AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 26 octobre 2005
¹ | 1530 |
Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)) |
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ) |
Le président |
M. Jim Grey (président, Casco inc.) |
Le président |
M. Jim Grey |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Kory Teneycke (directeur exécutif, Association canadienne des carburants renouvelables) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Bliss Baker (vice-président, Développement des entreprises et affaires gouvernementales, Commercial Alcohols Inc., Association canadienne des carburants renouvelables) |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Jan Westcott (président et chef de la direction , Spirits Canada / Association des distillateurs canadiens) |
º | 1600 |
Le président |
M. Larry Miller (Bruce—Grey—Owen Sound, PCC) |
M. Bliss Baker |
M. Larry Miller |
M. Jim Grey |
M. Larry Miller |
M. Jim Grey |
M. Larry Miller |
M. Jim Grey |
M. Larry Miller |
M. Kory Teneycke |
º | 1605 |
M. Larry Miller |
M. Jan Westcott |
M. Larry Miller |
M. Jan Westcott |
M. Larry Miller |
M. Jan Westcott |
M. Larry Miller |
M. Jim Grey |
M. Larry Miller |
M. Bliss Baker |
Le président |
M. André Bellavance |
M. Jim Grey |
º | 1610 |
M. André Bellavance |
M. Bliss Baker |
M. André Bellavance |
M. Bliss Baker |
M. André Bellavance |
M. Bliss Baker |
Le président |
M. Jim Grey |
Le président |
L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
º | 1615 |
M. Bliss Baker |
M. Kory Teneycke |
L'hon. Mark Eyking |
M. Kory Teneycke |
L'hon. Mark Eyking |
M. Kory Teneycke |
M. Jan Westcott |
º | 1620 |
Le président |
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, PCC) |
M. Jim Grey |
M. David Anderson |
M. Kory Teneycke |
M. David Anderson |
º | 1625 |
M. Bliss Baker |
M. Kory Teneycke |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.) |
M. Bliss Baker |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Bliss Baker |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Bliss Baker |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Jim Grey |
º | 1630 |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Jim Grey |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
º | 1635 |
Le président |
M. Brian Doidge (directeur général, Association des producteurs de maïs de l'Ontario) |
Le président |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. Brian Doidge |
º | 1640 |
º | 1645 |
º | 1650 |
Le président |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. André Bellavance |
M. Brian Doidge |
M. André Bellavance |
M. Brian Doidge |
M. André Bellavance |
M. Brian Doidge |
º | 1655 |
M. André Bellavance |
M. Brian Doidge |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
» | 1700 |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
» | 1705 |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Brian Doidge |
M. Larry Miller |
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt) |
M. Brian Doidge |
M. Bradley Trost |
M. Brian Doidge |
M. Bradley Trost |
Le président |
» | 1710 |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
L'hon. Mark Eyking |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. David Anderson |
» | 1715 |
M. Brian Doidge |
M. David Anderson |
M. Brian Doidge |
M. David Anderson |
M. Brian Doidge |
M. David Anderson |
M. Brian Doidge |
M. David Anderson |
M. Brian Doidge |
M. David Anderson |
Mme Theresa Bergsma (secrétaire-gestionnaire, Manitoba Corn Growers Association/Canadian Corn Producers) |
» | 1720 |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
» | 1725 |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Mme Rose-Marie Ur |
M. Brian Doidge |
Le président |
M. Réal Lapierre (Lévis—Bellechasse, BQ) |
M. Benoit Legault (directeur général, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec) |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 26 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.
Nous poursuivons notre étude de la question de l'importation de maïs américain et des droits applicables.
Mais avant de commencer, je voudrais dire aux membres du comité que demain matin, à 9 heures, notre comité se réunit dans l'espoir de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-38 sur les spiritueux, que nous devons adopter pour des raisons de conformité. Si nous pouvons nous débarrasser de cette formalité, nous pourrons étudier l'ébauche de rapport sur la question de la tuberculose bovine au Manitoba.
Oui, monsieur Bellavance.
[Français]
M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ): Monsieur le président, vous venez encore de faire allusion au fait que l'on pourrait faire l'étude article par article du projet de loi S-38 demain. J'ai appelé la greffière hier pour lui signifier que j'y voyais là un problème de précipitation. On n'a pas eu l'occasion d'avoir une présentation formelle sur ce projet de loi ici, au comité, ni d'entendre des témoins, etc. Nous n'avons donc pas suivi le processus habituel que doit suivre un comité. Je ne vois pas l'urgence de procéder dès demain à l'étude article par article, alors qu'aucun de mes collègues ici, sans aucun doute, n'a eu le temps, le cas échéant, de préparer des amendements.
Je ne dis pas que suis contre ce projet de loi, mais on ne m'a pas démontré qu'il y avait urgence pour justifier de procéder tout de suite à son étude article par article. Je ne trouve pas qu'il est adéquat de procéder aussi rapidement. Je m'inscris donc en faux contre cette façon de faire les choses et j'aimerais que mes collègues m'appuient à ce sujet, afin que nous prenions le temps qu'il faut pour arriver... Cela peut se faire rapidement, mais je ne vois pas pourquoi nous ferions dès demain matin l'étude article par article.
[Traduction]
Le président: C'est une affaire assez simple, parce que c'est une question de conformité. Essentiellement, le Canada se trouve à agir dans un cadre réciproque en prenant les mêmes mesures que d'autres pays ont prises à l'égard du Canada et des spiritueux. Nous reconnaissons mutuellement nos produits pour ce qu'ils sont, en utilisant seulement le nom dans des questions relatives aux droits attachés au brevet, et c'est un dossier mettant en cause les Irlandais, les Écossais, etc. Nous entendrons demain au début de la réunion un témoin qui nous donnera des explications là-dessus. Nous verrons demain.
Nous sommes prêts à commencer. Nous accueillons cet après-midi un certain nombre de témoins. Au centre se trouve Jim Grey, qui représente Casco. Nous entendrons aussi Kory Teneycke, qui est directeur exécutif de l'Association canadienne des carburants renouvelables. Nous accueillons également M. Jan Westcott, l'un de mes anciens commettants, qui est président-directeur général de Spirits Canada/L'Association des distillateurs canadiens. M. Helie est également de Spirits Canada/L'Association des distillateurs canadiens, dont il est vice-président exécutif. Kirsten Goodwin est également de Spirits Canada/L'Association des distillateurs canadiens. Voilà pour nos témoins.
Nous allons commencer l'audition des témoins.
Monsieur Grey, êtes-vous le premier?
M. Jim Grey (président, Casco inc.): Je crois que oui.
Le président: Très bien, nous allons vous entendre.
M. Grey représente bien sûr Casco, une grande entreprise très connue à laquelle nous tenons tous beaucoup.
M. Jim Grey: Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Jim Grey. Je suis président de Casco. Au nom de nos quelque 450 employés, je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Bien que je parle aujourd'hui au nom de notre compagnie, je crois que mes observations ne s'appliquent pas seulement aux employés de Casco, mais à tous nos fournisseurs, à tous ceux qui nous fournissent des services et qui nous appuient dans nos activités et aux gens qui livrent nos ingrédients aux clients canadiens.
Mes propos touchent aussi la vie des gens qui habitent près des usines qui utilisent le maïs comme matière première ou qui travaillent dans ces usines, dans le village rural de Cardinal, dans l'est de l'Ontario, à l'usine de Port Colborne, dans la péninsule de Niagara, dans la collectivité de London, et enfin dans nos bureaux situés à Toronto et à Montréal.
Cet après-midi, je voudrais faire un bref historique de ma compagnie et vous parler de notre secteur et de nos produits. Je vais aussi vous exposer certaines difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui à cause de la concurrence. Enfin, je traiterai des droits antidumping et compensatoires qu'on propose d'imposer sur les importations de maïs et je vous expliquerai pourquoi nous croyons que ces droits représentent une grave menace non seulement pour Casco, mais pour toute la communauté canadienne de l'agroalimentaire.
Casco est une institution dans le milieu des affaires du Canada, puisque la compagnie a ouvert ses portes en 1858. Aujourd'hui, près de 150 ans plus tard, Casco est la seule entreprise de mouture humide de maïs au Canada, et aussi le plus grand utilisateur industriel de maïs au Canada.
Notre compagnie a fondé son succès sur le libre-échange. Nous fonctionnons dans un secteur très compétitif et nous fournissons nos produits surtout à des clients canadiens, et aussi à d'autres clients ailleurs en Amérique du Nord.
Casco transforme le maïs en divers produits et ingrédients à valeur ajoutée. Nos amidons, édulcorants, huiles et co-produits se trouvent dans un grand nombre de produits vendus aux consommateurs et à l'industrie. On en trouve dans les boissons que l'on boit, les aliments que l'on mange, les boîtes qu'on utilise pour livrer des produits, le fourrage consommé par le bétail, les aliments pour animaux favoris et beaucoup d'autres produits.
Nous sommes un acteur clé dans notre industrie essentielle et d'envergure mondiale, un fournisseur digne de confiance des compagnies parmi les plus importantes au Canada, et un élément indispensable de notre vie quotidienne.
C'est rare qu'une compagnie survive pendant près de 150 ans, surtout dans un secteur aussi compétitif que le nôtre, en Amérique du Nord. La longue histoire de Casco témoigne de notre capacité de nous adapter à l'évolution des marchés et de répondre aux besoins de nos clients. En fait, non seulement nous avons survécu, mais nous continuons à planifier notre avenir.
Par exemple, l'année dernière, nous avons annoncé des plans visant à construire de nouvelles installations de fabrication à notre usine de London pour produire le NutraFlora, un nutraceutique à base de sucre. C'est un ingrédient prébiotique qui a de nombreux avantages pour la santé, notamment pour améliorer la digestion et assurer une meilleure absorption des minéraux et des vitamines.
Notre usine de London serait la première installation de fabrication de cet ingrédient spécialisé en Amérique du Nord. C'est aussi une étape du plan stratégique de notre compagnie en vue d'augmenter la production d'un certain nombre d'ingrédients à valeur ajoutée d'origine agricole que nous offrons à nos clients.
Nous avons aussi accru la capacité à Port Colborne pour répondre aux besoins créés par nos relations d'affaires avec Jungbunzlauer, compagnie européenne qui a construit sa première usine nord-américaine à Port Colborne sur nos instances.
Il est clair que nous avons de quoi être fiers dans notre longue histoire remplie de succès. Malheureusement, notre avenir à titre d'exploitant de trois usines rentables qui emploie des centaines de personnes, paye des dizaines de millions de dollars en salaires et envoie chaque année des millions de dollars à notre gouvernement sous forme d'impôts fonciers, de taxes de vente et d'impôts sur le revenu, notre avenir est remis en question cet après-midi.
Le secteur connaît des difficultés profondes qui vont bien au-delà des droits potentiels dont je suis venu vous parler. Aujourd'hui, Casco, comme presque toutes les entreprises canadiennes, a des coûts d'exploitation extrêmement élevés, au point qu'il nous est difficile d'être concurrentiels. Au premier rang de ces coûts se trouve l'énergie. Nous utilisons du gaz naturel dans nos usines, et nos entreprises canadiennes ont subi une hausse considérable du coût du gaz naturel.
Sur une période de deux ans, comprenant 2005 — année qui est presque terminée — et nos attentes pour 2006, nous prévoyons que nos dépenses en gaz naturel auront plus que doublé par rapport à ce qu'elles étaient en 2004.
En comparaison, les transformateurs de maïs américains peuvent expédier leurs produits au Canada en franchise de droit ou de douane. Et surtout, ils ne sont pas assujettis aux contraintes du Protocole de Kyoto, ce qui veut dire qu'ils sont libres de brûler dans leurs installations des combustibles comme le charbon, le coke et des pneus usagés.
¹ (1535)
Ces hausses de coût importantes ont fait de 2005 une année difficile pour nous. Nous cherchions déjà des manières de demeurer compétitifs quand nous avons entendu parler de la plainte logée par les Producteurs canadiens de maïs devant l'Agence des services frontaliers du Canada.
Le maïs représente une fraction importante de nos coûts de fonctionnement. Nous sommes le plus grand utilisateur industriel de maïs au Canada et nous estimons que Casco moud entre 25 p. 100 et 30 p. 100 de la récolte totale de l'Ontario. La grande majorité du maïs que nous utilisons, au moins 75 p. 100, vient des fermes canadiennes. Je dois signaler que même si nous voulions acheter la totalité de notre maïs de sources canadiennes, nous serions probablement incapables de le faire. Notre pays ne produit pas suffisamment de maïs de qualité industrielle pour répondre à la demande du marché, et nous croyons que le manque à gagner ne fera qu'augmenter si le secteur de l'éthanol de notre pays commence à croître et si la demande industrielle de maïs s'accroît.
Les droits antidumping et compensatoires proposés pourraient entraîner une forte hausse du prix de tout le maïs que nous utilisons, qu'il soit acheté au Canada ou à l'étranger. Cela aurait des conséquences terribles pour Casco. Nous sommes forcés d'envisager un certain nombre de solutions de rechange devant la menace de ces droits. Les mesures envisagées comprennent la fermeture possible d'une ou plusieurs de nos usines canadiennes. En pareil cas, nous prévoyons qu'il nous faudrait restructurer toutes nos activités en Amérique du Nord, ce qui pourrait nuire à notre capacité de fournir certains de nos clients canadiens. Le résultat potentiel de l'imposition de ces droits serait un détournement continu des activités du Canada vers les États-Unis. Les clients continueraient à recevoir leurs produits, mais en provenance d'entreprises américaines utilisant du maïs américain qui expédieraient à leurs clients canadiens des ingrédients américains, ce qui serait un très mauvais résultat pour l'agriculture canadienne.
Casco n'est qu'un exemple de l'impact potentiel de l'imposition de ces droits sur l'agriculture de notre pays. L'industrie canadienne de production d'éthanol, à peine naissante, pourrait disparaître ou connaître une croissance sérieusement ralentie. Le secteur de l'élevage du bétail pourrait être touché et le prix du boeuf, du porc et de la volaille augmenterait. Les consommateurs seraient aussi confrontés à des prix plus élevés pour divers produits, et qui serait avantagé? Personne, pas même les producteurs de maïs du Canada, ceux-là même que ces droits sont censés protéger.
Il est vrai que le prix de leur maïs augmenterait probablement à court terme, mais si les clients canadiens comme Casco doivent fermer leurs portes ou réduire sensiblement l'ampleur de leurs activités, qui achètera ce maïs? En même temps, l'imposition de droits ne va pas pénaliser les producteurs de maïs au sud de la frontière, ni même envoyer un message très ferme aux États-Unis. Le volume de maïs exporté au Canada représente moins de 1 p. 100 de la production totale de maïs des États-Unis.
Chez Casco, nous avons énormément de respect et d'affection pour nos producteurs de maïs canadien. Nous comprenons leur situation et nous sommes sympathiques à leur sort. Après tout, ces fermiers ne sont pas seulement des fournisseurs pour nous; nous sommes interdépendants. Nous comptons sur eux pour nous approvisionner en matières premières dont nous avons besoin. À leur tour, ils comptent sur nous pour écouler leur récolte. Nous faisons des affaires avec la plupart d'entre eux depuis des décennies. Nous nous sommes également joints à eux dans le passé pour appuyer les efforts visant à assurer leur survie et leur rentabilité.
Il est impératif qu'on vienne en aide aux producteurs de maïs du Canada, mais ce n'est pas en nous forçant à envisager de fermer des usines, en étouffant l'investissement et en éliminant des marchés potentiels qu'on va aider nos producteurs de maïs.
Notre pays doit trouver une solution aux problèmes des producteurs de maïs. Nous, chez Casco, nous voulons travailler avec toutes les parties, y compris les agriculteurs, l'industrie et le gouvernement, pour trouver cette solution, mais nous croyons fermement que d'imposer des droits sur les importations de maïs, ce n'est pas la solution. Non seulement ces droits ne constitueraient pas un remède efficace aux problèmes actuels, mais ils ne feraient qu'exacerber les nombreux problèmes qu'éprouvent actuellement les producteurs de maïs du Canada et frapperaient durement une foule d'entreprises et de consommateurs partout dans notre pays.
Casco a déjà su relever des défis dans le passé. Nous n'avons jamais rien demandé d'autre que des règles du jeu égales pour tous, mais aujourd'hui, les règles défavorisent pas seulement Casco, mais la totalité de la chaîne d'approvisionnement canadienne. Même sans l'imposition de droits, le coût prohibitif de l'énergie, autant le gaz naturel que le carburant, signifie que Casco toute une pente à remonter. L'imposition de droits allant de 1,50 $ à 2 $ le boisseau pourrait causer une escalade des coûts de fonctionnement de Casco à hauteur de nombreux millions de dollars, et cela viendrait s'ajouter à des hausses considérables du coût du gaz naturel.
Il est clair qu'aucune compagnie de la taille de la nôtre ne peut absorber de telles augmentations de coût. Les conséquences potentielles se feraient vite sentir dans toute la communauté de Casco. Notre usine de London est l'une des plus efficientes de tout notre réseau de fabrication. Cependant, l'imposition de tels droits, conjuguée à l'escalade des coûts de l'énergie, ferait grimper encore davantage les coûts de fonctionnement de l'usine de London. Notre usine de Cardinal est le principal employeur de ce petit village rural, et aussi l'un des principaux employeurs de l'est de l'Ontario. Notre usine de Port Colborne, en partenariat avec Jungbunzlauer, représente la base d'une solide industrie des glucides dans la péninsule de Niagara. La totalité de nos usines et de nos emplois au Canada sont menacés.
¹ (1540)
Chez Casco, nous voulons bâtir en tablant sur notre tradition centenaire ici au Canada. Nous voulons simplement avoir l'occasion de continuer à faire ce que nous avons toujours fait, à savoir offrir d'excellents produits à un prix raisonnable. Mais le fardeau de l'augmentation des coûts sous forme d'énergie et de droits qui pourraient aisément représenter le tiers de nos revenus totaux nuirait certainement à notre capacité de le faire.
Pour assurer la viabilité à long terme du secteur agroalimentaire canadien, nous demandons au comité de jouer un rôle de leader en élaborant une solution à long terme, au lieu d'apporter un remède à court terme qui n'avantage personne.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grey.
Nous avons aussi avec nous M. Teneycke, de l'Association canadienne des carburants renouvelables.
J'ai oublié de présenter M. Bliss Baker au début. Son nom n'était pas sur mon programme, mais je sais qui il est. Il représente Les Alcools de Commerce Inc., de Toronto.
Monsieur Teneycke, c'est vous qui prendrez la parole au nom des ressources renouvelables.
M. Kory Teneycke (directeur exécutif, Association canadienne des carburants renouvelables): Oui. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de répondre aux questions et de vous faire part de notre point de vue sur les droits compensatoires sur le maïs.
L'ACCR représente le secteur de l'éthanol et du biodiesel au Canada, depuis les producteurs potentiels et les intervenants jusqu'aux fournisseurs de la matière de base, aux fournisseurs technologiques, toute une foule de représentants. Je sais que beaucoup d'entre vous nous connaissent, surtout ceux qui ont travaillé avec nous au fil des années pour aider à bâtir notre industrie.
Comme vous le savez peut-être, nous représentons toute la chaîne de valeur de l'industrie du maïs, depuis les centaines de producteurs de maïs qui ont investi directement dans des projets potentiels de production d'éthanol, notamment la coopérative Integrated Grain Processors Co-op à Brampton, jusqu'aux centaines d'agriculteurs qui ont investi dans l'usine d'éthanol de Varennes au Québec en passant par les agriculteurs qui ont investi dans l'usine située le long de la voie maritime à Cornwall.
Je suis accompagné aujourd'hui de l'un des membres de notre conseil, M. Bliss Baker, qui est un ancien président de l'ACCR et vice-président de Les Alcools de Commerce Inc., le plus grand producteur d'éthanol du Canada et l'un des principaux acheteurs de maïs au Canada.
Je voudrais dire clairement que notre industrie appuie fermement les producteurs céréaliers canadiens. Nous ne pourrions pas réaliser nos activités sans eux. Nous avons besoin d'une industrie céréalière durable afin de nous procurer les précieuses matières premières dont nous avons besoin pour fabriquer nos produits, et le maïs américain ne pourrait nullement remplacer le maïs dont nous avons besoin près de nos usines, année après année.
Nous sommes ici aujourd'hui avant tout parce que nous savons que vous avez de nombreuses questions à nous poser sur l'utilisation et l'achat de maïs, et sur l'impact que ces droits compensatoires auraient sur notre industrie. Nous sommes également conscients du fait qu'à titre de parlementaires, vous avez la responsabilité de veiller à ce que le secteur agricole canadien soit durable et soutenu par l'industrie à valeur ajoutée requise pour assurer une demande pour nos récoltes.
Cela dit, nous allons essayer de laisser beaucoup de temps pour vos questions. Je sais que nous n'avons que quelques minutes et nous allons donc essayer d'être brefs.
Il y a environ 15 ans, l'industrie de l'éthanol au Canada était formée de quelques petites usines, et l'on parlait très peu d'une expansion éventuelle ou d'exigences en matière d'éthanol — c'est-à-dire qu'on en parlait très peu à l'exception d'un groupe de producteurs de maïs du sud de l'Ontario. Ce groupe de producteurs membres de l'APMO a eu la clairvoyance de faire des pressions à Ottawa en faveur de l'industrie de l'éthanol. L'APMO a formé l'ACCR, notre organisation, en 1993, considérant l'éthanol comme un moyen de créer une demande nationale pour les céréales.
Je dois ajouter qu'il y a dix ans, l'Ontario était un exportateur net de maïs. Autrement dit, l'offre de maïs en Ontario dépassait la demande, obligeant de nombreux producteurs à vendre leurs récoltes aux États-Unis à des prix très bas.
L'APMO avait raison à l'époque et le gouvernement fédéral a raison aujourd'hui. Appuyer l'expansion du secteur de l'éthanol, des usines d'amidon, des brasseries et des autres utilisateurs de céréales, c'est bon pour les agriculteurs.
La production d'éthanol au Canada est-elle encore bénéfique pour les agriculteurs? Absolument. Cette demande locale est-elle bénéfique pour le prix des céréales? Bien sûr que oui. L'APMO reconnaît toujours ce fait et a publié divers documents qui en font la preuve. En fait, augmenter la demande de maïs au point d'être obligé d'importer des quantités additionnelles de maïs, c'était l'objectif dès le départ.
En grande partie grâce à cette nouvelle production d'éthanol, la demande de maïs en Ontario excède aujourd'hui l'offre et, en pareil cas, les agriculteurs obtiennent le meilleur prix pour leur maïs. Cette demande locale de maïs par l'industrie de l'éthanol excédera 30 millions de boisseaux d'ici l'année prochaine. Mais pourquoi les agriculteurs sont-ils frustrés au point de mettre en péril cette demande industrielle qu'ils ont mis des années à créer, une base industrielle, soit dit en passant, qui consomme chaque grain de maïs produit par ces agriculteurs et même plus?
Je crois que leur frustration découle de nombreux facteurs, notamment les prix très bas dus aux récoltes surabondantes, un taux de change néfaste et les nombreuses iniquités qu'ils perçoivent dans tout le spectre des programmes agricoles. Je ne crois pas qu'ils veulent détruire l'industrie de l'éthanol ou le secteur de l'élevage. Cependant, le défi auquel nous sommes confrontés est que leur frustration les a forcés à prendre des mesures qui pourraient avoir ce résultat.
Si le TCCE imposait des droits provisoires suffisamment élevés, cela tuerait toute demande industrielle pour le maïs ontarien, nous ramenant à l'époque où l'offre excédait la demande. Je ne crois pas que ce soit le souhait de quiconque, mais de nombreux consommateurs de maïs n'auront pas le choix.
¹ (1545)
Le message que je veux transmettre aux députés aujourd'hui est très simple. Nous soutenons les agriculteurs, mais nous sommes contre des droits compensatoires sur le maïs et nous exhortons le gouvernement fédéral à trouver une solution négociée à ce problème. C'est seulement par cette approche que nous serons tous gagnants, évitant un scénario où tous seront perdants.
Je voudrais maintenant céder le reste de mon temps de parole à M. Bliss Baker, de Les Alcools de Commerce Inc.
Le président: Je vous demanderais d'abréger, parce que nous avons une heure à consacrer à ce groupe-ci et une heure pour le groupe suivant, et nous voulons laisser du temps pour les questions.
M. Bliss Baker (vice-président, Développement des entreprises et affaires gouvernementales, Commercial Alcohols Inc., Association canadienne des carburants renouvelables): Je serai très bref, monsieur le président. Merci.
Je tenais à être ici aujourd'hui parce que je sais que beaucoup d'entre vous ont des questions à poser sur notre industrie et en particulier sur Les Alcools de Commerce Inc. Nous sommes de grands acheteurs de maïs et je veux donc vous en dire quelques mots.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre compagnie, contrairement à Casco, notre compagne est très jeune. Certains d'entre vous ont aidé à donner naissance à notre industrie et à notre compagnie et d'ici trois à cinq ans, nous deviendrons une compagnie ontarienne d'un milliard de dollars qui fournira de l'éthanol dans l'ensemble du pays.
Nous sommes déjà l'un des plus importants fabricants industriels d'alcool en Amérique du Nord, plus seulement en Ontario, mais bien en Amérique du Nord. Nous fournissons de l'alcool à des producteurs partout en Amérique du Nord et jusqu'en Europe. Nous sommes un éclatant succès ontarien, né en Ontario il n'y a pas très longtemps.
Je voudrais aborder très brièvement deux points. On a beaucoup parlé de notre approche et de notre stratégie pour acheter du maïs. Les gens ont dit que nous achetons la totalité de notre maïs aux États-Unis, que nous achetons 90 p. 100 de notre maïs au Michigan, que nous achetons seulement dans certains comtés. Je vais démentir ces rumeurs, mais je pense qu'il importe d'abord de comprendre que le marché nord-américain du maïs, comme Jim l'a dit, est un marché volatil. C'est une situation de libre-échange et les prix du maïs sont fixés par le Chicago Board of Trade. Il n'existe pas de maïs bon marché du Michigan ou de maïs américain bon marché. Le prix repère pour l'Amérique du Nord est fixé à Chicago et il est très important de bien comprendre cela.
Il importe aussi de comprendre que dans notre secteur, nous achetons 93 p. 100 de notre maïs en Ontario. Cela veut dire que nous allons chercher notre maïs dans les silos. Nous déposons une offre pour le maïs et les fournisseurs se tournent instinctivement vers le maïs local en premier lieu. Cela leur coûte moins cher. Cela réduit les formalités d'importation et ils peuvent économiser en frais de transport. Quand ce maïs est épuisé, ils vont plus loin pour chercher du maïs, jusqu'à ce qu'ils puissent satisfaire la demande de notre usine ou de celle de Jim ou d'autres usines. C'est ainsi que fonctionne le système des achats de maïs dans notre secteur.
Pour aller droit au but, nous achetons quasiment tout notre maïs en passant par les silos de l'Ontario. Y a-t-il du maïs américain dans ces silos? Absolument. Nous ne savons pas quels grains de maïs sont américains et lesquels sont canadiens. Selon la période de l'année, il y a entre 5 p. 100 et 35 p. 100 de maïs américain dans les silos, mais c'est le marché dans lequel nous fonctionnons de manière générale.
Les Alcools de Commerce Inc a acheté plus de 20 millions de boisseaux de maïs l'an dernier. Selon l'APMO et selon des études publiées par cet organisme, cela a fait grimper le prix local à Chatham de pas moins de 11 ¢ le boisseau. En fait, le prix affiché du maïs livré à notre usine la semaine dernière était de 20 ¢ de plus par boisseau que partout ailleurs dans la province, et la raison en est bien simple: la demande. Nos usines fonctionnent 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous consommons 10 000 tonnes métriques de maïs par semaine et nous devons donc en trouver constamment. Globalement, cette demande a eu bien sûr une incidence positive sur les prix et a donné aux agriculteurs locaux un marché pour écouler leurs céréales ici même chez eux.
Je serai très bref; j'ai presque fini.
Je veux transmettre aujourd'hui un message simple aux membres du comité: notre industrie ne peut pas supporter une augmentation des coûts de 40 p. 100. Le coût du maïs représente de 70 p.100 à 75 p. 100 de nos frais fixes, et si l'on impose en mars un droit compensatoire important, cela nous désavantage à hauteur de 40 p. 100 par rapport aux producteurs d'éthanol américains qui sont actuellement nos concurrents. J'exhorte donc les membres du comité à trouver une solution négociée aux difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés, et je suis prêt à répondre à vos questions.
¹ (1550)
Le président: Merci, monsieur Baker.
Nous passons maintenant à M. Westcott et au groupe de Spirits Canada qui nous feront un bref exposé. Je sais que vous avez un mémoire, mais il est en anglais seulement et nous ne pouvons donc pas le distribuer.
M. Jan Westcott (président et chef de la direction , Spirits Canada / Association des distillateurs canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est avec plaisir que nous prenons la parole devant le comité sur les questions importantes liées à la production et à l'utilisation du maïs au Canada.
Je m'appelle Jan Westcott. Vous avez déjà présenté C.J. Helie et Kirsten.
Nous sommes la seule association commerciale nationale représentant les intérêts de l'industrie des distillateurs canadiens. Nos compagnies membres sont Bacardi Canada; Black Velvet Distilling; Canadian Mist Distillers; Corby Distilleries; Diageo; Hiram Walker & Sons; et Schenley Distillers. Prises ensemble, nos compagnies membres représentent plus de 80 p.100 de la production, des ventes et des exportations de spiritueux canadiens.
Nos membres exploitent d'importantes installations de fabrication, d'embouteillage ou de vieillissement du whisky à Amherstburg; Brampton; Collingwood; Windsor (Ontario); Gimli (Manitoba); LaSalle; Laval; Montréal; Valleyfield (Québec); et Lethbridge (Alberta).
Les compagnies membres de Spirits Canada jouent un rôle économique important dans le secteur agricole à valeur ajoutée au Canada, avec des achats agricoles de 118 millions de dollars par année, dont près de 40 millions de dollars de maïs. Bien que les distillateurs canadiens achètent aussi du blé, du seigle et de l'orge, le maïs est le principal intrant agricole.
Les distillateurs canadiens produisent des alcools de classe mondiale, notamment du gin, du rhum, de la vodka, des liqueurs, des panachés, et bien sûr notre produit vedette, le whisky canadien.
Les membres de Spirits Canada achètent aussi 214 millions de dollars par année de biens et services dans l'ensemble de l'industrie alimentaire, c'est-à-dire des contenants, des produits d'emballage et autres matériaux; nous avons une masse salariale annuelle évaluée à plus de 101 millions de dollars, et nous employons 2 400 personnes d'un bout à l'autre du pays dans des emplois très qualifiés et bien rémunérés.
La production, la distribution et la vente d'eau-de-vie distillée sont d'importantes sources de revenu pour les détaillants privés et publics de boissons alcoolisées, les exploitants du secteur de l'hôtellerie et du tourisme, les agriculteurs et les propriétaires de petites entreprises, de même que pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. En fait, les recettes fiscales tirées directement des spiritueux par les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada dépassent trois milliards de dollars chaque année, dont 800 millions de dollars en taxe d'accise fédérale et en TPS.
Voilà un bref survol de notre organisation et nous avons une fiche de renseignements qui vous sera remise.
Comme on l'a dit tout à l'heure, l'industrie canadienne des spiritueux achète près de 40 millions de dollars de maïs par année, presque entièrement des agriculteurs canadiens. Pour mettre cela en perspective — car je sais que le comité a examiné un vaste éventail de questions — l'industrie des spiritueux achète plus de maïs que la valeur totale de la récolte canadienne de raisin à vinifier. Le maïs est la principale céréale utilisée pour la production d'eau-de-vie distillée et il est utilisé dans la production de presque toutes les eaux-de-vie distillées au Canada.
Les distillateurs canadiens sont un groupe relativement restreint mais important d'utilisateurs de maïs canadiens. Nous savons que près de 80 p. 100 du maïs utilisé au Canada sert à nourrir le bétail, le porc et d'autres animaux. À environ 10 millions de boisseaux, la production de spiritueux représente quelque 11 p. 100 du reste, soit 85 millions de boisseaux, du maïs utilisé pour la production industrielle.
Bien qu'il soit confronté à de grands défis, notamment les subventions au titre de la taxe fédérale d'accise continuellement versée à nos principaux concurrents dans les secteurs de la bière et du vin, d'importantes barrières rendant difficile l'accès à des marchés étrangers clés, et l'appréciation du dollar canadien, le secteur canadien des spiritueux est déterminé à poursuivre un programme énergique de croissance intérieure et à l'exportation. Par conséquent, nous sommes inquiets au sujet de facteurs externes additionnels qui pourraient potentiellement exacerber les difficultés auxquelles se bute déjà l'industrie et qui peuvent menacer nos possibilités futures.
Comme le maïs est une marchandise couramment négociée à l’échelle internationale, son prix suit normalement les cours américains et mondiaux. C’est la raison pour laquelle, même si nous achetons la plus grande part de notre maïs à des producteurs canadiens, toute augmentation du prix du maïs américain risque d’avoir une incidence directe et immédiate sur l’achat de maïs par les producteurs de spiritueux canadiens.
Notre principal objectif aujourd'hui est de faire comprendre au comité la vulnérabilité de notre secteur face à toute hausse des coûts associés à notre principal intrant agricole. Plus précisément, nous allons décrire comment les difficultés extérieures existantes avec lesquelles notre secteur est aux prises — notamment celles qu'on vient d'énumérer — ainsi que d'autres facteurs qui sont particuliers à notre secteur nous laissent particulièrement vulnérables à un risque considérable.
Les spiritueux au Canada sont frappés par l'une des fiscalités les plus lourdes en comparaison de presque n'importe quel autre produit ailleurs dans le monde. Du point de vue économique, un taux d'imposition élevé limite sévèrement la capacité des distillateurs d'absorber des hausses de prix. Pour établir le contexte, au niveau fédéral au Canada, les spiritueux sont frappés d'une taxe d'accise de 11,066 $ par litre d'alcool pur, taux qui est entre deux fois et deux fois et demie supérieur à la taxe d'accise imposée sur les produits qui nous font une concurrence directe, la bière et le vin.
En dépit des protestations émanant de certains milieux qui réclament des allégements encore plus marqués de la taxe d'accise sur la bière et le vin, il est clair que la structure actuelle est déjà fortement biaisée en leur faveur, au détriment de l'industrie des spiritueux. En fait, cette iniquité de la structure de la taxe d'accise fédérale est l'équivalent d'une subvention annuelle aux entreprise financée par les contribuables d'une valeur de plus de 200 millions de dollars par année.
Un droit d'accise fédéral canadien harmonisé imposé au taux fiscalement neutre de 12 ¢ par consommation standard favoriserait l'innovation, la productivité et la concurrence sur le marché, en plus de donner aux producteurs de spiritueux une certaine marge de manoeuvre qui les aiderait à absorber des chocs extérieurs. En l'absence d'une telle harmonisation, les activités de distillation au Canada sont vulnérables en cas de hausse des coûts associés à notre principal intrant, en l'occurrence le maïs.
À titre d'exportateurs, les compagnies canadiennes de spiritueux ont été durement touchées par l'appréciation du dollar canadien ces dernières années. Un dollar plus fort représente un défi considérable pour les compagnies, parce que l'industrie exporte près de 70 p. 100 de sa production totale. En fait, la valeur des exportations canadiennes de spiritueux est plus élevée que la valeur totale de toutes les exportations canadiennes de bière, de vin et de cidre.
Le secteur des eaux-de-vie distillées est le seul secteur de boissons alcoolisées au Canada dont la majorité de la production est exportée. L'appréciation de notre devise s'est d'abord fait sentir dans notre principal marché d'exportation, les États-Unis. Environ les trois quarts de nos exportations vont vers les États-Unis. Le marché américain des boissons alcoolisées est l'un des plus compétitifs au monde. Le whisky canadien est le whisky le plus vendu aux États-Unis, ce qui témoigne de la qualité et du prestige des produits canadiens aux États-Unis. En fait, les ventes de whisky canadien aux États-Unis dépassent les ventes combinées de whisky écossais, de whisky irlandais et de blended whisky américain.
Cela dit, à cause de la pression concurrentielle, en particulier du bourbon américain et d'autres spiritueux qui sont frappés dans ce pays de droits d'accise réels plus bas, beaucoup de fournisseurs canadiens n'ont pas été en mesure de répercuter sur leurs prix l'appréciation du dollar. Il en est résulté une diminution des marges bénéficiaires des fournisseurs canadiens et une réduction encore plus marquée de la marge de manoeuvre financière permettant d'absorber des augmentations de coûts associés à nos intrants agricoles.
Il importe également de signaler que les distillateurs n'ont aucune possibilité raisonnable de trouver un produit de remplacement pour le maïs, soit en utilisant d'autres céréales, soit en changeant de fournisseurs pour aller s'approvisionner outre-mer. La distillation d'eaux-de-vie est un procédé extrêmement perfectionné mettant en cause un important facteur de rendement, c'est-à-dire la quantité d'alcool que l'on peut tirer d'une quantité donnée d'intrants, et un facteur de goût et de qualité associé au produit fini, qui est un bien de consommation de prestige et de grande valeur. Ces deux facteurs empêchent un distillateur de remplacer par un autre produit le maïs actuellement utilisé par la distillerie.
Nous avons identifié un certain nombre de facteurs spécifiques et particuliers à l'industrie des spiritueux. Cela ne veut pas dire que nous ne soyons pas touchés également par des pressions plus étendues qui sont également ressenties par d'autres secteurs de l'industrie manufacturière canadienne, notamment la concurrence mondiale intense et assurément, ces derniers temps, la hausse du prix de l'énergie.
En terminant, il est important de noter que nous sommes sympathiques à la cause des agriculteurs canadiens, que ce soit dans le secteur du boeuf, du porc ou du maïs. Cependant, il faut faire très attention de ne pas créer de nouveaux problèmes par ailleurs en cherchant à mettre en place des solutions d'ordre pratique. Ce sont certainement des questions complexes et nous offrons notre collaboration pour aider à trouver la meilleure solution.
Merci.
º (1600)
Le président: Merci, monsieur Westcott.
Nous allons passer rapidement aux questions et M. Miller est le premier sur la liste. Je vais limiter le temps de parole à cinq minutes, simplement parce qu'il nous reste une demi-heure.
M. Larry Miller (Bruce—Grey—Owen Sound, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui, mais en rétrospective, je pense que nous aurions dû leur accorder deux minutes chacun pour leurs exposés, parce qu'il nous reste 26 minutes sur les 60 minutes pour les interroger.
Quoi qu'il en soit, je ferai d'abord observer que la production de maïs au Canada, comme nous le savons tous — et je vous demanderais de donner des réponses relativement brèves —, ne suffit pas à combler la demande intérieure totale. Serait-il possible qu'en imposant des droits sur le maïs américain, on se trouve en fait à créer une pénurie sur le marché intérieur?
Quelqu'un veut-il répondre à cela?
M. Bliss Baker: Je vais m'y essayer. La réponse est oui, nous n'aurions pas assez de maïs pour faire fonctionner nos usines. Si un droit était mis en place, il nous faudrait prendre des mesures draconiennes, réduire l'ampleur de nos activités, si le droit était suffisamment élevé.
M. Larry Miller: Bon.
Je veux faire une autre observation. Je suis agriculteur et j'ai déjà été producteur de maïs, et je vous entends tous dire à quel point vous voulez appuyer le secteur agricole. Je crois vraiment qu'aucune de vos entreprises, en fait... Je pense que vous pourriez en faire beaucoup plus pour nous appuyer et que vous devriez faire un effort pour acheter du maïs canadien, quitte à payer plus cher. Je sais que ce serait raisonnable de le faire seulement jusqu'à un certain point, mais je trouve que vous pourriez faire un plus grand effort.
J'ai une autre question. Si nous devions imposer des droits sur l'importation de maïs américain, est-ce que le seul résultat ne serait pas d'accroître encore l'écart entre le prix du maïs aux États-Unis et au Canada? Dans l'affirmative, cet écart de prix découragerait-il l'investissement dans la transformation à valeur ajoutée au Canada?
M. Jim Grey: Pourriez-vous répéter la première partie de votre question?
M. Larry Miller: Oui. Il est bien possible que d'imposer des droits sur l'importation de maïs américain ne ferait qu'accroître l'écart entre le prix du maïs aux États-Unis et au Canada, n'est-ce pas?
M. Jim Grey: Autant le prix du maïs canadien que le prix du maïs étranger vendu au Canada augmenterait en conséquence.
M. Larry Miller: Quoi qu'il en soit, je persiste à croire qu'il y aura un écart.
Mais en fin de compte, si ce droit était imposé, cela n'aurait-il pas pour résultat de décourager l'investissement en termes d'immobilisations, de transformation, etc.?
M. Jim Grey: Absolument. Cela décourage déjà l'investissement en capitaux.
M. Larry Miller: Oui, dans tous les secteurs.
Ma question suivante s'adresse aux représentants du secteur de l'éthanol. Étant donné le plan du gouvernement visant à augmenter la production d'éthanol, plan que je trouve bon dans une certaine mesure, à combien estimez-vous la demande supplémentaire, en volume, en comparaison du volume utilisé aujourd'hui, quelle sera l'augmentation des besoins de maïs?
M. Kory Teneycke: L'augmentation de la demande en Ontario seulement, attribuable à l'exigence de 5 p. 100 d'éthanol décrétée par le gouvernement McGuinty, est de 750 millions de litres d'éthanol, et il semble bien que la demande va en fait dépasser ce chiffre pour atteindre peut-être un milliard de litres. On tire environ 10 litres d'éthanol d'un boisseau, et l'on peut donc s'attendre à une demande totale de maïs de l'ordre de 100 millions de boisseaux. L'année prochaine, nous en utiliserons près de 30 millions, et la demande de maïs pourrait donc augmenter de 70 millions de boisseaux.
Il y aura donc une hausse énorme de la demande de maïs. C'est une très bonne chose pour le prix du maïs et pour les producteurs de maïs de l'Ontario que d'avoir une telle demande additionnelle dans notre marché.
Quelle est la solution de rechange? Cet éthanol est fabriqué au Michigan et les usines sont construites là-bas et les producteurs locaux de maïs n'en tirent aucun avantage.
º (1605)
M. Larry Miller: Monsieur le président, ma prochaine question s'adresse aux porte-parole de tous les secteurs qui sont représentés ici et je pense qu'ils peuvent tous y répondre brièvement s'ils en connaissent la réponse.
Je vais m'adresser d'abord à M. Westcott ou à Mme Goodwin, de Spirits Canada. Aux prix actuels, aux prix que vous payez aujourd'hui, si l'on ajoutait un droit compensatoire, quelles en seraient les conséquences pour le secteur des distilleries au Canada, en dollars? Je vais poser ensuite la même question aux représentants des autres secteurs.
M. Jan Westcott: Comme je l'ai dit, toute augmentation de coût nous désavantage par rapport à nos concurrents. Nous vendons la plus grande partie de nos produits dans d'autres marchés et la concurrence est féroce. Nos principaux concurrents sont de grands producteurs américains qui produisent du whisky aux États-Unis et partout dans le monde et c'est un marché très compétitif. Nous devons rivaliser sur ce marché. Nous avons subi des augmentations de coûts à cause de l'évolution du dollar canadien. L'écart était de 30 p. 100...
M. Larry Miller: Mais, monsieur Westcott, en toute justice, tous les secteurs doivent composer avec cela. Je dois en faire autant quand je vends mon bétail.
Je voudrais plutôt avoir une réponse en pourcentage, si c'est possible?
M. Jan Westcott: Je ne peux pas vous donner cette précision.
M. Larry Miller: Avez-vous une estimation quelconque?
M. Jan Westcott: Je ne peux pas. Nous sommes en ce moment même en train d'essayer de comprendre cette problématique et le processus auquel nous nous livrons actuellement nous permettra d'obtenir ce renseignement.
M. Larry Miller: Monsieur Grey.
M. Jim Grey: Je vais d'abord reprendre les propos de M. Westcott en disant que tous les secteurs doivent absorber cela. Malheureusement, tous nos concurrents sont américains. Ils n'auront pas à payer ce droit.
Pour ce qui est d'en estimer l'incidence pour nous, encore une fois, cela dépend du taux du droit. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous transformons à peu près 25 p. 100 de la récolte de maïs de l'Ontario, qui est de 200 millions de boisseaux. Un simple calcul arithmétique permet de déterminer quelle en serait l'incidence pour nous.
M. Larry Miller: Monsieur Baker.
M. Bliss Baker: J'en reviens à ce que JIm a dit; cela dépend, il faudra voir si le montant ou le taux du droit est considérable. Nous avons actuellement trois usines; la première a des coûts très élevés et ne pourrait pas survivre si le droit était élevé. Pour les autres usines, tout dépend du montant du droit. Si le droit est suffisamment important, il se pourrait que le secteur de l'éthanol ne puisse survivre. Si le droit est minime, nous pourrions être en mesure de l'absorber. Nous ne le savons pas. C'est trop tôt.
Le président: Monsieur Bellavance, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. André Bellavance: Merci, monsieur le président.
J'ai écouté vos témoignages avec attention. J'ai même eu l'occasion de souligner quelques éléments importants de vos propos. Ce qui me frappe un peu est que, outre le fait de dire que vous avez de la compassion pour les producteurs de grains du Canada, dans aucun de vos témoignages, vous n'avez demandé au gouvernement d'entreprendre des négociations.
Offrez-vous quelque chose aux producteurs, en raison de ce qui se produit? J'ai lu certains documents. Ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant de faire un contrat qui, par exemple, comprendrait une clause d'ajustement du prix qui tiendrait compte d'un droit compensatoire? Avez-vous eu des discussions avec les producteurs? Avez-vous l'intention d'en avoir? Serait-il intéressant de mettre cela sur la table?
[Traduction]
M. Jim Grey: Merci, monsieur Bellavance.
En fait, j'ai rencontré hier soir environ 300 personnes dans la petite ville de Cardinal, dont beaucoup étaient des producteurs de maïs, justement pour discuter de cette question et des conséquences potentielles pour le Canada. Depuis de nombreuses années, nous travaillons en fait de concert avec les producteurs de maïs, nous faisons des démarches auprès du gouvernement canadien et du gouvernement de l'Ontario pour chercher des solutions à leurs problèmes. Il est certain que nous le faisons depuis de nombreuses années et nous avons cherché des solutions possibles à leurs problèmes.
Je suis un homme d'affaires et je ne peut pas mettre en oeuvre une solution qui aurait une incidence négative sur mon entreprise face à mes concurrents américains. Je ne peux pas payer mes matières premières plus cher que ce que payent mes concurrents américains, mais il existe des mécanismes que nous pouvons mettre en oeuvre pour chercher des solutions à long terme. Je crois que les prochaines discussions de l'OMC sur les subventions versées aux États-Unis représentent une piste de solution à long terme.
Ce qu'il nous faut, cependant, c'est une solution à court terme et une solution de transition pour notre industrie et pour les producteurs de maïs en Ontario — et au Canada tout entier, en fait. Je sais que l'APMO a proposé des solutions précises et je sais qu'il y a aussi d'autres mécanismes que l'on peut mettre en oeuvre. Nous sommes prêts à travailler avec toutes les parties à cet égard.
º (1610)
[Français]
M. André Bellavance: Personne n'a abordé la question du dumping. Reconnaissez-vous que la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec a décidé à bon droit de porter plainte contre le dumping américain? Dans tout ce que vous avez dit, rien ne reconnaissait que les producteurs vivaient cette situation.
[Traduction]
M. Bliss Baker: Je pense qu'il incombe à l'ASFC ou au TCCE de décider s'il y a eu préjudice ou dumping. Personnellement, je suis ici parce que je veux expliquer aux membres du comité le fonctionnement du marché du maïs et les stratégies d'achat de maïs, ainsi que l'incidence que ce droit aura sur nous. Je pense que ce sera à l'ASFC de décider s'il y a eu dumping ou non. C'est ce que nous attendons.
[Français]
M. André Bellavance: Vous connaissez quand même ce domaine, vous y travaillez. Vous devez donc avoir une idée de ce qui ce passe dans le marché. Vous devez avoir une opinion à savoir s'il y a, oui ou non, du dumping. Actuellement, vous en profitez car vous payez moins cher. C'est donc positif pour vous, mais ça ne l'est pas pour d'autres.
Ne vous êtes-vous pas penchés sur la question à savoir s'il y avait du dumping ou non?
[Traduction]
M. Bliss Baker: Non, nous ne l'avons pas fait.
[Français]
M. André Bellavance: Vous reconnaissez sans doute quand même qu'il y a des compensations gouvernementales chez les Américains qui atteignent 300 $ l'hectare, alors qu'on parle ici de compensations qui sont environ 10 fois moins importantes. Il y a donc une inéquité qui est reconnue.
[Traduction]
M. Bliss Baker: Je ne suis pas avocat spécialisé en droit commercial, mais je pense que l'ASFC a déjà fait savoir qu'il y a apparence de subventions. Nous le saurons en décembre et ce sera définitif. Ils ont déjà reconnu que des indices donnent à penser que des subventions ont été versées, mais nous ne passons pas beaucoup de temps à analyser les programmes de subvention des États-Unis. Nous fonctionnons dans le cadre du marché et nous achetons du maïs comme tous les autres intervenants ici présents.
Le président: La question s'adresse à M. Grey.
M. Jim Grey: Je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute que des subventions sont versées aux États-Unis. Vous savez certainement tous qu'il y a une nette différence entre le versement de subventions et le dumping. Pour vérifier s'il y a dumping, il faut calculer le coût de production du maïs aux États-Unis; je ne connais pas ce dossier de façon détaillée. Je répète que c'est la tâche de l'ASFC de déterminer cela, mais je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute quant au fait que des subventions sont accordées aux États-Unis.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la solution à long terme réside peut-être dans un marché intégré caractérisé par le libre-échange et l'élimination de ces subventions, mais c'est une solution à long terme.
Le président: Merci, monsieur Grey.
La parole est à M. Eyking, qui dispose de cinq minutes.
L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis en train d'évaluer quelques éléments. Il me semble assez évident que vous devez importer du maïs pour assurer le fonctionnement de vos industries respectives, et cela s'applique à vous tous. Vous avez vraiment besoin d'importer du maïs au prix fixé à Chicago, parce que vous faites concurrence à des compagnies américaines qui produisent les mêmes biens fabriqués à partir de maïs.
Le problème qui se pose à nous — nous avons eu la même discussion à la dernière séance du comité en examinant plusieurs tableaux — est de savoir à combien s'élèvent les subventions. Tout cela revient à une question de subventions. Nous avons calculé que la subvention est de 90 ¢US le boisseau — du moins, je pense que c'était par boisseau. Pour notre part, je pense que nos producteurs touchent au grand maximum 10 ¢ le boisseau en tenant compte de tous les programmes que nous avons. L'écart est donc — je donne des chiffres approximatifs — de l'ordre de 75 ¢ à 80 ¢ le boisseau. Voilà le problème. Le problème est que nos producteurs ne font pas assez d'argent à cause des subventions versées aux producteurs américains.
Il y a deux manières de s'y prendre, et vous en avez évoqué une, qui consiste à essayer d'obtenir que les États-Unis réduisent leurs subventions aux producteurs. Ces subventions font augmenter le prix du maïs à Chicago et tout le monde paie un peu plus cher. Vous n'avez pas d'objection à cela. Nous essayons d'y remédier en passant par l'OMC, mais c'est un long processus. Même s'ils adoptent la solution qu'ils prétendent vouloir adopter, cela ne réduirait les subventions que de l'ordre de 40 p. 100 à 50 p. 100.
Donc, si nous voulons que nos producteurs survivent, ce qui doit arriver, c'est que nous devrons essayer de les subventionner davantage. En définitive, c'est le contribuable canadien qui subventionne les producteurs de maïs, ce qui subventionne indirectement votre industrie également, pour que vous puissiez faire concurrence aux Américains. Voilà qui décrit assez bien la situation, en bref. Que devons-nous faire?
Je suppose que nous aimerions que vos entreprises absorbent une petite partie du choc, au lieu que ce soit seulement les contribuables qui en absorbent la totalité. Vous nous dites en somme que vous n'avez pas la moindre marge de manoeuvre pour ce faire. N'y a-t-il donc pas la moindre marge de manoeuvre?
º (1615)
M. Bliss Baker: Mon seul commentaire là-dessus, c'est que vous avez raison dans la première partie de votre intervention. Mais si le pays négociait la réduction des subventions et que le cours du maïs établi par le Chicago Board of Trade était porté à 3,50 $ le boisseau, nous n'aurions pas d'objection. Nous sommes prêts à payer 3,50 $, pourvu que tout le monde paie 3,50 $. Voilà la difficulté. Nous paierions 4 $ le boisseau si tous les autres payaient 4 $ le boisseau. Mais si nous payons 3 $ le boisseau et que nos concurrents en Illinois payent 2 $ le boisseau, c'est un problème.
M. Kory Teneycke: Je voudrais ajouter qu'à mon avis, les gens ne se rendent peut-être pas compte que le coût du maïs est plus élevé au Canada. Si tout le monde payait le prix fixé à Chicago... Dans le corn belt des États-Unis, le maïs est vendu à rabais par rapport au prix affiché à Chicago. Nos producteurs de maïs vendent plus cher.
La question est de savoir si nous payons plus cher pour ce produit aux agriculteurs canadiens producteurs de maïs que le prix que payent nos concurrents aux États-Unis. La réponse est oui. Nous payons déjà plus cher. Nous payons plus pour chaque boisseau. C'est parce que nous sommes dans un marché d'importation, tandis qu'ils sont dans un marché d'exportation. Est-ce que nous aidons les producteurs de maïs? À chaque jour qui passe, pour chaque boisseau qui est vendu, peu importe qu'il soit vendu à Casco ou à Les Alcools de Commerce, ou qu'il soit conservé sur l'exploitation agricole qui le produit, ce maïs a une plus grande valeur à cause du fait que nous nous situons dans ce marché d'importation.
D'une manière, l'intervention de l'APMO menace de tuer la poule aux oeufs d'or. Je comprends que l'on continue de payer et que ce n'est peut-être pas suffisant, mais nous faisons partie de la solution et non pas du problème aujourd'hui.
L'hon. Mark Eyking: Mais ce n'est pas avantageux pour vous, en fin de compte, de ne pas pouvoir compter sur du maïs cultivé au Canada.
M. Kory Teneycke: Bien sûr que non. Je pense que votre question était plutôt de savoir si nous pourrions faire quelque chose de plus. La réponse est que nous payons déjà le maïs plus cher que nos concurrents.
L'hon. Mark Eyking: Est-ce à cause du transport?
M. Kory Teneycke: C'est parce que nous ne produisons pas assez de maïs. Nous devons répondre aux besoins du marché, et le maïs doit donc être acheminé jusqu'au marché par train ou par bateau ou par camion, en provenance de secteurs où l'on cultive du maïs, par opposition à l'usine d'éthanol ADM située dans le corn belt, qui est un exportateur net. Le maïs coûte beaucoup moins cher là-bas. Le maïs coûte le même prix livré à notre usine, que ce soit du maïs américain ou du maïs de l'Ontario, et il coûte plus cher que ce que nos concurrents payent.
M. Jan Westcott: Je voudrais répondre à la suggestion voulant que, d'une manière ou d'une autre, nous soyons subventionnés dans notre secteur. Il ne faut pas perdre de vue que pour chaque bouteille de notre produit que nous vendons au Canada, le gouvernement empoche 85 ¢ sur chaque dollar. Et le gouvernement fédéral prend sa part, de même que tous les gouvernements provinciaux. Je ne crois donc pas qu'il soit juste ou raisonnable de dire que l'industrie des spiritueux, qui touche 15 ¢ sur chaque dollar de ventes brutes, pour un produit que nous fabriquons, est subventionnée.
Il n'y a aucun doute que le système ne fonctionne pas bien. Il y a toute une série de problèmes. Dans le secteur de la bière — j'ai travaillé dans le secteur de la bière pendant de nombreuses années, comme beaucoup d'entre vous le savent —, on touche 50 ¢ sur chaque dollar. Dans le secteur du vin, dans lequel j'ai également travaillé pendant des années, on touche de 30 ¢ à 35 ¢. Je pense que nous devons garder à l'esprit qu'il y a un certain nombre de facteurs qui exercent des pressions et il est certain que ces idées périmées que nous persistons à appliquer dans notre fiscalité au Canada, dont j'ai parlé tout à l'heure, représentent un facteur très important dans notre secteur particulier.
Que ce soit bon ou mauvais, je trouve que c'est remarquable que nous ayons connu autant de succès en prenant des matières premières canadiennes et en les transformant en un bien de prestige et d'une très grande valeur que nous vendons littéralement dans le monde entier. Je trouve que c'est une bonne chose, mais cela veut dire que nous devons être concurrentiels et rivaliser avec des concurrents qui savent comment s'y prendre et qui fabriquent eux aussi d'assez bons produits. Nous partageons cette problématique avec nos collègues, en particulier ceux de Casco. Nous devons être compétitifs.
º (1620)
Le président: Le temps est écoulé. Nous revenons aux conservateurs, nommément à M. Anderson, qui dispose de cinq minutes.
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, PCC): Merci, monsieur le président.
J'ai lu l'autre jour un document, comme Mark l'a dit, au sujet d'une subvention américaine de 91 ¢. Ils touchent 30 ¢ au titre d'un paiement pour contrer les fluctuations cycliques, 28 ¢ sous forme de paiements directs, 23 ¢ sous forme de prêts et du programme LDP, une autre tranche de 10 ¢ dans le cadre du programme d'assurance-récolte, et tout cela dans un marché où le prix moyen se situe entre 2,85 $ et 2,90 $.
Je suppose que je me demande seulement pourquoi vous attendez de l'agriculteur canadien qu'il absorbe ce fardeau. Cela influe manifestement sur le prix du maïs non seulement au Canada, mais également aux États-Unis, et pourquoi serait-il juste que le producteur canadien doive absorber le coût de ces subventions qui sont octroyées dans un autre pays?
M. Jim Grey: Je ne pense pas avoir jamais laissé entendre qu'il est juste que l'agriculteur canadien absorbe ce coût. Ce que j'ai dit, par contre, c'est que nous fonctionnons dans un marché intégré et que nous faisons concurrence à des transformateurs qui achètent ce maïs et qui rivalisent directement avec nous au Canada. Voilà le noeud du problème.
M. David Anderson: Eh bien, c'est intégré à un niveau; ce n'est pas intégré à l'autre niveau. Parce que nos agriculteurs ne sont pas protégés, les agriculteurs américains touchent des subventions massives.
Kory, vous avez dit que l'accroissement de la capacité de production d'éthanol est essentiellement une bonne chose pour le prix du maïs versé aux producteurs canadiens. Ce n'est pas exact si le maïs importé dans notre pays bénéficie d'une subvention de 91 ¢. Cela veut dire que nos agriculteurs touchent probablement, je ne sais pas, 75 ¢, 80 ¢, 90 ¢ de moins qu'ils ne recevraient autrement pour leur maïs.
Tant que ces subventions continueront d'être versées par les États-Unis au niveau actuel, l'augmentation de la production n'est pas nécessairement bonne pour nos producteurs de maïs.
M. Kory Teneycke: Eh bien, il y a là deux questions séparées. La première est celle-ci: est-ce que le fait d'avoir une demande locale vous permet de toucher un meilleur prix pour votre denrée? Et la réponse est un oui catégorique. L'APMO a publié de nombreuses études qui démontrent que le fait d'avoir une demande accrue à côté de votre exploitation agricole, le fait que quelqu'un tout juste à côté de chez vous a besoin de 20 millions de boisseaux de maïs par année, c'est bon pour votre prix de base local.
Maintenant, notre industrie ne peut pas changer unilatéralement les cours mondiaux du maïs et nous ne pouvons pas changer la politique gouvernementale d'autres pays en matière de subventions. Est-ce à cause de ce que les utilisateurs industriels de maïs ont fait ou n'ont pas fait que le prix international du maïs ou l'intervention gouvernementale sur le marché de cette denrée ont évolué de cette manière? Non, cela n'a aucun rapport. Ce sont deux questions distinctes.
Nous contribuons à augmenter la demande de maïs au Canada, ce qui est une bonne chose pour le prix payé aux producteurs locaux. Y a-t-il d'autres problèmes, comme ceux que vous avez évoqués? Oui, bien sûr qu'il y en a, mais ce sont deux questions séparées.
M. David Anderson: Eh bien, l'écart de prix est peut-être de deux ou trois cents, mais il y a aux États-Unis une surproduction qui, sauf erreur, correspond à sept fois la production annuelle du Canada. Il n'y a donc pas de demande excédentaire parce que si on leur permet de faire du dumping de leur produit chez nous, cela ruine la structure de prix dans notre pays.
Il ne me reste que deux minutes, mais je veux passer à une autre question que j'ai abordée l'autre jour. Le programme d'expansion du marché de l'éthanol, à l'origine, au moment de sa création, était censé aider les petites et moyennes entreprises à lancer des projets. Le gouvernement a délibérément décidé de ne pas faire cela; on a plutôt décidé d'investir l'argent dans des usines plus grandes et des entreprises de plus forte capacité. Je crois savoir que des notes de service laissent entendre que, essentiellement, on ne faisait pas confiance aux petites entreprises pour ce qui est de gérer de telles sommes, mais cela a débouché sur la décision d'implanter des usines dans des régions où, le gouvernement le savait, il y aurait pénurie de matières premières.
C'est ainsi que notre pays devra importer d'énormes quantités de maïs pendant une période prolongée pour répondre à la demande provoquée par l'accroissement de la production d'éthanol, alors même qu'il y avait d'autres projets dans d'autres régions du pays où la matière première était abondante, et le gouvernement a décidé de ne pas appuyer les projets dans ces régions. C'est ainsi que le gouvernement a, dans une certaine mesure, créé ce problème, et je suppose que je m'attends maintenant à ce qu'il trouve une solution. Il y avait une manière d'en atténuer l'incidence, et c'était de partager l'effort en lançant des projets dans d'autres régions de notre pays.
º (1625)
M. Bliss Baker: Notre compagnie a reçu de l'aide dans le cadre du programme d'expansion du marché de l'éthanol et notre usine de Varennes, au Québec, a été la première usine d'éthanol au Québec. Je crois que le Québec est en fait un exportateur net de maïs et a un surplus de maïs et je ne crois donc pas qu'il y ait pénurie. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre compagnie voulait s'installer là-bas. Je ne sais pas si ce que vous dites s'applique; en tout cas, cela ne s'applique certainement pas au Québec.
Quant au processus par lequel nous sommes passés pour recevoir des fonds dans le cadre du programme d'expansion du marché de l'éthanol, cela s'est fait par une demande de propositions. La taille de l'usine n'entrait pas en ligne de compte. La demande de propositions était plutôt fondée sur le montant par litre. Peu importe que l'on proposait de construire une usine de 50 millions de litres ou une usine de 100 millions de litres, les subventions et l'aide financière étaient accordées en fonction du montant par litre.
M. Kory Teneycke: J'aimerais bien ajouter quelque chose.
Notre industrie est confrontée à deux problèmes. Le premier est l'accès au marché et le deuxième est qu'il faut faire concurrence à l'industrie américaine.
C'est vrai que des projets ont été lancés dans l'ouest du Canada et dans d'autres régions du pays, et ils ont répondu à la demande qui existe dans ces marchés. Il y a deux usines d'éthanol en construction qui reçoivent toutes deux de l'argent du programme d'expansion du marché de l'éthanol en Saskatchewan, il y en a une en Colombie-Britannique, et il y en a une au Manitoba. Ces usines reçoivent toutes de l'argent de ce programme. L'usine de Weyburn, en Saskatchewan, est une toute petite usine; elle produit 20 millions de litres par année.
Je ne suis pas certain d'être d'accord avec les prémisses de votre question.
Le président: Votre temps est écoulé et je dois passer à quelqu'un d'autre.
Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je dois dire d'entrée de jeu que cette réunion est excellente pour nos producteurs de maïs. Ils ont l'occasion d'entendre des gens dont ils ont certainement besoin et de les entendre directement, sans intermédiaire, au lieu de se fier aux rumeurs qui peuvent circuler dans différentes régions.
Je remercie tous ceux qui sont à la table et les autres qui vont témoigner tout à l'heure, parce que c'est tellement important. Nos producteurs de céréales et d'oléagineux se voient offrir des prix tels qu'ils n'en croient pas leurs yeux. Nous devons régler ce problème. Vous êtes un élément de la solution, nous en faisons tous partie et nous devons donc tous agir en leur nom.
Cela dit, ma question s'adresse à M. Baker. Disons, par hypothèse, que l'ASFC et le TCCE se prononcent en faveur d'un droit et qu'ils imposent effectivement un droit sur le maïs. Qu'arrive-t-il alors si une compagnie au Canada achète du maïs des États-Unis, le transforme au Canada et exporte ensuite le produit fini aux États-Unis? La compagnie se ferait-elle rembourser le droit qu'elle avait dû payer à l'origine quand le maïs a été importé au Canada?
M. Bliss Baker: C'est une question très compliquée, mais je pense que vous faites allusion à ce qu'on appelle le remboursement de douane.
Mme Rose-Marie Ur: Oui.
M. Bliss Baker: C'est là que les règles de la Loi sur les mesures spéciales d'importation deviennent un peu bizarre. Mais à cause de la mesure commerciale que les producteurs de maïs ont prise, une fois que le droit est en place, qu'il s'agisse d'un droit provisoire ou d'un droit d'une durée de cinq ans, notre compagnie est admissible.
Disons que nous achetons du maïs américain. Dans la mesure où nous fabriquons un produit et le réexportons aux États-Unis, nous serions admissibles au remboursement du droit. Nous obtenons le remboursement intégral de tous les droits payés à l'égard de tous les produits que nous expédions aux États-Unis, pourvu que nous utilisions du maïs américain. Nous devons utiliser du maïs américain pour réduire le montant des droits qui seront imposés en décembre.
C'est la situation qui nous attend. Nous nous retrouverons dans une situation où nous serons forcés d'utiliser exclusivement du maïs américain, pas seulement 5 p. 100 ou 10 p. 100 ou 25 p. 100, mais uniquement du maïs américain.
Mme Rose-Marie Ur: Bon. En quoi cela avantage-t-il nos producteurs canadiens?
M. Bliss Baker: Cela ne les avantage pas du tout. Ce qui va se passer, c'est que les compagnies seront alors obligées d'acheter du maïs américain, nous n'utiliserons plus de maïs de l'Ontario et le prix de base local du maïs va baisser en Ontario.
Mme Rose-Marie Ur: Merci.
Monsieur Grey, vous avez dit dans votre exposé que vous achetez de gros et de petits producteurs.
J'ai reçu beaucoup d'appels téléphoniques de London, probablement parce que c'est l'usine la plus proche de chez moi, et vous êtes au courant de certains de ces appels. Quand je vous ai appelé, je dois reconnaître que vous m'avez rappelée.
Vous n'avez aucun problème, peu importe que le maïs soit livré par camion ou par train. Comment procédez-vous pour acheter votre maïs? Je parle plus précisément de l'usine de London.
M. Jim Grey: Nos usines doivent fonctionner 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce sont des usines très coûteuses à construire et à exploiter et elles doivent donc tourner à ce rythme. Nous comptons sur un approvisionnement régulier de maïs. En général, cet approvisionnement constant est assuré par le maïs produit localement. Cela dit, je répète que nous fonctionnons dans un marché très compétitif.
C'est généralement le maïs canadien qui nous permet d'exploiter nos usines de façon continue et nous encourageons donc les producteurs canadiens en achetant leur maïs; nous l'achetons au wagon ou bien un seau à la fois, au besoin. Comme vous le savez peut-être, nous avons récemment lancé un site Web pour les producteurs de maïs. Seuls les producteurs canadiens de maïs peuvent avoir accès à ce site Web pour conclure avec nous des contrats de vente de leur maïs. Nous offrons une prime pour cela sur le marché.
º (1630)
Mme Rose-Marie Ur: Les producteurs sont-ils nombreux à utiliser ce mécanisme?
M. Jim Grey: Il vous faudrait probablement le demander à Colleen Lytton, qui est responsable de ce dossier. Je ne pense pas qu'il y ait énormément d'activités de ce côté.
Mme Rose-Marie Ur: D'accord.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Je sais que notre temps est écoulé.
Monsieur Lapierre, vous serez le premier au prochain tour.
Nous allons poursuivre la réunion afin d'entendre tous les intervenants aujourd'hui; nous sommes pressés par le temps aujourd'hui.
Je remercie beaucoup tous les participants de nous avoir fait part de leurs réflexions sur cette question. C'est une question très complexe et très difficile. Nous nous rendons compte que notre présence ici s'explique par une situation qui ne s'est pas produite depuis longtemps. Merci encore et nous comptons avoir le plaisir de discuter de nouveau avec vous, peut-être dans des circonstances différentes.
Merci beaucoup.
Nous allons faire une brève pause pour permettre aux nouveaux témoins de prendre place.
º (1635)
Le président: Nous reprenons la séance.
Nos témoins sont installés à la table. Nous poursuivons en entendant des représentants de l'autre volet de cette industrie, nommément les producteurs primaires. Nous accueillons cet après-midi M. Benoit Legault, qui est directeur général de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Nous avons aussi un témoin qui représente la Manitoba Corn Growers Association/Canadian Corn Producers, nommément Theresa Bergsma, qui en est secrétaire-gestionnaire. Et enfin, nous entendrons Brian Doidge, qui est directeur général de l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario.
Messieurs dames, vous avez la parole. Je vous demanderais encore une fois d'être succincts.
Je ne sais trop qui va prendre la parole en premier. Monsieur Doidge, êtes-vous le premier, ou bien avez-vous un ordre de préséance?
M. Brian Doidge (directeur général, Association des producteurs de maïs de l'Ontario): J'ai tiré la courte paille, monsieur le président, et c'est donc moi qui vais parler.
Le président: Vous allez ramasser les pots cassés?
M. Brian Doidge: Je vais faire l'exposé. S'il y a des questions, on peut les adresser à Benoit ou Theresa.
Le président: Vous avez la parole, monsieur Doidge.
M. Brian Doidge: Merci.
Merci, monsieur le président, de l'occasion que vous nous offrez de nous présenter devant votre comité.
Notre présentation de cet après-midi soulignera trois principaux points: premièrement, le préjudice causé aux producteurs canadiens de maïs attribuable au commerce déloyal du maïs-grain américain; deuxièmement, les mesures que nous prenons nous-mêmes pour remédier à ce préjudice; et troisièmement, l'aide que nous aimerions recevoir du gouvernement du Canada compte tenu des ressources et des outils commerciaux dont il dispose.
Par « nous », on entend, comme vous l'avez dit, les Producteurs canadiens de maïs (PCM), une coalition des principales associations de producteurs de maïs du Canada: l'APMO, la FPCCQ et la MCGA. Ensemble, nous représentons plus de 26 000 producteurs canadiens de maïs, dont la récolte de l'an dernier a atteint 364 millions de boisseaux de maïs-grain évalués à quelque 1,4 milliard de dollars canadiens.
Le contexte commercial de la production de maïs au Canada est tout sauf des règles de jeu équitables avec son principal compétiteur, les États-Unis. Depuis 1997, toute la progression de la demande de maïs au Canada a été satisfaite par des importations de maïs subventionné des États-Unis à des prix artificiellement bas plutôt que par l'accroissement de la production intérieure de maïs.
L'incidence préjudiciable des subventions américaines en raison des prix artificiellement bas a rendu la production du maïs au Canada non viable sur le plan économique et a écarté bon nombre de producteurs canadiens de maïs efficaces. En l'absence de subventions américaines, les producteurs canadiens de maïs sont compétitifs, tant sur le plan de la qualité du produit que sur celui des coûts de production.
Avant que les États-Unis ne bonifient considérablement leurs programmes de subventions en 1990, les producteurs canadiens de maïs étaient en mesure de satisfaire à la totalité de la demande intérieure et pouvaient même faire de modestes exportations. La contestation des subventions américaines ne constitue en rien une tentative de sauver une industrie non concurrentielle. Il s'agit plutôt d'un effort déployé en vue de relancer une industrie concurrentielle qui, de toute évidence, n'est pas en mesure de livrer concurrence au Trésor américain.
Le préjudice commercial causé par les subventions américaines a fait en sorte que les producteurs canadiens de maïs sont maintenant confrontés à un choix difficile: continuer à produire du maïs à un coût inférieur au coût de production pendant plusieurs années consécutives ou cesser de produire du maïs. Les producteurs canadiens de maïs ne peuvent plus continuer à produire du maïs dans les circonstances actuelles. Pour bon nombre de nos producteurs, il s'agira de la dernière année de production s'ils n'obtiennent aucune forme de compensation à l'égard des effets préjudiciables causés par les subventions et le dumping du maïs américain.
Les États-Unis sont le plus grand producteur et exportateur de maïs-grain au monde, représentant 40 p. 100 de la production mondiale et 65 p. 100 des exportations mondiales. Ils offrent le maïs au plus bas prix, 61 p. 100 des exportations mondiales étant généralement vendues à des prix inférieurs aux coûts de production estimatifs. Ce n'est pas une opinion; ce chiffre est tiré d'une étude réalisée à l'Université Tufts.
Le président: Je voudrais vous rappeler, monsieur Doidge, que nous avons des contraintes de temps. Je vois que vous avez un document très volumineux.
M. Brian Doidge: Je vais en passer de grands bouts.
Les subventions américaines fort généreuses accordées à l'agriculture ont stimulé une surproduction et fait baisser les prix sur les marchés mondiaux au point où les producteurs de maïs canadiens sont actuellement confrontés à une crise du revenu, à une baisse de prix et à l'incapacité de pouvoir recouvrer même le coût effectif de la production.
Je signale que d'après les dernières données de Statistique Canada, consignées dans le rapport sur les rentrées de fonds publié en août, et portant sur les six premiers mois de l'année, le prix du maïs a baissé de 35 p. 100, ce qui est la deuxième baisse en importance de toutes les denrées récoltées au Canada.
La compression des prix sur les marchés mondiaux a pour cause principale l'intensification de l'offre, qui profitait d'un soutien ayant des effets de distorsion commerciale, permettant ainsi des ventes sur le marché mondial à un coût inférieur au coût de production. |
J'attire votre attention sur deux ou trois autres citations qui figurent dans notre mémoire et qui portent sur le même point.
Les effets des trois principaux programmes de subventions, à savoir les paiements directs, les paiements anticycliques et les paiements compensatoires de prêts/gains reliés aux prêts sans recours d'aide à la commercialisation, sont illustrés dans la figure de l'annexe 1. Je n'entrerai pas dans les détails aujourd'hui, mais si vous avez des questions, je peux y revenir.
Ce graphique illustre le fait que les subventions accordées aux producteurs de maïs américains, dans l'ensemble, leur garantissent essentiellement 2,63 $US le boisseau. Les prix artificiellement bas des céréales sont avantageux pour tous les acheteurs de céréales aux États-Unis, puisqu'ils réduisent artificiellement leurs principales dépenses.
En raison de l'échelle et du volume, la production et les prix aux États-Unis pour le bétail, les produits du bétail et les produits des céréales transformées sont d'importants facteurs qui déterminent le prix mondial de ces produits de céréales. Les utilisateurs et les transformateurs canadiens de maïs se font concurrence sur la base de prix mondiaux des produits du maïs qui sont donc arbitrairement plus bas en raison du Farm Bill des États-Unis.
Dans de nombreux secteurs, pas uniquement celui de l'agriculture, le Canada est largement dépendant des exportations et surtout du commerce avec les États-Unis. Si l'on conjugue tout cela, quel est le résultat? Les producteurs canadiens de maïs sont chassés hors de la production et les acheteurs et utilisateurs canadiens de maïs sont obligés de dépendre du maïs importé des États-Unis, engageant ainsi des frais de transport, ce qui les rend non compétitifs sur le marché américain et sur notre propre marché canadien par rapport aux biens et produits finis importés des États-Unis.
Une telle situation est navrante, puisque le Canada est largement en mesure d'accroître sa superficie ensemencée en maïs. Des questions ont d'ailleurs été posées aux témoins précédents à ce sujet.
Avant les changements radicaux apportés à la politique agricole américaine, qui ont été introduits avec le Farm Bill de 1985, l'Ontario était autosuffisante en maïs. Si l'Ontario semait 2,1 millions d'acres de maïs, soit la moyenne de maïs semé chaque année de 1980 à 1984, aux rendements actuels, nous produirions davantage de maïs que nous n'en utilisons, même en incluant toutes les nouvelles usines d'éthanol qu'on projette de construire.
Si nous ne semons pas de maïs sur une plus grande superficie, c'est parce que les prix ont été artificiellement comprimés par les subventions américaines. Les subventions américaines obligeront les producteurs canadiens de maïs à mettre un terme à leur production.
Que faisons-nous pour y remédier? Les producteurs canadiens de maïs lancent une offensive contre les pratiques commerciales déloyales des États-Unis à l'égard du maïs. Confrontés aux préjudices graves et soutenus causés aux agriculteurs, nous avons lancé une offensive en trois volets. Notre objectif est de permettre aux producteurs canadiens de maïs de gagner un revenu juste et de rendre leur situation équitable, alors que depuis de nombreuses années maintenant, ils subissent le préjudice causé par les bas prix du maïs à cause des milliards de dollars de subventions et du dumping américain illégaux.
Le premier des trois volets de notre offensive consiste à déposer une plainte concernant les droits antidumping et compensateurs aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Cet été, nous avons exercé le droit qui nous est conféré par la loi et avons déposé une plainte en vertu de la LMSI visant à remédier au préjudice commercial attribuable au subventionnement et au dumping. Nous voulons obtenir d'importants droits antidumping et compensateurs pour compenser la compression des prix et remédier aux autres préjudices qu'ont subis les producteurs canadiens de maïs par suite du commerce déloyal du maïs américain.
Le second volet de notre offensive consiste à exercer des pressions sur le gouvernement du Canada pour qu'il ajoute le maïs-grain américain à la liste canadienne des mesures de rétorsion appliquées à l'amendement Byrd.
En décembre dernier, nous avons demandé au gouvernement du Canada d'ajouter les importations de maïs-grain américain à la liste des produits visés par les mesures de rétorsion appliquées par le Canada à l'encontre des États-Unis à la suite du refus de ceux-ci de révoquer l'amendement Byrd. Après avoir présenté une demande écrite, nous avons rencontré des représentants de Commerce international Canada et d'Agriculture Canada en ce qui a trait à cette demande en février.
Nous sommes d'avis que l'application de telles mesures de rétorsion contre les importations de maïs-grain américain, soit l'imposition d'une surtaxe de 100 p. 100 ou la non-application des exigences à l'égard de la démonstration du préjudice dans le cadre des procédures sur les mesures antidumping, aidera le Canada à maximiser les pressions politiques exercées sur Washington.
Je passe directement au troisième volet de notre offensive, qui consiste à exercer des pressions politiques sur les gouvernements du Canada, de l'Ontario, du Québec et du Manitoba à l'égard des mérites du dossier présenté à l'OMC par le Canada à propos du maïs-grain américain. Depuis le printemps dernier, dans le cadre de nos efforts qui ont culminé par la présentation de mémoires au gouvernement du Canada en juillet et en septembre faisant état des principaux éléments d'un cas de « préjudice grave », nous avons demandé au gouvernement canadien d'entreprendre des procédures de règlement des différends prévues par l'OMC en exigeant que des consultations soient menées avec les États-Unis relativement au caractère illégal des subventions américaines liées au maïs-grain.
º (1640)
Il importe de rappeler que l'illégalité de telles subventions découle de deux éléments: l'expiration de la clause dite « clause de paix », laquelle est contenue dans l'accord conclu à l'OMC en 1995, et les rapports récents du panel et de l'organe de règlement des différends de l'OMC portant sur l'affaire du coton upland, initiée par le Brésil, rapports qui concluaient que plusieurs de ces programmes de subventions violent les obligations existantes des États-Unis.
Nous sommes convaincus qu'en contestant les subventions de ce type, le Canada pourra intensifier les pressions exercées sur les États-Unis en vue de leur retrait, et beaucoup d'autres pays utilisent la même approche. Nous croyons également que les consultations avec l'OMC permettront au Canada d'accroître son influence dans le cadre des négociations du cycle de Doha.
Pour aider le gouvernement canadien à comprendre la nature et la portée de cette occasion, nous avons présenté au gouvernement du Canada des documents clés en main qui expliquent comment le Canada pourrait faire appel à l'OMC afin d'entamer des consultations avec les États-Unis, lesquelles, au besoin, pourraient être transformées en plaintes officielles auprès de l'OMC.
Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous avons déjà amorcé cette démarche. Dans le cadre du processus prévu par la LMSI, les États-Unis ont demandé des consultations et celles-ci ont déjà commencé, mais elles se déroulent sous l'égide de la procédure prévue par la LMSI en cas de plainte. La proposition que nous vous faisons est celle-ci: les consultations ont déjà commencé; il suffit de les accélérer.
Je passe maintenant directement au point numéro cinq de notre mémoire, qui se trouve à la page 18.
Nous avons ajouté un quatrième volet aux trois que nous avons déjà décrits. Ce quatrième volet consiste à demander au gouvernement canadien d'améliorer le programme canadien de stabilisation du revenu agricole en mettant en place, conjointement avec les provinces, une compensation de financement au PCSRA pour faire en sorte qu'il réponde aux besoins des producteurs canadiens de maïs. Les lacunes du PCSRA, dans sa forme actuelle, à l'égard des besoins des producteurs de maïs et d'oléagineux sont présentées dans deux tableaux numérotés deux et trois à la fin de notre mémoire. Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous pouvons répondre à vos questions à ce sujet.
Nous avons élaboré notre propre proposition en vue de remédier aux lacunes du programme en y ajoutant un programme complémentaire. Je vais utiliser l'exemple de l'Ontario. Cela s'appelle le programme de gestion du risque. C'est le quatrième tableau, à la fin. Je ne vais pas le décrire, à moins qu'on ait des questions.
L'adoption d'un tel programme complémentaire aurait plusieurs avantages. Cela permettrait l'augmentation de la production nationale de maïs afin que celle-ci réponde à la demande nationale en compensant les prix artificiellement bas et le préjudice commercial, ce qui rendrait plus équitable l'environnement commercial avec les États-Unis pour la production de maïs.
Deuxièmement, cela permettrait aux transformateurs et aux acheteurs d'avoir continuellement accès à du maïs produit au pays à un prix artificiellement bas et, ainsi, de faire concurrence aux produits de maïs américain artificiellement bon marché eux aussi.
Troisièmement, cela donnerait au gouvernement du Canada le temps de mettre en place une réforme significative à l'égard des subventions illégales et préjudiciables du Farm Bill des États-Unis grâce à des négociations réussies avec l'OMC ou d'utiliser les outils offerts dans le cadre des ententes actuelles et éventuelles de l'OMC pour contrôler ces subventions et y remédier. Lorsque les négociations de l'OMC résulteront réellement en l'élimination des subventions américaines, le complément au PCSRA cessera automatiquement.
En résumé, voici ce que nous proposons ou demandons. Nous demandons des actions à court, moyen et long termes.
À court terme, notre demande de droit antidumping et compensateur vise à fournir un allégement pendant au moins cinq ans. Nous voulons que le gouvernement fédéral ajoute le maïs-grain à la liste des mesures de rétorsion du Canada dans le cadre de l'amendement Byrd. Notre complément au PCSRA, au moyen d'un programme financé conjointement avec la province, serait traité comme un versement initial devant être effectué au début de l'hiver.
À moyen terme, nous demandons que l'on mette en place et que l'on finance conjointement des compléments flexibles au PCSRA, comme notre programme de gestion du risque, qui pourraient prendre des formes différentes et dont les frais pourraient être partagés différemment entre les provinces en fonction de la situation de la province et de son contexte commercial.
L'élément clé est la souplesse. Nous devons permettre aux provinces de tenir compte de la situation particulière de l'agriculture dans leurs territoires respectifs. Nous voulons que vous entamiez des consultations avec les États-Unis sur les subventions et dispositions de soutien illégales du Farm Bill des États-Unis.
º (1645)
À long terme, comme les intervenants précédents l'ont également dit, je crois, le succès dans les négociations du cycle de Doha permettant l'élimination des subventions intérieures ayant un effet de distorsion du commerce — je dis bien l'élimination, et non pas le reclassement ou la conversion factice, mais bien l'élimination — permettra l'augmentation de l'accès au marché tout en protégeant adéquatement les produits sensibles et l'élimination des subventions à l'exportation.
En conclusion, les producteurs canadiens de maïs souhaitent la réussite des négociations de l'OMC, mais ne peuvent survivre sans aide dans l'intervalle. C'est pourquoi nous prenons dès maintenant des mesures pour nous aider nous-mêmes. À cette fin, nous avons élaboré des outils pour que le gouvernement du Canada puisse contribuer à éliminer la source de nos problèmes, c'est-à-dire les subventions américaines, à l'aide des ressources et des outils commerciaux à sa disposition. Grâce à ces outils et à notre demande d'aide, nous espérons que le gouvernement du Canada contribuera à sauver les producteurs de maïs-grain avant qu'il ne soit trop tard.
La situation des producteurs canadiens de maïs-grain est critique et ne peut être sous-estimée. Si aucune mesure n'est prise pour limiter les dommages causés par les subventions américaines, le secteur canadien du maïs-grain disparaîtra. L'expression suivante est employée lorsque l'on fait face à ce type de situation désespérée: si votre meilleur client disparaît parce que vous venez à votre propre secours, il s'agit de dommages collatéraux; si votre meilleur client demeure, mais que vous disparaissez parce que vous venez à votre propre secours, il s'agit d'une sottise.
En fait, le mot utilisé dans cette citation était plutôt « stupidité », mais mon avocat l'a changé.
Le regretté Gerry Shannon, ancien ambassadeur du Canada à l'OMC durant le cycle de négociation de l'Uruguay, a fait prophétiquement la déclaration suivante en 1999:
Il ne faut pas attendre que d'autres décident des questions qui font faire l'objet des négociations en espérant que le Canada continuera à jouer son rôle traditionnel d'« intermédiaire ». C'est le moyen le plus sûr de nous faire avoir. |
Cette prédiction s'avérera si le Canada n'est pas plus énergique dans la défense de ses droits.
Merci, monsieur le président. Nous sommes prêts à répondre aux questions.
º (1650)
Le président: Merci.
M. Brian Doidge: Je rappelle que les quatre graphiques à la fin ont été ajoutés à titre d'information. Si vous voulez des explications à leur sujet, nous pouvons vous en parler.
Le président: Merci, monsieur Doidge.
Nous allons commencer par M. Bellavance.
[Français]
M. André Bellavance: Merci pour votre témoignage. Sachez que mon parti et moi-même sommes très sensibilisés à votre situation et préoccupés par ce que vous vivez. Peu de temps après mon élection, j'ai eu l'occasion de rencontrer des producteurs de cultures commerciales dans ma circonscription. Le fait que vous viviez depuis de nombreuses années des problèmes relativement au Farm Bill et que vous n'ayez pas accès au Programme canadien de stabilisation du revenu agricole fait en sorte, surtout maintenant qu'il y a du dumping, que vous figurez parmi les agriculteurs qui connaissent énormément de difficultés depuis les dernières années. Sachez, à cet égard, que l'on tient à vous appuyer dans vos démarches.
Tout à l'heure, on a entendu des témoignages auxquels vous avez assisté. J'aimerais avoir votre opinion, entre autres sur les prétentions des gens de l'industrie qui nous disent que leurs coûts augmenteraient de 40 p. 100 si des droits compensatoires étaient imposés aux Américains. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
[Traduction]
M. Brian Doidge: Comme M. Baker l'a dit à juste titre, c'est une question dont l'ASFC et le TCCE sont saisis, et je crois donc que pour le moment, ce serait pure conjecture que de se prononcer sur le montant réel des droits, et ce ne serait pas une démarche appropriée. Mais si vous avez écouté attentivement M. Grey et M. Baker, ce qu'ils ont dit, en fait, c'est que l'incidence du droit est fonction du montant du droit imposé. Si le droit est de 5 ¢, je pense qu'ils ont tous les deux admis que son incidence serait négligeable. Si le droit est d'un montant très élevé, il y aurait alors une incidence marquée.
À part cela, je pense que l'on peut seulement faire des hypothèses quant au montant éventuel du droit.
[Français]
M. André Bellavance: Des représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada sont aussi venus témoigner. Ils nous ont dit que la question du préjudice commercial que vous pouviez subir était confidentielle.
Avez-vous déjà fait une évaluation des dommages économiques que le dumping américain vous faisait subir?
[Traduction]
M. Brian Doidge: Nous l'avons fait, mais l'affaire est en instance devant l'ASFC et le TCCE.
J'attire toutefois votre attention sur le fait qu'Agriculture Canada, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, a publié en 2000 une étude dans laquelle on tentait de quantifier le préjudice commercial subi à ce moment-là, et les auteurs de l'étude utilisaient les répercussions de l'évolution des prix entre 1995 et 2000.
En bref, on disait que 29 p. 100 de la baisse des prix au cours de cette période avait été causé par les subventions américaines et européennes. Nous croyons que cette estimation est faible, parce qu'à ce moment-là, le ratio entre les stocks et l'utilisation était loin d'être ce qu'il est aujourd'hui. Le ratio stocks-utilisation a baissé depuis cette époque, et pourtant les subventions ont augmenté. À notre avis, le préjudice est plus important que cela.
J'invite respectueusement les membres du comité à prendre connaissance de cette étude. Nous avons demandé à Agriculture Canada d'en faire une mise à jour et ils ne l'ont pas fait.
[Français]
M. André Bellavance: Était-ce M. Speller, l'ancien ministre de l'agriculture, qui dirigeait cette étude? Est-ce que je me trompe? Est-ce de cette étude que l'on parle?
[Traduction]
M. Brian Doidge: Non, je pense que vous faites allusion au rapport Speller sur les réformes en agriculture. Je parle plutôt d'une étude effectuée par un économiste d'Agriculture Canada, M. Charlebois. L'autre nom m'échappe, mais c'est une étude que les deux auteurs ont faite en 1999 et 2000.
º (1655)
[Français]
M. André Bellavance: On la trouvera.
Il y a aussi le fait qu'on entend dire que l'imposition d'un droit compensatoire pourrait créer une pénurie de maïs. Je ne sais si vous avez eu le temps de le dire dans votre témoignage, mais dans le document que vous nous avez remis, vous dites plutôt qu'il y a encore de la place au Canada pour une production de maïs plus massive.
Parlez-moi un peu de cette contradiction entre ce que vous dites et ce que disent les gens de l'industrie.
[Traduction]
M. Brian Doidge: À mes yeux, ce n'est pas tellement une contradiction. Je pense que ce que disent les porte-parole de l'industrie, c'est que nous sommes au Canada un importateur net depuis environ 12 ans. La raison pour laquelle nous sommes importateur net, c'est que le prix a été artificiellement déprimé au point que les producteurs ne peuvent plus cultiver du maïs de manière rentable, de sorte qu'ils ne le font plus. En fait, la totalité de la croissance de la demande intérieure depuis 1997 a été comblée par du maïs importé des États-Unis, parce que le prix est tellement bas que nous ne pouvons plus en cultiver au Canada. Les subventions américaines ont fait baisser les prix et fait en sorte qu'il est devenu possible d'importer du maïs américain; à notre avis, ce maïs est subventionné et fait l'objet de dumping.
L'autre élément de votre question était de savoir s'il serait possible d'augmenter la production de maïs au Canada. La réponse est oui, absolument. Nous en donnons comme exemple le fait que l'Ontario était lui-même un exportateur net au début des années 80, mais à cause des projets de loi agricoles successivement adoptés aux États-Unis, nous n'exportons plus de maïs. En fait, notre production a stagné, la superficie ensemencée a diminué de plus de 350 000 acres au cours des cinq dernières années seulement, et l'on prévoit qu'elle va diminuer encore considérablement cette année. Le prix actuel en Ontario tourne autour de 2,47 $ le boisseau; le coût de la production est aux alentours de 3,75 $. Cet écart à lui seul devrait suffire à vous convaincre que nous sommes en sérieuse difficulté.
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Bellavance.
Madame Ur, vous avez cinq minutes.
Mme Rose-Marie Ur: Je vous remercie pour votre exposé et de nous avoir donné un autre outil qui s'ajoute à la boîte à outils dont les agriculteurs disposent pour se renseigner sur ce qui se passe dans leur secteur et, comme M. Doidge le sait pertinemment, ce qui se passe dans le comté de Kent et parmi nos producteurs, dont beaucoup n'ont rien produit cette année.
Au sujet de l'enquête sur les droits compensateurs, vous avez dit que l'APMO compte 26 000 membres. Ont-ils tous voté sur ce droit compensateur? A-t-on fait un plébiscite pour donner à tous les agriculteurs, tous les producteurs de maïs l'occasion d'exprimer leurs préoccupations et de dire s'ils voulaient l'imposition de ce droit compensateur?
M. Brian Doidge: L'APMO, comme, j'en suis sûr, la plupart des organisations agricoles, fonctionne selon un système de représentation démocratique. Les représentants élus, dans notre cas ils s'appellent des administrateurs, forment le groupe qui établit l'orientation politique. Les membres, par l'entremise de leurs délégués, font connaître leur desiderata au conseil aux réunions annuelles et semestrielles au moyen d'une série de résolutions. Ces résolutions font l'objet d'un débat et sont adoptées ou rejetées. Dans notre cas, étant donné que nous sommes une association, les résolutions servent à guider le conseil, mais celui-ci est chargé de prendre les décisions en matière de politiques.
Mme Rose-Marie Ur: L'appui en faveur du droit compensateur était-il unanime, à 100 p. 100, au sein du conseil et parmi les membres?
M. Brian Doidge: Ce n'était pas unanime à 100 p. 100. Comme vous l'avez probablement constaté à notre réunion semestrielle, une résolution a été présentée pour appuyer ce que nous faisons. Après un débat énergique et animé, la résolution a été adoptée à une majorité écrasante. En fait, nous avons le tout sur bande vidéo si vous voulez vérifier le résultat du vote.
Mme Rose-Marie Ur: Non, je vous crois sur parole. Je suis sûre que cela s'est passé comme vous l'avez dit.
Vous êtes excellent pour ce qui est de rédiger des rapports. J'en ai vus beaucoup depuis 12 ans que je suis en politique. Vous avez notamment rédigé une stratégie pour l'achat de céréales, je crois que c'était en 2003, et vous en avez rédigé un autre dans lequel vous exposez une stratégie de coordination des céréales pour Suncor. J'ai lu le rapport Suncor et on y recommandait une stratégie des Grands lacs consistant à se procurer du maïs dans les États entourant les Grands lacs et à mettre en place une politique de prélèvement. Quand les gens s'adressent à vous, vous prenez le rayon autour de la « corn belt », autour de... Suncor est évidemment située à Sarnia et vous ne vous limitez donc pas à l'Ontario; dans ce rapport, vous traitez également de la région limitrophe aux États-Unis.
M. Brian Doidge: Je pense que vous me demandez comment on procède pour évaluer les retombées économiques d'une usine. Est-ce bien la question?
Mme Rose-Marie Ur: C'est cela, et quelles sont les retombées en Ontario, mais dans votre rapport, on donne aussi le point de vue américain.
» (1700)
M. Brian Doidge: Ce que nous devons faire, — je parle maintenant à titre d'économiste — c'est de prendre en compte la situation pratique d'une usine ou d'un projet quelconque auquel nous travaillons. La frontière est ouverte; le maïs passe librement de part et d'autre de la frontière. Quand on essaie d'attirer des investissements en Ontario, il faut tenir compte du fait que la frontière est ouverte et qu'il y a beaucoup de maïs disponible aux États-Unis.
Implanter une usine de ce côté-ci de la frontière canado-américaine, c'est plus avantageux pour les producteurs de maïs de l'Ontario que d'implanter l'usine de l'autre côté de la frontière. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que les retombées de toute usine, peu importe où elle est située, sont fonction de la quantité de maïs que l'on achète dans la région entourant l'usine. Si l'on installe une usine à Tombouctou et qu'elle ne consomme aucun maïs provenant des environs, il n'y a aucun avantage pour les producteurs locaux, parce qu'on n'achète pas leur maïs si la totalité du maïs utilisé est importée.
Mme Rose-Marie Ur: Il y a une semaine ou deux, sauf erreur, on a offert une prime de 20 ¢ pour le maïs, mais il n'y a eu aucun preneur. Cette offre a été affichée à Chatham; je crois que c'était la semaine dernière. Quelle en est la raison?
M. Brian Doidge: C'est l'époque de la récolte.
Mme Rose-Marie Ur: Mais 20 ¢, cela fait une grande différence, même à l'époque de la récolte. C'est important.
M. Brian Doidge: Cela fait une différence, mais si l'agriculteur passe la journée aux champs pour faire la moisson, c'est fonction de la nature humaine, tout au moins chez les agriculteurs que je connais.
Mme Rose-Marie Ur: Les agriculteurs que je connais connaissent tous les tenants et aboutissants du système. Ils ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils sont capables de moissonner leurs champs et de faire de bonnes récoltes, mais ils sont aussi de bons gestionnaires. Malheureusement, leur dur labeur n'est pas récompensé en dollars, et je comprends cette réalité.
Je veux revenir au fait que l'on a amorcé cette procédure de droit compensateur. C'est le plan A. Qu'arrive-t-il du plan B si celui-ci ne fonctionne pas? Qu'arrive-t-il à nos producteurs? Avez-vous réfléchi à cela? J'aime à croire que le verre est à moitié plein, mais nous devons aussi être réalistes. Comme vous êtes économiste, je suis certaine que vous avez également étudié l'autre moitié de l'équation.
M. Brian Doidge: Prenons la question du droit compensateur et tout le reste et retirons tout cela de l'équation. Le prix actuel du maïs est insoutenable, compte tenu du coût de production de ce maïs. Si nous, collectivement, dans cette salle, ne faisons rien pour remédier à cette situation, il n'y aura plus de production de maïs au Canada.
Mme Rose-Marie Ur: Quel est le coût de production du maïs en Ontario?
M. Brian Doidge: Le coût varie d'un producteur à l'autre.
Mme Rose-Marie Ur: On m'a donné le chiffre de 3,18 $. J'ignore s'il est exact.
M. Brian Doidge: Je dirais que c'est plutôt bas. Cela dépend évidemment de ce qu'on y inclut. Les règles de la LMSI ne permettent pas d'inclure le coût de renonciation, mais de la façon dont nous calculons le coût de production, celui-ci est variable; il dépend du rendement moyen du producteur. Nous estimons qu'il est approximativement de 3,50 $ à 4 $ canadiens le boisseau pour une année moyenne dans la province.
Le président: La parole est à M. Miller.
M. Larry Miller: Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps avec mon collègue de la Saskatchewan, M. Trost. Peut-être pourriez-vous me le faire savoir quand il me restera à peu près 30 secondes. Il veut poser une question.
Nous n'avons pas eu de réponse à cette question lundi quand nous avons entendu nos témoins. AVant d'imposer des droits antidumping ou compensatoires, il faut d'abord établir essentiellement quelles sont les pertes subies par les producteurs nationaux, en l'occurrence canadiens. Avez-vous une estimation précise de l'ampleur de ces pertes, que ce soit par région ou pour l'ensemble du pays?
M. Brian Doidge: Est-ce que vous nous interrogez sur l'étendue du préjudice?
M. Larry Miller: Oui.
M. Brian Doidge: Notre mémoire contient des précisions sur notre estimation de ces pertes, qui sont considérables. Mais, comme M. Baker l'a dit, c'est l'ASFC et en particulier le TCCE qui vont quantifier ces pertes dans le cadre d'une procédure juridique, de sorte que quelle que soit notre estimation, celle-ci n'est pas vraiment pertinente. C'est le montant que ces organismes vont calculer qui déterminera le montant des droits préliminaires et définitifs.
M. Larry Miller: Mais, monsieur Doidge, vous devez avoir une idée du montant de ces pertes, en millions de dollars, et c'est ce que je vous demande.
M. Brian Doidge: Oh, je n'ai pas de chiffres en millions. Nous avons fait un calcul par boisseau, parce que c'est de cette manière que les subventions sont appliquées aux États-Unis. Ce que l'on essaye de faire, c'est de quantifier la différence entre le prix aux États-Unis et le coût de production aux États-Unis, par rapport au prix importé en Ontario et au prix en Ontario, pour établir l'ampleur du préjudice. Dans notre mémoire, nous calculons que c'est très considérable.
» (1705)
M. Larry Miller: D'accord, mais je reviens à la charge, monsieur Doidge. Si vous avez le montant par boisseau, peu importe comment vous l'avez calculé; on finit toujours par obtenir un montant en dollars. Vous devez avoir ce chiffre.
M. Brian Doidge: J'ai entendu les chiffres que vous a donnés l'ASFC en réponse à vos questions; je crois que c'était la semaine dernière. Ils se rapprochaient beaucoup de nos chiffres. Je l'ai pris en note et, sauf erreur, cela donne 90 ¢US le boisseau. C'est un chiffre tiré de notre mémoire.
M. Larry Miller: D'accord. D'après l'ASFC, l'Agence des services frontaliers du Canada, la marge moyenne estimative de dumping est d'environ 4,4 p. 100, en pourcentage du prix à l'exportation. Êtes-vous d'accord avec ce chiffre?
M. Brian Doidge: Non.
M. Larry Miller: Quel est le chiffre, d'après vous?
M. Brian Doidge: Dans notre mémoire, nous soutenons que le pourcentage de dumping est beaucoup plus élevé, de l'ordre de 28 p. 100 à 34 p. 100, si ma mémoire est fidèle.
M. Larry Miller: Plus élevé de combien?
M. Brian Doidge: C'est le chiffre qu'on donne dans notre mémoire pour la marge de dumping: de 28 p. 100 à 34 p. 100.
M. Larry Miller: D'accord.
Au sujet du coût de production et de tout le reste, Mme Ur a posé une question sur l'Ontario et je pense qu'on y a répondu. Quel est le coût de production du maïs aux États-Unis, en particulier au Michigan et en Ohio, les deux États les plus proches?
M. Brian Doidge: Le USDA, c'est-à-dire le Département de l'agriculture des États-Unis, publie une estimation annuelle du coût de production. On y trouve des chiffres pour le pays tout entier et par région. Pour l'ensemble du pays, la dernière estimation date de 2003 et elle était de 2,56 $US le boisseau. L'estimation la plus récente, en 2004, est plus élevée à 2,63 $US le boisseau.
Maintenant, n'oubliez pas que c'est pour 2004. Pour les prix en 2005, il faut prendre en compte l'augmentation des coûts de l'énergie dont M. Baker, M. Grey et d'autres ont parlé. Ces coûts sont considérables pour un producteur agricole également. Nous pensons que lorsque le USDA publiera son estimation du coût de production, le chiffre pour 2005 sera beaucoup plus élevé.
M. Larry Miller: Je reviens à ce que Mme Ur vous a demandé au sujet de l'Ontario. D'après les chiffres que j'ai et que j'ai vus, le coût en Ontario est de l'ordre de 3,18 $ ou 3,20 $, mais je pense que vous avez cité les chiffres de 3,80 $ ou 3,90 $.
Comment justifiez-vous cet écart?
M. Brian Doidge: J'ignore ce qu'incluait ce chiffre de 3,18 $. J'ignore si cela comprenait la main-d'oeuvre non rémunérée, comme votre propre travail. Je ne sais pas si c'est inclus. Je ne sais pas comment on en est arrivé à ce chiffre de 3,18 $. Si je le savais, je pourrais vous répondre.
M. Larry Miller: Le coût de production est-il semblable au Québec et en Ontario, ou bien est-il différent? En avez-vous une idée?
M. Brian Doidge: Je vais donner un début de réponse pour l'Ontario, et Benoit pourra prendre le relais pour le Québec.
Oui, il faut prévoir que les coûts de production sont relativement proches en Ontario et au Québec — et aussi au Michigan — parce que la technologie que nous utilisons tous est à peu près la même. Les variétés hybrides sont les mêmes. Les engrais, les herbicides, les pesticides — tous ces coûts sont à peu près les mêmes. Il y a certains écarts dans le coût des emprunts, la machinerie, l'amortissement du capital, et dans la manière dont on traite les frais généraux — c'est-à-dire si l'on amortit la main-d'oeuvre non rémunérée et autres considérations du genre —, mais si l'on enlève tout cela pour s'en tenir aux coûts variables, on pourrait s'attendre à ce qu'ils soient très semblables.
M. Larry Miller: Bien. Merci, monsieur le président. Je vais permettre à M. Trost de poser sa question.
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt): Ma question est quelque peut hypothétique. L'industrie de l'éthanol craint que les usines d'éthanol ne soient déménagées au Michigan et en Ohio, auquel cas de l'éthanol serait alors importé en Ontario pour répondre à la nouvelle demande créée par le gouvernement McGuinty. Seriez-vous en faveur, si un droit compensateur était imposé sur le maïs, d'imposer un droit compensateur équivalent — je ne suis même pas certain que ce soit possible — sur l'éthanol, de manière qu'à bien des égards, les producteurs d'éthanol ne seraient pas désavantagés à cause du maïs subventionné aux États-Unis?
M. Brian Doidge: Je ne peux pas parler au nom de l'industrie de l'éthanol ou de toute autre industrie...
M. Bradley Trost: Je pose la question parce que... Ce que je dis, c'est que vous êtes tous dans le même bateau.
M. Brian Doidge: ...mais je dirais qu'on peut soutenir que le Farm Bill des États-Unis cause la baisse des cours des céréales. Par conséquent, les produits fabriqués à partir de céréales dont le prix est fixé aux États-Unis sont également vendus à des prix artificiellement bas. En conséquence, si ces produits du maïs sont importés au Canada, on peut soutenir que le producteur d'éthanol reçoit un avantage en aval en ce sens qu'il bénéficie du Farm Bill des États-Unis qui permet d'exporter au Canada de l'éthanol ou n'importe quel autre produit artificiellement bon marché.
M. Bradley Trost: Merci.
Le président: Très bien. M. Eyking est le suivant.
» (1710)
L'hon. Mark Eyking: Merci, monsieur le président.
Vous avez évoqué certains éléments des coûts. Y a-t-il une différence entre le prix des terres dans le sud de l'Ontario et, disons, en Indiana?
M. Brian Doidge: Oui.
L'hon. Mark Eyking: Les terres sont-elles plus chères ici?
M. Brian Doidge: Oui, en général. Je ne devrais pas dire cela catégoriquement, mais oui, il y a évidemment des écarts.
L'hon. Mark Eyking: Que produit-on maintenant sur les terres qui étaient auparavant ensemencées en maïs?
M. Brian Doidge: À l'heure actuelle, en Ontario, il y a une tendance marquée à passer à des cultures moins coûteuses à produire — en fait, des cultures pour lesquelles on n'a pas besoin d'acheter les semences, comme le soya et le blé. On appelle cela des graines tout-venant. Si vous êtes agriculteur, vous me comprenez.
Il y a eu une tendance très marquée à s'orienter vers ces cultures qui ne sont pas aussi coûteuses à produire, mais pas parce qu'elles permettent de faire plus d'argent. En fait, aux prix actuels, le blé d'hiver, le blé de printemps, le soya et beaucoup d'autres denrées sont vendues à un prix inférieur au coût de revient. Ce qui se passe, c'est que les agriculteurs prennent la décision de perdre le moins d'argent possible, et ils se détournent donc du maïs pour se lancer dans d'autres cultures.
L'hon. Mark Eyking: Donc, dans le cas des agriculteurs qui cultivent, disons, un tiers de maïs ou quoi que ce soit, ceux-ci commenceraient tout juste à revenir à la production de maïs.
M. Brian Doidge: Cette année, ils sèment plus de blé d'hiver. La superficie ensemencée en blé d'hiver en Ontario a augmenté pour atteindre un niveau record se situant probablement à 1,4 million ou 1,5 million d'acres.
L'hon. Mark Eyking: Il ne nous faudrait donc pas beaucoup de temps pour nous lancer dans la production de maïs si les conditions étaient favorables.
M. Brian Doidge: C'est exact. Le problème, c'est le rendement sur l'investissement; le prix du maïs est maintenu artificiellement bas, ou plus bas que le coût de production, et les producteurs vont revenir à la culture du maïs seulement si nous pouvons remédier à ce problème.
L'hon. Mark Eyking: Je passe à ma deuxième question. Nous avons une assez bonne idée du montant des subventions versées pour la production du maïs aux États-Unis. Je pense que nous en sommes arrivés au chiffre de 90 ¢. Avec tous les programmes que nous avons aux niveaux fédéral et provincial, que ce soit le CSRN ou les autres programmes qu'on a lancés ces dernières années, ou ceux qui existent maintenant, comme le PCSRA, avez-vous déjà calculé le montant de nos subventions? Est-ce un chiffre comme 10 ¢ le boisseau, pour toute l'aide que nous donnons directement ou indirectement à nos agriculteurs? Avez-vous un chiffre?
M. Brian Doidge: Oui, j'ai fait certaines études et j'ai déjà présenté des tableaux là-dessus et je pourrais vous les obtenir de nouveau.
Nous avons pris une exploitation agricole hypothétique de 500 acres produisant des céréales et des oléagineux en Ontario. On y cultive 200 acres de maïs, 200 acres de soya et 100 acres de blé. C'est conforme à la superficie d'ensemencement typique en Ontario. J'ai appliqué à cette ferme tous les programmes: les programmes américains, ceux du Québec et les programmes canadiens et ontariens existants. Si cette ferme était exploitée sous l'égide des programmes créés en vertu du Farm Bill des États-Unis, son exploitant aurait touché 130 $ canadiens par acre de maïs cultivé. Au total, cette ferme recevrait environ 83 $ l'acre en application des programmes américains. Au Québec, c'est un peu moins, mais pas loin. En Ontario, nous n'avons pas l'assurance-revenu de marché — ce programme n'existe plus — et le PCSRA ne fonctionne pas. Je ne suis pas parvenu à déclencher pour cette ferme un paiement aux termes du PCSRA ni en 2003 ni en 2004. Il n'y en a pas. Nous n'avons rien.
L'hon. Mark Eyking: Il y a donc très peu d'aide, ou même pas du tout, de la part d'un gouvernement quelconque, pour aider les producteurs de maïs.
M. Brian Doidge: C'est certainement le cas en Ontario.
L'hon. Mark Eyking: À l'heure actuelle, ces derniers jours, le grand débat sur la Colline, c'est le bois d'oeuvre. Les Américains nous accusent de subventionner notre production de bois d'oeuvre et ils pointent du doigt les droits de coupe. Ils ont prélevé cinq milliards de dollars jusqu'à maintenant et ont placé cet argent dans une sorte de fonds.
Alors que proposez-vous? C'est assez flagrant qu'ils subventionnent leur maïs, alors devrions-nous faire tout simplement la même chose que ce qu'ils font pour notre bois d'oeuvre? Devrions-nous percevoir le droit dès que ce maïs franchit la frontière? Est-ce ce que vous proposez?
M. Brian Doidge: Nous proposons une offensive en quatre volets. Le premier consiste à ajouter le maïs-grain à la liste de rétorsion en vertu de l'amendement Byrd. Il a indiqué une solution fondée sur un droit et une phase d'établissement du préjudice.
Le deuxième volet était de déposer une plainte à l'OMC. C'est la solution à long terme, le seul moyen de s'en sortir à long terme.
Le troisième volet consiste à imposer un droit compensatoire antidumping, car c'est notre droit de le faire.
Quant au quatrième volet, collectivement, nous devons remédier aux lacunes du PCSRA pour que ce programme fonctionne dans le cas des céréales et des oléagineux. Nous ne connaîtrons jamais le jour béni où l'OMC réglera tous nos problèmes si nous ne corrigeons pas les lacunes du PCSRA dans l'intervalle.
Le président: Nous allons passer aux conservateurs, et la parole est à M. Anderson.
M. David Anderson: Vous avez dit que l'un de vos volets était de réparer le PCSRA et d'essayer de le rendre fonctionnel. Ma première question est celle-ci: pensez-vous qu'il soit possible de réparer le programme? Je suppose que vous le pensez puisque vous êtes venu ici nous proposer une réparation.
Avez-vous évalué le coût des mesures que vous proposez pour appuyer les producteurs de maïs au niveau que vous réclamez? Et nous avons plusieurs autres denrées qui sont actuellement à peu près dans la même situation. Pour les pois et les lentilles, dans l'ouest du Canada, c'est un peu la même situation. Avez-vous une idée de ce qu'il en coûterait pour le maïs, et pour l'ensemble du secteur?
» (1715)
M. Brian Doidge: Je répondrai à la question de la manière suivante: le programme de gestion du risque proposé dans les documents qui vous ont été remis s'applique à l'Ontario. Nous l'avons élaboré en Ontario pour régler les problèmes de l'Ontario. Ce que nous demandons à l'échelle nationale, dans un complément du programme PCSRA, c'est la plus grande souplesse possible, pour que le programme soit différent dans chaque province. Au Québec, cela pourrait prendre la forme de financement additionnel pour appuyer l'ASRA. Dans l'Ouest, cela pourrait prendre une autre forme. Mais en Ontario, ce que nous proposons, c'est le programme de gestion du risque.
Pour répondre à votre autre question, au cours des cinq dernières années, le programme de gestion du risque en Ontario aurait coûté en moyenne 342 millions de dollars, après la prime de 100 millions de dollars que paieraient les producteurs en Ontario. C'est une prime annuelle qu'ils doivent payer. Les 342 millions de dollars ne sont pas uniquement de l'argent neuf. Si le PCSRA avait été en application pendant ces cinq années, il aurait probablement versé environ 120 millions de dollars aux agriculteurs de l'Ontario. Cela donne donc 342 millions de dollars moins 120 millions de dollars. La différence est 222 millions de dollars. Si on partage à 60-40, la part de l'Ontario est seulement de 88 millions de dollars d'argent neuf. Évidemment, la part du gouvernement fédéral est de — il faudrait faire le calcul... Je crois que cela donne 126 millions de dollars.
M. David Anderson: Je suppose que le partage 60-40 est problématique, à mes yeux en tout cas, parce que je suis de la Saskatchewan. Notre production est élevée et notre population est peu nombreuse.
M. Brian Doidge: Si je peux intervenir, et je vais le faire, pour notre complément au PCSRA, nous demandons la plus grande souplesse possible pour que le programme prenne une apparence différente, mais aussi la plus grande souplesse possible sur le plan du partage des coûts entre la province et les autorités fédérales. Il n'y a rien de magique dans la formule 60-40. Dans le cas de la Saskatchewan ou du Manitoba, en particulier, notre proposition est de rajuster cela: 90-10 me semble satisfaisant.
Par ailleurs, il faut rappeler que nous tentons de résoudre un problème de préjudice commercial. Le commerce est de compétence fédérale et les autorités fédérales devraient donc payer une plus grande part.
M. David Anderson: C'est un argument légitime que nous avons déjà invoqué nous aussi. Je suppose que ce maïs subventionné que l'on importe vous frappe durement. Vous proposez d'imposer un droit. L'un de vos principaux acheteurs est le secteur de l'élevage du bétail. Je me demande si vous avez fait des études quelconques sur l'incidence que cela aurait sur le secteur de l'élevage, ce que cela leur coûterait? Devrait-on imposer le droit que vous réclamez?
M. Brian Doidge: Un certain nombre d'intervenants — nous en avons entendu plusieurs qui ont témoigné juste avant nous — risquent de subir un préjudice à cause du recours que nous préconisons. Dans la mesure où les éleveurs de bétail sont des acheteurs de maïs, ils subiront un préjudice.
On peut aussi invoquer l'argument voulant que ceux qui produisent du bétail et qui cultivent leurs propres provendes subissent eux aussi un préjudice. L'argument est le suivant: le Farm Bill américain fait baisser le prix des céréales de provende aux États-Unis. Ce maïs qui sert à nourrir les porcs, le bétail ou quoi que ce soit est vendu à des prix artificiellement bas. Cela se répercute sur l'ensemble du système, de sorte que le porc et le boeuf produits aux États-Unis sont également artificiellement bon marché. Le prix de ces produits, que nos producteurs doivent également concurrencer, est donc également maintenu artificiellement bas. Le Farm Bill américain nuit à toute l'agriculture canadienne. Voilà le problème.
M. David Anderson: Je veux aborder une autre question. Vous avez dit que les marges de dumping sont d'environ 20 p. 100 à 34 p. 100. Selon l'ASFC, cette marge est de 4,4 p. 100 et la fourchette se situe entre 0,1 p. 100 et 161 p. 100. On estime que la moyenne est de 4,4 p. 100. Quel est l'écart? Le savez-vous?
M. Brian Doidge: C'est une question d'ordre juridique, mais je vais essayer d'y répondre. D'après ce que je sais, la durée de l'enquête est l'un des éléments de la problématique. Dans la plupart des études de l'AFSC, surtout pour les produits agricoles, cette période est d'un an. En fait, l'étude menée au Manitoba en 2000 a porté sur un an. Si l'on prolonge cette période en reculant dans le temps, en particulier dans notre cas, on met en cause des périodes où les prix étaient relativement élevés et les dommages étaient relativement minimes. Si l'on englobe cette période dans la formule, ce que nous n'avons pas fait dans notre mémoire ou notre exposé, il ne faut pas s'étonner que l'on aboutisse à un taux de dumping plus faible.
M. David Anderson: Eh bien, un changement énorme s'est produit au cours de la dernière année, en fait.
M. Brian Doidge: Oui, absolument.
M. David Anderson: Je suppose que le Manitoba a connu une année difficile.
Theresa, je me demande si vous voulez ajouter quelque chose sur cette question.
Mme Theresa Bergsma (secrétaire-gestionnaire, Manitoba Corn Growers Association/Canadian Corn Producers): Nous avons eu une année difficile. Pour la première fois en 11 ans, l'année dernière, nous avons perdu la récolte au complet. Ce n'était pas arrivé depuis très longtemps, surtout grâce aux hybrides, à la sélection et à l'amélioration. Toutes les récoltes ont connu une mauvaise année dans l'ouest du Canada et c'est encore le cas cette année. Pour le maïs, il y a une amélioration. Nous espérons voir une bonne moyenne provinciale pour les superficies qui ont produit une récolte.
Comme vous le savez tous, il y a un secteur immense du Manitoba où l'on n'a même pas semé, et je ne parle pas seulement du maïs, mais de toutes les cultures, mais le maïs qu'on a semé semble très beau. On vient de commencer la récolte et nous ne connaissons donc pas le résultat exact, mais c'est de bonne qualité; c'est du bon maïs.
Je voudrais dire que nous pourrions accroître notre superficie ensemencée au Manitoba aussi. Il y a longtemps, nous en avons déjà eu plus de 500 000 acres, mais nous avions porté notre superficie ensemencée à 200 000 acres avant 2004 et je pense que l'on reviendra très vite à cette superficie si le prix rebondit. Au printemps, pour la première fois, nous avons eu des producteurs qui cultivent du maïs depuis le début des années 70 au Manitoba et qui sont passés par les périodes les plus difficiles pour le maïs, qui n'ont pas semé de maïs ce printemps-ci, avant même que la météo ne fasse des siennes, simplement à cause du prix. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'en semer. Ce que j'ai entendu tout l'été c'est: « Theresa, si les efforts entrepris ne débouchent pas, nous ne cultiverons pas l'année prochaine ».
Voilà donc nos inquiétudes pour nos producteurs, mais pas seulement pour nos producteurs. La récolte de maïs au Manitoba sert magnifiquement bien la rotation des cultures et les éleveurs de bétail en profitent pour écouler leur production de fumier. Avec toutes les améliorations dans la gestion du fumier et tout le reste, ils ont besoin de ce type de culture pour écouler leur fumier.
Je trouve que ce serait vraiment dommage si nous étions écartés de ce secteur à cause de l'importation de maïs subventionné en provenance des États-Unis.
» (1720)
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur: Je voudrais faire quelques brèves observations.
Nous savons que les subventions versées aux États-Unis jouent un grand rôle dans la faiblesse des cours du maïs en Ontario. Est-ce que la Chine est également un facteur important? Les Chinois étaient auparavant de grands importateurs, tandis qu'ils en exportent beaucoup aujourd'hui. Cela pose-t-il un problème expliquant la faiblesse des cours des denrées?
M. Brian Doidge: Je pense qu'il faut voir les choses de la façon suivante. Deux éléments expliquent le prix du maïs: les contrats à terme à Chicago et le prix de base. Nous soutenons que l'élément contrat à terme à Chicago est artificiellement rabaissé à cause du Farm Bill américain. D'autres facteurs entrent en jeu, assurément, mais nous soutenons que c'est injuste et même illégal de nuire à notre marché à cause des subventions versées au titre du Farm Bill américain. Voilà notre position.
Mme Rose-Marie Ur: Pourrais-je vous demander, au nom du comité, de nous faire parvenir une fiche de renseignements expliquant comment vous en arrivez à votre coût de production, quels critères vous prenez en compte pour évaluer votre coût de production en Ontario, pour que nous puissions analyser ce que nos attachés de recherche nous présentent et comprendre comment vous en arrivez à votre coût de production de 3,50 $ ou 4 $? Peut-on se procurer cela en s'adressant à l'APMO?
M. Brian Doidge: Je pense que je pourrais vous le procurer. Ce ne sera pas tout de suite. Nous avons une lourde charge de travail, comme vous pouvez l'imaginer.
Mme Rose-Marie Ur: Je comprends cela très bien, mais si vous en avez le temps, je vous en serais certainement reconnaissante.
Par ailleurs, le programme d'assurance-revenu de marché qui existait à une époque et que j'appuyais énergiquement était un programme provincial mais une partie du budget provenait certainement du fédéral. Est-ce à ce genre de programme que vous songez quand vous parlez d'une « réparation »?
M. Brian Doidge: Non. Le programme que nous envisageons est expliqué dans la trousse qu'on vous a remise; c'est le programme de gestion du risque.
Mme Rose-Marie Ur: Je comprends. Le nom est différent, mais le principe est le même. Vous cherchez un moyen d'aider le secteur des céréales et des oléagineux.
M. Brian Doidge: En un sens. Il y a beaucoup de différences entre le programme de gestion du risque et l'ancien programme d'assurance-revenu de marché. Ils sont semblables en ce sens que c'est le prix qui est le déclencheur et que le programme comble l'écart entre un prix de soutien et le prix de déclenchement, et les deux sont fondés sur la superficie ensemencée et le rendement historique. En ce sens, ils se ressemblent. Mais le programme d'assurance-revenu du marché ne comportait qu'un seul paiement versé 20 mois après coup. Celui-ci comporte deux paiements déclenchés par des périodes distinctes de six mois. Dans le programme d'assurance-revenu de marché, il n'était pas nécessaire de faire quoi que ce soit. On recevait simplement l'argent. Dans le cadre de ce programme-ci, il y a énormément à faire. Cela oblige à déployer des efforts sur le plan du marketing et de la gestion financière. En fait, il y a l'obligation de suivre des cours de marketing et de gestion financière. Ce programme décrète: « L'assurance-récolte est obligatoire ». Cette contrainte n'existait pas dans le cadre de l'ancien programme. Dans ce programme-ci, il est obligatoire d'adhérer au PCSRA. Le programme d'assurance-revenu de marché était complètement différent du PCSRA.
Je ne suis donc pas d'accord pour dire que c'est simplement une nouvelle mouture du programme d'assurance-revenu de marché.
Mme Rose-Marie Ur: Non, je ne pensais pas que c'était le cas, mais c'est un programme amélioré, manifestement, s'il y a davantage de contraintes imposées aux agriculteurs pour qu'ils participent au programme. Je ne vois rien de mal à cela et je ne pense pas que les agriculteurs auraient des objections non plus.
Nous obtenons des documents de la bibliothèque et nous consultons également vos documents. Je tiens à préciser une chose, pour avoir l'assurance que nous sommes sur la bonne voie.
Dans votre mémoire, vous dites qu'au lieu d'importer du maïs subventionné des États-Unis, nous devrions accroître la production canadienne de maïs. Les travaux de nos attachés de recherche à la Bibliothèque du Parlement sont souvent tout à fait excellents, mais leurs conclusions sont très différentes des vôtres. Dans les documents qu'ils nous ont remis, on dit que la production de maïs a augmenté au cours de la dernière décennie pour atteindre 347 millions de boisseaux en 2004, ce qui était 23 p. 100 de plus que la récolte de dix ans auparavant, et que même si la superficie moyenne ensemencée avait diminué, les rendements avaient augmenté. Mais vous dites que nous devons accroître notre production, alors que cette augmentation a déjà eu lieu d'après les renseignements qu'on m'a remis. La production a augmenté d'environ 78 p. 100 au cours des dix dernières années.
» (1725)
M. Brian Doidge: Vous parlez de l'Ontario ou du Canada?
Mme Rose-Marie Ur: Je parle du Canada.
M. Brian Doidge: D'accord. Au Canada, comme Theresa l'a dit, par exemple, nous avons augmenté la superficie ensemencée en maïs dans l'Ouest, c'est vrai. Au Québec, la superficie ensemencée en maïs continue d'augmenter, pas tellement ces derniers temps, mais il y a eu augmentation.
Mais moi, je parlais de l'Ontario. En Ontario, la superficie a diminué, passant de 1,98 million — deux millions — en 2000 à 1,6 million cette année.
Mme Rose-Marie Ur: Oui, mais nous, au comité, nous représentons le Canada. Nous aimons bien parler de notre province et de nos circonscriptions respectives, mais nous sommes ici pour défendre l'intérêt du Canada.
Merci.
M. Brian Doidge: Je dirais que c'est ce qui explique la différence dans les chiffres, oui.
Le président: Nous allons donner la parole à M. Lapierre pour les dernières questions. Nous allons essayer de terminer à temps, mais nous voulons vous donner du temps.
[Français]
M. Réal Lapierre (Lévis—Bellechasse, BQ): Ma question s'adresse à M. Legault, en tant que représentant du Québec.
D'après ce que je sais, l'ASRA aurait versé un montant de 127 millions de dollars en 2003, comparativement à un montant de 217 millions de dollars en 2004.
Dans un premier temps, j'aimerais savoir ce qui peut expliquer cet écart. Reflète-t-il vraiment la réalité? Le montant versé en 2004 s'est-il avéré suffisamment élevé pour les producteurs?
M. Benoit Legault (directeur général, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec): Pour commencer, je confirmerai les chiffres que vous avancez. L'augmentation de l'intervention du programme provincial ASRA est due en fait à l'augmentation de l'écart qui peut exister entre le prix du marché et le coût de production. L'écart dû à ce phénomène, principalement à la baisse de prix, a fait en sorte qu'en 2004, on s'est retrouvé avec des compensations beaucoup plus importantes.
Pour 2005, nos estimés actuels prévoient que ce sera encore plus haut, c'est-à-dire qu'on évalue les compensations à environ 260 ou 275 millions de dollars.
Le programme provincial ASRA permet aux producteurs de s'en tirer plus ou moins biens actuellement, mais il ne vise pas à couvrir ce genre de préjudice. L'ASRA est un programme d'assurance. Dans le passé, ce programme a bien fonctionné parce que le gouvernement fédéral intervenait lui aussi lors de périodes difficiles comme celle que l'on connaît présentement.
Actuellement, le fonds ASRA compense pour le manque de contributions du gouvernement fédéral, mais c'est une situation qui peut seulement être maintenue à court terme, parce que les montants que l'on prévoit avancer cette année en vertu de ce programme représentent presque l'enveloppe totale du fonds ASRA prévu pour l'ensemble des productions agricoles au Québec. Le situation ne peut donc pas continuer.
Cette situation a également un impact sur les primes des producteurs de grandes cultures. Cette prime qu'ils doivent payer actuellement dépasse le revenu net qui est prévu au programme, dans le cas du...
[Traduction]
Le président: Je remercie les membres du comité d'avoir posé de bonnes questions et je remercie assurément les témoins d'aujourd'hui qui nous ont présenté une question très sérieuse. Nous prenons cela très au sérieux. Nous sommes conscients que quelle que soit la décision que nous prendrons dans cette affaire, ou bien nous ferons ce qu'il faut, ou bien nous continuerons de subir un préjudice. C'est notre devoir d'écouter et c'est pourquoi nous tenons ces audiences. C'est un processus que nous trouvons très important. Il faudra voir quelle décision sera prise, mais vous avez plaidé votre cause et nous vous en remercions.
Madame Bergsma, monsieur Legault et monsieur Doidge, je vous remercie pour vos exposés. Comme je l'ai dit aux membres du groupe précédent, nous espérons avoir le plaisir de vous revoir, mais peut-être dans des circonstances plus favorables.
Merci beaucoup.
La séance est levée.