HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 octobre 2003
Á | 1105 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.) |
Le président |
M. Robert Rabinovitch (président-directeur général, Société Radio-Canada) |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne) |
M. Robert Rabinovitch |
M. Chuck Strahl |
Á | 1120 |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Harold Redekopp (vice-président principal, Télévision anglaise, Société Radio-Canada) |
Á | 1125 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Robert Rabinovitch |
Á | 1130 |
M. Daniel Gourd (Vice-président principal, Télévision française, Société Radio-Canada) |
Á | 1135 |
Le président |
M. John Harvard |
Á | 1140 |
M. Robert Rabinovitch |
Á | 1145 |
M. John Harvard |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.) |
M. Daniel Gourd |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Daniel Gourd |
Mme Carole-Marie Allard |
Le président |
Mme Carole-Marie Allard |
Á | 1150 |
M. Daniel Gourd |
M. Robert Rabinovitch |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Daniel Gourd |
Mme Carole-Marie Allard |
Le président |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
M. Robert Rabinovitch |
Á | 1155 |
Mme Libby Davies |
Le président |
Mme Libby Davies |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PC) |
 | 1200 |
M. Robert Rabinovitch |
M. Gary Schellenberger |
M. Robert Rabinovitch |
M. Gary Schellenberger |
Le président |
Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.) |
 | 1205 |
M. Robert Rabinovitch |
Mme Liza Frulla |
M. Robert Rabinovitch |
 | 1210 |
M. Daniel Gourd |
Mme Liza Frulla |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
 | 1215 |
M. Robert Rabinovitch |
M. Alex Shepherd |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
 | 1220 |
Mme Johanne Charbonneau (vice-présidente et chef de la direction financière, Société Radio-Canada) |
Le président |
Mme Johanne Charbonneau |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Chuck Strahl |
M. Robert Rabinovitch |
M. Chuck Strahl |
Mme Johanne Charbonneau |
M. Robert Rabinovitch |
M. Chuck Strahl |
 | 1225 |
M. Robert Rabinovitch |
M. Chuck Strahl |
M. Robert Rabinovitch |
 | 1230 |
M. Chuck Strahl |
M. Robert Rabinovitch |
M. Harold Redekopp |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Daniel Gourd |
 | 1235 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Daniel Gourd |
Mme Christiane Gagnon |
M. Daniel Gourd |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Robert Rabinovitch |
 | 1240 |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Robert Rabinovitch |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Robert Rabinovitch |
Mme Carole-Marie Allard |
Mme Johanne Charbonneau |
Mme Carole-Marie Allard |
Mme Johanne Charbonneau |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. John Harvard |
M. Robert Rabinovitch |
M. John Harvard |
Le président |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
 | 1245 |
M. Robert Rabinovitch |
Mme Wendy Lill |
M. Robert Rabinovitch |
 | 1250 |
Le président |
Mme Liza Frulla |
M. Robert Rabinovitch |
 | 1255 |
M. Daniel Gourd |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
M. Robert Rabinovitch |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.
[Français]
Le comité se réunit aujourd'hui en vertu d'une résolution proposée par M. John Harvard et adoptée par le comité. Pour les fins de cette séance, je vais la lire. Il s'agit d'une motion très brève qui précise ce qui suit:
Il est convenu, — Que le Comité permanent du patrimoine canadien invite le président et le vice-président principal, télévision française de CBC/Radio-Canada à comparaître devant lui pour discuter des récentes compressions qui réduiront de 10 millions de dollars le budget de la Société. |
[Traduction]
Il est convenu,— Que le Comité permanent du patrimoine canadien invite le président et le vice-président principal, télévision française de CBC/Radio-Canada à comparaître devant lui pour discuter des récentes compressions qui réduiront de 10 millions de dollars le budget de la Société. |
Avant que je ne donne la parole à M. Rabiques, auriez-vous quelque chose à dire au sujet de votre motion, monsieur Harvard, ou pensez-vous qu'elle va de soi?
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je crois que la motion va effectivement de soi, mais je trouve que la séance d'aujourd'hui est l'occasion pour M. Rabinovitch de consigner certaines choses au compte rendu.
Je suis bien connu depuis toujours comme un des défenseurs de la radiodiffusion publique. Quand j'entends parler, voire quand le public entend parler, d'une décision comme celle qui nous intéresse, on s'interroge sur les conséquences qu'elle pourra avoir, et je voudrais simplement entendre M. Rabinovitch nous expliquer non pas seulement ce qui se passe à la SRC ces derniers temps, mais aussi les conséquences que cette décision pourra avoir sur le plan des opérations.
Avec l'automne, une nouvelle programmation s'est amorcée à la télévision anglaise de la SRC, tout comme à la radio anglaise, et j'aimerais qu'il fasse le point là-dessus. J'entends dire qu'il y a peut-être de très bonnes choses dans cette nouvelle programmation.
Je suis impatient d'entendre l'exposé de M. Rabinovitch.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harvard.
Monsieur Rabinovitch, je vous souhaite la bienvenue. Je me demande si vous pourriez tout d'abord, aux fins du compte rendu, nous présenter les collaborateurs qui vous accompagnent.
M. Robert Rabinovitch (président-directeur général, Société Radio-Canada): Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous présenter Daniel Gourd, vice-président principal pour la télévision française; Harold Redekopp, vice-président principal pour la télévision anglaise; et Johanne Charbonneau, vice-présidente et chef de la direction financière.
J'ai un court exposé à vous présenter, si vous êtes d'accord.
Le président: C'est très bien, monsieur Rabinovitch, nous vous écoutons.
M. Robert Rabinovitch: Après l'exposé, nous nous tiendrons tous à votre disposition pour répondre à vos questions, non pas seulement sur la télévision, mais aussi sur la radio, l'Internet et tous les autres domaines où nous tentons d'exercer notre activité.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
M. Robert Rabinovitch: Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui à vous parler des répercussions des récentes réaffectations de nos crédits parlementaires d'un montant de 10 millions de dollars réalisées dans le cadre de l'effort d'un milliard de dollars déployé par le gouvernement.
Comme je l'ai déjà dit, je suis accompagné de Daniel Gourd, vice-président principal de la Télévision française, et de Harold Redekopp, vice-président principal de la Télévision anglaise, qui doit relever les mêmes défis que son homologue de la Télévision française. Je suis également accompagné de Johanne Charbonneau, vice-présidente et chef de la direction financière de CBC/Radio-Canada. Ils sont prêts à répondre à vos questions, particulièrement en ce qui à trait à l'impact des coupures sur leurs secteurs d'activités respectifs.
Comme il s'agit de notre première comparution devant le comité depuis que vous avez commencé l'examen du système canadien de radiodiffusion, j'aimerais profiter de l'occasion pour féliciter le comité de son rapport intitulé Notre souveraineté culturelle. Nous appuyons entièrement un grand nombre de vos recommandations. Nous sommes également encouragés par le fait que ce rapport témoigne d'une excellente compréhension de la radiodiffusion publique et de l'importance du rôle que joue CBC/Radio-Canada en matière de radiodiffusion et de développement culturel au Canada.
[Traduction]
À la lecture de votre rapport, il est clair que vous comprenez que CBC/Radio-Canada doit recevoir un financement adéquat et stable pour pouvoir remplir son mandat et s'acquitter de ses responsabilités. Vous recommandez également une augmentation de notre financement. Vous reconnaissez également le contexte particulier de la production télévisée, notamment le temps qu'il faut pour convertir une idée en émission, et le fait que le financement pluriannuel est une condition sine qua non de l'élaboration d'une programmation canadienne.
Nous sommes ici aujourd'hui, car vous nous avez demandé de venir vous parler des répercussions qu'auront des réductions additionnelles sur notre financement. D'emblée, je commencerai en affirmant tout simplement que ces réductions se répercuteront inévitablement sur la programmation dans tous nos services, que ce soit la télévision, la radio, les services spécialisés ou les nouveaux médias. Cette réduction de dix millions de dollars a été répartie de la façon suivante : la télévision anglaise, 3,5 millions de dollars; la télévision française, 3 millions de dollars, la radio française, 500 000 dollars; la radio anglaise, 500 000 dollars; et les composantes institutionnelles, 2,5 millions de dollars.
Mes collègues et moi-même sommes prêts à vous fournir des renseignements au sujet de la façon dont nous procédons actuellement à la répartition de ces réductions. J'aimerais ajouter que, pour le moment, nous avons réussi à limiter les répercussions que ces réductions vont avoir sur les régions du Canada.
Bien que ces réductions se répercutent sur la programmation, leurs effets ne se feront pas sentir immédiatement car, ayant été alertés à l'avance, nous avons pu nous préparer. Nous avons également pu limiter les effets inévitables sur notre effectif.
Á (1110)
[Français]
Mais ces réductions ne peuvent être prises hors de leur contexte. Les conséquences sont plus importantes lorsqu'on examine la situation dans son ensemble.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'en 2003, le Fonds canadien de télévision a été réduit de 50 millions de dollars sur deux ans. Comme les fonds attribués aux producteurs indépendants ont été réduits, les radiodiffuseurs, y compris CBC/Radio-Canada, ont dû accroître leurs contributions en augmentant leurs redevances et leur participation au capital, ou ont dû simplement mettre fin à nombre de projets. Pour CBC/Radio-Canada, cela signifie une centaine d'heures d'émissions. Certaines émissions canadiennes originales ne seront pas réalisées et ne seront donc pas à l'écran.
[Traduction]
La valeur du Régime de retraite de CBC/Radio-Canada, comme c'est le cas des régimes de retraite d'autres employeurs, est sujette aux fluctuations des taux d'intérêt et du marché boursier. Par conséquent, le congé de cotisations dont bénéficiaient à la fois la Société et ses employés depuis janvier 2000 devra prendre fin en janvier 2004. La Société devra donc faire face à des dépenses supplémentaires de 43 millions de dollars par an. Or, nous avions consacré exactement la même somme à l'amélioration de notre programmation et de nos services au cours des dernières années.
Que ce soit clair, nous ne sommes pas ici pour nous plaindre ou nous dérober à nos responsabilités, mais étant donné le contexte, une réduction supplémentaire de 10 millions de dollars dans nos crédits budgétaires a manifestement des effets cumulatifs.
Par ailleurs, nous devons souvent faire face à l'inconnu et à des situations imprévisibles. Cette année, nous avions pas prévu que nos services seraient mis à plus rude épreuve que d'habitude par la guerre en Irak, les nombreuses élections provinciales et les catastrophes naturelles comme les incendies de forêt dans l'Ouest, la panne d'électricité dans l'est de l'Amérique du Nord et l'ouragan Juan. Mais il s'agit là d'événements qui ne peuvent être ignorés ou mis de côté, à titre de radiodiffuseur public national, notre rôle qui consiste à informer prend encore plus d'importance dans ces circonstances.
Comme l'a fait remarquer la présidente de notre conseil, Mme Taylor, nos crédits d'exploitation en dollars constants de 2003 ont diminué de 319 millions de dollars par rapport à 1990. Et pourtant, comme vous le savez, nous offrons davantage de services sur un plus grand nombre de plates-formes. Les coûts d'exploitation sont également constamment à la hausse.
Par exemple, selon le FCT, le Fonds canadien de télévision, en 2001, il en coûtait en moyenne 900 000 $ pour réaliser une heure de dramatique canadienne de grande qualité. En 2003, les coûts moyens de production ont augmenté considérablement, pour atteindre 1,1 million de dollars.
[Français]
Néanmoins, nous avons jusqu'à présent réussi à soutenir nos services dans ce contexte. Nous avons été en mesure de limiter certaines de ces répercussions en réalisant des économies à l'interne, notamment aux chapitres de l'immobilier et de la technologie. Par exemple, au cours des trois dernières années, nous avons dégagé des revenus de 15,3 millions de dollars en vendant des actifs immobiliers, et des revenus annuels d'environ 5 millions de dollars provenant de locations diverses. Nous avons restructuré et renégocié nos contrats d'entretien et nous avons mis en place un programme d'économie d'énergie qui nous permet d'économiser 4,2 millions de dollars par année.
Á (1115)
[Traduction]
Nous prévoyons faire d'autres économies au fur et à mesure que nous progresserons. Par exemple, un certain nombre de projets technologiques nous permettront, une fois qu'ils seront pleinement en place d'ici deux ans, d'économiser plus de 7 millions de dollars par an. Tout bien considéré, ces économies réalisées à l'interne vont permettre de compenser une partie des coûts liés à la hausse des frais d'exploitation.
Nous estimons qu'en sus du financement qu'elle reçoit du gouvernement, la Société doit prendre à sa charge 12 millions de dollars par an en engagements salariaux et en tensions inflationnistes, comme les augmentations des droits de redevance, des frais d'électricité, etc. Il s'agit de nouveaux fonds qu'il nous faut trouver chaque année.
C'est pourquoi, dans ce contexte de réduction des crédits réels, de coûts d'exploitation à la hausse et d'augmentation des engagements en matière de cotisation à la Caisse de retraite, nous estimons qu'une coupure additionnelle de 10 millions de dollars est une pilule dure à avaler. Cette absence de stabilité et de prévisibilité dans notre financement réduit notre capacité de créer des émissions et d'améliorer constamment nos services et la valeur que ces services représentent aux yeux des Canadiens.
Mais je crois que le comité a déjà élucidé le problème, puisque, dans le chapitre 6 du rapport Notre souveraineté culturelle : le deuxième siècle de la radiodiffusion canadienne, vous formulez la recommandation 6.1 qui se lit comme :
Le comité recommande que le Parlement accorde à CBC/Radio-Canada un financement pluriannuel stable...afin de lui permettre de remplir son mandat tel qu'il est énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion. |
Monsieur le Président, je n'aurais certainement pas pu trouver mieux pour exprimer mon opinion.
Le président: Merci.
M. Robert Rabinovitch: Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions, monsieur le président.
Le président: Nous passons donc aux questions. Nous allons commencer par M. Strahl.
Monsieur Strahl.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Rabinovitch, ainsi qu'à vos collaborateurs, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous nous trouvons dans une situation un petit peu curieuse. Nous sommes en train de débattre une motion des Libéraux, qui appuient CBC/Radio-Canada, mais qui sont ceux-là même qui ont réduit vos crédits de 10 millions de dollars. La discussion est donc intéressante.
Vous avez, bien sûr, déjà eu l'occasion de discuter de cela la semaine dernière au Sénat. La plupart d'entre nous ont suivi votre témoignage avec intérêt, et nous avons constaté qu'on vous avait un peu malmené. Quand vous avez témoigné devant le Sénat, monsieur Rabinovitch, vous avez notamment dit :
Si notre seule préoccupation, c'était les cotes d'écoute, cela nous facilitera beaucoup les choses. Mais ce n'est pas là notre préoccupation. |
Vous avez dit que, en votre qualité de radiodiffuseur public, « vous ne pouvez pas être motivé uniquement par les cotes d'écoute. »
Vous avez dit, et je crois que les Canadiens sont d'accord avec vous là-dessus, qu'un des objectifs de CBC/Radio-Canada est de permettre aux Canadiens—et je pense que c'est Mme Taylor qui l'a souligné—de se raconter des récits les uns aux autres. Mais si la part d'audience n'est pas l'élément qui vous motive et si la part d'audience de chacun est à la baisse dans cet univers où le nombre de canaux ne cesse d'augmenter, comment alors pouvez-vous mesurer votre succès? Avec les 10 millions ou sans les 10 millions, comment mesurez-vous votre succès si vous ne vous fiez pas aux cotes d'écoute?
M. Robert Rabinovitch: Monsieur Strahl, je n'irais jamais dire que les cotes d'écoute ne sont pas importantes. C'est tout simplement qu'elles ne sauraient être le seul facteur déterminant dans la prise de décisions concernant la programmation. Nous ne présenterions pas autant d'émissions pour enfants, nous ne présenterions pas non plus des émissions comme Opening Night, l'émission culturelle phare que nous diffusons le jeudi, si nous étions motivés uniquement par les cotes d'écoute.
Dans notre rôle de radiodiffuseur public, nous devons tenir compte de divers facteurs. Il s'agit d'assurer un certain rayonnement, d'offrir un service aux populations qui, sans nous, n'auraient pas de service, et il s'agit de permettre aux Canadiens de se raconter des récits les uns aux autres, de bien le faire, et d'investir dans une programmation de qualité, comme celle qu'on a pu voir hier et avant-hier au sujet de la catastrophe qui a frappé Halifax. Il y a certainement une auditoire pour des émissions comme celles-là.
Par ailleurs, ce que j'ai voulu dire, et je le répète, c'est que si nous étions motivés uniquement par les cotes d'écoute, la raison d'être du radiodiffuseur public serait beaucoup moins évidente, puisqu'il existe d'autres sources de programmation qui offrent à la population canadienne les émissions américaines et les autres émissions de divertissement qu'elle veut regarder. Il n'y a rien de mal à cela, mais notre rôle à nous, c'est d'offrir une programmation variée et de ne pas nous laisser obnubiler par les cotes d'écoute.
M. Chuck Strahl: Nous parlons ici des 10 millions de dollars, mais les montants en cause sont considérables et vous devez chaque année vous présenter devant le comité des finances pour justifier votre existence. Vous devez souvent vous livrer à ce genre d'examen, comme il se doit, comme le font aussi toutes les sociétés de la Couronne et tous ceux qui reçoivent des fonds publics.
Quand vous leur présentez des émissions comme celles qui ont été diffusées hier soir et avant-hier soir, les Canadiens sont enchantés. Ils se disent : Voilà qui est bien, On nous présente une bonne émission qui nous parle de nous-mêmes.
Soit dit en passant, je tiens à féliciter tous ceux qui participent à ce reportage. C'est quelque chose de très bien fait, qui est très bien accueilli, qui attire un bon nombre d'auditeurs et qui plaît aux gens. Ils ont l'impression de comprendre un petit peu mieux ce qui se passe là-bas. Ils ont l'impression de voir un reportage présenté d'un point de vue canadien sur un événement canadien, si bien qu'ils retiennent une image favorable de CBC/Radio-Canada et des autres Canadiens, mais le reportage attire aussi une certaine audience. Les gens aiment bien. Vous allez avoir de très bonnes cotes d'écoute pour cette émission, j'en suis sûr. Il s'agit d'un reportage canadien, et vous vous acquittez ainsi de votre mandat.
Ce que beaucoup d'entre nous n'arrivent pas à comprendre, c'est que vous puissiez produire des émissions comme celles-là qui attirent une vaste part d'audiences grâce au financement public considérable que vous recevez tant du Parlement que d'autres sources, mais que vous vous lancez ensuite dans des émissions tellement spécialisées, destinées à un créneau tellement restreint, qu'il vaudrait sans doute mieux laisser aux chaînes spécialisées qui visent des intérêts bien précis et qui sont légion. Au lieu de dépenser des sommes considérables pour des émissions comme celles-là qui attirent peut-être tout au plus 1 p. 100 ou 2 p. 100 des téléspectateurs, qui laissent indifférents 90 p. 100 d'entre eux et qui offensent peut-être les 10 p. 100 qui restent, pourquoi ne pas vous en tenir à ce que vous faites de mieux?
L'émission d'hier soir en est un bon exemple. Vous auriez plus de soutien parmi la population, avec les cotes d'écoute, et au Parlement si vous vous en teniez à ce que vous faites de mieux. Ce que vous avez faire hier soir, c'était bon.
Á (1120)
M. Robert Rabinovitch: J'ai quelques réponses à vos questions, monsieur.
Premièrement, nous n'avons pas les moyens d'offrir une programmation faite uniquement d'émissions de la qualité de celle que nous avons présentée hier soir. Il s'agit là d'une production très coûteuse et, pour tout vous dire, c'est là où les réductions nous touchent le plus durement, dans notre capacité à présenter des émissions comme celles-là. Je vais demander à M. Redekopp de vous en dire un peu plus à ce sujet.
Par ailleurs, je crois que, vu le mandat que nous avons reçu du Parlement aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, nous sommes appelés à offrir des services qui ne seraient pas financièrement viables pour des radiodiffuseurs privés. Des émissions comme Opening Night ne pourraient être présentées par aucun autre diffuseur et n'ont jamais été présentées par un autre diffuseur. Ce n'est pas comme si nous nous étions appropriés le marché de la programmation à haute teneur culturelle, comme les spectacles du Royal Winnipeg Ballet ou les concerts de l'Orchestre symphonique de Calgary ou de l'Orchestre symphonique de Vancouver. Il n'y aurait tout simplement pas d'émissions comme celles-là si nous, en notre qualité de radiodiffuseur public, n'assumions pas la responsabilité de le faire. Quand nous présentons des émissions comme celles-là, nous savons que nous n'atteignons pas le million de téléspectateurs ou plus, comme hier soir, l'auditoire est tout au plus de 150 000 ou 250 000, mais ces téléspectateurs sont aussi des Canadiens, et nous estimons que nous devons leur offrir une programmation, aux Canadiens que ce genre de programmation intéresse.
De même, nos émissions pour enfants sont exemptes d'annonces publicitaires. Elles constituent un lieu sûr et privilégié. Les parents peuvent laisser leurs enfants regarder la télévision en toute tranquillité, et nos émissions ont aussi le mérite d'être éducatives. Les radiodiffuseurs privés—et je ne leur en fait pas du tout grief, puisqu'ils sont là pour faire de l'argent—n'ont pas les moyens de servir cette population comme nous pouvons le faire.
À mon avis, nous négligerions notre responsabilité si nous ne cherchions pas à assurer un équilibre dans notre programmation entre les reportages sur des événements très médiatisés, qui attirent beaucoup de téléspectateurs, comme celui d'hier soir et d'autres émissions qui obtiennent tout autant de succès pour ce qui est de servir un auditoire en particulier, même si elles attirent beaucoup moins de téléspectateurs.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite prendre la parole?
Monsieur Redekopp.
M. Harold Redekopp (vice-président principal, Télévision anglaise, Société Radio-Canada): Oui, je vais tenter de compléter ce que vient de dire le président, mais j'aimerais apporter un complément d'information en réponse à votre question, monsieur Strahl, qui concernait les cotes d'écoute. Tout d'abord, à propos des parts d'audience, pour s'assurer une part d'audience optimale, il faut veiller à ce que toute la programmation attire autant de téléspectateurs que possible. Le président a parlé de la programmation de types variés que nous sommes tenus de présenter.
Permettez-moi de vous parler des autres mesures. Celle que nous utilisons tient compte à la fois de l'utilisation et de la valeur. Or, l'utilisation se mesure à deux éléments, la part d'audience et l'auditoire cumulé. Ainsi, l'émission A Shattered City-The Halifax Explosion nous a valu 1,4 million de téléspectateurs en moyenne dimanche soir, et c'est là un bon score peu importe le type de mesures. CTV diffusait Cold Case à la même heure, émission qui a attiré, je crois, 1,1 million de téléspectateurs entre 8 heures et 9 heures et son émission Law and Order, qui passait de 9 heures à 10 heures, en a attiré 1,7 million. Voilà l'état de la concurrence. Tout ce qui dépasse le million est à mon avis un succès indéniable, mais ce n'est pas là l'unique mesure.
Parlons maintenant de la valeur. Cinq fois par an, nous allons sur le terrain pour mesurer ce que nous appelons l'impact, pour savoir ce que les gens pensent de notre programmation. Ainsi, pour les nouvelles télévisées, nous étions au premier rang pour l'actualité nationale, nous étions premiers aussi pour la crédibilité et premiers pour la profondeur. Nous tenons compte autant de la valeur que de l'utilisation pour mesurer notre succès. Voilà ce que j'ajouterais en ce qui concerne la mesure.
Quant aux émissions à impact élevé, nous sommes d'accord avec vous, monsieur Strahl, pour dire que c'est dans ce sens-là qu'il nous faut orienter notre programmation. Notre objectif est d'en avoir sept par an. Le coût de ces émissions à impact élevé se situe toutefois aux alentours de 10 millions de dollars ou plus. Ce n'est rien en comparaison des émissions qui nous viennent de nos voisins du Sud. Notre part n'est pas de 10 millions, puisque nous passons par le Fonds et que le rapport de financement est d'environ quatre pour un, mais il reste que le coût de ces émissions se situe aux alentours de 10 millions de dollars ou plus. C'est justement le problème auquel nous nous heurtons quand nous essayons de prévoir un financement stable pour ces émissions au cours des années à venir.
Á (1125)
Le président: Nous avons revenir là-dessus, monsieur Strahl.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir accepté de comparaître devant le comité, d'autant plus que, par les temps qui courent, Radio-Canada se cherche. Monsieur Rabinovitch, je sais que vous avez fait un mea-culpa dans les journaux en fin de semaine. Présentement, Radio-Canada cherche sa marque de commerce, et les cotes d'écoute ne semblent plus être celles que veut atteindre la société pour arriver à nous offrir une programmation apte à satisfaire le public.
Or, je me pose certaines questions sur la programmation de Radio-Canada. Je sais que le comité, comme il a été mentionné plus tôt, voudrait vous accorder un financement stable. Cependant, en contrepartie, il faudrait que l'ensemble de ce qu'offre Radio-Canada satisfasse un pourcentage des auditeurs--que ce soit 7, 10 ou 15 p. 100--et que la programmation soit de qualité.
En fin de semaine, dans La Presse, vous disiez que votre responsabilité était de ne jamais perdre de vue les valeurs fondamentales qui vous motivent. Or, je m'interroge à ce sujet, monsieur Rabinovitch. Il m'arrive, lorsque je regarde la télévision de Radio-Canada, de me demander si je suis en train d'écouter Radio-Canada ou TQS. Par exemple, quand je regarde l'émission Catherine et que j'entends des voix off à l'arrière-plan, je me dis qu'en réalité, je suis peut-être à TQS ou à TVA. Mais non, je suis à Radio-Canada. Je suis une fan de Radio-Canada depuis de nombreuses années. Malheureusement, le type de programmation qu'on nous offre laisse croire que la société veut faire concurrence à TVA. Finalement, le produit offert est dilué.
Voici un autre exemple. À mon avis, Radio-Canada fait de bons documentaires. Néanmoins, on a entendu dire que dans sa programmation, la société prévoyait les faire passer de quinze à cinq. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre à cela. Vous dites vouloir faire un mea-culpa en ce qui concerne le type de programmation que vous voulez nous offrir. À ce sujet, je serais curieuse de savoir quels documentaires seront épargnés.
Il semble aussi qu'on prévoie céder l'émission Découverte à un diffuseur du secteur privé. Pourtant, Radio-Canada s'est fait une marque de commerce basée sur le fait que les émissions étaient produites par une équipe spécialisée et stable qui faisait, à mon avis, une bonne analyse des dossiers. Selon moi, Radio-Canada a perdu cet atout, ou est du moins en train de le perdre. Le fait que nous ayons appuyé l'idée d'un financement stable lors de la révision de la Loi sur la radiodiffusion devrait faire en sorte que la direction de Radio-Canada fasse ce genre de choix dans le cadre de sa programmation. J'aimerais entendre vos commentaires sur le mea-culpa que vous avez fait et sur ce qui est prévu à Radio-Canada.
M. Robert Rabinovitch: Je vais essayer de vous répondre et je vais demander à Daniel de m'aider. À mon avis, Radio-Canada doit accepter d'échouer parfois, c'est-à-dire accepter que ses émissions n'aient pas toujours du succès. Nos valeurs font en sorte que nous prenons plus de risques que le secteur privé. Si une de nos émissions connaît du succès, il est bien possible que le secteur privé en fera une copie. Il va l'imiter. Une série comme Le Dernier Chapitre ne pourrait pas être faite par TVA, parce qu'elle ne peut avoir de cotes d'écoute suffisamment importantes. La série Bunker: Le Cirque n'a pas eu beaucoup de succès, mais il faut prendre des risques. Nous sommes une télévision publique et nous recevons de l'argent du gouvernement. Cela nous donne la flexibilité nécessaire pour avoir une programmation innovatrice et distincte qui sera populaire parfois, mais pas toujours.
En ce qui a trait aux nouvelles, j'étais insatisfait de la présentation, mais il n'y avait aucun problème au plan des valeurs. On n'a jamais mis nos valeurs de côté. J'ai voulu transmettre le message que le plus important pour la haute direction n'était pas les cotes d'écoute, mais la qualité de la prestation de nos services de nouvelles.
Il est possible que Radio-Canada, pendant les années 90, ait perdu des personnes clés au niveau de la création d'émissions et de la programmation. La politique du gouvernement est d'avoir recours au secteur privé, par le biais du Fonds canadien de télévision. Dans ce cas, Radio-Canada paie pour les droits, mais ne produit pas ces émissions. À mon avis, l'équilibre entre les deux est très important. Il faut avoir recours à la programmation du secteur privé, car celui-ci peut faire preuve d'originalité. Il faut d'autre part prendre des risques au niveau de la programmation. Radio-canada doit innover.
Á (1130)
M. Daniel Gourd (Vice-président principal, Télévision française, Société Radio-Canada): Je vais d'abord parler des points spécifiques dont vous avez parlé au début de votre intervention et je vais ensuite parler de façon plus générale.
Dans le cas de Catherine, vous faites allusion au fait qu'on y utilise des rires en boîte plutôt que des rires en salle. Je veux vous rappeler que Catherine a été une expérience. Il s'agissait de deux nouveaux auteurs et d'une nouvelle troupe de comédiens dont faisait partie Sylvie Moreau, qui n'était absolument pas connue à l'époque. Ils nous ont proposé un sitcom qui, au départ, semblait assez étonnant. Nous avons beaucoup hésité avant d'accepter. Nous avons opté pour une formule pas trop chère. Tourner devant un public coûte beaucoup plus cher que tourner en studio. Il faut un service de sécurité, une salle acceptable, etc. Nous avons choisi ce mode de production pour éviter des coûts trop élevés étant donné que nous prenions un risque très important. Finalement, ce risque a donné d'assez bons résultats, parce que ces deux auteurs sont maintenant de plus en plus reconnus dans le domaine de l'humour, et Mme Sylvie Moreau est devenue une vedette incontestée, autant du côté des dramatiques que de celui du cinéma et de celui de l'humour.
Catherine est l'exemple d'un type d'émission qui se termine. C'est la fin d'un cycle. Cette émission dure depuis cinq ans. Il n'y aura pas plus de nouvelles productions de Catherine après cette année. Cela se terminera en décembre.
Parlons du cas du documentaire. Le problème de tous les diffuseurs est que le coût des documentaires a tellement augmenté qu'on a de la difficulté à suivre. Cela est vrai particulièrement pour la télévision publique. C'est vrai pour TFO, pour Télé-Québec et pour nous. Le coût d'une licence augmente toujours. Il y a trois ans, on payait 35 000 $ pour un documentaire d'une heure, dont le budget de production était de 300 000 $ à 400 000 $. Aujourd'hui, la licence nous coûte 80 000 $, 85 000 $, 90 000 $ et parfois 100 000 $. Le financement doit venir de l'extérieur, notamment du Fonds canadien de télévision. On ne peut évidemment pas le faire à l'interne. Avec ce que nous coûtent quatre documentaires, on peut produire Découverte pendant toute une année. Vous voyez, par cette proportion, qu'il s'agit d'un investissement qui n'a pas de sens.
Les fonds nécessaires pour ces productions sont de moins en moins disponibles à l'externe. Cela devient mathématique: pas de fonds pour les financer, les licences qui augmentent et un budget qui doit se maintenir. Nous sommes obligés soit de réduire progressivement le nombre de productions en les rediffusant plus souvent, soit de faire plus de coproductions internationales. Dans ce cas, il y aura de grands documentaires en compétition dans les festivals, et ils seront financés par huit, neuf ou dix pays. Il faut alors servir tous ces publics. Par conséquent, on sert tout le monde et personne en particulier. On essaie, avec les documentaristes, de voir comment baisser les prix de production des documentaires et on tâche de trouver des sources de financement en dehors des grandes institutions parce qu'il y a moins d'argent. Il s'agit d'un problème de plus en plus important que l'on vit aussi du côté des grandes séries dramatiques lourdes qui font le prestige de Radio-Canada et des autres diffuseurs.
On sait que TVA refuse maintenant d'investir dans les grandes séries lourdes, parce le coût est beaucoup trop important. Nous pensons que nous devons continuer à le faire.
C'est la même chose pour le cinéma canadien. On produit bon an, mal an 17 films. On commandite 17 films. On sait que les films canadiens n'auront pas de grosses cotes d'écoute, mais c'est notre travail et c'est important en termes de soutien industriel.
Sur le plan général, notre credo repose sur le repositionnement qui a été annoncé au printemps et dont vous avez pris connaissance. Il faut s'engager sur les chemins qui sont les nôtres. Il faut offrir le plus possible de soutien à l'industrie, à la culture, à la culture francophone à travers le pays, au monde des artistes, à la musique, au théâtre, etc. Il faut continuer notre travail en information, particulièrement au niveau international et au niveau national, où nous pouvons apporter une contribution importante, et dans le domaine des affaires publiques, où notre approche est unique. Pour nous, le documentaire fait partie de nos obligations au chapitre de l'information et est complémentaire à l'information.
Á (1135)
Le président: Merci, monsieur Gourd.
Je vais revenir à vous, madame Gagnon.
Monsieur Harvard, vous avez la parole.
[Traduction]
M. John Harvard: Merci, monsieur le président et merci également à M. Rabinovitch et à ses collègues d'être venus aujourd'hui.
J'aurai une ou deux questions à vous poser dans un instant, l'une concernant la stabilité du financement ou plutôt l'absence de stabilité, mais auparavant je ne veux pas rater l'occasion, monsieur Rabinovitch, de faire deux ou trois observations vu que je suis non seulement un partisan de CBC mais aussi un accro de Newsworld.
J'admets que je regarde peut-être trop souvent Newsworld, mais je dois vous dire que le bandeau défilant au bas de l'écran me rend dingue. C'est une immense distraction. Je sais que c'est la mode aujourd'hui et que les autres réseaux en ont un, et j'imagine que si vous voulez soutenir la concurrence vous n'avez pas le choix et vous devez en faire autant, mais il doit y avoir une autre façon de procéder parce que mon regard quitte l'émission principale et le gros de l'écran pour lire le bandeau. Je suis en train de regarder une émission et j'en manque des bouts parce que mon regard est attiré par le bandeau. Je ne sais pas ce que vous pouvez y faire, mais c'est une innovation qui me déplaît énormément.
Autre chose, monsieur Rabinovitch. Pendant les pauses à Newsworld, vous présentez des intercalaires qui abordent des questions contemporaines très controversées comme le mariage et la marijuana et je ne suis pas un chaud partisan de l'utilisation de ces thèmes de cette manière. Je trouve qu'une mise en contexte prudente s'impose et à votre place je m'en abstiendrais. Ce n'est pas rendre justice à ces questions, quelle que soit la position qu'on adopte face à elles.
Une autre chose enfin. M. Strahl vous a demandé si vos décisions sont dictées par les cotes d'écoute. Je pense comme vous : si ce que vous faites est dicté uniquement par les cotes d'écoute, le résultat est Fox News Network aux États-Unis par exemple. L'audimètre n'a pour seul but que d'obtenir la plus large audience et le résultat, c'est comme Fox News.
Je crois que les partisans de la radiodiffusion publique trouveront intéressants les résultats d'une enquête publiés dans les journaux de la fin de semaine. Chez ceux qui obtiennent leur information de Fox News Network, 80 p. 100 sont mal informés sur certaines des grandes questions de l'heure alors que ceux qui s'informent sur PBS, qui n'est pas sans ressembler à CBC, à peine 23 p. 100 sont mal informés sur les grandes questions d'actualité. Ça me semble très révélateur. C'est une des raisons pour lesquelles j'appuie la radiodiffusion publique, parce qu'elle essaie d'être juste et équilibrée, si vous voyez ce que je veux dire.
Passons maintenant à mes questions. La suppression de 10 millions de dollars va à l'encontre de ce que nous souhaitons, la stabilité du financement. Au Parlement canadien, il en est question depuis des lustres, semble-t-il, et cela ne se réalise jamais. Pour moi, les arguments en faveur de la stabilité du financement sont irréfutables, notamment le fait qu'il faut deux, trois ou quatre ans pour faire la programmation et qu'on ne peut pas y arriver à l'aide de budget à court terme. Je ne comprends pas pourquoi nous n'arrivons pas à faire passer ce message; cela me dépasse, monsieur Rabinovitch.
Mon autre question porte sur le service à l'étranger. Comme membre du Comité permanent des affaires étrangères, je reviens d'Asie du Sud et je peux vous dire que les gens dans des pays comme l'Indonésie, l'Inde, le Pakistan et la Malaisie donneraient leur bras droit pour avoir un service de télévision de CBC. La raison, c'est qu'ils en ont assez du service qu'ils reçoivent de Fox ou CNN. Je pense qu'ils préfèrent la BBC, mais vu la situation politique actuelle, ils estiment avoir besoin d'entendre une autre voix à la télévision. Ils ont sincèrement demandé s'il était possible pour CBC d'offrir ce genre de service.
Voilà donc mes deux questions, monsieur Rabinovitch.
Á (1140)
M. Robert Rabinovitch: En ce qui concerne vos observations, monsieur, j'admets que le bandeau défilant a reçu un accueil mitigé. Certains l'adorent, d'autres le détestent. Nous suivons constamment ces questions et continuerons d'examiner la chose.
Parfois, je trouve cela frustrant. D'autres fois, j'allume le poste pour voir le bandeau pour savoir qu'elles sont les dépêches. Je crois toutefois que c'est une de ces questions de programmation que les spécialistes examinent en permanence. N'oubliez pas que c'est un service de nouvelles et que nous devons être perçus comme tel dans le monde d'aujourd'hui.
Les intercalaires servent précisément à ce que vous avez dit. Ils sont conçus pour présenter aux gens les grandes questions d'actualité, leur dire d'obtenir les faits, d'apprendre, puis d'adopter une position. Nous avons délibérément choisi des questions controversées parce qu' on ne peut pas prendre position sans être en possession des faits. Notre espoir, c'est de communiquer les faits aux gens pour qu'ils puissent se décider.
En ce qui concerne la stabilité du financement, monsieur, si vous pouviez m'aider à trouver la réponse, je serais comblé. Nous avons tout essayé. Nous avons essayé d'expliquer aux gens que la télévision est un domaine unique en son genre. Il faut entre trois et quatre ans entre un concept et un passage à l'antenne. Parfois, on fait le tournage pendant un exercice financier et on diffuse dans le suivant, et cela crée des difficultés pour la comptabilité. Cela complique énormément notre vie.
Je me demande parfois comment nos gens—les collaborateurs de Daniel et de Harold—arrivent à conclure, lors de conférences internationales, des accords avec l'étranger alors que l'émission ne sera pas prête avant deux, trois ou quatre ans et sans savoir si nous disposerons des fonds. C'est un secteur éminemment risqué. Il se place dans une situation très dangereuse parce que, évidemment, nous ne pouvons pas enregistrer de déficit et il n'est pas question d'en avoir.
Cela signifie aussi que nous ne pouvons pas participer autant que nous voudrions à des productions étrangères. Cela ne crée donc pas autant d'emplois que l'on voudrait pour les Canadiens parce que nous n'avons par le chéquier qui nous permettrait de conclure une entente de coproduction et d'amener ce projet au Canada. Ils nous diront de mettre d'abord l'argent sur la table.
Comme nous ignorons de combien nous disposerons dans deux ou trois ans, nous ne pouvons pas vraiment jouer à cette table-là. Nous pouvons jouer un rôle mineur, mais pas de rôle majeur, ce qui contribuerait à créer des emplois pour les Canadiens. Cela aussi fait partie de nos responsabilités comme institution culturelle.
En ce qui concernent le service à l'étranger, nous pourrions en discuter longtemps, puisque c'est l'une des tâches la plus importante de ma présidente. Elle estime qu'il est très important pour nous de présenter de l'information de l'étranger aux Canadiens—et c'est pourquoi nous avons tant de correspondants à l'extérieur du pays, aussi bien pour donner une interprétation canadienne des événements que pour, et c'est tout aussi important, présenter la réalité canadienne aux autres pays et aux étrangers.
Comme vous savez, il y a Radio Canada Internationale, qui est affreusement sous financée depuis des années, qui vit de bric et de broc, et qui arrive pourtant à diffuser dans sept langues à travers le monde. Quand il s'est rendu en Chine il y a deux ans, Harold a rencontré une femme qui avait appris l'anglais en écoutant Radio Canada Internationale.
Nous avons tous entendu parler du général iraquien qui s'est rendu après avoir entendu que la guerre avait été gagnée, non pas sur la Voix de l'Amérique mais sur Radio Canada Internationale. C'était la radio dans laquelle il avait confiance.
Il ne fait donc pas de doute qu'il existe une demande pour ce service. C'est la même chose aux États-Unis pour Newsworld International. Newsworld International a été une belle réussite pour le Canada. Nous recevons une avalanche d'e-mails et de lettres d'Américains qui veulent un autre son de cloche, l'objectivité de l'information offerte par Newsworld International directement ou indirectement par l'intermédiaire de C-Span ou de PBS.
Nous aimerions beaucoup envisager l'expansion et la mise sur pied d'une chaîne de télévision étrangère partout dans le monde parce que RCI n'est que la radio.
Á (1145)
M. John Harvard: Cela coûterait cher?
M. Robert Rabinovitch: C'est relativement faisable, surtout si nous pouvions attirer quelques radiodiffuseurs publics comme les Australiens et d'autres. Cela n'intéresse pas la BBC parce qu'elle a les goussets si bien garnis qu'elle n'a pas besoin de nous. On vient de nous informer officiellement que le gouvernement français a autorisé la création d'une sorte de CNN français à l'aide de TF 1 et TF 2, nous sommes en communication avec eux et espérons nous joindre à eux pour desservir la francophonie. Nous serions ravis d'en faire autant du côté anglais avec d'autres partenaires. Ce n'est pas que c'est très cher, mais ce n'est pas donné, et il faudrait que le gouvernement engage des fonds et exprime le souhait de le faire pour nous engager dans cette voie.
[Français]
Le président: Madame Allard.
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour. Il me fait plaisir de vous voir ici, monsieur Rabinovitch, d'autant plus--et vous ne le savez peut-être pas--que j'ai été formée par Radio-Canada. J'ai conservé un certain respect pour cette institution. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Gourd, je voudrais revenir sur un commentaire que vous avez fait plus tôt. Vous avez parlé d'un repositionnement au cours du printemps qui tiendrait compte, entre autres, de la nécessité de desservir l'ensemble des francophones du Canada. Or, quelques semaines plus tard, vous avez soudainement annoncé l'abolition des nouvelles du sport à la première chaîne, qui étaient diffusées après les nouvelles de fin de soirée.
Vous ne nous avez pas expliqué que cette décision privait environ 25 p. 100 des francophones de l'extérieur du Québec--parce qu'ils ne reçoivent pas les émissions diffusées par le câble--des nouvelles sportives de fin de soirée. J'aimerais savoir comment vous conciliez cette décision et vos propos sur le repositionnement. C'est ma première question, mais j'en ai une autre.
M. Daniel Gourd: Je crois savoir que M. Rabinovitch a envoyé une longue lettre à ce comité pour expliquer la décision d'abolir ce bulletin et pour préciser que nous continuions à fournir le service, mais de façon différente. Si mes souvenirs sont exacts, on y a aussi expliqué qu'en région, toutes les émissions Ce soir diffusent maintenant de l'information sur les sports, incluant les résultats.
Le problème que nous causait ce bulletin était double. D'une part, sa cote d'écoute baissait radicalement parce que plusieurs bulletins qui le précédaient donnaient déjà cette information. D'autre part, la nouvelle du sport importante était réservée à ce créneau horaire, qui ne faisait plus partie des grands rendez-vous de l'information comme les nouvelles en début de soirée ou Le Téléjournal.
Nous voulions pour notre part ramener le monde du sport--dont il est légitime de traiter, au même titre que du monde culturel ou économique, lors de nos grands rendez-vous de l'information--au grand bulletin et, surtout, faire de RDI un véhicule de diffusion des sports. Tous les journalistes ont donc été relocalisés au sein de RDI. Dorénavant, il y a à toutes les heures un rendez-vous de quatre minutes qui permet à tout le monde d'avoir accès à ces informations.
Les résultats sportifs sont de toute façon accessibles par le biais de notre service web, de RDI, etc. En définitive, il y avait en fin de soirée une demi-heure dont l'utilité était discutable. Tout ce qui suivait, le cinéma canadien, la rediffusion de l'émission Découverte et le Ciné-Club, entre autres, était diffusé une demi-heure plus tard. On s'est dit qu'il pourrait être profitable de valoriser ces créneaux et, du même coup, de distribuer autrement les nouvelles du sport.
Mme Carole-Marie Allard: Monsieur le président, permettez-moi d'intervenir.
Monsieur Gourd, je pense que vous avez mal compris ma question. Je fais état du fait que 25 p. 100 des foyers canadiens ne sont pas branchés au câble. Ils n'ont donc pas accès à RDI.
M. Daniel Gourd: C'est maintenant moins de 25 p. 100; on parle plutôt de 18 p. 100. Il reste que l'émission Ce soir dans les régions rejoint les gens par le biais des antennes. On y présente de l'information sur les sports; les gens n'en sont pas privés. Ils n'en reçoivent plus en fin de soirée, mais on leur en présente pendant le reste de la journée et ce, de diverses façons.
Mme Carole-Marie Allard: J'ai une autre question.
Le président: Brièvement, madame Allard.
Mme Carole-Marie Allard: Dans le documentaire tourné par des souverainistes sur la dernière campagne électorale au Québec, on entend Bernard Landry, l'ex-premier ministre du Québec, traiter Radio-Canada d'outil de propagande fédéral. J'aimerais que vous nous disiez comment vous avez réagi, à l'interne, en entendant ces propos et que vous nous fassiez part de vos commentaires à ce sujet.
Á (1150)
M. Daniel Gourd: Écoutez...
M. Robert Rabinovitch: Cela a été un grand succès.
Mme Carole-Marie Allard: Pour notre part, ce n'est pas l'opinion que nous avons de Radio-Canada.
M. Daniel Gourd: Je vais vous répondre par une boutade. À l'époque où Daniel Lamarre était président-directeur général de TVA, on se retrouvait souvent en profond désaccord dans les mêmes forums. Pourtant, nous sommes aujourd'hui tous les deux partenaires du Cirque du Soleil.
Or, dernièrement, je lui ai fait remarquer qu'il avait de la chance. En effet, quand il est à Québec, on le considère comme un nationaliste et partisan de l'indépendance du Québec, et quand il est à Ottawa, on le voit comme un Canadien fort qui aspire à l'intégrité canadienne. Pour nous, c'est le contraire. À Québec, nous sommes vraiment perçus comme des fédéralistes actifs qui s'opposent à la fibre nationaliste, très présente au Québec. À Ottawa, c'est le contraire. Ainsi, nous n'avons jamais raison, mais nous nous sommes habitués à cette situation.
Il est évident que nos journalistes ont été très inquisiteurs avec tout le monde pendant cette campagne électorale. Nous sommes, nous aussi, régulièrement traités de cette façon par des journalistes et nous comprenons qu'à un moment donné, cela puisse susciter de l'impatience. Or, il est certain que cette perception est vraiment inversée. Nous sommes habitués à cette idée, et nous devons toujours convaincre certaines personnes, que nous soyons à Ottawa ou à Québec, que nous ne faisons d'aucune façon partie d'un complot.
Mme Carole-Marie Allard: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: On revient après.
Madame Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.
Tout d'abord, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. J'imagine que tout le monde a sa bête noire à propos de Radio-Canada. Pour moi, il ne nous appartient pas comme députés de vous poser des questions sur le bar au sous-sol ou des choses de ce genre. On peut le faire ailleurs.
Je pense qu'il y a ici une question fondamentale et je parle de la contradiction—parfaitement évitable—qui est la suivante : on dit que Radio-Canada est un instrument magnifique au service de la culture canadienne et une institution unique en son genre; en revanche, elle n'obtient pas les outils dont elle a besoin pour s'acquitter de son mandat. Cela nous ramène donc à la question fondamentale du financement.
J'aimerais poursuivre où vous vous êtes arrêté, à savoir la recommandation du comité parce que c'est le noeud de l'affaire. Y aura-t-il oui ou non un financement stable pluriannuel pour Radio-Canada? Il semble qu'à ce stade-ci, la réponse soit non. J'estime donc que le gouvernement fédéral a été lamentable dans ce dossier.
Pour ce qui est de la suppression de 10 millions de dollars, j'aimerais savoir quel effet cela aura sur l'effectif, par exemple. Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie en équivalent temps plein d'employés et pour la programmation locale et régionale?
Deuxièmement, l'un des avantages de la stabilité à long terme c'est que cela vous permet de développer la programmation comme il faut, d'acheter des droits, etc. Vu que votre budget est amputé de 10 millions, quel effet cela aura-t-il sur votre capacité d'agir en professionnels sur le marché en matière de développement des programmes ou de droits à acheter?
Pourriez-vous répondre à ces deux questions?
M. Robert Rabinovitch: Je vais faire de mon mieux.
Nous ignorons la réponse du gouvernement en ce qui concerne l'augmentation ou la stabilité du financement. Nous allons présenter nos arguments. Nous pensons que le comité l'a aussi fait remarquablement. Nous espérons que le résultat à terme sera précisément cela—un financement plus stable—pour que nous puissions préparer nos plans et savoir où nous allons.
En ce qui concerne la suppression des 10 millions, comme je l'ai dit dans la déclaration liminaire, ce n'est pas une suppression en particulier qui nous fait mal c'est l'accumulation des suppressions qui nous condamne à ce que nous appelons mourir de mort lente, qu'il s'agisse aussi des 43 millions de dollars pour les retraites—la suspension des cotisations est maintenant terminée—ou qu'il s'agisse des 12 millions que nous devons réunir chaque année avant même d'ouvrir les portes. C'est l'accumulation de tout cela en l'absence non seulement de financement stable mais bien face à un financement décroissant en termes réels qui est si douloureux pour nous.
La suppression des 10 millions, nous avons pu l'absorber parce que nous avons été prévenus et que nous avons pu prévoir en conséquence. Cette réduction de 10 millions, nous avons pu l'absorber. Le nombre d'employés ne changera pas pour cela et il n'y aura pas de conséquences pour la programmation locale et régionale pour l'instant.
Pour être tout à fait honnête, madame Davies, je trouve que c'est adopté une vision bien étroite. Ce n'est que considérer ces 10 millions. Mais si vous regardez la situation globalement, premièrement, il faudra forcément, à cause de l'évolution de la technologie et de tout le reste, procéder sans cesse à des réductions de l'effectif.
Deuxièmement, il faut d'une manière ou d'une autre payer le prix de ces coûts supplémentaires. D'une manière ou d'une autre, je ne peux pas dire autre chose, ils auront des répercussions sur le nombre d'employés que nous avons, que nous avons les moyens d'avoir.
Troisièmement, pour ce qui est de la programmation locale et régionale, nous en sommes déjà réduits à la portion congrue. Il n'y a plus grand-chose d'autre que nous puissions faire. Je suis gêné de dire que la qualité de la programmation s'en ressent. Ce n'est pas une programmation de première qualité selon nos standards. C'est pourquoi nous avons bien accueilli la recommandation du comité en faveur d'un plan stratégique qui décrirait la manière dont nous comptons améliorer et développer la programmation locale et régionale.
Vous avez tout à fait raison de nous demander combien cela va coûter. Un plan qui n'est pas assorti d'un prix ne vaut pas grand-chose. Nous sommes tout disposés à le faire et espérons pouvoir agir ainsi. Je pense avoir répondu à vos questions.
Á (1155)
Mme Libby Davies: Est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Soyez brève.
Mme Libby Davies: Vous avez parlé de réduction d'effectif à court ou à long terme. Qu'entendez-vous par là? Songez-vous à davantage de contrats à court terme avec les employés? Je ne sais pas à partir de quand cela commence à influer sur la qualité de la programmation, quand les gens sont incertains de leur avenir et ignorent s'ils seront toujours là dans 6 ou 12 mois.
M. Robert Rabinovitch: Nous n'avons pas l'intention de changer la structure en ce qui concerne les contrats à long terme ou y recourir davantage qu'actuellement. Dans une organisation de création, comme vous le savez, beaucoup de gens sont à contrat à court terme. D'autres sont des permanents, et c'est normal.
Ce que je voulais dire, c'est qu'il est inévitable que les pressions financières d'une part et les changements technologiques d'autre part aboutiront à un changement de la composition de l'effectif dans le temps. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons amélioré nos programmes de formation, pour donner à nos employés des possibilités d'accéder aux nouveaux emplois qui seront créés. Depuis longtemps déjà, des changements en profondeur sont en train de s'opérer. Si cela se trouve, c'est ce qui a sauvé CBC et Radio-Canada jusqu'à présent. Qu'il s'agisse du système à retard de montage à la radio ou de nouveaux systèmes de transmission de signaux, ces changements ont modifié du tout au tout la composition de l'effectif dont on a et aura besoin et, pour être honnête, cela nous permet de nous concentrer sur ce que nous voulons être, une maison de création.
Mais nous estimons avoir une responsabilité très réelle vis-à-vis de nos employés pour les aider à se recycler et à avoir la chance de postuler les premiers les nouveaux postes.
Le président: Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PC): Merci.
Monsieur Rabinovitch, je viens de Perth—Middlesex où se trouve le festival shakespearien de Stratford et je comprends très bien ce que vous avez dit en réponse à certaines questions. Je sais que le festival shakespearien de Stratford présente beaucoup de Shakespeare, dont le succès ne se fait plus mentir depuis des années. Le festival fait aussi venir de nouvelles productions. Il le fait pour mieux faire connaître le théâtre. Ces productions ne sont pas toute rentables. Il faut le faire pour promouvoir le théâtre. Il faut le faire pour aider les acteurs et tous les autres employés.
Je veux aussi dire que pendant la panne d'électricité qui a frappé l'est de l'Amérique du Nord, par hasard, ce jour-là, je donnais une petite réception chez moi. Nous venions d'avoir une réunion du groupe parlementaire. Lorsque les gens sont partis pour rentrer chez eux ou à Ottawa, le courant a été coupé. Et voilà que la seule station de radio que nous pouvions capter dans le sud-ouest de l'Ontario était celle de CBC. C'est là que beaucoup de gens se sont informés. Certains sont d'ailleurs revenus chez moi parce qu'ils ne voulaient pas se trouver immobiliser sur la 401 ou ailleurs.
Je sais comment fonctionnent les budgets; je suis très sensible aux réductions et je sais ce qu'un financement stable signifie. Je trouve déplorable qu'une entreprise à qui l'on a promis des fonds se les voie retirer.
Dans son rapport de 2003, le comité a recommandé pour Radio-Canada un financement stable à long terme. De combien Radio-Canada a-t-elle besoin pour être efficace?
 (1200)
M. Robert Rabinovitch: J'adore cette question.
Sachez d'abord que mon épouse siège au conseil de Stratford et nous y allons donc souvent. C'est une de nos plus belles institutions et je la donne parfois en exemple pour montrer combien il est difficile d'être un créateur. Le mois de juin est à bien des égards le plus beau mois à Stratford. C'est celui des créations et des premières. C'est aussi celui où vous vous demandez ce que vous allez faire l'an prochain parce que tous ces gens-là ont des contrats à très court terme. L'agrandir pour avoir une quatrième scène au service de nouvelles pièces canadiennes, de nouveaux auteurs canadiens, c'est absolument important.
En réponse à votre question, nous avons dit que si 60 millions de dollars nous étaient accordés en permanence et si nous recevions une rallonge de 40 millions, autrement dit 100 millions en tout et si—et ceci est important parce qu'il nous accorde tant d'argent—le financement du Fonds canadien de télévision était stabilisé et si nous savions quelle part du fonds sera la nôtre, alors nous pourrions répondre aux besoins du mandat actuel en fait d'amélioration de la progression, faire davantage ce que M. Strahl demandait tout à l'heure, les émissions qui font un malheur, je veux dire les émissions à succès, c'est mieux qu'une émission qui fait un malheur, mes excuses.
Avec 100 millions, nous pourrions trouver les fonds à partir d'économies internes pour assumer les autres coûts que nous avons, mais je m'empresse d'ajouter que nous ne pourrions pas accroître nos services pour enrichir la programmation locale et régionale, et c'est ce que le comité a demandé—un plan stratégique assorti de coûts. Je pense que vous êtes toujours responsable.
La réponse à votre question est donc que 100 millions nous permettraient de nous acquitter de notre mandat actuel mais que pour faire le local et le régional, comme c'est notre mission en tant que radiodiffuseur public, c'est un chiffre que je ne suis pas prêt à avancer maintenant parce que je ne l'ai pas. Mais nous tenons éminemment compte de la demande du comité en ce sens.
M. Gary Schellenberger: Si vous aviez ce genre de financement pour cinq ans, si c'était des fonds garantis pour cinq ans, pourriez-vous vous accommoder de ce mandat pendant cinq ans?
M. Robert Rabinovitch: Si j'obtenais ça, je prendrais ma retraite comblé.
Je serais très heureux si nous avions cela. Je pense que ce serait une base merveilleuse pour le renouvellement de CBC et Radio-Canada.
M. Gary Schellenberger: Merci.
Le président: Mme Frulla, puis M. Shepherd.
Mme Liza Frulla (Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles, Lib.): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de vous accueillir ici, surtout lorsque l'on a ses anciens patrons devant soi. C'est super.
Comme vous le voyez, je dirais que la quasi-totalité d'entre nous est en faveur d'un financement stable. Nous l'avons dit dans notre rapport. Nous croyons aussi dans un service public fort. J'approuve ce qu'a dit Mme Taylor, que personne d'autre ne peut écrire notre histoire ou la commenter, il faut le faire soi-même. Nous croyons tous à cela.
Mais il y a la question de l'argent et ce que vous en faites. Je tiens beaucoup à revenir sur ce que vous avez écrit la semaine dernière.
[Français]
La semaine dernière, monsieur Rabinovitch, vous avez fait une présentation devant le comité du Sénat, et de là a découlé une lettre disant qu'il fallait retourner aux valeurs de base. Vous dites vous-même que vous avez peut-être été influencés par la concurrence. On est passé de quelques canaux à plusieurs canaux, il y a eu un accroissement énorme de l'offre télévisuelle, vous vous êtes battus pour votre part de marché et vous avez peut-être erré. On parle d'un mea-culpa.
On est tout à fait d'accord quand vous dites que votre responsabilité est de produire le bulletin de nouvelles de référence, c'est-à-dire des bulletins d'information quotidiens de référence. Lorsque vous parlez d'une télévision de référence, monsieur Rabinovitch, j'imagine que vous parlez non seulement de l'information, mais aussi de la télévision en général, n'est-ce pas?
 (1205)
M. Robert Rabinovitch: Dans cet article, j'ai parlé seulement de l'information. Je ne sais pas si le principe de la programmation de référence existe dans les secteurs des dramatiques et des variétés. Il ne s'agit pas tant d'émissions de référence, que d'émissions caractérisées par l'audace et le risque. Ce sont des émissions qui font reculer les limites, qui sont une manière différente de présenter la programmation. Je ne sais pas si c'est la même chose.
Mme Liza Frulla: Quand on parle d'une télévision de référence, c'est un peu ce que vous dites aussi. Dans votre plan directeur, vous dites que c'est finalement la télévision de l'excellence, parce que qui dit référence, dit aussi excellence.
Une chose m'embête un peu. Nous sommes d'accord sur la lettre que vous avez écrite, et je pense que votre plan directeur reflète très bien cela. Cependant, nous avons été surpris de voir l'analyse qu'en fait le nouveau directeur de la programmation, surtout pour Radio-Canada. Il dit que Radio-Canada doit s'occuper de la culture populaire et développer des produits qui rejoignent tout le monde. Il dit aussi, en parlant de TVA:
Ils aimeraient bien qu'on fasse autre chose que de la télévision populaire. Mais notre mandat, c'est vraiment d'être capables d'être en concurrence. |
Ne trouvez-vous pas que le fait de vouloir être en concurrence--vous le dites vous-même dans votre lettre--et de vouloir battre les autres sur le même terrain a fait en sorte qu'on a peut-être oublié, à Radio-Canada, les valeurs de cette télévision d'État?
Bien souvent, quand on veut rejoindre tout le monde, on risque de ne rejoindre personne. Bien souvent, quand on veut faire concurrence à TVA ou à TQS, qui sont bien positionnés en tant que télévisions privées, on risque de perdre sa propre identité comme téléviseur public.
Votre lettre expose très bien les choses et votre plan directeur semble avoir bien saisi la problématique de Radio-Canada et de ce qu'il faut faire dans les prochaines années, mais quand je lis les propos du directeur de la programmation, je suis inquiète. Je dois vous dire que c'est inquiétant, surtout qu'il y a eu des produits très interchangeables.
Mme Gagnon a raison. On a vu des piliers de Radio-Canada se retrouver à TQS. Par exemple, Pierre Nadeau est à TQS actuellement, de même que Jean Pagé. On a également vu le chassé-croisé de Durivage de l'une à l'autre. À un moment donné, on perd la notion de ce qu'est une télévision publique et on se demande si on en a vraiment besoin. Dans le fond, ce sont les mêmes gens qui travaillent dans l'une et l'autre, et le professionnalisme doit être le même.
Je reviens à la question de la télévision de référence. Est-ce une télévision de référence, d'excellence et de qualité, ou une télévision de concurrence?
M. Robert Rabinovitch: Je n'ai pas parlé avec M. Clément de ses idées, mais j'ai parlé avec lui assez souvent. Nous sommes allés le chercher, non pas à TVA ou à TQS, mais à Télé-Québec, à cause de sa performance là et de la qualité de sa programmation. Pour moi, la concurrence n'est pas une bataille de chaque heure pour les cotes d'écoute. La concurrence consiste à offrir une programmation de référence, une programmation de qualité qui va aller chercher les personnes. On ne gagne peut-être pas la bataille des cotes d'écoute, car c'est peut-être trop spécialisé, mais j'espère que nous sommes prêts à faire une programmation de haute qualité afin qu'en bout de ligne, on puisse dire, en regardant la télévision de Radio-Canada, qu'elle est vraiment différente de celle de TVA et de TQS.
Je dois aussi vous dire que si nous avons un grand succès, le Québec étant un petit marché, il est presque certain que TVA va aller le chercher et le modifier pour qu'il soit plus acceptable à la population. Même aujourd'hui, il y a pas mal de différence entre nous et TQS. Certaines choses sont comparables, mais c'est pas mal différent et j'espère que ce le sera encore plus avec le repositionnement.
 (1210)
M. Daniel Gourd: Nous connaissons Mario Clément et nous avons vu son parcours. Si nous sommes allés chercher Mario Clément, c'est parce que c'est quelqu'un qui a une perspective de télévision publique extrêmement prononcée. Dans les conversations que nous avons eues avant son embauche, il était clair que l'orientation à donner à cette télévision était celle d'une télévision publique forte.
Par ailleurs, nous nous trouvons quand même en concurrence avec les autres télédiffuseurs pour ce qui est du talent. Il y a quelques années, il y a 20 ans, le talent ne circulait pas d'une télévision à l'autre. Il n'y avait pas beaucoup de télévisions et chacun protégeait ses propres artistes. Aujourd'hui, les comédiens, les auteurs, etc. passent d'un endroit à l'autre. Donc, nous sommes en concurrence pour le talent.
Deuxièmement, nous sommes aussi en concurrence pour l'auditoire, même si notre critère premier n'est pas l'auditoire. Par exemple, quand nous présentons le Gala de l'ADISQ un dimanche soir, nous voulons qu'il soit regardé. C'est une émission importante pour le rayonnement de la culture populaire, de la chanson et de la musique. Notre travail est de soutenir la culture populaire et la chanson, qui est le véhicule par excellence de la culture populaire.
En même temps, il y a Loft Story à TQS. Loft Story est en concurrence avec notre émission. Si Loft Story attire 500 000 personnes qui, autrement, regarderaient le Gala de l'ADISQ, cela nous pose un problème. Donc, nous devons constamment nous assurer d'aller chercher l'écoute optimale pour chaque produit que nous faisons.
Mme Liza Frulla: Je suis d'accord avec vous: Mario Clément a une très bonne notion de ce qu'est la télévision publique. On parle de culture populaire et de développer des produits qui rejoignent tout le monde. Vous dites que Radio-Canada ne devrait pas avoir de problème si Loft Story, par exemple, rejoint 500 000 auditeurs ou si cette émission réduit les cotes d'écoute de Virginie parce que la télévision publique doit être une télévision de référence, bien établie et dont le rôle est de diffuser des auteurs et d'offrir d'excellents produits.
Il faut trouver une façon de continuer à présenter des documentaires. C'est ça, Radio-Canada. La radio de Radio-Canada le fait très bien; c'est un modèle en soi. Elle a toujours été bien positionnée et bien ciblée. Elle n'a jamais louvoyé. On voit aujourd'hui que c'est payant puisque l'émission du matin de Radio-Canada est en train, non seulement de talonner, mais même de devancer celle de CKAC.
Va-t-on vraiment revenir à un positionnement très solide et se foutre un peu de ce que font les autres? Radio-Canada est un diffuseur public qui a sa mission, et cette mission, vous l'avez très bien décrite et campée dans vos documents d'orientation.
M. Robert Rabinovitch: Absolument, et c'est ce qu'on a déjà fait du côté anglais. On a commencé à le faire il y a trois ou quatre ans, mais ça prend du temps. On a embauché Mario et je suis allé chercher M. Gourd parce que j'étais convaincu qu'ils comprenaient les changements qu'il fallait faire pour assurer le repositionnement d'un service public.
[Traduction]
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur Rabinovitch, vu ce que je sais de la réaffectation budgétaire au gouvernement, ceci vient d'une annonce budgétaire récente, que tout ce que l'on va faire de temps à autre est d'enlever de l'argent à ce qui est j'imagine des activités non prioritaires en faveur d'autres qui le sont.
L'idée, c'est que les divers ministères—je sais que vous n'êtes pas un ministère mais vous êtes financé par le gouvernement—ont des inefficiences et qu'il doit y avoir une mesure quelconque, une façon d'éliminer ces inefficiences.
Vous venez de me dire que vous avez absorbé les 10 millions, grâce à des efficiences technologiques. Cela ne revient-il pas à dire que le gouvernement a eu raison, qu'il y a des inefficiences à Radio-Canada et que vous avez réussi à les éliminer?
 (1215)
M. Robert Rabinovitch: Je ne pense pas qu'il y ait un rapport. Quand j'ai pris ces fonctions il y a environ quatre ans et que j'ai comparu devant le comité, on m'a dit : « Pourquoi ne demandez-vous pas plus d'argent? » J'ai répondu que je n'allais pas demander plus d'argent tant que je n'aurai pas la conviction que nous avions éliminé la totalité, ou en tout cas la grande majorité des pratiques inefficientes de la société, et nous allons continuer à le faire tant que je resterai à ce poste car je crois que c'est quelque chose que nous devons faire dans une perspective de bonne gestion publique.
Les 10 millions de dollars avaient une fonction officielle. En réalité, c'était simplement une négociation. Ce n'était pas comme si quelqu'un était venu nous dire : « Nous pensons que vous pouvez réaliser 10 millions de dollars d'économies en éliminant des pratiques inefficientes à CBC et Radio-Canada ». On nous a dit : « Votre part des restrictions va être de 10 millions de dollars ». Ce n'était donc pas un exercice de réaffectation, c'était clairement un budget X classique.
Nous avons absorbé ces coupures, et quand je dis que nous les avons absorbées, cela n'a pas été sans douleur; je veux simplement vous dire que vous ne verrez pas cela sur écran. Nous avons effectué ces coupures de diverses manières et en fin de compte, nous avons probablement réduit des émissions qui auraient été diffusées ou supprimé une émission supplémentaire... Il y aura moins d'épisodes de This Hour Has 22 Minutes cette année que l'an dernier. Il était question d'une émission spéciale d'une heure. Si nous avions eu l'argent, nous aurions pu la réaliser, mais il a fallu l'annuler.
Ce sont de petites choses, mais tout cela est sur votre écran, et ces petites choses n'alimentent pas les économies, ce sont les économies qui alimentent cela, car je viens du secteur privé et j'ai un personnel et mes cadres supérieurs comprennent que l'entreprise doit fonctionner de façon efficace. C'est donc ce que nous essayons de faire.
M. Alex Shepherd: Comme vous le dites, vous venez du secteur privé. Cela dit, le but du secteur privé, c'est d'avoir un maximum de profits. Ce n'est pas la même chose. Pensez-vous qu'il y a suffisamment d'incitations dans votre organisation à débusquer ces pratiques non efficientes? J'imagine que si vous pouviez en trouver, vous pourriez réinvestir les économies réalisées de façon plus efficiente.
M. Robert Rabinovitch: C'est une très bonne question.
Il n'y a jamais assez de contrôle et de pression dans une organisation aussi vaste que CBC/Radio-Canada. En même temps—et c'est pour cela que j'ai amené avec moi le grand responsable de la technologie—nous cherchons tous les moyens possibles de faire des économies.
C'est pour cela que nous avons fait appel à quelqu'un du secteur privé comme président de notre division de l'immobilier. Nous avons créé une division de l'immobilier pour gérer nos biens immobiliers. Il a réussi à dégager à lui seul 15 millions de dollars d'excédent, 5 millions par an, en louant des locaux superflus au centre de radiodiffusion de Toronto.
Nous examinons de nouveaux modes d'acheminement de nos signaux par satellite qui, lorsqu'ils fonctionneront, nous permettront d'économiser de 7 à 10 millions de dollars.
Je crois que notre travail actuellement consiste à être constamment à l'affût des économies possibles, pour pouvoir disposer du plus d'argent possible pour les réalisateurs d'émissions. En fin de compte, ce que je veux faire, c'est créer une ambiance favorable à la créativité en donnant aux créateurs l'argent nécessaire pour faire leur travail.
Le président: Je précise aux membres du comité qu'il nous reste presque trois quarts d'heure et que nous aurons tout le temps voulu pour un deuxième tour de table.
Avant de commencer, monsieur Rabinovitch, j'aimerais vous demander une précision pour m'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes.
D'après les chiffres que nous avons, les crédits de CBC/Radio-Canada pour une année—et peut-être Mme Charbonneau pourrait-elle me le confirmer—sont d'environ 875 millions de dollars, plus ou moins. Ensuite, le Parlement a voté 60 millions de dollars supplémentaires, ce qui nous donne un total de 935 ou 937 millions de dollars. Ensuite, on a retiré 10 millions de dollars, donc il nous reste en gros 925 millions de dollars.
D'après ce que j'ai pu voir, Radio-Canada reçoit aussi 70 ou 75 millions de dollars du FCT. Donc, en tout, nous parlons en gros d'un milliard de dollars. C'est bien cela, en gros?
 (1220)
Mme Johanne Charbonneau (vice-présidente et chef de la direction financière, Société Radio-Canada): Les montants que vous avez mentionnés et les 60 millions de dollars sont exacts. Les fonds du FCT ne sont pas exactement des fonds versés à Radio-Canada...
Le président: Je comprends.
Mme Johanne Charbonneau: ...mais vos chiffres sont exacts.
Le président: Bon.
Disons que, compte tenu du FCT, Radio-Canada obtient plus ou moins un milliard de dollars par an.
Je veux m'assurer que nous comprenons bien ce que vous avez dit au Sénat la semaine dernière et ce que vous nous dites aujourd'hui. Vous avez dit en réponse à M. Schellenberger que si vous aviez 100 millions de dollars de plus, ce serait suffisant pour exécuter votre mandat actuel, mais qu'en plus de cela il vous faudrait des fonds supplémentaires pour ramener la programmation locale et régionale à ce qu'elle était auparavant. C'est bien ce que vous avez dit?
M. Robert Rabinovitch: Il y a simplement un petit problème de comptabilité ici. Ces 60 millions de dollars que vous avez ajoutés à nos 875 millions sont inclus dans mes 100 millions de dollars.
Le président: Oh, c'est inclus dans vos 100 millions de dollars.
M. Robert Rabinovitch: Donc tout ce que je vous demande, c'est 40 millions supplémentaires pour compléter ces 60 millions qui seraient permanents. Avec ce montant total d'environ un milliard de dollars, nous pouvons exécuter notre mandat actuel.
Le président: Mais dans ce cas, vous auriez besoin de fonds supplémentaires que vous n'avez pas encore chiffrés pour la programmation locale et régionale.
M. Robert Rabinovitch: Pour que les choses soient bien claires, nous réalisons, comme vous le savez, des émissions locales et régionales...
Le président: Je sais.
M. Robert Rabinovitch: ...mais dans la mesure où...
Le président: ...le comité a demandé...
M. Robert Rabinovitch: Oui. Pour répondre à la demande du comité, il faudra que nous présentions un plan stratégique chiffré.
Le président: Serait-il possible, sans vous demander l'impossible, d'obtenir au moins une idée approximative du montant que cela représenterait?
Si vous voulez pouvoir exercer des pressions, il faut nous donner des précisions. Il faut nous dire si un financement accru et stable sur X années signifie 1,1 milliard de dollars, 1,2 milliard de dollars ou peu importe combien, pour que nous puissions reléguer efficacement vos préoccupations auprès des parlementaires et du Cabinet.
M. Robert Rabinovitch: Nous allons essayer d'élaborer un plan stratégique précisant le montant qui nous semble nécessaire.
Le président: Ce serait utile.
Monsieur Strahl.
M. Chuck Strahl: Merci.
Et merci d'avoir obtenu ces éclaircissements, monsieur le président.
Il faut que les choses soient bien claires. Il y a eu 60 millions de dollars ces deux dernières années avec la promesse de 60 millions de dollars pour les deux prochaines années...ou est-ce que c'est un an seulement?
M. Robert Rabinovitch: Ce montant a été promis pour l'année actuelle et pour le prochain exercice, 2004-2005.
M. Chuck Strahl: Bon. Donc c'est un total de trois ou quatre ans?
Mme Johanne Charbonneau: Quatre ans.
M. Robert Rabinovitch: Quatre ans, si on repart en arrière.
M. Chuck Strahl: Quatre ans, ce n'est peut-être pas le financement stable et à long terme que tout le monde souhaiterait à Radio-Canada, mais c'est quand même 240 millions de dollars sur quatre ans, et nous parlons ici d'une réduction d'environ 10 millions de dollars. Je sais bien qu'il y a d'autres choses—vous avez parlé de la question des pensions—mais ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu d'argent.
D'une certaine façon, je félicite Radio-Canada de perpétuer..., pas le mythe, mais l'idée que personne d'autre ne peut écrire notre histoire. C'est un peu étrange. J'ai l'impression que les stations de radio locales, les journaux, les manifestations culturelles, les musées, tout ce que vous voulez, contribuent à raconter notre histoire. Les partisans de Radio-Canada voudraient nous faire croire que sans Radio-Canada, nous serions instantanément américanisés, et je ne suis pas sûr que ce soit entièrement vrai.
Je veux m'inscrire en faux contre quelque chose qui a été dit ici à propos de l'accroissement des émissions populaires, mais ceci me ramène à ce que je disais précédemment. Je ne comprends pas pourquoi, si financièrement ce qui vous rapporte le plus, c'est la radio de Radio-Canada... Vous avez un public énorme à la radio de Radio-Canada. Vous avez parlé d'une émission l'autre soir qui a eu 1,1 million d'auditeurs, mais la radio de Radio-Canada a autant d'auditeurs tous les jours. C'est un public colossal. Et pourtant, une partie des 10 millions de dollars d'économies a été réalisée dans les services de radio de Radio-Canada.
Pourquoi n'appuyez-vous pas les services qui ont le meilleur taux de succès? Les Canadiens adorent cette radio. Elle leur donne le sentiment d'une identité partagée. Elle ne coûte pas cher. C'est vraiment très rentable. Pourquoi sabrez-vous dans les services radio de Radio-Canada alors que c'est certainement le secteur qui marche le mieux dans votre société?
 (1225)
M. Robert Rabinovitch: J'ai essayé de répartir la douleur de façon aussi équitable que possible. D'ailleurs, la radio de Radio-Canada n'est pas exactement bon marché car n'oubliez pas qu'il n'y a pas de publicité sur cette chaîne. Environ 177 millions de dollars de crédit sont consacrés à la radio de Radio-Canada, et ce n'est donc pas rien. J'ai pensé qu'il était normal que ce service... Dans une société, il faut répartir les choses, il faut trouver un équilibre différent. Tout dépend de la situation à un moment donné. J'ai pensé que ce service pouvait absorber ces restrictions si c'était nécessaire, et c'était une question d'équité vis-à-vis des autres services.
M. Chuck Strahl: Très bien.
Dans un autre ordre d'idées, je crois que la radio de Radio-Canada est beaucoup plus bénéfique pour votre image de façon générale que tout autre moyen publicitaire imaginable. Tout le monde écoute les mêmes émissions, que ce soit les agriculteurs des Prairies, les habitants du nord de la Colombie-Britannique jusqu'aux auditeurs du centre-ville de Toronto et même si ces émissions sont financées par l'État, je crois que c'est votre meilleur véhicule publicitaire. Même s'il n'y a pas de publicité, c'est un véhicule publicitaire qui se perpétue indéfiniment, qui présente de bonnes émissions. Je crois qu'il bénéficie d'un vaste appui de la part des Canadiens.
J'ai simplement une autre question. Il y a une semaine, vous m'avez envoyé un document sur le sommaire de votre plan d'entreprise et à la page 7 vous mentionnez l'importance de l'indépendance journalistique comme l'un de vos principes de radiodiffusion—dans l'un des sommaires que vous présentez ici de l'analyse de la situation.
Vous dites que les pressions qui s'intensifient sur les radiodiffuseurs publics rendent d'autant plus pertinent et important de préserver un espace public démocratique et l'indépendance journalistique. |
Je suppose que c'est l'une des valeurs dont vous faites la promotion. Il ne s'agit pas d'une mesure axée sur le marché, ni axée sur la cote d'écoute, mais l'une des valeurs dont vous faites la promotion.
Il y a quelque temps, certains d'entre nous ont été amenés à s'interroger, et vous l'avez sans doute constaté à la Chambre, lorsqu'une allégation a été faite selon laquelle l'émission Disclosure n'avait pas été diffusée à son créneau horaire habituel parce qu'elle critiquait Paul Martin. On s'est demandé si votre indépendance n'était pas menacée. Cela a fait l'objet d'un débat, et a certainement fait l'objet d'un débat parlementaire de notre part—à savoir si votre indépendance n'avait pas été plus ou moins compromise parce que cette émission critiquait le futur premier ministre.
Comment vous assurez-vous que cette indépendance n'est pas menacée par un coup de fil de Earnscliffe et de sa clique, et comment vous assurez-vous que nous obtenions la couverture équilibrée à laquelle nous nous attendons—qui n'est pas simplement favorable à un parti ou à un autre, mais équilibrée dans ses critiques et ses acclamations?
M. Robert Rabinovitch: Au fil des ans, nous avons établi un système à Radio-Canada qui résulte des discussions que nous avons tenues avec entre autres des parlementaires, et nous évaluons constamment la situation dans les autres pays quant à la façon d'assurer l'indépendance d'un radiodiffuseur public. Permettez-moi simplement d'aborder certains de ces points.
Premièrement, je ne suis pas le rédacteur en chef. Ils peuvent me téléphoner, et mes directeurs de l'information—Tony Burman, Claude Saint-Laurent—peuvent me rappeler à l'ordre et le feraient d'ailleurs, et cela est délibéré.
Deuxièmement, je ne suis pas nommé à titre amovible, mais à titre inamovible, et il s'agit d'une mesure délibérée pour séparer la SRC du processus politique normal. C'est une mesure que le Parlement a eu la sagesse de prendre. En fait, on en a débattu en 1991 parce qu'il y avait la possibilité de modifier cette nomination pour qu'elle devienne une nomination à titre amovible. Les parlementaires ont jugé que cela ne serait pas approprié pour assurer l'indépendance de la SRC.
Troisièmement, d'après l'opinion générale, nous avons le système d'ombudsman le plus avancé de pratiquement tous les radiodiffuseurs au monde, si j'ose dire, et certainement au Canada. Le bureau de l'ombudsman, tant du côté francophone qu'anglophone, s'occupe précisément des plaintes concernant le manque d'impartialité, et nous encourageons le public à communiquer à l'ombudsman les cas de ce genre. Et je dois dire que parfois les rapports de l'ombudsman ont émis des critiques; il ne s'agit pas d'un simulacre. Plusieurs journalistes importants se sont faits taper sur les doigts pour certaines des émissions qu'ils avaient réalisées, et je sais que nos journalistes prennent cela extrêmement au sérieux. Ces incidents n'ont pas mis fin à leur carrière, mais ils ont assurément influé sur la façon dont on les considère, sur la façon dont leurs collègues les considèrent; par conséquent ils prennent très au sérieux toute préoccupation soulevée par l'ombudsman.
Donc nous avons établi une série de mesures avec le temps. Cela ne se fait pas en une journée, et cela ne s'est certainement pas fait au cours de ma période ici, mais ce sont des mesures qui ont été prises progressivement et précisément dans le but que vous avez indiqué.
 (1230)
M. Chuck Strahl: J'aimerais demander donc ce qui s'est passé avec l'émission Disclosure. Est-ce que l'ombudsman a fait enquête, ou quel en a été l'aboutissement?
M. Robert Rabinovitch: Je vais mentionner une chose à ce sujet, et ensuite Harold va vous en donner les détails. Moi, je n'ai reçu aucun appel, aucune suggestion, etc., concernant cette émission.
M. Harold Redekopp: Le problème avec beaucoup de ces émissions, c'est le délai très serré dans lequel elles sont produites. Je dois vous dire que Tony Burman est intervenu fermement dans ce cas. D'abord, l'émission a bel et bien été diffusée. C'était au cours de la semaine suivante, je crois, ou dans les deux semaines suivantes, tout au plus.
Il a regardé le segment et décidé qu'il comportait des lacunes. On l'a amélioré par la suite et on pourrait même dire qu'il était plus critique. Mais l'important, c'est qu'on a bénéficié de conseils juridiques, qu'on a fait toutes les recherches nécessaires, etc. afin de préserver, en fait, notre crédibilité.
En passant, notre test de crédibilité, quand nous avons deux opinions opposées ou plus, consiste à nous demander quelle opinion est la plus fiable. Il faut faire preuve de bon jugement.
Tony se laisse guider par le principe qu'il est plus important d'avoir des sources fiables que d'être les premiers. Dans ce cas-ci, on voulait vérifier la fiabilité, et l'émission a bel et bien été diffusée. En regardant l'émission, je crois que beaucoup de gens auraient dit qu'elle était passablement critique.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur le président.
J'espère que vous allez accepter que je pose deux petites questions. Je vais essayer d'être concise.
J'aimerais revenir aux compressions de 10 millions de dollars. Comment allez-vous ventiler ces compressions? Il paraît que la télévision française de Radio-Canada sera plus touchée que CBC, du côté anglais, et Radio-Canada International. Apparemment, depuis quelques semaines, on assiste à beaucoup de licenciements du côté de la télévision française. Il y a un embargo sur le temps supplémentaire, on ne remplace pas les employés absents et on fait état de plaintes à l'interne. On sait que Radio-Canada a vécu une crise l'an dernier et on a entendu parler des conditions d'emploi qui prévalent au sein de cet organisme. J'aimerais que vous me disiez s'il est vrai que la télévision française va, plus que tout autre secteur, être victime de ces compressions.
Ensuite, j'aimerais revenir à la qualité du contenu à Radio-Canada. J'ai parlé plus tôt du choix de l'émission Catherine, particulièrement en ce qui a trait à sa formule. Or, cette remarque ne portait pas sur la qualité des comédiens et des comédiennes. Cependant, vous dites qu'il vous a été difficile de faire ce choix. Vous auriez peut-être pu opter pour une émission qui correspond mieux à la nature de l'auditoire de la télévision française de Radio-Canada. Pourquoi n'avez-vous pas accepté de programmer Simonne et Chartrand? Vous vous seriez assuré un auditoire. Pour les Québécois, cette histoire est aussi significative que La Famille Plouffe ou Un homme et son péché. En outre, c'est dans la tradition de Radio-Canada.
Louise Cousineau, dans La Presse, mentionnait que les raisons de ce choix--qui serait apparemment plutôt politique--étaient restées obscures. Or, on voudrait que Radio-Canada soit neutre et accepte des scénarios sans que ce soit pour des raisons politiques.
Je m'interroge à ce sujet. En ce qui concerne Catherine, vous m'avez perdue; je trouve que c'est une émission qui ne ressemble pas à Radio-Canada. Par contre, Simonne et Chartrand m'aurait intéressée, moi et bon nombre de Québécois.
M. Daniel Gourd: La réduction budgétaire de 10 millions de dollars ne nous a pas pénalisés plus que nos autres collègues. Il se trouve que notre situation est particulière: nos revenus commerciaux sont loin d'être à la hausse, au contraire. Ainsi, à l'opposé de nos collègues anglophones qui, cette année, ont de très bons revenus commerciaux--en fait, ils ont des surplus--, nous avons dû réduire notre cible de 6 millions de dollars, et malgré cela, ce sera difficile à atteindre.
Dans le cadre d'une réorientation des services publics, lorsqu'on fait plus de documentaires et d'affaires publiques, forcément, le volume d'écoute baisse, ce qui fait baisser les revenus commerciaux. Notre situation est plus difficile cette année. C'est pourquoi nous avons dû corriger notre tir dès maintenant pour ne pas nous retrouver avec un déficit à la fin de l'année. Il n'est pas question que nous nous trouvions dans une telle situation. Ainsi, pour ce qui est des 7 millions de dollars, une combinaison de facteurs font qu'on n'a pu les absorber, nos revenus commerciaux étant plus bas que prévu.
Pourquoi avons-nous mis en oeuvre ce programme en vertu duquel, dans la mesure du possible, le temps supplémentaire et le remplacement du personnel ne sont pas autorisés? En fait, il serait idiot de remplacer des gens pour les mettre à pied immédiatement après. Nous essayons donc de restreindre au minimum la mise à pied de personnes en place. En fait, il y en a moins de 20. Vous pouvez vous imaginer, étant donné qu'on parle de 7 millions de dollars, tous les efforts que nous avons dû faire, au chapitre des politiques, pour en arriver à faire si peu de mises à pied. Il est vrai que lorsqu'on a moins d'argent, la situation est plus difficile à gérer. Nous tentons néanmoins de faire le moins de mises à pied possible.
Quant à Simonne et Chartrand, c'est nous qui sommes à l'origine de ce projet. C'est nous qui avons mis à l'antenne Chartrand et Simonne. Cette série, qui a été un très grand succès, totalisait six heures. En outre, nous avions fait auparavant deux documentaires: un sur Michel Chartrand et un autre sur Simonne Chartrand. Nous avons donc réalisé un total de huit heures sur le couple Chartrand.
À l'époque, le directeur des dramatiques, Jean Salvy, qui avait d'autres projets en chantier, a jugé qu'il serait périlleux de poursuivre cette aventure. On y abordait l'époque moderne et le fils Chartrand connaissait cette époque; Salvy appréhendait la possibilité qu'il règne alors une trop grande subjectivité et qu'on s'éloigne de ce qui faisait la grande qualité de cette série, en l'occurrence un genre de vérité historique.
Le choix n'a pas été politique. Plutôt que de faire un autre six heures sur les Chartrand, on a opté pour une série sur Félix Leclerc--qu'on est en train de produire maintenant--et pour d'autres séries dramatiques. Bref, à cette époque, le choix s'est fait pour des motifs vraiment reliés aux dramatiques.
Télé-Québec a décidé de reprendre cette série, et c'est tant mieux. Nous avons libéré nos droits pour lui permettre de rediffuser la première série, et c'est bien ainsi. Nous n'avons pas non plus poursuivi la série Lance et compte, même si c'est nous qui l'avions réalisée au début. Nous avons choisi de nous investir dans d'autres projets. TQS l'a ensuite reprise avec bonheur--ses cotes d'écoute ont été très bonnes--, et TVA vient de s'approprier la dernière version.
En fin de compte, il s'agit de choisir parmi différentes options qui se présentent à nous. Parfois nous avons raison, parfois nous avons tort: ce n'est pas une science exacte. Pour nous, c'est le choix que Salvy a fait à l'époque et que, compte tenu de la situation qui prévalait, nous avons tout simplement endossé. Nous ne voulions pas réaliser six autres heures sur ce couple dont nous avions déjà traité largement. Nous avons donc opté pour autre chose.
 (1235)
Mme Christiane Gagnon: N'est-ce pas parce qu'on était rendu dans les années 1970?
M. Daniel Gourd: Pas du tout.
Mme Christiane Gagnon: Les mesures de guerre, l'emprisonnement de Chartrand, tout cela pouvait indisposer le fédéral. C'est une partie de l'histoire qu'on ne voudrait pas revoir.
M. Daniel Gourd: Pas du tout. On travaille actuellement à un projet de série dramatique sur la crise d'Octobre. Ce n'est donc pas pour ces raisons.
Vous parliez de Découverte un peu plus tôt. Découverte reste une production maison et il n'est pas question que cela change.
Mme Christiane Gagnon: Vous me rassurez.
Le président: Madame Allard, vous avez la parole.
Mme Carole-Marie Allard: Monsieur Rabinovitch, vous dites être prêt à soumettre un plan stratégique et à comparaître devant les parlementaires. Radio-Canada s'est repositionnée au printemps. Cela a été fait en catimini et vous avez servi à vos téléspectateurs du Québec une douche froide. Permettez-moi de douter un peu de votre volonté de nous tenir informés de ce que vous voulez faire à l'avenir, mais je tiens pour acquis que vous avez de bonnes intentions.
Vous avez parlé plus tôt de budget. Vous savez que Radio-Canada reçoit à peu près un milliard de dollars de fonds publics chaque année. Les auditoires ne suivent plus et vous êtes conscients, je l'espère, des difficultés qu'aura le prochain ministre à vendre ce budget au Cabinet.
Depuis deux ans, vous avez reçu deux budgets supplémentaires de 60 millions de dollars par année. Cette année, il s'agit de 50 millions de dollars. Vous recevez 10 millions de dollars de moins et c'est le drame, la catastrophe et on coupe des postes partout.
Il est difficile de ne pas douter de votre bonne foi, puisqu'en même temps, on parle d'un budget supplémentaire de 170 millions de dollars et vous nous annoncez la construction d'un immense Taj Mahal à Ottawa pour, supposément, remplir votre mandat de diffuseur public.
J'aimerais vous poser trois questions précises.
Pouvez-vous nous dire combien d'argent sera investi dans la construction de ce Taj Mahal à Ottawa? Anticipez-vous un dépassement de coûts pour la construction de ce projet au centre-ville d'Ottawa?
M. Robert Rabinovitch: Le Taj Mahal est un édifice de trois étages et non pas de dix. Nous louons ces trois étages. Nous serons en mesure de regrouper les services français et anglais pour la radio et la télévision, ainsi que celui de la Colline parlementaire, au même endroit. En ce moment, nous sommes logés dans six locaux différents à Ottawa. Nous serons en mesure d'être plus efficaces, cela va augmenter la qualité de notre produit et cela va permettre plus de collaboration entre nos collègues anglais et français.
Nous sommes en deçà du budget. L'argent provient de la vente de notre bureau de la rue Lanark. Ces sommes étaient déjà prévues dans notre budget de cinq ans pour le développement de systèmes numériques. Nous avons fait toute cette opération en une année. Cela a été rendu possible par la vente, il y a trois ou quatre ans, du service Newsworld International aux États-Unis, qui nous a rapporté 75 millions de dollars. Nous utilisons cet argent pour des projets spéciaux comme celui-là, celui d'Edmonton et celui que nous sommes en train de réaliser au centre-ville de Québec. Cela nous permet d'augmenter la qualité de notre service et d'apporter des changements aux systèmes numériques. On peut le faire beaucoup plus rapidement grâce à cette vente.
 (1240)
Mme Carole-Marie Allard: Quel est le coût de la construction de ce centre à Ottawa?
M. Robert Rabinovitch: C'est 46 millions de dollars, et cela comprend tous les frais reliés à la technologie.
Mme Carole-Marie Allard: Au total?
M. Robert Rabinovitch: Oui.
Mme Carole-Marie Allard: Est-ce que vous prévoyez des dépassements de coûts?
Mme Johanne Charbonneau: Il y a des pressions, parce que le budget est assez serré. Néanmoins, nous pourrons nous en tenir à ce que nous avons à l'intérieur de notre enveloppe, car il n'y a pas de grosses pressions à la hausse sur ce budget.
Mme Carole-Marie Allard: Quelle est la date de la fin des travaux?
Mme Johanne Charbonneau: La date est étalée dans le temps. Le déménagement aura lieu entre mars 2004 et octobre ou novembre 2004. C'est à ce moment que tous les services de production seront déménagés.
M. Robert Rabinovitch: Si vous me permettez, j'aimerais expliquer une chose.
[Traduction]
Ces fonds ne viennent nullement de l'argent consacré à la programmation dont nous parlions. Il s'agit du compte de capital, des fonds distincts, qui nous permet de faire cela sans nuire à nos émissions, nullement. Au contraire, cela va les améliorer et les enrichir.
Le président: M. Harvard et Mme Lill.
M. John Harvard: J'ai seulement une question.
Monsieur Rabinovitch, j'aimerais savoir si vous croyez que Radio-Canada a été traitée équitablement par rapport aux autres institutions financées par le gouvernement qui ont été assujetties à ce soi-disant processus de réaffectation budgétaire.
Si je comprends bien, on devait repérer des réductions éventuelles d'un milliard de dollars. Dans votre cas, je crois que le montant était de 10 millions de dollars, et vous avez trouvé ce montant.
Je me demande tout simplement si tout le monde doit déterminer où il va devoir couper et doit ensuite retourner ces montants au centre, parce que sinon, je crois que ce n'est pas équitable.
M. Robert Rabinovitch: Je dirai tout de suite, monsieur, que je ne suis plus fonctionnaire, et je ne connais pas vraiment les rouages du système, pour savoir qui a dû réduire ces dépenses et qui n'a pas dû le faire.
Je sais que notre contribution représente environ un tiers de la contribution du ministère du Patrimoine, et que notre budget régulier représente aussi environ un tiers du budget du ministère. Je crois que le calcul a été fait de cette façon, mais on n'a pas discuté des priorités. On n'en n'a pas discuté. On a pris comme prémisse qu'il était possible de « trouver 10 millions de dollars », et nous les avons trouvés.
Nous ne nous sommes pas plaints. Nous avons parlé des répercussions possibles, et j'imagine que d'autres ministères font la même chose, à moins d'avoir pu faire les réductions en faisant des économies.
Dans notre cas, comme nous faisons surtout des émissions et que le gros de nos fonds est affecté aux salaires, ces compressions ont un impact direct sur ce que nous pouvons diffuser. Mais je ne dis pas que nous avons été traités inéquitablement. Bien que je puisse discuter avec vous de toute la logique de ce genre de réductions et des exercices de « réaffectation », nous n'avons pas été traités moins bien que les autres.
M. John Harvard: D'accord, merci.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Je voudrais simplement vous poser quelques questions. Nous parlons des compressions budgétaires qui ont eu lieu au fil des ans, et nous savons qu'on a beaucoup miné le tissu culturel et la capacité de la SRC de faire son travail. Lorsque vous dites qu'il y aura moins d'épisodes de This Hour Has 22 Minutes, cela en dit long. Je connais beaucoup des gens qui travaillent à cette émission-là. Cela en dit long.
J'ai récemment été au Festival international des auteurs et j'ai entendu parler de l'émission Jonathan Crosses Canada, qui n'a pas les moyens de traverser le Canada; la plupart de leurs projets ne se réalisent pas faute d'argent. Donc étant donné la réduction du personnel artistique et technique, et l'épuisement professionnel, la société a encaissé un dur coup.
Comme vous le savez, ce comité a vigoureusement recommandé que l'on continue à octroyer un financement stable et accru.
Nous avons entendu beaucoup de choses importantes ici aujourd'hui. Vous avez eu une réduction de 10 millions de dollars, et nous ne nous y attendions pas. La ministre avait promis au printemps que les 60 millions de dollars seraient là.
Donc la question est, je suppose, qu'en pensez-vous? Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à l'avenir? Il y a une relève de la garde; les années Chrétien sont finies. Paul Martin arrive, et semble déjà parler de nouvelles réductions.
Êtes-vous optimiste, pensez-vous entrer dans une période où la radiodiffusion publique se verra attribuer le mérite et accorder l'appui dont elle a besoin? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
 (1245)
M. Robert Rabinovitch: Je dois commencer par vous dire que je suis optimiste de nature. À mon avis, le verre est à moitié plein, non pas à moitié vide. Le fait même que votre comité a produit le rapport qu'il a produit, le fait même que vous nous avez invités à comparaître, la séance que nous avons eue avec les sénateurs, que j'ai trouvée extrêmement positive... J'ai l'impression qu'on comprend mieux le rôle de la radiodiffusion publique dans le contexte actuel de la radiodiffusion, qui a si radicalement évolué, que depuis longtemps. J'ai bon espoir que cela se traduira par un financement public stable du radiodiffuseur public.
Je crois également qu'avec la mondialisation, l'intégration des économies, le désir de préserver de bonnes relations avec nos divers partenaires économiques, c'est d'autant plus important si nous voulons être un pays indépendant que nous ayons un radiodiffuseur public qui racontera ces histoires canadiennes, qui aura des gens à l'étranger.
Nous avons 40 personnes en Irak et dans cette région. TVA en avait une. Je cherche toujours quelqu'un de Global; Global n'a pas couvert cette situation à part les reportages en provenance des radiodiffuseurs américains. Nous avons toujours des gens là-bas. Cela nous coûte cher, mais c'est un reportage qu'il faut faire, en français et en anglais, d'un point de vue canadien. C'est ce que font les pays indépendants; il y va de l'âme de notre nation. Ce ne sont pas que nos histoires, ce sont également les événements qui se produisent au-delà de chez nous, et il faut raconter ce qui s'y déroule.
L'une des choses que nous avons faite au cours des dernières années de compressions budgétaires, c'est que nous avons ouvert 20 nouveaux bureaux dans tout le pays. Nous nous sommes ouverts et nous avons complété la chaîne culturelle d'un bout à l'autre du pays. Nous avons fait des efforts et trouvé l'argent nécessaire pour faire ces choses-là parce que nous estimons qu'il y va du tissu de la nation. Voilà pourquoi, à notre avis, le Parlement a créé un radiodiffuseur public. Je suis optimiste et j'espère que mon optimisme est justifié.
Mme Wendy Lill: Dans l'une des recommandations que nous avons formulées après avoir parcouru le pays à l'écoute des Canadiens, nous avons proposé des modifications à la politique télévisuelle du CRTC de 1999, puisqu'il semble au fond que cette politique ronge le contenu canadien et la capacité des gens d'obtenir du travail et de créer du contenu canadien. Je me demande ce qu'en pense la SRC et comment vous avez composé avec cette politique chez vous.
Ensuite, quel genre de modifications pourrait-il y avoir ici—modifications stratégiques plutôt que financières—afin de renforcer votre position et de renforcer la radiodiffusion publique?
M. Robert Rabinovitch: À mon avis, la radiodiffusion publique ne devrait pas avoir le monopole de la programmation canadienne, du talent canadien, et des émissions canadiennes. Vous allez peut-être me trouver vieux jeu, mais je suis pour ce que prévoit la Loi sur la radiodiffusion : que les ondes appartiennent au public. La délivrance d'une licence entraîne certaines responsabilités, dont le contenu canadien.
Lorsque nous avons comparu devant le Sénat, nous n'avons jamais fait valoir, et nous ne ferions jamais, que la SRC est capable de tout faire. Ce que nous voulons et recommanderions et préconisons, c'est que les Canadiens aient un choix multiple, que ce soit dans les actualités, dans la dramatique, ou dans les autres émissions, en anglais et en français. Les règles de 1999 ne nous touchent pas, je crois, n'est-ce pas, Harold? Notre contenu canadien est si élevé et notre programmation est si ciblée que nous n'avons pas à nous inquiéter au sujet de ces conditions-là.
Je crois que les preuves sont assez claires, et je crois que le conseil comprend cela et a bien fait de commencer à tenir des audiences sur la question des dramatiques, et que les règles de 1999 ont peut-être eu pour conséquence non voulue—peut-être que c'était voulu, mais j'en doute—une baisse de la production dramatique canadienne et une forme de production moins cher, telle que les documentaires.
Je ne doute pas un seul instant que ce n'est pas qu'une question d'argent en ce qui a trait au secteur privé. Cela fait partie du rapport de Mme McQueen, à savoir qu'il peut y avoir des façons d'encourager la production de contenu canadien sans que le gouvernement ait à augmenter son financement, en reconnaissant que les conditions de licence peuvent influer de façon très positive sur cela—et peuvent aussi avoir une influence très négative. Le secteur privé fera toujours ce qu'il est censé faire, soit maximiser les bénéfices. Le secteur privé verra les règles sous cet angle-là.
 (1250)
Le président: Vous serez la dernière intervenante, madame Frulla.
Mme Liza Frulla: Je suis contente de vous entendre parler des conditions de licence et de l'importance de s'assurer d'un bon contenu canadien, parce qu'on s'inquiète beaucoup au sein de l'ACTRA, par exemple. Les comédiens ont du mal à se trouver du travail, à exercer leur métier. Ils n'ont aucune latitude. S'ils font quelque chose qui s'avère un navet, c'est fini; et là il y a à nouveau le problème du contenu américain qui se pose.
Je veux revenir au rôle de Radio-Canada. Dans notre rapport, nous avons également dit que Radio-Canada,
[Français]
Téléfilm Canada, l'ONF et le Fonds canadien de télévision
[Traduction]
doivent travailler ensemble. Des fois on a l'impression que l'ONF se range d'un côté et Radio-Canada de l'autre. Nous disposons de beaucoup d'outils. Si nous rassemblions le tout, nous aurions beaucoup de ressources financières, intellectuelles et créatrices, mais parfois on a l'impression que chaque organisme travaille de son côté, sans beaucoup de coordination. Est-il possible de faire ce que nous avons recommandé? Vous dites que les documentaires coûtent de plus en plus cher, mais on pourrait mettre à contribution l'ONF à cet égard. Serait-il possible que tous travaillent ensemble pour maximiser nos ressources?
M. Robert Rabinovitch: Il faut bien comprendre que Radio-Canada, Téléfilm et le FCT travaillent en étroite collaboration, par l'entremise du FCT, etc. Nous croyons qu'il faudrait modifier de façon fondamentale le FCT. Nous croyons aussi que nos objectifs de programmation sont très différents de ceux du secteur privé et qu'à la longue, le FCT devra avoir une enveloppe distincte affectée à la radiodiffusion publique, comme c'était déjà. À l'heure actuelle, on compare des pommes et des oranges. Cela dit, nous travaillons très bien avec le FCT et Téléfilm.
L'ONF est un phénomène intéressant. Il a un petit budget de 60 millions de dollars et beaucoup de frais généraux pour un organisme de sa taille. Par conséquent, il produit relativement peu avec les 60 millions qu'il a. Il s'agit d'un budget peu important. Je peux vous dire que presque toute la production en anglais est radiodiffusée. Depuis plusieurs années, nous avons une excellente relation de travail avec l'ONF. Le résultat c'est que presque tout ce que l'office produit passe aux ondes, surtout s'il sait d'avance que la production doit être coupée pour être présentée à la télévision.
 (1255)
[Français]
Avec l'ONF, c'était beaucoup plus difficile. Pendant plusieurs années, ils considéraient qu'ils constituaient un groupe qui travaillait essentiellement pour le cinéma d'auteur.
[Traduction]
Depuis le changement de président, l'ONF a cherché à être plus cohérent et a travaillé avec nous pour comprendre que les exigences de la radiodiffusion sont assez différentes de celles des présentations que faisait autrefois l'office. La récompense c'est qu'on a un grand auditoire. Nous avons fait des choses comme...
[Français]
M. Daniel Gourd: La série de six demi-heures Le marché Jean-Talon a été réalisée avec l'ONF. Le site Silence, on court, par exemple, est maintenant un projet ONF-Radio-Canada sur le court-métrage sur le web. Il y a aussi actuellement d'autres séries documentaires en collaboration avec l'ONF qui sont en cours. Nous travaillons beaucoup plus avec eux qu'auparavant, parce qu'ils comprennent très bien que la logique de la télévision est différente de celle de la salle de cinéma, et on arrive à faire des projets très intéressants.
[Traduction]
M. Robert Rabinovitch: Mais si l'objectif c'est d'optimiser les dépenses publiques, il y a des changements qui pourraient être apportés.
Le président: La réunion a été fort instructive pour nous, monsieur Rabinovitch. Il nous serait très utile si vous nous envoyiez, comme vous l'avez mentionné, un plan stratégique où vous indiqueriez exactement combien il vous faut, y compris la programmation locale et régionale.
M. Robert Rabinovitch: Merci, monsieur.
Le président: Je tiens à vous remercier, ainsi que vos collègues, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui et d'avoir fait preuve de tant de franchise dans vos réponses.
M. Robert Rabinovitch: Merci de nous avoir donné cette occasion.
Le président: La séance est levée.