AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 14 avril 2005
¹ | 1535 |
Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)) |
Mme Denise Poirier-Rivard (Châteauguay—Saint-Constant, BQ) |
Le président |
¹ | 1540 |
Mme Denise Poirier-Rivard |
Le président |
Mme Denise Poirier-Rivard |
Le président |
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.) |
Le président |
L'hon. Wayne Easter |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, PCC) |
Le président |
Mme Denise Poirier-Rivard |
Le président |
M. Roger Gaudet (Montcalm, BQ) |
Le président |
¹ | 1545 |
Mme Ann Clark (professeure agrégé, Agriculture végétale, Université de Guelph) |
Le président |
Mme Ann Clark |
Le président |
Mme Ann Clark |
Le président |
Mme Ann Clark |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
Mme Ann Clark |
Le président |
M. David Bennett (directeur national, Service de la santé, de la sécurité et de l'environnement, Congrès du travail du Canada) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. Ted Johnston (président et chef de la direction , Alberta Food Processors' Association) |
Le président |
M. Ted Johnston |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Michael McBane (coordonnateur national, Coalition canadienne de la santé) |
Le président |
La greffière du comité (Mme Bibiane Ouellette) |
M. Michael McBane |
Le président |
La greffière |
M. Michael McBane |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Keith Campbell (président, Association canadienne des médecins vétérinaires) |
Le président |
M. Tim Ogilvie (Président, Comité d'experts en génomique animale, biotechnologie et reproduction, Conseil de recherches agro-alimentaires du Canada; et doyen, Collège vétérinaire de l'Atlantique) |
º | 1630 |
Le président |
M. Gerry Ritz |
M. Keith Campbell |
M. Gerry Ritz |
M Tim Ogilvie |
M. Gerry Ritz |
M. Ted Johnston |
M. Gerry Ritz |
M. Ted Johnston |
M. Gerry Ritz |
M. Ted Johnston |
M. Gerry Ritz |
Le président |
Mme Denise Poirier-Rivard |
M. Ted Johnston |
Mme Denise Poirier-Rivard |
º | 1635 |
M. Ted Johnston |
Mme Denise Poirier-Rivard |
M. Ted Johnston |
Mme Denise Poirier-Rivard |
M. Ted Johnston |
Mme Denise Poirier-Rivard |
Mme Ann Clark |
º | 1640 |
Le président |
Mme Ann Clark |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.) |
M. David Bennett |
Mme Rose-Marie Ur |
M. David Bennett |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Ted Johnston |
Mme Rose-Marie Ur |
º | 1645 |
Mme Ann Clark |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley) |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
M. Ted Johnston |
Le président |
M. Nathan Cullen |
Le président |
M. Nathan Cullen |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
º | 1650 |
M. Ted Johnston |
M. Nathan Cullen |
Mme Ann Clark |
M. Nathan Cullen |
Mme Ann Clark |
Le président |
M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC) |
M. Ted Johnston |
º | 1655 |
M. James Bezan |
M. Ted Johnston |
Le président |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
» | 1700 |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
L'hon. Wayne Easter |
M. Michael McBane |
» | 1705 |
Le président |
M. Michael McBane |
Le président |
M. Roger Gaudet |
M. Keith Campbell |
M. Roger Gaudet |
M. Keith Campbell |
M. Roger Gaudet |
M. Keith Campbell |
» | 1710 |
M. Roger Gaudet |
M. Tim Ogilvie |
M. Roger Gaudet |
M. Tim Ogilvie |
M. Roger Gaudet |
M. Ted Johnston |
M. Roger Gaudet |
M. Ted Johnston |
M. Roger Gaudet |
Le président |
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, PCC) |
M. Tim Ogilvie |
» | 1715 |
M. David Anderson |
M. Ted Johnston |
M. David Anderson |
M. Ted Johnston |
M. David Anderson |
M. Ted Johnston |
Le président |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
» | 1720 |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
L'hon. Wayne Easter |
M. Ted Johnston |
L'hon. Wayne Easter |
M. Michael McBane |
» | 1725 |
Le président |
M. Ted Johnston |
Le président |
M. James Bezan |
M. Tim Ogilvie |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 14 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): Mesdames et Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît.
Avant de commencer...
Oui, Mme Rivard?
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard (Châteauguay—Saint-Constant, BQ): Il s'agit d'une mise au point, monsieur le président. La date d'échéance pour le dépôt des amendements est-elle le 3 mai?
[Traduction]
Le président: Non, je veux justement en parler, ensuite je vous laisserai ajouter votre mot. Est-ce possible?
¹ (1540)
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: D'accord.
[Traduction]
Le président: Je veux seulement établir ce que nous avons au programme au sujet du projet de loi C-27 — surtout pour les témoins, parce que j'ai fixé le 21 avril comme date limite pour la présentation des amendements. Laissez moi vous lire une déclaration, afin que nous tous comprenions clairement ce que l'on attend de notre part.
La dernière réunion avec les témoins sur le projet de loi C-27 se tiendra le jeudi 21 avril 2005. Avant d'entreprendre l'étude article par article du projet de loi C-27, je voudrais rappeler aux honorables députés les responsabilités qui nous incombent à titre de comité participant au processus législatif. Selon les règles et usages de la Chambre des communes, c'est à l'étape du comité que sont apportés la plupart des amendements au texte d'un projet de loi. Bien qu'il soit possible de présenter des amendements supplémentaires à l'étape du rapport, comme vous le savez peut-être, ces amendements sont alors soumis à un plus grand nombre de restrictions.
En règle générale, les seuls amendements qui peuvent être présentés à l'étape du rapport sont ceux qui remettent en question ou modifient un amendement adopté à l'étape du comité, qui apportent des amendements corrélatifs au projet de loi à la suite d'un amendement adopté au comité, ou encore qui abrogent un article. Si un député présente à l'étape du rapport un amendement qui aurait pu être présenté en comité, le Président de la Chambre ne le retiendra pas pour faire l'objet d'un débat et d'une décision à la Chambre. C'est pour cette raison que le travail que nous effectuons ici est d'une extrême importance; nous devons ne ménager aucun effort afin d'examiner tous les amendements possibles au projet de loi pendant que le comité en est saisi.
À titre d'information, la greffière vous fournira des copies de la déclaration du Président de la Chambre ainsi qu'un court document intitulé Processus d'amendement des projets de loi aux étapes du comité et du rapport. Vous recevrez ces documents au début de la semaine prochaine.
Il serait dans l'intérêt de tous les membres du comité de remettre vos motions d'amendement à la greffière du comité au plus tard le jeudi 21 avril 2005 à 17 heures, avant l'étude article par article du projet de loi, qui débutera le mardi 3 mai 2005. Vous pouvez aussi recourir aux services du conseiller législatif, Doug Ward, et nous avons ici son numéro de téléphone, pour faire rédiger vos motions d'amendement. Cette mesure devrait nous permettre de mieux organiser notre travail et, par conséquent, de rendre des décisions plus éclairées.
En réponse à votre question, Mme Rivard, et je m'adresse particulièrement aux témoins, comme je l'ai précisé à toutes les réunions, nous souhaitons que les intéressés nous présentent leurs amendements au plus tard le 21 avril. Dans le cas du comité, dans le cadre de l'étude du projet de loi, nous ne sommes pas limités au 21 avril. Nous avons jusqu'au 3 mai, si les amendements sont prêts à cette date, ou même jusqu'à plus tard dans le déroulements du processus. Nous découvrirons peut-être que nous avons besoin de plus d'amendements à mesure que nous progresserons dans notre étude. C'est pourquoi les membres du comité ne sont pas soumis à une date limite pour la présentation d'amendements, mais nous avons besoins d'un calendrier pour la présentation des préoccupations de ceux qui ne font pas partie du comité.
Est-ce que cela répond à votre question, Mme Rivard?
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: J'aurais aimé qu'on repousse l'étude article par article au 10 mai. Le 21 avril, pour le dépôt des amendements, ça va. Vous nous dites que l'étude article par article aura lieu le 3 mai. J'aurais aimé que ce soit reporté au 10 mai afin que nous ayons plus de temps. Est-ce possible?
[Traduction]
Le président: Je donne la parole à M. Easter.
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Comme je l'ai déjà dit au comité, il est assez urgent d'étudier le projet de loi C-40. Sinon, nous risquons d'être la cible de représailles de la part des Américains. Cette mesure est débattue demain à la Chambre. Cela dépendra de la longueur du débat, mais elle devrait arriver au comité bientôt. Nous devrons donc prévoir du temps pour nous en occuper aussi.
Le président: À moins que nous réservions quelques jours pour ce projet de loi… Combien de réunions devrions-nous y consacrer, selon vous, M. Easter?
L'hon. Wayne Easter: C'est un projet de loi assez simple. Cela dépend réellement de l'opposition. Comme je l'ai déjà dit, il y a beaucoup de matière à discussion concernant la Commission canadienne des grains, et le gouvernement a accepté de reporter cette question à une date ultérieure. Toutefois, en ce qui concerne le respect des conditions de l'OMC, le projet de loi a une portée très étroite, et je pense que nous devons le traiter et le renvoyer.
Cela dépend donc à quel point nous voulons y consacrer d'énergie. Je pense que nous pouvons terminer son étude en deux réunions, environ.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, PCC): Cela ne laisse pas de temps pour recevoir des témoins.
Le président: Laissez-moi seulement dire, en réponse à Mme Rivard...
Désolé. Y a-t-il quelque chose que vous vouliez...?
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: Le 3 mai pourrait me convenir pour le dépôt, et le débat pourrait avoir lieu le 10 mai. Donnez-nous deux jours de plus.
[Traduction]
Le président: D'accord. Nous avons la semaine de congé parlementaire pour préparer une partie de nos propositions et les présenter. C'est simplement que nous avons beaucoup de travail et que nous risquons de manquer de temps. Il nous faut traiter le projet de loi C-40, et nous devrons donc trouver du temps.
Nous n'allons pas fixer de limite au 3 mai, parce que nous nous restreignons trop ainsi. Nous aimerions que les amendements soient tous présentés au plus tard le 21 avril, mais pour les membres du comité, ce serait bien sûr injuste de nous limiter au 3 mai. Nous pouvons prévoir en présenter une partie au cours de la semaine du 3 mai, mais cela peut aller au-delà. Je ne crois pas que nous devrions fixer une telle limite. Ce serait limiter les moyens du comité, et je ne crois pas que ce soit ce que nous voulons.
Donc, présentez vos amendements aussi vite que vous le pouvez, et espérons que ce sera prêt pour le 3 mai. D'accord?
Quelqu'un d'autre veut prendre la parole là-dessus?
M. Gaudet.
[Français]
M. Roger Gaudet (Montcalm, BQ): Que se passera-t-il s'il y a prorogation ou dissolution des chambres? Devra-t-on repartir à zéro?
[Traduction]
Le président: Si, pour une raison quelconque nous ne sommes plus ici et qu'une nouvelle législature est en place… Nous, ou nos remplaçants, composerons avec la situation en temps et lieux.
Passons maintenant à la raison de notre réunion d'aujourd'hui. Nous poursuivons notre travail sur le projet de loi C-27.
Je m'adresse donc à nos témoins, et je ne le redirai pas à la fin de la réunion, si vous voulez proposer au comité des modifications ou des changements à ce projet de loi, veuillez le faire d'ici le 21 avril.
Nous avons aujourd'hui avec nous Mme Ann Clark, professeure agrégée à la faculté d'agriculture végétale de l'Université de Guelph.
Nous recevons aussi M. David Bennett, directeur national du Service de la santé, de la sécurité et de l'environnement, au sein du Congrès du travail du Canada.
Avec nous également se trouve le président et chef de la direction de l'Alberta Food Processors' Association, M. Ted Johnston.
Nous recevons aussi M. Michael McBane, coordonnateur national de la Coalition canadienne de la santé; M. Keith Campbell, président de l'Association canadienne des médecin vétérinaires; enfin M. Tim Ogilvie, doyen et président du Comité d'experts en génomique animale, biotechnologie et reproduction du Conseil de recherches agro-alimentaires du Canada.
Nous allons commencer.
Anne, vous êtes la première sur la liste.
¹ (1545)
Mme Ann Clark (professeure agrégé, Agriculture végétale, Université de Guelph): C'est moi la première.
Le président: Comme vous êtes minoritaire, nous vous donnons la chance de commencer.
Mme Ann Clark: Je vous remercie.
J'ai fourni la version écrite de mes observations. Je présume que tout le monde l'a reçue? Dans ce cas, je vais les passer en revue assez rapidement, pour laisser du temps pour les questions.
J'ai eu la chance de lire le compte rendu de témoignages précédents, et les points importants ont déjà été soulignés. Donc, au lieu de les répéter, je pense que je ferai un meilleur usage de mon temps de parole en vous demandant de prendre du recul et d'envisager les enjeux dans leur contexte global...
J'ai l'impression d'être devant un groupe d'élèves qui fouillent dans leurs papiers. Est-ce que tout le monde a le document? Non? J'aurais dû l'écrire sur du papier jaune, pour qu'il ressorte.
Bon est-ce que tout le monde est prêt?
Le président: Nous avons nos exemplaires.
Mme Ann Clark: Donc, je voudrais que nous nous consacrions à…
Nous ne sommes pas prêts.
Le président: J'ai ici des versions françaises de ce document.
Mme Ann Clark: Maintenant que nous sommes prêts, allons-y.
Cela m'inquiète passablement que nous, au Canada, ne reconnaissions pas la gravité d'un certain nombre d'enjeux graves qui concernent le pays et la planète. J'ai fait la liste de ces enjeux sur mon document.
Premièrement, il y a la quasi-absence de profits dans l'agriculture primaire. Le revenu net des agriculteurs canadiens est négatif depuis deux ans. C'est insensé.
Deuxièmement, les profits à la ferme sont de plus en plus rognés par l'industrie agroalimentaire et surtout, dans le contexte actuel, par les entreprises de biotechnologie.
Troisièmement, je m'inquiète grandement, et nous devrions tous être très inquiets, des ramifications de plus en plus nombreuses des coûts transférés à l'externe de l'agriculture à la société et à l'environnement. Certaines lois, comme la Loi sur la gestion des éléments nutritifs, en Ontario, sont conçues en réaction à ce problème, mais ce n'est qu'un aspect du problème.
Ma quatrième préoccupation est la hausse des prix de l'énergie. Nous devons reconnaître qu'une grande partie de ce que nous considérons actuellement comme normal, sur les plans du commerce international, de la mondialisation, de la Wal-Martisation, ainsi de suite, dépend grandement de l'accès à une énergie bon marché. Si l'énergie cessait d'être bon marché, beaucoup de choses changeraient dans le futur. En tenons-nous compte? Planifions-nous en conséquence?
Finalement, le réchauffement du climat est un enjeu énorme, avec d'immenses répercussions sur l'agriculture et l'ensemble de la société.
Voici la question à laquelle je voudrais que vous réfléchissiez en tant que groupe. Le projet de loi C-27 contribuera-t-il à votre capacité de réagir utilement à ces grands enjeux ou bien — et c'est ce qu'il fera d'après moi — ne fera-t-il que vous lier les mains et faire en sorte que ces problèmes se prolongent en vous empêchant de faire ce que vous devez faire?
J'ai lu le résumé législatif de ce projet de loi ainsi que les transcriptions, et je crains vraiment que les Canadiens doivent subir les conséquences de décisions conçues pour répondre à d'autres exigences, en particulier celles de l'industrie ainsi que des États-Unis et d'autres pays, plutôt que conçues d'abord dans l'intérêt des Canadiens et des agriculteurs, ainsi que de l'environnement.
Comment en sommes-nous arrivés là? Comment en sommes-nous arrivés au point où les législateurs bien intentionnés ont rédigé un projet de loi? J'insiste sur le fait que ce projet de loi ne se distingue pas d'un grand nombre de mesures législatives adoptées récemment par les gouvernements du Canada et des provinces. Cela n'a rien de la politique partisane, disons-le.
Selon moi, il y a deux grandes raisons.
Premièrement, les rédacteurs ont accepté, à leur insu ou sans faire d'analyse critique, des prémisses qui pourraient être démontrées comme étant fausses — ou du moins qui n'ont pas été validées.
L'une des prémisses, c'est que ce qui est bon pour l'industrie est bon pour la société. Il y a beaucoup d'exemples que je peux vous donner à cet égard.
La deuxième prémisse, c'est que l'absence de profits en agriculture n'est qu'une conséquence des théories d'Adam Smith, d'une économie de libre-marché, et ne résulte pas d'une politique gouvernementale intentionnelle.
La troisième prémisse, c'est que le remplacement des exploitations agricoles petites et moyennes, et de l'infrastructure qui les encadrait, soit les abattoirs, les postes de classement des oeufs, les boulangeries, les moulins, toutes ces entreprises qui font la transformation des produits agricoles primaires, par d'énormes exploitations et une industrie de la transformation regroupée en conglomérats, est une bonne chose pour le Canada.
La dernière prémisse, et c'est un domaine dans lequel j'ai une certaine expertise, c'est que la biotechnologie a été bénéfique pour le Canada et a même amélioré le rôle du Canada dans le monde, et la perception qu'on en a à l'étranger.
Selon moi, chacune de ces prémisses doit faire l'objet d'un examen critique. Or, elles semblent avoir motivé l'orientation de ce projet de loi.
¹ (1550)
Deuxièmement, et sur un plan plus intellectuel, je dirais que la décision du gouvernement du Canada d'agir en partenaire plutôt qu'en dirigeant de l'industrie a amené le gouvernement à penser comme l'industrie. Je ne le dis pas dans un sens dogmatique ou philosophique, mais au sens concret. L'industrie pense à vendre ses produits. C'est son travail. Ce n'est pas cela qui me dérange. Ce qui me dérange, c'est que le gouvernement se permet de viser à peu près le même objectif que l'industrie: la vente de produits.
Pourquoi est-ce un problème? Selon la manière dont on pose la question, il y a différentes réponses possibles. Je vous ai remis un petit tableau présentant trois grands problèmes pour illustrer ce point.
L'industrie envisage la question du point de vue de ses symptômes et, selon moi, vous devriez l'envisager du point de vue de ses causes.
Par exemple, vous avez au Canada une crise agricole généralisée. D'après moi, c'est un symptôme, et la solution qui s'impose, si l'on présume que c'est là le problème alors qu'en fait ce n'est qu'un symptôme, c'est d'offrir de l'aide financière. Résultat: les agriculteurs sont en colère et il faut régulièrement débloquer des fonds pour les renflouer. C'est une solution qui ne réglera jamais le problème, puisqu'on ne s'attaque jamais à la cause. On traite le symptôme.
Renversons l'équation. La véritable cause tient, selon moi, aux politiques agricoles conçues pour l'industrie. Voilà la cause du problème, dont la crise agricole est le symptôme. Si vous admettez cela et que vous traitez la cause, vous allez examiner les politiques et les repenser. Ce serait la manière de se tirer de ce dilemme.
Pensez aux récoltes Roundup Ready de Monsanto. Si cette méthode agissait sur la cause, Monsanto se retrouverait en faillite au bout d'un an. Mais cela traite le symptôme. Cette méthode traite la mauvaise herbe comme étant le problème, alors que c'est plutôt le symptôme d'un problème beaucoup plus vaste, mais il faut que le problème persiste année après année pour que le produit se vende. S'il traitait la cause et éliminait la mauvaise herbe, le produit ne se vendrait plus; il est donc dans l'intérêt de l'industrie que le problème persiste, et c'est là que le gouvernement est coincé. Il ne revient jamais à la source du problème, alors on se contente de toujours traiter le symptôme.
La pollution des eaux souterraines par les éléments nutritifs est un deuxième exemple. C'est un problème énorme en Ontario, ainsi que dans la région de Lethbridge, dans le secteur qu'on appelle Feedlot Alley, et à beaucoup d'autres endroits dans le monde — en Hollande ou dans le nord-est des États-Unis. Quelle est notre solution? D'après moi, il s'agit là d'un symptôme, et non d'un problème, et notre solution, en Ontario, c'est la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs. Nous avons aussi l'Enviropig, un cochon modifié génétiquement, qui se veut une solution. Pourtant, le vrai problème, la cause de tout cela, c'est l'agriculture industrielle. Si vous pensez à l'agriculture industrielle comme étant la cause plutôt que le symptôme, vous arrivez des résultats différents.
Je ne consacrerai pas plus de temps à cette question, mais je pense que vous vous en tenez aux symptômes alors que vous devriez examiner les causes.
L'autre chose qui m'inquiète dans le fait que le gouvernement pense comme une industrie, c'est que, par définition, il se concentre alors sur les profits. La politique vise à acheminer les profits au propriétaire de la technologie utilisée, quelle qu'elle soit. En agissant ainsi en tant que gouvernement, vous abdiquez votre responsabilité de répartir les profits parmi un plus grand ensemble d'intéressés. D'après moi, c'est un facteur à ne pas négliger.
Le blé Roundup Ready en est un bon exemple. Il a été mis au point grâce à un effort conjoint de Monsanto et du gouvernement du Canada. Je vous ai présenté des chiffres qui résultent d'une étude de modélisation réalisée par Hartley Furtan, de la chaire d'économie rurale à l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon. Ils montrent que les agriculteurs canadiens seront les perdants, qu'ils adoptent ce produit ou non, et que Monsanto gagnera. Le résultat n'est absolument pas surprenant, puisque le produit a été conçu pour bénéficier à l'industrie.
¹ (1555)
Je vous en donne d'autres exemples dans le document. Je ne veux pas accaparer trop de votre temps ici.
Le président: Votre temps est écoulé.
Mme Ann Clark: Mon temps est écoulé? D'accord.
Je vous présente les chiffres là-dedans. Je veux que vous les regardiez.
Le président: Penchons-nous sur la matière en question.
Nous passons maintenant au témoin qui pourrait être le suivant à vouloir faire son exposé. C'est David Bennett. Vous représentez le Congrès du travail du Canada.
Pouvez-vous limiter votre intervention au minimum nécessaire? Je sais que vous avez beaucoup de choses à dire, mais nous avons aussi beaucoup de questions à poser.
M. David Bennett (directeur national, Service de la santé, de la sécurité et de l'environnement, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.
Le Congrès du travail du Canada représente 3 millions de travailleurs et travailleuses des secteurs public et privé des différentes parties du Canada, y compris des travailleurs et travailleuses de l'agriculture, de la production et de la transformation d'aliments ainsi que du transport et de la distribution des aliments. De plus, le CTC représente le personnel de l'inspection des aliments et de la santé publique aux trois paliers de gouvernement.
La salubrité des aliments compte parmi les principaux dossiers sociaux dont le CTC s'occupe. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité et nous le remercions de permettre au public de participer à ses délibérations sur le projet de loi C-27.
Avant de commenter la teneur du projet de loi C-27, je tiens à exprimer deux commentaires d'ordre général. Le premier est que le projet de loi ne comprend pas de clause initiale indiquant son but. La personne lisant le projet de loi pour la première fois ne peut pas savoir qu'il est destiné à mettre en vigueur des normes alimentaires concrètes et d'autres normes sur la sécurité des produits et les activités qui ont ou qui peuvent avoir un effet sur la santé humaine. Cela contraste avec la Loi sur les aliments et drogues, par exemple, qui indique que les normes alimentaires sont nécessaires pour prévenir les préjudices à la santé de la personne qui consomme ou achète l'aliment. Il y aurait lieu de combler cette lacune du projet de loi C-27 en ajoutant une clause d'objet après son titre abrégé:
But de l'ACIA. |
2. L'ACIA a pour but de voir à ce que les normes sur la salubrité des aliments et la sécurité d'autres produits ainsi que les activités connexes qui peuvent avoir un effet sur la santé humaine soient dûment mises en application. |
Ce but ayant trait à la santé et à la sécurité signifie qu'il conviendrait mieux que l'ACIA relève du ministre de la Santé plutôt que du ministre de l'Agriculture.
Deuxièmement, l'ACIA a un défaut fondamental car elle tente de jumeler la promotion du commerce intérieur et extérieur avec la mise en application des règlements sur la sécurité de l'approvisionnement alimentaire canadien. Ces deux objectifs sont nettement incompatibles parce que la réglementation efficace restreindra invariablement le commerce et la circulation des produits. Personne ne croit qu'il faut sacrifier la sécurité au profit du commerce. Nous sommes sûrs que le gouvernement du Canada ne le croit pas. Or, il devrait l'indiquer. D'autre part, une société en santé n'a pas besoin de coûteux programmes et politiques et est aussi une société économiquement prospère.
Il y a une autre conséquence, c'est la situation difficile dans laquelle se trouvent les inspecteurs du gouvernement travaillant pour l'ACIA. À l'heure actuelle, les inspecteurs qui font appliquer les lois et règlements visant à assurer la salubrité des aliments sont pris entre l'arbre et l'écorce. Ils sont là pour faire un travail qui devient difficile s'ils n'ont pas la confiance de la population et s'ils doivent tenir compte des pressions exercées par une structure de gestion qui a aussi pour but de promouvoir la commercialisation des aliments. Personne ne devrait avoir à faire un travail d'importance vitale comme celui-là en prenant toujours garde de ne déplaire à personne.
Le mandat de promotion du commerce intérieur et extérieur est extrêmement faible: il ne repose que sur la simple déclaration faite dans le préambule de la Loi de 1997 sur l'ACIA selon laquelle le gouvernement fédéral entend promouvoir les échanges commerciaux et le commerce. Une brève déclaration dans un préambule n'ayant pas trait au travail de l'agence ne veut rien dire en elle-même, mais elle ouvre la porte à la poursuite d'objectifs incompatibles. On pourrait facilement régulariser la situation en intégrant la nouvelle clause suivante au projet de loi C-27, après le titre abrégé et les définitions:
Mandat de l'ACIA. |
3. L'ACIA n'existe que pour mettre en application les normes relatives aux aliments et les normes connexes relevant du champ d'application de la loi. Aucun membre du personnel de l'Agence ne communiquera avec une partie qui est ou qui peut être réglementée en vertu de la Loi à des fins autres que la mise en application de la Loi. |
Si le gouvernement n'arrive pas à y intégrer pareilles déclarations sur le but et le mandat de l'ACIA, il devrait retirer le projet de loi. Tel qu'il a été déposé, le projet de loi va à l'encontre de l'intérêt du public.
Une modification accessoire consisterait à retirer les mots suivants du préambule de la Loi de 1997 sur l'ACIA: « Attendu [...] que le gouvernement fédéral entend promouvoir les échanges commerciaux et le commerce ». La situation actuelle est que le public ne peut connaître qu'approximativement et avec beaucoup de difficulté les sommes que l'ACIA consacre à la promotion commerciale et à l'investissement.
L'article 56 du projet de loi donne à l'agence d'importants pouvoirs d'établissement de règlements. Il devrait en être ainsi, pourvu que ces pouvoirs ne servent pas à établir des normes arbitrairement élevées qui obligeraient de petits producteurs et transformateurs à se retirer du marché. Or, nous ne connaîtrons la force que peut avoir la loi C-27 qu'une fois que nous verrons les règlements pris en vertu de son article 56 ainsi que la consolidation, la modernisation et l'élargissement de la base de réglementation de l'agence qui découleront de la promulgation de la loi C-27.
Il est clair que le gouvernement entend mettre en oeuvre le programme de réglementation intelligente. Cela risque fort bien de rendre la loi C-27 inefficace. Le danger se présente sur deux plans. Premièrement, la réglementation intelligente est expressément destinée à accroître le rendement du marché et la compétitivité, soit précisément ce que l'ACIA ne devrait pas faire, comme nous venons de le dire. Le rendement du marché et la compétitivité relèvent d'un tout autre volet de la stratégie industrielle.
º (1600)
Deuxièmement, la réglementation du genre proposé dans le cadre du programme de réglementation intelligente risque d'être faible et inefficace. La plupart des normes alimentaires actuelles sont des normes de prescription, c'est-à-dire qu'elles prescrivent des limites concrètes ou l'interdiction de la présence de contaminants alimentaires. Par exemple, la Loi sur les semences interdit carrément « la vente, l'importation et l'exportation de semences non conformes aux normes réglementaires ».
La Loi sur les aliments et drogues stipule qu'il est interdit de fabriquer, de préparer, de conserver, d'emballer ou d'emmagasiner pour la vente des aliments dans des conditions non hygiéniques.
Ces normes sont efficaces et exécutoires, en principe. Cependant, la réglementation intelligente vise notamment à ce que les normes se présentent sous forme de « normes d'exécution », qui indiquent un but et confient à la partie réglementée la tâche de le respecter. Par exemple:
Les aliments doivent être fabriqués d'une manière adéquate pour protéger la santé humaine et ils peuvent contenir des quantités d'additifs ne présentant pas de danger pour la plupart des êtres humains dans des conditions de consommation normales. |
C'est une norme d'exécution. Il est impossible de la mettre en application: on ne peut que traduire en justice les parties reconnues comme ayant enfreint la norme, une fois que le dommage à la santé a été causé. Il ne s'agit pas d'une approche fondée sur le principe de la prévention ou de précaution.
Il serait possible de rectifier la situation en intégrant l'article suivant sous la rubrique « Règlements »:
57. Les règlements pris en vertu de cette Loi seront aussi précis que le permet l'activité réglementée ou le sujet. |
Qui plus est, les normes de prescription doivent être mises en application en vertu d'une politique de conformité qui a force de réglementation et que le public connaît.
Prenons le cas de la récente crise de la maladie de la vache folle. Le débat au sujet de la salubrité des aliments et du bien-fondé de la réouverture de la frontière canado-américaine au boeuf canadien s'est déroulé dans un climat où l'agence maintenait le secret et, par conséquent, le public était maintenu dans l'ignorance. Personne ne savait combien de vaches canadiennes avaient fait l'objet d'analyses, quel était l'âge et l'état de ces vaches, quelles étaient les règles à suivre pour rendre publics les résultats des analyses ni quelles étaient les mesures à prendre si les résultats étaient positifs.
Rares sont les personnes qui connaissaient les règles internationales de tolérance des cas de maladie de la vache folle ou qui savaient si le débat sur la sécurité publique avait un sens. L'ignorance était tout aussi grande au sujet du système d'analyse parallèle des États-Unis et du soupçon que le niveau des analyses de ce pays était inférieur à celui des nôtres et qu'il arrivait que des résultats soient supprimés.
Dans un rapport de 1999, la vérificatrice générale du Canada signalait le manque de transparence de l'ACIA: elle ne présentait pas de rapport sur ses mesures de vérification du respect de la loi et des règlements, et ses communications avec le public étaient unidirectionnelles, de l'agence au public. La situation n'a guère changé depuis 1999.
Il y a lieu d'intégrer un nouvel article sous la rubrique « Règlements »:
58. Les politiques de conformité de chaque secteur d'exécution de la Loi doivent être rendues publiques et approuvées par le Ministre, et elles auront force de loi et seront obligatoires dans le cadre du travail de l'Agence et de l'exécution de la Loi. |
Bien que la loi semble avoir beaucoup de force, elle affaiblit en fait le Système d'assurance de la salubrité des aliments, au nom du commerce. La loi autorise l'ACIA à conclure des ententes avec des gouvernements et des organisations — entendre « des entreprises » — du Canada et d'autres pays sur la collecte, l'utilisation et l'échange d'information à des fins de réglementation.
L'ACIA peut conclure des ententes avec des gouvernements ou des organisations de pays dont les prescriptions juridiques ressemblent à celles du Canada ou dont les systèmes de production ressemblent à ceux du Canada. Elle peut aussi conclure des ententes avec des gouvernements et des organisations privées d'autres pays au sujet des résultats d'inspection.
Notre principal reproche à l'égard de ces articles est qu'il est impossible de vérifier les conditions des ententes. Le public canadien ignore tout simplement si les prescriptions juridiques, les systèmes d'inspection et les installations d'autres pays — entendre « les États-Unis » — sont comparables à ceux du Canada, et rien ne nous garantit que l'agence le sait.
D'après ce que nous savons des conditions qui règnent dans les principaux abattoirs américains, il conviendrait mieux de les comparer à celles des abattoirs de Chicago d'il y a un siècle qu'à celles des abattoirs canadiens. Pourtant, le projet de loi C-27 laisse le gouvernement et les entreprises des États-Unis s'en tirer à bon compte.
Un dernier commentaire à ce sujet est que les dispositions en question sont discriminatoires à l'égard des producteurs d'aliments canadiens car ceux-ci sont tenus de respecter les normes établies dans la réglementation, dont les conditions concrètes sont inconnues, plutôt que celles que prévoirait une quelconque entente.
Les entreprises canadiennes peuvent se tirer d'affaire d'une autre manière. L'article 57 du projet de loi C-27 permet l'incorporation par renvoi de normes d'application volontaire produites par des organismes de normalisation et des associations commerciales ou industrielles. Puisque ces normes sont plus faibles, mois rigoureuses et moins normatives que des règlements, cela revient à la déréglementation ou à l'autoréglementation par l'industrie, qui est à peu près la même chose.
Le Congrès du travail du Canada préférerait voir carrément rayer les articles de 8 à 14, et 57. Nous demandons au comité d'au moins délibérer sur un remaniement radical de ces articles, puisqu'ils entravent fondamentalement l'efficacité de la loi.
Tout cela est présenté respectueusement au nom du Congrès du travail du Canada.
º (1605)
Le président: Merci beaucoup.
M. Ted Johnston, de l'Alberta Food Processors Association, a maintenant la parole.
M. Ted Johnston (président et chef de la direction , Alberta Food Processors' Association): Je tiens à préciser que je préside également la Food Processors Alliance of Canada, qui représente toutes les associations provinciales et qui est associée à l'association des Produits alimentaires et de consommation du Canada.
Le président: Votre exposé est-il...?
M. Ted Johnston: Il est en style télégraphique uniquement, car nous n'avons pas eu le temps de rédiger un exposé officiel.
Mon témoignage s'inscrit à la suite des deux précédents. Comme c'est généralement le cas dans ce genre de situation, je suis sûr que vous constaterez d'importantes divergences.
Je représente ici le croque-mitaine, pour reprendre un peu les propos d'Ann. Je représente l'industrie. J'aimerais signaler et réaffirmer aux membres du comité l'importance de cette industrie. Nous ne sommes pas d'accord; nous croyons que cette industrie est le meilleur filet de sécurité qui soit pour les agriculteurs du Canada. Si nous faisions plus de transformation ici, en fait, les revenus agricoles augmenteraient.
L'industrie a un chiffre d'affaires de 71 milliards de dollars par année, soit 10 p. 100 du produit intérieur brut manufacturé. Nous venons au second rang en importance dans l'économie du Canada derrière l'industrie de l'automobile. Nous donnons de l'emploi à plus d'un quart de million de Canadiens, ce qui représente un peu moins de 10 p. 100 des chiffres de l'organisation de David. Nous payons plus de 7 milliards de dollars en salaire. C'est considérable, et ce projet de loi a un impact direct quotidien sur cette industrie pour ce qui est de sa capacité de mener ses activités.
Le marché canadien consomme 75 p. 100 de notre production et le reste va principalement aux États-Unis, ce qui pose des problèmes. J'en parlerai davantage en parcourant les articles. Nous avons eu différents problèmes ces dernières années, l'ESB n'étant pas le moindre. Il y a la conformité à la loi américaine sur la sécurité intérieure et le nombre croissant de litiges. On dit souvent que les aliments seront traités comme le tabac l'a été, et cela a déjà commencé à se produire.
Nous avons une autre grande préoccupation qui, à mon avis, fait partie du problème des revenus agricoles. Seulement 36 p. 100 de notre production agricole est transformée au Canada. Nous avons ici un point de référence: la province de Québec traite 85 p. 100 de sa production. Les autres provinces sont bien en deçà de ce pourcentage et vendent leurs produits agricoles aux prix mondiaux ou moins, et nous ne produisons pas à bas prix. Les principes d'Adam Smith continueront d'entrer en jeu.
Une de nos grandes préoccupations concerne l'harmonisation avec notre plus important partenaire commercial. Certains points du projet de loi auront une incidence positive à cet effet.
Notre industrie appuie le projet de loi de façon générale. Il comporte des aspects positifs, notamment les articles 9, 10, 11, 16 et quelques autres articles connexes, qui traitent aussi des importations. Il serait bien si le projet de loi permettait d'uniformiser les règles du jeu, parce qu'à l'heure actuelle les produits concurrentiels importés n'ont pas à respecter les mêmes normes que ceux qui sont manufacturés et transformés ici au Canada. Nous aimerions que les accords réciproques d'inspection soient appliqués. Cela devrait faciliter le commerce, et je ne crois pas que le mot commerce soit un vilain mot. Ces accords devraient réduire les retards pour les produits périssables et semi-périssables, ce qui serait bon pour notre pays.
David a parlé de l'article 57. Je crois que c'est un bon article s'il est bien appliqué et il pourra permettre aux gens concernés de participer à l'élaboration de la réglementation. Si ce processus est officialisé et mis en place, il pourrait constituer un grand pas en avant.
L'article 74 est absolument incontournable à mon avis. Nous croyons dans l'industrie que nous établissons des normes pour les laboratoires à l'échelle du pays, que nous avons des pratiques uniformes à cet égard et que des inspections se tiennent pour veiller au respect de ces normes.
L'article 76, qui donne au ministre le pouvoir de détruire rapidement un produit pour montrer que nous avons pris des mesures fermes pour régler un problème — et nous aurons des problèmes —, sera certainement très bon à mon avis pour renforcer la confiance des consommateurs.
Les problèmes que nous éprouvons concernent très précisément l'article 56. Comme il est simplement question des pouvoirs en cause cela pose des difficultés, mais nous indiquerons certaines de nos préoccupations à cet égard.
L'alinéa 56a) concerne la tenue des dossiers. Nous devons déjà respecter les exigences de tenue des dossiers que nous imposent les États-Unis pour nos exportations. Il existe une série d'exigences de tenue des dossiers tant à la ferme que dans les usines de transformation pour différents éléments, notamment l'environnement, la salubrité des aliments, la santé et la sécurité au travail. Nous devons tenir des dossiers pour toutes ces choses. Il n'y a aucune communication entre ces secteurs. Nous continuons d'ajouter de la paperasse à produire et de nouvelles exigences de rapport à satisfaire sans nous demander comment regrouper ces exigences le plus possible pour que les gens n'aient pas à passer toute leur vie à remplir des formulaires, mais puissent plutôt vaquer à leurs occupations. Cela s'applique aussi, comme je l'ai dit, à nos agriculteurs.
º (1610)
Nous devons absolument harmoniser nos exigences concernant la tenue des dossiers avec celles des États-Unis. Il existe un bel exemple de cela, mais il ne relève pas de l'ACIA, et c'est la législation sur l'étiquetage nutritionnel. Aux termes de cette dernière, nous produisons nos étiquettes, qui ressemblent aux étiquettes américaines et contiennent la même information, sauf qu'au Canada il existe des normes différentes quant aux valeurs nutritionnelles quotidiennes et les étiquettes ne se lisent pas de la même façon.
L'exemple le plus ridicule est que sur notre étiquette, si un produit contient 20 grammes d'un ingrédient, il faut écrire «20g», mais aux États-Unis il faut écrire «20 g» avec une espace. Pour une espace, il faut imprimer deux étiquettes différentes. Voilà un exemple classique où le manque d'harmonisation augmente les coûts des entreprises de transformation canadiennes. Franchement, il aurait été facile de nous épargner cela. Ce qui nous inquiète, c'est que nous ne fassions pas la même chose ici, si nous harmonisons les exigences de tenue des dossiers.
En ce qui concerne l'exigence d'utiliser des moyens électroniques pour tenir les dossiers et communiquer avec l'ACIA, nous nous préoccupons évidemment de ce qu'il s'agit exactement et des coûts que cela comportera. Je signalerai aux membres du comité que même si l'industrie est importante et compte 5 700 fabricants de produits alimentaires au Canada, moins de 500 pourraient être qualifiés de gros fabricants. Par exemple, dans la province d'Alberta, où on retrouve plus de 650 entreprises de transformation, seulement 12 ont plus de 100 employés et seulement 70 autres comptent de 25 à 100 employés. La vaste majorité de ces entreprises sont donc de petites et moyennes entreprises — de 5 à 10 à 15 millions de dollars — comptant 25 employés ou moins. Si tout à coup on leur impose de tels coûts sans trop penser et sans s'assurer que si ces entreprises font les investissements nécessaires les règles ne changeront pas dans six, huit ou dix mois, cela peut avoir un impact très négatif sur la capacité de l'industrie de s'autofinancer, sans parler de sa capacité de croître.
Après avoir lu le projet de loi et le résumé du regroupement de divers pouvoirs conférés aux inspecteurs par différentes lois — j'ai passé une merveilleuse fin de semaine de lecture —nous sommes préoccupés par le fait que cela semble plus s'expliquer par des considérations budgétaires que par des considérations d'ordre pratique. Si on s'imagine qu'on peut donner aux inspecteurs des usines de mise en conserve du poisson les mêmes pouvoirs et les envoyer dans les abattoirs, je peux vous garantir que l'inspecteur qui s'occupe des saumons ne peut, en regardant un animal, vous dire qu'il est âgé de plus de 30 mois. Cela nous effraie énormément, et je crois que cela devrait effrayer les Canadiens et les consommateurs canadiens. Ce genre de diversification est problématique. On couvrirait tout un éventail de secteurs. Des inspecteurs de district iraient dans des usines donner des approbations. Cependant, s'ils ne sont pas ingénieurs et si, en fait, ce sont des experts en ce qui concerne les semences dans une ferme expérimentale, un laboratoire ou une installation du genre, de quoi se mêleraient-ils? Voilà ce qui pourrait se produire aux termes de cette loi sous sa forme actuelle.
Il est absolument inacceptable que l'ACIA établisse et réglemente des programmes de gestion de la qualité. Le rôle de l'ACIA, selon nous, est de veiller à la salubrité des aliments, non à la gestion de la qualité. Dans le domaine de l'alimentation, on retrouve une vaste gamme de qualité et de prix. On le voit tous les jours à l'épicerie. Cette question ne relève pas de la réglementation. La salubrité des aliments? Oui. La qualité? Il existe une équation qualité-prix qui va ensemble.
Je vois qu'il me reste une minute, je devrai accélérer. J'espère que vous pourrez me poser des questions sur ces points plus tard.
En ce qui concerne l'alinéa 56r), le fait qu'il ne vise pas un résultat explique pourquoi nous discutons de toutes ces préoccupations aujourd'hui. J'espère que nous pourrons vous parler davantage à ce sujet plus tard.
L'alinéa qui me trouble le plus est le 56w) qui traite du processus d'appel prévu. L'alinéa 25(1)h), vous le constaterez, donne aux inspecteurs le droit de fermer une usine. Si on me pose la question plus tard, je donnerai un exemple de ce qui est arrivé quand cela s'est produit. Nous avons besoin d'intervenir rapidement quand une telle mesure est prise, et je ne vois rien en ce sens ici.
º (1615)
Que cherchons-nous? Nous cherchons quelque chose de plus large que ce qui existe actuellement, quelque chose qui permettrait d'établir un mécanisme pour reconnaître les usines inspectées à l'échelle provinciale afin de faciliter les échanges entre les provinces. Nous pratiquons le libre échange avec les États-Unis, mais non au sein du Canada.
Pour ce qui est de la reconnaissance d'une tierce partie, nous ne voulons pas que la bureaucratie s'alourdisse. Plusieurs bonnes organisations peuvent s'occuper, entre autres, de l'accréditation HACCP. Nous avons besoin d'un mécanisme qui reconnaît ces normes à l'intérieur de segments et qui les met en place.
Nous avons parlé du mécanisme d'appel et des normes axées sur les résultats. Nous devons toutefois harmoniser nos pratiques avec celles de nos principaux partenaires commerciaux, sinon nous continuerons à nous expulser nous mêmes de ce secteur d'activités.
Le président: Merci, M. Johnston.
M. McBane, de la Coalition canadienne de la santé, a maintenant la parole.
M. Michael McBane (coordonnateur national, Coalition canadienne de la santé): Merci, monsieur le président.
J'ai envoyé deux documents avec mon exposé, les appendices A et B. Je ne crois pas que les membres les aient reçus.
Le président: Ont-ils été traduits?
La greffière du comité (Mme Bibiane Ouellette): Je suis désolée, nous n'avons pas eu le temps de les traduire. Ils sont en cours de traduction.
M. Michael McBane: Je demanderais à ce qu'ils soient consignés au dossier.
Le président: Ils le seront.
La greffière: Ils seront remis aux membres quand ils auront été traduits.
M. Michael McBane: Je vous remercie de faire traduire le reste dans un court délai.
La Coalition canadienne de la santé tient à remercier le comité de lui permettre d'exprimer ses réserves par rapport au projet de loi C-27 et à ses répercussions. Selon l'analyse de la Bibliothèque du Parlement, l'Agence canadienne d'inspection des aliments décrit ce projet de loi comme une réponse, en partie, à la flambée d'ESB au Canada. Il importe d'examiner de près cette affirmation.
La création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments en 1997 a constitué une rupture radicale avec les organismes et programmes de réglementation traditionnels. Il serait prudent d'évaluer les répercussions de cette nouvelle démarche de réglementation de la salubrité alimentaire avant de l'arrêter au moyen d'une loi.
Dans quelle mesure le rendement de l'ACIA a-t-il été satisfaisant en application de cette nouvelle démarche d'autoréglementation favorable à l'industrie? De quelle façon les méthodes d'inspection et de réglementation de l'ACIA, que l'on demande au Parlement de codifier dans la loi, ont-elles protégé les Canadiens de l'ESB?
Les programmes de réglementation ont toujours été fondés sur des règlements exigeant que les entreprises se conforment à certaines normes de production ou de prestation de services, ainsi que sur un système d'inspection et d'amendes visant à assurer le respect des règlements. Il ne faut pas mettre le renard dans le poulailler.
Le gouvernement a conservé la responsabilité principale d'élaborer les règlements et d'en assurer le respect. La création de l'ACIA a constitué un changement radical par rapport à la réglementation traditionnelle. Nous sommes passés d'un modèle de réglementation de type dissuasif et répressif à un système d'autoréglementation par l'industrie. Ce recours croissant à l'autoréglementation, à l'autoinspection et à la conformité volontaire de l'industrie a-t-il porté fruit? Nous a-t-il protégés de l'ESB? L'ACIA a augmenté sa fréquence d'utilisation de normes établies par des tiers et d'application de normes acceptées à l'échelle internationale. Or, ces deux initiatives ont suscité la controverse.
Je vais énumérer certains aspects problématiques dont on ne tient pas compte lorsqu'on aborde la question du remplacement des règlements par des normes. Cette démarche entraîne de graves préoccupations, notamment en ce qui concerne les processus de sélection des organismes de normalisation, la composition de ces organismes, la compétence scientifique des membres, l'absence de responsabilisation, la confidentialité, les conflits d'intérêts financiers, l'exclusion des intérêts publics, le recours à des données industrielles confidentielles et discutables, et le manque de transparence des méthodes.
L'ACIA s'est éloignée de la réglementation dans l'intérêt du public et des inspections sur place pour aller vers la vérification papier du rendement d'une entreprise. Cette démarche nous a-t-elle protégés de l'ESB? L'ESB est actuellement en incubation au Canada; le manquement de l'ACIA est donc manifeste, mais le gouvernement du Canada propose de la récompenser en lui donnant plus de pouvoirs législatifs. Combien d'argent les dispositions réglementaires établies par l'ACIA en 1997 relativement aux aliments du bétail ont-elle permis d'épargner? Le paragraphe 132(1) de la partie XIV du règlement pertinent comporte six échappatoires permettant le recyclage des protéines animales. L'article 2 en comporte un autre. Le paragraphe 135(3) en comprend un huitième. Ces merveilleuses dispositions réglementaires de 1997 interdisant le recyclage des protéines renferment huit échappatoires. De toute évidence, en donnant à l'industrie la réglementation que celle-ci désire, l'ACIA n'a pas empêché la crise de l'ESB.
En rétrospective, combien ces dispositions réglementaires favorables aux usines d'équarrissage et aux provenderies ont-elles coûté à nos producteurs de boeuf? Pourquoi ne nous posons-nous pas ces questions? Pourquoi les producteurs de boeuf se font-ils écraser par ce genre de méthodes d'inspection, de normalisation et de conformité volontaire? Nous allons de l'avant comme si le système n'avait pas failli complètement.
L'ACIA, à l'instar du département de l'Agriculture des États-Unis, l'USDA, a deux mandats incompatibles: promouvoir le commerce et assurer la salubrité alimentaire. Il est clair que le commerce domine. Depuis 1997, l'agence a fermé des laboratoires et a ainsi réduit ses capacités scientifiques. Elle a embauché de nombreux employés détenant une maîtrise en administration des affaires ou un diplôme en communications, et elle a adopté un mécanisme de vérifications papier. Je peux vous garantir que la manipulation des médias et les relations publiques ne forment pas un bon programme de lutte contre l'ESB.
Le dossier de l'ESB est le plus grand échec de l'ACIA. Selon William Leiss, de la Société royale du Canada, le fait que l'agence n'ait pas pu protéger les Canadiens de l'ESB révèle des manquements inacceptables dans l'évaluation du risque, des programmes de surveillance bâclés en vue de lutter contre les maladies animales et, surtout, un refus entêté d'imposer une interdiction complète des protéines de ruminants dans les aliments du bétail.
º (1620)
Des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information montrent que, en 1998, un comité supérieur de Santé Canada avait avisé l'ACIA des dangers de la présence de sang dans les aliments du bétail. Il a affirmé, comme vous le verrez à l'annexe A, qu'« aucune quantité de prion ne peut être considérée comme sécuritaire actuellement ». Le comité a aussi dit que « le fait qu'une espèce se nourrisse de produits venant de la même espèce accroît le risque d'émergence d'une maladie ». L'ACIA a répondu à cela: « Nous n'avons pris aucune mesure. Actuellement, il ne semble pas y avoir de preuves définitives... »
Voilà pour le principe de prudence.
Si l'on n'applique pas le principe de prudence à la lutte contre l'ESB, dans quelles circonstances l'appliquera-t-on? L'ACIA attend des preuves définitives que le sang présente un risque d'ESB? Selon le Stanley Prusiner, prix Nobel qui a découvert le prion, la protéine malformée qui joue un rôle dans la genèse de l'ESB, il est « stupide » de nourrir les bovins avec du sang bovin.
En janvier 2001, la Coalition canadienne de la santé a écrit au ministre de la Santé au sujet du manquement au devoir découlant du défaut d'adopter des mesures de précaution pour protéger les Canadiens contre les matières à risque connues. La lettre se trouve à l'annexe B; elle est enregistrée officiellement. Le gouvernement a été avisé qu'il exposait la population au risque d'ESB; à ce jour, il autorise encore le recyclage des matières pouvant transmettre la maladie.
La Coalition canadienne de la santé recommande au comité: 1) que le projet de loi C-27 soit rejeté; 2) que le gouvernement du Canada mette fin à l'expérience ratée de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et qu'il assure la responsabilité de la salubrité et de la sécurité de l'approvisionnement alimentaire du pays par l'entremise d'un organisme indépendant qui relèverait directement du Parlement; 3) que le gouvernement du Canada examine les manquements de l'ACIA attribuables à sa confiance accrue envers l'autoréglementation de l'industrie et qu'il repense les initiatives de réglementation intelligente à la lumière des leçons apprises du désastre de l'ACIA.
Je vous remercie.
º (1625)
Le président: Merci beaucoup, monsieur McBane.
C'est maintenant au tour de M. Keith Campbell, de l'Association canadienne des médecins vétérinaires. Parlez-vous au nom des deux groupes?
Monsieur Ogilvie, parlerez-vous aussi? D'accord.
M. Keith Campbell (président, Association canadienne des médecins vétérinaires): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais dire que c'est un honneur pour moi qu'on m'ait demandé de venir témoigner. J'admire tous les efforts mis par les autres témoins dans la préparation de leurs exposés. Le mien est très bref et, faute de temps, je n'ai pas eu l'occasion de préparer une version écrite dans les deux langues.
L'Association canadienne des médecins vétérinaires s'intéresse à la santé et au bien-être des animaux ainsi qu'à la salubrité des aliments. Les membres de l'association estiment que l'Agence canadienne d'inspection des aliments fait un travail adéquat compte tenu des mesures législatives disparates avec lesquelles elle doit composer et des ressources humaines et financières dont elle dispose. Nous savons que le projet de loi vise à regrouper et à uniformiser les pouvoirs des inspecteurs de toutes les catégories de produits.
L'Association canadienne des médecins vétérinaires est d'avis que, pour protéger la salubrité de l'approvisionnement alimentaire du Canada, l'ACIA doit jouir de ressources humaines et financières et de pouvoirs législatifs accrus. Nous pensons qu'il faut améliorer la collaboration entre l'ACIA et l'industrie et les associations de médecins vétérinaires. Nous sommes disposés à participer à la formation d'un organisme indépendant qui fournirait des conseils à l'ACIA.
Voilà qui conclut mon exposé.
Le président: Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Ogilvie, du Collège vétérinaire de l'Atlantique.
M. Tim Ogilvie (Président, Comité d'experts en génomique animale, biotechnologie et reproduction, Conseil de recherches agro-alimentaires du Canada; et doyen, Collège vétérinaire de l'Atlantique): Monsieur le président et chers membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. Comme M. Campbell, je serai bref. Je vais me présenter, en quelque sorte. Si vous avez des questions, je pourrai peut-être répondre.
Je suis le doyen du Collège vétérinaire de l'Atlantique de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis vétérinaire de formation. Le mandat des collèges vétérinaires est de former non seulement des docteurs en médecine vétérinaire, mais aussi des étudiants de deuxième et troisième cycles dans de nombreux domaines. Nous réalisons aussi des travaux de recherche et offrons des services professionnels. Nous formons la majorité des vétérinaires du Canada. Un grand nombre d'entre eux deviennent des employés de l'ACIA.
J'ai été président de la Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada. À l'heure actuelle, je suis le président du Comité d'experts en santé animale. Il s'agit d'un petit comité du Conseil de recherches agro-alimentaires du Canada, mais il est formé de vétérinaires de toutes les provinces ainsi que d'autres experts.
J'ai examiné le résumé législatif. J'appuie le projet de loi en principe, car il propose une amélioration des pouvoirs législatifs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Pour ma part, je serais heureux, par l'entremise du Comité d'experts en santé animale et de mes collègues des autres écoles de médecine vétérinaire du Canada, de continuer à donner des conseils à l'ACIA, ou à qui que ce soit, en collaboration avec les provinces en vue de la promulgation des règlements et de l'application de la loi.
Après cette offre et cette courte présentation, je vous redonne la parole.
Merci beaucoup.
º (1630)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ogilvie.
Nous passons maintenant aux questions. Nous disposons d'assez de temps pour que tous ceux qui sont autour de la table aient cinq minutes. Monsieur Ritz, vous avez cinq minutes.
M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de vos exposés d'aujourd'hui. Nous avions déjà entendu quelques remarques auparavant, mais, bien sûr, tous les renseignements nous aideront à étudier le projet de loi C-27.
Monsieur Campbell, à la fin de votre exposé, vous avez parlé de la nécessité d'améliorer les échanges entre l'ACIA et les vétérinaires d'une région touchée. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
L'exploitation agricole pointée du doigt dans le dossier de l'ESB est dans ma circonscription. Évidemment, le vétérinaire de la région, qui s'était occupé du troupeau auparavant, a été mis de côté. On ne lui a pas parlé et il n'a pas servi de ressource, ce qui est malheureux.
Je pense que la surveillance est un des principaux éléments qui manquent dans le projet de loi. Est-ce une activité à laquelle l'Association canadienne des médecins vétérinaires aimerait participer?
M. Keith Campbell: Oui.
M. Gerry Ritz: J'imagine qu'il faudra insérer cet élément dans le projet de loi d'une manière ou d'une autre, car, malheureusement, il a été ignoré.
Monsieur Ogilvie, j'imagine que vous êtes d'avis, vous aussi, qu'il faudrait une quelconque surveillance. Vous formez les vétérinaires et ils doivent gérer des situations de crise.
M Tim Ogilvie: Je conviens qu'il faut que nous exercions une surveillance ou que nous soyons consultés — que nous fournissions des conseils, en fait.
M. Gerry Ritz: Certainement. Seriez-vous en faveur de n'importe quel mécanisme que nous pourrions établir pour cela?
L'une de mes préoccupations, en tant qu'ancien producteur, c'est le coût. Comment éviter que la facture soit refilée au producteur? J'aimerais bien la refiler à M. Johnston, qui la refilerait à quelqu'un d'autre, et ça serait réglé. Comment éviter les coûts supplémentaires liés à la salubrité et à la sécurité de notre approvisionnement alimentaire, qu'ils soient nécessaires ou non — on pourrait en débattre longtemps? Comment, comme producteur, éviter de me retrouver avec la facture?
M. Ted Johnston: Si tout ce que vous faites, c'est élever des bovins qui seront exportés aux États-Unis, vous paierez la facture. Si nous n'ajoutons pas de valeur aux produits agricoles — et le Canada, à l'exception du Québec, est lamentable à ce chapitre —, nous n'avons d'autres choix que de soutenir la concurrence dans un marché axé sur les produits. Comme le Canada n'est pas un producteur à faible coût, les agriculteurs y goûtent. Il faut de la valeur ajoutée.
M. Gerry Ritz: Par ailleurs, notre capacité de transformation a diminué considérablement ces 20 dernières années.
Les dispositions du projet de loi sur la saisie et la perquisition m'inquiètent aussi. Les transformateurs seraient touchés par ces dispositions. D'autres groupes ont aussi parlé de l'échange d'information. Est-ce que cela vous préoccupe?
M. Ted Johnston: Du point de vue de la salubrité des aliments, nous ne voyons aucun inconvénient à échanger l'information. Nos réserves concernent la méthode qui sera employée, ce qui nous ramène à la question de la normalisation. Nous voulons faire preuve d'ouverture et de transparence avec nos partenaires commerciaux, qu'ils soient de l'Ontario ou des États-Unis, mais nous ne voulons pas employer huit façons différentes, sous prétexte que chacun privilégie telle ou telle méthode.
M. Gerry Ritz: Exact. Je pense que c’est Michael qui a dit que c’était une réaction à notre problème d’ESB. En fait, ce n’est pas le cas. C’est un suivi du projet de loi C-80, qui est mort au Feuilleton en 1999. Cela ne date donc pas d’hier.
Certains d’entre vous étaient-ils déjà ici à l’époque? Avez vous alors fait des représentations? Avez-vous été consultés sur le texte original, le projet de loi C-80? Sans compter l’invitation qui vous a été faite de venir témoigner ici, avez-vous seulement été consultés sur le projet de loi actuel?
Des voix: Non.
M. Gerry Ritz: Le secteur de la transformation n’a pas participé à la l’élaboration de ce règlement, mais il doit maintenant s’en accommoder.
M. Ted Johnston: Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas été consultés.
M. Gerry Ritz: Bien.
J’ai terminé, monsieur le président. Je vous cède donc la parole.
Le président: Bien. Madame Rivard aura la parole pour cinq minutes.
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: Merci, monsieur le président.
Madame, messieurs, merci d'être là. Ma question s'adresse à M. Johnston.
Vous avez mentionné tout à l'heure que l'ACIA doit s'occuper de la gestion de la qualité plutôt que de la gestion de la salubrité seulement. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de raisons pour lesquelles vous nous dites que l'ACIA devrait se préoccuper de la qualité plutôt que de la salubrité?
[Traduction]
M. Ted Johnston: En fait, j’ai dit que, dans son libellé actuel, le projet de loi stipule qu’ils seraient impliqués aux deux niveaux. Nous pensons qu’ils doivent absolument être impliqués dans le domaine de la sécurité alimentaire, mais que la gestion de la qualité n’est pas le rayon de l’ACIA.
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: De mon point de vue, la salubrité va de pair avec la qualité. Par exemple, si vous produisez un bon lait salubre, vous aurez un bon produit fini. Je pense qu'on ne peut pas les séparer, que ce sont deux choses qui vont de pair.
º (1635)
[Traduction]
M. Ted Johnston: Alors, prenons l’exemple des produits laitiers. Dans un supermarché d’alimentation, on peut trouver diverses qualités de crème glacée et toutes peuvent être consommées en toute sécurité. En effet, elles sont toutes produites dans l’environnement sûr d’usines inspectées par le gouvernement fédéral et certifiées par l’HACCP, mais il y inévitablement une différence entre la crème glacée vendue 3,99 $ le gallon et celle qui coûte 8 $ le demiard. La réglementation de ce type de qualité ne devrait pas relever de l’ACIA. En réalité, la qualité est contrôlée par le marché. Le consommateur déboursera en fonction du niveau de qualité choisi. Le marché peut donc jouer ce rôle. La salubrité est leur droit inaliénable et nous devons faire en sorte qu’elle soit assurée. À notre avis, c’est là le rôle de l’ACIA.
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: Selon moi, quand vous parlez de crème glacée, vous parlez plutôt de l'étiquetage. Vous parlez de diverses qualités. La question porte donc sur l'étiquetage.
[Traduction]
M. Ted Johnston: Non, ce rôle pourrait aussi inclure la vérification de la teneur en gras de beurre. En fait, la qualité dépend des ingrédients utilisés et chaque consommateur a sa propre définition de la qualité. Les Compagnies Loblaw Limitée, par exemple, l’une des principales chaînes de supermarchés d’alimentation, offre deux types de produits vendus sous marque, notamment leur produit générique et leur produit Le choix du Président. Si vous sondiez l’opinion du consommateur à ce sujet, je présume que vous constateriez qu’ils perçoivent une importante différence de qualité entre ces deux gammes de produits. Par contre, ils ne pensent pas que l’une des deux est plus salubre que l’autre.
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt au sujet des petits producteurs, des petites entreprises. D'après-vous, est-ce que les petites entreprises ont les mêmes normes de salubrité que les grandes entreprises?
[Traduction]
M. Ted Johnston: Pourrais-je dire la même chose de tous les consommateurs? Il faudrait d’abord déterminer, comme vous pourriez le faire, si ces produits ont atteint le niveau nécessaire à la complète certification de l’HACCP ou s’ils sont actuellement préparés en vue d’être certifiés. Les grandes multinationales et un grand nombre des plus grandes sociétés non multinationales qui ont obtenu la complète certification de l’HACCP ont mis en oeuvre tous ces plans. En passant en revue les quelque 5 000 autres fabricants canadiens, on constaterait qu’il y a tout un écart entre ceux qui sont en train de mettre en oeuvre un plan de certification de l’HACCP et ceux qui n’ont pas encore commencé, parce qu’il n’y a pas vraiment de demande à cet effet.
En raison de l’évolution du marché, il deviendra essentiel que tous nos fabricants mettent en oeuvre un plan intégral d’HACCP et qu’ils obtiennent une certification complète de l’HACCP. Compte tenu des possibilités de litiges et des exigences des clients, ils ne pourront faire autrement. Et il ne s’agit pas du consommateur. Nos clients sont l’épicerie, le fournisseur de services alimentaires, ou encore le restaurant qui finit par vendre le produit au consommateur. Nos clients exigent ces mesures parce qu’ils doivent faire preuve de diligence raisonnable. Ils doivent se placer dans une position où, s’ils faisaient l’objet d’une poursuite, ce qui ne manquera pas d’arriver, ils pourraient prouver devant les tribunaux qu’ils ont fait tout ce qui était humainement possible pour s’assurer que le produit qu’ils achètent provient des sources les plus sûres qui soient.
[Français]
Mme Denise Poirier-Rivard: Mes prochaines questions s'adresseront à Mme Clark.
Vous nous avez parlé tout à l'heure de trois problèmes: les causes, la crise et la synthèse. Vous avez aussi beaucoup parlé de Monsanto. J'aimerais savoir ce que vous pensez du maïs Bt10.
[Traduction]
Mme Ann Clark: Vous voulez que je parle du maïs Bt10 et du problème de contamination par le Bt11?
En fait, plus je réfléchis à la séance d’aujourd’hui, plus je suis convaincue que ce que vous proposez de faire avec l’ACIA ressemble à ce que vous avez fait avec le processus de réglementation des OGM au Canada. Ce processus est manifestement conçu pour ne pas identifier les problèmes. Il est conçu pour faciliter le commerce et c’est exactement le but de ce document de l’ACIA, ce projet de loi.
En ne confiant pas la responsabilité de la surveillance à une autorité réglementaire indépendance et en laissant entre les mains de la compagnie en question, Cingenta, si je ne me trompe, dans le cas du Bt10 et du Bt11, il n’y a vraiment personne à la barre. Vous leur donnez ainsi toute la latitude voulue. Il ne faut pas oublier non plus que ce ne serait pas la première fois qu’une telle chose se produit. De nombreux cas ont déjà été documentés, où Monsanto, Aventis et d’autres compagnies ont, par inadvertance, mélangé des gènes et les ont commercialisés. Dans un cas en particulier, elles ont dû s’empresser d’obtenir l’autorisation de formaliser un gène qu’elles n’avaient pas prévu, au départ, de commercialiser, pour la bonne raison qu’il avait complètement contaminé un autre gène qu’elles avaient par ailleurs l’intention de commercialiser. Elles ne peuvent les garder séparés. C’est impossible de maîtriser les gènes.
Le cas du Bt10 et du Bt11 est simplement la dernière occurrence de ce phénomène et cela s’explique par le fait qu’il n’y a que la compagnie concernée aux commandes. Le gouvernement s’est soustrait à cette responsabilité. C’est un des facteurs très inquiétants dans cette situation. Ce n’est qu’une fois dans cette salle que j’ai réalisé le parallèle entre ce que vous faites maintenant avec l’ACIA et ce que vous avez fait avec la réglementation des OGM au Canada.
º (1640)
Le président: Merci beaucoup. Le questionneur suivant a la parole.
Mme Ann Clark: Ai-je répondu à votre question?
Le président: Mme Ur a la parole.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je vous remercie tous de vos exposés.
Monsieur Bennett, je crois que vous avez dit, à la page 5 de votre exposé, que le débat sur la sécurité des aliments et les mérites de la réouverture de la frontière américaine au bœuf canadien se déroulait dans un climat de secret officiel et, par conséquent, en gardant le public dans l’ignorance. Personne ne sait rien sur le nombre de vaches canadiennes qui ont vraiment été soumises à des tests, leur âge, leur condition physique, etc.
Êtes-vous certain que le public tient vraiment à être informé de ces détails?
M. David Bennett: Oui, absolument.
Mme Rose-Marie Ur: Tous les consommateurs veulent vraiment savoir combien...? Pensez-vous vraiment qu’un organisme devrait être créé pour faire appliquer cette réglementation? Pensez-vous vraiment que le consommateur a le temps d’analyser toute cette information? C’est pourquoi nous avons des agences comme l’ACIA. C’est pourquoi nous avons l’ACIA et le Dr Evans, qui ont fait un excellent travail en reconnaissant le produit sûr, de haute qualité, que nous avions à offrir, et nous étions prêts à livrer des produits de bœuf en carton. Aucun autre pays n’a la même chose. Cela ne reflète-t-il pas le travail qu’a fait l’ACIA?
Il est difficile de comprendre que vous puissiez penser que tout le monde veut vraiment savoir combien de vaches ont été soumises à des tests.
M. David Bennett: Il est prouvé que la santé humaine est menacée, car des citoyens sont décédés à cause de la maladie de Creutzfeldt-Jacob au Royaume-Uni et en Europe. Il s’agit d’une question de vie ou de mort et une industrie a subi des dommages économiques en raison de la perte de milliards de dollars, et vous me demandez si le public est intéressé à savoir, s’il a le droit de savoir? Il est évident que la réponse ne peut être que positive.
Le deuxième élément de la question porte sur le fait que d’autres agences produisent régulièrement des rapports détaillés sur leur politique de conformité et leurs activités. L’ACIA est l’exception, car elle ne le fait jamais. Ainsi, vous me demandez si le public à un intérêt dans cette question. Le public a en fait un intérêt démontrable dans d’autres domaines de la politique gouvernementale. Pourquoi, dans ce cas-ci, l’ACIA n’est-elle pas tenue de publier des rapports, de publier sa politique de conformité et de publier les résultats de ses inspections et de ses enquêtes? Elle n’au aucune raison de ne pas le faire, madame.
Mme Rose-Marie Ur: Merci, M. Bennett.
Monsieur Johnston, vous avez mentionné dans votre exposé que l’ACIA avait pour rôle de s’occuper de la sécurité alimentaire, mais que selon vous la qualité des aliments devrait relever d’une autre direction générale, d’une autre agence, ou devenir un autre organisme relevant de l’ACIA. Le transfert d’une partie des activités actuelles de l’ACIA n’occasionnerait-il pas des dépenses supplémentaires?
M. Ted Johnston: Non, ce n’était pas du tout de quoi je parlais. Je disais seulement qu’il fallait retirer l’ACIA de la loi. Ce n’est pas sa place ni celle de personne en fait. La qualité est une question axée sur le marché, et n’a de ce fait aucun rapport avec la sécurité du public. La question de la sécurité du public devrait demeurer, mais cette partie de la disposition devrait être supprimée.
Mme Rose-Marie Ur: Je conviendrai donc que nous ne sommes pas d’accord, car je pense que ces deux éléments sont positifs pour le commerce et pour la promotion d’un produit. Il y a la sécurité, mais il y a aussi la qualité. Le gros bon sens m’amène à dire que les deux se complètent.
J’ai oublié quel présentateur a déclaré que l’aspect commercial représentait un réel problème pour les Canadiens. C’était peut-être Mme Clark. On dirait que vous n’appuyez pas vraiment le commerce. Je me demande seulement ce que vous feriez de ce surplus de boeuf de 75 p. 100 que nous produisons au Canada. Qu’en feriez-vous si vous ne pouviez compter sur les bonnes relations commerciales transfrontalières que nous entretenons habituellement?
º (1645)
Mme Ann Clark: Je ne parle pas vraiment du commerce en soi. Je m’inquiète plutôt de son avenir.
Voici un exemple. Il y a environ un million de têtes de bétail d’engraissement à Lethbridge, dans le couloir des parcs d’engraissement. On n’engraisserait pas un million de têtes de bétail à Lethbridge simplement pour nourrir la population locale. Nous le faisons plutôt dans l’intention de vendre beaucoup de boeuf ailleurs. L’idée selon laquelle on peut être capable de vendre beaucoup de boeuf quelque part ailleurs est basée sur le fait que le prix de l’énergie pour transporter le bétail est négligeable par rapport à la valeur du produit et aux économies d’échelle obtenues en pratiquant l’élevage d’une façon très centralisée, concentrée. Je ne suis par certain que cette équation va s’appliquer à l’avenir. Je pense que cela aura un impact sur notre capacité d’exportation, en particulier pour ces produits bruts. Je ne peux qu’être d’accord avec le Bonhomme Sept Heures. En effet, c’est vraiment une erreur de ne pas ajouter de valeur à ces produits. Néanmoins, je me préoccupais surtout du fait qu’à l’avenir la situation sera différente de ce qu’elle est actuellement et que nous ne nous en préoccupons pas.
Mme Rose-Marie Ur: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Cullen a la parole.
M. Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley): Je vous remercie monsieur le président.
Je remercie également tous nos témoins d’aujourd’hui.
Je représente un certain nombre de localités du nord-ouest de la Colombie-Britannique. L’élevage et l’agriculture sont la pierre d’assise de nos collectivités. Au cours de dernières années, j’ai vu les agriculteurs subir plus de chagrin et de douleur que n’auraient dû le tolérer, selon moi, le gouvernement canadien et les agences dont le rôle était de représenter et de protéger le public et les producteurs.
J’ai un certain nombre de questions à poser et le temps dont je dispose aujourd’hui est très limité.
Je vais commencer par M. Johnston, seulement pour obtenir quelques chiffres et me familiariser avec le secteur le plus important, notamment celui de la transformation. Pendant la crise, les agriculteurs de ma localité ont souvent entendu parler des trois grandes compagnies qui, au Canada, accaparent la plus grande partie de la transformation. À l’heure actuelle, jusqu’à quel point l’industrie de la transformation est-elle concentrée? Combien y a-t-il de ces grandes compagnies et quel pourcentage du marché de la transformation s’accaparent-elles? Est-ce que vous pouvez me le dire?
M. Ted Johnston: Est-ce que vous voulez parler du boeuf?
M. Nathan Cullen: Oui.
M. Ted Johnston: Elles sont principalement installées en Alberta. Il y a Cargill et Excell, qui sont canadiennes, puis Lakeside Packers, qui est une filiale de Tyson Foods. Sur les 10 milliards de dollars que génère la transformation de la viande en Alberta, le boeuf représente 6 milliards. On le débite et on l’emballe dans un carton. Je n’ai pas le chiffre exact, mais ces trois compagnies représentent plus de 90 p. 100 du marché. Nous avons aussi 58 autres abattoirs titulaires d’un permis provincial. Elles opèrent à beaucoup plus petite échelle.
M. Nathan Cullen: Si votre association pouvait vous fournir le chiffre exact, le comité vous serait reconnaissant de le lui communiquer.
M. Ted Johnston: Nous pouvons l’obtenir.
M. Nathan Cullen: Ce serait bien.
Avez-vous pu observer, ces dernières années, s’il n’y avait pas une concentration du marché vers les grandes usines, au détriment des petits abattoirs.
M. Ted Johnston: On revient encore au point d'Ann, c'est-à-dire que nous avons tout ce bétail dans des parcs d'engraissement qui devait être dépecé, puis expédié aux États-Unis ou encore expédié vivant par camion. À cet égard, il y a des limites à la consommation qui peut être faite au pays. Et si l'abattoir n'est pas soumis à des inspections fédérales, la viande peut seulement être consommée dans la province.
Vous avez un problème en Colombie-Britannique. Vous avez essayé de travailler avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Voilà pourquoi je parle d'un mécanisme d'appel qui doit exister. Des efforts importants ont été faits pour que vous disposiez d'un abattoir mobile soumis aux inspections fédérales, de manière à ce que vous puissiez dépecer les animaux et expédier la viande hors de la province. Nous nous sommes heurtés à un mur dans ce dossier.
M. Nathan Cullen: Savez-vous quelle quantité de boeuf américain transformé entre au Canada actuellement?
M. Ted Johnston: Je ne pourrais pas vous donner de chiffres exacts, mais...
Le président: Pouvons-nous revenir au projet de loi C-27? Nous nous écartons un peu trop du sujet de notre réunion d'aujourd'hui.
M. Nathan Cullen: Merci, Monsieur le président. Il y a en fait un lien assez important avec le projet de loi C-27, et notamment avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Le président: D'accord. Je veux qu'on en vienne au fait.
M. Nathan Cullen: Oui.
Est-il possible de connaître la quantité?
M. Ted Johnston: J'imagine qu'on pourrait trouver cette information parmi les données fédérales, en s'adressant à Statistique Canada, mais...
M. Nathan Cullen: Votre association ne peut pas...
º (1650)
M. Ted Johnston: Nous ne tenons pas de statistiques sur les expéditions dans l'autre sens.
M. Nathan Cullen: Madame Clark, vous avez parlé de la transparence de la réglementation, ou du manque de transparence. Dans le secteur du bois d'oeuvre de mon coin de pays, les exploitants forestiers ont réclamé l'autoréglementation au cours des dernières années. Or, un certain nombre d'entre eux sont venus récemment se plaindre en public de l'autoréglementation.
Quel problème pourrait entraîner l'autoréglementation dans le secteur de l'élevage?
Mme Ann Clark: L'autoréglementation de quelle manière?
M. Nathan Cullen: L'autoréglementation dans le domaine de la transformation, de l'inspection des abattoirs.
Mme Ann Clark: Je peux répondre à votre question de façon indirecte. Les deux plus importants rappels de viande de l'histoire se sont produits il y a deux ans, tous les deux aux États-Unis. Des dizaines de millions de livres de viande étaient visées. Quand ce genre de chose se produit, un grand nombre de personnes en souffrent.
Lorsque vous avez un tout petit abattoir...
En fait, il se trouve que j'ai les chiffres vous cherchiez il y a un instant, au sujet des abattoirs, du moins pour l'Ontario. Il y a, en Ontario, 33 abattoirs soumis à des inspections fédérales, d'où provient 90 p. 100 de la viande produite en Ontario. Le reste de la production, soit 10 p. 100, provient de 191 abattoirs régis par la province, mais leur nombre a baissé de 28 p. 100 au cours des cinq dernières années. Les petits abattoirs disparaissent, alors que les gros abattoirs prennent de l'expansion. L'argent fédéral sert justement à l'expansion des abattoirs pour qu'ils deviennent toujours plus gros.
Il y a un très bon livre de Marion Nestle intitulé Food Politics, à propos du secteur de la transformation de la viande aux États-Unis. L'auteur y explique que les entreprises américaines de ce secteur ont beaucoup insisté pour ne faire l'objet d'aucune surveillance externe, pour qu'on ne leur impose aucune réglementation, pour que personne ne mêle de leurs affaires. En fin de compte, c'est ce qui fait qu'il y a eu des rappels d'énormes quantités de viande, que des centaines de personnes sont mortes et qu'on a eu de très gros problèmes.
Donc, bien que je ne m'oppose pas du tout à ce que les gens aient des intérêts dans quoi que ce soit, lorsque l'État ne fait qu'exaucer les voeux des parties intéressées dans un domaine particulier, les conséquences sont néfastes. C'est ainsi que ça fonctionne.
Le président: Votre période de questions de cinq minutes est terminée. Si nous avons le temps, nous y reviendrons.
Monsieur Bezan, vous avez la parole.
M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC): Merci, Monsieur le président.
Vos commentaires m'intéressent vivement, Ted. J'ai eu le même genre de réaction en lisant pour la première fois le projet de loi C-27. J'ai formulé à peu près les mêmes commentaires. Puis, j'ai dit: merde! nous allons accorder beaucoup d'heures à tous ces inspecteurs, et ils vont devenir des superinspecteurs. Des inspecteurs des pêches vont venir mettre leur nez dans le boeuf, tandis que ceux des légumes vont se retrouver dans la volaille. Je ne sais pas comment nous allons former tous ces gens. Il y en a qui pensent que c'est une idée formidable. Je crois que nous devons vraiment marteler qu'il n'en est rien.
Il y a un commentaire de votre part qui rejoint une opinion que j'exprime depuis longtemps, à savoir que nous devrions permettre aux abattoirs soumis aux inspections provinciales de vendre leur viande dans d'autres provinces. Je n'avais pas pensé à intégrer ce genre de mesure dans ce projet de loi. Pourriez-vous nous parler un peu des moyens que vous préconisez pour accorder des permis à cette fin?
Selon l'une des critiques que nous avons entendues et dont je me suis fait l'écho dans une large mesure, en particulier depuis le début de la crise de l'ESB, nous avons des abattoirs soumis à des inspections provinciales qui produisent de la viande d'excellente qualité. Mais parce que ces abattoirs n'ont pas de cour pavée ou parce que leurs drains n'ont pas 3 pouces et demi de diamètre, ils ne peuvent pas expédier leur viande hors de leur province. Comment s'y prendre pour accorder les permis nécessaires? Quel amendement devrait, selon vous, être apporté au projet de loi?
M. Ted Johnston: Je pense qu'une partie du problème réside dans le fait qu'actuellement, tout est axé sur les méthodes employées. C'est ce que je voulais dire. C'est pourquoi il faut que le drain soit ici, et non là-bas. Mais on pourrait plutôt regarder la question sous l'angle des résultats. Le drain remplit-il sa fonction? Qu'il soit à trois pieds par là ne devrait rien changer, s'il n'y a pas de problème de contamination ou si le dispositif fonctionne. Il n'est pas nécessaire que tout soit exactement conforme. Le coût de remplacement serait prohibitif dans les abattoirs inspectés par la province, en Ontario et en Alberta. Dans la plupart des cas, il s'agit de petits entrepreneurs. Ils ont 8 ou 10 employés et ne pourraient tout simplement pas se permettre de faire les changements voulus.
Je pense qu'il y a encore un autre facteur qui complique la problématique. Nous sommes nous-mêmes responsables de nos propres malheurs dans le domaine de la production bovine parce qu'en 1973, nous consommions au Canada 87 p. 100 de la production bovine du pays. Autrement dit, les Canadiens mangeaient 87 p. 100 de ce qu'ils produisaient. Nous avons décidé, ou plutôt les exploitants canadiens du secteur ont pris délibérément la décision d'engraisser des bovins à Lethbridge et de les expédier au sud de la frontière parce qu'ils pouvaient faire beaucoup plus d'argent ainsi. Aujourd'hui, nous consommons seulement 50 p. 100 de notre production.
Compte tenu de la situation que je viens de décrire, les grands abattoirs dont parlait Nathan n'acceptent pas de bovins âgés de plus de 30 mois parce qu'il leur faudrait le déclarer aux États-Unis, et des inspecteurs américains leur rendraient visite. À l'heure actuelle, ils peuvent expédier aux États-Unis seulement la viande provenant d'animaux âgés de moins de 30 mois. Alors, nous avons des stocks énormes de bovins âgés de plus de 30 mois en Alberta. Nous avons un énorme marché de consommateurs au Québec et en Ontario, mais la seule option qui nous est offerte est de les envoyer là-bas vivants par camion, à destination d'abattoirs qui sont déjà surchargés, ce qui n'est certainement pas efficace, en particulier sur le plan énergétique. Nous ne sommes même pas capables de résoudre nos propres problèmes entre nous. Nous continuons de dépenser des centaines de millions de dollars en aide financière pour sortir les gens du pétrin, alors qu'il serait simple d'établir un mécanisme régi par l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui permettrait à ces abattoirs de dépecer les animaux et de vendre la viande à l'extérieur de la province. Nous pourrions ainsi résoudre immédiatement une grande partie du problème.
º (1655)
M. James Bezan: Je suis d'accord avec cela. Je suis un producteur bovin, et je suis fier du travail que nous, les producteurs, accomplissons. Je suis content du travail fait par les abattoirs pour obtenir un produit alimentaire sain, en dépit de certains commentaires formulés ici aujourd'hui.
En lisant, une chose a retenu mon attention: nous n'avons vraiment aucun mécanisme d'appel valable. Vous en avez parlé. Il ne s'exerce aucune surveillance dans ce domaine, et je pense que Keith et Tim ont parlé de la nécessité d'une telle surveillance. Nous avons besoin d'un mécanisme permettant à des gens représentant toutes les parties en cause d'avoir un certain pouvoir décisionnel. Car il y a des producteurs et des entreprises qui sont touchés par les décisions de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et il y a la santé publique qu'il faut protéger. Nous devons voir à ce que toutes les parties soient représentées dans une sorte de conseil de gestion chargé d'exercer la surveillance nécessaire et pouvant vraiment constituer le genre de mécanisme d'appel que nous cherchons. Ce conseil devrait ainsi veiller à ce que tous les problèmes reçoivent l'attention nécessaire, ce qui n'est pas une mince tâche.
Je serais heureux de vous entendre nous suggérer un amendement qui permettrait d'établir un bon mécanisme d'appel, de manière à ce que de telles fermetures n'aient plus lieu. Actuellement, selon le texte du projet de loi, un inspecteur peut tout bonnement obliger un abattoir à fermer ses portes pour une période de deux ans.
M. Ted Johnston: Nous en avons eu un exemple il y a un an et demi et, malheureusement, l'entreprise, du nom de Harimex, qui était établie en Alberta, a quitté la province. Elle traitait du sang de bovin. Un inspecteur est arrivé un vendredi après-midi à 3 heures pour s'occuper d'un problème dont l'entreprise avait parlé trois semaines auparavant à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et au sujet duquel elle voulait obtenir son aide. L'inspecteur ne s'est présenté qu'au bout de trois semaines.
Évidemment, l'inspecteur a fait fermer l'usine, et, bien entendu, il n'est pas possible de trouver un fondé de pouvoir d'un organisme de réglementation le samedi ou le dimanche. Comble de malchance, c'était une longue fin de semaine, alors tout était également fermé le lundi. En fin de compte, il leur a fallu presque 10 jours avant que l'usine puisse reprendre ses activités normales. Il n'y avait pas seulement un facteur en cause, mais plutôt un ensemble de problèmes. Les dirigeants de l'entreprise ont finalement décidé qu'ils en avaient marre et sont partis s'établir aux États-Unis.
Cette usine traitait des déchets dont nous devons maintenant nous débarrasser autrement et qui constituent un problème écologique. Nous devons les brûler ou trouver un autre moyen de les éliminer. Cette entreprise, elle, les transformait en un produit de grande valeur. Mais elle nous a quittés. S'il y avait eu un mécanisme d'appel permettant à quelqu'un d'intervenir et de résoudre le problème dans les 48 heures, il y aurait eu une faille de moins dans cette cuirasse.
Le président: Merci beaucoup, Monsieur Bezan.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Easter.
L'hon. Wayne Easter: Merci, Monsieur le président.
Monsieur Johnston, j'aimerais parler de ce que vous disiez au sujet de la qualité et du paragraphe 56(o). Il n'y est pas question directement de qualité, mais plutôt d'établir « les exigences applicables auxprogrammes de gestion ou de contrôle de laqualité des produits réglementés ». Mon interprétation est-elle différente de la vôtre? Je pense que le paragraphe porte sur les programmes eux-mêmes et sur la gestion et le contrôle de ces programmes, n'est-ce pas?
M. Ted Johnston: Il y a toute une série de programmes relatifs à la qualité, et celui qui nous vient à l'esprit le plus souvent est celui de l'American Society for Quality, qui tire ses origines d'Australie et qui a été adopté par les États-Unis. Il est tranquillement en train de s'implanter ici, mais ne s'applique que dans certains sous-secteurs. En fait, il ne s'agit pas d'un programme de gestion de la qualité totale. Lorsque nous parlons de la qualité d'un produit, nous parlons de ce qu'il contient. Comme je l'ai dit, je ne sais pas comment on pourrait arriver à réglementer cet aspect.
Je reviens à l'exemple de la crème glacée. Comment pourrait-on en réglementer la qualité? Dirait-on que, pour être de bonne qualité, la crème glacée doit contenir une certaine proportion de matière grasse butyrique? Il y a tellement de variétés de ce genre de produit. C'est ce qui nous préoccupe. Quand on établit un programme d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques, on produit de la documentation et, si on suit ce qui est écrit, la qualité augmente. C'est l'un des résultats d'un programme d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques. Et l'un des problèmes que nous avons aujourd'hui est le coût d'un tel choix. Il en coûterait environ 50 000 $ à un petit producteur simplement pour se hisser à ce niveau. Et pour ceux qui ne relèveraient pas de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, il nous faudrait un système d'une tierce partie pour arriver à nos fins.
» (1700)
L'hon. Wayne Easter: D'accord. Monsieur le président, puisque la question des mécanismes d'appel et de surveillance a été soulevée, je crois qu'il y a consensus autour de la table sur la nécessité de se pencher sérieusement sur ces mécanismes.
Encore une fois, M. Johnston, en ce qui a trait à la tenue de registres, et ainsi de suite, le problème est davantage d'ordre opérationnel que législatif, n'est-ce pas? Je ne vois pas comment nous pouvons régler ce problème dans le cadre de cette mesure législative. Je suis tout à fait d'accord avec vous: nous venons de mener des consultations rigoureuses sur le revenu, et la tenue de registres, la traçabilité et autres choses du genre représentent un fardeau de plus en plus lourd. Ce sont cependant d'importantes étapes et même le format des formulaires doit être respecté. C'est tout simplement idiot. Je crois qu'il s'agit d'un problème opérationnel et non législatif.
M. Ted Johnston: Je crois qu'on en viendra à la réglementation. Nous avons vu aujourd'hui qu'il est possible que ce que vous venez de décrire se produise éventuellement.
L'hon. Wayne Easter: M. Johnston, pendant l'échange avec M. Bezan, vous avez mentionné les normes axées sur les résultats. La question clé est: comment y arriver? Si nous voulons maintenir les mêmes relations commerciales avec les abattoirs provinciaux—et je ne suis pas d'accord avec les témoins, puisqu'il n'est pas question de commerce mais bien de salubrité des aliments—, nous devons continuer d'appliquer certaines normes fédérales en matière d'inspection. Donc, si les abattoirs provinciaux ne respectent pas les normes fédérales plus rigoureuses et que vous leur permettez d'expédier des produits d'une province à l'autre, il y aura un conflit commercial. J'ai entendu bien des choses à ce sujet.
Nous tentons d'augmenter notre capacité d'abattage en nous fondant sur les résultats. Parfois le plafond des abattoirs n'est pas assez élevé, mais le système de ventilation nécessaire est en place.
La façon d'y parvenir est la clé. Comment réussir à implanter un système axé sur les résultats tout en respectant les normes fédérales auxquelles nous devons nous conformer?
M. Ted Johnston: Je crois qu'il faut envisager cette question sous deux angles. En ce qui a trait aux permis et au pouvoir du ministre de les octroyer, il y a deux éléments à considérer: les permis d'exportation vers l'extérieur du Canada, et les permis de vente à l'Ontario. Je ne suis pas un expert sur les nuances des accords commerciaux, mais il me semble qu'il serait raisonnable d'octroyer des permis de vente aux abattoirs provinciaux afin qu'ils ne puissent vendre leurs produits qu'à l'échelle nationale. Nous ne serions pas sérieusement désavantagés si les produits des abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral n'étaient admissibles qu'à l'exportation.
L'hon. Wayne Easter: Merci, M. Johnston.
En ce qui a trait à la présentation du CTC, à la Coalition canadienne de la santé et à Mme Clark, vous avez tous trois dit que l'objectif de ce projet de loi est essentiellement commercial. Je ne reprends pas vos paroles exactes.
Mais ce que vous avez décrit, M. Bennett, correspond exactement à l'intention du projet de loi. Je n'arrive pas à voir en quoi il se limite au commerce. L'intention de ce projet de loi, et tout ce que nous faisons en ce qui a trait au regroupement des différentes lois, est d'assurer la salubrité des produits de la façon la plus efficiente et la plus économique possible. Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer que son objectif est purement commercial. Je crois que David en a très bien défini l'objectif dans sa présentation.
M. Michael McBane: Je répondrai à la question en deux volets. Premièrement, il y a le problème du double mandat, qui est posé par la loi habilitante et qui se retrouve dans tous les plans directeurs sur le site Web de l'ACIA, qui se lisent comme un rapport à l'industrie. Il y a donc un double mandat.
La leçon que le Royaume-Uni a tirée est qu'il faut éviter de combiner promotion et protection, sous peine de créer un monstre hybride et de se retrouver aux prises avec l'ESB. Cela détruit l'industrie. L'ironie dans tout cela est que l'industrie a besoin d'un organisme de réglementation indépendant, mais elle n'en est pas consciente. Même si vous leur faites une faveur en évitant les mesures de précaution, c'est toujours la nature qui a le dessus. De plus, vous ne sauvez ni n'aidez personne. C'est certainement un des problèmes.
Deuxièmement, il y a la philosophie de l'inspection, que le projet de loi C-27 cherche à consacrer dans la loi. Est-ce que cette philosophie a donné des résultats? Est-ce que cette philosophie d'auto-inspection, d'auto-réglementation et de conformité volontaire a fonctionné pour contrer l'ESB? À mon avis, ce fut un échec lamentable. Pourquoi donc l'enchâsser dans la loi? Pourquoi ne pas procéder à une évaluation du rendement de l'ACIA? Je ne sais pas ce que le Parlement attend pour évaluer le rendement de l'ACIA. Quel genre de catastrophe vous faut-il pour que vous commenciez à vous demander ce que fait l'ACIA?
» (1705)
Le président: Votre temps est écoulé, M. Easter. Par contre, je vais poser une question à laquelle vous pourrez réfléchir. Combien de gens sont morts au Canada en raison de ce qui, selon vous, pourrait se produire dans notre pays? Pensez-y, mais je ne crois pas que vous aurez besoin d'y réfléchir longtemps.
M. Michael McBane: C'est une question de mesures de précaution. D'une part, nous ne devrions pas être exposés au risque, et d'autre part, nous avons perdu notre marché d'exportation transfrontalière. Sans ce marché, notre fonction commerciale échoue.
Le président: Ce que je veux dire, c'est que cette campagne de peur ne fait pas progresser la cause de l'agriculture. Les réserves alimentaires du Canada sont sans danger. Nous voulons maintenir la salubrité de nos réserves alimentaires, mais ce qui se dit autour de cette table ne fait rien pour appuyer les messages que nous voulons envoyer aux consommateurs.
Roger.
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci, monsieur le président.
J'ai ici deux invités qui n'ont pas beaucoup parlé cet après-midi. J'aimerais bien savoir quels défauts M. Campbell a trouvés au projet de loi C-27.
Trouvez-vous qu'il comporte des aspects négatifs ou trouvez-vous au contraire que tout y est positif?
[Traduction]
M. Keith Campbell: Vous voulez parler du projet de loi ou de l'ACIA dans sa forme actuelle?
[Français]
M. Roger Gaudet: Je parle du projet de loi C-27. C'est pour en discuter que vous êtes ici aujourd'hui. Je veux savoir si vos commentaires sont tous positifs ou négatifs, ou si vous avez, au sujet du projet de loi C-27, quelques petites objections.
M. Keith Campbell: Un moment, s'il vous plaît.
[Traduction]
L'Association canadienne des médecins vétérinaires est d'avis que, dans les grandes lignes, ce projet de loi est bon. Mais nous avons des préoccupations.
Nous sommes préoccupés du manque apparent de consultations et de la possibilité que les pouvoirs des inspecteurs soient un peu plus grands que ce qu'ils devraient être.
Nous sommes préoccupés par les définitions. Certaines définitions contenues dans le projet de loi sont sujettes à une mauvaise interprétation. Certains groupes interprètent les définitions de sorte que les animaux d'élevage sont considérés comme des produits réglementés. Je crois comprendre que ce n'est pas le cas, mais les définitions auraient sans doute besoin d'être précisées.
Comme M. Johnston l'a dit, nous sommes d'avis que l'assurance de la qualité incombe à l'industrie et non au gouvernement. Nous sommes conscients que la salubrité et la qualité vont de pair, mais les programmes d'assurance de la qualité sont vraiment axés sur l'industrie et le consommateur. Nous croyons qu'il est nécessaire qu'un comité consultatif conseille ou surveille l'ACIA.
Ce sont nos préoccupations.
[Français]
M. Roger Gaudet: Allez-vous nous faire parvenir vos commentaires, de façon à ce que nous puissions en recommander l'inclusion dans le projet de loi C-27?
[Traduction]
M. Keith Campbell: Oui, nous le ferons.
» (1710)
[Français]
M. Roger Gaudet: J'aimerais beaucoup que vous le fassiez. Il s'agit d'un point de vue qui n'est ni négatif ni positif. Cela pourrait nous aider à nous orienter.
Monsieur Ogilvie, j'aimerais connaître votre opinion également. Vous n'avez pas beaucoup parlé. La parole est à vous.
[Traduction]
M. Tim Ogilvie: Merci beaucoup.
Comme je l'ai dit dans mon commentaire d'introduction, j'ai pris connaissance du projet de loi et j'en approuve l'intention, soit de mettre l'accent sur la salubrité des aliments. Je conviens qu'il est très important de regrouper les différentes lois pertinentes et de moderniser et d'actualiser nos outils visant à maintenir la salubrité et l'innocuité des réserves alimentaires du Canada.
Je crois que les pouvoirs de la loi devraient être équilibrés en ce qui a trait au besoin d'agir sur le plan de la salubrité des aliments et à un mécanisme... je ne dirais pas un mécanisme d'appel, mais une sorte d'outil de réflexion objectif sur les mesures prises. Je crois que c'est crucial. Nous devrions mettre en oeuvre une sorte de mécanisme d'examen et d'analyse des décisions en vue de la mise en application de meilleures pratiques.
Le troisième point que j'ai soulevé dans mon mot d'ouverture était qu'il faudrait que les règlements d'application de la loi soient assujettis à un mécanisme continu de consultation, puisque c'est ce qui constitue le moteur de la loi. La loi donne des pouvoirs, mais ce sont les dispositions législatives qui permettent à la réglementation de mettre la loi en oeuvre et de veiller à son application. Je crois qu'il faut être prudent lorsqu'il est question d'application et de réglementation. Je suis donc tout à fait à l'aise avec l'idée qu'un mécanisme consultatif aide l'ACIA à atteindre cet objectif.
Merci.
[Français]
M. Roger Gaudet: Allez-vous également nous faire parvenir vos commentaires par écrit?
[Traduction]
M. Tim Ogilvie: Certainement, avec plaisir.
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci.
Monsieur Johnston, vous avez parlé plus tôt de l'inspection aux États-Unis. En quoi est-elle différente de ce qui se fait au Canada?
[Traduction]
M. Ted Johnston: C'est très... nous pourrions être ici plus longtemps que le gouvernement, qui sait?
Ce n'était pas gentil. Je suis désolé.
[Français]
M. Roger Gaudet: Dites-nous cela en deux minutes.
[Traduction]
M. Ted Johnston: En gros, aux États-Unis—et j'ai habité et travaillé aux États-Unis pendant plusieurs années—, ils ont tendance à être proactifs, les pauvres. Leur approche... par exemple, l'USDA a mis sur pied des installations mobiles agréées de transformation de la viande dans les États de Washington et de l'Idaho. Ces installations mobiles peuvent se rendre dans les régions éloignées et découper des animaux. Avec la Colombie-Britannique, nous avons travaillé pendant près d'un an à mettre au point, en collaboration avec l'ACIA, un système semblable dans la région de M. Cullen. Puis, nous avons atteint une certaine étape du développement lorsque, soudainement, l'ACIA nous a annoncé que « cela ne respecte pas la réglementation ». Nous n'avons eu aucune possibilité d'ajuster la réglementation ou de faire fonctionner le système.
Les Américains diraient: « Pourquoi pas? » ou « Que pouvons-nous faire pour régler le problème? », mais nous, nous disons « Si ce n'est pas conforme à la réglementation, nous ne le ferons pas. Point final. » Je crois que cela s'explique en grande partie par une différence fondamentale entre les deux approches.
En ce qui a trait aux principes scientifiques et au reste, je ne suis pas un chercheur, alors je ne peux rien vous dire à cet égard. Mais leur approche est différente.
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
M. Anderson a la parole.
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, PCC): Merci, monsieur le président.
Wayne a dit que nous parlerions des mécanismes d'appel et de surveillance, mais je veux y revenir.
M. Ogilvie, vous nous en avez glissé un mot. Y a-t-il certains éléments précis que vous aimeriez voir dans un mécanisme d'appel et dans un comité de surveillance?
Je suis d'avis que le comité de surveillance devrait être de nature parlementaire, puisque la loi l'est, mais j'aimerais savoir ce que les autres en pensent.
M. Tim Ogilvie: Je vous remercie pour votre question.
Sur la question du mécanisme d'appel, je suis partagé. D'une part, en tant que citoyen, je ne voudrais pas qu'un mécanisme d'appel m'empêche d'agir ou me tienne en otage s'il y avait un aliment insalubre dans le système. D'autre part, il faudrait peut-être reconnaître que certains pouvoirs peuvent être appliqués sans distinction ou être imposés de force si aucun mécanisme d'appel n'existe. Je dirais donc que je suis en faveur d'un niveau de précision élevé dans l'établissement de mesures législatives, que ce soit dans la loi ou dans les règlements. Ainsi, par exemple, si une usine fabrique des frites et des boulettes de viande congelées et autre chose et qu'un chaîne de cette usine produit un aliment qui pose problème, au lieu de fermer l'usine complètement, on pourrait fermer uniquement la chaîne de production en question. Il faudrait éviter de suspendre le permis de cette usine ou de la fermer complètement.
Cet exemple n'est peut-être pas pertinent; M. Johnston en a sans doute de meilleurs à proposer. J'aimerais voir des instruments plus précis qui s'inscriraient dans le cadre de la loi ou des règlements plutôt que d'agir comme une massue. Je crois que le nombre d'appels diminuerait.
En ce qui a trait à la surveillance, je suis absolument d'accord. En fait, je crois que si une loi doit visiblement être modifiée ou si une loi a des effets indésirables ou imprévus, il faut procéder à un examen parlementaire. Je parlais surtout de la deuxième étape, la réglementation; si les règlements étaient promulgués par la loi, avec l'avis de producteurs, de vétérinaires, de groupes de consommateurs et ainsi de suite, ils pourraient demeurer actuels et efficaces.
J'espère que cela était...
» (1715)
M. David Anderson: Je pense que c'est une excellente distinction à faire, et nous n'en avons pas entendu parler beaucoup. Il devrait peut-être y avoir deux paliers, un qui s'occupe des règlements, l'autre, de la loi. Je ne veux pas que la loi soit en application pendant 20 ans et qu'on n'en parle qu'à l'occasion. J'aimerais qu'on prévoie un mécanisme pour résoudre expressément les problèmes dans un délai raisonnable.
Monsieur Johnston, avez-vous des observations à faire à cet égard?
M. Ted Johnston: J'ai éprouvé les mêmes réserves lorsque j'ai lu le projet de loi et qu'on m'a invité à faire part de mes observations. J'ai dit que j'aimerais vraiment qu'on nous consulte au sujet de la réglementation. Nous aimerions que la loi prévoie expressément que l'industrie doit avoir son mot à dire sur la promulgation des règlements.
M. David Anderson: Je considère cela important. Vous avez dit tout à l'heure qu'il faut veiller à ce que les gens s'en tiennent à leur secteur de compétence, de manière à éviter que ceux qui s'occupent des légumes ne deviennent responsables du boeuf. Nous nous sommes heurtés à ce problème avec le MPO dans les Prairies. Un certain nombre de postes ont été transférés dans les Prairies, et leurs titulaires se mêlent de tout. Nous aimerions les renvoyer dans la région du fleuve Fraser pour qu'ils puissent s'occuper de nouveau des questions relatives aux pêches. Voilà ce qui se produit quand on ne peut pas faire de modifications en cours de route.
Monsieur Johnston, je voulais savoir ce que vous pensez du fait que le commerce des produits agricoles et la salubrité des aliments relèvent du même ministère. Êtes-vous à l'aise avec cette idée?
M. Ted Johnston: À notre avis, la salubrité des aliments est un aspect fondamental du commerce. J'essaie de convaincre l'Alberta de la nécessité de mettre en place un programme afin que chaque fabricant de la province soit pleinement agréé à la suite de la HACCP, c'est-à-dire l'analyse et la maîtrise des points critiques, que ce soit par l'entremise de l'ACIA ou d'une tierce partie prenant part au processus d'agrément. Cela nous conférerait un énorme avantage par rapport à nos concurrents. Nous serions le seul marché dans le monde à pouvoir faire valoir pareil agrément.
Cela aurait un double effet: la confiance dans la salubrité des approvisionnements alimentaires s'en trouverait accrue, et cela serait aussi extrêmement positif pour la croissance de l'industrie de la transformation et ce qu'en retirerait l'agriculteur, car il s'agirait d'un autre filet de sécurité qui aiderait ce secteur de l'industrie.
M. David Anderson: Un des problèmes, c'est qu'avant la crise de l'ESB, l'ACIA s'apprêtait à mettre en oeuvre un programme qui aurait éliminé la plupart des abattoirs provinciaux et qui n'aurait laissé que quelques usines assujetties à des inspections fédérales. Nous devons prendre garde de ne pas imposer aux entreprises des normes irréalistes et de les obliger ainsi à fermer leurs portes. J'ai toujours tenu mordicus à l'idée selon laquelle les normes fédérales devraient permettre le commerce interprovincial, mais pas nécessairement le commerce international.
M. Ted Johnston: Je suis d'accord.
Le président: Monsieur Easter, vous avez la parole.
L'hon. Wayne Easter: Monsieur Johnston, vous avez dit que les produits importés devraient être assujettis aux mêmes normes que celles qu'on impose à nos producteurs. J'ai participé à une série d'audiences sur le revenu agricole, et c'est un des aspects que les producteurs soulèvent constamment, que ce soit au sujet de l'utilisation de pesticide ou d'herbicide ou des produits à valeur ajoutée que nous importons. En quoi est-ce important? Pensez-vous que nos normes sont plus élevées?
M. Ted Johnston: Nos normes ne sont pas toujours plus élevées, mais elles peuvent l'être considérablement. C'est une tendance que l'on constate surtout en ce qui concerne les spécialités ethniques. Au Canada, nous produisons de plus en plus de produits que les immigrants utilisent à la maison, car ces derniers forment un segment de plus en plus important de notre population. Pour maintenir des règles du jeu équitables, nous devons assujettir les importations aux mêmes normes.
» (1720)
L'hon. Wayne Easter: Comment devons-nous nous y prendre?
Le miel est un excellent exemple. Les consommateurs canadiens s'imaginent acheter du miel canadien, alors que celui-ci vient principalement de Chine. On peut lire sur l'étiquette « Canada no 1 ». Il s'agit ici de la catégorie. Ce n'est pas du miel canadien, mais le consommateur qui choisit ce produit sur la tablette s'imagine que c'en est. À votre avis, comment pourrons-nous empêcher l'importation de produits qui ne respectent pas nos normes?
M. Ted Johnston: Ce que j'ai compris de la loi, c'est que nous établirions des mesures de réciprocité--qui nous permettraient de reconnaître les normes d'inspection d'autres pays en regard des nôtres. Si ces normes n'étaient pas acceptables, nous refuserions alors que le produit soit importé chez nous. Il faudrait que les inspections faites à l'étranger soient d'une qualité que nous jugeons acceptable. À notre avis, l'ACIA était l'organisme en mesure de négocier ces accords de réciprocité.
L'hon. Wayne Easter: Je m'attends à ce que d'autres témoins s'opposent farouchement à cela. Vous verriez toutefois d'un bon oeil le fait que l'Agence canadienne d'inspection des aliments conclue des accords avec les agences d'inspection des aliments d'autres pays. Je pense que, de l'avis du comité, le ministre devrait avoir le dernier mot en ce qui concerne de tels accords, mais c'est une question très controversée. Certains témoins ont dit que l'ACIA ne devrait pas être habilitée à conclure des accords avec des pays, des organisations ou des groupes étrangers.
M. Ted Johnston: Je ne peux répondre que dans l'optique de quelqu'un qui s'occupe d'un produit manufacturé; je ne m'occupe pas d'animaux vivants, de végétaux ou de semences. Dans cette optique, si tous les critères relatifs à la salubrité des aliments peuvent être documentés et qu'une inspection peut être faite, je pense qu'un accord de réciprocité serait de mise.
Pour ce qui est des questions agricoles, je dois m'en remettre à mes collègues ici présents, qui connaissent ce secteur mieux que moi.
L'hon. Wayne Easter: Ce sera ma dernière question, monsieur le président.
Plusieurs d'entre vous ont exprimé aujourd'hui leur insatisfaction par rapport aux consultations sur le projet de loi. On m'a dit, en réponse à des questions que j'ai posées à l'ACIA, que les fabricants de produits alimentaires du Canada ont été consultés et qu'il y a eu des discussions sur l'objet et la teneur du projet de loi lors d'une foule de réunions qui ont eu lieu avec d'innombrables organisations de partout au Canada. Nous entendons toutefois les témoins dire que les consultations n'ont pas été satisfaisantes. Qu'est-ce qui constitueraient, selon vous, des consultations adéquates?
J'avoue qu'une des choses qui m'inquiète personnellement par les temps qui courent, c'est le fait que certaines organisations semblent maintenant s'imaginer qu'il suffit de présenter un plan sur un site Web et de diffuser certaines informations sur Internet pour que cela tienne lieu de consultations. Ce n'est pas ainsi que je conçois les consultations, monsieur le président.
De votre point de vue, que faudrait-il pour que les consultations soient sérieuses, si je puis m'exprimer ainsi? Si je pouvais, je demanderais à Mike et peut-être à Ted de répondre à cette question, parce que je sais que Mike participe à énormément de consultations. À votre avis, en quoi consisteraient des consultations sérieuses?
M. Michael McBane: À notre avis, un des problèmes vient du fait que l'Agence canadienne d'inspection des aliments est l'un des organismes gouvernementaux les plus secrets; elle n'est devancée en cela que par le SCRS, et je ne comprends pas pourquoi. Si cette agence veut assurer la salubrité des aliments, elle devrait nous mettre à contribution. Les groupes de protection des consommateurs ne sont pas consultés, et cela m'inquiète.
L'agence sert des clients de l'industrie, et cela va de pair avec l'approche en matière de réglementation; des droits sont payés, et cela change toute la culture du responsable de la réglementation. À mon avis, c'est révélateur. Quand on s'enquiert de la façon de procéder, on nous répond qu'on a parlé aux associations de producteurs. Fort bien, mais qu'en est-il des intérêts généraux des Canadiens? Qu'en est-il de l'intérêt non financier du gouvernement lorsqu'il doit s'occuper de l'ensemble de la société?
Encore une fois, c'est un problème général. Il ne faut pas tenir des consultations une fois que toutes les décisions sont prises, ni écarter des solutions de rechange par rapport à la réglementation. C'est ce qui m'a fait remettre en question, comme Ann, certaines prémisses. Quand examinerons-nous le tableau dans son ensemble? Si nous reportons cela constamment, nous balayons simplement les problèmes sous le tapis.
J'hésiterais à adopter précipitamment un projet de loi en ce moment, sans avoir examiné en profondeur le rendement de l'ACIA. il s'agit d'une agence relativement nouvelle, qui a une toute nouvelle approche en matière de réglementation. Je pense que nous devons aborder certaines questions d'une plus vaste portée avant d'adopter précipitamment certaines dispositions du projet de loi C-27.
» (1725)
Le président: Ted, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Ted Johnston: Je veux aborder cette question très rapidement, parce que vous avez parlé des FPAC, les Fabricants de produits alimentaires du Canada. Le comité devrait peut-être comprendre qu'il y a trois enjeux en cause ici.
Les Produits alimentaires et de consommation du Canada ou PACC sont un groupe de pression dont vous avez peut-être déjà entendu parler; c'est une organisation regroupant une vaste majorité d'usines qui sont des succursales d'entreprises multinationales. Au Canada, Procter & Gamble en fait partie. Les FPAC sont un groupe dissident qui s'est formé lorsque les sociétés McCain et Cavendish de ce monde, les entreprises canadiennes, ont estimé ne pas être bien représentées parce que c'étaient les intérêts de multinationales qui étaient défendus. Ce groupe comprend principalement de grandes sociétés canadiennes.
Ceux qui ne font pas partie de groupe--et c'est ce qui a mené à la formation de la Food Processors Alliance of Canada--ce sont les 5 000 autres fabricants de notre pays, les petites et moyennes entreprises. C'est la première fois qu'on nous consulte, et les problèmes sont différents.
Le président: Merci beaucoup.
Je me suis maintenant engagé à accepter une question du Parti conservateur.
M. James Bezan: J'ai une question toute simple. Nous parlons du mécanisme d'appel, et Tim a dit qu'il ne voulait pas que cela entrave le processus d'inspection. Il se peut toutefois que des inspecteurs fassent des erreurs--Ted le sait probablement fort bien--et il faut alors prévoir une mesure punitive en pareil cas. Il faut reconnaître la responsabilité de celui qui empêche par erreur la mise en marché d'un produit. À mon avis, le système devrait prévoir cela.
Je crois savoir que si l'on expédie un produit aux États-Unis et qu'il est refusé à la frontière, on nous explique les raisons de ce refus et l'on peut en appeler de la décision. On parle à la personne concernée et il se peut qu'elle reconnaisse avoir fait une erreur. Cela arrive parfois. Il peut s'agir d'une erreur de calcul au moment de consigner le chargement; on nous dit alors à quelle indemnisation on a droit. Cela devrait être prévu dans le mandat afin que les choses soient facilitées et que les gens sachent à quoi s'en tenir.
Je me demandais ce que vous pensez de cela.
M. Tim Ogilvie: Je suis parfaitement d'accord. Comme le système universitaire prévoit des mécanismes d'appel, je suis au courant de cela et je comprends très bien cela. Je pense qu'il faut tempérer ou évaluer la mesure punitive ou la responsabilité en fonction de l'intention. Si toutes les lignes directrices ont été respectées et que l'inspecteur n'a pas voulu altérer ou enfreindre la loi ou les règlements, j'aurais toutefois des réserves sur l'utilité d'un mécanisme d'appel lorsqu'on a toujours agi en respectant l'esprit de la loi.
Je ne voudrais pas que les inspecteurs craignent un appel s'ils s'acquittent de leurs fonctions. Il faut arriver à un juste équilibre afin qu'il n'y ait pas d'inspecteurs malicieux et vindicatifs qui ne possèdent pas la formation ou les connaissances nécessaires. Je partage tout à fait votre avis. Comment pouvons-nous arriver à un tel équilibre dans la loi?
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Ogilvie. Vous avez parlé de quelque chose qui nous concerne tous. Nous essayons d'arriver à un juste équilibre, et ce n'est pas toujours facile. Nous ne travaillons pas en terrain totalement inconnu, mais nous essayons de consolider un certain nombre de projets de loi en un seul. Votre participation cet après-midi a été très utile. Cela nous aidera à prendre des décisions équilibrées.
Je vous remercie encore d'avoir comparu devant notre comité--certains d'entre vous, malgré un préavis très court. Nous ferons traduire les mémoires de ceux qui ont témoigné cet après-midi sans en soumettre des copies au bureau, et nous les ferons ensuite parvenir à chaque membre du comité. Je vous remercie. Passez tous un excellent week-end.
La séance est levée.