant pas encore été publiés, exécutés en public ou communiqués au public par voie de télécommunication ne doivent pas être considérées comme acceptables aux yeux de la communauté des bibliothèques en vue de la tenue éventuelle de consultations sur la durée de la protection. Ces considérations vont à l'encontre de l'intérêt public qui existe dans l'équilibre entre le droit d'auteur et les droits des citoyens, des chercheurs ou des autres personnes qui désirent s'informer. L'avènement de nouveaux moyens de communication devrait signifier l'expansion du domaine public et non pas sa réduction.
En conclusion, je dirai que les associations de bibliothèques ici présentes jouissent de l'appui de plusieurs autres organisations de bibliothèques nationales et provinciales. Elles se font un plaisir de saluer le gouvernement pour avoir pris l'initiative de nous donner une mission digne du XXIe siècle, à savoir de rendre nos documents d'aujourd'hui et d'hier, quel que soit leur format de production, accessibles à tous les Canadiens et Canadiennes.
Nous vous recommandons néanmoins d'envisager de parfaire les dispositions de ce projet de loi en ajoutant, dans la section portant sur la mission et les attributions, un passage qui reflétera l'alinéa b) du préambule. C'est ce sur quoi ma collègue Madeleine Lefebvre a insisté tout à l'heure, afin de donner plus de cohérence à cette loi. Une telle disposition reconnaîtrait les activités accomplies dans le cadre du Programme des services de dépôt, qui sont essentielles si nous voulons poursuivre l'édification de la population et renforcer le rôle de liaison avec le public que jouera le nouvel organisme Bibliothèque et Archives du Canada.
Merci de votre attention. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
¿ (0920)
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup.
Monsieur Strahl.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Merci beaucoup de votre exposé. Il était intéressant.
J'ai également des exposés écrits de mon directeur local des services de bibliothèque. Vous serez heureux d'apprendre que Kim Isaac dans la vallée du Fraser m'écrit des lettres en me rappelant de mentionner ce Programme des services de dépôt. Cette partie de votre exposé donc n'était donc pas nouveau pour moi, mais c'est agréable d'entendre le sujet repris ici ce matin.
J'ai quelques questions. Vos suggestions sont bonnes, je pense, mais à quel point y tenez-vous? Le gouvernement sera peut-être ou pas disposé à modifier ce projet de loi. Donc, la première question qui se pose est de savoir si des amendements ne sont pas présentés par exemple pour protéger le Programme des services de dépôt et l'inscrire dans la loi, est-ce que pour vous c'est une condition sine qua non?
Pour vous, est-ce que cela doit être fait ou pourriez-vous dire, comme les témoins que nous avons entendus l'autre jour, que les négociations se poursuivent mais que, puisqu'il s'agit d'un programme, ils l'adapteront comme ils l'entendent sans vouloir actuellement le considérer comme un mandat législatif?
À quel point est-il important d'inclure ce programme dans le projet de loi au lieu de s'en tenir à un programme négocié qui pourrait être administré je ne sais où? Des négociations se déroulent et il se peut que le programme ira à la bibliothèque et archives, mais le contraire est possible aussi. Leur argument c'est que l'on ne mentionne pas de programmes dans les projets de loi, qu'on devrait donc laisser tomber. Qu'en pensez-vous?
Mme Joyce Garnet: Je pense que l'aspect le plus important ici, c'est cette loi qui crée une nouvelle institution, la bibliothèque et les archives du Canada qui est absolument essentielle pour assurer le bon fonctionnement de l'accès à l'information partout au Canada et pour toutes les bibliothèques et archives du Canada.
Personnellement, je ne dirai pas que c'est une condition sine qua non, mais je pense que nous voulions attirer l'attention des membres du comité sur cet aspect pour que vous compreniez à quel point il est important pour nous d'avoir accès à l'information de l'administration fédérale dans le secteur public et le secteur universitaire et la valeur que cela représente pour les habitants du Canada. Il nous a semblé approprié de soulever cet aspect dans ce contexte particulier puisque le thème général dans ce projet de loi, c'est la préservation de notre patrimoine documentaire.
Voilà mon interprétation personnelle. Mes collègues pensent peut-être différemment, mais il importe énormément à mon avis d'adopter ce projet de loi et de créer Bibliothèque et Archives du Canada.
M. Chuck Strahl: Très bien.
Au sujet du PSD—j'ai pris des notes au cours de votre exposé—à quel article exactement à votre avis faudrait-il ajouter quelque chose? Est-ce que ce serait au paragraphe 8(1) ou savez-vous où vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Joyce Garnet: Au paragraphe 8(1).
M. Chuck Strahl: Pour parler maintenant de vos autres suggestions, vous avez mentionné à plusieurs reprises qu'à votre avis, la mission de la bibliothèque et des archives n'était pas à la hauteur du préambule. Avez-vous proposer des amendements à cet article? Est-ce que vous avez préparé quelque chose par écrit que vous aimeriez ajouter? Ou voulez-vous quelque chose de portée plus générale?
¿ (0925)
[Français]
M. Louis Cabral: J'ai fait cette observation pour qu'on en tienne bien compte, parce que la mission était assez claire. Le préambule est très englobant en ce qui a trait à la problématique de la diffusion et à celle de considérer la Bibliothèque nationale comme une institution de savoir.
[Traduction]
M. Chuck Strahl: Il serait très utile pour le comité si vous pouviez nous faire des recommandations précises de modifications. Ce serait utile si vous pouviez nous dire que vous voulez que nous changions tel mot ou que nous ajoutions telle disposition ou un alinéa 7h) ou i) ou j) pour rendre le texte plus acceptable ou plus clair ou pour faire coïncider le préambule avec la mission.
C'est simplement à titre d'exemple, mais si vous pouviez nous envoyer quelque chose, ce serait utile. Si cela nous plaît, nous pourrions présenter votre texte comme amendement. L'amendement sera adopté ou non, mais au moins ça nous donnerait de la matière qui tienne compte de vos préoccupations et qui nous soit utile.
Si vous vouliez faire cela, vous pourriez faire parvenir le texte à la greffière ou à moi, comme vous voulez. Cela nous sera utile.
Mme Joyce Garnet: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose au sujet du changement, une chose qui ne ressort pas dans ce projet de loi, dans la disposition sur la mission de la bibliothèque et archives, c'est le rôle international de leadership que joue l'institution en servant de vecteur pour le Canada et le monde entier dans l'élaboration des normes, des protocoles et en facilitant l'accès.
Dans le rapport version anglaise commandé par le ministre, on souligne le rôle que les archives nationales et la bibliothèque nationale ont joué dans leurs sphères respectives et je crois que c'est un aspect que l'Association des bibliothèques de recherche du Canada et, je pense, mes collègues aussi, aimeraient voir formulé ici.
Nous pouvons vous fournir un libellé à cet effet.
M. Chuck Strahl: Ce serait toujours au même article,soit l'article 7.
Ma dernière question porte sur les dispositions sur le droit d'auteur. Évidemment, cet aspect est assez controversé.
Le problème, quand on prend des notes, c'est qu'on ne sait jamais si on a tout noté. Nous parlions de l'équilibre entre les créateurs d'information ou les créateurs d'information de produits d'archives et les utilisateurs et ceux qui en détiennent le droit d'auteur.
Est-ce qu'à votre avis il faut modifier, changer, radier ou renforcer ces dispositions? Ou voulez-vous les garder telles qu'elles sont? Je n'ai pas vraiment très bien compris.
[Français]
M. Louis Cabral: Il y a actuellement une réflexion qui a cours dans le milieu. C'est le document dont le ministère se sert pour réfléchir à toute la problématique du droit d'auteur. Nous ne voudrions pas qu'on fasse l'économie d'une consultation par le biais de l'adoption d'une loi qui engloberait les aspects touchant la durée et les limites de la diffusion et qui lierait les organismes et les bibliothèques lors de réflexions subséquentes sur la Loi sur le droit d'auteur.
[Traduction]
M. Chuck Strahl: C'est conforme à ce que nous ont dit les témoins l'autre jour, qu'il faudrait revoir le droit d'auteur entièrement plutôt que sporadiquement.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup, monsieur Strahl.
Nous allons passer à Mme Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureuse d'être ici pour vous écouter. Ce n'est pas moi qui suis la porte-parole de mon parti dans ce dossier; c'est ma collègue Christiane Gagnon. Elle me disait que la communauté des bibliothèques, et notamment l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de documentation, est plutôt tiède à l'idée d'une fusion de ces deux organismes. C'est ce qu'elle m'a dit.
Selon vous, les deux organismes ont des missions très distinctes. Pensez-vous que le jumelage de ces missions ne contribuera pas à leur avancement, ou plutôt que ces deux missions seront isolées dans un contexte très différent de celui d'aujourd'hui?
M. Louis Cabral: On faisait sans doute allusion à un mémoire que nous avions transmis à la commission English en 1998, au moment où nous avions été consultés. Nous étions tièdes, parce qu'à l'époque, il nous apparaissait inapproprié de jumeler deux cultures de travail et de perception des documents, celle de l'archiviste et celle du bibliothécaire. Il faut dire que l'évolution des technologies au cours des dernières années nous permet de voir ce qu'il peut advenir de la convergence, c'est-à-dire de la diffusion de l'information. Le citoyen qui veut avoir accès à une carte ancienne et ensuite à une monographie devrait-il avoir à passer par trois ou quatre filières? La perspective de 1998 nous apparaît aujourd'hui contournable. Nous étions tièdes, mais nous nous sommes peut-être réchauffés devant la perspective d'une institution du XXIe siècle qui sera pourvue de moyens qui lui permettront de faire en sorte que l'ensemble des Canadiens aient accès à toutes les ressources.
Comme le disaient mes collègues, nous faisons le pari de faire confiance aux législateurs et de faire en sorte que cette nouvelle institution nous permette d'assumer le leadership pour ce qui est de la circulation de l'information au Canada. C'est le pari que nous faisons.
¿ (0930)
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai une autre question à vous poser.
Mon collègue vous a posé des questions au sujet du droit d'auteur. Le Bloc québécois voudrait que ce projet de loi soit scindé en deux. Nous voudrions que la première partie soit différente et que la question du droit d'auteur soit traitée différemment. Ma collègue me disait, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qu'il y aura un projet de loi sur le droit d'auteur. Nous considérons que les dispositions sur le droit d'auteur ne devraient pas faire partie de ce projet de loi parce qu'il faut absolument qu'on fasse un vrai débat sur le droit d'auteur. Donc, nous sommes du même avis que vous.
M. Louis Cabral: Il s'agit de savoir si on peut parler d'une nouvelle institution qui va avoir un rôle essentiel de diffusion de l'information sans évoquer le droit d'auteur. Il y a des doutes à cet égard. Il y a actuellement une consultation sur le droit d'auteur. On est en train d'évaluer à la pièce des questions comme celle des documents non diffusés publiquement et celle de l'extension ou de la réduction de la durée. Il ne faut pas approfondir des aspects isolément, sans avoir une vue d'ensemble, et nous ne voulons pas être liés par cela.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Il aurait donc fallu étudier au préalable le projet de loi sur le droit d'auteur et étudier ensuite celui-ci.
M. Louis Cabral: Possiblement.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Avez-vous un commentaire à faire, madame?
Mme Joyce Garnet: J'aimerais faire quelques commentaires au sujet des questions que vous avez posées.
[Traduction]
Comme c'est une question de convergence, j'aimerais vous donner un point de vue local. Nous envisageons la question du point de vue de Bibliothèque et Archives du Canada, comme l'a dit mon collègue, mais c'est effectivement un mouvement, un changement dans le climat au sein des universités également. Il y a convergence entre les archives, les bibliothèques et la gestion des dossiers. Nous avons des objectifs communs, un mandat commun et nous sommes en mesure de fournir de l'information qui réponde aux besoins de nos collectivités locales. Voilà qui est certainement vrai dans le cas de mon université comme dans celui de bien d'autres. Nous reflétons donc, comme vous l'avez dit, un changement de pensée et une nouvelle façon de regarder l'accès à l'information pour le XXIesiècle.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai une autre question à vous poser.
Dans le projet de loi, on fait allusion à l'interprétation de l'histoire du Canada. Comme vous êtes des experts dans ce domaine, pouvez-vous nous dire ce que signifie la notion d'interprétation dans votre langage à vous? Quand on interprète quelque chose, est-ce qu'on traduit la réalité ou si on peut la mettre à notre image? Dans votre domaine, qu'entend-on par la notion d'interprétation?
M. Louis Cabral: Je ne suis pas historien, mais je peux vous dire que quand on parle d'historiographie, on parle de différents mouvements. L'histoire est une science qu'on estime objective, mais quand elle est racontée, elle est empreinte des valeurs culturelles de l'historien. Je ne m'avancerai pas sur ce plan. Je vous dis seulement que les mouvements historiographiques sont des mouvements qui, dans le temps, décrivent certains aspects de l'histoire qui sont interprétés par certains historiens.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Cela chicote le Bloc québécois quand on parle de l'interprétation de l'histoire du Canada. Vous savez qu'on peut faire l'interprétation qu'on veut des événements qui sont arrivés dans l'histoire. On pourrait les interpréter au moyen d'un miroir convergent.
M. Louis Cabral: Il faut dire que nous sommes des gens de documents et que les récentes interprétations de l'histoire sont beaucoup basées sur les documents. Ce sont les documents qui parlent. À l'époque de Lionel Groulx, l'histoire était un peu romantique. On ne pouvait pas prétendre que c'était véritablement une histoire scientifique. Aujourd'hui, les historiens s'appuient sur des données et sur des informations quantifiables et vérifiables. Je pense qu'on entre dans l'ère de l'histoire scientifique. On laisse aux historiens les aspects relatifs à l'interprétation.
¿ (0935)
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Il y a l'histoire que nous ont racontée les narrateurs et il y a celle que l'on retrouve dans les documents avec preuves à l'appui.
Est-ce que la notion d'interprétation que l'on retrouve dans le projet de loi permettra à cette nouvelle structure d'assurer la diffusion de la vraie histoire?
M. Louis Cabral: Il s'agit de s'assurer que l'histoire repose sur les faits véridiques que l'on retrouve dans les centres d'archives et dans les bibliothèques. C'est ce que nous prônons parce que nous sommes des gens qui favorisent l'accès à ces documents.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est pour cela que même si vous étiez à l'origine tièdes à l'idée d'un tel projet de loi, vous dites maintenant que les deux missions peuvent être convergentes et que les deux entités peuvent se regrouper sans se nuire l'une à l'autre.
M. Louis Cabral: Honnêtement, notre association s'est ralliée à une perspective pancanadienne de la communauté. Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions en tirer de bien en tant que communauté se souciant de la diffusion de l'information. C'est ce que nous avons fait ce matin.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je vous remercie.
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup, madame Girard-Bujold.
Si le comité le veut bien, nous allons suspendre la réunion pendant quelques instants. Nous avons une motion à examiner à huis clos. Cela ne nous prendra que quelques instants, et ensuite nous reviendrons si vous le voulez bien au côté libéral.
Nous avons maintenant le quorum et je ne souhaite pas le perdre; donc, nous allons étudier cette motion. Nous avons deux intervenants du côté libéral et nous allons reprendre dans quelques moments.
Je vais demander à tous ceux qui sont dans la salle de bien vouloir sortir.
Merci.
[La séance se poursuit à huis clos.]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Nous reprenons la séance publique.
[La séance publique reprend.]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Je pense que la suivante sur la liste était Mme Frulla.
Madame Frulla, je vous en prie.
Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser une question très simple et j'aimerais avoir une réponse directe.
Cette fusion va coûter 7,5 millions de dollars. Ce n'est donc pas pour réduire les coûts. C'est vraiment pour les avantages que cela offre. Est-ce que cela en vaut la peine? Voilà la question que je vous pose.
Mme Madeleine Lefebvre: Cela en vaut la peine parce que Bibliothèque et Archives du Canada va assumer un rôle de leadership pour le pays tout entier. Ainsi, le gouvernement du Canada sera présent dans chaque localité canadienne. Ce n'est pas simplement une question de préserver notre patrimoine, mais aussi de promouvoir la culture de notre pays et de fournir à tous les Canadiens l'information dont ils ont besoin pour participer au monde de l'innovation.
Mme Liza Frulla: Je me fais l'avocate du diable. Je ne suis pas tout à fait convaincue.
Ne poursuivez-vous pas le même objectif actuellement avec les Archives nationales d'un côté et la Bibliothèque nationale de l'autre?
Certains témoins nous ont dit qu'ils espèrent tout simplement qu'ils obtiendront les mêmes services des archives par exemple pour la recherche. Parfois, lorsque l'on unit des choses, cela réduit le nombre de services, l'orientation est diluée d'un côté comme de l'autre.
Sachez que je me fais l'avocate du diable ici, mais je veux tout simplement avoir une certitude, parce que l'initiative entraîne un coût. Il n'y aura pas de déménagement. C'est simplement pour faire ce que vous dites. Mais ne craignez-vous pas—parce que vous n'étiez pas tellement enthousiaste au départ—qu'avec le temps il puisse y avoir une réduction des services?
Mme Madeleine Lefebvre: Je pense qu'il y a une certaine inquiétude à propos de l'équilibre dans les programmes offerts de façon à ce qu'un programme du côté musée ne réduise pas le budget d'un service très nécessaire comme la diffusion de l'information. Mais je pense qu'on peut trouver un juste milieu.
Je pense que mon collègue Louis a parlé plus tôt de la convergence de l'information à l'âge numérique. C'est vraiment beaucoup plus pratique de présenter l'information de cette façon que d'avoir deux voies parallèles. Cela offrira une qualité beaucoup plus grande d'information aux Canadiens partout au pays.
[Français]
Mme Liza Frulla: Monsieur Cabral, pensez-vous la même chose?
M. Louis Cabral: Oui, je partage tout à fait ce que Madeleine a évoqué. Effectivement, on est dans un environnement où les technologies de l'information nous interpellent. On connaît les supports. Je pense que c'est une belle initiative. On parle de la diffusion du savoir et de l'information. Il y a effectivement une concentration, et c'est pour le bénéfice des Canadiens.
Mme Liza Frulla: Vous n'avez aucun doute par rapport à cette concentration. Les deux organismes utilisaient chacun les nouvelles technologies et les intégraient très bien.
Des gens ont dit qu'ils craignaient qu'il y ait une diminution des services. C'est beau, on unit les deux institutions, mais que se passera-t-il au bout de quelques années?
M. Louis Cabral: C'est peut-être une perception que les gens ont. Ils sont habitués à un type de service et disent que si on leur présente cela différemment, ils ne vont pas s'y retrouver. Ce sera tout le contraire, comme le disait Madeleine. Il y avait de l'information et des services qui peut-être se « dédoublaient ».
Par exemple, je disais tout à l'heure qu'une personne qui a besoin d'une carte et d'une monographie va pouvoir les obtenir. Les nouvelles technologies permettent une convivialité qui aide les gens à s'y retrouver lorsqu'ils font de la recherche d'information. Je pense que c'est un acquis.
À (1005)
Mme Liza Frulla: Donc, vous êtes tous très convaincus.
Je reviens au droit d'auteur. Un peu comme Jocelyne le disait, il y a des réticences par rapport au droit d'auteur et par rapport à l'utilisation sans restriction. C'est sûr qu'on va utiliser la Loi sur le droit d'auteur. Par contre, il est possible qu'il y ait un amendement à apporter pour s'assurer que dans cette loi-ci et dans la Loi sur le droit d'auteur, les termes soient les mêmes pour baliser ou mieux définir la notion de « sans restriction ». Je dis cela parce que la Conférence des ministres de l'Éducation interprète la notion de « sans restriction » très différemment de ce projet de loi. Alors que vous dites que c'est pour la conservation, la notion de « sans restriction » est interprétée différemment dans un secteur comme celui de l'éducation.
Est-ce que cela vous met mal à l'aise?
M. Louis Cabral: Comme nous l'avons dit, notre préoccupation était qu'on n'adopte pas un projet de loi qui nous lierait lors de discussions subséquentes. Si on harmonise des définitions qui n'ont pas de conséquences sur la finalité globale du projet de loi sur le droit d'auteur, cela ne me pose pas de problème. Je ne voudrais pas qu'on fasse un débat par le biais d'un autre projet de loi.
Mme Liza Frulla: Lorsqu'on parle d'harmonisation, on s'entend bien. On veut définir la notion de « sans restriction » dans la Loi sur le droit d'auteur, là elle doit être définie d'une certaine façon.
M. Louis Cabral: Oui, c'est ce que je souhaiterais, afin qu'on ne se retrouve pas à discuter de restrictions dans le projet de loi C-36. Les appellations ont une signification différente de celle qu'on leur donne dans la Loi sur le droit d'auteur.
Mme Liza Frulla: Selon vous, est-il urgent que ce projet de loi soit adopté?
Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. Nous voulons absolument l'adopter d'ici la fin de la session. Par contre, est-ce qu'il y a urgence dans un cas comme celui-ci? Il faut quand même se donner le temps de l'étudier. Nous ne voulons pas adopter ce projet de loi comme nous adopterions un projet de loi technique. C'est plus que ça.
Nous devons nous donner le temps de faire nos devoirs. C'est pour cela que je vous demande si, selon vous, il y a une certaine urgence ou si, sans retarder d'aucune façon le processus, il faut quand même se donner le temps de bien travailler.
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Excusez-moi, monsieur Cabral, veuillez répondre très brièvement.
[Français]
M. Louis Cabral: Il y a vraiment un consensus pour dire que ce projet de loi est important et fondamental. Il y a des éléments qu'on souhaiterait voir intégrés dans la mission. On a parlé de l'alinéa b) du préambule et ainsi de suite. Je pense qu'il faut se donner le temps de faire les choses correctement.
Mme Liza Frulla: Merci, monsieur Cabral.
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Non, non, mes excuses. C'est simplement que nous sommes un peu en retard.
C'est maintenant le tour de Mme Allard, la secrétaire parlementaire.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Bonjour et merci d'être ici ce matin. Ce que vous venez de nous raconter est très intéressant.
Je voudrais poser une question à Mme Noel. Vous êtes une experte du droit d'auteur. L'objectif visé au paragraphe 8(2) est de conserver le patrimoine culturel canadien. Il s'agit du paragraphe où on dit:
...l’administrateur général peut, à des fins depréservation, constituer des échantillons représentatifs,selon les modalités de temps ouautres qu’il détermine, des éléments d’informationprésentant un intérêt pour le Canada et accessibles au public sans restriction dansInternet ou par tout autre média similaire. |
Êtes-vous d'accord sur l'objectif visé par ce paragraphe, où on parle de conserver le patrimoine culturel canadien qui se trouve sur Internet? Bien qu'il s'agisse d'une exception au droit d'auteur, êtes-vous d'avis que cette exception est restreinte et qu'elle vise seulement la préservation du patrimoine culturel canadien sur Internet?
À (1010)
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Une précision, madame Allard, Mme Noel n'a pas encore fait son exposé. Elle allait le faire dès que nous aurions terminé l'interrogatoire des trois premiers témoins.
Mme Carole-Marie Allard: Je m'excuse.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Peu importe, elle en parlera peut-être dans son...
Mme Wanda Noel (Expert conseil, Loi sur le droit d'auteur, À titre individuel): En effet.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Oui, je m'en doutais.
Si vous avez des questions pour les trois premiers témoins, posez-les et nous pourrons ensuite passer aux trois témoins suivants.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Je vais poser ma question à M. Cabral.
Vous êtes d'accord pour dire que l'exception qu'on demande sur le droit d'auteur est strictement une exception pour préserver du matériel. Je suis persuadée que la Bibliothèque et les Archives vont faire ce qu'elles font dans le cas toutes les autres collections: avant de les diffuser, elles vont négocier les droits d'auteur. Êtes-vous suffisamment rassuré à cet égard?
M. Louis Cabral: Je pense que oui. C'est une institution qui a 50 ans d'histoire. Elle s'est toujours assurée de diffuser des oeuvres libérées de droit. Je ne verrais pas pourquoi, demain matin, le gouvernement canadien serait délinquant parce qu'on a une nouvelle institution.
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci, madame Allard.
Nous allons maintenant passer à nos trois témoins suivants.
J'aimerais remercier nos trois premiers témoins de leur exposé remarquable.
J'aimerais demander à chacun des témoins, lorsque je les présenterai, de prendre la parole l'un après l'autre, plutôt que d'entamer un dialogue avec chacun de vous. Nous allons donc entendre les trois témoins et ensuite nous passerons aux questions, comme nous l'avons fait pour le premier groupe.
Tout d'abord, nous avons M. Terry Cook, de l'Association of Canadian Archivists; à titre individuel, Mme Wanda Noel, expert conseil sur la Loi sur le droit d'auteur, et nous avons Mme Laura Murray, professeure agrégée, département d'anglais de l'Université Queen's.
Si vous voulez procéder dans un ordre particulier, c'est tout à fait acceptable.
M. Terry Cook (conseiller spécial du président en matière de lois nationales et porte-parole de la Canadian History Association, Association of Canadian Archivists): Mme Noel pourrait expliquer les problèmes.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Madame Noel, je vous en prie, allez-y.
Mme Wanda Noel: Merci, monsieur le président.
Si je m'adresse à vous ce matin, ce n'est pas pour demander des amendements au projet de loi mais pour fournir des explications contextuelles sur les amendements au droit d'auteur qui figurent dans le projet de loi, et je voudrais aborder essentiellement deux problèmes.
Tout d'abord, les modifications aux modalités de protection des oeuvres inédites. Dans notre milieu, on parle désormais de ces modifications comme des amendements à l'article 7. Je vais vous expliquer pourquoi on apporte cette modification dans le projet de loi C-36 et je demande votre indulgence car il faut revenir en arrière pour fournir des explications et décrire le contexte.
En 1997, votre comité a été saisi d'un autre projet de loi sur le droit d'auteur et une des dispositions de ce projet de loi modifiait ou en fait mettait fin à la protection perpétuelle des oeuvres inédites. Au Canada, pendant des années, si une oeuvre n'avait pas été publiée et qu'elle faisait partie d'un fonds d'archives, même si elle datait de 3 siècles, cette oeuvre jouissait toujours de la protection du droit d'auteur, avec toutes les restrictions que cela suppose concernant son utilisation et son accès. En 1997, le projet de loi a proposé de transformer cette protection perpétuelle en une protection équivalant à la durée de vie de l'auteur, majorée de 50 ans. Ainsi, on passait d'une très longue période à une période relativement courte de protection.
Lorsqu'on modifie des lois, on ne peut pas s'attendre à ce qu'une nouvelle règle remplace l'ancienne instantanément. Il faut prévoir des périodes transitoires parce que si l'on pense que son oeuvre est protégée à tout jamais, on ne peut pas du jour au lendemain constater que cette période de protection n'est plus que l'équivalent de sa durée de vie plus 50 ans, moyennant quoi la plus longue période de protection est maintenue encore un peu. On veut donc faire la jonction entre l'ancienne et la nouvelle loi.
Or, le projet de loi en 1997 proposait une période transitoire que les usagers, essentiellement les historiens et les archivistes, considéraient encore trop longue. Il y a eu une quantité colossale de messages envoyés par télécopieur, 300, un certain jour. Il y a peut-être des députés autour de cette table qui ont reçu ces 300 messages et courriels en un jour sur cette question. Par conséquent, le comité a réduit la durée d'attente à des fins de transition de 100 ans à 50 ans.
Cet amendement a été apporté en comité. Il est intervenu assez tard et il a eu des conséquences imprévues, notamment le fait que certains auteurs, les Lucy Maud Montgomery du monde... Elle représente un bon exemple de cette catégorie. Son oeuvre, étant donné la date à laquelle elle est morte, allait entrer dans le domaine public à la fin de 2003.
Et voilà que le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui change encore la durée de la période transitoire. Il y a donc eu le projet de loi de 1997 qui proposait une durée, raccourcie en comité, et nous avons désormais le C-36 où figure une disposition transitoire encore différente. Toutefois, les périodes transitoires du projet de loi C-36 offrent une particularité très importante, en ceci que les modifications retenues ont été négociées par les intéressés.
Ainsi, Marion Dingman Hebb, qui représente la succession de Lucy Maud Montgomery, a négocié avec la société historique et les représentants de trois associations nationales d'archivistes pour aboutir à ces modifications. Si je suis au courant, c'est parce que je suis avocate et spécialiste du droit d'auteur et qu'on m'a demandé de m'occuper de la médiation. Il a fallu plusieurs rencontres de médiation pour aboutir à ces modifications.
Pourquoi alors avoir choisi ce moment-ci pour agir et pourquoi se servir du projet de loi C-36? C'est parce que le temps presse. Si ces modifications ne sont pas adoptées avant le fin de 2003, beaucoup d'oeuvres protégées par le droit d'auteur, celles de Lucy Maud Montgomery notamment, entreront dans le domaine public et une fois là, il est impossible de faire marche arrière. On sait très bien qu'il n'y aura pas d'autre projet de loi. En théorie, on pourrait en présenter un d'ici au 31 décembre, mais c'est peu probable à mon avis.
Voilà donc pourquoi nous avons les modifications à l'article 7.
D'autres témoins, et entre autres certains que vous avez entendus il y a quelques jours, ont parlé de la question plus générale de savoir s'il est opportun de modifier la durée de protection du droit d'auteur en l'occurrence. Je conviens tout à fait qu'il s'agit d'un autre sujet, soit de déterminer s'il faut que ce soit la durée de vie plus 50 ans ou la durée de vie plus 70 ans. C'est une question que le comité examinera lorsqu'il fera la révision de l'article 92, l'automne prochain. Mais c'est autre chose.
À (1015)
La modification de 1997 était minime, mais on en était très mécontent et on a apporté ces changements. Cette fois-ci, je pense que cela ira parce que les parties qui doivent s'en accommoder en sont arrivées à un compromis. Cette fois-ci ce n'est pas le gouvernement ni des comités parlementaires qui ont apporté les modifications et les rajustements. Au départ, la durée était trop longue, ensuite elle était trop courte, et maintenant elle se situe à mi-chemin.
Je n'ai pas suivi mes notes mais c'est essentiellement ce que j'avais à dire à propos des problèmes que pose l'article 7.
J'aimerais maintenant passer à une deuxième question de droit d'auteur et il s'agit du trop fameux paragraphe 8.(2), qui permet à l'archiviste national de mettre sur Internet un document d'importance historique et de le préserver pour recherche ou étude futures.
Madame Allard, c'est la question que vous avez posée. Je suis ravie que vous l'ayez posée car c'est une question capitale dans le contexte général des lois sur les archives et le droit d'auteur. Je vais essayer de vous donner un plus grand tableau d'ensemble, le contexte des lois nationales sur ces questions d'accès pour les historiens et les chercheurs.
Les lois sur le droit d'auteur dans tout le pays sont structurées exactement de la même façon : ces lois donnent aux créateurs des droits juridiques leur permettant de contrôler l'utilisation de leurs oeuvres, et selon quelles modalités. Les lois sur le droit d'auteur dans tous les pays du monde imposent aussi des limites aux droits des créateurs et ce pour le bien public. Ces limites sont qualifiées d'« exceptions », et on a utilisé ce mot ici ce matin. Les parlementaires ou les législateurs, suivant le régime, déterminent ces exceptions par disposition législative au nom du bien public.
Essentiellement, sur le plan politique, une assemblée législative décide que le bien public qui justifie l'exception supplante les droits de propriété privée des créateurs.
Les lois sur le droit d'auteur dans chaque pays contiennent des exceptions. Pour définir ce bien public, je décrirai les bénéficiaires de ces exceptions. Ce sont notamment les établissements d'enseignement, les bibliothèques, les fonds d'archives, les musées, les personnes qui ont un handicap de perception. Ces personnes ou ces groupes représentent un intérêt public plus vaste de sorte que les droits des créateurs sont frappés de limites définies. Quand une de ces exceptions fait l'objet d'une disposition législative, le créateur perd le droit d'exiger qu'on demande sa permission avant d'utiliser son oeuvre et il perd également ses redevances. C'est précisément ce qu'accomplit le paragraphe 8.(2) du projet de loi C-36.
Selon la Loi sur le droit d'auteur, les créateurs ont le droit absolu de contrôler la reproduction sur n'importe quel véhicule, que ce soit la photocopie ou l'Internet. Le paragraphe 8.(2) dispose que l'archiviste national peut constituer des échantillons dans Internet à des fins de préservation. C'est tout. Un usager ne peut pas consulter les archives et faire des copies de l'oeuvre pour ensuite la publier dans un livre. L'usage en est limité à la recherche et à l'étude privées.
Or, le bien public motivant la préservation et la collecte de ce qui est décrit dans le projet de loi C-36 comme « des éléments d'information présentant un intérêt pour le Canada » constitue une limite aux droits des créateurs—qui sont venus témoigner ici avant-hier—de contrôler la reproduction. Le projet de loi dispose qu'il y va de l'intérêt public que l'archiviste national puisse faire cela pour préserver ces documents.
Enfin, je tiens à dire que le paragraphe 8.(2) est tout simplement la prolongation de toute une série de dispositions législatives permettant aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale de fonctionner. Voici quatre exemples. Tout d'abord, l'article 8 de l'actuelle Loi sur les archives nationales du Canada permet à l'archiviste national de demander aux détenteurs du droit d'auteur de déposer des enregistrements sonores et des documents audiovisuels auprès de son établissement. Deuxièmement, la Loi sur la Bibliothèque nationale exige que soient déposés à la bibliothèque des exemplaires des publications canadiennes et des enregistrements sonores. Troisièmement, la Loi sur le droit d'auteur permet déjà aux Archives nationales de reproduire des émissions radiophoniques et télévisuelles. Quatrièmement, et finalement, la Loi sur le droit d'auteur permet également aux radiodiffuseurs, nonobstant les droits des propriétaires, de copier des oeuvres et de les déposer dans les fonds d'archives officielles du Canada.
Ce que je tiens à dire, c'est que le paragraphe 8.(2) n'est pas un article renversant du tout. C'est tout simplement la prolongation de pratiques qui existent déjà aux Archives nationales et qui sont étendues à Internet.
À (1020)
J'aurais autre chose à dire mais je m'emballe de sorte que je vais me contenter de vous remercier.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup, madame Noël. Je vous présente mes excuses mais comme nous avons trois différents témoins et que nous voulons réserver du temps pour les questions je me dois de vous arrêter. Déjà, vous avez suscité certaines questions dans l'esprit des membres du comité.
Nous allons passer à M. Terry Cook, porte-parole de la Société historique du Canada, au sein de laquelle il oeuvre comme conseiller spécial en matière législative, auprès du président.
Monsieur Cook.
M. Terry Cook: Merci, monsieur le président et honorables membres du comité. C'est un grand honneur que d'exprimer aujourd'hui le point de vue officiel de la Société historique du Canada et de l'Association canadienne des archivistes. Merci de nous avoir invités à témoigner.
Les archivistes et les historiens canadiens souhaitent féliciter le gouvernement du Canada d'avoir déposé ces importantes dispositions législatives et se réjouissent du vaste appui qu'elles ont suscité. C'est une initiative très innovatrice que de combiner les archives originales et les publications conservées en bibliothèque pour consigner ce patrimoine documentaire concernant le Canada dans un nouvel établissement, la Bibliothèque et les Archives du Canada. C'est une première parmi les nations développées que de ne pas avoir une bibliothèque nationale indépendante des Archives nationales.
Les impératifs du monde l'informatique estompent les distinctions entre les renseignements publiés et ceux qui ne le sont. Pour acheminer la connaissance à la société, pour qu'elle dispose d'un accès direct aux renseignements pertinents, identifiés et mis en contexte par les archivistes et les bibliothécaires, il faut prendre les mesures qui s'imposent car le bien-être et la compétitivité du Canada en dépend et cela est important pour notre esprit de découverte et de créativité, notre patrimoine et notre culture.
Nos deux associations souhaitent appuyer l'intention générale du projet de loi C-36 mais nous voudrions contribuer à l'amélioration de ses dispositions législatives. Nous formulons quatre suggestions générales concernant l'urgence de cette loi, ainsi que des amendements sur l'infrastructure et le droit d'auteur.
La fusion des deux institutions en une nouvelle entité, Bibliothèque et Archives du Canada se prépare depuis l'automne dernier, suivant une planification ordonnée avec consultation des intéressés et formation de nombreuses équipes de transition. Les deux institutions en sont rendu maintenant à une impasse, ne pouvant plus compter sur l'ancienne structure mais incapables d'aller plus loin en l'absence des dispositions législatives qui leur permettraient de le faire. Ainsi, les professionnels de l'institution sont dans une situation floue. Nous vous exhortons donc à adopter cette loi dans les meilleurs délais, après l'avoir amendée éventuellement, idéalement avant la fin de la session actuelle pour que le bon travail déjà entrepris soit mené à bien et que cesse l'incertitude législative.
Deuxièmement, le nouveau projet de loi intègre les mandats actuels contenus dans les deux lois régissant respectivement les Archives nationales et la Bibliothèque nationale. Ces dispositions sont en outre modernisées et consolidées pour combler certaines lacunes et pour tenir compte des nouvelles technologies, comme par exemple l'Internet qui est reconnu comme une expression culturelle canadienne.
Nous appuyons assurément ces modifications mais nous pensons que cinq améliorations s'imposent, outre le droit d'auteur sur lequel nous reviendrons plus tard.
Tout d'abord, il y a la question de la protection des documents du gouvernement. Le transfert de ces documents, ceux auxquels on confère une valeur historique et archivistique, confié au soin et au contrôle de la Bibliothèque et des Archives du Canada fera toujours l'objet d'accords négociés—et cela est prévu à l'article 13—mais pourtant il n'y a aucune obligation imposée à d'éventuels fonctionnaires ou organismes gouvernementaux récalcitrants. Le nouveau paragraphe 13.(3) qui prévoit que l'administrateur général peut demander le transfert de tout document précieux risquant d'être détruit ou endommagé, est encore trop faible, à notre avis. Cette disposition devrait imposer une obligation de sorte que l'administrateur général, sachant que des documents sont en péril, pourra en exiger le transfert. Étant donné la fragilité technologique des documents électroniques en particulier, tout retard dans le transfert est ni plus ni moins une destruction illégale du document.
Ensuite, il y a l'expertise des documents. Le projet de loi ne prévoit pas la fonction archivistique la plus cruciale, celle de l'expertise. On dit parfois que c'est la fonction la plus difficile et certainement la plus controversée des archivistes. Lors de l'expertise, on détermine le pourcentage, un ou deux, de tous les documents que l'on conservera. L'article 7, qui décrit la « Mission » ne dit rien de cette fonction et l'article 8, « Attributions de l'administrateur général » tout comme l'article 12, « Élimination et aliénation » n'en font pas mention non plus. Il faudrait un amendement pour corriger cela.
Troisièmement, il y a les documents archivistiques du secteur privé—ceux qui ne proviennent pas du gouvernement du Canada. Les seuls documents cités précisément dans le projet de loi et pour lesquels Bibliothèque et Archives du Canada sera le dépositaire permanent sont les documents fédéraux et ministériels. En outre, en oubliant de citer les documents du secteur privé comme ayant une importance nationale, comme on le faisait dans l'ancienne Loi sur les archives nationales du Canada, et en utilisant l'expression « documents d'intérêt pour le Canada », on risque de prêter le flanc à des conflits avec les entités provinciales, municipales, religieuses, universitaires ou autres qui conservent des archives . Nous pensons qu'il faudrait ajouter à cette expression : « documents du secteur privé ayant une proéminence nationale ou une signification représentative » la même expression devrait être incluse dans l'article des définitions, dans celui de la mission, celui des pouvoirs et celui qui définit le futur dépositaire.
À (1025)
Quatrièmement, il y a la gestion de l'information du gouvernement du Canada. Ce projet de loi confère à la bibliothèque et aux archives le même pouvoir qu'auparavant pour favoriser la gestion de l'information gouvernementale. Toutefois, nous savons par expérience que cela ne suffit pas. Le Commissaire à l'information, les vérificateurs et d'autres ont souvent répété que le système de gestion des dossiers du gouvernement du Canada n'était pas à la hauteur. Cela entraîne des situations d'inefficacité dans les opérations gouvernementales, un piète service aux clients canadiens, des carences dans la reddition de comptes et un fonds d'archives pauvre.
Nous pensons que ce projet de loi devrait de façon plus ferme encourager Bibliothèque et Archives du Canada à travailler en plus étroite collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, organisme responsable, pour exiger que toutes les institutions gouvernementales créent des documents fiables, témoins authentiques des politiques gouvernementales, des opérations et de la prestation de programmes, et qu'elles les gèrent.
Cinquièmement, nous pensons que le conseil consultatif ne devrait pas se borner à se pencher sur des questions de programmation publique et d'accessibilité mais sur tous les aspects du mandat et des programmes de la nouvelle Bibliothèque et Archives du Canada. Outre les notables qui seront nommés au conseil, on devrait y nommer des représentants des archivistes, des bibliothécaires, des historiens et des généalogistes.
Le troisième grand volet est de faire en sorte que le patrimoine documentaire soit accessible aux Canadiens alors qu'il faut une infrastructure très spéciale pour se faire. Le projet de loi C-36 souligne l'importance de rendre le patrimoine documentaire de Bibliothèque et Archives du Canada accessible aux Canadiens mais il comporte un nouveau libellé, de nouveaux pouvoirs et un conseil consultatif chargé de la réalisation de cet objectif. Mais il y a trois niveaux d'infrastructure nécessaires pour que cela soit plus que des voeux pieux et comme d'habitude, ce sont l'argent, les locaux et le personnel.
Pour les éléments audiovisuels plus récents lisibles à la machine—et je songe aux films, aux émissions de radio et de télévision, aux enregistrements sonores—et plus encore pour les dossiers informatisés à partir de bases de données, de systèmes de bureautique et de sites Internet, il faudra que le budget d'exploitation de Bibliothèque et Archives du Canada soit augmenté de façon colossale si l'on souhaite que ces médias soient conservés et offerts aux Canadiens.
Il faudra loger Bibliothèque et Archives du Canada dans un nouvel immeuble conséquent. Nos deux associations préconisent un deuxième Centre de conservation de Gatineau qui serait contigu au premier et y serait relié afin qu'on y dépose ces médias spécialisés, d'autres éléments, et livres, qui sont excédentaires ou se trouvent dans un mauvais climat; ces fonds seront sous peu privés du matériel et du personnel nécessaires à leur conservation quand l'immeuble Mémorial Ouest qui est condamné, sera vidé avant d'être remis en état pour servir de bureaux.
Nos associations souhaitent que les compétences des archivistes professionnels spécialisés dans certains domaines et dans la recherche fonctionnelle ne soient pas diluées pour faire place à de stricts professionnels de l'information, très compétents dans les méthodes, mais non pas dans le fond. Nous souhaitons également que l'expériences des archivistes soit plus facile d'accès aux chercheurs spécialisés, en particulier les historiens contrairement à ce qui se produisait par le passé, malgré l'accent que l'on a mis récemment sur les communications Internet et l'accès à distance.
Enfin, j'aimerais aborder la question du droit d'auteur. D'autres témoins, notamment Wanda Noel, ont discuté avec vous des articles techniques qui modifient la Loi de 1997 sur le droit d'auteur. Nous nous en remettons à leur compétence en ajoutant ceci, que je vous communique plus au nom des historiens que des archivistes, même si je représente les deux aujourd'hui.
La définition des mots « auteur » et « oeuvres inédites » contenue dans les modifications nous inquiète. Il semble que l'intention de l'article 21 du projet de loi C-36, que confirme ce qui a été dit lors du débat sur le projet de loi à la Chambre des communes, soit de définir l'auteur d'une oeuvre inédite comme le créateur ou l'écrivain, Lucy Maud Montgomery ou Stephen Leacock ayant été cités le plus souvent, et les oeuvres non publiées que l'on souhaite protéger n'incluraient que les expressions artistiques comme les nouvelles, les poèmes, les pièces de théâtre, les romans, les chansons, etc., éléments créés à des fins de publication, de retransmission ou de télécommunication. Or, cette intention n'est pas claire dans le projet de loi C-36 et nous pensons qu'un amendement s'impose pour mieux ficeler cet article.
De façon plus générale, le mot « auteur » peut signifier, et il le signifie, celui qui a écrit tout ce qui se trouve dans un fonds d'archives, lettres ou états financiers, photographies de famille ou plans d'architecture. Le libellé du projet de loi aurait pour effet d'interdire jusqu'en janvier 2018 la publication des archives personnelles du premier ministre Sir Robert Borden, par exemple puisqu'il est mort en 1937.
À (1030)
C'est une restriction trop lourde pour les historiens et autres chercheurs qui souvent doivent reproduire des lettres en entier à l'appui de leurs thèses. Nous recommandons instamment que les termes « auteur » et « oeuvres » soient fortement nuancés, comme nous l'expliquons, et qu'ils soient limités à l'intention artistique ou créatrice.
La SHC et l'ACA vous remercient de les avoir écoutées et nous espérons que nos remarques vous aideront à amender le projet de loi et à l'appliquer.
Merci.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci beaucoup, monsieur Cook. Il est indéniable que vos remarques nous aideront.
Notre dernier témoin est Mme Laura Murray, professeure agrégée au département d'anglais de l'Université Queen's.
Madame Murray.
Mme Laura Murray (professeure agrégé, Département d'anglais, Queen's University, À titre individuel): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Laura Murray. Je suis professeure agrégée d'anglais à l'Université Queen's. J'écris et j'enseigne la littérature américaine, autochtone, la théorie littéraire, et l'histoire du livre. Actuellement, ma recherche porte sur l'histoire et la rhétorique du droit d'auteur aux États-Unis et au Canada.
Je ne parlerai aujourd'hui que d'une disposition, à savoir celle qui prévoit que l'oeuvre non publiée d'auteurs morts entre 1930 et 1949 serait protégée jusqu'en 2017, ou plus longtemps, en fait, si leurs successions choisissent de publier leur oeuvre avant cette date.
Je crains que l'inclusion d'une modification au droit d'auteur dans un projet de loi qui porte sur autre chose empêche une discussion nourrie sur ses conséquences. C'est par hasard que j'ai appris vendredi dernier que l'on envisageait d'adopter cette disposition alors que la plupart des universitaires canadiens participent à leurs réunions annuelles à Halifax. C'est une malheureuse coïncidence parce que c'est le plus mauvais moment de l'année pour tenter de mobiliser les sociétés savantes afin qu'elles discutent de la question. La réunion annuelle vient de se terminer ou elle est en train de se dérouler, si ce n'était pas hier.
Je partage le point de vue d'autres témoins, comme celui de M. Cabral, et j'estime que ce point-là doit être débattu lors d'une discussion plus générale sur le droit d'auteur, dans ce contexte-là en l'occurrence. Je ne suis absolument pas convaincue que cette disposition sert l'intérêt du public canadien et les collègues que j'ai réussi à contacter sont du même avis que moi.
Rappelez-vous ce que titrait le National Post au moment où cette disposition a été révélée au public. « Modification qui profitera à un petit groupe d'auteurs dont les oeuvres ne sont pas publiées ». C'est à peu près cela sauf que les auteurs en question sont morts. Ils sont morts il y a plus 50 ans de sorte que la mesure profitera à leurs héritiers et à leurs successions. Même si ces auteurs étaient méritants, il est trop tard pour les dédommager.
Je souhaiterais vous rappeler le principe qui a inspiré le droit d'auteur : encourager l'innovation et la créativité, et la diffusion des idées et des oeuvres. Nous ne pouvons pas encourager des auteurs qui sont morts de sorte que ce ne peut pas être l'objectif de cette modification. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de ce projet de loi. Je suppose que les successions affirment que cette prolongation va les encourager à chercher à faire publier les oeuvres inédites. Mais de toute façon, ces oeuvres seraient publiées, à meilleur marché, sans leur intervention, si elles étaient du domaine public. Si ces oeuvres sont intéressantes, quelqu'un va les trouver et les publier.
Je ne vois dans cette modification qu'une seule logique, celle de l'intérêt personnel—les successions voulant l'argent et le contrôle pendant plus longtemps, et peut-être aussi les éditeurs. On ne trouve rien qui serve l'intérêt public dans cette disposition.
En fin de compte, on ratisse beaucoup d'autres auteurs en même temps que Anne of Green Gables et L.M. Montgomery, à mon avis. Mme Noel a rappelé qu'il s'agissait de négociations entre les parties qui doivent s'accommoder de cet accord. Je tiens à vous dire que nous devons tous nous en accommoder.
Mes recherches m'ont amenée à consacrer beaucoup de temps aux archives—heureusement pour moi, je travaillais sur les auteurs qui sont morts il y a plus de 200 ans—et c'est la question de la liberté académique que je tiens à souligner avant tout. Le peu que j'en sais, cette disposition semble fondée sur l'hypothèse qu'on pourrait éventuellement publier la totalité d'une oeuvre—par exemple, le journal de L.M. Montgomery. Je suis inquiète cependant de la liberté du chercheur de publier ou d'utiliser des lettres dans les travaux qu'il souhaite publier ou dans d'autres documents de moindre importance. Dans la mesure où l'oeuvre inédite est frappée du droit d'auteur, la succession peut faire valoir son droit d'empêcher un universitaire ou un chercheur d'utiliser ces oeuvres librement.
Cette disposition signifie essentiellement que l'accès total pour les érudits de tout document écrit par quelqu'un qui serait mort entre 1930 et 1950 est soudain reporté à 15 ans plus tard. Je ne parle pas uniquement de la recherche universitaire car il y a aussi les documentaires télévisuels, les pièces de théâtre, les oeuvres d'art, les biographies—et j'en passe. Il n'y a pas seulement les écrivains mais également les personnalités publiques, les architectes, les ingénieurs, les chefs d'entreprises, etc. Cette disposition pourrait vraiment ralentir le droit de discuter, d'acquérir et de diffuser de l'information concernant notre histoire et notre pays.
Or, vous me direz qu'il ne s'agit que de 15 ans, que c'est seulement transitoire. C'est vrai, mais ce qui m'importe ici c'est le principe. Nous vivons dans un climat où l'on souhaite de plus en plus contrôler la propriété intellectuelle. L'argument de taille est qu'il faut motiver les créateurs en leur donnant beaucoup de contrôle sur leur oeuvre. Mais si l'on donne à des créateurs trop de contrôle, on lèse par la même occasion d'autres créateurs, la culture n'étant pas la génération spontanée car elle se fonde sur les penseurs qui nous ont précédés, le passé servant de tremplin et d'inspiration. Si ce passé est interdit trop longtemps, l'autre culture partagée ne peut pas connaître un développement multidimensionnel.
À (1035)
Cette disposition ne présente aucun intérêt pour les auteurs. Elle a pour seul effet de priver les auteurs vivants d'une liberté qu'elle accorde aux héritiers des auteurs décédés. Par exemple, elle risque d'empêcher un dramaturge ou un scénariste de dire ce qu'il à dire sur Stephen Leacock, L.M. Montgomery, Emily Carr, etc., si la succession n'accepte pas la façon dont il utilise les documents d'archives.
J'ajouterai également que j'envisage ici le pire scénario concernant les successions. Je ne pense pas qu'elles soient toutes mauvaises, mais il est indispensable d'envisager l'éventualité de cette forme de censure. Même si une succession n'agit pas dans une optique de censure, elle pourrait exiger des frais que des étudiants, des chercheurs ou de petits éditeurs auraient bien du mal à acquitter. La plupart des chercheurs publient à des fins non lucratives, voire même à compte d'auteur. Des frais de quelques centaines de dollars risquent d'avoir un effet déterminant sur la décision de publier ou non.
Je considère que la plus grande marque de respect qu'on puisse manifester aux illustres auteurs du passé est de parler d'eux. Ils ne souffriront pas de ce que nous avons à en dire. Si nous conversons avec eux, ils vont nous aider à comprendre notre monde et le leur.
Je n'ai aucun intérêt personnel en ce qui concerne la recherche sur les auteurs visés par cette disposition; je ne travaille pas sur cette période de la littérature canadienne. En revanche, je m'inquiète de cette disposition car elle n'envoie pas le bon message sur la finalité du travail historique. Le droit d'auteur ne doit pas servir uniquement à aller chercher de l'argent dans le passé. Il doit servir à faciliter une pensée et une réflexion novatrices.
Je pense que le gouvernement du Canada devrait s'efforcer de favoriser la discussion, voire la controverse, dans un contexte où l'histoire et la pensée canadiennes sont submergées par la marée hollywoodienne. Cette disposition va au contraire nuire au développement de la culture canadienne, et je vous demande instamment de l'éliminer du projet de loi aussi discrètement que vous l'y avez inscrite.
Merci.
À (1040)
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci, madame Murray.
Il nous reste environ 17 minutes et j'aimerais que chacun se limite à une intervention de cinq minutes.
Monsieur Strahl, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?
M. Chuck Strahl: Merci.
Je tiens à remercier le deuxième groupe de témoins. Ils nous ont présenté des exposés très intéressants. Je suis toujours impressionné par l'intérêt que présentent les archives pour la recherche historique. Vous faites un excellent travail.
J'ai particulièrement apprécié l'approche que M. Cook nous a présentée. Si vous avez un rapport, monsieur Cook, je vous inviterais volontiers à le déposer, mais il devrait être rédigé dans les deux langues officielles. Nous nous en tiendrons aux documents publiés, mais j'ai apprécié la spécificité de vos propos, qui m'ont paru très utiles, et vous avez fait d'excellentes propositions. Certaines d'entre elles devraient se traduire par des amendements, et nous allons nous en occuper. Je vous en remercie.
J'aimerais revenir brièvement sur l'extension de la définition de l'auteur et de l'oeuvre. Vous dites que si l'on faisait une distinction entre l'auteur d'une oeuvre créatrice et un ancien premier ministre, si j'ai bien compris—non pas que le premier ministre ne fasse pas oeuvre de création, mais c'est différent—vous accepteriez que cette disposition sur le droit d'auteur demeure dans la loi, n'est-ce pas?
M. Terry Cook: Je l'accepterais effectivement, en tant que représentant de l'Association canadienne des archivistes, qui fait partie du groupe dont Mme Noël a parlé. Nous aimerions une définition plus étroite, que nous jugeons plus conforme à l'intention du législateur, comme en attestent les exemples qui ont été présentés. Mais je m'exprime aussi en tant qu'historien, et les historiens partagent davantage le point de vue de Mme Murray : ils n'apprécient pas du tout le droit d'auteur. J'ai essayé de naviguer entre les deux points de vue.
M. Chuck Strahl: J'ai déjà dit en d'autres circonstances que j'ai tendance à penser que ce n'est pas ici qu'il faut modifier la Loi sur le droit d'auteur. Je suis d'accord avec Mme Murray, mais elle dit qu'il est difficile de motiver les professionnels en cette période de l'année, et on pourrait étendre ces propos à la colline du Parlement. Je tenais à vous signaler que ce problème est généralisé en juin.
Nous allons l'étudier de près. Je ne suis pas certain qu'on puisse le résoudre. Il faudrait sans doute s'inspirer de la proposition de M. Cook.
J'aimerais enfin parler en particulier du conseil consultatif. C'est toujours lui qui agite le drapeau rouge dans ce genre d'affaires, et les députés de l'opposition voient bien que le ministre trouvera toujours une voie de garage pour ses amis, et c'est là que finiront tous les propos haineux que nous pouvons tenir.
Vous avez dit que ce conseil devrait comprendre des historiens, des archivistes et d'autres groupes de professionnels. Est-ce que vous voulez qu'il soit effectivement désigné ainsi, et que des personnes présentant des qualifications professionnelles occupent ces postes? On peut sans doute légitimement craindre que certaines personnes y soient nommées pour de mauvais motifs, ou qu'elles ne comprennent pas les problèmes que vous avez tous évoqués ici ce matin. Est-ce que vous voulez que des groupes de professionnels soient désignés?
M. Terry Cook: Nous voulons que certains groupes soient explicitement nommés, mais pas les associations à proprement parler, car il y a trois ou quatre associations d'archivistes entre le Canada français et le Canada anglais, et il pourrait y avoir également plusieurs groupes de bibliothécaires. Il faudrait donc au moins un représentant des bibliothécaires, un des archivistes et un des historiens.
[Français]
M. Chuck Strahl: Ce sera certainement nécessaire. Je n'ai plus d'autres questions.
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci, monsieur Strahl.
Madame Girard-Bujold, c'est à vous.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai bien aimé vos interventions à tous les trois. Il y a vraiment de la controverse, et cela fait du bien. C'était très low profile ce matin, et madame a soulevé beaucoup de questions au sujet du droit d'auteur. Cela confirme ce que dit le Bloc québécois. Ce projet de loi devrait être scindé en deux parce que, comme le disait Liza tout à l'heure, il faut prendre tout le temps voulu pour étudier ce projet de loi le mieux possible. S'ils veulent qu'il soit adopté avant la fin de la session, il faudra le faire bientôt. Je pense qu'on va manquer de temps pour l'étudier sérieusement.
Madame Noel, vous dites que le droit d'auteur, à l'heure actuelle, touche la propriété pour une période d'une durée de 30 à 49 ans. Ne pourrait-on pas proposer, d'ici la fin de 2003, un amendement prolongeant la durée de cette protection afin de nous permettre de vraiment étudier la Loi sur le droit d'auteur? On ne parle pas du droit d'auteur, puisque c'est inclus dans un autre projet de loi. Les questions que soulève Mme Murray me font vraiment réfléchir. J'aurais beaucoup de questions à poser à Mme Murray, mais je pense qu'on n'en a pas le temps ce matin. Qu'est-ce que vous en pensez, madame Noel?
À (1045)
[Traduction]
Mme Wanda Noel: Je suis très heureuse que vous ayez posé cette question, car Mme Murray comprend mal les conséquences de ce projet de loi.
Si les amendements sur les échéances sont adoptés, ils n'auront aucune incidence sur la recherche et les études des universitaires. Le paragraphe 30.21(1) de la Loi sur le droit d'auteur permet à un chercheur de prendre copie de tout document détenu par un établissement d'archives, qu'il soit ou non protégé par un droit d'auteur. Cet amendement vise spécifiquement l'exploitation commerciale d'une oeuvre non publiée dont disposerait un établissement d'archives.
Il faut donc considérer non seulement le changement d'échéance, mais aussi le corollaire du changement, et c'est pour cela que les historiens et les archivistes se sont entendus pour étendre la durée de la protection du droit d'auteur. C'est parce que l'exception qui permet la recherche savante dans un établissement d'archives a été étendue et élargie. Il n'y a pas de registre à tenir ni d'autorisation à obtenir avant de faire une copie, comme c'est le cas actuellement.
Il y a donc eu un compromis et le paragraphe 30.21(1) de la loi n'interdit nullement la recherche savante. Il précise qu'une oeuvre détenue dans un établissement d'archives peut faire l'objet d'une copie à des fins de recherche et d'étude privée. On ne peut pas publier cette oeuvre, mais on peut s'en servir pour des recherches savantes.
Dans le cas des auteurs comme Lucy Maud Montgomery, celui qui voudrait se servir de leurs oeuvres pour gagner de l'argent devra payer une redevance, mais il n'y a rien à payer si l'on veut faire de la recherche.
Voilà le système qui résulte de cet amendement.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Très brièvement, madame Murray, car il faut passer à la suite.
Mme Laura Murray: Vous faites une distinction : l'oeuvre peut être consultée, mais elle ne peut pas être publiée, et c'est très important pour ceux qui font des recherches, car nous voulons pouvoir publier ce que nous avons trouvé.
Mme Wanda Noel: Vous devrez obtenir une autorisation, c'est tout.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci.
Monsieur Cook, avez-vous...
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Cook, j'ignore si vous connaissez les dispositions de la Loi sur la Bibliothèque nationale du Québec concernant la nomination des membres du conseil consultatif. Cela devait être fait comme ici, au gouvernement fédéral, mais des gens du milieu s'y sont opposés. Présentement, ce sont des gens du milieu qui sont nommés à la suite de consultations. Il y a une personne de la ville de Montréal et un utilisateur. Ne pensez-vous pas qu'on devrait agir ainsi au fédéral? Selon vous, les membres du comité consultatif devraient-ils être nommés?
[Traduction]
M. Terry Cook: Voilà d'excellentes remarques, dont les critères pourraient s'inspirer. Il pourrait y avoir une représentation régionale et une représentation professionnelle, comme au Québec.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci, monsieur Cook.
Nous passons maintenant à Mme Allard.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Je remercie Mme Murray, Mme Noel et M. Cook de leurs présentations. Je suis sensible à vos observations parce que je suis moi-même une auteure. Je ne sais toutefois pas si on comprend la Loi sur le droit d'auteur de la même façon. Je pense que ce n'est pas la Loi sur le droit d'auteur qui va vous empêcher de parler de quelqu'un dans un livre.
Comme Mme Noel nous le disait, si les oeuvres de quelqu'un sont publiées, je ne pense pas que cette disposition de la loi va vous empêcher de faire de la recherche ou quoi que ce soit d'autre. Si on voulait publier les oeuvres de Stephen Leacock, à ce moment-là, quelqu'un devrait lui payer des droits d'auteur. Mais cela n'empêche pas un historien de citer Stephen Leacock dans un livre, de parler de lui et de travailler avec sa famille.
Je trouve qu'on charrie beaucoup en ce qui a trait à la Loi sur le droit d'auteur. Pour ma part, je suis très contente lorsqu'on cite des passages de mon livre. Tout ce que je reçois chaque année, c'est 600 $ de la Commission du droit de prêt public, et c'est tant mieux.
Je pense qu'un auteur a intérêt à faire parler de lui. Vous avez raison à cet égard. Toutefois, je pense qu'on dramatise beaucoup l'impact de l'article qui touche le droit d'auteur. C'est à des fins de préservation. Je suis donc obligée de ne pas être d'accord avec vous.
À (1050)
[Traduction]
Mme Laura Murray: Si je comprends bien, la lettre d'un auteur figurant dans une oeuvre serait elle-même considérée comme une oeuvre. Si elle fait l'objet d'un droit d'auteur et qu'elle n'a pas été publiée, il faudra obtenir l'autorisation de la succession pour la reproduire et pour la publier. Il se peut que la succession ne souhaite pas que cette lettre soit connue. Elle peut estimer que sa publication va nuire à la réputation de son ancêtre ou de quelqu'un d'autre ayant vécu à la même époque, auquel cas elle refusera à un chercheur qui l'a trouvée, l'autorisation de la publier.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Madame Noel, est-ce que vous avez une réponse là-dessus?
[Traduction]
Mme Wanda Noel: La loi fait une distinction essentielle et formule une exception : on peut utiliser une oeuvre sans obtenir d'autorisation et sans verser de droits s'il s'agit de recherches ou d'études. Les chercheurs peuvent donc consulter ces lettres dans les établissements d'archives et en extraire de l'information. Mais s'ils veulent faire autre chose que des recherches et des études, s'ils veulent publier une lettre, ils doivent obtenir une autorisation. C'est la distinction qui est faite dans la loi. La publication est la seule à être visée, par opposition aux recherches et aux études. Mais pensons à ce que représente la publication. La publication dans un livre n'est jamais gratuite. Les détenteurs du droit d'auteur disent que, si on se sert d'une oeuvre pour gagner de l'argent ou pour acquérir de la réputation en tant qu'universitaires, il faut acquitter le droit d'auteur.
Il est donc faux de prétendre que la recherche va être pénalisée par cette extension de la durée de la protection. Elle n'est nullement pénalisée. Ce qui change, c'est la publication et l'usage ultérieur.
Mme Laura Murray: Rien ne sert de faire de la recherche si on ne peut pas la publier; je ne parviens donc pas à suivre votre raisonnement.
Mme Wanda Noel: Je voudrais dire une chose, si vous me le permettez. La publication n'est pas interdite. On peut obtenir une autorisation, mais il faut la demander.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Madame Noel, je vous remercie.
C'est à vous, madame Frulla.
Mme Liza Frulla: Merci.
Vous avez ravivé mes craintes. Comme je l'ai dit, certains groupes s'inquiètent de la formule « sans restriction », car elle se définit sans doute différemment dans le milieu de l'éducation, mais nous avons vu la différence. Et je reconnais qu'il est difficile de parler de la législation sur le droit d'auteur ici alors qu'il va aussi en être largement question ailleurs. Quant à l'amendement, nous pouvons l'étudier, car des délais ont été fixés. Pour le reste, je ne sais pas si on peut l'étudier de façon distincte dans ce projet de loi sans le considérer également dans le contexte de l'autre. Mais nous trouverons sans doute une solution.
Monsieur Cook, j'ai eu les mêmes craintes à propos des chercheurs, à propos de ce qu'il faudrait ajouter ou qui ferait défaut dans le projet de loi. Nous allons considérer votre proposition. C'est pourquoi j'ai demandé s'il y avait urgence, car nous devrons l'étudier de près pour en faire une bonne mesure; on ne peut pas le considérer comme un projet de loi de nature technique.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Avant de terminer—il nous reste environ deux minutes—je voudrais faire une remarque et, éventuellement, obtenir une courte réponse.
Personnellement, je trouve que rien ne s'oppose à ce qu'une entreprise commerciale rémunère une famille ou une succession. Si mes écrits inspirent un film ou une pièce de théâtre qui va rapporter de l'argent dans 50 ans, j'aimerais bien que mes petits-enfants en profitent.
Cependant, madame Noel, j'éprouve de sérieuses réserves sur la possibilité qu'une universitaire comme Mme Murray, ou un de ses collègues, fasse des recherches approfondies sur Dienfenbaker, par exemple, et que la famille Dienfenbaker lui interdise de publier cette recherche parce que ses conclusions ne lui plaisent pas. Dans un tel cas, c'est une perte pour tout le Canada et, à mon avis, pour le monde entier, parce qu'on va avoir un document déposé dans le placard de Mme Murray ou de son collègue, et rien de plus.
Pourriez-vous étoffer vos explications? Je ne voudrais pas que ma famille dispose d'un droit de censure contre le monde académique dans 50 ans.
À (1055)
Mme Wanda Noel: Je peux vous répondre très brièvement.
Nous parlons ici d'une extension de 15 ans. Dans votre exemple, M. Diefenbaker est mort depuis plus de 15 ans. Il faut être bien précis sur la période considérée. C'est elle qui porte à controverse. Dans un autre projet de loi, la protection était de 100 ans; le comité l'a ramenée à 50 ans, mais les parties se sont mises d'accord sur une limite différente. Reste à savoir où fixer cette limite. On vous a confié une tâche très difficile.
Le Parlement a fait deux tentatives par la voie législative. Cette fois-ci, la période considérée résulte d'un compromis.
C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Y a-t-il autre chose?
Mme Madeleine Lefebvre: Il nous reste très peu de temps, mais je voudrais faire une dernière observation. Nous avons longuement parlé du droit d'auteur aujourd'hui, mais je ne voudrais pas que l'on passe à côté de l'importance considérable du projet de loi en ce qui concerne la transformation de deux institutions nationales, la Bibliothèque nationale et les Archives nationales. Ce ne sont pas de simples bâtiments où l'on conserve l'histoire culturelle; ce sont les dépositaires de l'information actuelle qui va servir à assurer l'innovation dans l'ensemble du pays.
Le vice-président (M. Paul Bonwick): Merci.
Je ne peux pas vous accorder de deuxième tour.
Je remercie sincèrement tous les témoins qui nous ont fait part ce matin de leurs opinions savantes, que le comité a grandement appréciées. Je terminerai en disant que si vous avez des précisions à nous soumettre—M. Strahl en a parlé—prenez le temps de les rédiger et de les faire parvenir au greffier, qui s'occupera de les faire traduire et de nous les remettre au plus tôt.
La séance est levée.